Effonfrement de la conscience arabe
**S’attaquer aux civils sans défense, la stratégie de Daech
L’organisation terroriste Daech, en engageant une guerre confessionnelle dans le monde musulman, est en train de plonger celui-ci dans le monde des ténèbres, parachevant le travail criminel des dirigeants qui sont à sa tête. En une semaine, Daech s’est attaqué à deux mosquées chiites d’Arabie Saoudite, faisant des morts et des blessés.
Dans les communiqués où il revendique ses forfaits, il promet d’autres carnages. Sortie de nulle part, Daech a annoncé avec fracas qu’il déclare la guerre totale «aux juifs et aux chrétiens».
Depuis, il s’est attaqué à des civils sans défense, semant la terreur contre les communautés yazidis et chrétiennes d’Irak où, en un temps record, il a occupé une immense partie du territoire. Il a aussi étendu ses activités en Syrie, où le régime de Bachar Al Assad, s’accrochant honteusement et contre toute logique au pouvoir, se contente de défendre Damas et de bombarder avec du phosphore les populations civiles d’Alep et de Palmyre. Une déstabilisation qui se déroule pour le plus grand plaisir d’Israël, qui voit le monde arabe se disloquer sous ses yeux, sans qu’il ait à agir.
Au demeurant, les «combattants» de Daech, dans leur immense lâcheté, n’osent pas se frotter aux Israéliens. Israël est à un jet de pierre des positions tenues par les terroristes en Syrie et Jérusalem est à peine à une quarantaine de kilomètres. La priorité de tout musulman logiquement est la libération du troisième lieu saint de l’islam et non de massacrer ses coreligionnaires. Ce qui laisse penser que les troupes de Baghdadi ne sont pas si fanatiques que ça et qu’elles savent où mettre les pieds. C’est-à-dire que leur disparition de la surface de la planète est assurée si elles osent lancer quelques obus contre l’Etat hébreu.
D’ailleurs certains analystes estiment qu’elles doivent avoir un soutien discret des dirigeants de Tel-Aviv dans la mesure où elles font la sale besogne qui échoit en théorie à l’armée israélienne et à son puissant service secret, le Mossad. De toute évidence, ceux qui ont créé et armé des criminels de cet acabit portent une lourde responsabilité devant l’histoire. La Turquie et le Qatar sont pointés du doigt. Il n’y a rien d’étonnant.
Le premier pays est divisé par un parti membre des Frères musulmans et le second est un propagandiste zélé d’Al Qaîda à travers sa chaîne de télévision Al Jazeera. Si leur implication est avérée, ils jouent dangereusement avec le feu et, surtout, travaillent directement ou indirectement pour Israël et tous les ennemis de l’islam.*Tayeb Belghiche/ El Watan-Mardi 02 Juin 2015
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*Face au chaos syrien, l’effonfrement de la conscience arabe
*Les femmes et filles syriennes réfugiées exposées à l’esclavage
Alors que leurs hommes font la guerre et s’entretuent en Syrie, des femmes syriennes réfugiées risquent l’esclavage.
Plusieurs medias ont rendu compte de kidnappings, viols, mariages forcées, et répudiations à répétition
Ces constats désolants sont délivrés aussi bien par le journal An-Nahar en Egypte, que par la quatrième chaine britannique qui enquêtait sur le fameux camp Zaatari en Jordanie.
Malgré les dénis des instances de l’insurrection armée syrienne, qui s’obstinent à sous-estimer le phénomène de l’exploitation sexuelle des femmes syriennes réfugiées, celui-ci prend de l’ampleur dans le monde arabe, sous une
couverture qui peut sembler légitime.
« C’est un nouvel esclavage à l’ère du calife Mohammad Morsi », a décrié le quotidien égyptien dans un article qui rapporte qu’en Égypte, les femmes syriennes font l’objet d’un appel au mariage, pour des dotes très minables.
« Tout frère voulant épouser une femme syrienne doit venir immédiatement. La dote ne dépasse pas les quelques livres. La mariée est vierge», appelle-t-on dans les mosquées égyptiennes, selon le journal égyptien an-Nahar.
« Ce scandale », selon les termes du journal, a été archivé par le Conseil National de la Femme (CNF) et une lettre a été dépêchée aux ministres de l’intérieur et de la justice leur demandant de faire cesser ce phénomène de mariage des réfugiées syriennes qui profite de leurs conditions de vie difficiles.
Selon Mirvate Talaoui, la directrice du CNF, le nombre de ce genre de mariage a atteint en un an les 12.000 cas en Égypte, qui accueille vers les 200 mille réfugiés syriens, selon un récent sondage de l’ONU.
Zaatari, le camp de la honte
Mais c’est surtout dans le camp Zaatari en Jordanie, baptisé le camp de la honte, que la situation des femmes syriennes est la plus désastreuse. En plus des conditions météorologiques difficiles qu’elles doivent affronter, elles sont abandonnées à leur sort, faute de mesures sécuritaires suffisantes.
Cette négligence des autorités jordaniennes a été violemment critiquée au parlement jordanien, le 28 mars dernier, par le député Mohammad Chdeifat, qui a déploré que « le camp Zaatari soit en dehors de tout contrôle sécuritaire »,
révélant qu’il est désormais sous l’emprise « des bandes de criminels et du marché noir ».
De 7 ans à 77 ans, les femmes syrienne risquent tous les sévices.
Plusieurs medias ont rendu compte de kidnappings, viols, mariages forcées, et répudiations à répétition. La semaine passée, la quatrième chaine de la télévision britannique s’est penchée sur ce phénomène pas tout à fait nouveau
Elle rapporte entre autre que la tente d’une femme syrienne, mère de trois enfants, a été brûlée pour avoir refusé les propositions qui lui ont été faites.
Doutant de la véracité des explications données de l’incendie par le coordinateur général des réfugiés syriens qui avait alors argué un bousillage de lignes électriques.
L’incident s’est répété une nouvelle fois, le mois dernier, lorsqu’une tente a été incendiée causant la mort d’une fillette de 7 ans, et blessant son père et ses deux frères.
Femmes et fillette n’osent plus se rendre aux toilettes, sans escorte ou protection, de craintes d’être soit kidnappées, soit violées. Ce sont les plus jeunes qui sont les plus menacées. L’Unicef a constaté qu’un nombre de jeunes élèves qui ne venaient plus en classe avaient été violées.
Dans le reportage d’un quart d’heure, il est question d’une syrienne, Oum Majed, qui arrange des mariages pour 1.000 dollars la dote, mais selon la présentatrice, cette femme s’adonne au trafic d’esclaves blanches.
De plus, les mariages contractés sont des mariages temporaires ou de plaisir, en échange d’une somme allant de 50 à 100 dollars. La plupart des prétendants étant surtout des Arabes du Golfe. Dans l’un des cas, un vieux jordanien de 60 ans est venu pour demander en mariage une fillette de 12 ans.
Sachant que les cas de mariages de plaisir ont été confirmés dans le parlement jordanien par la député Mayçar Sardiyye qui s’est interrogée sur les parties qui gèrent « cette prostitution » dans ce camp.
L’an dernier, une campagne a été organisée sur Facebook par des activistes syriens pour dénoncer ces pratiques à l’encontre « des femmes syriennes libres » qui refusent .
«Quelle virilité donc est celle des hommes arabes qui n’ont trouvé autre pour aider les réfugiées syriennes que de les épouser », a dénoncé l’une de ces activistes de l’opposition syrienne, Leila Chéhab.
Les sites de l’insurrection s’étaient alors mis de concert pour sous-estimer le phénomène, au prétexte que ses cas sont limités.
Par dessus cette exploitation, les réfugiés syriennes appréhendent le pire.
Dans le reportage de la télévision britannique, une vieille femme se regrette profondément avoir quitté son pays et dit qu’elle souhaite y retourner quelque soient les conditions.
