Kan ya makan-(il était une fois)
** C’est l’humiliation et la déchéance qui arrivent
*Paroles du chevalier Moussa Ben Abbi Al-Ghassan, le « dernier combattant » ou la « dernière épée » dans l’Andalousie musulmane.
*Avant la capitulation de Grenade le 25 novembre 1491. Il y a 523 ans
Dans Gharnata (Grenade) occupée par les forces de Ferdinand et d’Isabella, il ne voulait pas vivre les affres de la défaite, voir les mosquées souillées, les femmes asservies. Il disait sa colère à l’émir nasride Boabdil (Abou Abdallah) et à ses courtisans qui ont accepté de signer le traité de capitulation dans l’amertume et les larmes. Il les tançait vertement : « Ne vous leurrez pas, ne croyez pas que les francs vont respecter leurs engagements. Ne comptez pas sur la parole d’honneur de leur roi. La mort n’est pas le pire à craindre. C’est l’humiliation et la déchéance qui arrivent. Par Dieu, je ne les verrais pas ! »
Celui qui a lancé ces paroles dans un moment crucial était le chevalier Moussa Ben Abbi Al-Ghassan, le « dernier combattant » ou la « dernière épée » dans l’Andalousie musulmane. Il gardera ce nom de dernier combattant car il avait refusé la capitulation.
Après avoir dit ces mots, il quitta le Palais, enfila sa tenue militaire et partit, seul, combattre une section de l’armée espagnole dans la banlieue de Grenade.
On le vit sortir par une porte, Bab Essultan, que personne ne franchit après lui car elle fut scellé définitivement après son passage. Il mourut en combattant et ne vit pas ce qu’il craignait encore«plus que la mort ».
Selon les récits, l’homme gravement blessé choisit de se laisser tomber dans un ravin pour ne pas être capturé vivant. Il mourut comme il l’a voulu, en combattant. L’histoire et la fin de Moussa Ben Abbi Al-Ghassan a fasciné les espagnols et suscita l’intérêt de l’écrivain américain Washington Irving. Mais elle reste méconnue dans le monde musulman.
La signature du traité de capitulation de Grenade a eu lieu le 25 novembre 1491. Il y a 523 ans
**Par Fawzi Sadallah*Journaliste et écrivain/ huffpostmaghreb.com/ 28 novembre2015
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*Le début de la fin des Abbassides: les excès des Baramika
** al-Barāmika ****Famille de hauts fonctionnaires dont plusieurs membres occupèrent des postes importants sous les premiers califes ‘abbāsides de Baghdād, puis en devinrent les vizirs et les « maires du palais ».Leur nom, al-Barāmika, ne vient pas de celui d’un ancêtre éponyme, Barmak, mais de celui d’un titre héréditaire : grand prêtre du temple de Nawbahār, près de Balkh, en Perse. La gloire de cette famille atteint son apogée avec la personnalité de Khālid ben Barmak d’abord, puis celle de son fils Yaḥya ben Khālid. Protégé du calife al-Saffāḥ, Khālid passe de la direction de l’armée et de l’impôt foncier à celle de l’ensemble de l’administration, ce qui revient au rôle d’un vizir, sans le titre. Sous al-Manṣūr, il est écarté de ses fonctions et nommé gouverneur du Fārs pendant deux ans. On le retrouve à Baghdād en 764-765, participant à diverses intrigues politiques avant de rejoindre son nouveau poste de gouverneur du Ṭabaristān. Il y acquiert une grande popularité et fonde la ville d’al-Mansūra. En 775, il réprime une révolte kurde dans la province d’al-Mawsil (Mossoul) qu’il administre, tout en initiant son fils Yaḥya aux affaires. Il meurt en 781, âgé d’environ soixante-quinze ans.*Yaḥya ben Khālid, après avoir suivi et aidé son père dans ses différentes fonctions, accompagne le prince Hārūn (futur al-Rashīd) dans ses déplacements. Celui-ci lui confie l’administration de l’Azerbaïdjan, qu’il gouverne en même temps que l’Arménie. Devenu calife, Hārūn al-Rashīd le nomme wazīr (vizir). Yaḥya devient ainsi le véritable chef de l’administration et l’homme le plus puissant de l’empire.Il reste en fonctions de 786 à 803, soit dix-sept ans, période que les historiens appellent « le règne des Barmakides ». Ce pluriel est justifié du fait de la présence constante des deux fils de Yaḥya, al-Faḍl et Dja‘far, à ses côtés, et de l’assistance qu’ils lui prêtent dans la conduite des affaires de l’empire.
