La fin du monde toute proche ?
4062010*Alberto explose de rire. Il paraîtrait que certains médias français diffusent l’idée d’une fin du monde, prévue par les Mayas, dans une trentaine de mois…
«Il faut dire aux français de venir en territoire maya, comme ça ils seront épargnés! Il n’y a pas de fin du monde prévue ici!» Alberto est arq’ij, compteur de jours, alors le calendrier maya ça le connait.
La science calendaire est un sujet très sérieux qui détermine une vie entière. Elle prévoit les maladies, les malheurs et guide chacun vers un accomplissement personnel. Si les mayas employaient auparavant conjointement trois calendriers, un de 5125 ans, un de 365 jours et un de 260 jours, seul ce dernier reste utilisé. Le Cholq’ij est composé de treize mois de vingt jours. Le temps de neuf lunes, la durée d’une grossesse. Alberto explique: chaque jour a une signification individuelle, une énergie propre, modulée par le nombre (entre un et treize donc) qui lui est associé. Le jour de notre naissance, notre nawal, détermine nos traits psychologiques innés et notre vocation professionnelle. Ne pas le suivre serait s’exposer à des échecs systématiques. L’ignorer c’est méconnaître son identité et risquer des maladies qui peuvent être graves: du vertige à l’alcoolisme.
Le nawal est souvent le premier élément étudié par Alberto lors d’une consultation. A l’aide d’une figure d’étoile, il calcule le jour de naissance, évalue la destinée, mesure les risques de maladies, peut chiffrer l’espérance de vie. C’est un comptable. « Pour la science occidentale l’humain est composé de milliards de cellules, pour nous il est formé de milliard de chiffres ».Les raisons de consulter un arq’ij sont variées: mal de tête, échecs dans les affaires, détermination d’une date pour un mariage, souffrance psychologique, mort des bêtes de ferme… Dans tous les cas il est question d’équilibre et d’harmonie. L’homme vit au cœur de la nature, en interaction permanente avec elle. Il se doit de chercher un équilibre avec chaque être humain, animal, végétal et minéral, tout en respectant les indications de son jour de naissance. La médecine maya ne sépare pas le biologique du psychique, du social, de l’environnemental et du cosmique; la santé étant la résultante de cette attention à ce qui nous entoure, à ce que l’on est, le point d’équilibre parfait. Le manque de respect à la terre, par exemple en répandant des engrais, peut causer des troubles somatiques ou entrainer une pauvreté, composante sociale ici perçue comme une maladie.Lorsque le trouble n’est pas causé par un comportement irrespectueux, un sentiment négatif envers un autre homme ou par un acte de sorcellerie, il faut alors chercher du coté de son nawal. Si on ne peut en changer, on peut essayer de le rééquilibrer en invoquant l’Ajaw, entité divine présente en chaque objet de sa création. On priera alors le Soleil, demandera de l’énergie à la Terre, fera des offrandes (bougies, résine d’arbre, miel) aux quatre Points Cardinaux. Evidemment, le jour de ces cérémonies sera soigneusement étudié.
Alberto revient à ce fameux 21 décembre 2012. Pas de catastrophe prévue, mais un changement. C’est la fin d’un cycle de 5125 ans. Cela peut annoncer un renouveau, un retour aux origines, une reconsidération de la place de l’homme au sein de la nature. Pas de fin du monde donc. On est rassuré. (Chronique-Libération-01.06.2010.)
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**Retour au sein maternel
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Bienvenue dans le Tuj, sein maternel en langue k’iché. Le terme K’iche’, selon la nouvelle transcription phonétique des langues mayas désigne le peuple amérindien d’Amérique centrale apparenté aux myas. Il désigne également leur langue, ainsi que la nation du même nom à l’ère précolombienne. El Quiché est enfin le nom d’un département du Guatelmala moderne.
Maintenant, il te faut te baisser pour entrer dans ce petit dôme de terre. Evidemment tu ne vois pas grand chose. Tes yeux ne se sont pas encore habitués à la seule présence de la bougie. À l’intérieur, il fait très chaud. Aurora, la sage-femme, a allumé un feu deux heures auparavant, il n’en reste que les braises. Et une chaleur que certains qualifieraient d’étouffante. Mais pas toi, ca te fait comme une douce couverture sur ton corps presque nu.
Aurora entre après toi. Elle a pris soin de se couvrir la tête. Nue, elle ne connaît pas cette pudeur qui t’incite à couvrir certaines parties de ton corps. Elle verse de l’eau sur les braises puis fait redescendre la vapeur accumulée au plafond arrondi à l’aide d’un branchage de végétal que tu distingues mal. Tu sens la rugosité de la terre sous toi. Sa fraîcheur est presque réconfortante. Te voilà maintenant ruisselante d’humidité et de sueur.
Ton corps s’exprime, au sens premier du terme. Les peaux mortes commencent à affleurer, les confidences à naître. Tu comprendrais que certains pleurent des fois, dans cette matrice. Tu distingues l’ombre du corps d’Aurora sur le mur, projetée par la bougie pourtant faible. Un corps fort à la poitrine généreuse rappelant ces statuettes du Musée de l’Homme. Oui, tu es bien dans le sein maternel.