Ce qu’ellle craint le plus c’est un sort similaire à celui des réfugiés palestiniens, qui sont sortis de leur patrie et ne sont plus jamais retournés. *sources diverses+ El Manar-01-04-2013
**Les réfugiées syriennes vendues à de riches arabes dans tout le Moyen-Orient
Victimes de la guerre, les Syriennes réfugiées en Jordanie et ailleurs sont exploitées d’une facon indigne
Nezar démontrait beaucoup d’attentes à son arrivée. Cette mère costaude de 12 enfants s’est installée sur le petit canapé dans le salon d’Um Majed tout en enlevant son voile noir et ses gants noirs pieux qui lui permettent de donner la main aux hommes qui ne font pas partie de sa famille.
Um Majed sert des petites tasses de café turc chaud pour détendre l’atmosphère. Nezar est une réfugiée syrienne à la recherche d’un mari pour sa fille. Elle énumère les qualités de sa fille :« Elle est grande et jolie, dit-elle à Um Majed. Elle a terminé sa septième année ».
«Il y a un homme disponible. Il est Saoudien », répond Um Majed.
C’est ce que Nezar veut entendre. Les Saoudiens, les poches pleines de pétrodollars, paient de bons montants. Elle nourrit de grands espoirs pour ce Saoudien. Um Majed aussi, car elle recevra 287$ si les deux parties acceptent cet arrangement.
Um Majed, 28 ans, elle-même réfugiée syrienne, était une femme au foyer à Homs. Um Majed n’est pas son vrai nom, mais un surnom arabe respectable signifiant «mère de Majed», son jeune fils. Elle ne veut pas que son nom complet soit publié car elle a honte de la manière dont elle gagne sa vie : procurer des épouses, dont certaines ont à peine 12 ans, à des hommes de tout le Moyen-Orient aussi vieux que 70 ans, pour de l’argent.
Nezar aussi était une femme au foyer à Homs et elle est arrivée en Jordanie l’année dernière. Son mari était chauffeur de taxi, mais il ne peut plus travailler parce qu’il souffre d’une maladie cardiaque. Son fils est gravement blessé. « Il combattait pour l’armée de résistance et ils ont enlevé un barrage routier mis en place par le régime quand il a été touché par un missile, explique-t-elle. Quatre autres sont morts. Il a subi trois chirurgies et en a besoin d’une autre ».
Sa fille Aya est leur meilleur espoir. « Ma fille est prête à se sacrifier pour sa famille, dit Nezar. Si la guerre n’avait pas eu lieu, je ne marierais pas ma fille à un Saoudien. Mais les Syriens ici sont pauvres et n’ont pas d’argent. »
La fille de Nezar a 17 ans. Le Saoudien, 70 ans.
*source: postedeveille.ca-23/03/2013
***Les viols poussent de nombreuses femmes et des jeunes filles syriennes à fuir
Le viol est une des principales raisons qui pousse des femmes et des jeunes filles syriennes à fuir leur pays, plongé dans un conflit sanglant depuis bientôt 22 mois, selon l’organisation International Rescue Committee (IRC).
Le viol est un « phénomène important et inquiétant de la guerre civile en Syrie« , estime l’IRC, ONG basée aux Etats-Unis, dans un rapport publié lundi et intitulé « Syrie: une crise régionale« .
« Au cours de trois enquêtes réalisées par l’IRC au Liban et en Jordanie, des Syriens ont cité le viol comme raison principale de leur fuite du pays avec leur famille« , a indiqué l’ONG dans son rapport, appelant à agir d’urgence.
« Beaucoup de femmes et de filles ont raconté avoir été attaquées en public ou chez elles, en général par des hommes armés. Ces viols, parfois collectifs, se déroulent souvent sous les yeux de membres de la famille« , selon l’IRC.
Des personnes interrogées par l’IRC ont également indiqué que dans certains cas, les victimes sont enlevées, torturées et tuées.
Les victimes qui survivent à ces attaques en parlent rarement, selon l’IRC, en raison « des normes sociales et du déshonneur que représente le viol pour les (victimes) et leur famille« , précise l’IRC.
De nombreuses victimes interrogées par l’IRC ont également évoqué la peur de représailles de la part de leurs assaillants, et la crainte d’être tuées par des membres de leur famille pour laver l’affront, ou contraintes de se marier très jeunes « pour protéger leur honneur« , selon le communiqué.
Mais les femmes qui fuient sont privées de suivi médical et de soutien psychologique, et font face à des « conditions de vie dangereuses dans les camps et à un haut niveau de violence domestique« .
Le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) a indiqué vendredi que le nombre de réfugiés syriens enregistrés dans les pays voisins et en Afrique du Nord avait augmenté de plus de 100.000 entre le 11 décembre et le 11 janvier, pour dépasser les 600.000.
L’ONU s’attend à ce que le nombre de réfugiés atteigne 1,1 million d’ici à juin prochain si la guerre civile se poursuit en Syrie. En Syrie même, plus de 2 millions de civils ont été déplacés.
L’IRC a appelé à « une augmentation urgente de (l’aide) de la communauté internationale » face à « un énorme désastre humanitaire« , qui « très certainement va durer longtemps« . *AFP + L’Express-14/01/2013
**Un rapport de la FIDH met à nu les viols et les crimes sexuels
C’est un autre drame, sexuel celui-là, que vient de révéler une mission de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dans les camps des réfugiés syriens en Jordanie en décembre 2012.
Intitulée : «Violence contre les femmes en Syrie : briser le silence», la mission de la FIDH a couché sur 18 pages la douleur muette de ces centaines de femmes et jeunes filles sous les tentes des camps des réfugiés, mais aussi dans ce qui est appelé pompeusement les «colonies des réfugiés». Ce rapport explosif, dont El Watan a pu obtenir un extrait en exclusivité auprès de la FIDH, met à nu – sans jeu de mots – les viols et violences sexuelles subis par des Syriennes jetées sans protection dans la nature après avoir fui la guerre.
La délégation a pu prendre la mesure de ces souffrances grâce aux visites qu’elle a effectuées dans les trois camps de réfugiés officiels en Jordanie, ainsi que de nombreuses colonies de réfugiés établies en dehors des camps, à Amman et dans les villages alentours. Le rapport se base sur les témoignages de 80 réfugiés, dont 79 femmes et un homme qui vivent pour la plupart en dehors des camps jordaniens officiels, précise la note de la FIDH.
La délégation a également eu l’occasion de rencontrer de nombreuses organisations qui travaillent avec les réfugiés syriens en Jordanie pour appuyer les témoignages faits sous le couvert de l’anonymat.
Pour cause, la violence sexuelle étant un sujet tabou dans le monde arabe et musulman, il était alors difficile pour la délégation de la FIDH d’arracher des aveux. «Aucune des femmes interviewées n’a clairement dit qu’elle avait été victime de crimes sexuels», commentent les missionnaires de la Fédération internationale des droits de l’homme.
Sous les tentes des camps des réfugiés…
Mais cette pudeur somme toute compréhensible chez ces malheureuses victimes syriennes cache mal leur envie de crier leur douleur. Le rapport souligne ainsi qu’elles ont toutes reconnu avoir été des «témoins directs ou indirects» d’actes de violence à l’encontre de femmes syriennes, y compris de crimes sexuels, lors d’enlèvements ou de détention. Elle ont également toutes mentionné que leur départ de Syrie était principalement motivé par la peur qu’elles-mêmes, leurs filles, ou les femmes de leurs familles soient enlevées et violées. Il faut préciser ici que les violeurs de femmes syriennes se recrutent tout autant chez les soldats de l’armée que chez ceux de l’armée des rebelles (ASL).
Les Syriennes sont ainsi ballottées entre les frustrés des uns et des autres dans une guerre où elles semblent être les premières victimes, et ce, quels qu’en soient les vainqueurs. Il en ressort dans le rapport de la mission de la FIDH truffé de témoignages que les crimes sexuels à l’encontre des femmes sont «utilisés pour torturer les personnes arrêtées afin d’obtenir des informations sur l’ennemi». On y apprend ainsi qu’une femme syrienne, arrêtée arbitrairement par des forces pro-gouvernementales alors qu’elle se rendait au travail, a confié les propos suivants à la délégation : «Le soldat a commencé à me toucher, à mettre ses mains sur mes lèvres et à jouer avec. Il m’a dit que j’étais là, car une de mes amies, qui était détenue, avait avoué que je participais activement à la révolution.»