******Hâroun ar-Rachîd ou Hâroun al-Rachid (de son nom complet Hârun ar-Rachid ben Muhammad ben al-Mansûr) est le cinquième calife abbasside. Né en 763 près de Téhéranen Perse. Il devient calife en 786 et meurt en 809 à Tûs dans le Khorasan. C’est un des plus importants califes abbasside. En 803, pour des raisons mal connues (dégradation des relations personnelles entre Jafar le fils de Yayha ben Khalid le principal vizir ? ou bien peur de la puissance prise par la famille des Barmécides ? ), Hâroun al-Rachîd se débarrasse brutalement de ceux-ci. Son favori Jafar est décapité, son père et ses frères sont emprisonnés.
*Hâroun al-Rachîd est le troisième fils du calife al-Mahdî, sa mère était une esclave yéménite. Il a été formé par le vizir Yahyâ ben Khâlid de la famille des Barmécides. Hâroun est l’ami d’enfance des fils de Yahyâ ben Khâlid : Fadhl, Jafar, Mûsâ et Mohammed. Fadhl était frère de lait de Hârûn et Jafar était son ami intime.Hâroun al-Rachîd a eu deux épouses.
Hârun al-Rachid aura quatre filles.
Trois de ses fils lui succèderont :
- Abû `Abd Allah Muhammad sera le calife Al-Amîn (809-813) né d’une épouse légitime
- Abû al-`Abbâs `Abd Allah sera le calife Al-Ma’mûn (813-833).
- Abû Ishâq Muhammad sera le calife Al-Mu`tasim (833-842)
**sources internet
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*7ème Festival du Conte d’Oran. du 18 au 22 mars 2013
Chaque année, nous ne manquons pas de signaler en bonne place le Festival du Conte d’Oran.
La première raison tient à la place de cette «discipline» dans le patrimoine oral de notre pays, une place qu’elle partage avec le reste du Maghreb mais aussi l’Afrique où le conte a connu et connaît encore, en dépit des ravages socioéconomiques sur la culture, une grande importance, sans oublier enfin le monde arabe et musulman qui a donné ce fleuron universel des Mille et Une Nuits (lire page suivante). La deuxième raison tient dans le fait que cette manifestation a été créée, développée et maintenue par une association culturelle à maints égards admirable par les missions qu’elle s’est données, par son action en profondeur dans le substrat social, au cœur des enjeux culturels qui gravitent autour des enfants et des adolescents. Il s’agit de l’association «Le Petit Lecteur»* d’Oran dont les bénévoles sont des exemples d’engagement culturel pour la promotion de la lecture enfantine et juvénile.
Sans faire de vagues et sans gros moyens, ces femmes et ces hommes ont réussi à mener le Festival du conte à sa septième édition, en suivant un parcours modeste mais méritoire, progressant d’année en année, parvenant même à attirer de grands noms du genre, encore que dans ce genre justement, le vedettariat n’existe pas. Après-demain donc débute cette septième édition programmée du 18 au 22 mars. Cinq journées palpitantes durant lesquelles le verbe prouvera qu’il demeure vivant, efficace, capable de créer dans l’imagination de ceux qui l’écoutent un univers complet de décors, de sons, d’odeurs, de rythmes, d’actions, etc. Une performance remarquable pour ce très vieil art confronté à la machinerie sophistiquée des nouvelles technologies de communication. Lui qui a déjà survécu au cinéma doit se mesurer aux films d’animation numérisés, aux jeux-vidéos, au home-cinéma, etc. On pouvait penser que toutes ces merveilles contemporaines auraient émoussé le sens de l’oralité et de l’imagination, notamment chez les plus petits et les plus jeunes, soumis à doses massives aux expressions électroniques où dominent l’image et le son.
