La Journée du Savoir
16 04 2009
«L’Algérie célèbre aujourd’hui Youm El Ilm», devenu traditionnel, depuis quelques décennies. Toutefois à quoi sert cette célébration ponctuelle si cette halte ne donne pas lieu à un bilan de ce qui a été réalisé, des étapes franchies en une année et de ce qui reste à faire pour que l’intitulé «Journée du Savoir» ait enfin un sens. Célébrer annuellement le cheikh Abdelhamid Ben Badis n’a pas plus de sens si au bout du compte il n’existe pas une finalité à cette initiative: donner à la jeunesse, d’une part, à l’intelligentsia algérienne, d’autre part, des raisons de croire en leur destin. Or, celui-ci semble fermé pour la majorité d’entre eux. Ainsi, la jeunesse algérienne, déboussolée, cherche son destin dans la harga et nos cerveaux dans le chemin de l’exil qui, pour les plus chanceux, peut déboucher sur une consécration, quand nombreux sont ceux qui doivent se suffire d’un recyclage comme chauffeurs de taxi ou dans la plonge dans des hôtels et restaurants parisiens ou londoniens. Or, au fil des ans, «Youm El Ilm» tend à se banaliser en des cérémonies festives où le trivial le dispute au bricolage lors d’une journée censée être l’apothéose d’une année de travail pour la science, pour la valorisation du savoir. De fait, les fondements du concept de la connaissance semblent, d’une année sur l’autre, ajournés à des lendemains meilleurs. En parallèle, nous assistons à la régression continue de l’appareil éducationnel national dans tous ses démembrements. De l’école sinistrée à l’université qui forme des analphabètes diplômés (dans le sens académique du terme), l’éducation nationale – primaire, secondaire et supérieure – a, le moins qui puisse être dit, échoué dans ses missions de formation. Et ce constat, monsieur Tout-le Monde peut aisément le faire. Le nombre impressionnant de jeunes diplômés qui n’arrivent pas à s’insérer dans la vie active, renforçant le fort contingent des sans- emploi, le nombre tout aussi révélateur des jeunes entre 16 et 18 ans exclus très tôt de l’école et des lycées, ouvrant les voies de la délinquance, attestent largement de l’échec patent de l’école algérienne. Ceux qui ont eu la chance de réussir, c’est-à-dire les cerveaux en devenir, de la même manière ne trouvent pas à s’insérer dans le tissu social de leur pays, contraints alors d’aller faire valoir leurs connaissances ailleurs. Lors d’un récent passage à Alger, le président de l’association «Joussour» (Passerelles) des Algériens résidant aux Etats-Unis, M.Hadir, a affirmé qu’il y avait aux States pas moins de 4000 docteurs algériens, qui activent dans de nombreux secteurs du travail (ingénierie, informatique, recherche scientifique, médecine…). Autant de têtes bien faites perdues pour (et par) l’Algérie. Dès lors, «Youm El Ilm» ne sert à rien si le pays continue à faire face à une telle hémorragie de nos cerveaux, remplacés -au prix fort en devises-par des ingénieurs et de la main-d’oeuvre étrangers. Face à ces déperditions de notre intelligentsia, forcée à l’exil, devant les cohortes de jeunes lycéens et collégiens auxquels n’est pas donnée la chance de poursuivre leur cursus scolaire, les chiffres égrenés annuellement par les responsables de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, n’ont pas et ne peuvent avoir de signification précise, si ce n’est un satisfecit – pour ces responsables – qui cache mal un vide béant dans les domaines de la science, de la technologie et du savoir, seuls à même d’impulser demain le décollage du pays dans tous les secteurs de promotion de l’homme. Le compter-sur- soi est à ce prix. Il faut former des jeunes pour consolider notre développement. Former pour former et, surtout, former mal, sans perspective sociale pour ces jeunes, relève au mieux de la négligence ou carrément de l’incompétence de ceux chargés du suivi de la formation des futurs cadres du pays et de l’Etat. Alors, quid de «Youm El Ilm»? – (L’Expression)
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