L’Exposition universelle de Shanghaï
30042010*A Shanghaï, les pavillons rivalisent d’audace…
** L’urbanisation est le thème principal de l’exposition universelle. Petit aperçu de ce qui attend des millions de visiteurs.
** La municipalité de Shanghaï a déboursé 30 milliards d’euros pour l’organisation de l’«Expo».
****Shanghaï donne rendez-vous au monde entier
Hehe, Xiexie, 2009, le couple de pandas géants de Zhang Huan.
Les artistes sont à pied d’œuvre pour l’Exposition universelle qui accueille 200 pays. Visite en avant-première.
L’Exposition universelle sied à la Chine, au gigantisme d’un Nouveau Monde qui concentre un sixième de la population mondiale. Pour marquer l’histoire après les JO de Pékin, Shanghaï a vu grand, convoquant 200 pays sur un site de près de 5 kilomètres carrés à l’organisation militaire. Déblayant sans états d’âme devant sa porte pour faire place nette, quitte à déloger 60 000 habitants, 272 usines et des milliers d’ouvriers, quitte à interdire tous les chantiers tonitruants le temps de cette célébration de cinq mois et à offrir des billets de train aux habitants pour laisser la primeur des cinq premiers jours aux étrangers. Chaque décor a son envers.
Le temps du spectacle, les artistes, les architectes et les inventeurs ont la part belle sur ce site magique au bord de l’eau et au cœur de la ville. Du pavillon japonais, nuage rose comme un chamallow, au pavillon néerlandais tout en cubes suspendus comme un Lego pimpant, du pavillon de la Grande-Bretagne, insolite oursin posé sur un plan biseauté, au pavillon russe, dont l’architecture sobre à la Solaris s’ouvre sur un jardin zen, il y a du Disneyland et du concours Lépine dans ce parcours du combattant. Passé le labyrinthe de la billetterie et ses guérites en barricades, le visiteur est saisi devant l’échelle de l’événement et la courte vie de ce paysage grandiose où chaque culture se traduit par une forme, un calibre, une vision.
La Chine domine tout, de son énorme pyramide rouge inversée dont le contenu, coloré et kitsch, rend hommage à chaque province. Son Performing Center, énorme disque antique, et son pavillon national resteront après les festivités. Certaines villes chinoises pourraient accueillir «les autres pavillons salués par le public». Demandez le programme ! La Roumanie joue le petit module, modeste mais inventif. L’Espagne mise gros sur la Chine capitaliste et l’environnement d’après le progrès, vu la taille délirante de son dragon qui mêle architecture et vannerie. L’Allemagne a opté pour un pavillon léger comme un bunker, mais ceint d’une montagne de bacs de verdure. La France trône dans le sien, sûre que son charme de cinéma va se dérouler comme un long fleuve tranquille. L’Inde s’est coiffée d’une coupole dorée, pleine d’arabesques très Bollywood. La Turquie est un drôle de cube rouge sang, moderne comme l’école de Paris. Même Lille Europe a son pavillon, hors site, dans un temple taoïste sur Nanjing Road.
La circulation à l’intérieur de cette exposition colossale s’organise comme dans une ville de jouets, avec routes, stops et même un Expo Boulevard, en surplomb, qui oriente le flot des visiteurs vers les pavillons.
Le long de cette promenade, l’art contemporain tente sa chance grâce au duo tricolore, Jean-Gabriel Mitterrand et son commissaire Ami Barak. Ils ont remporté le concours chinois d’ARtForTheWorld, il y a deux ans, pour installer des sculptures au cœur de l’événement. Les Européens reconnaîtront le Français Xavier Veilhan à son carrosse aux zébrures BD, l’Indien Subodh Gupta à sa colonne de seaux géants en acier, le Belge Wim Delvoye à sa bétonneuse en dentelle d’acier comme une mosaïque de cathédrale. Mais pas forcément Zhang Huan, performer si radical, dans ces deux mignons pandas en acier chromé. Ni Wang Guangyi dans cette voiture de Mao, rouillée comme la serrure d’un vieux temple. Déjà un des favoris du public chinois.(Le Figaro-27.04.2010.)
****Shanghaï expose la puissance chinoise
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D’un point de vue chinois, d’ailleurs assez partagé, il ne faut pas se tromper. Ce n’est pas l’Exposition universelle qui va le plus apporter à Shanghaï, mais bien l’inverse. La Chine et sa capitale économique vont redonner des couleurs à un rendez-vous international ayant perdu de son sens, à l’heure de la communion mondiale numérisée. Petit tour d’horizon de cette «Expo 2010» qui sera inaugurée ce soir, en présence notamment du couple Sarkozy, et qui va durer six longs mois, jusqu’au 31 octobre.