Aurora te raconte. Elle te raconte que l’église l’a interdit pendant longtemps, le tuj. Habituellement situé dans le jardin, il fut alors détruit puis reconstruit dans la cuisine, sa fumée pouvant alors être confondue avec celle du four. Aurora, tout en se savonnant -c’est vraiment le meilleur endroit pour se laver- te compte les bienfaits de ces bains de vapeurs pour les femmes enceintes, les enfants en âge de marcher, les jeunes mères ayant des problèmes de lactation. Avant, même, on y accouchait, la transition y était plus douce pour le nouveau né. Beaucoup de ses patients viennent ici pour recevoir des massages. Justement tu en aimerais bien un, toi, de massage.
Mais il est temps de sortir de ta régression. Aurora te conseille alors d’aller te blottir dans une couverture, posée juste à la sortie du tuj, à l’orée du monde donc, histoire d’émerger de ta langueur en douceur. (Libération-14.05.2010.)
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*Un nouveau front contre Israël
Alors que les 31 Algériens de la Flottille de la liberté sont arrivés dans la nuit de mercredi à Alger, de nouvelles caravanes se préparent en Algérie et ailleurs pour forcer le blocus israélien et aider Ghaza. Un nouveau front émerge pour la cause palestinienne, fait d’initiatives civiques mais aussi politiques. « Le MSP a de beaux jours devant lui. » C’est un Bouguerra Soltani jubilateur qui a répondu à nos questions sur l’avenir de son parti, hier au Centre international de presse à Alger. « Nous avons subi des injustices et avons été discriminés.
D’abord sur le plan médiatique qui ne valorise jamais nos actions, et puis sur le plan social qui nous accuse d’exagération et d’actions menées seulement à l’occasion d’élections. Heureusement que l’opinion publique commence à comprendre les vrais buts du parti. » Face à l’échec du front arabe, autrefois symbole de la résistance anti-israélienne mais en complet effritement depuis une trentaine d’années, un nouveau front musulman s’affirme. « Une tendance islamiste mondiale qui se revendique de la résistance armée, là où la négociation a échoué », explique Louisa Aït Hamadouche, politologue, enseignante à la faculté des sciences politiques d’Alger….
On les voit investir le champ international sur toutes les questions à forte valeur ajoutée pour l’opinion publique. » Un avis que partage également Karim Emile Bitar, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques de Paris. « Les mouvements islamistes …pourraient être tentés de se servir de cette cause pour remobiliser leurs troupes. D’autant que les dirigeants des puissances arabes, comme l’Egypte ou l’Arabie Saoudite, sont en deçà de ce que peut dire Erdogan. » Les ministres arabes ont eu beau réaffirmé, mercredi soir au Caire, « leur engagement à respecter la résolution adoptée par le sommet arabe de Syrte stipulant l’arrêt de toute sorte de normalisation avec Israël, menacé de retirer l’initiative de paix arabe en cas d’échec des efforts de paix et décidé de “briser“ le blocus israélien imposé à la bande de Ghaza par tous les moyens », le président turc, Abdullah Gül, les a éclipsés en accusant hier Israël d’avoir « fait l’une des plus graves erreurs de son histoire ». « Nos relations ne seront plus jamais les mêmes.
La Turquie ne pardonnera jamais », a-t-il ajouté. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est d’ailleurs attendu lundi en Turquie où il doit discuter des mesures appropriées pour répondre à l’agression israélienne. « La Turquie et l’Iran jouent désormais un rôle fondamental », souligne Karim Emile Bitar, appuyé par Louisa Aït Hamadouche. « La Turquie a su devenir sujet et non plus objet des enjeux régionaux. » Pour autant, nuance l’expert de l’IRIS… L’aréopage de la flottille était très hétéroclite. Il n’y avait pas que des islamistes. Mais aussi des intellectuels occidentaux de gauche, par exemple. Les islamistes, dont le bilan n’est par ailleurs pas si positif (Frères musulmans en Egypte) ne peuvent pas assumer à eux seuls le crédit de cette opération. » … « Aucun autre parti, y compris ceux de l’Alliance présidentielle, ne voulait coopérer ou participer à cette opération de la liberté, rappelle-t-il. Personne n’y croyait. Nous avons saisi tous les partis politiques sans exception. …. (El Watan-04.06.2010.)
****Attaque de la « Flottille de la paix » :
Messahel dénonce « une complicité internationale méprisable »
Le ministre délégué chargé des Affaires africaines et maghrébines, Abdelkader Messahel, a affirmé mercredi au Caire que le crime odieux perpétré par l’armée israélienne contre une flottille d’aides humanitaires était un précédent grave dans les relations internationales, en ce sens qu’il constitue « un acte de terrorisme international et de piraterie criminelle qui touche la navigation maritime internationale et menace la sécurité et la paix internationales ».
M. Messahel a indiqué lors de son intervention à la réunion urgente des ministres arabes des Affaires étrangères convoquée pour discuter des mesures à prendre pour faire face à l’agression israélienne contre la « Flottille de la liberté », que le nombre de morts et de blessés parmi des civils innocents était une preuve édifiante de la gravité de ce crime. Il a réaffirmé la condamnation « de la manière la plus énergique » par l’Algérie de cette agression « lâche et criminelle » et son « plein soutien » à la cause du peuple palestinien pour faire face à l’occupation sioniste et à son droit à la résistance contre l’injustice, estimant qu’il était temps pour le peuple Palestinien de resserrer les rangs face à un ennemi dont l’arrogance a dépassé tout entendement. Le ministre a appelé les palestiniens à se réconcilier et à régler leurs différends à travers un dialogue « sérieux et clair et la conjugaison des efforts pour faire échec aux plans sionistes visant la Nations arabe dans son ensemble ». « C’est le seul moyen qui leur permettra d’atteindre leur objectif et notre objectif à tous, à savoir l’établissement de l’Etat palestinien avec El Qods pour capitale », a-t-il ajouté. M. Messahel a salué la position des défenseurs de la paix et des forces vives dans le monde qui soutiennent le peuple palestinien dans sa résistance face au blocus et à l’occupation ainsi que « l’élan héroïque » mené par des hommes libres de Turquie aux côtés de partisans de la cause palestinienne des différents pays du monde dont des fils dignes de l’Algérie révolutionnaire pour briser le blocus imposé à Ghaza et mettre à nu les pratiques d’Israël contre des civils palestiniens avec « une complicité internationale méprisable… ». Le ministre a appelé de nouveau la communauté internationale, les Nations unies, le Conseil de sécurité, le Quartette international à assumer leurs responsabilités et à dénoncer cette attaque « barbare ».
