La côte – Est de Béjaïa devenue une plaque tournante de la prostitution

Histoires classiques, amère réalité       

             La côte – Est de Béjaïa est célèbre pour son tourisme, sa culture et sa beauté. Habitants de la région, émigrés en vacances au pays, touristes algériens et même étrangers y viennent en nombre admirer ses collines plongeant dans la mer d’un bleu profond et les criques protectrices aux plages accueillantes. Hélas, en l’espace de quelques années, cette magnifique côte Bejaouie est devenue, de plus en plus, une plaque tournante de la prostitution.

TICHY, AOKAS, SOUK EL TENINE, MELBOU ET LES ACTEURS DE LA PROSTITUTION
À croire les dires des habitants de cette région, plus de 3 000 prostituées séjournent entre Tichy et Melbou en passant par Aokas et Souk El tenine et que derrière chaque fille se cache un proxénète. La moyenne d’âge de ces filles de joie varie entre 18 et 25 ans, certaines sortent à peine des jupons de leur mère. Elles ne sont pas encore installées et voilà déjà qu’elles arpentent les rues sombres de la région à la recherche de nouveaux clients. Elles viennent d’Alger, d’Oran, de Tlemcen, d’Annaba, de Sétif se terrer dans l’inconnu et préfèrent s’exiler, loin des leurs de peur de l’humiliation et du déshonneur. Le recours à la prostitution est le résultat d’une crise ou d’une blessure. Se prostituer peut apparaître comme une forme d’opposition à sa famille, comme une expression de colère, de révolte, voire comme une forme de suicide. La « réponse prostitutionnelle, remède pire que le mal», ne fait que piéger la personne dans un cadre qui l’exploite, amplifier l’inadaptation déjà existante, produire de nouvelles difficultés, souffrances et violences.

HISTOIRES CLASSIQUES…
Mais, pour connaître les vraies raisons sociétales de recours à la prostitution, nous nous sommes rapprochés de deux jeunes filles de joie qui ont élu domicile à une centaine de mètres de la plage d’Aokas. En une nuit, nous avons pu leur arracher les aveux nécessaires à la rédaction de cet article. À cet effet, à notre premier contact, nous avons rencontré une jeune fille algéroise à la vingtaine d’années, Naïma, le visage maquillé à outrance, son look, habillée d’un tee – shirt bleu et une petite jupette rouge, pour ne pas passer inaperçue, elle essaye d’offrir aux passants un air indifférent et détaché et elle nous raconte son malencontreux accident «défloration » de la part de son ex – compagnon. «Il m’a promis de m’épouser … Pourquoi n’aurai – je pas cru en ses promesses … Hélas, une fois son forfait terminé, il a pris ses distances … » et d’y ajouter : «L’annoncer à mes parents était la chose la plus dure de ma vie ; comme j’étais un peu mince, et que mon ventre grossissait de jour en jour, je décidais de ne plus sortir car tout le monde dans le quartier savait que je n’étais pas mariée ». Hélas, à cinq mois de grossesse, sa mère s’aperçoit du «péché», témoigne Naïma. Une fois son état révélé à sa famille et partagée entre le déshonneur, la honte et la peur, la fuite après que son frère ait failli la tuer. L’avortement, interruption volontaire de la grossesse étant considérée comme un crime par l’article 304 du Code pénal algérien, seuls, les avortements thérapeutiques en milieu médical y sont autorisés, s’ils mettent en danger la vie de la mère ; l’enfant «inattendu» est né, un fruit d’une relation secrète et d’un acte «animal» odieux.Ne pouvant plus supporter ce déshonneur, la malheureuse, s’est vite trouvée sans refuge dans la rue. Aokas devenait sa seule destination, nous dit – elle.

