LES GÂTEAUX DE L’AÏD À LA COMMANDE

*Autres temps, autres moeurs 

Contrairement aux années précédentes durant lesquelles les femmes attendaient impatiemment l’approche de la fête de l’Aïd El-Fitr pour mettre en valeur tout leur savoir-faire en matière de préparation de gâteaux traditionnels, une nouvelle mode semble, ces deux dernières années notamment, avoir fait son bonhomme de chemin à Annaba, où la commande des gâteaux «spécial fête de l’Aïd» s’est transformée en un véritable commerce florissant. Qu’elles soient fonctionnaires ou simples femmes au foyer, nombreuses sont ces mères de familles qui ont délaissé cette traditionnelle habitude de préparer soi-même ses gâteaux de l’Aïd en y apportant, chacune à sa manière et sa culture, sa touche personnelle qu’elle aura à présenter avec une certaine fierté le jour de la fête à sa famille et invités. Aujourd’hui, de plus en plus de foyers ont opté pour la commande de gâteaux, préparés soit chez des femmes au foyer ayant investi ce domaine, soit chez les pâtisseries qui consacrent les derniers jours du mois de Ramadhan à cette activité. Tout au long des rues commerçantes de la ville, des tables où est délicatement exposée une gamme de délices aux formes, couleurs et parfums variés et captivant le regard des passants attirés par les nouveautés introduites à chaque fois sur tel ou tel modèle ont fait leur apparition. Les femmes, accompagnées le plus souvent par leurs petits, marquent d’interminables haltes devant les tables garnies de gâteaux traditionnels connus ou nouveaux, avant de se décider à acheter. Les prix sont variables et oscillent entre 350 DA à 900 DA le kilogramme de gâteau, en fonction de sa nature et des ingrédients utilisés pour sa préparation. Ce sont, en fait, des jeunes hommes, sourire aux lèvres et attentionnés, qui se livrent à cette activité très lucrative, selon El Hadj Mokhtar dont l’épouse a opté, depuis cinq ans déjà, pour l’achat des gâteaux. C’est à la suite de son intervention chirurgicale que ma femme avait au départ eu recours à la commande de gâteaux traditionnels destinés à la célébration des fiançailles de mon fils. Depuis, elle a toujours continué à le faire, jugeant que la qualité allait de pair avec le prix». Et puis, ne cessait-elle de répéter, cela revenait pratiquement au même, avec toutefois moins d’efforts physiques. Selma, une fonctionnaire de son état, a d’emblée exprimé son approbation et son entière satisfaction de pouvoir enfin trouver le produit-qualité répondant à son goût et son penchant. Certes, a-t-elle ajouté, les recettes de gâteaux grands -mères demeurent irremplaçables et uniques. Mais ce temps où la femme prenait tout le soin et passait des jours à préparer ses «chers» gâteaux, semble être révolu. De plus, les familles ne se contentent plus, aujourd’hui, des trois ou quatre modèles. Elles sont tout le temps à l’affût de nouvelles formes, goûts et couleurs, aux prix à chaque fois un peu plus chers que les précédents. Seules les petites bourses ressentent la charge inhérente à ce nouveau sacrifice. Les vitrines achalandées d’une multitude de gâteaux attirent, de nuit comme de jour, des consommateurs dont leur nombre va en s’accentuant à mesure que la fête de l’Aïd approche. Aïcha, pour sa part, ne se fie pas à ce genre de commerces et préfère, selon ses dires, commander ses gâteaux chez une cousine qui s’adonne à cette activité depuis plus d’une dizaine d’années. «Ces gâteaux faits à domicile sont sollicités par tous ceux qui gouttent à ses délices. Elle a l’art et la manière», a-t-elle confiée tout en expliquant que de nombreuses femmes travailleuses et même au foyer ont tendance à délaisser cette vieille et pourtant chère habitude de préparer chez soi ces recettes. Avant on se contentait de s’échanger les modèles ou recettes de gâteaux. Les voisines se rassemblaient pour discutaient de la série de gâteaux traditionnels à essayer. Aujourd’hui, cette habitude n’est plus qu’un souvenir que les plus aînées se remémorent avec une certaine nostalgie. La commande de gâteaux traditionnels aux modèles variés est de plus en plus à la mode. Hormis certains gâteaux très prisés tels  »le makrout »,  »le croquant » et  »la greyba », les familles semblent avoir opté pour la facilité en consacrant un budget spécial à cet achat qui vient compléter la joie de l’Aïd. Mama Laarem, pour qui la préparation des gâteaux de l’Aïd chez soi est sacrée, affirme qu’il s’agit là d’une tradition à perpétuer qu’elle ne pourra pour rien au monde délaisser, a-t-elle dit, précisant que c’est un moment de joie que les femmes de son âge apprécient et  »savourent ». La commande des gâteaux traditionnels fait perdre à cette fête son charme, a-t-elle encore ajouté, tout en se désolant de voir de nombreux foyers s’éloigner d’année en année de cette tradition. (Le Courrier d’Algérie-19.09.09.)