Pas beau, pas beau! l’argent qu’on n’a pas gagné!
»Un profiteur, voilà ce que je m’apprêtais à devenir«
« Je me suis dupé moi-même…Au lieu de stimuler le travail, toutes les facilités matérielles ne faisaient que le paralyser! Tout ce beau mécanisme fonctionnait à vide…En réalité, je ne fichais plus rien…Il se rappela soudain, ce dégout de son frère pour l’argent…C’est lui qui avait raison….L’empoisonnement par l’argent…, l’argent qu’on n’a pas gagné…J’en étais arrivé à croire que tout s’achète. Je m’attribuais déjà, comme un privilège naturel d’homme riche, le droit de travailler peu…de faire travailler les autres. Je ma serais, sans vergogne, attribuer le mérite de la première découverte faite par J.. ou par S.., dans « mes » laboratoires. Un profiteur, voilà ce que je m’apprêtais à devenir..! J’ai connu le plaisir de dominer, par l’argent…J’ai connu le plaisir d’être considéré pour mon argent…Et je n’étais pas loin de trouver cette considération naturelle, pas loin de penser que l’argent me conférait une supériorité…Pas beau ! Et ces rapports faussés, équivoques, que l’argent établit entre le richard et les autres ! Un des plus sournois méfaits de l’argent ! Je commençais déjà à me méfier de tout et de tous…je commençais à penser de mes meilleurs amis : « Pourquoi me raconte-t-il ça? Est-ce à mon carnet de chèques qu’il en a ? « …Pas beau, pas beau ! tout ça… « Les Thibault… de Roger Martin Du Gard « .
*Délits et crimes financiers :
pourquoi les banquiers ne vont jamais en prison
De nombreux délits ont été commis ces dernières années par des banques et leurs dirigeants – escroquerie, blanchiment d’argent, organisation de la fraude fiscale, délits d’initiés ou manipulations, notamment. Pourtant aucune banque n’a perdu sa licence ou n’a été démantelée par décision de justice. A quelques rares exceptions, aucun banquier n’a été condamné à une peine de prison. Les banques seraient-elles au-dessus des lois ? Les banques seraient désormais « trop grandes pour être condamnées » : les inculper auraient des répercussions trop importantes pour l’économie. **Explications:
On connaît la maxime : « Trop grandes pour faire faillite » (« Too Big To Fail »). La manière dont les gouvernants ont géré la crise provoquée par les banques débouche sur une nouvelle doctrine, qui peut être résumée par : « Trop grandes pour être condamnées ». Ou « Trop grandes pour être emprisonnées », si on traduit littéralement le nouvel adage qui fait florès aux États-Unis et au Royaume-Uni, « Too Big to Jail » [1]. En effet, alors que le gouvernement des États-Unis a laissé la banque Lehman Brothers faire faillite en septembre 2008, aucune banque n’a été fermée, ne s’est vu retirer la licence bancaire, n’a été démantelée par décision de justice. Aucun dirigeant de banque n’a été condamné à une peine de prison.
L’unique exception dans le monde occidental concerne l’Islande où la justice a condamné à des peines de prison ferme trois dirigeants de banque. Larus Welding, principal dirigeant de la banque Glitnir, qui a fait faillite en 2008 quand elle était encore la troisième banque du pays, a été condamné fin décembre 2012 à neuf mois de prison. Sigurdur Einarsson et Hreidar Mar Sigurdsson les deux principaux dirigeants de la banque Kauphing [2] ont été condamnés respectivement à cinq ans et cinq ans et demi de prison en décembre 2013 (sur le sujet, lire l’enquête de Basta !Comment jeter les banquiers voyous en prison, en dix leçons).
Pourtant, la justice des États-Unis et d’Europe est confrontée à de très graves délits commis par les plus grandes banques : escroquerie en bande organisée à l’encontre des clients, des (petits) actionnaires et des actionnaires publics, blanchiment d’argent du crime organisé, organisation systématique de la fraude fiscale à très grande échelle, manipulation en bande organisée des taux d’intérêts (Libor, Euribor,…), manipulation en bande organisée des marchés de change, faux et usage de faux, délits d’initiés, destructions de preuves, enrichissement abusif, manipulation en bande organisée du marché des Credit Default swap, manipulation du marché physique des commodities (matières premières), complicité dans des crimes de guerre… Et la liste n’est pas exhaustive !