Activer les droits humanitaires
Il a ajouté que ce qu’ont subi les défenseurs de la paix doit interpeller tout un chacun à œuvrer à accélérer la mise en œuvre des résolutions, notamment celles relatives à la protection des activistes humanitaires en activant particulièrement les mécanismes du droit humanitaire international et les clauses de la 4e Convention de Genève de 1949 qui garantit la protection des civils en temps de guerre. Il a appelé le Conseil des droits de l’homme à se réunir d’urgence pour condamner cet acte lâche et à mettre en place une commission internationale impartiale qui devra poursuivre les responsables israéliens de ce crime abject. Il a en outre appelé les pays arabes à s’engager rapidement dans l’application de ce qui a été convenu auparavant concernant la reconstruction de Ghaza et à fournir les efforts nécessaires pour assurer l’acheminement des aides que requiert cette opération, notamment les matériaux de construction vers Ghaza avec la coopération des institutions palestiniennes et les organismes onusiens. A l’issue de la réunion hier, les ministres arabes des AE ont convenu de soumettre une recommandation au prochain sommet arabe pour examiner la situation de l’initiative arabe de paix à la lumière des violations et agressions israéliennes continues et ont chargé le secrétariat général de la Ligue arabe de prendre toutes les mesures juridiques pour faire face aux agressions israéliennes, « notamment à travers une action judiciaire devant la Cour internationale de justice et l’assistance à la mission d’enquête internationale » du Conseil onusien des droits de l’homme. (APS-03.06.2010.)
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**Deux Français de la flottille de la liberté portent plainte contre Israél
Salah Berbagui au centre, responsable du CBSP de Lyon, a qualifié l’assaut d’«extrêmement violent et disproportionné».
«Attaquer un convoi humanitaire en haute mer est un crime de guerre. Il appartient à la justice française d’enquêter ou à la France de saisir la Cour pénale internationale», a justifié leur avocate.
Moins de vingt-quatre heures après leur rapatriement dans l’Hexagone, les premières plaintes de Français engagés dans la flottille pour Gaza tombent. Deux membres du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP), qui rassemble la plupart des participants français au convoi arraisonné par Israël, ont porté plainte pour «enlèvement» et «séquestration», «violences avec armes» et «détournement de navires», a révélé leur avocate, vendredi.
Ces plaintes ont été déposées jeudi auprès du procureur de Marseille et d’Evry, où ils résident. «Les victimes sont françaises. La justice française est compétente», s’est défendue l’avocate de la CBSP. «Attaquer un convoi humanitaire en haute mer est un crime de guerre. Il appartient à la justice française d’enquêter ou à la France de saisir la Cour pénale internationale» (CPI) de La Haye, a insisté Me Liliane Glock.
Les plaignants font partie du groupe des six Français sur les dix présents à bord de la flottille, qui ont été expulsés mercredi soir d’Israël et qui ont atterri jeudi soir à Roissy. Des plaintes vont également être déposées pour «vol» car activistes auraient été délestés de leurs documents d’identité, de leur argent et de leur matériel.
Dès leur arrivée en France, ces cinq membres du CBSP et un adhérent de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), ont fustigé l’assaut israélien «extrêmement violent et disproportionné». «Ils n’ont respecté aucune règle. Ils nous ont enlevés dans les eaux internationales», a déclaré Mounia Cherif, âgée d’une vingtaine d’années. «Ils nous ont frappés avec des matraques, des Taser», a souligné la jeune femme domiciliée en Seine-Saint-Denis et membre du CBSP. ….«Ils ont été conduits de force dans des pays étrangers sans savoir vraiment où on les emmenait. Ils ont vécu des conditions de détention difficiles», a déclaré président du CBSP Khaled Al Shouli .
Selon un bilan de l’armée israélienne, l’opération a fait neuf morts, tous des passagers civils,…. Les civils tués sont huit Turcs et un Américain d’origine turque, tous morts par balle, à bout portant, selon des médecins légistes turcs. Les Etats-Unis ont annoncé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de la mort de cet Américain, en précisant qu’il ne s’agissait pas «à ce stade» d’une enquête criminelle.
Le CBSP agit depuis 20 ans en France au profit des Palestiniens. Cette organisation a été désignée comme «entité terroriste» par les Etats-Unis le 22 août 2003, en même temps que quatre autres ONG accusées «d’apporter leur soutien aux Palestiniens….Selon le ministère des Affaires étrangères, neuf Français, qui faisaient partie de la flottille, ont quitté Israël mercredi soir en direction de la Turquie et de la Grèce..(…(Figaro-04.06.2010.)
