La France endettée de 1430 milliards d’euros
30062009
La dette française a doublé en douze ans
717,30 milliards d’euros fin 1997. 1430 milliards au premier trimestre 2009. En douze ans, la dette de la France (état et administrations publiques) a quasiment doublé. Les chiffres publiés mardi matin par l’Insee sont d’une cruelle réalité. En cinq ans, l’Etat a été contraint d’emprunter 500 milliards d’euros de plus. Cela représente un quart de sa richesse nationale ! Imaginons un ménage, endetté à hauteur de 74% de ce qu’il gagne sur une année. Quelle banque accepterait de lui prêter de l’argent ? La France, elle, n’a pas cette difficulté. Au contraire : le Trésor a émis 6 milliards d’euros d’obligations à trente ans, la semaine dernière, à un taux de 4,50%, particulièrement raisonnable.
De fait, la dette française continue de séduire les marchés, certes un peu moins que l’allemande mais largement plus que celle des autres pays européens. Pour preuve, le dernier bulletin mensuel de l’agence France Trésor (l’agence gérée par Bercy chargée d’emprunter sur les marchés pour le compte de l’Etat), rappelle que la dette française est détenue à près de 65% par des investisseurs non résidents. En novembre 2007, cette proportion était de 58% environ.
Jusqu’où cette situation pourra-t-elle durer ? «Eternellement», disent les keynésiens ! Pour ces derniers, l’Etat peut s’endetter sans s’inquiéter. Comme il a le privilège de battre monnaie, il peut toujours rembourser ses dettes, quitte à en contracter de nouvelles. En fait, le véritable signal de semonce pourrait venir des agences de notation, chargées de délivrer une note aux emprunts d’Etat. Jusqu’à présent, la France bénéficie de la meilleure possible, «AAA». Mais cette situation ne durera pas toujours. Que les agences dégradent ne serait-ce que d’un cran la note française et tout pourrait changer : nombre d’investisseurs étrangers, en particulier les banques centrales, n’ont en effet pas le droit de souscrire à des emprunts qui ne soient pas absolument sûrs, c’est-à-dire «triple A». Une telle situation obligerait la France à relever les taux d’intérêt versés pour attirer d’autres investisseurs. In fine, cela aboutirait à renchérir le coût du service de la dette, c’est-à-dire le versement des seuls intérêts.
Les agences de notation n’ont pas manifesté, pour le moment leur intention de dégrader la note française. Mais si aucun signal ne leur est envoyé sur la maîtrise des déficits publics, elles pourraient sérieusement l’envisager…(Le Figaro-30.06.09.)
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*L’éditorial d’Alexis Brézet, directeur de la rédaction.
*Trop de dette tue la dette
On en a moins parlé que de la « surprise du chef » : l’entrée de Frédéric Mitterrand au gouvernement. Et pourtant, le rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques (française)s, présenté mardi par son président, Philippe Séguin, mérite d’être lu, relu et médité. Ses chiffres implacables, ses courbes vertigineuses en disent davantage sur les périls qui guettent la maison France que les mille et un avatars d’un « simple réajustement » devenu « grand remaniement ». Les déficits publics ? Ils explosent : plus de 7 % du PIB en 2009. La dette ? Elle bondit : 80 % du PIB aujourd’hui, 90 % en 2012, et 100 % en 2018 si la tendance n’est pas inversée ! La crise, bien sûr, pousse à la dépense et écrase les recettes. Mais elle n’est pas seule en cause : la moitié de notre déficit ne lui doit rien. La France était malade de ses déficits bien avant la crise, elle le sera après. D’où, face à cette menace de «l’emballement de la dette», l’avertissement solennel – «Il y a urgence!» – de Philippe Séguin.
