Les derviches tourneurs turcs à Alger
10092009
L’ensemble des derviches tourneurs de Konya de Turquie est à Alger. Mardi soir, à la librairie Socrate à Alger, à la faveur des « mille et une news » qu’organise depuis le début du Ramadhan le quotidien El Djazaïr news et qu’anime Ryadh Aberkane, des musiciens et des danseurs de cette troupe ont donné un petit spectacle, en avant-goût d’une grande soirée prévue à la salle Atlas à Bab El Oued, demain vendredi, à l’invitation de l’Office national de la culture et de l’information (ONCI).Avec une flûte, un violon et un quanoun, les musiciens de Konya ont installé les lieux dans une ambiance de musique sacrée d’Anatolie. A côté, un danseur, malgré l’espace réduit, a tourné selon la tradition soufie du Sama, consacrée par Mevlana (mawlana) Jalaleddine Er-Roumi, fondateur de l’ordre des Mevlevi devenu, au fil des siècles, derviches tourneurs. Main droite levée vers le ciel, comme pour implorer Dieu et recueillir sa grâce, il pivote sur lui-même en dirigeant la main gauche vers la terre comme pour semer la grâce recueillie. D’habitude, les derviches tourneurs « samazines » dansent jusqu’à la transe, manière de dépasser soi pour l’amour de Dieu. Ils tournent sur eux-mêmes et autour de la salle pour symboliser les cycles de l’univers. « La rotation est une manière de célébrer Allah et ses créations. Le mouvement de la vie est circulaire, la Terre tourne autour du Soleil, la Lune autour de la Terre, le sang dans le corps. Toute la création tourne autour d’un centre », explique Yasar Cuhadar, membre de la troupe Konya. Lors du débat modéré par le journaliste Abdelkrim Sekkar, des questions ont été posées sur l’habit des derviches tourneurs : la tunique blanche, le manteau noir et la toque cylindrique. « La tunique blanche symbolise le linceul, l’habit noir la tombe et la toque la pierre tombale », a expliqué Yasar Cuhadar.
Poète et homme de lettres mystique d’origine persane, Jalaleddine Er-Roumi, qui est né à Khorasan en Afghanistan, a longtemps vécu à Konya, la célèbre Iconium de l’antiquité et ancienne capitale du sultanat Seljoukide, avant d’y décéder en 1273. C’est dans cette ville d’Anatolie centrale qu’il avait fondé la confrérie des Derviches tourneurs, inspirée par son ami Chamseddine Tabriz, un soufi iranien. Jalaleddine Er-Roumi a composé presque 40 000 vers de poésie et écrit 3000 quatrains (roubayiat). Il avait beaucoup écrit sur la philosophie de l’éthique et de la spiritualité, sur ses idées sur le bien et le mal, sur la prédestination et sur la volonté. Jalaleddine Er-Roumi a laissé pour l’éternité de célèbres conseils : « Sois comme l’eau courante pour la générosité et l’assistance/Sois comme la mer pour la tolérance/Sois comme le soleil pour l’affection et la miséricorde/Sois comme la mort pour la colère et la nervosité/Sois comme la terre pour la modestie et l’humilité… » En Europe, Eva de Vitray-Meyerovitch a fait connaître l’œuvre du poète soufi à travers la publication de plusieurs ouvrages dont Le Chant du Soleil et Rûmî et le soufisme. Hassan Massoudy a, lui, calligraphié les Quatrains de Rûmi, qui sont aussi célèbres que ceux d’Al Khayyam. En 2007, l’Unesco a célébré le 800e anniversaire de la naissance de Jalaleddine Er-Roumi, présenté comme « un des plus grands poètes, philosophes et érudits de la civilisation islamique ». Si les peuples d’Afghanistan, d’Iran et de Turquie le considèrent comme l’un des leurs, il n’en reste pas moins qu’il est le poète de tous, lui qui disait : « Je ne distingue pas le parent de l’étranger », a noté l’Unesco qui lui a consacré une médaille.
La tradition des derviches tourneurs (interdite à la venue de Mustapha Kemal Attaturk au pouvoir à Istanbul avant d’être rétablie) s’est répandue dans tous les pays voisins de la Turquie, comme la Syrie, la Macédoine, la Bosnie et l’Egypte. En Turquie, les jeunes cherchent à comprendre les idées de Mevlana et en fairde des débats. Mevlana disait : « Moi, j’aime les gens et chacun doit aimer son frère. S’il y a des tueries dans le monde musulman, c’est à cause de cette absence d’amour », relève Yasar Cuhadar. Selon Abdelkrim Sekkar, en Occident, le soufisme donne une image tolérante de l’Islam, un Islam d’humanisme. « C’est la raison pour laquelle le soufisme est combattu par les extrémistes. Mais il est regrettable qu’on parle plus de soufisme que d’Islam », a-t-il relevé. Mené par Deur Erdem, l’ensemble des derviches tourneurs de Konya existe depuis 1996. Il est composé d’une vingtaine de membres entre musiciens, chanteurs et danseurs. Il a produit plusieurs albums. Ses concerts attirent toujours les grandes foules, notamment au festival annuel de la musique mystique qui est organisé chaque hiver. L’ensemble Konya ne cesse de faire des tournées à travers le monde, soutenu par le ministère turc de la Culture et du Tourisme : Etats-Unis, Corée du Sud, Indonésie, Canada, Grande-Bretagne, Chine, Slovénie… C’est la première fois qu’il se produit en Algérie, troisième pays arabe visité après le Maroc et les Emirats arabes unis. F. M.
Concert de l’ensemble des derviches tourneurs de Konya (Turquie) à la salle Atlas, Bab El Oued, Alger Vendredi 11 septembre, à partir 21h30. (El Watan-10.09.09.)
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