guerres d’agression devenues actions chevaleresques

**une arnaque employée au service d’un projet de domination globale

**Déclencher une guerre d’agression constitue non seulement un crime international, il constitue le crime international suprême et ne se distingue des autres crimes de guerre qu’uniquement par le fait qu’il porte en lui tout le mal accumulé de l’ensemble.

**la guerre se voit transformée en une action chevaleresque destinée à secourir des populations entières d’un « génocide  ». Dans le même temps, la souveraineté nationale, érigée comme une barrière pour empêcher les nations puissantes d’envahir les nations plus faibles, c’est-à-dire, pour empêcher les agressions et le « fléau de la guerre  », est réduite à une méprisable protection des dirigeants maléfiques (« dictateurs  ») dont la seule ambition est de « massacrer leur propre peuple  ».

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De passage à Alger, mardi 12 février 2013, le leader charismatique du Front de gauche Jean‑Luc Mélenchon a animé une conférence à l’Institut français d’Algérie (IFA, ex‑Centre culturel français). « Vous êtes assez subtiles pour deviner, qu’étant de passage à Alger, je n’ai naturellement pas l’intention de m’exprimer sur la situation en Algérie », a‑t‑il dit, avant d’entamer sa conférence sur le thème de « L’éco‑socialisme, un nouvel horizon pour le 21e siècle ». Mais il a fini par accepter de répondre à quelques questions des journalistes sur le sujet.

*Au sujet de l’ntervention française au Mali, il a dit: 

La France a-t-elle commis une erreur en intervenant militairement au Mali ? Pour Jean‑Luc Mélenchon, la décision de la France est « discutable ». « J’ai posé des questions sur des points très précis qui comptent dans une démocratie et que tout citoyen responsable doit poser », a‑t‑il dit. « Au nom de quoi on agit ? Les motifs ont changé à plusieurs reprises. Tantôt c’était une résolution de l’ONU, tantôt c’était un article de l’ONU, tantôt c’est une demande formulée par le gouvernement malien qui n’avait lui‑même aucune légitimité », a‑t‑il détaillé.
Pour lui, le président François Hollande a créé un précédent « absolument inouï dans la diplomatie française ». « Il dit qu’aucun de nos intérêts fondamentaux n’est engagé, sinon l’intérêt de la population, c’est un motif louable ! Mais il est absolument impraticable en droit international ». Sinon les Français interviendraient « partout où les populations auront besoin. On n’a pas fini de faire le tour du monde et on pourrait retourner en Somalie ».
M. Mélenchon a également critiqué les objectifs de l’intervention militaire. « Ils ont changé à trois reprises ». « On nous a dit d’abord qu’on va interrompre une colonne, puis qu’on faisait la guerre au terrorisme et puis qu’on allait libérer tout le nord du Mali ». « Pourquoi pas ? Mais encore il faut nous dire pourquoi faire ? C’est pour le remettre au gouvernement malien, vous voyez comme moi la difficulté avec un gouvernement dont la légitimité est quand même très discutée », a‑t‑il conclu.*TSA-12.02.2013.

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Ces bonnes intentions qui pavent le chemin de la guerre

S’opposer aux génocides est devenu une sorte de mini-industrie aux États-Unis.

Partout, des programmes « d’études des génocides  » surgissent dans les universités. Il y a cinq ans, un improbable « Groupe de Travail sur le Génocide  » fut créé, dirigé par l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright et l’ancien ministre de la défense William Cohen, tous deux anciens membres du gouvernement de Clinton.

La Bible de toute cette entreprise est le livre de Samantha Power, A Problem from Hell. La thèse de Mme Power est que le gouvernement des États-Unis, aussi bien intentionné soit-il, comme tout un chacun, est trop lent à intervenir pour « empêcher les génocides  ». Une affirmation bien reçue par le gouvernement des États-Unis, au point d’avoir nommé Mme Power comme conseillère à la Maison Blanche.

Pourquoi le gouvernement des États-Unis s’est-il engagé avec un tel enthousiasme dans une croisade contre les « génocides  »?

La raison en est claire. Depuis que l’Holocauste est devenu la référence historique la plus omniprésente dans les sociétés occidentales, le « génocide  » passe facilement pour être la plus grande calamité que subit la planète. On le considère comme pire que la guerre.