       

 JUSQU’À 10 000 DA PAR JOUR…
À la question de connaître les raisons qui l’ont poussée à choisir Aokas comme destination privilégiée de ces mouvements à l’intérieur du pays, Naïma répond sans hésitation : «la région est très fréquentée par des clients potentiels qui viennent, généralement, des wilayas avoisinantes et ce que gagnent d’autres filles dans l’Est algérien en une année, je le gagne en un mois à Aokas !» Quant à Nesrine, cette jeune – minette de 19 ans, décolleté plongeant et vêtements ultra moulants, cette autre «vendeuse de charme», originaire d’El – Eulma (Sétif), rencontrée, à une heure tardive, à deux pas de son appartement «cédé symboliquement par un de ses clients », aurait été victime d’un «viol» de la part de son copain plus âgé qu’elle de 15 ans : « Avant de passer à l’acte, il m’a forcée à lui obéir en me blessant à l’épaule et au pied droit avec un couteau … Et après avoir couché plusieurs fois avec lui, j’ai appris à me soumettre pour éviter la violence» nous confie – t-elle d’un air regrettable et avec des mots difficiles à avaler. Hélas, huit mois après le début de «sa soumission», un petit corps bouge dans son ventre : «Trouve une solution pour te débarrasser de l’enfant si tu veux rester dans cette maison», lui dira sa mère et à un mois de son accouchement, elle commence à chercher des âmes charitables pour lui permettre de cacher le bébé se trouvant dans son abdomen. Que faire alors ? Avec les ressources mises de côté, elle fuit chez une amie à Sétif – ville, un peu moins marginale. Puis vint l’accouchement dans la demeure de cette dernière… Cette compagne «s’est très bien occupée d’elle» et le vrai cauchemar a commencé après l’enfantement. Nesrine refuse de voir sa fille, elle est complètement déprimée et signe l’abandon momentané de son enfant (abandon limité à trois mois). De retour chez elle, la misérable est confrontée au pire. Elle est “le déshonneur de la famille”, “la prostituée”. Son quotidien se résume à des tâches ménagères, des insultes et des coups que lui administrent ses soeurs et sa mère. Au bout de cette période, elle décide de quitter, définitivement, la maison parentale et ce avec l’aide d’un proxénète qui lui a conseillé la région d’Aokas, d’après ses dires. À une heure et demie de trajet par taxi, la jeune malheureuse se retrouve à Aokas. De la «1ère passe» qu’elle a faite, dès son arrivée, avec un jeune de la région à «2500 DA» elle a pu relooker son corps !! Nouvelle coiffure, nouveaux habits à la mode … profession oblige ! Le soir même, Nesrine a pu s’adapter au climat prostitutionnel de la région. C’est ainsi que la jeune recrue» dans le monde de la débauche se fait désirer et sa clientèle, composée, essentiellement , de riches hommes d’affaires venus, en majorité, des wilayas avoisinantes, vient, de jour en jour,compléter son agenda de rendez – vous. D’un homme à un homme, Nesrine, en six mois, devient une riche jeune prostituée ! Pour Nesrine, la fornication à Aokas représente une activité génératrice de revenus : «Pour une moyenne de cinq «passes» par jour, j’arrive à ramasser jusqu’à 8000 DA, en basse saison. Dès fois, il m’arrive de toucher 5000 DA pour un seul «accouplement» ! C’est génial, me diriez – vous ? En revanche, en haute saison, la vie me sourit profondément ! J’y gagne jusqu’à 10 000 DA par jour. Bien sûr, à déduire de ce montant les sommes à dépenser pour la coiffure, 3 fois par semaine, le hammam (les lundis), la nourriture, les habits à la mode, les cartes de recharge des mobiles, le tabac … Ce qui veut dire que mon revenu journalier se situe, approximativement, entre 6000 et 7000 DA pour les cinq, dix, dix – huit et trente de chaque mois (les jours de virement !) et les jours restants, entre 3000 et 4000 DA …. Ce que j’appelle, les jours de repos !!!» Et d’y ajouter d’un air dégoûtant : «De ce que je gagne, je dois verser 50 %, quotidiennement, pour mon «Chikour» (le proxénète)