Pas du tout. Et c’est ce que vient prouver chaque édition du Festival du conte d’Oran. Celle-ci a été placée par ses organisateurs sous la thématique «50 ans d’indépendance : une histoire à partager». En cela, ils se réfèrent, bien sûr, au Cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie, suggérant qu’il est lié aussi à la nécessité de transmettre et de diffuser l’histoire nationale. Par la même, ils soulignent une des fonctions du conte qui consiste à préserver et sublimer des valeurs en perpétuant une mémoire collective. Dans le monde entier, le conte, lieu par excellence de l’imaginaire, s’est fondé, de manière plus ou moins éloignée, sur des faits réels, transfigurant des récits ou chroniques. Le conte est, d’une certaine manière, de l’histoire transmutée en légende et une réinterprétation créative du monde réel.
Combien ont découvert le calife abbaside Haroun El Rachid à travers Les Mille et Une Nuits, avant d’apprendre qu’il était un personnage historique ? Et, même si les caractères et actes de ce souverain dans le conte ne sont pas exactement ceux de la réalité historique, il est certain que son entrée dans l’univers du merveilleux atteste d’un effet de la mémoire collective. Pourquoi Haroun El Rachid et pas un autre sultan ? Mieux que l’histoire, Les Mille et Une Nuits ont conservé la popularité de cet homme et l’admiration qu’il suscitait auprès des simples gens. Il y a sans doute des passages souterrains et encore mystérieux qui mènent du passé réel aux dédales de l’imaginaire…
Le programme du Festival du conte permettra sans doute de s’interroger – ou, plus simplement, de s’extasier – sur cette richesse narrative et ses implications historiques, sociales et culturelles ; humaines aussi car l’exercice de ces récits demeure sans doute l’une des meilleures démonstrations de partage entre les individus, les groupes et les générations. Comme à son habitude, la manifestation se déploie en divers lieux de la ville, soucieuse de toucher plusieurs publics et de participer à l’animation culturelle urbaine, d’autant qu’elle est parrainée par l’Assemblée populaire communale d’Oran. Du lundi au vendredi, les écoles, centres culturels, instituts et associations partenaires recevront des conteurs qui iront au-devant des enfants ainsi que des adultes porter la parole du rêve et de la sagesse. On notera en outre l’inauguration, lundi 18 à 18h, sur le parvis de l’APC d’une représentation des jeunes conteurs formés et dirigés par Kamel Zouaoui.
Le lendemain, le département des langues de l’ENSET accueillera à 9h30 une séance de contes, tandis qu’à 16h le Théâtre régional Abdelkader Alloula sera le lieu de «Contes en famille», sous la direction artistique du conteur congolais Jorus Mabiala. Mercredi 20 à 15h, un spectacle de contes destiné aux collégiens et lycéens aura lieu à l’Institut français. A 18h, le Loft de l’avenue Loubet sera investi par une causerie avec les conteurs du festival animée par le troubadour Mahi Seddik. «Contes en famille» encore, le jeudi 21, à 10h, aux bains turcs de Sidi El Houari, atmosphère garantie dans des décors réels propices au récit. Au même moment, à l’opposé de la ville, la conteuse française Gigi Bigot donnera au département des langues latines de l’Université une conférence intitulée : «Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles». A partir de 18h, à l’Institut français, la même conteuse dirigera la Nuit du conte pour les adultes. Enfin, vendredi 22, à 10h, ce sera la désormais traditionnelle balade contée de clôture, à travers les jardins Ibn Badis (ex-Promenade de l’Etang), que l’association «Le Petit Lecteur» offrira en partenariat avec l’association «Bel Horizon».
Kan ya makan. Il était une fois. Amachaho Aho. Once upon a time… Que l’histoire commence sur l’écran le plus perfectionné dont l’homme dispose : sa tête.
