5ème Semaine anticoloniale en France
27022010*Le virage néocolonial clive la France
À l’occasion de la Semaine anticoloniale, la France se divise sur la suppression du ministère de l’Identité nationale, selon un sondage Opinionway pour l’Humanité et Beur FM. Opinion sur la suppression du ministère de l’immigration.
Il y a cinq ans, lorsque le débat sur le « rôle positif » de la colonisation ne semblait intéresser qu’un cercle restreint d’historiens ou d’associations, 64 % de Français se déclaraient favorables à une loi orientant les programmes scolaires en ce sens. Aujourd’hui, le débat lancé par le gouvernement sur la définition de l’identité nationale semble avoir littéralement clivé le pays. Selon l’enquête réalisée par Opinionway pour l’Humanité et Beur FM à l’occasion de la Semaine anticoloniale, qui débute ce vendredi, 45 % des sondés se disent favorables à la suppression du ministère de l’Immigration.
LE POIDS DE L’HISTOIRE
La proportion la plus importante de ces opposants au ministère affirme être proche du PCF et du Parti de gauche (82 %) puis du PS (66 %). À l’inverse, 52 % des sondés sont opposés à toute suppression de ce ministère. À droite, la proportion la plus importante réside logiquement chez les sympathisants UMP (66 %) et du FN (62 %). « Sur ce débat, les Français se divisent clairement entre un peuple de gauche favorable à la suppression et un peuple de droite qui y est nettement défavorable », relève Denis Pingaud, vice-président exécutif de l’institut de sondage. La deuxième question de l’enquête concerne le lien entre le passé colonial de la France et les discriminations des jeunes héritiers de l’immigration. Ainsi, 51 % des Français jugent que cette histoire joue un rôle important. À gauche, ce sont une nouvelle fois les sympathisants communistes et du Parti de gauche qui sont les mieux représentés dans cet ensemble (64 %). De l’autre côté de l’échiquier politique, 47 % des sympathisants d’extrême droite et 40 % de ceux de l’UMP pensent que la mémoire de la colonisation rejaillit sur la place réservée à ces jeunes. Il convient toutefois de nuancer car, parmi les sondés qui voient peu de liens entre ce passé et les discriminations, 59 % sont également proches de l’UMP et 53 % du Front national. « Ce lien entre l’histoire coloniale et les discriminations transcende les clivages partisans, indique Denis Pingaud, l’influence de cette histoire relève certainement d’analyses différentes d’un bout à l’autre de l’échiquier politique. » Pour Mustapha Gueye du Cercle Frantz-Fanon, pas de doute : « La mémoire collective française est l’héritière de l’histoire de la colonisation. En ce sens, les Français d’origine immigrée sont presque traités comme les colonisés de l’époque. » Selon Farid Frédéric Sarkis, du collectif de la Semaine anticoloniale, « ce débat justifie la cohésion nationale par la stigmatisation d’un groupe, il n’est pas seulement à visée électoraliste mais relève d’une logique : poursuivre une politique de casse sociale et la justifier en prenant un bouc émissaire dont on espère qu’il fasse l’unité contre lui ».
UNE DROITE RADICALISÉE
La bataille idéologique entamée depuis 2002 sur ces questions à travers l’inauguration de plaques à la mémoire de l’OAS, l’ouverture de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration à l’endroit même de l’exposition coloniale de 1931, relève selon Henri Pouillot, du MRAP, d’une « volonté de radicaliser l ’ensemble de la droite. Rappelons qu’en 1968, Fillon, Devedjian, Madelin appartenaient à des organisations telles qu’Ordre nouveau, Occident ou le Groupe union défense (GUD) ». (L’Humanité-27.02.2010.)
***réactions des internautes…
**Il est fini le temps des colonies
Samedi 27 février, une manifestation se déroulait à Paris et dans d’autres villes de province pour réclamer la suppression du Ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale.Une mobilisation importante, samedi 27 février 2010, à Paris : 7.000 personnes selon les organisateurs, 1.600 selon la police, ont manifesté samedi dans le centre de Paris pour réclamer « la suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale », a constaté une journaliste de l’AFP.A l’appel de 85 organisations, dont les Verts, Attac, le PCF et le Front de gauche, un cortège s’est formé place de la Bourse et s’est mis en marche, peu après 15H00, dans le calme, en direction du ministère de l’Immigration, sur la rive gauche.
Deux banderoles ouvraient la marche : l’une réclamait la « suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » et l’autre clamait « Sortir du colonialisme ».