  DERRIERE CHAQUE FILLE, UN PROXO
À Béjaïa, la prostitution implique trois acteurs : la prostituée, le client et le proxénète où chacun y trouve son intérêt. Cependant, en raison de l’illégalité et de la clandestinité dans lesquelles elle évolue, il est impossible de décrire parfaitement la réalité de la prostitution. D’autant plus que notre société traite, habituellement, le cas de la prostituée, plutôt que celui des deux autres protagonistes. Le client demeure le grand inconnu du système prostitutionnel. Malgré son invisibilité, il est néanmoins à la base de toute relation prostitutionnelle. Pourquoi ignore-t-on le rôle-clé qu’il joue? Le proxénète c’est celui qui s’adonne au proxénétisme, soit une activité illicite consistant à tirer profit de la prostitution d’autrui ou à la favoriser. La côte-Est de Béjaïa regroupe, généralement, deux catégories de proxénètes : de contrainte et de soutien. Le premier consiste à favoriser la prostitution d’autrui ou à en tirer profit, dès lors que cette activité agit sur le consentement des personnes, que ce soit pour l’annihiler ou pour l’altérer. Ce type de proxénète a recours à la violence physique, à l’intimidation, aux ruses et aux pressions de toutes sortes pour forcer une personne à se prostituer ou à continuer de se prostituer. Le second, se contente d’aider, de protéger ou de profiter de la prostitution d’autrui, sans exercer ni pression ni violence sur la personne prostituée et sans en organiser l’exploitation. Ce soutien, direct ou indirect, peut, par exemple, permettre au client et à la prostituée de se rencontrer en leur fournissant un lieu de rencontre ou en les mettant en contact. La protection peut aussi se manifester lorsqu’un client agresse la prostituée. En échange, la vendeuse de charme verse une certaine somme d’argent au proxénète. Le revenu de ce dernier est parfois faramineux. Il peut y atteindre la moyenne de «2000 à 3000 DA» par jour. Par ce fléau, il faut comprendre que tôt ou tard, les jeunes femmes qui se prostituent finiront par contacter des maladies sexuellement transmissibles, vénériennes, respiratoires et grossesse non désirée, tous faits aggravés par l’âge et la durée de la prostitution. En plus du Sida, elles arrivent ainsi à une dépravation totale, avec une déchéance psychologique et physique qui les transforme donc en véritable loque humaine. Malgré tout, la réinsertion est un travail de longue haleine, une véritable reconstruction. Il faut apprendre à retrouver un corps qui, longtemps nié et découvrir ses propres forces, souvent ignorées… Si la réinsertion concerne l’ensemble de la politique sociale, elle doit aussi s’appuyer sur des services spécialisés, lieux ouverts chaleureux où les personnes peuvent trouver une écoute active. Ces espèces de paroles agissent comme des lieux d’ancrage. Ils permettent, en partenariat avec d’autres acteurs sociaux, de traiter la globalité des problèmes, tout en répondant, grâce aux outils de droit commun qu’offre notre société, à l’urgence des réalités : travail, logement, santé, accès aux diverses prestations sociales …(Le Courrier d’Algérie- 28.05.09.)

 ******************************

Tout porte à croire que les autorités de wilaya à leur tête le wali, comptent éradiquer les lieux de débauche qui ont pris une ampleur incroyable à travers toute la région y compris dans des zones enclavées jadis et connues pour leur intolérance zéro à l’égard de ce fléau. En effet, en moins de quinze jours deux endroits de ce type ont été fermés et leurs propriétaires présentés devant la justice qui les a condamnés à des peines de prison ferme assorties de fortes amendes. Le premier établissement qui a subi la loi régissant ce genre d’établissement est un hôtelrestaurant situé dans la ville balnéaire de Souk-El-Tenine distante de quelques 30km à l’est de Béjaïa. Les services de sécurité qui ont fait une virée sur les lieux ont surpris des filles mineures à l’intérieur de cet établissement qui sert également de lieu de prostitution comme avaient témoigné ces mêmes filles venues des quatre coins du pays.Ensuite vint le tour d’un établissement du même genre situé à Boulimat sur la côte ouest de la commune de Béjaïa où le propriétaire a défié toutes les lois de la République en transformant son hôtel en véritable maison close sans parler de l’arrêté datant de plusieurs années lui interdisant toute forme d’activité pour la simple raison que ledit propriétaire n’est pas détenteur d’un agrément lui permettant une activité liée au tourisme.Pour rappel, les services de sécurité avaient procédé en février dernier à la fermeture allant d’un à six mois, de quatorze bars restaurants au niveau de la wilaya en raison des fermetures tardives ou à cause de la présence de filles mineures dans ces endroits. Ce coup de force intervient suite à une vague de mécontentement de la majorité des citoyens de la région dont certains se disent s’interdire les plages et les campings familiaux à cause de la prolifération de ces lieux de débauche qui se sont multipliés en quelques années seulement à tel point que lorsque on trouve un bar ou un hôtel sans la présence des filles de joie le citoyen affiche une sorte d’étonnement. Fautil encore rappeler que la population de la ville de Souk-el-Tenine est sortie dans la rue au début de l’année en cours revendiquant le fermeture pure et simple de certains établissements qui ont nargué toue cette population en «recrutant» au vu et au su de tous, des prostituées qui s’affichaient ouvertement même dans la rue.Une chose est cependant sûre : avec le retour des brigades de la Gendarmerie nationale dans cette région ainsi que la volonté affichée par les autorités d’éradiquer ce fléau lié à la prostitution dans certains établissements touristiques, les citoyens de la wilaya de Béjaïa ne feront qu’applaudir de telles actions qui leur permettront enfin de profiter des atouts naturels qu’offre cette région transformée en quelques années comme l’une des meilleures « recruteuses » de prostituées au niveau national.