C’est en cela que le concept est d’une grande utilité pour le complexe militaro-industriel US ainsi que pour ses stratèges à la recherche d’une justification de leurs interventions militaires partout dans le monde.

L’obsession du « génocide  » en tant que principal enjeu humanitaire du monde moderne relativise la guerre. Elle renverse le jugement final prononcé par le Tribunal de Nuremberg  :

« déclencher une guerre d’agression constitue non seulement un crime international, il constitue le crime international suprême et ne se distingue des autres crimes de guerre qu’uniquement par le fait qu’il porte en lui tout le mal accumulé de l’ensemble.  »

Oubliant tout cela, la guerre se voit transformée en une action chevaleresque destinée à secourir des populations entières d’un « génocide  ».

Dans le même temps, la souveraineté nationale, érigée comme une barrière pour empêcher les nations puissantes d’envahir les nations plus faibles, c’est-à-dire, pour empêcher les agressions et le « fléau de la guerre  », est réduite à une méprisable protection des dirigeants maléfiques (« dictateurs  ») dont la seule ambition est de « massacrer leur propre peuple  ».

Cette construction idéologique constitue la base de la doctrine prônée par l’Occident, imposée à une ONU plus ou moins réticente, la « responsabilité de protéger  », dont l’acronyme anglais R2P présente l’ambiguïté de pouvoir à la fois signifier le « droit  » (« Right  ») et le « devoir  » (« Responsibility  ») de protéger les peuples de leurs propres gouvernements.

Dans la pratique, cela peut aboutir à donner carte blanche aux puissances dominantes pour intervenir militairement contre des États plus faibles afin d’y soutenir n’importe quelle rébellion de leur choix.

Le R2P sert principalement à amener l’opinion publique à accepter une intervention des États-Unis et de l’OTAN dans d’autres pays. Il n’est pas destiné à autoriser les Russes ou les Chinois à intervenir, disons, pour empêcher les femmes de ménage en Arabie Saoudite d’être décapitées, et encore moins à autoriser les Cubains à fermer la base navale US à Guantanamo et à mettre fin aux violations états-uniennes des droits humains… en territoire cubain.

Exemple typique de cette campagne, la directrice d’un programme appelé « Un Monde sans génocide » dans une petite faculté de droit de ma ville natale de Saint Paul dans le Minnesota a récemment publié un article dans le journal local qui répète les clichés habituels de cette campagne. L’article rejette la faute du « génocide » sur la barrière érigée pour tenter d’empêcher les guerres : la souveraineté nationale. Son abolition est souhaitée comme étant un grand progrès humanitaire :

« Depuis plus de 350 ans, le concept de ‘souveraineté nationale’ a primé sur celui de ‘souveraineté individuelle’. De fait, les gouvernements les gouvernements ont bénéficié d’une immunité quant à toute intervention extérieure malgré les violations des droits humains perpétrés à l’intérieur de leurs frontières. Le résultat a été un phénomène de génocides récurrents et sans fin depuis l’Holocauste, avec des millions de morts au Cambodge, en Bosnie, au Rwanda, au Congo, au Guatemala, en Argentine, au Timor Oriental – la liste est longue. »

Il est abusif d’appeler chaque massacre « génocide », et il est complètement faux de les attribuer au respect de la souveraineté nationale.

En réalité, Hitler a déclenché la Deuxième Guerre mondiale enviolation de la souveraineté nationale de la Tchécoslovaquie et de la Pologne, en partie, selon lui, pour mettre fin aux violations des droits prétendument infligée aux ressortissants germanophones. Ce fut précisément pour invalider ce prétexte et « préserver les générations futures du fléau de la guerre  » que les Nations Unies furent fondées sur le principe du respect de la souveraineté nationale.

Bien-sûr, il n’y a aucune chance que les États-Unis abandonnentleur souveraineté nationale. Ce sont tous les autres pays qui sont invités à abandonner leur souveraineté nationale … aux États-Unis.

Mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que les pires massacres – au Cambodge, au Rwanda et l’Holocauste lui-même – se sont produits aux cours de guerres ou comme conséquences de guerres.