L’autre enseignement est que les crimes sexuels à l’encontre des femmes «servent à créer un climat de peur et à dissuader les combattants potentiels de rejoindre l’ennemi». Voilà ce que rapporte un témoin arrêté à trois reprises par les forces pro-gouvernementales à la délégation : «Trois étudiantes ont été forcées à se mettre complètement nues devant 42 prisonniers (…) Je pense qu’ils voulaient essentiellement nous montrer ce qui arrivait aux filles, comme pour menacer nos propres femmes si nous continuions nos activités anti-gouvernementales», commente ce jeune Syrien.
La FIDH souligne que la loi du silence observée rigoureusement par les femmes syriennes victimes de crimes sexuels est motivée par leur peur d’être «rejetées par leurs familles, en raison de l’extrême stigmatisation culturelle et la pression familiale». Terrifiées, elles ne consultent même de spécialistes et des ONG pour soulager leur douleur. Cela étant dit, si la mission de la FIDH soutient que la violence à l’encontre des Syriennes est principalement commise par les forces pro-gouvernementales, elle n’en disculpe pas pour autant les rebelles. Voici un terrible témoignage d’un ancien soldat de l’Armée syrienne libre (ASL) : «Ses ravisseurs de l’ASL l’ont violée puis ils l’ont tuée pour qu’elle ne puisse pas les dénoncer. Ensuite, ils ont jeté son corps devant la maison et ont fait courir le bruit que c’était l’Armée syrienne qui était responsable (…)» *El Watan-11.04.2013.
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**Face au chaos syrien, l’effonfrement de la conscience arabe
la seule vérité indiscutable est que la Syrie, peuple, nation et Etat – et pas seulement le régime qui la gouverne de moins en moins – fait l’objet d’une agression étrangère multiforme destinée à l’anéantir.
Cela fait des mois que je m’intéresse à la position prise par l’intelligentsia arabe et particulièrement syrienne à propos des événements de Syrie. Sur une vidéo mise en circulation sur Internet, j’ai entendu l’un des plus illustres opposants à Bachar El Assad, Michel Kilo, déclarer que les intellectuels syriens étaient « pour la révolution« . Ce que mes propres observations tendent à confirmer car j’ai suivi avec toute la constance possible, à travers la presse arabe où ils s’expriment le plus volontiers, leurs prises de position et leurs analyses. Il m’est arrivé d’en conclure que, si la parole qu’ils exprimaient et leur conception de l’opposition au régime de Damas qu’ils préconisaient avaient la pertinence patriotique qu’ils leur attribuaient, c’est que j’étais démuni de certaines composantes du logiciel politique approprié, qu’eux-mêmes n’ont pas manqué, tous, de recevoir en partage. J’ai aussi parfois mis mon incapacité à comprendre sur le compte de la complexité des données de cette région du monde arabe où s’entremêlent tant d’intérêts et d’influences.
Mais j’ai résolu pour finir de risquer un certain nombre d’observations. Car la situation est telle que la seule vérité indiscutable est que la Syrie, peuple, nation et Etat – et pas seulement le régime qui la gouverne de moins en moins – fait l’objet d’une agression étrangère multiforme destinée à l’anéantir. Cette agression ne diffère de l’entreprise lancée en 2003 contre l’Irak et en 2011 contre la Libye que par deux faux-semblants : la préexistence d’une prétendue révolution populaire pacifique qui aurait duré un an et l’échec fait à une intervention militaire de l’OTAN.
UNE VERITABLE INVASION MILITAIRE
Jusqu’au tournant de l’année en cours, des manifestations civiles, dont l’ampleur a sans doute été exagérée, brouillaient le jugement en imposant, grâce à une information sélective puissamment relayée, la vision d’un soulèvement populaire généralisé réprimé violemment. Le discours de l’opposition et des intellectuels pouvait alors avoir un semblant de justification. Mais qu’en est-il aujourd’hui? La guerre s’est étendue et les données relatives à l’identité des forces qui combattent l’armée régulière ne sont plus contestées
- Depuis le début du mois d’août, on a appris qu’Obama avait ordonné aux services secrets américains d’apporter toute leur aide aux insurgés et des sources britanniques ont confirmé que les forces spéciales américaines et britanniques se trouvaient sur le terrain pour appuyer l’armée syrienne libre qui serait la principale force engagée dans les combats. Avec le déclenchement de la bataille d’Alep, le nord du pays est ouvert à l’infiltration massive de groupes armés encouragée par la Turquie qui multiplie les manœuvres militaires agressives à la frontière. Dans le même temps, des forces armées occidentales affichent leur présence menaçante en Jordanie depuis mai dernier lorsque les Etats-Unis ont organisé des manœuvres avec l’armée du royaume.
- Auparavant, en juillet, alors que les pires scénarios de partition du pays étaient évoqués, deux thèmes avaient été mis en avant d’une manière concomitante qui peuvent à tout moment servir de prétexte à une intervention militaire ouverte : l’entrée massive de combattants d’Al Qaéda en Syrie et le sort des armes chimiques détenus par le régime. Le journal El Quds El Arabi du 22 juillet n’excluait pas que les Etats occidentaux et/ou Israël envisagent une action militaire pour empêcher les groupes djihadistes (ou encore le Hezbollah) de s’emparer des « armes de destruction massive ».
Ces groupes étaient présentés contre toute vraisemblance comme une tierce partie au conflit, des intrus qui se seraient librement invités à la curée. En somme des ennemis de l’Occident et d’Israël, avant tout! En mai dernier, le secrétaire américain à la Défense s’alarmait de ce que les attentats de Damas « portaient l’empreinte d’Al Qaéda », ajoutant que l’organisation tirait profit du chaos qui régnait dans le pays. Le journal El Quds précisait dans son édition des 21/22 juillet que 6000 combattants de l’organisation, de différentes nationalités arabes, étaient entrés dans le pays, par la Turquie et l’Irak, pour s’assurer le contrôle de l’ »Emirat de Syrie ». Des informations concordantes, validées par les experts de la désinformation occidentaux eux-mêmes et notamment français, laissaient entendre que l’armée syrienne libre, pour l’essentiel cantonnée en Turquie, n’était qu’un figurant dans les combats.
On choisit ainsi par moments de mettre en avant la présence d’Al Qaéda qui n’est pas douteuse à condition bien sûr de comprendre qu’on étiquette sous ce label quelque peu anachronique les cohortes de djihadistes formées et commandées par les Etats du Golfe, sous la supervision des Etats occidentaux, celles-là mêmes qui ont dévasté l’Irak et le Yémen pendant des années, abattu le régime de Kadhafi, avec le concours de l’OTAN, en attendant de mettre le Sahel et peut-être le Maghreb à feu et à sang.
Cette infiltration de mercenaires n’a d’ailleurs pas commencé en cet été 2012. Elle remonte à l’année dernière mais les organes de la désinformation refusaient alors de reconnaître la guerre d’envergure menée contre le régime[1]. Des affrontements sans merci avaient alors lieu, dont les populations civiles étaient massivement victimes. Ce fut le cas notamment à Homs.
Avant que le journal britannique The Guardian ne confirme en janvier l’existence d’un soutien militaire extérieur, en particulier américain, à l’insurrection syrienne[3], son homologue, le Daily Telegraph, avait révélé que le chef du conseil militaire libyen à Tripoli, Abdelhakim Belhadj, avait été dépêché par le conseil national de transition en Turquie où il avait discuté avec les chefs de l’ « armée syrienne libre » de « l’envoi de combattants libyens pour entraîner ses soldats ».