*Association Le Petit Lecteur : www.plecteur-oran.org / Contact
mail : petitlecteur2002@yahoo.fr
**Ameziane Farhani- El Watan-16.03.2015.
**6e Festival du conte pour enfants à Oran
*photo: Oran – place du 1er novembre -
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*Le pingre et la cruche de miel
Ahmed, le pingre du village, possédait une grande cruche remplie de miel pur. Il l’avait attachée à un clou, juste au-dessus de son lit, veillant scrupuleusement à ce que ni sa femme ni ses enfants n’y touchent. À maintes reprises, sa compagne l’avait supplié de la laisser puiser un peu de cette gourmandise qui faisait tant saliver les petits. “Donne-leur au moins une cuillère chacun ! Tu vois bien qu’ils ont l’eau à la bouche !” Mais Ahmed était sans pitié. Cette cruche de miel d’abeilles, pensait-il, allait lui rapporter une grosse somme d’argent qui lui permettrait d’acheter un cheval. “Je l’appellerai Rapido, prendrai soin de lui et galoperai aux quatre vents sur son dos.” Étendu sur son lit, son gourdin à proximité, l’homme échafaudait son plan. “Et si Rapido avait le malheur de me désobéir, je lui botterais l’arrière-train avec ce bâton !” Joignant le geste à la parole, Ahmed l’avare leva précipitamment la main et donna, sans le vouloir, un grand coup à la cruche qui vola en mille éclats répandant à terre et sur le lit la précieuse substance. Ahmed le pingre sentit son cœur s’emballer puis faire des ratés. Lorsque son épouse entra dans la chambre, elle le trouva raide mort. (Liberté)
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*Madeleine Brès : fille de charron devenue la première doctoresse française en 1875
et « Figures contemporaines » (Volume 1) paru en 1894)
*source: .france-pittoresque
*****************Il fut un temps où la doctoresse était considérée comme un être d’exception, presque une anomalie, et si les Facultés de médecine américaines et anglaises avaient bien ouvert leurs portes aux femmes, en France on se montrait hésitant. C’est grâce à sa persévérante ténacité que Madame Madeleine Brès parvint la première à vaincre les résistances officielles et à faire reconnaître pour la gent féminine le droit d’aborder les études médicales et de conquérir le diplôme de docteur, au même titre que ses confrères masculins.
Ce n’est pas, à vrai dire, sans difficultés, que Madeleine Brès, née en 1842 à Bouillargues (Gard) et qui aimait à s’intituler la Doyenne des Femmes-Médecins de France, réalisa en 1875 le rêve que toute sa vie elle caressa ; car, dès son enfance, elle sentit se réveiller sa vocation, ainsi qu’elle s’en ouvre en termes d’un charme exquis lors d’un entretien transcrit dans La Chronique médicale en 1895 :
« J’avais à peine huit ans quand mon père, qui était charron de son état – il n’y a pas de sot métier – me conduisit chez les sœurs, où il exécutait des travaux. Ma curiosité naturelle, mon esprit d’observation, devrais-je plutôt dire, qui se manifestait dès cette époque, me portant à examiner tout ce qui se faisait autour de moi, je considérais avec attention les religieuses confectionnant les tisanes et préparant les potions.