Les rafles, déportations et meurtres systématiques de juifs européens ont eu lieu pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les Juifs furent dénoncés comme « l’ennemi intérieur » de l’Allemagne. La guerre constitue le contexte parfait pour une telle paranoïa raciste. Après tout, même aux États-Unis, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, des familles américaines d’origine japonaise furent dépossédées de leurs biens, raflées et placées dans des camps. Le résultat ne fut pas comparable, mais le prétexte avait été semblable.

Au Rwanda, les horribles tueries furent une réponse à une invasion de forces Tutsis depuis l’Ouganda voisin et l’assassinat du président du pays. Le contexte était une invasion et une guerre civile.

Le massacre au Cambodge ne fut certainement pas dû à un excès de « souveraineté nationale  ». En fait, il fut précisément le résultat direct d’une violation par les États-Unis de la souveraineté nationale du Cambodge. Des années de bombardements clandestins des campagnes cambodgiennes par les États-Unis, suivies par le renversement du gouvernement cambodgien organisé par les États-Unis, ont ouvert la voie du pouvoir aux combattants Khmers Rouges qui exprimèrent leur forte rancœur face à la dévastation des zones rurales, et qui se retournèrent contre les malheureuses populations urbaines, considérées comme complices de l’ennemi. Les massacres perpétrés par les Khmers Rouges eurent lieu après que les États-Unis eurent été vaincus par le Vietnam. Plus tard, lorsque les Vietnamiens, provoqués par des incursions armées, sont intervenus pour renverser les Khmers Rouges, ils furent condamnés aux Nations Unies par les États-Unis.

Certains événements des plus « sanglants  » ne figurent pas dans la liste « des génocides  » de Madame Kennedy que l’on déplore aux États-Unis. Il manque entre autres le massacre de plus d’un demi-million de membres du parti communiste indonésien en 1965 et 1966. Mais le dictateur responsable, Suharto, était « un ami des États-Unis  » et les victimes étaient communistes.

Mais on est sûr de trouver la Bosnie sur une telle liste, surtout depuis que le Tribunal Pénal International, lié à l’OTAN, a jugé que le massacre de 1995 à Srebrenica était un « génocide  ». Dans ce cas, l’estimation la plus haute du nombre de victimes est de 8000, tous des hommes en âge de combattre. Pour arriver à ce verdict, malgré le fait que les auteurs présumés aient épargné femmes et enfants, le Tribunal a trouvé un sociologue pour affirmer que, puisque la communauté musulmane de Srebrenica était patriarcale, l’assassinat des hommes constituait un « génocide  », même s’il était commis dans une seule ville, puisque les femmes n’y retourneraient pas sans les hommes. Ce jugement tiré par les cheveux était nécessaire pour préserver « la Bosnie  » comme principal argument en faveur de l’intervention militaire de l’OTAN.

On ignore généralement que Srebrenica était une ville garnison d’où les soldats musulmans lançaient, en 1995, des attaques contre les villages serbes environnants. Ils n’étaient pas tous originaires de cette ville jadis multi-ethnique, « patriarcale » ou pas. Les médias occidentaux n’ont pas accordé non plus beaucoup d’attention aux témoignages de dirigeants musulmans de Srebrenica qui disaient avoir entendu le dirigeant du Parti Islamique, Alija Izetbegovic, confier que le président Clinton avait dit que le massacre d’au moins 5000 musulmans était nécessaire pour entraîner « la communauté internationale  » dans la guerre civile bosniaque aux côtés des musulmans. Ces dirigeants musulmans en ont tiré la conviction qu’Izetbegovic avait délibérément laissé Srebrenica sans défense afin de préparer un massacre par les Serbes qui chercheraient à se venger.

Quelle que soit la vérité, cette histoire souligne le grave danger posé par le principe du R2P. Une fois la doctrine acceptée, elle peut inciter des chefs d’une opposition donnée à provoquer une répression gouvernementale pour pouvoir demander de la « protection  ».

Izetbegovic était le dirigeant d’un parti qui cherchait de l’aide militaire de l’extérieur pour vaincre ses ennemis. Le monde ne manque pas de tels dirigeants de factions ethniques, religieuses ou politiques. S’ils savent que « l’unique superpuissance au monde  » pourrait venir à leur secours à condition qu’ils puissent accuser le gouvernement en place de « massacrer sa propre population  », ils seront hautement motivés pour provoquer ce gouvernement à commettre le massacre en question.

