L’affaire Ben Barka,une nouvelle mascarade
3102009
** A quoi joue la justice française ?
En 24 heures, la justice française a décidé d’une chose et son contraire dans la tristement célèbre affaire de l’assassinat de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris.
Après avoir donné jeudi le feu vert au parquet pour diffuser des mandats d’arrêt internationaux contre quatre hauts responsables marocains qui sont l’actuel chef de la gendarmerie royale, le général Hosni Benslimane, et l’ancien chef des services de renseignement de Sa Majesté, Abdelhak Kadiri, Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, un membre présumé du commando marocain auteur de l’enlèvement, et Abdelhak Achaâchi, agent du Cab 1, une unité secrète des services marocains, le parquet de Paris a demandé, vendredi, la suspension de la procédure. Motif ? Interpol aurait exigé des « précisions supplémentaires », selon la chancellerie. Pourtant le ministère français de la Justice, censé bien connaître la procédure en pareille situation, a avalisé les mandats. Ceci d’autant plus que ces mandats d’arrêt ne datent pas d’aujourd’hui puisqu’ils ont été signés en octobre 2007 par le juge parisien Patrick Ramaël. Qui pourrait croire, en effet, que la justice française, si méticuleuse, ait pu se tromper sur la consistance d’un dossier aussi brûlant ? Surtout pas la famille du disparu, Mehdi Ben Barka, qui a tôt fait de monter sur ses grands chevaux pour dénoncer ce qu’elle qualifie de « raison d’Etat ».
« C’est une mascarade. Un même ministère qui se déjuge en 24 heures, c’est une manifestation flagrante et cynique de la raison d’Etat », s’est écrié Béchir Ben Barka le fils du défunt, rapporte l’AFP. « On ne sait pas ce que cache ce revirement. La ministre de la Justice a-t-elle été déjugée par l’Elysée ? Y a-t-il une volonté de ne pas chercher la vérité ? Si c’est le cas, cela doit être dit », a ajouté le fils de l’ancien opposant marocain. La colère du fils de Ben Barka n’a d’égale que sa réjouissance jeudi à l’annonce de la diffusion des mandats d’arrêt. « Nous disons enfin. Car ces mandats d’arrêt ont été lancés il y a 2 ans par le juge Ramaïl, avant qu’ils ne soient bloqués par le ministère de la Justice ,français. » Et d’enchaîner : « On va peut-être entendre ces témoins qui détiennent une part de vérité sur la mort de mon père. » C’est donc une profonde désillusion qui succède au soulagement éphémère d’une famille privée même du droit de savoir où est caché le corps du défunt.
Indépendante de… sa volonté
« Ce qui nous intéresse au premier plan, c’est de connaître la vérité. Mon père a été assassiné à Paris. Nous ne savons pas où est son corps, où il est enterré. Nous ignorons où se trouve le lieu de sa sépulture. C’est important pour notre famille de se recueillir sur ce lieu », souligne encore Béchir Ben Barka. Mais le fils devra apparemment attendre encore longtemps avant de savoir enfin où repose (?) le père. Et c’est naturellement le début d’un sulfureux feuilleton politico-judiciaire à rebondissements en France et peut-être aussi au Maroc. Qu’est-ce qui a pu bien se passer en effet entre jeudi et vendredi pour que la justice française se déjuge de la manière la plus imprévue qui soit ? Y a-t-il eu des interférences politiques pour que les hauts responsables marocains, notamment le chef de la gendarmerie royale encore en poste, ne soient pas traînés devant les tribunaux ? Y aurait-il un lien entre l’annulation des mandats d’arrêt et la visite annoncée du roi Mohammed VI en France ? Une chose est certaine, cette affaire est tellement fumante qu’elle ne peut être réduite à quelques arguties juridiques qui auraient pu retarder ou reporter la procédure.