Il me vint à mon tour l’idée de les imiter, et voici ce que dans ma naïveté d’enfant j’imaginai : je me mis à disposer des chaises, en cercle – ces chaises, dans mon idée, figuraient des malades. Alors je les interpellai, conversant avec elles, m’inquiétant de leur santé, comme si j’avais affaire à des êtres animés. Poussant la comparaison jusqu’au bout, j’allai même jusqu’à verser sur chacune d’elles une mixture que je préparai, retenez bien la recette, avec des pelures d’oranges et de la réglisse noire ! Pour tout dire, j’avais un tel goût pour tout ce qui touchait à la médecine qu’un ami de ma famille, le Dr Pleindoux, me voyant si zélée, si secourable, me disait souvent : « Quelle infirmière tu ferais, mon enfant ! » et il ajoutait plus tard : « Quel dommage que tu ne puisses pas te faire médecin ! »
Au fait, me disais-je, pourquoi ne deviendrais-je pas médecin ? C’est l’idée qui, depuis longtemps, me hantait, et qui prit à la fin consistance. J’avais été mariée à 15 ans et un mois. J’étais devenue mère de famille ; peu après, j’étais frappée par des revers de fortune inattendus. Le malheur fortifia ma volonté. J’avais 21 ans quand j’allai pour la première fois solliciter une audience du professeur Wurtz, à l’époque doyen de la Faculté. Alors s’engagea ce colloque :
– Voulez-vous, Madame, faire vos études médicales ? Mais avez-vous vos grades universitaires, vos baccalauréats ?
– Qu’à cela ne tienne… Je les aurai.
Mais une hésitation me vient : si, une fois mes diplômes acquis, je n’allais pas être autorisée à suivre les cours de la Faculté de médecine ? Pour plus de sûreté, j’adresse une pétition au ministère de l’Instruction publique, M. Victor Duruy. M. Duruy, ne voulant pas prendre seul la responsabilité de la mesure, en référa au Conseil des ministres.
Un heureux hasard voulut que l’Impératrice présidât ce jour-là le Conseil. La souveraine enleva le vote en faveur de l’innovation : « J’espère, dit-elle à ce propos, que ces jeunes femmes trouveront des imitatrices, maintenant que la voie est ouverte. » J’employai quatre années à acquérir les connaissances littéraires et scientifiques nécessaires pour l’obtention de mes deux baccalauréats, puis je commençai ma médecine.
Ce ne fut que douze ans plus tard que je fus reçue docteur, le 3 juin 1875, avec une thèse portant pour titre : Mamelle et allaitement. Vous pourrez être surpris qu’un aussi long temps se soit écoulé entre ma première inscription et la soutenance de ma thèse ; c’est que de graves événements s’étaient passés dans l’intervalle. En 1870 la guerre, et quelques mois après la Commune, avaient éclaté, et j’avais dû de ce fait interrompre mes études.
Au moment de la guerre, mon mari faisait partie de la garde nationale. Bien que mère de trois enfants je demandai à être attachée à un service hospitalier. Sur la proposition de Broca, je fus nommée peu après interne provisoire à l’hôpital de la Pitié. Il faut vous dire qu’à ce moment-là tous les hôpitaux étaient désorganisés. La plupart des internes avaient obtenu de faire du service dans les ambulances, où ils rencontraient des cas plus intéressants, et où ils étaient beaucoup mieux payés que dans les hôpitaux, auxquels ils ne cessaient pas, d’ailleurs, d’être officiellement attachés. Je devais donc faire les pansements de mes camarades, et même signer pour eux les jours qu’ils ne venaient pas, c’est-à-dire presque tous les jours.
C’est pendant que j’étais à la Pitié – où je suis restée du mois de septembre 1870 au mois de juillet 1871 – qu’il m’arriva une mésaventure, qui aurait pu devenir tragique. Dans l’espace de trois jours les mitrailleuses firent pleuvoir sur l’hôpital 57 obus. Un des premiers projectiles tomba dans mon propre lit, au moment où je venais de le quitter, et c’est, je dois le dire, à une circonstance toute fortuite que je dois de n’avoir pas été tuée ou grièvement blessée. J’avais dans l’une de mes salles une vieille femme que l’on conservait par charité, et qui était atteinte de bronchite chronique.
On avait l’habitude de lui donner une potion diacodée pour lui calmer sa toux. Inquiète de savoir si elle avait reçu son médicament habituel, je m’étais levée, en deux temps, car je couchais sur mon lit toute habillée ; j’allai à la pharmacie pour m’informer. Pendant ma courte absence l’obus éclatait. J’en ai donné les éclats à ma fille qui les conserve précieusement.