Cela fait à ce jour plusieurs mois que la « révolution » syrienne a opéré sa jonction militaire avec les acteurs de l’insurrection libyenne et leur encadrement arabe et occidental.
UNE « REVOLUTION » PRIVEE DE DIRECTION POLITIQUE?
Il faudrait donc en bonne logique requalifier les faits qui se déroulent en Syrie. Si jamais une révolution populaire a bel et bien commencé dans ce pays en mars 2011, qu’en reste-t-il à l’heure des combats menés par des djihadistes de tous poils, par les groupes qu’ont acheminés de Libye et d’ailleurs les monarchies du Golfe, par les services secrets et les forces spéciales occidentales? Et c’est de l’opposition et de l’intelligentsia syriennes que devrait venir une réponse. Peuvent-elles persister à ne se définir que comme l’opposition au régime, au mépris de leur devoir patriotique? Pour les branches qui refusaient l’ingérence militaire, la priorité n’est-elle pas aujourd’hui de dire non à l’invasion armée étrangère qui, pour n’avoir pu se matérialiser sous la forme de bombardements de l’OTAN, n’en menace pas moins l’existence souveraine et unie du pays? Force est de constater que non : l’opposition continue à conceptualiserpar une démarche voulue unitaire une transition illusoire dont les données et les perspectives lui échappent totalement.
Le Syrien Ammar Dioub, dont j’ai lu plusieurs articles publiés depuis le début de la crise, faisait le 13 juillet dernier l’observation suivante à propos des multiples rencontres organisées par l’opposition depuis plusieurs mois : Ces conférences ont manqué à leur unique justification: la détermination précise des objectifs de la révolution (…) Et de ce fait, la révolution était et demeure orpheline d’une opposition véritable qui la représente.
Ce simple constat, qui attriste l’auteur en sa qualité d’adepte de la dite « révolution », résume l’irréductible contradiction qui fait de l’attitude de cette opposition (mais aussi de l’écrasante majorité de l’intelligentsia syrienne), plus qu’une énigme, un véritable défi à la raison. Voilà une révolution, dénommée et labellisée d’emblée comme telle qui n’aurait jamais eu de direction politique (dans le double sens de l’expression). Ce constat est fait aujourd’hui, alors que ce sont des insurgés en armes qui combattent le régime. Mais il vaut pour les longs mois durant lesquels on nous représentait la scène syrienne comme le théâtre de manifestations populaires pacifiques.
Il suppose que soient vérifiées deux hypothèses :
- D’une part que la mutation du conflit soit dans l’ordre des choses : depuis mars 2011, coulerait sans interruption le fleuve d’une seule et même révolution, recueillant après une période de protestations civiles les affluents de violences armées qui ont gonflé son cours démesurément mais sans jamais lui faire quitter son lit.
- Et, d’autre part, que les groupes armées aient légitimement pris le relais du peuple pacifiquement révolté, dans une continuité révolutionnaire qui ne s’est pas démentie, sans qu’une direction politique n’ait jamais rien supervisé, sans qu’elle n’ait mis au point cette « détermination précise des objectifs » dont l’auteur déplore l’absence.
Or, l’examen des prodromes « civils » de la confrontation armée suggère que la violence y était contenue en germe.
Car, si l’on considère que la seule alternative à une généralisation de la violence était l’option politique, force est de constater que celle-ci était exclue du fait même de la nature de l’insurrection à son déclenchement. La contestation a été conçue de telle sorte qu’elle ne laisse aucune marge d’initiative à la politique et il n’est pas fortuit qu’on l’ait déclenchée à l’insu et à la surprise des nombreuses forces d’opposition existantes[6], même si certaines en ont revendiqué la représentation a posteriori. Le phénomène est d’autant plus édifiant qu’il est commun aux principales « révolutions » arabes. On peut le dégager de certaines des nombreuses analyses publiées par des familiers de la scène syrienne.
UNE DONNEE DE BASE : L’INCONNU
Mais il faut d’abord réfuter la principale explication de la genèse du soulèvement qui se fonde sur les faits déclencheurs les plus immédiats et fait l’objet d’un consensus très large. Elle évoque des événements que le journal El Quds El Arabi avait rapportés le 24 mars 2011 comme suit : L’étincelle de l’intifada syrienne est partie de la ville de Deraâ lorsque les forces de sécurité syrienne ont emprisonné un groupe d’enfants âgés d’une dizaine d’années qui avaient écrit des graffitis demandant la chute du régime et il n’est pas improbable que se déclenche une révolution qui s’étendra aux villes, aux villages et aux campagnes syriennes à cause des pratiques répressives des forces de sécurité syriennes,
Le problème « factuel » que pose une telle interprétation est qu’il est pratiquement impossible d’établir la date exacte de l’arrestation de ces enfants (dont le nombre varie selon les sources de 15 à 25). Dans les chronologies établies par la presse internationale, on mentionne ces faits sans en spécifier la date, certains médias s’accordant cependant à les dater du 13 mars, c’est-à-dire quelques jours avant les premières manifestations de Deraâ du 17 mars (El Qods du 24 mars 2011).
En fait, ils n’ont pas été rapportés dans leur actualité, El Qods les ayant mentionnés la première fois le 11 mars 2011 parmi les « histoires et récits » dont les « sites regorgent » en citant le site syrian.net qui avait fait état « d’une vaste campagne d’arrestations dans la province de Deraâ qui a visé il y a quelques jours 25 enfants de la 4e Année primaire qui avaient scandé à l’école le mot d’ordre : Le peuple veut la chute du régime ». On en conclut que ces arrestations sont présumées avoir eu lieu avant le 10 mars, à une date indéterminée, alors même que les appels lancés sur Facebook pour la « révolution contre le régime d’El Assad » fixée au 15 mars étaient apparus dès le 5 mars sans référence aux écoliers de Deraâ et avec déjà pour mot d’ordre « la chute du régime » (El Qods du 7 mars 2011[8]).
S’agissant maintenant des organisations qui ont vu le jour pour représenter la « révolution », certaines ont revendiqué un lien organique constitué avec les « coordinations » qui ont occupé le terrain à partir de mars 2011. Mais, comme le soulignait l’écrivain syrien Mohamed Dibou dans un article paru le 13 octobre, rien n’obligeait à les croire[Des interrogations sérieuses sont soulevées par les coordinations (qui constituent la force qui pèse le plus dans l’opposition), la modalité de leur représentation et la question de savoir de quelle organisation elles sont proches. En effet, le comité de coordination et le conseil national annoncent, chacun pour son compte, qu’ils sont en contact avec les coordinations qui auraient adopté leur programme. Mais qui croire ? D’autant que les coordinations ne sont pas en mesure, à ce jour, de s’exprimer publiquement et qu’elles ne sont pas unifiées, à quoi il faut ajouter qu’on ne sait pas lesquelles d’entre elles représentent effectivement la rue et lesquelles ont rejoint l’action. Il y a des petits quartiers qui se trouvent avoir bien plus qu’une seule coordination !
Il est clairement constaté ici que, si les forces politiques qui étaient à l’œuvre avant l’insurrection ont été prises de court, c’est parce que les initiateurs du mouvement sur le terrain étaient de nouveaux venus à l’action politique. Les formations nouvelles, créées dans le sillage des événements, se sont mises à la remorque des nouveaux venus alors même que rien ne permettait d’identifier ces derniers de façon certaine. C’est à l’irruption d’une forme d’activisme inédit que l’on assistait. Les coordinations locales paraissaient donner l’mpulsion mais c’est à la rue que le dernier mot revenait.