Habituée à étouffer ce genre d’affaire au nom de la raison d’Etat, la France ne souhaite manifestement pas se mettre à dos son « ami le roi » avec ce scandale encombrant, quitte à tordre le cou à sa propre justice vivement décriée ces derniers temps. Cette mansuétude, dont a fait preuve la chancellerie française à l’égard des hauts responsables marocains pourtant clairement mis en cause, n’a pas été de mise quand il s’est agi du diplomate algérien Rachid Hasseni retenu près d’une année sous le fallacieux prétexte qu’il aurait été le commanditaire présumé de l’assassinat de l’opposant Ali Mecili. Le responsable algérien mis en cause sur la base d’une simple dénonciation d’un ancien officier déserteur a même subi l’humiliation des tests ADN pour prouver son innocence. Cependant, les responsables de l’Etat français avaient brandi alors l’étendard de l’indépendance de la justice. Mais cette affaire de mandats d’arrêt diffusés puis annulés contre les commanditaires présumés de la disparition de l’opposant marocain prouverait au contraire que la justice française est indépendante mais de sa volonté…(El Watan-04.10.09.)
**Encore une fois, la procédure aura bon dos dans l’affaire du leader marocain, Mehdi Ben Barka, assassiné le 29 octobre 1965 à Paris. C’est elle, en tout cas, qui est mise en cause dans cette histoire de mandats d’arrêt internationaux émis par Interpol contre quatre dignitaires marocains, mais aussi vite retirés. En d’autres circonstances, il en est qui n’ont pas eu cette chance. Tout s’est passé très vite – quelques heures seulement – pour que l’optimisme s’efface avec brutalité devant l’inverse. C’est ce que pense le fils de l’opposant marocain qui refuse de croire qu’il s’agit de virgule déplacée ou de paragraphes inversés, après avoir cru que le dossier était effectivement sorti de l’oubli et que la machine judiciaire était réellement lancée. C’était en tout cas sa première réaction et la plus logique, après des années d’attente, à la suite de l’annonce des quatre mandats d’arrêt. Même si ce sentiment était ambivalent, et il avait totalement raison lui qui, malgré cette annonce, déclarait tout de même demeurer prudent devant la multiplication des « fausses bonnes annonces » tout au long de cette enquête.
Une joie éphémère que seule la raison d’Etat, comme lui-même le déclare, peut produire. « Un même ministère qui se déjuge en 24 heures, c’est une manifestation flagrante et cynique de la raison d’Etat », soulignait hier Bechir Ben Barka à la suite de la décision du parquet de Paris demandant la suspension de la diffusion des quatre mandats d’arrêt émis en octobre 2007 et pourtant avalisés par le ministère français de la Justice il y a quelques jours. Evidemment, pas besoin d’attendre la moindre explication ou d’autres, celle qui est donnée étant jugée peu crédible ; une administration, quelle qu’elle soit, ne peut se permettre de telles erreurs, même si l’on cite Interpol, l’organisme de police international, comme étant celui qui demande des précisions. Est-ce une manière de donner du temps au temps et attendre que ce qui reste comme témoins ou acteurs encore en vie, vienne à disparaître ? C’est en tout cas la crainte du plaignant qui rappelle avec force que « chaque année compte car les témoins vieillissent et nous n’aimerions pas que la vérité parte au fond d’une tombe ». Jouer le temps pour éviter que cette affaire qui avait fait grand bruit en raison des faits eux-mêmes, puisqu’un opposant a disparu en plein centre de la capitale française et de l’envergure de la victime suffisamment forte pour menacer le régime marocain. Une affaire de gros bras et de barbouzes, dit-on, souvent sans jamais identifier quelque partie que ce soit jusqu’à l’année 2007 où un juge décide de quitter les pages du roman noir pour appeler les choses par leur nom et sortir sa liste. Avec des noms et pas n’importe lesquels. Et voilà que la machine se grippe. Même mort, Ben Barka marque avec force les relations entre la France et le Maroc, et la vérité que réclament sa famille et ses nombreux partisans fait peur visiblement.(El Watan-04.10.09.)
**************************Mascarade
Le ministère public (France)a suspendu vendredi la diffusion des mandats d’arrêts lancés jeudi par Interpol à l’encontre de quatre ressortissants marocains, dont le chef de la gendarmerie royale.
