«L’arbre à pétrole» de Floride
29 04 2009
Une fabuleuse plante, le jatropha, séduit de plus en plus d’agriculteurs qui y voient une solution à la crise.
«Difficile de croire qu’une plante aussi miraculeuse puisse prospérer dans un tel dépotoir, n’est-ce pas ?» Depuis un an qu’elle fait la promotion du jatropha, Cecilia Cutcher n’en revient toujours pas : ce petit arbre sauvage, nouvelle coqueluche des biocarburants, pousse comme de la mauvaise herbe, sans eau, ni soin particulier. Une vraie bénédiction pour les terres arides et semi-arides de la Floride, comme ici à Fort Myers. Comme d’autres agriculteurs de la région, Cecilia Cutcher et Sue MacFarlan, auparavant employées dans l’immobilier, se consacrent donc désormais entièrement à la culture de cet «arbre à pétrole», venu des Caraïbes et déjà cultivé en Inde, en Australie, à Madagascar, au Brésil ou au Kenya. «Ce qui en fait une plante aussi fabuleuse, c’est qu’une fois ses fruits écrasés, ils donnent une huile brute, utilisable telle quelle pour des tracteurs, des générateurs, des bateaux de croisières, ou des trains. Mais raffinée, cela devient un biocarburant que vous pouvez utiliser dans votre réservoir», résume Sue MacFarlan, l’autre «Jatropha Girl» du duo. Pour la cultiver, il faut compter environ 2 dollars par plante, et les graines peuvent s’acheter sur Internet ou directement auprès de fermes. «Le jatropha est l’une des réponses en matière de biocarburant, à la crise mondiale de l’énergie», confirme Roy Beckford, chercheur à l’université de Floride.
Une huile déjà testée sur des avions
En décembre dernier, le rêve des partisans de la plante a d’ailleurs commencé à se concrétiser : Air New Zealand a fait voler un Boeing 747 en utilisant 50% de fuel classique et 50% d’huile de jatropha et réduit de moitié son empreinte carbone. Un mois plus tard, c’était au tour de Continental Airlines d’en faire autant sur l’un de ses appareils. À l’heure où l’administration Obama plaide pour l’adoption d’un plan contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le jatropha a de quoi être en odeur de sainteté. Autre atout de taille : contrairement au soja ou au colza, le jatropha curcas, de son vrai nom, ne concurrence pas la production de denrées alimentaires. Seul défaut de cette plante toutefois: sa faible résistance aux gelées occasionnelles qui frappent la Floride en hiver.
En lançant une ferme-modèle, près de Fort Myers, et 4.000 hectares de plantations prévus sur la cote est de la Floride, les deux cinquantenaires vivent leur reconversion comme une mission vis-à-vis de l’agriculture floridienne. «Pas moins de 41% de la culture des agrumes a disparu ces 8 dernières années à cause de maladies et d’importations de plants défectueux, notamment du Brésil», déplore Sue MacFarlan. «Notre mission est donc de fournir à ces agriculteurs une culture alternative qui leur permettent d’avoir des revenus décents et de ne pas vendre leur ferme ou abandonner leur métier», explique-t-elle. Et ce n’est pas Harold L. Crews II qui va les contredire. Directeur du Farmers Market où les Jatropha Girls ont fait leurs premières plantations, il a bien l’intention d’utiliser les récoltes de la parcelle pour alimenter un petit tracteur, destiné à faire du «marketing auprès des agriculteurs traditionnels». Le jatropha a déjà attiré l’attention de plusieurs groupes pétroliers, comme Chevron avec qui Cecilia Cutcher et Sue MacFarlan sont en contact. Un intérêt qu’elles vivent presque comme une revanche : «Jusqu’à présent, beaucoup de subventions et d’aides sont allées aux raffineries, mais aucune pour les agriculteurs désireux de planter du jatropha ou d’autres arbres oléifères. Mais avec la nouvelle administration Obama, c’est d’ores et déjà en train de changer».(Le Figaro)
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