L’esthétique du nombre
Comme les JO de Pékin, l’Exposition de Shanghaï vise les records et joue la démesure. Les estimations oscillent entre 70 et 100 millions de visiteurs. Le chiffre plancher de 70 millions ne doit rien au hasard, puisqu’il s’agit de faire mieux que le voisin et rival japonais, lors de l’exposition d’Osaka de 1970, avec 64 millions de visiteurs. On attend ici plus de 400 000 visiteurs par jour, «soit l’équivalent d’une ville moyenne en Europe», souligne Xu Bo, adjoint au commissaire général de l’Exposition. Le nombre de participants -189 pays souverains et 50 organisations internationales- est lui aussi historique. La superficie du parc est au diapason. Il s’étend sur 5,28 km2, soit deux fois Monaco, dans le centre de la ville et non pas comme souvent en périphérie. Il a fallu déménager 272 usines et 60 000 personnes. Pour transformer son paysage urbain et ses infrastructures, Shanghaï a dépensé plus de 30 milliards d’euros.
Un événement très chinois
Quelque 95% des visiteurs devraient être chinois et les unités de travail distribueront assez de billets pour faire nombre. «À l’inverse des JO, événement télévisuel pour la plupart des Chinois, ils viendront ici eux-mêmes, explique Xu Bo. Un Chinois du Xinjiang se retrouvera directement parachuté dans le pavillon français. Vous imaginez le choc et la richesse de l’échange !» Pour relativiser, notons que la majeure partie des visiteurs chinois seront de Shanghaï et sa région. Selon les estimations, 30% seront des Shanghaïens, 50% viendront du delta du Yang Tsé et 20% du reste de la Chine. Côté visiteurs étrangers, la prévision minimale est de 3,5 millions, et sûrement plus : 1 million de Japonais, au moins autant de Coréens, 1 million d’Européens… L’affluence la plus grande est prévue pour les deux derniers mois, en septembre et octobre.
Grands et petits pavillons
L’Expo aligne toute une palette de pavillons. Côté États, 42 pays ont construit leur propre édifice, tandis que 42 autres ont loué des bâtiments construits par les organisateurs. D’autres trouvent leur place dans les 11 pavillons collectifs. On découvre aussi 18 pavillons d’entreprises, comme ceux de Coca-Cola ou GM. Le pavillon chinois, dont on ne peut qualifier l’architecture de légère, écrase de sa masse tout le site. Il a une folle superficie de 60 000 m2 et, si l’on y ajoute l’espace dévolu aux 31 provinces et régions, le total du site chinois atteint les 160 000 m2. Là encore, le chiffre de 60 000 m2 n’est sans doute pas le fruit du hasard, puisqu’il représente dix fois la superficie des plus gros pavillons étrangers, qui font 6 000 m2. Les modules proposés aux exposants étaient en effet de 500 m2, et une douzaine de «grands» pays -dont la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon ou la Corée -en ont loué douze. Les budgets français et américains tournent autour de 45 millions d’euros, tandis que ceux du Japon ou de l’Arabie saoudite se sont envolés à plus du double !
Xu Bo aime rappeler que la France fut le premier pays à confirmer sa participation et le premier encore à lancer la construction de son pavillon. Les attentes seraient fortes puisque, selon l’agence de relations publiques Ogilvy PR, le pavillon France vient en 2e position, derrière celui des États-Unis, dans les intentions de visite des Chinois. Plusieurs régions françaises sont aussi représentées. L’Alsace, l’Ile-de-France et Rhône-Alpes feront la promotion de leur expertise en matière de développement urbain dans leur propre pavillon sur le site de l’Expo. Et Lille s’est installée en ville, dans un ancien temple taoïste de la rue de Nankin. La «journée nationale» française aura lieu le 21 juin, avec l’organisation d’une Fête de la musique à Shanghaï.
La charte de la ville de demain
Avec le slogan «Meilleure ville, meilleure vie», les décideurs chinois ont habilement choisi le thème du défi urbain. Une partie du site abritera ainsi un «espace des meilleures pratiques urbaines», où villes et régions du monde entier viendront présenter leurs bonnes idées. Mais l’ambition chinoise ne s’arrête pas là. La Chine veut faire adopter à la fin de l’exposition une «Déclaration de Shanghaï», endossée par l’ONU. Une sorte de manifeste de la ville idéale traçant la voie pour les décennies futures.
