Le burger halal déchaîne les politiques français
25 02 2010Depuis novembre, la chaîne de restauration rapide Quick a remplacé le bacon par de la dinde fumée dans huit de ses établissements. A Roubaix, le maire PS réagit face à une offre qu’il juge «discriminatoire». Le Front national parle lui de «diktat».
Le Quick de Roubaix est le seul établissement d’une chaîne de restauration rapide de la ville.
Depuis le 30 novembre dernier, impossible de déguster un Strong Bacon au Quick de Roubaix. Et pour cause : dans la commune du Nord-Pas-de-Calais comme dans sept autres villes françaises, la chaîne de restauration rapide a décidé d’interdire à titre expérimental le bacon. En le remplaçant, dans tous ses sandwichs, par de la dinde fumée.
A la base, le fast food voulait proposer un choix à ses clients entre un menu classique et un sa version halal. Mais la direction de Quick France explique avoir voulu «se concentrer sur une seule chose à la fois», peut-on lire dans La Voix du Nord. Résultat : la viande de porc a été rayée de la carte.
Pendant deux mois, la mesure a bénéficié d’un écho assez limité, Quick communiquant très peu sur cette expérimentation. Mais à l’approche des élections régionales, cette mesure prend un tour très politique. Premier à monter au créneau, René Vandierendonck, le maire de Roubaix et vice-président sortant du conseil régional. Il évoquait samedi dans La Voix du Nord une mesure «discriminatoire». «Quick est la seule enseigne nationale de fast food à Roubaix. Ce n’est pas normal qu’un seul produit halal soit mis à la disposition des consommateurs», explique-t-il mercredi au figaro.fr. «Je dis oui à la diversité, et non à l’exclusivité». Le maire, qui assure être en négociation avec la direction régionale de Quick, se dit «prêt à saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde)», si la chaîne tarde à revenir sur sa position .
Dimanche, Marine Le Pen est elle aussi venue alimenter la polémique en dénonçant un «diktat » sur Canal+. La vice-présidente du Front nationale, tête de liste aux régionales dans le Nord-Pas-de-Calais, estime «que chacun soit à sa place. Il faut que les musulmans expriment leur désir de vivre leur foi personnelle dans la sphère privée, sans empiéter dans la sphère publique.»
A un mois du premier tour des régionales, le menu unique de Quick se retrouve donc au cœur de la campagne dans le Nord-Pas-de-Calais. René Vandierendonck se défend de faire le jeu du Front National. «Contrairement au FN, je ne réfute pas à Quick le droit d’avoir une offre halal, surtout à Roubaix, où la population musulmane est importante. Je présume qu’on peut obtenir à l’amiable un retour à la diversité.» Le maire de Roubaix réfute aussi de toute visée électoraliste. «Je connais bien la question de la diversité. J’ai siégé dès 2001 au Haut conseil à l’intégration et j’ai participé à un rapport sur l’islam en France». René Vandierendonck se contente selon lui de «relayer auprès de Quick ce que tous les consommateurs de Roubaix pensent».
Mais pour Marine Le Pen, le maire de Roubaix est conscient de l’intérêt électoral d’une telle affaire. «Il ne s’est jamais prononcé sur la question. Et là, il fait une grande annonce qui d’ailleurs ne tient pas juridiquement. C’est grotesque !», tempête la tête de liste FN, interrogée par lefigaro.fr. La vice-présidente du parti frontiste va plus loin en assurant que «le PS et l’UMP, qui cautionnent la soumission de la population à la loi islamique, craignent le FN. Ils ne comprendront le message que par le vote». Réponse le 14 mars, lors du premier tour des régionales. (Le Figaro-17.02.2010.)
*Quick teste son burger halal dans certains restaurants.
Le message est clair: «c’est un test, comme nous en réalisons beaucoup dans nos restaurants et nous ne communiquons pas sur les tests». C’est à peine si les équipes de la chaîne de fast-food confirment les informations déjà avancées par la presse. Il faut dire qu’en plein débat sur l’identité nationale, Quick craint peut-être les amalgames et les réactions passionnées. La chaîne de fast-food teste donc en toute discrétion, depuis le 30 novembre, la vente de hamburger à la viande halal certificats à l’appui- dans huit de ses 350 restaurants français. Le marché est en plein boom en France, porté par un taux de croissance annuel de plus de 10%. Cinq millions de Français consomment régulièrement ces produits, et le chiffre d’affaires du secteur atteint quatre milliards d’euros en 2009, devançant largement le « bio » et ses 2,6 milliards d’euros de résultats.
Huit restaurants tests
L’expérience doit durer quelques mois, six selon le quotidien le Parisien, et concerne les fast-food d’Argenteuil et Garges-lès-Gonesse dans le Val d’Oise, Buchelay dans les Yvelines, Marseille, Toulouse, Roubaix et Villeurbanne dans le Rhône.
La question de l’extension de la diffusion de ces nouveaux produits à d’autres restaurants de l’Hexagone ne sera décidé qu’à l’issue du test « si l’intérêt commercial de l’offre et sa faisabilité technique sont confirmés », précise Quick. L’utilisation de viandes halal et non-halal dans les mêmes cuisines nécessitant une bonne organisation logistique. Quick serait alors la première grande chaîne à se lancer sur le créneau. McDonald’s, le numéro 1 du burger, a confirmé qu’il ne comptait pas encore mettre en place de projet similaire. (Le Figaro)
*****La grande distribution a l’appétit halal …
C’est une déferlante de produits alimentaires pour les musulmans dans les étals des hypermarchés. Mais certaines enseignes n’assument pas ce positionnement.