Se dessinait ainsi une organisation « révolutionnaire » à trois étages, la rue, les coordinations locales et les structures politiques, dans laquelle la prééminence qui commandait la prise de décision était l’envers exact de ce qu’enseigne l’histoire des révolutions. La hiérarchie de la décision privilégiait dans cette triade le nombre et l’anonymat, de telle sorte que le dernier mot revenait à la rue. Et c’est sans doute parce que cette dernière donnée était embarrassante qu’on a proclamé que la rue était le peuple, sans autre forme de procès. De ce fait, on tenait la révolution populaire tant rêvée! Cependant, il en est qui ont relevé ce que cette situation avait pour le moins d’insolite. Ainsi une autre Syrienne, Khawla Dounia, qui notait le 22 septembre 2011 les observations suivantes : Un de mes amis a dit que la révolution exerçait une sorte de terrorisme intellectuel sur tout opposant et intellectuel car il ne peut ignorer la rue et ses demandes chaque fois qu’il désire exposer une opinion sur ce qui se passe ou sa vision d’une solution. Il se sent tenu par les slogans et les réactions de la rue, de peur d’être traité de traître[10],d’abord, et d’essuyer un refus, ensuite. Il y a une sorte de flagornerie chez certains qui reprennent les mots d’ordre de la rue tels quels sans les soumettre à l’analyse intellectuelle ou politique pour les rendre propres à l’application ou à la discussion (…) Il semble que ces opposants et intellectuels ont peur que soient tenus pour nuls et non avenus tous les sacrifices qu’ils ont consentis (de longues années de prison, l’exil, la privation des droits) du seul fait qu’ils expriment leurs convictions
L’adhésion des intellectuels à la révolution, telle que constatée par Michel Kilo, a-t-elle été si librement choisie? Ce qui était énoncé ici sur un mode quelque peu anecdotique confirmait la suprématie de la rue (cette fameuse « rue arabe », si longtemps traitée en ersatz d’opinion publique!) ainsi que l’invisibilité d’un encadrement opérationnel de son activisme qui renseigne sur l’identité politique (ou au moins sociale) du soulèvement. La rue, anonyme, est la révolution. Cette affirmation ne s’est jamais démentie en dépit de son invraisemblance car, si l’on considère la continuité et la cohérence des actions de protestation menées depuis mars 2011 et la parfaite logistique qui a accompagné les manifestations[12], toute cette entreprise avait forcément des cadres clandestins d’organisation et de programmation opérationnelle sur lesquels toute interrogation a aussitôt été condamnée comme hérétique. Elle avait aussi ses symboles forts, tels que le « drapeau de l’indépendance » substitué au drapeau de l’Etat et que l’on a rapidement vu exhibé à travers tout le pays comme ce fut le cas en Libye.
Si structuré que fût l’activisme de la « rue », on s’est rapidement préoccupé de son infirmité politique et s’est posée la question de savoir si l’opposition organisée pouvait lui faire l’apport d’un programme. Dans la mesure où plusieurs formations (qui devaient vite se regrouper dans deux structures dominantes, le CNS et le CCND[13]) se sont mises en compétition pour assumer cette tâche, laquelle serait reconnue légitime pour le faire? La difficulté venait de ce que, contrairement à ce qu’ont clamé plusieurs courants marxistes de Syrie et d’ailleurs, la revendication sociale n’était plus audible parce que les mots d’ordre de la rue se sont très vite refermés sur la revendication de la chute du régime (doublée ensuite pendant des mois de celle de l’intervention étrangère). L’opposition requise pour porter le combat de la rue sur le plan politique était de ce fait aussi indifférenciée que paraissait l’être le mouvement de contestation. Libéraux, nationalistes, marxistes, frères musulmans, salafistes, toutes les tendances étaient parties prenantes.
La légitimité ne semblait devoir se juger qu’à l’aune de la revendication centrale (abattre le régime), à l’exclusion de toute autre considération relative à un programme politique, à un projet social. La « rue » avait imposé sa loi d’airain : la fidélité à la révolution ou la trahison se mesurait, comme nous venons de le relever, à l’aune du seul rapport à l’activisme. Un autre auteur syrien écrivait à ce propos dans un article du 28 octobre 2011 : Toutes (les révolutions arabes) ont en commun deux caractères essentiels. Le premier c’est d’avoir été initiées par le peuple sans qu’aucun parti ni aucune structure ne l’ait mis en mouvement. Le peuple a pris de vitesse toutes les forces et partis quelle que soit leur appartenance idéologique, il s’est substitué à eux pour mettre la rue en mouvement et diriger son action spontanément, affirmant sa détermination à réaliser un seul but : la chute du régime. Le second caractère est que ces révolutions sont privées de toute conceptualisation préalable de ce qu’elles aspirent à réaliser après leur victoire … Il était clair pour tous que l’objectif général qui rassemble l’indépendant, l’islamiste, le communiste, le nationaliste, etc., se limitait à cet objectif principal annoncé sans précision autre (c’est-à-dire la chute du régime, NDRL)
C’est la négation même de la révolution car aucun espace n’était dédié à l’élaboration d’un programme politique, d’un projet de société. La légitimité était d’un type nouveau qu’on pourrait désigner comme une légitimité subversive accordant la prime à l’activisme. Sur cette question, le Syrien Addi Zaâbi écrivait le 29 décembre 2011 dans El Qods : Il reste en définitive la légitimité que peut se donner l’opposition par sa capacité à influer sur la révolution. Là, le rôle de l’opposition sera secondaire. Le rôle essentiel dans le changement demeure exclusivement entre les mains des jeunes sur le terrain. Il sera peut-être difficile d’évaluer le rôle du conseil (national syrien) et du comité (de coordination) dans la conduite de la révolution. Bien sûr, la révolution a commencé en dehors de l’opposition traditionnelle. Mais, après la formation du conseil, se faire une opinion sur le rôle qu’il joue devient pratiquement impossible du fait des exigences de secret qui commandent le travail de terrain. Dans tous les cas, il apparaît que ce rôle n’est guère important (…) Quoi qu’il en soit, les choses sont claires : les coordinations de l’intérieur, dans leur diversité, accorderont la légitimité à l’une des instances … La priorité est de renforcer les actions sur le terrain. Le moteur essentiel des événements sur le terrain, ce sont les jeunes et les coordinations. Ceux-là n’ont pas besoin de légitimité. Ce sont eux qui octroient la légitimité aux entités politiques
Peut-on être plus clair ? L’auteur de l’article, qui paraît bien au fait des rapports de force, confirmait ce que pareille « révolution » avait d’inédit : la prééminence absolue de structures secrètes composées d’anonymes faisant leurs premières armes dans l’action ! Et le secret de l’initiative « sur le terrain » empêcherait même d’impliquer les organisations politiques (en particulier le conseil national qui semble avoir la préférence de notre auteur) dans les décisions à prendre. De toutes façons, n’est-il pas affirmé que le rôle de l’opposition sera secondaire, ce qui se confirme aujourd’hui comme l’expression euphémique de la vérité ? Surtout, il y a cette conclusion qui donne froid dans le dos : les jeunes et leurs coordinations sont la source absolue de toute légitimité. Voilà qui met en évidence la donnée de base de cette révolution, et dans une large mesure de ses devancières arabes. Cette donnée se résume en un mot : l’inconnu. Des initiateurs inconnus, des acteurs opérationnels inconnus, une destination inconnue.
Il n’est dès lors pas étonnant que la légitimité définie selon ces canons de l’activisme sur le terrain ne puisse êtredéléguée qu’à l’instance politique qui en serait le simple prolongement à l’extérieur car, si le régime est déstabilisé par l’action locale, il ne peut être abattu, du fait du vide politique inhérent au mouvement, que grâce aux coups de boutoir qui lui seront portés au plan international. Cette révolution n’était pas en quête d’une direction politique mais d’un agent qui servirait à la « communauté internationale » de levier pour une intervention militaire. L’entreprise était ainsi vouée d’entrée de jeu à finir dans l’ingérence.
L’AGONIE BRUYANTE DES CONSCIENCES
Quelle est alors cette opposition, constamment absente de son poste comme le déplore Ammar Dioub, en retrait de sa mission historique supposée, mais qui ne doute jamais de sa qualité d’accoucheuse de l’avenir? C’est cette question qu’il faut poser et plus particulièrement aujourd’hui avec la généralisation de la violence.
