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Chirac gardera l’image d’un homme «courageux»

31102009

**Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre et sénateur du Territoire de Belfort (MRC), estime que Jacques Chirac, renvoyé devant la justice pour «détournement de fonds publics» et «abus de confiance», restera avant tout dans l’histoire comme «l’homme qui s’est opposé à George W. Bush contre l’invasion de l’Irak».

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*Ce que l’on reproche à Chirac

L’affaire qui vaut à l’ex-président français d’être renvoyé devant la justice pour «détournement de fonds publics» et «abus de confiance» concerne des emplois fictifs à la mairie de Paris entre 1992 et 1994.

coeur- L’ancien président de la République Jacques Chirac a été renvoyé en correctionnelle vendredi dans le dossier des chargés de mission de la Ville de Paris. Il est renvoyé pour les chefs de «détournements de fonds publics» pour les faits présumés commis entre le 1er mars 1994 et le 16 mai 1995 – la veille de son élection à la présidence de la République – et d’«abus de confiance» pour les faits datant d’octobre 1992 à mars 1994. Communiquée de source judiciaire et par le bureau de l’ex-président, l’information n’a encore fait l’objet d’aucune annonce officielle de la part du palais de Justice de Paris. Jacques Chirac est soupçonné d’avoir fait «engager et rémunérer par la Ville de Paris», un certain nombre de collaborateurs. L’information judiciaire visait au départ 43 emplois présumés fictifs de «chargés de mission» à la mairie de la capitale sur une période courant de 1983 à 1998, soit du début du deuxième mandat de maire de Jacques Chirac aux trois premières années de son successeur Jean Tiberi. Elle va montrer que plusieurs élus, militants ou proches du parti fondé par Jacques Chirac, le RPR, ont bénéficié des services de collaborateurs ne mettant jamais les pieds dans les bâtiments municipaux, mais pourtant enregistrés parmi les 20.000 employés ou agents de la Ville. Les sommes en jeu évoquées pour ces emplois avoisinent 3,5 millions d’euros.

Selon une source judiciaire, la juge Siméoni a estimé que les détournements présumés concernaient finalement 13 emplois de chargés de mission rémunérés par la mairie de Paris mais «employés dans des structures extérieures à la Ville de Paris», et trois emplois de chargés de mission «sans affectation aucune», pendant la période mars1994- mai 1995. La juge a requalifié en «abus de confiance*» 21 emplois de complaisance présumés payés par le cabinet du maire entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994. Quant aux faits antérieurs au 26 octobre 1992, ils sont prescrits.

Un procès aura-t-il lieu ? C’est ce que souhaite la juge d’instruction à travers sa décision mais le parquet peut faire appel de cette décision par l’intermédiaire du procureur de la République de Paris Jean-Claude Marin. Il a cinq jours à compter de la transmission de l’ordonnance de renvoi pour se décider. Il renverrait ainsi l’examen de l’affaire à la chambre de l’instruction de Paris, dans un délai probable de six mois à un an. Cette dernière devant décider à son tour de l’opportunité d’un renvoi de l’ex-président.

Que risque Jacques Chirac ? Selon l’article 432-15 du code pénal, le délit de détournement de fonds publics est passible de dix ans de prison, 150.000 euros d’amende et une inéligibilité automatique de dix ans sauf si le tribunal décide de relèver cette peine. L’abus de confiance est lui passible de trois ans d’emprisonnement et de 375000 euros d’amende, d’après l’article 314-1 du même code pénal.

* L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

Le détournement de fonds publics est le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission. (le Figaro-30.10.09.)

******«Pourquoi chercher à blesser Chirac maintenant ?

RÉACTIONS – Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre de Jacques Chirac, affirme ne pas comprendre le renvoi en correctionnelle de l’ex-président. Noël Mamère trouve au contraire cela «normal».

coeur- Philippe Goulliaud analyse les premières réactions politiques au renvoi en correctionnelle de Jacques Chirac. Pour e chef du service politique du Figaro, on assiste à plusieurs lignes de fractures au sein des deux camps.

