Hassan Hattab:Il n’y a pas de Qaida en Algérie
6072009Une première en Algérie; l’ancien émir du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat accorde un entretien à Echorouk et fait le point sur son initiative de soutien à la réconciliation nationale et de dissuasion des éléments armés de se rendre.
Q…Depuis l’adhésion du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat à Al Qaida en 2006, les groupes armés ont repris leurs activités, attirant de nouveau vers eux l’attention des médias à l’intérieur et à l’étranger vu l’impact de leurs opérations armées. Cette adhésion à Al Qaida est-elle réelle ou est-ce seulement une propagande ?
J’avais déjà auparavant refusé catégoriquement d’adhérer à l’organisation d’Al Qaida lorsque j’étais émir du GSPC mais certains membres voulaient l’intégrer. Quand nous avons cessé l’action armée, nous avons mis en garde les autorités contre les tentatives du GSPC de faire allégeance à Al Qaida et que ceci apporterait de gros problèmes dont les opérations suicide que nous rejetons, le ternissement de l’image des exégètes auprès des jeunes ainsi que le rapt des étrangers qui nuisent à l’intérêt national et qui invitent à l’ingérence de pays étrangers.
Q…Y a-t-il réellement une organisation d’Al Qaida en Algérie dite Al Qaida du Jihad au Maghreb Islamique ?
Je vous le dis franchement: L’adhésion du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat à Al Qaida n’est que formelle. Il n’y a aucune relation entre les deux organisations, aucune coordination directe, ni d’ordres reçus de la part d’Al Qaida….
Il y avait auparavant des contacts avec Abou Mossab Al Zerqaoui, mais aucun lien direct entre les deux organisations. L’adhésion du GSPC à Al Qaida s’est faite pour sauver la face et relever le moral des troupes, car, franchement, le groupe salafiste a perdu sa légitimité et sa crédibilité suite à notre retrait. Par l’annonce de l’adhésion, le GSPC se jetait en quelque sorte dans les bras d’Al Qaida pour maintenir dans le Groupe les éléments qui étaient en proie au doute.
Q…Il semblerait que ces dernières années, le recrutement de nouveaux membres pour le groupe salafiste refait surface. Pourquoi certains jeunes rejoignent aujourd’hui l’action armée?
La récurrence du recrutement est due à plusieurs raisons : Nous avons cessé le combat en 2003 et sommes restés en négociations jusqu’à 2005, nous avons exposé au régime notre vision pour éradiquer la crise, nous avons demandé le rétablissement de la justice… Le président de la république a appelé à la réconciliation et nous l’avons acceptée, nous avons suivi ses discours à la télé à de nombreuses occasions appelant à la réconciliation et nous étions prudents de peur que le système ne tienne pas ses promesses et se rétracte. Nous avons répondu à l’appel du président, des Ulémas et du peuple qui a voté pour la concorde civile en 1999. Nous avons dialogué et présenté une plate-forme de revendications y compris la possibilité pour les repentis de bénéficier de tous les droits pour qu’il n’y ait pas de citoyens de première, seconde et troisième classe. Nous avons également demandé la libération des détenus et la réhabilitation des licenciés.
Q….La visite de prédicateurs et d’exégètes en Algérie a-t-elle trouvé écho auprès des éléments armés, d’autant que ces cheikhs ont pris position contre la Fitna, les tueries et les attentats ?
Je suis certain que les frères au maquis ont suivi de près les visites des prédicateurs et d’exégètes en Algérie. Ils lisent la presse et écoutent la radio en dépit de la difficulté d’obtenir le journal, mais ils savent comment y accéder notamment quand ils rendent visite à leurs proches. Lorsque les ulémas ont parlé de ce qui se passait en Algérie en 1999, nous avons revu nos positions et été convaincus par leurs propos. Nous avons continué à écouter et à étudier les enregistrements jusqu’à ce que nous ayons décidé d’arrêter l’action armée en 2003, surtout que nous connaissons la place de ces ulémas tels Ibn Baz, Ibn Atheimène et Al Albani. La présence actuellement d’exégètes et de prédicateurs influe sur les éléments armés parce qu’ils ont conscience de leur savoir. C’est ce qui les pousse à bien réfléchir sur ce qu’ils font.