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**Brice Hortefeux condamné
pour injure raciale
Extrait de la vidéo qui a été vue plus d’un million de fois sur internet. A gauche, Amine Brouch-Benalia, le jeune militant au centre de la polémique.
Attaqué en justice suite à des propos adressés en septembre dernier à un jeune militant UMP d’origine arabe, le ministre de l’Intérieur a écopé d’une amende de 750 euros. Il a décidé de faire appel.
La scène a eu lieu à Seignosse, le 5 septembre dernier, lors des universités d’été de l’UMP. Répondant à une sympathisante qui expliquait qu’un jeune militant d’origine arabe, Amine Brouch-Benalia, mangeait du cochon et buvait de la bière, signe d’«intégration» selon elle, Brice Hortefeux avait lâché : «Ah mais ça ne va pas du tout, alors, il ne correspond pas du tout au prototype». «C’est notre petit arabe», avait alors ajouté la militante. Ce à quoi Brice Hortefeux avait répondu : «Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes».
Filmée par les caméras de Public Sénat puis diffusée par lemonde.fr, la séquence avait immédiatement provoqué un tollé. Le PS s’était notamment emparé de l’affaire en demandant la démission du ministre. Face à la polémique, Brice Hortefeux avait assez rapidement exprimé des «regrets», estimant que ses déclarations avaient fait l’objet «d’une interprétation totalement inexacte». Pour se défendre, il avait notamment assuré que ses propos ne concernaient pas les Arabes mais les Auvergnats, les habitants de la région dont il est originaire. Une argumentation qui n’avait pas convaincu le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) qui avait décidé de porter l’affaire en justice, poursuivant le ministre pour délit d’injures publiques à caractère racial.
Le PS appelle à la démission
Dans un verdict prononcé vendredi par le tribunal correctionnel de Paris, Brice Hortefeux, absent à l’audience comme au délibéré, a écopé d’une amende de 750 euros. Une condamnation plus sévère que les réquisitions du procureur. Lors du procès, le 16 avril, le parquet avait en effet demandé la relaxe, reconnaissant que les propos incriminés étaient «outrageants» et «méprisants» mais doutant de leur caractère public. Brice Hortefeux ne pouvant «être pénalement comptable d’un propos non destiné à être entendu», le tribunal a requalifié le délit en simple contravention de 4e classe. Les juges ont cependant confirmé que l’injure stigmatisait les personnes d’origine arabe, «présentées négativement du seul fait de leur origine».
Outre la simple contravention de 750 euros, Brice Hortefeux a été condamné à verser 2.000 euros de dommages et intérêts au Mrap en raison de «l’effet délétère sur le lien social d’un tel propos quand il est tenu par un responsable de si haut niveau», souligne la 17e chambre du tribunal. Une «grande victoire» pour l’association, qui appelle le ministre de l’Intérieur «à en tirer les conséquences politiques». Dans un communiqué, les Jeunes Socialistes estiment que «l’unique issue pour le gouvernement est de démettre Brice Hortefeux.» Une position partagée par Benoît Hamon : le porte-parole du PS estime que le ministre de l’Intérieur devrait avoir la «dignité» de démissionner. «Dans la République exemplaire de Nicolas Sarkozy, il ne devrait pas y avoir de place pour un ministre condamné pour injure raciale».
Mais Brice Hortefeux ne semble pas prêt à accepter cette condamnation et a décidé de faire immédiatement appel. «C’est une décision juridiquement critiquable», explique son avocat, Me Nicolas Bénoit. Le porte-parole adjoint de l’UMP, Dominique Paillé, a lui quant à lui fait part de sa surprise suite à l’énoncé du verdict. «Je n’ai pas pour habitude de commenter les décisions de justice, mais là je puis vous dire que je suis surpris, et désagréablement surpris», explique-t-il. «Je connais bien Brice Hortefeux, c’est un ami, il est tout sauf raciste. J’étais sur place lorsque l’épisode qui a donné lieu à cette plainte, et il n’y avait dans ses propos aucune injure raciale». (Le Figaro-04.06.2010.)
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**L’euro au plus bas
depuis plus de quatre ans
Malmené depuis plusieurs mois, l’euro a enfoncé un nouveau plancher, et cote ce vendredi aux environs de 1,20 dollar. Les questions de la dette européenne et les doutes sur la solidité de la reprise américaine plombent la devise.
L’euro a enfoncé la barre de 1,21 dollar ce vendredi peu avant 13h30. Cotant vers 16 heures environ 1,2040 dollar, la devise européenne n’avait pas été à ces niveaux depuis fin mars 2006, soit plus de quatre ans. L’euro a même touché vers 17h30 un plancher à 1,2004 dollar.
Les investisseurs fuient les devises à risque – dont l’euro fait partie en raison des problèmes de dettes de plusieurs pays en Europe – au profit des devises plus sûres, comme le dollar et le franc suisse, alors que les chiffres de l’emploi américain, toujouts très attendus pour arbitrer, sont ressortis en nette hausse, mais moins bons toutefois que ceux attendus par les analystes.
En comptant les 431.000 emplois créés en mai aux Etats-Unis, sur les quatre premiers mois de l’année, l’économie américaine a ainsi créé 200.000 emplois. Mais, dans la grande majorité d’entre eux, ces créations de postes sont réalisées via l’embauche ponctuelle d’agents pour le recensement. Hors ce phénomène ponctuel, l’économie n’a créé que 20.000 emplois.