Faut-il, dans ces conditions, s’endetter davantage pour financer des dépenses nouvelles ? Nicolas Sarkozy, sur les conseils d’Henri Guaino, inlassable croisé de la réhabilitation de l’Etat (dont l’ironie veut qu’il ait été jadis l’inspirateur de Philippe Séguin !), devait-il, pour couvrir les «investissements de l’avenir», annoncer un «grand emprunt» ?
Du point de vue de la cohésion nationale, les avantages d’un emprunt proposé au public (ce sera probablement l’option retenue, en dépit d’un coût plus élevé) sont bien connus : c’est l’occasion de souder les Français autour d’un projet collectif et fédérateur. La confiance, et donc la croissance, ont tout à y gagner. Du moins tant que l’inflation reste sage : les petits épargnants n’apprécieraient guère d’être remboursés en monnaie de singe.
Philosophiquement, l’idée du « bon déficit » et donc de la « bonne dette » est loin d’être absurde. Emprunter pour préparer l’avenir, c’est le ressort même de l’acte économique. Les entreprises le savent bien, qui investissent tous les jours à crédit. Les ménages aussi, qui font la différence entre s’endetter pour acheter un appartement et creuser leur découvert au supermarché. Il n’en va pas différemment des Etats : autant la dette, lorsqu’elle est destinée à financer les dépenses courantes, est un prélèvement indu sur les générations futures (c’est malheureusement le cas, chez nous, depuis fort longtemps !), autant lorsqu’elle finance des dépenses qui augmenteront demain la richesse nationale (éducation, formation, recherche, nouvelles technologies…), elle peut être considérée comme un investissement…
Encore faut-il ne pas se tromper de dépense! Les parlementaires, les partenaires sociaux, les responsables économiques, les acteurs de la culture, de la recherche et de l’éducation, dont Nicolas Sarkozy attend qu’ils définissent les «priorités nationales», se montreront-ils à la hauteur de la tâche ? Seront-ils, à l’arrivée, plus clairvoyants que la « main aveugle du marché » ? Gare aux surenchères corporatistes et au syndrome du « guichet ouvert » ! L’Etat, par le passé, a su « porter » le nucléaire, Airbus ou le TGV, mais combien de milliards a-t-il englouti dans des échecs pharaoniques ?
Encore faut-il aussi avoir les moyens de supporter le coût de ces investissements, si judicieux soient-ils, en attendant qu’ils produisent leurs fruits ! C’est sans aucun doute là que le bât blesse aujourd’hui. Trop de crédit tue le crédit : après trente-cinq ans de laxisme budgétaire, la France ne peut tout bonnement pas se permettre d’ajouter de la dette – fût-elle bonne – à sa mauvaise dette, d’empiler de nouveaux déficits – fussent-ils riches de promesses futures – sur ses anciens déficits. Si elle veut dépenser davantage à dette constante (ce ne serait pas du luxe !), elle n’a que deux solutions : augmenter les impôts ou faire de « bonnes » économies.
Les impôts ? Nicolas Sarkozy a fermement repoussé cette perspective et il a eu mille fois raison. Détentrice du record mondial des prélèvements fiscaux et sociaux, l’économie française ne s’en remettrait pas. Ce serait provoquer un choc de défiance économique… et politique.
Restent les économies. C’est tout l’enjeu de la mission – ô combien périlleuse – assignée au nouveau gouvernement qui, ne nous leurrons pas, ne résoudra rien s’il se contente d’une simple « chasse au gaspi ». Luc Chatel poursuivra-t-il l’effort de réduction des effectifs dans l’Education nationale ? Brice Hortefeux trouvera-t-il un moyen d’endiguer la croissance géométrique des dépenses des collectivités territoriales ? Xavier Darcos conduira-t-il à bon port la réforme des retraites ?… Autant de défis, parmi bien d’autres, qui ne sauraient être relevés qu’avec le soutien ferme et déterminé de Nicolas Sarkozy. Les ministres changent mais, face à la dette, une obligation demeure : celle du courage politique.(le Figaro_26.06.09.)
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