C’est une première sur les écrans français. Aux heures de grandes écoutes, les téléspectateurs ont pu visionner sur TF1 et M6 des spots vantant les «plats cuisinés Zakia halal». La marque, issue du groupe Panzani, est la première du genre à accéder à une telle visibilité. Son concurrent, IslaDélice, s’était offert en juillet plusieurs millions d’affiches en France dont certaines sur les Champs-Elysées. Ces deux opérations marketing témoignent de ce que ce marché a changé de dimension. Rappelons que pour être halal (terme qui signifie en arabe «autorisé»), un article ne comporte ni alcool ni porc, et la viande provient d’une bête égorgée par un sacrificateur musulman, sans étourdissement préalable. Selon le cabinet de marketing Solis, le secteur affiche en 2009 un chiffre d’affaires de quatre milliards d’euros (hors restauration collective), porté par un taux de croissance annuel de plus de 10%. Par comparaison, le bio n’atteint que les 2,6 milliards d’euros. Au total, ce sont cinq millions de Français qui consomment régulièrement ces produits.
Du foie gras et du champagne halal
Antoine Bonnel a ouvert en 2004 le premier salon «halal, ethnique et kascher». Chaque année, on y trouve toutes les tendances du moment : burgers, lasagnes, nems, yaourts, biscuits, bonbons sans gélatine de porc, foie gras et même du champagne sans alcool. Le business n’est évidemment pas étranger à cette vague : Evian a étonnamment fait certifier «halal» son eau, garantissant que ses bouteilles n’ont pas côtoyé de trop près celles d’alcools. Une précaution notamment destinée au marché malaisien.
La grande distribution n’entend plus rester inerte face à un marché aujourd’hui couvert à 80% par des boucheries traditionnelles. La plupart des hypermarchés disposent de leur rayon dédié. On y trouve Fleury-Michon, Maggi, Herta et Panzani en version halal. Auchan compte au total 80 références en charcuterie, une quarantaine de surgelés et une trentaine de produits traiteur destinés à ses clients musulmans. «98% de nos magasins proposent ces articles», assure Stéphane Renaud, acheteur en produits du monde. Les acteurs du hard discount (Leader Price, ED, Lidl, etc.) ont aussi investi ce créneau. Plus que par enseigne, c’est le critère géographique qui commande la présence ou non de gammes halal dans les étals. «Elle est plus fournie dans les hypermarchés de Marseille où la communauté musulmane est plus importante que dans ceux de Bordeaux», explique Florence Blackler, sociologue à l’unité anthropologique de l’université Aix-Marseille.
Le grand écart des hypermarchés
Toute la difficulté est d’attirer le client musulman sans déplaire aux autres. Labeyrie a subi une vague de pétitions qui a circulé sur internet lorsque ce producteur de foie gras a commercialisé un produit halal. De la même façon, certains blogs ont promptement réagi aux publicités de Zakia, appelant au boycott des enseignes vendant cette marque. Pour ménager les uns et les autres, les publicitaires font le grand écart, ayant recours à des slogans vantant l’exotisme des produits. Le cœur de cible comprend, les autres tolèrent… «Plutôt que de parler de ramadan, nous communiquons sur l’orient pour toucher le plus grand nombre. Tout le monde mange du couscous en France», plaide Stéphane Renaud. Fondateur d’Al-Kanz, portail des consommateurs musulmans francophones, Fateh Kimouche ne cache pourtant pas son exaspération devant les catalogues portant l’inscription «mille et une saveurs de l’Orient». «Nous ne sommes pas des descendants d’Aladin, fulmine-t-il. Jusqu’ici les enseignes semblaient vouloir profiter du marché sans assumer leur choix». Il est symptomatique de constater que Carrefour n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Ce positionnement pose moins de problème à Casino. «Il y aura toujours un Géant Casino sur la route de vos vacances pour manger halal», expose ainsi avec clarté une affiche publicitaire. Le groupe s’est lancé sur ce créneau en 2007. 400 références évoquent aujourd’hui la cuisine du Maghreb, présentes dans l’ensemble des hypermarchés et la plupart des supermarchés. Ces articles totalisent entre 3 et 4% des ventes du groupe. «Nous sommes arrivés les derniers sur ce marché mais nous serons bientôt les meilleurs», plastronne Abderrahman Bouzid, chargé de mission. «La distribution est dans son rôle de vouloir démocratiser ces produits. C’est comme pour le bio», nous confie le groupe. Pour s’attacher la confiance des consommateurs, le groupe a inauguré Wassila.fr, portail qui permet, pour chaque article, de connaître son origine et l’organisme qui a effectué le contrôle. Wassila est aussi la marque distributeur, déclinée en vingt-cinq produits. «C’est un véritable cataclysme, réagit Fateh Kimouche. Casino va inciter Carrefour, Auchan et Leclerc à faire à leur tour leur ‘coming out’». Selon lui, la suppression des marges arrières et la loi de modernisation de l’économie qui favorise la concurrence entre enseignes vont obliger la grande distribution à trouver de nouveaux relais de croissance, parmi lesquels le halal. (Le Figaro-)
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