Dernièrement, sur quelle comète a-t-elle donc voulu tirer des plans lors de la conférence du Caire tenue au début de juillet? Au cours d’une rencontre préparatoire à cette conférence, l’opposition avait mis au point le 6 juin deux documents : un pacte national et un plan pour la période de transition. Mais dans le même temps, un projet intitulé « Le jour d’après » sortait des laboratoires de deux organisations occidentales, sous étroite tutelle étatique, l’institut américain pour la paix (USIP) et l’institut allemand des affaires internationales et de la sécurité (SWP), aussitôt adopté, contre la parole donnée aux autres organisations d’opposition, par le conseil national syrien (CNS).
Ce qui soulève à deux niveaux une même interrogation sur les initiatives de l’opposition syrienne :
- - D’abord, parmi les organisations représentées, quel intérêt des organisations telles que la Commission générale de la révolution syrienne (CGRS), implantée sur le territoire syrien, et le Comité de coordination pour le changement national et démocratique, dirigé (théoriquement) de l’intérieur, prétendant tous deux s’opposer à l’intervention étrangère (qui n’a désormais plus rien de virtuel!), trouvent-elles à rencontrer avec une telle constance le CNS qui n’a jamais été que l’outil de l’intervention militaire étrangère[16]?
- - Ensuite et surtout, comment cette opposition pourrait-elle élaborer le projet d’une république civile et démocratique, garantissant l’unité du peuple, l’égalité totale dans la citoyenneté et les libertés publiques individuelles et collectives, selon les termes du projet de pacte national, alors même qu’elle a été et demeure exclue du processus qui est en train d’abattre le régime et d’anéantir le pays, les insurgés ayant entrepris de détruire les pipe-lines, les dépôts de gaz, les stations hydrauliques, les silos à blé, de couper les lignes de communications, de faire sauter les trains[17]. A défaut d’une maîtrise organiquement établie des groupes armés qui combattent le régime, cette opposition est réduite à une impuissance que le discours incantatoire ne peut plus dissimuler.
Toutes ces organisations n’ont jamais été en mesure, ni unies ni prises séparément, de constituer la superstructure politique de la pseudo révolution syrienne. La direction politique d’une révolution suppose la mainmise sur les forces combattantes, lorsque la révolution est violente; elle suppose le choix de la stratégie militaire pour les troupes qu’elle commande et, comme c’est toujours le cas dans une entreprise révolutionnaire qui vise une victoire politique, la latitude de négocier une issue pour la réalisation de ses objectifs, qu’elle doit avoir définis. Ce sont autant de portes que lui ferment violemment au nez les hordes de combattants étrangers, nombreuses et disparates, qui mènent la guerre sous la conduite d’Etats étrangers et conformément à leurs objectifs. Les frontières du pays sont ouvertes à tout vent, la souveraineté nationale est mise à mal tout autant que le régime : elle sera réduite à néant aussi complètement que ce dernier sera mis à bas. Restera-t-il seulement, au terme de ce processus, assez de la Syrie, de la patrie, pour que quiconque puisse rêver d’en faire une république démocratique?
Tout indique en définitive que, nonobstant la sophistication du discours de certains de ses représentants, l’opposition n’est, à son insu pour une part de ses composantes, et, en toute conscience pour l’autre, que la complice d’une entreprise de démantèlement de son propre pays.
Dès lors, une constatation grave mais élémentaire s’impose : il faut que se soit produit un effondrement aussi soudain que total de leur conscience morale et politique pour que des intellectuels de gauche syriens, des opposants aux convictions anti-impérialistes affirmées, à la fibre patriotique éprouvée, s’engagent dans le soutien, plus ou moins conditionné, à l’entreprise obscure lancée sur le terrain en mars 2011 par des groupes insurrectionnels quasiment non-identifiés, de toute évidence préparés et manipulés, aux fins d’abattre le régime de Bachar El Assad; pour que, la réalité du processus se dévoilant aujourd’hui dans l’attaque généralisée contre le pays et non seulement contre le régime, ils persistent dans leur position.
Tous ces théoriciens bavards, qui n’en finissent pas de se disputer les pages de la presse arabe pour faire allégeance à la « révolution », n’ont-ils pas vu venir, à la suite de la pseudo résistance pacifique du « peuple », l’inéluctable vague qui dévaste le pays en cet été 2012 : celle des légions de combattants surarmés, débarqués des avions de l’OTAN et infiltrés de Turquie, du Liban, de Jordanie, financés ouvertement par les Etats du Golfe, coordonnés dans leur action meurtrière par les logistiques occidentales?
N’avaient-ils pas eu le loisir de méditer le sort réservé à la Libye dont il est désormais reconnu que, outre les intenses bombardements de l’OTAN, ce sont des commandos internationaux de criminels sous les ordres des services spéciaux du Golfe et de l’Occident qui ont livré les batailles les plus décisives aux troupes de Kadhafi avant de procéder au lynchage public en mondovision de ce dernier?
Que valent les professions de foi démocratiques de ces élites face à l’évidence de la falsification? En Syrie, comme en Libye, quelle démocratie pourra bien naître, à la suite du régime dictatorial, du chaos de tant d’appétits conjugués?
Il est sans doute vrai que la catastrophique longévité des dictatures arabes était faite pour exaspérer, pour désespérer, qu’elle a fini par nourrir une véritable obsession de la délivrance. Mais cette exaspération, cette obsession, ont tardé à provoquer, pour abattre ces régimes, une authentique entreprise de libération forgée par la volonté des peuples, et n’auront été, pour finir, que des paramètres parmi d’autres, des ingrédients de propagande, entrant dans l’élaboration à froid d’une stratégie à visée géopolitique dont l’objectif est de démembrer violemment des nations et des sociétés pour leur retirer toute influence sur leur environnement régional.
Que la toute-puissance impériale prétende décider de la vie ou de la mort des régimes, prolongeant ou abrégeant dictatures et démocraties, au gré de ses seuls calculs, n’est pas nouveau. La preuve en a été administrée sur tous les continents. Mais c’est bien la première fois qu’elle opère dans le silence et – s’agissant des élites arabes – l’agonie bruyante des consciences.
Telle est la force sidérante du leurre démocratique qu’il a conduit de vastes secteurs de l’intelligentsia arabe, quelles que puissent être leurs dénégations, à faire objectivement cause commune avec les monarchies du Golfe et leurs émules (dont les moins virulents ne sont pas les nouveaux régimes tunisien et libyen), les appareils politiques et médiatiques occidentaux, le fidèle vassal turc, les plus revanchards d’entre les ultras libanais, et quelques oiseaux de proie de l’acabit de Bernard-Henry Lévy.
C’est dire que la conscience politique et morale des élites arabes se meurt dans le déshonneur.
Deux illustrations en guise d’additif :
1. « TOUT RESTE OUVERT … »
Si je devais rapprocher les deux opinions qui m’ont paru, au cours de ces longs mois de « révolutions arabes », représenter la meilleure confrontation du sens et du non-sens, je choisirais d’une part une phrase lapidaire, en forme d’interjection, lancée par le poète syrien Adonis et, d’autre part, un extrait du livre publié l’an dernier par Tarik Ramadan.