Des chiffres qui «portent un coup à l’enthousiasme sur la reprise économique mondiale», commente Joshua Raymond, analyste chez City Index. Cela veut dire que les entreprises «n’embauchent encore qu’avec parcimonie et qu’elles n’ont pas encore suffisamment confiance dans l’avenir pour s’engager dans des recrutements massifs», explique Aurel BCG.
L’Europe dégradée par HSBC
Côté endettement en Europe, la série se poursuit. Ce vendredi, HSBC a dégradé sa recommandation sur l’Europe, hors Royaume-Uni, de «neutre» à «souspondérer», car «il reste encore beaucoup trop d’incertitudes sur la santé des banques, sur l’avenir de l’euro, sur les dettes souveraines, et sur la croissance pour prendre des risques sur cette région actuellement».
La Hongrie inquiète
Après la Grèce, l’Espagne et le Portugal, la contagion de la maladie des finances publiques se répand outre la zone euro, en Hongrie.
Le porte-parole du gouvernement ayant estimé que les propos d’un responsable politique évoquant la faible chance du pays d’éviter une crise semblable à celle de la Grèce n’étaient pas exagérés.
A la suite des commentaires du porte-parole du gouvernement, le forint est tombé à un plus bas d’un an face à l’euro pour s’échanger à 285,75 forints pour un euro, avant de légèrement remonter autour de 288 forints.
La Hongrie est sous perfusion de 20 milliards d’euros mis à disposition par le Fonds monétaire international (FMI), l’Union européenne (UE) et la Banque centrale européenne (BCE) depuis l’automne 2008.(Figaro-04.06.2010.)
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*Donner la vie en pays maya
Ces maïeuticiennes accompagnent au plus près leurs patientes: surveillance prénatale, entretiens visant à détecter les problèmes psycho-familiaux pouvant, selon elles, jouer lors de la délivrance, bains du nouveau-né et de sa mère. Les quarante jours suivant l’accouchement, la sage femme se consacre à masser la nouvelle mère et à lui donner des conseils, en particulier sur l’allaitement. «C’est pour cela qu’il y a très peu de baby-blues ici», affirme une de ces professionnelles.
Position d’accouchement, hygiène, rôle de la sage-femme, risques du partum et usage des plantes sont au programme des ces trois jours de conférences. Le but est de partager l’expérience, de poursuivre son apprentissage professionnel et de systématiser un savoir-faire, souvent individuel et isolé. Aucune n’a appris à l’école mais toutes se sont forgées de solides connaissances au gré de leurs expériences.
Plusieurs sages-femmes de pays étrangers sont présentes. Une espagnole prend la parole: «Je pratique des accouchements à domicile, c’est le meilleur endroit pour naître. Il y a une atmosphère d’amour et d’intimité qui ne se retrouve pas à l’hôpital.» Les femmes mayas acquiescent.
En marge du congrès, Maria raconte son premier accouchement. Le bébé se présentait mal. Elle a eu très peur. L’hôpital -ressource essentielle en cas de difficultés majeures- était loin et la guérilla bloquait la route. C’était du temps du conflit armé. Maria a dû se débrouiller. Elle ne savait pas comment couper le cordon ombilical. « Grâce à Dios », tout s’est bien passé, et pour la mère et pour l’enfant. En vingt-huit ans de métier elle n’a eu aucun décès. A cette époque elle était payée deux livres de maïs pour une petite fille et cinq pour un garçon. Ce n’est plus le cas aujourd’hui: « un accouchement est un accouchement ».
La conférence reprend. Il est question de la découverte de sa vocation. Dans cette culture basée sur l’astronomie et la science calendaire, le jour de naissance a une importance capitale et détermine le futur rôle social à jouer dans la communauté. C’est un don. Le jour de naissance des sages femmes, tijax, est commun aux agriculteurs. Une histoire de semence.
Les futures sages-femmes découvrent souvent leur vocation lors de rêves particuliers: serpents, bébés, deuxième mari, en général très beau « pas comme dans la réalité », plaisante t-on. Les songes doivent être interprétés, ne pas être pris au pied de la lettre. L’amant onirique indique la nécessité de faire un deuxième mariage, professionnel cette fois-ci. Si les femmes ne mettent pas en œuvre leur vocation, souvent par méconnaissance, elles risquent fort de développer une maladie. Infection de la peau, tremblements, vertiges, alcoolisme… Julia témoigne: « j’ai été malade pendant trois ans. Les médicaments ne faisaient rien. J’ai été voir un arq’ij, le compteur de jour. Il m’a révélé mon jour de naissance et m’a dit de vite me mettre à exercer. Ça m’a guérit. Les médecins sont incapables de soigner ces maladies». De nombreuses femmes réagissent en apportant leurs propres témoignages, souvent similaires.
Mais le temps passe vite et c’est maintenant l’heure de suivre le très attendu atelier pratique d’usage de plantes, avant d’assister à la cérémonie nocturne. Plusieurs femmes ont dû s’absenter pour raisons professionnelles. « C’était prévisible, c’est la demie lune aujourd’hui ».(Libération-06.05.2010.)
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**Désordre mental et perception inuit
Quelles sont les différentes matrices d’interprétation des désordres mentaux, dans la culture inuit, aujourd’hui? Que distingue t-elle comme catégories pathologiques et quels sont les moyens thérapeutiques qu’elle se donne?
Ce qui suit n’a rien d’une analyse ethnopsychiatrique. Il s’agit d’une synthèse d’observations, de lectures et d’entretiens (psychologue, psychiatre, ainés, patients, familles…) réalisés à Kuujjuaq sur une période de deux mois, concernant la perception et la prise en charge de la schizophrénie. Ce travail a révélé plusieurs limites: ignorance de la langue inuktitut, modestie du temps passé, méconnaissances de certains concepts anthropologiques.