Interpol a demandé jeudi l’arrestation de quatre ressortissants marocains, dont le chef de la gendarmerie royale. ..Plus de quarante ans après la disparition en France de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka, Interpol dispose désormais d’une liste de suspects qui pourraient être arrêtés s’ils venaient à quitter leur pays. Ces derniers jours, quatre des cinq mandats d’arrêts internationaux signés il y a deux ans par un juge d’instruction parisien ont été notifiés à l’organisation internationale. Leur diffusion, via le Bureau central d’Interpol en France, fait suite à un récent feu vert du ministère de la Justice.
L’un des mandats vise le chef de la gendarmerie royale marocaine, le général Hosni Benslimane. Les trois autres visent Abdelkader Kadiri, ancien patron de la Direction générale des études et de la documentation (DGED, renseignements militaires), Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, l’un des membres présumés du commando marocain qui aurait enlevé Ben Barka, et Abdlekak Achaachi, agent du Cab 1, une des unités ultra-secrètes des services marocains. Un cinquième n’a pas été relayé, suite à un problème de vérification d’identité.
En 2007, la signature de ces mandats par le juge Patrick Ramaël, en pleine visite de Nicolas Sarkozy au Maroc, avait plongé la délégation française dans l’embarras. Le président français s’était alors retranché derrière le principe d’une justice «indépendante». Cette fois, la diffusion des mandats d’arrêts internationaux intervient après une visite de trois jours du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux à Rabat, où il s’est notamment entretenu avec son homologue Chakib Benmoussa.
«Surprise» au Maroc
Du côté marocain, on avoue sa «surprise» de voir ressurgir cette affaire. «C’est une ancienne histoire qui revient à la surface chaque fois qu’une partie occulte veut salir les relations excellentes entre le Maroc et la France», commentait-on jeudi soir au ministère marocain de la Justice. Une précédente intruction, en 1967, avait déjà conduit au gel des relations diplomatiques franco-marocaines durant deux ans. Ben Barka a été enlevé en 1965 devant la brasserie Lipp à Paris, lors d’une opération menée par les services marocains du roi Hassan II avec la complicité de policiers et de truands français. Son corps n’a jamais été retrouvé.
«Chaque année compte car les témoins vieillissent et nous n’aimerions pas que la vérité parte au fond d’une tombe. Tout laisse à penser que mon père a été assassiné mais ce qui nous intéresse, c’est de connaître la vérité», a commenté vendredi le fils de Bechir Ben Barka. «S’il y a une réelle volonté politique, il faut qu’ils soient entendus par un juge marocain», a-t-il ajouté.
Puis on annonce que le parquet de Paris vient de demander la suspension de la diffusion de quatre mandats d’arrêt dans l’affaire Ben Barka. Interpol, qui avait diffusé ces mandats il y a quelques jours après le feu vert du ministère de la Justice, «a demandé des précisions afin de les rendre exécutables. Sans ces précisions, ces mandats sont inexécutables», a expliqué le parquet
Le fils de Mehdi Ben Barka dénonce une «mascarade»
Pour l’avocat de la famille Ben Barka, en charge du dossier depuis 44 ans, on a de nouveau bloqué l’affaire. A la question de savoir qui a agi en ce sens, Me Maurice Buttin a répondu sur France Info vendredi soir qu’il «faudrait vous adresser directement à l’Elysée» pour le savoir…Le fils de Mehdi Ben Barka, Bachir, a quant à lui dénoncé une «mascarade». «C’est des deux côtés de la Méditerranée que le blocage intervient», a-t-il déploré, estimant que «les complicités qui ont permis que mon père disparaisse à Paris, se poursuivent, pour empêcher la justice de faire son travail. La vérité fait toujours peur».
Ben Barka, chef de file de l’opposition marocaine en exil et figure emblématique du tiers-mondisme, a disparu le 29 octobre 1965 devant la brasserie Lipp à Paris, lors d’une opération menée par les services marocains du roi Hassan II, avec la complicité de policiers et de truands français. Cette affaire n’a jamais été totalement élucidée malgré deux instructions judiciaires : le corps de Ben Barka n’a toujours pas été retrouvé et les conditions de sa mort n’ont pas été établies. (Source-le Figaro,03.10.09.)
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