Dominique Paillé, porte-parole adjoint de l’UMP : «Jacques Chirac est un personnage que les Français aiment bien, il est dommage qu’en sa fin de carrière personnelle, il soit renvoyé en correctionnelle, tout simplement parce que c’est sans doute pour un président de la République une épreuve très douloureuse, et pour l’image de la France, pas forcément très positif», a-t-il déclaré sur France Info. «On peut regretter cette issue», a-t-il ajouté.

Jean-Pierre Raffarin, ex-premier ministre de Jacques Chirac : «Franchement, envoyer au tribunal un homme qui a participé à la vie de notre République pendant près de 50 ans, pour ces motifs, je ne comprends pas», écrit le sénateur UMP de la Vienne. «Pourquoi chercher à le blesser maintenant ? Pourquoi porter atteinte à la fonction présidentielle? Pourquoi encourager ceux qui s’attaquent à l’image de la France?», s’interroge-t-il. Selon lui, «les Français ont répondu à la question du bilan de la vie politique de Jacques Chirac : il est l’homme politique français le plus populaire!».

Jean-Pierre Grand, député UMP (villepiniste): «Je ressens comme un acharnement malsain. C’est d’ailleurs ce que me disent les gens dans ma ville. Jacques Chirac ne mérite pas ça. Au départ, on lui reprochait quelque 500 emplois fictifs, maintenant plus que 21 et on le renvoie en justice… A l’arrivée qu’est-ce qui restera ? Zéro emploi ? En tout cas, on aura usé physiquement et moralement un homme pendant des mois et des mois.»

Jean-François Copé, patron des députés UMP : «Cette nouvelle m’a fait de la peine, parce que j’ai toujours eu pour Jacques Chirac beaucoup de respect et d’affection», a-t-il déclaré sur France Inter. «J’ai été son ministre pendant cinq années, il m’a toujours fait confiance et je sais ce que je lui dois», a ajouté le député de Seine-et-Marne.

Quant à Nicolas Sarkozy, il a déclaré qu’il ne pouvait «faire aucun commentaire» sur le renvoi en justice de son prédécesseur, en raison du «principe de la séparation des pouvoirs».

Bernard Bled, ex-directeur de cabinet de Jacques Chirac, également mis en examen dans cette affaire : «Ma première réaction est une réaction un peu attristée. Traduire un président devant un tribunal, ce n’est pas ordinaire dans notre pays et c’est aussi lourd de signification.»

Jean-François Probst, ancien collaborateur à la mairie de Paris : la juge d’instruction Xavière Simeoni «a bien fait son travail de juge. S’il en était advenu un résultat différent, on aurait dit favoritisme, resquille.» «Je crois que c’est sûrement bon pour lui et bon pour l’image de la France dans le monde, que au fond la justice française fonctionne plutôt bien», a-t-il dit à l’AFP-TV. Selon lui, Jacques Chirac «aura été un peu le Johnny Halliday tel qu’on l’aime de la politique française. On a tous en nous quelque chose de Johnny ou de Chirac».

Henri Cuq, député UMP des Yvelines et proche de Jacques Chirac : «Je regrette profondément cette décision parce que je considère qu’aujourd’hui Jacques Chirac avait le droit de vivre en paix», a-t-il déclaré sur RTL. «Quant à lui, il est naturellement serein et décidé à établir devant un tribunal qu’il n’y avait pas de système d’emplois fictifs à la ville de Paris puisque seuls 21 emplois sur 500 qui ont été examinés par la justice posent encore question», a-t-il poursuivi.

«Jacques Chirac est maintenant un monsieur vieillissant»

Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste : «Cette décision rappelle l’importance de conserver une juge d’instruction indépendant», a-t-il dit. «Quand il n’y aura plus de juge d’instruction, est-ce qu’on pourra voir ces affaires jugées?, a-t-il demandé. «Et qui met en place cette réforme, c’est Nicolas Sarkozy? Il n’y a aucun hasard!», assure le responsable socialiste qui déplore que «cette affaire soit jugée si tard».