Les termes mêmes de psychose et de délire font l’objet de nombreux débats chez les spécialistes. Choisissons les définitions, simplistes mais très usitées « d’altération du sens de la réalité” pour qualifier le premier terme et de “perception erronée” pour le second.
Freud expose dans Totem et Tabou, “l’humanité aurait, dans le cours du temps, connu successivement [..] trois grandes conceptions du monde: conception animiste (mythologique), conception religieuse et conception scientifique”. A Kuujjuaq, ces trois conceptions partagent la même temporalité. La perception de la psychose, polymorphe, diffère selon chacun de ces cadres de pensée. Elle est étroitement liée à la compréhension du monde, à ce qui y fait sens, et aux interprétations que la culture lui donne.
Conception scientifique
La pensée scientifique, introduite par la médecine des Blancs, est la plus récente et la plus répandue. La schizophrénie est diagnostiquée par le psychiatre, lors de ses visites dans le Grand Nord, selon le manuel Diagnostic et Statistique des troubles Mentaux -le dsm-. Cette “bible” se fonde sur certains critères (symptômes et traits de personnalité) pour déterminer qui est malade et qui ne l’est pas. Elle classe les différentes sortes de troubles mais ne fournit pas de piste étiologique, ni ne s’intéresse à l’histoire du patient, aux facteurs environnementaux ou aux processus interactionnels. La prévalence de la schizophrénie serait la même au Nunaviq qu’en Occident (1% de la population).
La logique de soin qui découle de ce diagnostic est un traitement médicamenteux, ainsi qu’une prise en charge sociale visant une réinsertion au sein de la communauté. A Kuujjuaq, certains schizophrènes vivent dans des appartements thérapeutiques (voir article Ippigusugiusavik : une maison pour «ceux qui ne marchent plus seuls») alors que d’autres sont suivis, en ambulatoire, par l’hôpital. Selon la gravité de la désorganisation ils peuvent également être envoyés au service psychiatrique de l’hôpital Notre-Dame à Montréal.
Le courant de pensée partagé par les praticiens est plus cognitivo-comportementaliste que psychanalytique, la psychiatrie plus biologique que dynamique. Cependant, le médecin généraliste et le psychiatre cherchent à interroger leurs patients sur leur vécu, forcément unique. Ils observent que les inuit, psychotiques ou non, ont souvent besoin de plus de temps pour parler de l’intime.
Un important effort d’information a été initié pour sensibiliser la communauté inuit, à l’aide de prospectus et de réunions, à la détection et la compréhension d’un trouble mental.
A l’heure de la mondialisation, les croyances sont réorganisées selon les strictes catégories du dsm. Il s’agit, pour les inuit, d’une nouvelle compréhension de l’expérience psychotique.
Conception religieuse chrétienne
A cette scientifique pensée, se mêle et s’entremêle la perception religieuse. Les anglicans puis les catholiques et enfin les pentecôtistes sont venus ce dernier siècle évangéliser le territoire du Nunavik. Le christianisme n’a pas seulement été vécu comme une importation mais plutôt comme une forme de religion où se sont intégrées les convictions traditionnelles, créant ainsi un système de croyances syncrétique.
La religion est très présente dans la vie des villages. Elle constitue souvent une ressource importante. Les anglicans proposent des impositions des mains et des prières à celui qui le demande. L’église pentecôtiste interprète les délires, souvent mystiques, comme une possession diabolique et pratique l’exorcisme sur le “possédé”. Selon le psychiatre, les prières et les impositions des mains peuvent avoir un effet thérapeutique. En effet, elles permettent à la communauté de se rassembler autour de celui qui souffre et ainsi de le reconnaitre, de l’accepter et peut-être, d’en avoir moins peur. L’exorcisme lui, en donnant une crédibilité au délire ne peut qu’accentuer la désorganisation psychique du schizophrène.
La possession par le diable est une lecture du trouble assez populaire. Les familles de psychotiques, ou le psychotique lui-même, se tournent fréquemment vers l’église. Les explications religieuses sont moins stigmatisantes que les diagnostics posés par l’hôpital et sous-entendent que la personne puisse guérir.
Conception traditionnelle
Enfin, la troisième conception, qu’il faut aller chercher chez les aînés, remonte à l’époque des croyances animistes. Cette réalité, en partie disparue, est difficile à reconstituer.
Les maladies mentales et les comportements anormaux étaient habituellement attribués à la violation d’un tabou, à la perte de l’âme ou à l’intrusion d’esprits hostiles. Les hallucinations étaient tolérées et comprises comme des communications avec des esprits. Ceux qui en présentaient étaient désignés comme nuliatsalik et uitsalik -le ou la fiancée-. Ils menaient une vie parallèle avec un partenaire invisible, dans une autre dimension.(voir article Unipkaren, raconte-moi une histoire! ). Le monde était peuplé d’êtres invisibles, et interagir avec eux n’étaient pas signe de déviance ou d’anormalité, tant que la fonction sociale n’était pas trop perturbée. Aujourd’hui certains patients, diagnostiqués schizophrènes, décrivent vivre ce même phénomène de fiancé invisible.
Auparavant, le chaman pouvait être appelé. Il avait le pouvoir de manipuler les âmes -chaque homme en aurait trois différentes- voyager dans le monde invisible et affronter les esprits. En soignant le possédé, il cherchait à chasser l’esprit malin mais également à restaurer l’harmonie sociale.