Je commence par ce dernier. Dans son ouvrage consacré aux « révolutions » arabes, il ne manque pas de s’attarder sur les éléments de fait qui attestent que les « révolutions » arabes ont été préparées et financées de l’étranger – ce genre d’éléments que la propagande a su réduire à des données incidentes, quasi anecdotiques, chaque fois qu’elle n’a pas pu les occulter. Après avoir exposé avec force détails les informations qui attestent le financement des programmes de formation et de développement des réseaux organisés de blogueurs en Afrique du Nord et au Moyen-Orient mis au point par les Etats-Unis et certains Etats européens, « les faits, parfois troublants, relatifs aux formations et aux ingérences politiques et militaires », sans oublier « le rôle joué par des compagnies du secteur privé telles que Google, Yahoo, Facebook ou Twitter », Ramadan limite son jugement final à la pirouette suivante, dosage savant de lucidité et de légèreté qu’on ne peut qualifier autrement que de cynique : Tout reste ouvert. Encore faut-il que les sociétés civiles et les citoyens s’engagent à penser des projets de société à partir de leur histoire, de leur mémoire, de leurs références, de leurs valeurs et de leurs espoirs. A terme, il leur appartient de reprendre possession du sens de leur révolte, quand bien même ils n’en auraient pas été les seuls instigateurs, penseurs et agents
Quant à Adonis (dont je précise que je suis habituellement loin de partager les vues), il s’est contenté, voyant venir en février dernier l’intervention étrangère en Syrie, de cette exclamation (en forme d’interrogation valant l’affirmation d’une position) : « Comment peut-on poser les fondements d’un Etat avec l’aide de ceux-là mêmes qui ont colonisé ce pays?
Ce sont deux attitudes, qui, outre la différence de leurs formes d’expression, traduisent deux rapports opposés à la vérité établie des faits. Ramadan constate que les peuples arabes ne sont pas les seuls « instigateurs, penseurs et agents » de « leur » révolte mais qu’ »il leur appartient d’en reprendre possession » et partant « tout reste ouvert ». « A terme ». Autrement dit, ils n’en ont pas encore, à l’heure où il écrit ces lignes, « repris possession » mais elle est déjà « leur » pour cette seule raison que « tout reste ouvert ».
La belle affaire! Qui peut contester que tout reste ouvert en toutes circonstances? Tout était resté ouvert pour les peuples colonisés au moment même où le colonisateur prenait possession de leurs pays, de leurs richesses et de leurs vies. A quel sophisme ne faut-il pas recourir lorsqu’on veut à tout prix considérer que l’ingérence étrangère est à terme un bienfait, une ouverture!
Adonis, pour sa part, semble imprégné d’une toute autre sorte de perspective historique : il n’aperçoit pas d’ouverture à terme mais la fermeture tout de suite lui saute aux yeux. Pire : un retour en arrière, la reproduction régressive d’un cycle qu’il définit par un raccourci pertinent comme colonial. Pour être rudimentaire, son raisonnement sous-jacent n’en est que plus approprié à l’interprétation d’un fait aussi univoque que l’ingérence étrangère, alors que Ramadan, enferré dans son parti pris dialectique, doit faire recours, en guise d’abstractions savantes, à un jargon vide de sens (mémoire, références, valeurs, espoirs).
Lorsque le même fait (ou comme ici deux faits matérialisant la même réalité : l’ingérence étrangère) est tenu pour vrai dans deux perspectives d’analyses aussi antagonistes, c’est-à-dire d’un côté pour en tirer les conséquences qui s’imposent et de l’autre pour tenter d’en minimiser le sens, on a toujours pour résultats un positionnement limpide et un raisonnement tortueux.
Mais cette situation est l’exception car, en général, les divergences profondes se construisent sur des élaborations factuelles nettement différenciées. La bataille en vue d’imposer une certaine vérité des faits est en effet essentielle, sinon pourquoi la désinformation serait-elle devenue l’arme absolue dans les conflits? Cela étant, il est capital de comprendre que les protagonistes du débat les plus engagés, les plus impliqués dans la confrontation des opinions, pour ne rien dire des appareils politico-médiatiques qui sont au service des Etats et ne connaissent de vérité qu’instrumentale, élaborent une représentation des conflits assez nettement affranchie des faits. Ils sont en effet conscients que la vérité des faits est trop nuancée pour soutenir les positions tranchées, qu’elle est un handicap dans la confrontation (souvent la guerre) en cours. C’est que l’espace politique est un lieu de positionnement où se déroulent des stratégies et se défendent des intérêts. C’est un lieu d’action où les vérités affirmées sont en compétition en vue de finalités et où leur manipulation est partie intégrante du jeu.
Hannah Arendt considérait que, pour mériter le label de « diseur de vérité », il fallait prouver son « désintéressement » politique et pour cela « prendre pied hors du domaine politique » sous peine de voir sa parole corrompue. Mais tout cela n’est plus que spéculation anachronique qui supposerait que, hors de l’espace politique, il existerait un espace public où l’échange serait désintéressé. Cela est moins vrai aujourd’hui que jamais, l’espace politique partial et unilatéral s’étendant à tout. A chaque occasion qu’une entreprise de désinformation est lancée, à une échelle mondialisée comme il se doit, elle se constitue en espace politique globalisé qui ne cède aux opinions dissidentes que les périphéries d’Internet. Ramadan n’était tombé en dissidence que par accident. Il avait eu la maladresse, dans un premier temps, de mettre l’accent sur cette formation par l’Occident des cyber-résistants, s’aventurant inconsidérément sur un terrain indigne de l’homme d’influence qu’il prétend être. Les contorsions auxquelles il a dû par la suite se livrer dans son livre (et dont je n’ai cité qu’un échantillon) étaient le prix à payer pour réintégrer l’espace politique globalisé. Il ne s’est pas dédit. A peine renié[21].
2. « MON TEMOIGNAGE POUR L’HISTOIRE »
Abdelbari Atwane, directeur de la rédaction d’El Qods El Arabi, est un équilibriste d’une toute autre envergure que Tarik Ramadan. J’ai déjà analysé plusieurs de ses contributions sur les révolutions arabes dans un article précédent[22], Son éditorial de l’édition des 4-5 août 2012, intitulé « Parlez-nous de la Syrie d’après El Assad »[23], se conclut par une prise à témoins de la postérité qui confine au testament politique (c’est dire si le personnage prend sa parole au sérieux!) : Je soulève ces questions pour dégager ma responsabilité afin qu’un jeune chercheur puisse dire dans le futur que quelqu’un a écrit, averti et sonné l’alarme, que tous les Arabes n’étaient pas dans l’égarement, abusés les yeux ouverts par des plans conçus pour les diviser et les éparpiller. C’est mon témoignage pour l’histoire.
Ce qui nous vaut cette solennité de ton, c’est l’analyse qu’il fait de la situation de la Syrie et du monde arabe en butte aux plans occidentaux, étayée de retours en arrière jusqu’à l’époque du démantèlement de l’empire ottoman et la trahison de la Grande- Bretagne manquant aux promesses faites aux Arabes, avec retour aux conspirations du présent dont l’inspirateur serait l’orientaliste Bernard Lewis qui a préconisé en 1979 un plan de « balkanisation » des Etats arabes actuellement en cours de réalisation. Rien donc que nous ne puissions entendre dans sa généralité. S’ensuit cette longue tirade qu’il est utile de rapporter avec toutes ses boursouflures :Je vis en Occident depuis 35 ans. J’ai étudié, enseigné et fait des conférences dans la plupart de ses universités. J’ai écrit dans ses journaux des articles sur le Proche-Orient. J’ai participé à des entretiens sur la plupart sinon la totalité de ses chaînes de télévision, sans parler des centaines de congrès et séminaires politiques. J’en ai retiré la conviction absolue qu’il n’y a pas de politiques improvisées, que les politiques et les guerres stratégiques sont conçues sur la base de l’action et de la planification maîtrisées et non sur la base de la réaction aux événements, que les experts occidentaux considèrent comme une vérité établie qu’il est facile de tromper les Arabes, d’exploiter leurs points faibles et de semer entre eux la division sur la base de l’appartenance religieuse et ethnique. Il suffit de relever que la principale faculté de l’université de Londres est l’école des études orientales et africaines, fondée dans le but d’étudier les tribus et ethnies arabes et préparer les gouvernants anglais aux colonies arabes (Souligné par nous).