André Vallini, député socialiste de l’Isère : «Je suis partagé entre deux sentiments, [celui de] la satisfaction de voir que la justice fonctionne de façon indépendante dans notre pays, [répondant à] l’exigence républicaine», et le sentiment que cette mise en examen «vient bien tard», puisque «ces affaires remontent à 15 ans en arrière», a-t-il expliqué, également sur France Info. «Jacques Chirac est maintenant un monsieur vieillissant, retiré de la vie politique, très populaire en plus», même si «cela ne doit pas entrer en ligne de compte».

Noël Mamère, député-maire Verts de Bègles : «Je dirai que ce n’est que justice. La justice, après avoir été soumise, prend un peu plus de responsabilité et de risques», a-t-il réagi sur France Info. «Je n’ai pas du tout d’acharnement contre la personne de Jacques Chirac, mais je pense [qu'on] ne peut pas continuer plus longtemps de protéger ceux qui ont accédé au sommet du pouvoir et se sont protégés eux-mêmes», a-t-il lancé. Le député a donc estimé «normal» que «l’ancien président, dont le nom a été cité dans plus de six affaires [...] vienne s’expliquer».

François Hollande, ancien premier secrétaire du PS : «J’éprouve comme tout un chacun un malaise par rapport à une affaire qui est ancienne et qui resurgit aujourd’hui, et [...] parce qu’il s’agit de Jacques Chirac, un ancien président», a-t-il réagi sur i>télé, sans compter que «ce n’est quand même pas la meilleure promotion» pour la France à l’étranger.

«Pas du tout anormal»

Eric Halphen, le juge qui avait instruit pendant douze ans l’affaire des HLM de Paris, avant d’en être dessaisi en 2001 : «Il n’est pas du tout anormal, pour parler sous forme d’euphémisme, qu’une fois que le président n’est plus président la justice reprenne son droit.» Eric Halphen a en outre estimé qu’il est «certain» qu’»un bon nombre de l’entourage de l’ancien président de la République a été impliqué avec plus ou moins d’importance dans un certain nombre d’affaires».

Avant l’annonce du renvoi en correctionnelle de l’ancien président, Ségolène Royal, présidente PS de la région Poitou-Charentes, avait déclaré : «Ce sont des affaires très anciennes. Jacques Chirac, sans doute, a beaucoup de choses à se reprocher si la justice le poursuit, mais en même temps, il a aussi donné beaucoup au pays. Aujourd’hui, c’est un homme qui mérite d’être tranquille», a-t-elle déclaré sur Europe-1, peu avant l’annonce du renvoi. «Il faut que la justice soit la même pour tous, [...] pour les petits comme pour les puissants, a-t-elle concédé, même s’il le mérite, je pense que ce n’est pas bon pour l’image de la France.

Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP : «Le parquet a dit qu’il n’y avait pas lieu selon lui de renvoyer. Ce n’est pas une affaire qu’on découvre aujourd’hui», a-t-il assuré sur RTL. «Comme il y a déjà eu des jugements, en ce qui me concerne, je pense qu’il n’est pas utile de revenir encore et encore en arrière», a-t-il poursuivi. (Le Figaro-30.10.09.)

**Pour Philippe Goulliaud, chef du service politique du Figaro, le renvoi en correctionnelle de Jacques Chirac marque un «changement de monde».«Les hommes politiques ne sont plus intouchables»

****Les gaullistes «trinquent» en France

Après Alain Juppé, Charles Pasqua, Dominique de Villepin, c’est le tour de l’ex-président français Chirac.