Inclusive, la société inuit tolérait habituellement ces étranges comportements. Des attitudes vues comme schizophréniques en Occident (apathie, émoussement des affects, altération du cours de la pensée…) étaient jugées acceptables par la société. La valeur inuit de non-ingérence, toujours forte aujourd’hui, se traduisait par l’absence d’implication dans la vie d’autrui (conseils, ordre), par respect de son autonomie. Cependant, lorsque les troubles s’exprimaient par un comportement estimé dangereux par et pour la communauté, et que les techniques de soins et de régulations sociales avaient été épuisées, l’exclusion s’imposait. Cet ostracisme pouvait être temporaire comme définitif, ce qui signifiait, à ces latitudes, une mort certaine. La communauté prévalait sur l’individu.
En fait, l’inuktitut n’a pas développé de système classificatoire ni de termes relatifs à la maladie mentale. La langue reflète la pensée. Les mots utilisés, en inuktitut, désignent des états et non des catégories de personnes, évitant ainsi les étiquettes et les stigmatisations. La maladie est vue comme un phénomène accidentel et transitoire. Aujourd’hui, même si la plupart des inuit utilisent la langue anglaise, les traducteurs inuktitut sont souvent pris au dépourvu lorsqu’ils doivent traduire les questions du psychiatre. Ils peuvent utiliser isumaaluktuq, littéralement “trop penser, être excessivement préoccupé”, ou isumaqangngituq, « pas de pensée, ne pas avoir d’esprit”. Ces terminologies sont plutôt vagues et regroupent des troubles aussi variés que la légère angoisse, ordinaire, le handicap mental ou la psychose paranoïde. Le normal et le pathologique ne sont pas vraiment identifiés et distingués par la langue.
Une ainée, très appréciée et reconnue dans le village, raconte sa façon de soigner apprise de sa tante guérisseuse:
Il y avait une jeune femme qui était possédée. Dans ma culture, l’esprit voyage d’une personne fragile vers une autre. Je lui ai dit de me décrire ce qu’elle voyait -un homme appuyé contre la fenêtre-. Il essayait de la posséder. “Cet esprit prétend qu’il est bon, ce n’est pas vrai, dis-lui de rester loin de toi, dis-lui.” La jeune femme l’a vu partir par la fenêtre. Il peut y avoir deux sortes d’esprits, des bons et des mauvais. Ils manipulent les gens. Enfant, j’entendais ma grand-mère parler aux esprits “mauvais esprit tu ne m’auras pas, je suis forte”.
Le fait de contrôler sa pensée permet ainsi de contrôler les esprits. Cette ancienne pratique reste toutefois marginale et il est difficile d’évaluer le nombre de personnes y ayant recours. Ce “soin” n’est pas toujours bien vu: “aujourd’hui c’est compliqué, ce système des Blancs est très lourd. Je leur explique, mais personne n’écoute”. Le système hospitalier, bureaucratique et administratif diffère de la fragile relation tissée avec le guérisseur.
Conséquences sur la prise en charge
Ainsi, il n’existe pas de conception homogène du désordre mental, et de la schizophrénie. Certains inuit adoptent exclusivement la méthode “moderne” de la psychiatrie. D’autres se tournent en premier lieu vers la religion, avant de frapper à la porte de l’hôpital alors que certains choisissent d’aller voir des aînés considérés comme guérisseurs -il n’y a officiellement plus de chaman au Nunaviq-. En fait, la majorité associent les trois approches, navigant entre ces conceptions, et voguant d’une ressource (traditionnelle, religieuse, hospitalière) à l’autre, sans cohésion apparente. Les interprétations de cette singulière expérience se chevauchent.
Toutefois, les personnes psychotiques restent très souvent, et très longtemps, insérées dans leur famille, au sens large: elles peuvent par exemple passer trois mois chez un oncle afin de soulager les parents. Les relais familiaux sont nombreux. Cette attitude tolérante et inclusive explique pour l’hôpital des retards de diagnostics. C’est souvent l’infirmière du village qui note des signes évocateurs de la psychose et elle qui conseille une consultation psychiatrique.
Néanmoins si la personne malade met en danger la communauté ou lorsque la famille est épuisée, une forme d’exclusion, évoquant l’ostracisme d’antan, peut être décidé. La personne est alors bannie de son village. Il lui sera permis de revenir lorsque son comportement sera stabilisé (par les médicaments). Dans bien des cas, des excuses publiques à la radio locale sont recommandées.
Chacun, selon ses croyances, son village et ses expériences agit différemment. La perception de la psychose et du délire semblent être avant tout une construction individuelle dépendante des différents cadres de pensées véhiculées par cette culture en pleine transition.
Quelle place à l’invisible?
On peut se poser la question de la prévalence de la schizophrénie avant l’arrivée des Blancs. Cette interrogation soulève le débat entre les universalistes (les différents types de désordres mentaux se retrouvent partout dans le monde mais s’expriment selon des modèles d’expressions propres à chaque culture. Un “prêt-à-porter” culturel habille le processus pathologique, universel) et les relativistes (les types de maladies mentales sont spécifiques à chaque culture. Les diagnostics ne peuvent avoir de caractère universel). Le débat s’enrichit, ou se complexifie, avec ceux qui défendent l’idée d’une schizophrénie causée par la génétique (donc apportée par la rencontre, génétique, avec les Blancs) et ceux qui restent persuadés que la société occidentale aurait perverti les “primitifs”, et serait à l’origine des désordres mentaux. Rien ne dit, ni les recherches, ni les aînés interrogés, que les inuit vivaient dans un paradis mental exempt de tout trouble psychique. Mais la prudence est de mise. Les processus culturels, d’hier et d’aujourd’hui, sont complexes. On pourrait par exemple reprocher à la psychiatrie de “psychiatriser” un trouble vu comme une manifestation spirituelle. Là où il y a possession, y a t-il nécessairement délire ou hystérie? La psychologie écrase t-elle la dimension spirituelle? Les possessions ne sont-elles pas des moyens de communication, culturellement codés?