La manifestation entre dans le cadre de la « 5e semaine anticoloniale », organisée en France du 19 au 28 février.Patrick Farbiaz, l’un des organisateurs de la semaine anticoloniale, a déclaré à l’AFP : « On voudrait montrer qu’il y a une liaison entre le colonialisme d’hier et celui d’aujourd’hui, dans la façon de traiter les jeunes issus de l’immigration et les sans-papiers, par exemple ». « Il y a un trou noir de la mémoire sur la question coloniale, qui fait que l’on n’a pas pu régler ces questions de discrimination », a-t-il ajouté.
« Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations. » Octavio Paz
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*Battre le pavé et réhabiliter la République
Manifestation pour la suppression du Ministère de l’identité nationale et de l’Immigrationle samedi 27 février 2010 à 15hDe la Place de la Bourse au Ministère de l’immigration et de l’identité nationale
Aujourd’hui, la manifestation pour la suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale constitue le point d’orgue de la Semaine anticoloniale(En France). À l’appui d’une pétition, ses organisateurs dénoncent « la machine à exclure et à stigmatiser ».
En dépit de l’enterrement en catimini du débat sur l’identité nationale, le ministère d’Éric Besson est toujours à pied d’œuvre et la parole raciste semble plus que jamais libérée. Pas un jour ou presque sans qu’un ministre ou un élu de la République ne se vautre dans la stigmatisation. D’Ali Soumaré, tête de liste du PS dans le Val-d’Oise, jusqu’au Quick halal, érigé en symbole du communautarisme rampant, en passant par les musulmans de Nadine Morano priés de remettre leur casquette à l’endroit, « ces propos sont empreints de stéréotypes. Ils donnent caution à une banalisation des préjugés et à une libération de la parole stigmatisante », estime Arielle Schwab, la présidente de l’Union des étudiants juifs de France. Dernièrement, en Franche-Comté et en Lorraine, des listes anti-minarets ont été déposées et validées pour les élections régionales afin de dénoncer « l’islamisation » de l a France.
« Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité au fondement de notre pacte républicain sont aujourd’hui mises en cause par l’instrumentalisation de la nostalgie coloniale et la création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale », analyse Djamila Sonzogni, porte-parole des Verts. La mobilisation pour la suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale rassemble une vingtaine de chercheurs, autant d’associations, des syndicats, l’ensemble des partis de gauche et le Modem. Tous pointent du doigt le climat instauré depuis le lancement de ce débat qui, pour certains, fleure bon l’ordre colonial. Ainsi les héritiers de l’immigration se voient-ils classés en deux ensembles : d’un côté, les méritants, qui peuvent bénéficier d’un coup de pouce avec, notamment, les conventions ZEP de Sciences-Po et, de l’autre, ceux dont on ne pourrait rien tirer.
En quelque sorte, la version nationale du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy qui, endossant les habits du gouverneur, assénait, devant une assemblée d’étudiants stupéfaits, que « l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire ». Confortant ainsi le retour à une époque où Ferry et Kipling insufflaient la civilisation aux sauvages et confortaient la supériorité de l’homme blanc.
« Le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, véritable ministère de la “propagande coloniale” est la pièce maîtresse de cette stratégie identitaire et de réhabilitation du mythe colonial permettant de détourner l’attention des difficultés sociales et de continuer ailleurs les politiques néocoloniales », note le collectif de la Semaine anticoloniale. L’agitation de ce « refoulé colonial » va de pair avec la mise en place d’une politique d’immigration « choisie ».
Les sans-papiers, dont aucun secteur de l’économie ne peut aujourd’hui se passer, contraints de s’exiler, sont tour à tour exploités puis traqués jusqu’à l’expulsion. L’un des grands absents du débat sur l’identité nationale fut sans conteste Ernest Renan. Dans sa tentative pour définir la nation au XIXe siècle, ce philosophe et historien suggérait qu’elle naissait du « désir de vivre ensemble, de la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu ». (L’Humanité-27.02.2010.)
***Prendre d’assaut les fiefs d’Éric Besson. En premier lieu, à Paris, les manifestants partiront à 15heures de la place de la Bourse pour se rendre au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale (RDV du PCF : 8, rue de la Banque, métro Bourse). Symboliquement, le palais Brongniart a orchestré la mainmise financière sur les colonies. Le second lieu de rassemblement se trouve dans la Drôme, à Donzère, fief municipal d’Éric Besson. RESF, la LDH et l’Association des travailleurs immigrés appellent aujourd’hui à une Marche pour la dignité des personnes. Plus d’infos : www.anticolonial.net.