Plusieurs anciens membres des forces de paix de l’ONU ont témoigné du fait que les forces musulmanes en Bosnie menaient les ignobles « Bombardements des marchés » contre les civils de Sarajevo pour pouvoir accuser leurs ennemis serbes et obtenir un soutien international.

Comment ont-ils pu en arriver à des agissements aussi horribles ? Eh bien, si le dirigeant d’un pays est prêt à « massacrer son propre peuple  », pourquoi le dirigeant d’un groupe rebelle ne laisserait-il pas massacrer quelques individus de « son peuple » pour prendre le pouvoir ?

Un des principaux dangers de la doctrine R2P est qu’elle encourage les factions rebelles à provoquer la répression, ou prétendre à la persécution, uniquement pour provoquer une intervention armée étrangère en leur faveur. Déjà, à travers l ;a Fondation nationale pour la démocratie, le National Endowment for Democracy (NED), les États-Unis dépensent des millions de dollars pour entraîner les citoyens de pays de l’ancienne Union Soviétique, entre autres, aux techniques de provocation (« résistance non-violente »). Il est certain que les militants anti-Kadhafi ont grossièrement exagéré la menace de Kadhafi contre Benghazi pour provoquer la guerre de 2011 de l’OTAN, menée par la France, contre la Libye. La guerre au Mali est le résultat direct du renversement brutal de Kadhafi, qui représentait un facteur de stabilité majeur en Afrique.

Les interventions US ne sont pas connues pour leur « protection  » des populations. Il est plus facile d’imaginer une intervention efficace là où aucune n’a été menée – au Rwanda par exemple – que d’en effectuer une dans le monde réel.

Malgré toute leur puissance militaire, les États-Unis sont incapables de remodeler le monde à leur goût. Ils ont échoué en Irak et en Afghanistan. La « guerre du Kosovo  » de 1999 est présentée comme un succès, mais uniquement à condition d’ignorer soigneusement ce qui se déroule dans cette province depuis qu’elle a été arrachée à la Serbie par l’OTAN et remise aux clients albanais de Washington. Quant au « succès  » en Libye, la vérité émerge bien plus vite.

Les partisans du R2P nous exhortent de ne « plus jamais  » permettre un nouvel Holocauste. En réalité, il n’y a « plus jamais  » eu d’Holocauste. L’Histoire produit des événements uniques qui défient toute attente.

Mais si un événement aussi terrible se produisait, me demande-t-on, faudrait-il que le monde reste les bras croisés ?

Que signifie « le monde  » ? L’idéologie occidentale présume que le monde entier devrait se préoccuper des droits humains, mais qu’en réalité seule l’Occident s’en préoccupe réellement. Cette présomption est en train de creuser un fossé entre l’Occident et le reste du monde, qui ne voit pas les choses du même œil. Dans la plus grande partie du monde, l’Occident est perçu comme une cause de désastres humanitaires, et non comme une solution.

La Libye fut un tournant, lorsque les puissances de l’OTAN ont appliqué leur doctrine R2P non pas pour protéger les populations libyennes de l’aviation de leur propre pays (l’idée à la base de la résolution de l’ONU sur les « zones d’exclusion aérienne  »), mais pour bombarder eux-mêmes le pays afin de détruire le régime. Ce qui a convaincu les Russes et les Chinois, s’ils avaient encore des doutes, que le « R2P  » est une arnaque, employée au service d’un projet de domination globale.

Et ils ne sont pas seuls et isolés. L’Occident s’isole lui-même dans sa propre bulle de propagande. Une bonne partie du monde, sinon la totalité, pense que les interventions occidentales sont motivées par leurs propres intérêts économiques, ou par les intérêts d’Israël. Le sentiment d’être menacé par la puissance US incite d’autres pays à renforcer leurs défenses militaires et à réprimer les militants d’opposition qui pourraient servir de prétexte à une intervention de l’extérieur.

En criant « génocide  » lorsqu’il n’y a pas de génocide, les États-Unis crient au loup et perdent leur crédibilité. Ils détruisent la confiance et l’unité nécessaires à la mobilisation d’une action humanitaire internationale authentique, si jamais il y en avait vraiment besoin.

Par Diana Johnstone-Mondialisation.ca–04.02.2013.

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11 réponses à “guerres d’agression devenues actions chevaleresques”

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