Ces différentes perceptions, si elles témoignent de l’évolution des modèles de pensées d’une culture, posent plus précisément la question du statut du trouble, en particulier des hallucinations. Quelle place à l’invisible? Au temps des croyances animistes les barrières entre monde visible et monde invisible étaient minces, et non étanches. Une hallucination ou un délire (enfin ce que nous interprétons comme tels) pouvaient refléter le lien au monde invisible. Cette dimension était accessible au chaman. A l’aide d’alliés spirituels -plantes, rituels, chants-, il négociait avec les esprits et rétablissait un équilibre. Le trouble était ainsi perçu comme extérieur à la personne. Certains traitements pouvaient d’ailleurs être assez sévères car destinés à l’esprit malin incarné et non à la personne elle-même.
La science opère l’exclusion des réalités invisibles et réorganise les perceptions(1). Rationaliste, elle remet en cause la “réalité” des hallucinations. Le discours du patient n’est plus entendable car non sensé. Celui qui est en lien avec le monde invisible devient un insensé. “Le fou se comporte comme un étranger dans la mesure où il ne partage pas la même perception du réel, qu’il ne s’associe pas à la même communauté d’observation, aux mêmes présupposés de découpage du réel entre le visible et l’invisible.” (Giraud). Le surnaturel n’ayant plus droit de cité, la personne devient malade en raison d’une cause interne: biologique, psychologique ou psychogénétique. “Le sujet démocratique moderne pense que l’invisible s’est retiré du monde pour le laisser seul et autonome” (Giraud).
(1) Par science, nous parlons ici de la biopsychiatrie, celle qui n’envisage que le déterminisme biologique comme cause des troubles. La psychanalyse -non présente au Nunaviq- redonne une certaine existence à l’invisible avec la découverte, ou la création, de l’inconscient.(Chronique Libération-08.12.2009.)
A lire
Devereux G., Essais d’ethnopsychiatrie générale, Broché, 1970
Freud S. Totem et Tabou, Petite Bibliothèque payot, 1912.
Giraud F., l’invisible: psychiatrie, histoire et pratique de l’altérité in L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2001, Vol. 2, n°3, pp. 431-440
Kirmayer L, Corin E, Corriveau A. et Fletcher C. Culture et maladie mentale chez les Inuit du Nunavik Santé mentale au Québec, vol. 18, n° 1, 1993, p. 53-70.
Kirmayer L, Fletcher C, Corin L,Boothroyd L. « Inuit concepts of mental health and illness: An etnographic study ». University Mc Gill, 1999.
Littlewood R., Nosologie et classification selon les cultures: « syndromes liés à la culture » in L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2001, Vol. 2, n°3, pp.443-466
Nathan T, Stengers I, Andréa P, Une ethnopsychiatrie de la schizophrénie? Ethnopsy, N°1, 2000, p 9-43.
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**En quoi le réchauffement climatique permet au rouge-gorge de varier son horizon
Cet ainé remarque le raccourcissement de l’hiver, le changement de qualité de la neige. Au printemps dernier, des hommes pourtant expérimentés sont tombés, avec leurs motoneiges, dans la mer soudainement mise à nue. La glace était anormalement mince. Le savoir des Inuit, spécialistes en lecture de la neige, deviendrait-il moins fiable? Le changement climatique est attesté par les scientifiques (1) qui mesurent, analysent et concluent au réchauffement du sous-sol, à la diminution du permafrost (couche du sol toujours gelée), ce qui entraine des glissements de terrains et la déformation des pistes d’atterrissages. Or le transport aérien est vital au Nunavik, aussi bien pour l’approvisionnement alimentaire que pour les évacuations médicales.
Les déplacements deviennent également plus périlleux pour les troupeaux d’animaux. Les caribous s’adaptent en changeant leurs voies de migration, s’éloignant alors des villages, et des chasseurs. La consommation de nourriture traditionnelle, saine, se réduit au profit de la junk food (chips, coca…), connue pour ses aptitudes à créer divers troubles cardiovasculaires…
Autre effet non soupçonné: l’impact sur la santé mentale. Si les Inuit se sont récemment sédentarisés, chasser, pêcher ou camper reste inscrit dans leur mode de vie. L’accès à la toundra est facilité en été et en hiver (grâce au tapis de glace). Or, avec les intersaisons qui s’allongent, les habitants perdent la liberté de s’éloigner du village. L’isolement et l’ennui augmentent. Les psychologues y voient là une influence sur le développement des troubles psychiques. A l’automne et au printemps, les suicides sont plus fréquents. Reste les compagnies minières qui, elles, se satisfont de cette situation. Les voies navigables sont maintenant ouvertes pour de plus longues périodes, entrainant une réduction des coûts de transport. (Libération-05.10.2009.) Dans le village, les aînés réfléchissent à une traduction du mot rouge-gorge.
(1) Science du 11 septembre 2009
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