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**Contre la xénophobie d’État : que faire ? Rencontre-débat à Paris.
Le nationalisme d’État qui s’affiche officiellement en France avec la création du nouveau ministère de l’identité nationale et de l’immigration, en 2007, et le lancement du « grand débat sur l’identité nationale » en 2009, est-il le simple reflet d’une stratégie électorale permettant au candidat de droite d’absorber la concurrence d’extrême droite ? Deux observations permettent d’en douter : d’une part le phénomène n’est pas spécifique à la France et s’observe dans la plupart des autres pays européens également marqués par le tournant national-sécuritaire ; d’autre part cette création ministérielle et la propagande d’État qui en résulte prolongent plusieurs décennies de politiques antimigratoires en gestation dès les années 1960.Face à cette troisième grande vague européenne de nationalisme xénophobe d’État : que faire ? La proposition de supprimer le Ministère de l’identité nationale semble largement consensuelle dans le camp humaniste. Cependant, le diagnostic évoqué précédemment montre qu’une alternance électorale en 2012, limitée dans son projet à cette seule suppression, ne suffira pas à infléchir le cours de l’histoire, pas plus que celle de 1936 n’est parvenue à stopper les arrestations et expulsions d’exilés juifs allemands ou le développement de l’antisémitisme. Il faut, plus profondément, chercher à réunir les conditions d’un mouvement populaire et électoral de mise en échec du nationalisme xénophobe d’État : les résistances de proximité, individuelles et quotidiennes, doivent passer de l’aide aux personnes à l’expression d’exigences politiques ; les sciences humaines et sociales doivent assumer leur rôle et analyser les risques que font peser les enchaînements connus de nationalismes, xénophobies, sécuritarismes et fascismes ; les mass-médias doivent chercher en eux-mêmes les ressorts d’une résistance au contrôle étatique des flux d’information et de l’opinion publique pour parvenir à rendre compte des transformations du régime ; les partis politique susceptibles de résister à ces dérives doivent trouver la formule de coalition rendant possible un changement de trajectoire suffisant pour éviter une énième réitération européenne du pire.Marcel Trillat et Frédéric Variot : Étranges étrangers, filmDans la nuit du 31 décembre 1969 au 1er janvier 1970, cinq travailleurs noirs meurent asphyxiés dans un foyer à Aubervilliers. Dans le contexte de l’après-68, ce drame va connaître un retentissement national, à la fois politique et médiatique. Marcel Trillat et Frédéric Variot réalisent alors Étranges étrangers, un documentaire qui montre sans fard les bidonvilles et taudis d’Aubervilliers et Saint-Denis. Marcel Trillat s’est rendu dans les bidonvilles d’Aubervilliers et de Nanterre, à la rencontre d’immigrés d’origines portugaise et africaine. Composé d’images prises sur le vif et de témoignages, ce film dénonce avec force la politique alors suivie par la France en matière d’immigration. (L’Humanité)Conférence-débat avec Jérôme Valluy
Professeur de science politique à l’Université de Paris 1
Contre la xénophobie d’État : que faire ?
Suivie de la projection, en présence des réalisateurs, du film Étranges étrangers de Marcel Trillat et Frédéric Variot.***
*Le collectif “La journée sans immigrés : 24 heures sans nous”
Appel à une grève le 1er mars en France
Le collectif “La journée sans immigrés : 24 heures sans nous” organisera le 1er mars une grande journée de mobilisation afin de démontrer aux autorités françaises que les immigrés sont indispensables au bon fonctionnement de la machine économique. Selon Nadir Dendoune, porte-parole du collectif, l’initiative vise à “mettre en relief la valeur de l’apport de tous à la prospérité générale”. La veille, un concert de soutien au Cabaret Sauvage précédera le rassemblement du 1er mars. La date a été choisie par les organisateurs pour faire un clin d’œil au 1er mars 2005 et à l’entrée en vigueur du “Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile” (Ceseda) plus connu sous le nom de “code des étrangers”. Ce dernier instaure le concept d’immigration choisie en fonction des besoins économiques français, une vision utilitariste rejetée par bon nombre de citoyens. Le manifeste du collectif expose clairement les causes de l’initiative. “Nous, femmes et hommes, de toutes croyances, de tous bords politiques, et de toutes couleurs de peau, immigrés, descendants d’immigrés, citoyens conscients de l’apport essentiel de l’immigration à notre pays, en avons assez des propos indignes tenus par certains responsables politiques visant à stigmatiser ou criminaliser les immigrés et leurs descendants”. Constitué en septembre 2009, le collectif veut répliquer aux propos du ministre Brice Hortefeux tenus avec un jeune militant d’origine maghrébine.
“Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup que ça pose problème”. Selon une enquête de France Info, près de 63,1% des Français jugent le débat sur l’identité nationale “peu constructif et nombre d’entre eux déplorent la stigmatisation des populations immigrées”. Aussi, le collectif a même été jusqu’à envoyer une lettre au président Sarkozy, qui en tant que fils d’immigrés hongrois, est invité “à ne pas travailler et ne pas consommer ce jour-là”. Néanmoins conscient des difficultés que représente l’organisation d’une telle journée, le collectif “La journée sans immigrés : 24h sans nous” a déjà entamé des négociations avec les instances syndicales tout en se revendiquant apolitique. L’initiative a fait son chemin, puisqu’en Italie un collectif similaire s’est mis en place, où les dérives racistes sont légion avec son cortège de violences à l’encontre des immigrés, précise le collectif. Selon l’INSEE, près de 5 millions d’immigrés vivent sur le territoire français et rien n’augure de bon si la France se privait un jour de ses immigrés.(Liberté-28.02.2010.)
***« Nous ne sommes pas le probème, nous sommes la solution ».
Test réussi pour la « journée sans immigrés ». Des centaines de personnes se sont rassemblées à l’appel du Collectif 24 heures sans nous. Tous unis pour crier leur ras-le-bol de la stigmatisation des immigrés.
Y’en a marre, y’en a marre ! Les immigrés ne sont pas un problème, ils sont la solution ! » L’appel a été bien entendu. Des centaines de personnes ont convergé vers l’Hôtel de Ville de Paris. Etudiants, artistes, retraités, chômeurs… étaient présents pour donner un signal fort à la France : « Nous sommes créateurs de richesses et non un problème. » La date du 1er mars a été choisie car elle marque le 5e anniversaire de l’entrée en vigueur du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceséda), qui instaurait une immigration « choisie » sur des critères économiques.
Une ambiance joyeuse règne sur le parvis de l’Hôtel de Ville. Un homme, avec un luth et une sono improvisée, crée un attroupement en jouant les vieux airs d’Akli Yahiaten. Immigrés et enfants d’immigrés font quelques pas, heureux d’être ensemble, de partager des moments de complicité. « C’est la première fois que je participe à une manifestation. C’est ma fille qui m’a convaincue de venir. Je trouve que les filles ont plus de courage et de cerveau. Je suis vraiment heureuse. Mon mari aurait été content d’être là. Il avait travaillé toute sa vie comme un esclave pour un salaire de misère. La vie nous a humiliés mais on se taisait, juste contents de vivre en France.
La dignité n’a pas de prix », confie Aldjia, arrivée en Moselle en 1963. « On a grandi avec le souci de l’invisibilité. Nos parents n’arrêtaient pas de nous dire de passer inaperçus, de ne pas faire de vagues. On était des Français honteux, complexés. Et depuis quelques années, on étouffait en silence de la stigmatisation, du mépris des hommes politiques. La droite nous prend pour des boucs émissaires et la gauche manipule nos sentiments. La France ne serait rien sans ses immigrés », tranche Chafika, la fille d’Aldjia. Le collectif, lancé en juin dernier, a calqué l’idée de boycott économique (24h sans consommation et sans travailler) sur un mouvement de protestation mené par les Latino-Américains aux Etats-Unis en 2006 contre la politique d’immigration.
Ses fondateurs ont décidé de passer à l’action après les propos lancés par Brice Hortefeux à un jeune militant d’origine maghrébine lors de dernière université d’été de l’UMP : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. » Le ministre s’est ensuite défaussé en disant qu’il visait les Auvergnats. Les sans-papiers africains, présents au rassemblement, réclamaient la démission du ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. L’impact de cette journée est difficilement quantifiable économiquement et encore moins politiquement. « Il est difficile de mesurer l’impact de notre appel à cesser de travailler ou de consommer pendant 24 heures. Ce qui est certain, c’est que ce mouvement a eu un impact qualitatif sur la société française et a notamment contribué à changer le regard sur l’immigration », explique Peggy Derder, vice-présidente du Collectif 24 heures sans nous. (El Watan-02.03.2010.)
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