************************

*Un espace pour la dignité humaine

Louable est cette initiative de créer un centre pour la promotion et la consolidation des droits de l’homme. Dans un monde aux incommensurables changements, se consacrer la condition humaine est un défi, une noble aspiration. La wilaya de Béjaïa dispose d’un centre qui oeuvre pour les droits de l’homme. C’est un espace indispensable pour toute la région. Le Centre de documentation et d’information en droits de l’Homme (Le CDDH) est lancé le 18 avril 2007. Soutenu par la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l’homme), cet organisme implanté dans la wilaya de Béjaïa, dans la cité Seghir (96 logements) est le troisième centre de documentation en droits de l’Homme en Algérie, après celui d’Alger ouvert en janvier 2006 et celui de Annaba ouvert le 26 septembre 2006. Ce centre est d’une superficie de 91 m2 et d’une capacité d’accueil d’environ 50 places. Equipé de 4 micro-ordinateurs ; il est encadré par un documentaliste et un aide documentaliste. À l’intérieur du siège, il y a une bibliothèque qui contient plus de 1 000 titres spécialisés en droits de l’Homme, une médiathèque, une documentation électronique et une Connexion Internet gratuite pour les adhérents. Le CDDH cible essentiellement les Universitaires, les étudiants, les journalistes, les professionnels du droit et les militants du mouvement associatif. Il restera ouvert à tous les citoyens qui désirent développer leurs connaissances et leurs cultures en matière de droits de l’Homme. Les ouvrages de la bibliothèque du centre sont classés sur la base des thématiques suivantes : Philosophie des Droits de l’Homme, Droit international humanitaire, Droit des femmes et enfance, législation algérienne, droit européen, droit de l’Homme et environnement, ONG internationales, ONG maghrébines et la presse écrite. Cette classification est appelée à se développer avec le plan de développement du centre en matières de nombre de titres et de leurs contenus. Pour la médiathèque, Les documents électroniques contiennent plusieurs CD sur les thématiques suivantes : Droits de la personne Humaine, sites des droits de l’Homme, Législation algérienne, droits des femmes et enfance et bien sûr des revues des ONG. Le Centre de documentation et d’information en droits de l’Homme aspire de devenir un carrefour incontournable pour tous les gens qui s’intéressent à la condition humaine. C’est plus qu’indispensable dans un monde où l’humanisme a tendance à devenir un slogan insignifiant.Avec le temps, ce centre, compte s’ouvrir davantage à la société civile pour toucher le grand monde. C’est dans cette optique que sera invité incessamment Maître Ali Yahya Abdennour pour signer son livre « Dignité humaine », paru aux éditions Inas. Ce rendezvous d’envergure sera une opportunité pour débattre de la question des droits de l’homme en Algérie avec un grand homme, sincère et courageux, qui milite depuis des décennies pour un idéal sublime. Même si la bêtise humaine sous toutes ses formes ne cesse de faire des injustices dans notre pays et ailleurs, des femmes et des hommes se battent pour un lendemain meilleur. Ces gens infatigables préfèrent être des « fous » qui espèrent que des lâches qui désespèrent des évènements, comme le dit si bien l’immense écrivain Albert Camus.(Le Courrier d’Algérie)