Ses partisans le qualifient d’homme chaleureux et généreux. Ses biographes le décrivent comme un bon vivant au parler cru et ses adversaires voient en lui un «versatile», sans vision. L’ex-président français, Jacques Chirac, 76 ans, a été renvoyé devant le tribunal de Paris dans une affaire d’emplois fictifs, dont les faits remontent à l’époque où il était maire de Paris. Il lui était, notamment reproché d’avoir facilité l’embauche de 35 emplois litigieux. S’il est vrai qu’il s’agit d’une première dans l’histoire de la Ve République, il est tout aussi vrai que dans cette affaire c’est le gaullisme qui trinque en France. Pour les observateurs, ce n’est pas parce que le personnage de Chirac captive l’attention qu’il contrarie la volonté d’examiner à froid ce dossier mais parce que celle-ci s’apparente à une cabale. Il y a comme une machine enclenchée contre les partisans du gaullisme. L’ancien Premier ministre, Alain Juppé (1995-1997) et l’ancien ministre de l’intérieur, Charles Pasqua (1993 à 1995), sont mis en cause dans l’affaire de l’Angolagate. Et enfin Dominique de Villepin condamné dans l’affaire Clearstream. Quel péché a donc commis De Gaulle pour s’attirer les foudres de ses détracteurs plus de 40 ans après sa mort? Peut-être qu’en acceptant le principe d’autodétermination en Algérie en 1962, a-t-il «trahi» ceux qui ont cautionné son retour au pouvoir en 1958. Chirac, qui traîne la casserole du gaullisme, a donc fait pire en proposant ce qu’aucun président français n’a osé faire: un traité d’amitié avec l’Algérie à l’image de ce qui a été fait entre la France et l’Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dans son sillage, cette affaire qui promet des rebondissements inattendus, sert et gène à la fois l’actuel président français Nicolas Sarkozy. Elle le sert dans la mesure où elle permet de taire, un tant soit peu, une nouvelle polémique contre M.Sarkozy à propos du Sommet de l’UPM dont le coût faramineux – 16,6 millions d’euros a été fustigé par le premier président de la Cour des comptes Philippe Séguin. Elle le gène parce que ces accusations risquent d’atteindre toute la famille politique de Sarkozy surtout que l’instruction du dossier Chirac a été menée par Xavière Siméoni, une juge connue pour avoir instruit de nombreux dossiers complexes et sensibles politiquement comme les affaires «pétrole contre nourriture» ou «Total». L’ancien président «prend acte de cette décision en justiciable comme les autres». Selon son entourage «il est serein et décidé à établir devant le tribunal qu’aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif».
L’instruction visait 35 emplois présumés fictifs sur une période courant de 1983 à 1998, soit du début du deuxième mandat de M.Chirac à la mairie de Paris aux trois premières années de son successeur, Jean Tiberi. M.Chirac est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris uniquement pour «21 supposés emplois fictifs», selon son service de presse. Au moins neuf personnes au total sont renvoyées devant le tribunal correctionnel de Paris, neuf autres bénéficiant d’un non-lieu dont Bernard Bled, ancien secrétaire général de la mairie de Paris, a-t-on précisé de source judiciaire.
Dans cette affaire le parquet, représentant le ministère de la Justice, avait requis un non-lieu général, estimant que les faits antérieurs à 1992 étaient prescrits et que l’enquête n’avait pas permis de caractériser l’infraction pour les faits postérieurs. Si le nom de M.Chirac est apparu dans plusieurs affaires judiciaires, celle des chargés de mission est la seule pour laquelle il a été inculpé. Parmi les bénéficiaires présumés de ces emplois, figure un ancien préfet, soupçonné d’avoir bénéficié d’un chauffeur payé par le cabinet du maire de Paris.
Il s’agit du seul contrat signé de la main de Jacques Chirac. L’ancien chef d’Etat a endossé la responsabilité de ces embauches par la mairie de Paris, arguant de leur utilité, et nié tout détournement.
Le renvoi devant le tribunal correctionnel de l’ancien président, n’était pas souhaité, à droite comme à gauche, dans la classe politique française. (L’Expression-31.10.09.)