Je laisse à Atwane la responsabilité de cette rationalité infaillible qu’il attribue à l’Occident. Mais pour le reste, sous réserve de l’emphase du propos et de la nécessité qu’il y aurait à avoir vécu 35 ans en Europe pour être conscient de ces réalités (surtout lorsqu’on est Palestinien), je n’ai pas grand-chose à redire de ces affirmations. Le problème est que M. Atwane, nous ayant à peine fait vivre ce grand moment de vérité, s’empresse, à la manière de Tarik Ramadan, de réintégrer le giron de l’espace politique consensuel puisqu’il écrit :
Les révolutions des peuples qui se sont soulevés contre la dictature et l’oppression étaient spontanées et légitimespour la plupart mais l’Occident a tenté et tente de récupérer ces révolutions et de les exploiter dans son intérêt pour s’accaparer les richesses pétrolières, pour affaiblir les Arabes en général et (amoindrir) le danger qu’ils représentent pour Israël .
Que veut laisser entendre Atwane quand il écrit que la plupart des révolutions arabes sont spontanées et légitimes? Laquelle ou lesquelles excepte-t-il, lui dont le journal les a toutes soutenues?
Mais surtout comment peut-il concilier l’affirmation que l’Occident agit toujours par la préméditation et la planification sans jamais avoir à « réagir aux événements », d’une part, et son diagnostic sur les révolutions arabes, spontanées mais exploitées par l’Occident, d’autre part?
Seule une troisième question mérite réponse et c’est la suivante : Faut-il chercher une réponse à ces deux premières questions? Et la réponse est non : M. Atwane témoigne pour l’histoire, faisons-lui grâce des vérités contingentes du présent.*by libertesinternets– 17/08/2012
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Armes de désinformation massive ( autour des prétendues menaces de frappes chimiques contre les rebelles)
Il est très difficile de quitter la région du Moyen-Orient au regard de ce qui s’y passe comme évènements. Je reste malgré moi dans cette région qui se trouve en pleine ébullition et figurez-vous qu’avec l’histoire des prétendues menaces de frappes chimiques contre les rebelles et la population syrienne par Bachar El Assad et la réaction américaine qui menace d’intervenir sous peu, je me suis souvenu d’évènements qui ont eu lieu au début des années 2000 en Irak et qui ont été à l’origine de l’invasion de ce pays et de sa ruine.
Voilà, les ADM (armes de destruction massive) sont actuellement à la mode, mais sont malheureusement devenues des Armes de Désinformation Massive, un moyen de propagande et d’intox, car là, la Syrie continue de faire la une de l’actualité internationale. Ainsi, ces jours-ci, Mme Hillary Clinton, partante de son poste de secrétaire d’Etat, fait son show, et Obama veut mobiliser le monde avec la complicité de la Turquie et leurs alliés de ce qui est appelé «conseil national syrien» et son «armée libre syrienne». Même William Hague, ministre britannique des Affaires étrangères, «aurait des preuves suggérant l’intention de recourir aux armes chimiques».
A vrai dire, ce conseil national syrien est composé de gens qui ne vivent pas en Syrie et qui veulent faire croire au monde entier, notamment à ceux qui les soutiennent et les arment, que Bachar El Assad va utiliser des armes chimiques contre la rébellion et même contre sa propre population.
Du déjà vu, du déjà entendu, cette histoire des ADM va revenir dix ans après ce qui s’est produit en Irak contre Saddam Hussein et où, en fin de compte, rien n’a été trouvé. Ceci a également été essayé avec Maamar Kadhafi et pourrait être une autre raison pour que les GI’s américains, et toujours eux, débarquent et interviennent militairement en Syrie. Et là, il est aussi fort probable que cette tâche soit confiée à Israël, la Turquie ou à l’OTAN.
En effet, depuis près de deux années, la Syrie fait l’objet d’un complot international soutenu, financé et armé par le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie, pour on ne sait quelles raisons, même si ces raisons sont tellement évidentes, Printemps arabe exige, démocratie, etc. Ce complot a pour objectif la déstabilisation de tout ce qui est stable et de tout ce qui s’oppose à Israël et au projet d’un nouveau Moyen-Orient tel que défini par les USA.
Ainsi, ces cinq pays, en plus de la France et de nombreux autres pays alliés occidentaux, Angleterre, Canada, etc. mènent une guerre sans merci contre Bachar El Assad et son régime en utilisant des mercenaires de toutes les nationalités, notamment les islamistes «récupérés» des différents maquis, particulièrement européens et arabes.
Avec tout ça, le monde s’apprête à accepter une intervention militaire américaine pour «protéger» les populations syriennes. Incroyable mais vrai, les Américains envoient leur armée et viennent toujours «protéger» les pauvres populations désarmées pour ensuite faire la pluie et le beau temps pendant une vingtaine d’années, comme ce fut le cas en Irak, un pays riche devenu pauvre, un pays uni, découpé en tranches, comme c’est toujours le cas en Afghanistan, pays ruiné par la guerre, désarticulé et qui ne pourra presque jamais relever la tête avec les problèmes qu’il connaît depuis près de trente années.
La Syrie fait l’objet d’une crise de démocratie créée de toutes parts, avec un conflit entre Kurdes et régime, entre sunnites et chiites, entre pro et anti je ne sais pas quoi. Et là, les bonnes âmes interviennent, veulent imposer leur diktat et leur vision de tout, et quand ils ne parviennent pas, intérêts obligent, poussent à l’extrême et soufflent sur le brasier qu’ils ont préparé. On a déplacé des populations civiles en leur faisant peur de se faire étriller. Ses villes et villages ont été détruits pendant cette période de rébellion, son patrimoine séculaire est menacé, son économie est en perdition, sa population civile vit le martyre éparpillée pour les uns dans des camps de refugiés, d’autres ont choisi l’exil et d’autres résistent contre vents et marées aux chants des sirènes en refusant de quitter leur pays. Et que leur reste-t-il ? Hé bien figurez-vous que les Américains veulent descendre chez eux pour les protéger du méchant loup. Et là, ils feront la chasse à l’armée syrienne régulière, aidés par l’armée libre, ils poursuivront Bachar El Assad, comme ils l’ont fait pour Saddam, mais ils détruiront la Syrie, créeront une fédération kurde, laisseront le Golan aux Israéliens qui pourront investir à Damas, à Alep, à Daraa, à Dir Ezzour, etc.
Hé bien la chanson des ADM aura réussi, non pas les Armes de Destruction Massive, c’est-à-dire chimiques, mais les Armes de Désinformation Massive qu’utilisent les USA pour réduire à zéro tout un pays, tout un peuple, grâce à l’agenda élaboré par Obama 1er lors de la fameuse réunion du Caire du temps où Moubarak se prenait pour un pharaon sans savoir qu’il figurait sur cet agenda et qu’il sera remercié pour services rendus. Et là, il a été remplacé par un autre pharaon avec l’aval d’Israël, lequel veut mener le bateau Egypte loin des rivages pour sombrer dans les eaux profondes. Ne souhaitons pas cela au grand peuple d’Egypte qui peut faire fuir ce deuxième pharaon et réussir sa vrai Révolution, pas celle de Youcef El Qaradhaoui, mais celle de Cheikh Imam et des opprimés qui vivent toujours dans la misère et qui ne sont pas près de s’en sortir avec le marasme dans lequel est plongé leur pays.
Pour revenir à la Syrie, souhaitons que le Conseil de sécurité ne retombe pas une deuxième ou une énième fois dans les erreurs de l’aval à l’intervention américaine ou des forces de l’OTAN, comme ce fut le cas pour l’Irak et la Libye, pour que les ADM ne soient pas encore une fois une raison pour enfreindre les logiques. Sachons que le peuple syrien n’a pas fait appel à qui que ce soit pour le libérer, son seul souhait c’est que se taisent les armes, que la raison et le dialogue entre Syriens l’emportent. Ils ont intérêt à ce que cela se concrétise pour que la Syrie redresse la tête et retrouve sa place sur la scène mondiale et arabe, pour qu’ils fassent la différence entre leurs vrais ennemis et leurs vrais amis. Et là, les faux ADM ne seront pas les prétextes des Armes de Désinformation.*par Bachir Bennadji – Le Quotidien d’Oran-13.12.2012.
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