Vous vous demandez sans doute sur quel pied je vivais avec les étudiants et avec mes chefs de service ? Je dois dire de suite que je n’ai jamais eu à me plaindre de personne. Les chefs de service m’ont donné les certificats les plus flatteurs. Ainsi Broca rendait hommage à mon « exactitude » et « à ma tenue irréprochable ». Les professeurs Gavarret, Sappey, Paul Lorain, Wurtz, se plaisaient à reconnaître que « Madame Brès, par sa tenue parfaite – ce sont les termes mêmes du certificat – a justifié l’ouverture de nos cours aux élèves du sexe féminin et obtenu le respect de tous les étudiants avec lesquels elle s’est trouvée forcément en rapport ».
Le respect, c’est en effet bien le mot, et un respect de bon aloi. Et, à ce propos, je ne vous citerai qu’un trait, un fragment de conversation pris sur le vif : « Figurez-vous, mon cher X… » disait un jour, en commençant son récit, un étudiant de mon service ; mais il ne confondait aussitôt excuses : « Oh ! mille pardons, Madame, j’oubliais ». Vous voyez la note : on vivait sur un pied de bonne et franche camaraderie, voilà tout.
Je ne saurais dire si c’est à cela que je dois d’avoir poursuivi ma carrière médicale, ou si ce n’était pas plutôt chez moi le résultat de la force de volonté unie à la vocation. Toujours est-il que j’avais l’ambition de conquérir tous mes grades, l’internat compris. Dans ce but j’adressai une demande à l’Assistance publique pour être admise au concours de l’externat d’abord, puis de l’internat. Le directeur de l’administration m’opposa une fin de non-recevoir, mais des plus courtoises : « S’il ne s’était agi que de vous personnellement, m’écrivait-il, je crois pouvoir dire que l’autorisation demandée eût été probablement accordée. Mais le Conseil a compris qu’il ne pouvait ainsi restreindre la question et l’examinant en thèse générale dans son application et ses conséquences d’avenir, le Conseil a eu le regret de ne pouvoir autoriser l’innovation que votre admission aurait consacrée. »
Depuis, on s’est montré plus libéral et nous avons eu des femmes externes en médecine et même des femmes internes ; tant il est vrai que les bonnes idées font toujours leur chemin. Est-ce à dire que les femmes doivent faire de la clientèle sans sélection et traiter toutes sortes de maladies ? Je persiste à croire, pour mon compte, qu’elles doivent s’en tenir à la spécialité des femmes et des enfants. Personnellement, je n’ai jamais donné de consultation à un homme. Je me suis tout entière consacrée à la médecine d’enfants.
J’aurais pu, étant donné mes études supérieurs, faire de la chimie, car j’ai travaillé trois ans dans le laboratoire de Wurtz, et quatre ans dans celui de Frémy. Mais j’ai préféré vulgariser l’hygiène ; cela s’accommodait mieux avec mes goûts. J’ai été, en 1891, envoyée en mission en Suisse pour étudier l’organisation et le fonctionnement des crèches et autres établissements destinés aux enfants du premier âge. Actuellement je suis chargée de faire des cours d’hygiène, suivis de leçons de choses, dans chacune des mairies de Paris. La première j’ai établi les variations de la composition du lait, et le problème de l’alimentation des enfants est une de mes préoccupations.
Si je mets du cœur à ma besogne cela tient, croyez-le bien, à ce que, tout en devenant médecin, je suis restée femme ou plutôt mère de famille. J’estime, en effet, que la femme, quelque situation qu’elle occupe, ne doit jamais perdre les attributs de son sexe, conclut Madeleine Brès.
Elle dirigea un journal de médecine ayant pour titre : l’Hygiène de la Femme et de l’Enfant, et fonda aux Batignolles, grâce au généreux concours de quelques femmes reconnaissantes, une crèche dans laquelle les enfants étaient reçus gratuitement et où, une fois par semaine, les jeunes mères pouvaient écouter des leçons de choses, faites au berceau même de l’enfant, par la fondatrice. Elle mourut en 1921.**source: .france-pittoresque / VENDREDI 13 JUIN 2014
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