**Shanghaï en bref
- 5,3 km2 d’exposition
- Du 1er mai au 31 octobre
- 192 pays et 50 organisations internationales participants
- 43,5 milliards d’euros d’investissements directs et indirects
- 100 millions de visiteurs attendus
- Un billet d’entrée à 17,4 euros (160 yuans)
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Une première virtuelle
Jalouse de ses records, l’Expo de Shanghaï en bat un virtuel. Elle sera la première exposition entièrement visible en ligne. Le site de l’événement a été modélisé par l’entreprise chinoise Crystal CG pour permettre aux internautes de se promener le long de la rivière Huangpu comme les vrais visiteurs de l’Expo. Pour des raisons budgétaires, peu de participants ont accepté de se prêter au jeu avec leurs propres deniers. Une large partie des intérieurs a donc été financée -et contrôlés- par les organisateurs eux-mêmes. Pour beaucoup, l’interactivité sera, en fait, limitée avec des sites réalisés en deux dimensions se contentant d’exposer le programme des pavillons.
Au pays de la Grande Muraille virtuelle, tous les contenus n’ont pas été admis. La diffusion de programmes vidéo en direct a ainsi été refusée par le bureau de l’Expo 2010, les organisateurs souhaitant avoir le temps de valider les contenus.
La France aura un des rares pavillons totalement accessible en 3D, signé Dassault Systèmes. L’internaute peut s’y promener en tournant sur lui-même à 360 degrés. Clou de l’interactivité : il pourra aussi «entrer» dans les toiles de maîtres du Musée d’Orsay exposées au pavillon.
**Tapis rouge (France)- Les acteurs Alain Delon, parrain du pavillon français.Gong Li, Jackie Chan.
- Les musiciens
M, en concert le 21 juin pour la journée consacrée à la France. Le pianiste Lang Lang. Cesaria Evora.
- Les sportifs
Le basketteur Yao Ming, les footballeurs Zidane, Platini, Beckenbauer, Figo et peut-être Beckham pour une démonstration à l’initiative de l’Union européenne.
- Les politiques français …Nicolas Sarkozy, Frédéric Mitterrand, Martine Aubry, Jack Lang, Gérard Larcher, Bernard Accoyer.
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La municipalité de Shanghaï a déboursé 30 milliards d’euros pour l’organisation de l’«Expo». Les organisateurs attendent 400.000 visiteurs par jour. Il faudra débourser 160 yuans (environ 17,50 euros) pour entrer sur le site. A gauche de la photo, le pavillon de la Malaisie, un des 189 pays participant.
***L’Expo 2010, un «outil de diplomatie publique»
Pékin cible en priorité le «Sud», qu’il soit africain, latino-américain ou asiatique, où son influence ne cesse de croître.
Il y a, dans la plupart des esprits, un clair continuum entre les JO de 2008 et l’Exposition universelle de 2010, deux cérémonies pour un même sacre de la nouvelle puissance chinoise. Ne qualifie-t-on pas, d’ailleurs, les expositions universelles d’«olympiades économiques», ce qui renforce l’idée que l’événement de Shanghaï vient utilement compléter celui, plus politique, de Pékin ? Les consignes venant du «Centre» ont été claires, «il faut une exposition à la hauteur de la Chine», confie Xu Bo, adjoint au commissaire général de l’Exposition. Il reconnaît bien volontiers que l’Expo 2010 est un «outil de diplomatie publique». En d’autres termes, un instrument glamour de ce fameux «soft power» à la chinoise.
Paradoxalement, ces deux événements de festive communion internationale interviennent alors «qu’au sein des opinions démocratiques des grands pays développés, la Chine n’a jamais eu une aussi mauvaise image, du moins depuis trente ans», comme le constate François Godement, directeur d’Asia Centre. Et finalement, l’Expo 2010 apparaît surtout comme une allégorie de ce soft power chinois, qui n’a pour l’heure de réelle résonance que chez les Chinois eux-mêmes et les pays en voie de développement. Ce dernier volet étant d’ailleurs loin d’être négligeable. «La plus grande partie de la rhétorique chinoise, qu’il s’agisse du discours sur le confucianisme ou l’exemplarité chinoise, ne dépasse guère le cadre de la Chine», poursuit François Godement.
Une tête de tigre avec une queue de serpent
Comme les JO, l’Exposition internationale est avant tout un événement à vocation interne, 95 % des visiteurs attendus étant d’ailleurs chinois. En dépit du fait que le président français y sera présent ce soir, la cérémonie d’ouverture n’avait pas vocation à afficher un nombre record de chefs d’État et de gouvernement présents. Il s’agit avant tout de montrer l’efficacité du Parti et sa reconnaissance par le monde entier, qui se presse pour admirer ses œuvres. Mais Pékin cible aussi en priorité ce «Sud», qu’il soit africain, latino-américain ou asiatique, où son influence ne cesse de croître. «Nous avions un devoir moral d’aider les pays africains, par exemple, explique encore Xu Bo, et nous avons alloué 100 millions de dollars pour aider les pays du tiers-monde à être présents.» Le résultat est là : 50 pays africains sur 53 ont répondu présent, y compris une vingtaine d’États ayant des relations diplomatiques avec Taïwan et non avec la République populaire.