Q….Le régime a-t-il changé de méthode dans votre traitement ?
Le régime prenait avant une orientation exterminatrice ce qui a resserré l’étau sur certaines mosquées et amené à leur fermeture, en plus des arrestations arbitraires. La venue du président Bouteflika a changé pas mal de choses, le discours a changé et nous avons commencé à percevoir une amélioration de la situation et un réel désir de dépasser la crise. Nous avons suivi avec attention et étudié les discours du président Bouteflika, et quand nous avons senti la sincérité de ses propos, nous avons décidé de soutenir sa politique pour parvenir à des résultats satisfaisants. Nous savons qu’il existe certaines parties qui ne veulent pas la réconciliation mais nous appuyons le président dans ce processus ainsi que les efforts sincères des ulémas et les éléments armés qui sont revenus à la société.
Q…Quelle est la référence du Groupe Salafiste et celle des exégètes qui ont de l’influence sur ces jeunes ?
La plupart des jeunes sont salafistes, et donc, ils respectent les savants d’Al Hedjaz. Abou Mohammed Al Maqdisi a également une grande importance pour eux qui suivent ses Fatwas et ses opinions…
Il y a des prédicateurs en Algérie qui, s’il leur était permis, auraient concouru à convaincre les jeunes de se rendre. Je pense que les visites des ulémas contribueront positivement à éteindre le feu de la Fitna et à conduire les jeunes sur le droit chemin. J’attire l’attention des frères des médias sur la nécessité de s’adresser aux jeunes avec souplesse, sagesse et raison, et non pas en pointant sur eux un doigt accusateur ou en les critiquant, car c’est là où ils fuiront la juste voie.
Q….Parfois les exégètes évoquent des questions sans s’attarder sur les détails qui pourraient être importants comme la récompense divine à ceux qui déposent les armes… Vos efforts pour convaincre les éléments armés à cesser l’action armée, ont-ils abouti ?
Franchement, notre travail requiert une continuité, et ce n’est pas du jour au lendemain qu’on obtient des résultats. Il faut beaucoup de patience et de persévérance. Aujourd’hui, nous expliquons, nous orientons, nous lançons des appels et nous organisons des rencontres avec les gens du savoir pour récolter dans l’avenir les fruits de ces efforts. Ceci ne concerne pas seulement les jeunes au maquis mais également ceux qui sont tentés par l’action armée… Ils se rendront compte de leur erreur et de leur violation des principes de la Charia. Nous étions émirs et responsables au GSPC, et avec cela, lorsque nous avons su la vérité, nous n’avons pas trouvé d’autre échappatoire que d’adhérer à la réconciliation et nous l’avons soutenue et promue. Nous avons œuvré et nous œuvrerons à convaincre les éléments armés à adhérer à la réconciliation. Notre rétractation ne nous a pas mis dans l’embarras, puisque nous sommes revenus vers le juste chemin.
Q…Auriez-vous quelques mots à l’adresse des hommes armés au maquis ?
Je dis à ceux qui sont au maquis et à ceux qui voudraient les rejoindre que l’action armée en Algérie est illégitime, et c’est pécher que de rester là-bas… L’état a ouvert les portes de la réconciliation pour toute personne désireuse de déposer les armes. Il faut donc saisir l’opportunité et revenir vers la société. Comme preuve, nous sommes revenus, et rien ne nous est arrivé.
Q….Auriez-vous un message à l’adresse du système ?
Nous lui demandons d’accélérer la régularisation de la situation des repentis qui ont adhéré à la réconciliation, du point de vue de la justice et socialement parlant, pour que ceux qui hésitent à déposer les armes puissent croire en la sincérité et la volonté de l’Etat à traiter la crise et ses retombées. Si l’Etat avait dépensé pour la réconciliation le dixième ce qu’il a dépensé pour la lutte antiterroriste, la crise serait finie. C’est ainsi que la sécurité s’installe et que les blessures se ferment. Si Dieu le veut. (Echorouk-06.07.09)
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