Shanghaï sera sans doute un succès, mais pour projeter sa «puissance douce» – terme utilisé par le président Hu Jintao au 17e Congrès de 2007 – au cœur des pays occidentaux, Pékin manque encore de crédibilité. Et ce malgré les milliards de dollars que l’on a récemment débloqués pour créer des médias ou des réalisations cinématographiques à «rayonnement mondial». À l’occasion d’un récent forum à Pékin, ce n’est pas un dissident mais Charles Zhang, patron de sohu.com, le principal portail du Web chinois, qui a averti que la Chine n’arriverait jamais à faire entendre sa voix sur la scène internationale si elle ne relâchait pas sa poigne sur le cinéma et les médias. Selon lui, ces médias «n’ont pas de personnalité indépendante, aussi n’ont-ils pas d’autorité et ne suscitent-ils pas le respect». Et de citer une expression imaginée pour décrire quelque chose qui semble commencer fort pour se terminer par pas grand-chose : «Une tête de tigre avec une queue de serpent»…
Pour l’heure, le soft power de la Chine repose donc essentiellement sur son empreinte diplomatique légère et, surtout, sur son efficacité économique. Plus que tout autre aspect culturel, c’est bien cela que va magnifier la fête qui s’ouvre dans la capitale des affaires de l’empire. En ce sens, de l’autre côté du fleuve Huangpu, le site de l’Exposition sera le contrepoint moderne du Bund, avec ses bâtiments historiques symbolisant les anciennes et coloniales puissances. (Le Figaro-30.04.2010.)
***L’audace des pavillons
Le pavillon britannique est hérissé de 60.000 fibres optiques qui guident la lumière du jour dans le bâtiment de forme cubique et, inversement, diffusent l’éclairage artificiel de l’intérieur vers l’extérieur à la nuit tombée. Il a d’ores et déjà un surnom outre-manche : la guimauve poilue (the hairy marshmallow).
Les organisateurs estiment que 95% des 100 millions de visiteurs attendus sur 6 mois seront chinois. L’entrée du pavillon de la Chine devrait donc être prise d’assaut. Pour limiter l’affluence, un système de réservation a été mis en place.
La forme du pavillon de Macao s’inspire des lanternes traditionnelles en forme de lapin de jade anciennement utilisées pendant la fête de la mi-automne. La tête, les oreilles et la queue sont des ballons gonflables qui devraient être animés pendant l’exposition pour attire les visiteurs.
La Corée du Sud a choisi un thème poétique : «la ville charmante, la vie multicolore». Son pavillon, construit sur trois étages, fait plus de 6000m2 et sera recouvert de 40.000 panneaux en aluminium colorés réalisés par l’artiste coréen, Ik-Joong Kang.
C’est la toute première fois depuis sa création en 1913 que l’emblématique Petite Sirène du port de Copenhague quitte son rocher. Elle sera la principale attraction du pavillon danois à Shanghaï.
Le pavillon français, l’un des plus grands de l’exposition après les trois bâtiments chinois, s’organise autour du thème « Ville sensuelle ». Sept chefs d’œuvre prêtés par le musée d’Orsay représenteront l’art français, et un restaurant sera tenu par les frères Pourcel, chefs étoilés. D’après l’agence de relations publiques Ogilvy PR, le pavillon français devrait être le deuxième bâtiment non-chinois le plus visité après celui des Etats-Unis. Nicolas Sarkozy a par ailleurs demandé aux autorités chinoises que le bâtiment soit pérennisé.
Miguelin est un gigantesque bébé mécanisé de 6,5 mètres de haut. Il accueillera les visiteurs dans la première des trois grandes salles du pavillon espagnol. Cette création de la réalisatrice Isabel Coixet cligne des yeux, respire et «rêve de son environnement, des villes dans lesquelles vivront nos enfants, des villes dans lesquelles ils vivent maintenant». Le reste de l’exposition espagnole «De la ville de nos parents à celle de nos enfants» sera l’occasion d’un voyage dans le temps retraçant les grandes étapes du développement urbain en Espagne.
Les organisateurs promettent des jeux de sons et de lumières impressionnants à l’intérieur de cette «boîte magique». Cette immersion sensorielle doit donner l’impression au visiteur qu’il fait partie intégrante d’un réseau énergétique.
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