Traitement de faveur et négociation avec la justice
Eric Holder, procureur général des États-Unis, interrogé en juin 2013 par une commission du Sénat de son pays, a résumé clairement le fond de la doctrine « Trop grandes pour être condamnées ». Il a déclaré en substance à propos des grandes banques que « ces institutions sont si grandes qu’il est difficile de les poursuivre en justice, et si on le faisait, on se rendrait compte qu’effectivement, les inculper pour activités criminelles pourrait avoir des répercussions négatives pour l’économie nationale, voire mondiale » [3].
Les retombées de cette position sont claires. Le fait que la spéculation et les crimes financiers ont causé la pire crise économique depuis le siècle dernier pèse fort peu dans la balance de la justice. Bien que de tels excès soient associés à une épidémie de fraudes [4], à tous les niveaux des opérations des banques des États-Unis, ces institutions sont autorisées à poursuivre leurs opérations. Il leur suffit de passer un accord avec la justice afin de payer une amende pour éviter une condamnation.
Imaginez la situation suivante : après un mois d’enquête, la police retrouve une personne qui a commis un vol d’un million d’euros. Au moment d’être appréhendée, la personne en question déclare au juge d’instruction et à la police : « Je propose de payer deux mille euros d’amende, vous me laissez en liberté et vous n’entamez pas de poursuite. D’accord ? ». Le juge et la police lui disent : « Ok, pas de problème, excusez du dérangement. Bonne continuation. Essayez de ne pas vous faire prendre une prochaine fois, ce serait dommage ». Le traitement de faveur auquel ont droit les banques responsables de délits et de crimes financiers n’est pas très différent de cette situation imaginaire. Bertold Brecht avait pleinement raison de poser la question : « Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? » .
Des banques au-dessus des lois
Les conséquences directes des méfaits des banques sont particulièrement graves : 14 millions de familles aux États-Unis ont été expulsées de leur logement entre 2007 et 2013 (voir tableau ci-dessous), parmi elles, il est avéré qu’au moins 495 000 familles l’ont été de manière parfaitement illégale [6], des millions de personnes ont perdu leur emploi, une partie d’entre elles sont tombées sous le seuil de pauvreté, le taux de suicides a augmenté parmi les personnes affectées, la dette publique a explosé et les fonds de pensions des pays développés ont perdu près de 5 400 milliards de dollars [7].
Saisies immobilières aux États-Unis et en Espagne
Source : Etats-Unis / Espagne.
Le rôle des banques privées est manifestement si important et indispensable au système capitaliste que leur fonctionnement transcende les contraintes légales et constitutionnelles des sociétés modernes. Dès lors, la justice se voile la face devant les délits et crimes commis par les banques et leurs dirigeants, afin de leur éviter de passer ne serait-ce qu’un jour en prison. En fin de compte, on ne peut tout de même pas poursuivre en justice un dirigeant d’une institution bancaire qui « ne fait que le travail de Dieu », pour citer Lloyd Blankfein, patron de Goldman Sachs.
La déclaration ci-dessus pourrait prêter à sourire si des transactions entre banques et autorités judiciaires ou de contrôle ne venaient pas régulièrement confirmer l’application de la doctrine « trop grandes pour être condamnées » des deux côtés de l’Océan Atlantique. Les affaires se suivent et la justice se borne à des amendes qui représentent bien souvent une maigre fraction des bénéfices issus d’activités illégales, sans qu’aucun dirigeant ne soit inquiété. Tout au plus comparaissent devant des tribunaux et sont condamnés, des lampistes comme Jérôme Kerviel, jamais les patrons qui les ont poussés à augmenter les bénéfices de l’entreprise en utilisant toutes les entourloupes possibles et imaginables.
Banalisation des conduites illégales ou criminelles
Six exemples suffisent pour témoigner de la situation actuelle : 1. les accords passés entre les banques des États-Unis et différentes autorités du pays afin d’éviter une condamnation en justice dans l’affaire des prêts hypothécaires abusifs et des expulsions illégales de logement (foreclosures) ; 2. HSBC (1ère banque britannique) mise à l’amende aux États-Unis pour blanchiment d’argent des cartels mexicains et colombiens de la drogue ; 3. la manipulation des taux d’intérêt interbancaire et des taux sur les dérivés connue comme l’affaire du LIBOR ; 4. le scandale des « prêts toxiques » en France ; 5. les activités illégales de Dexia en Israël ; 6. l’évasion fiscale internationale organisée par la principale banque suisse UBS.
Il apparaît clairement que les banques et autres grandes institutions financières de dimension mondiale, agissant souvent en bande organisée (en cartel), font montre d’un niveau rarement observé à ce jour de cynisme et d’abus de pouvoir. Aujourd’hui, après que les États aient mis l’argent public à disposition des entités financières dont les paris spéculatifs ont mal tourné, les magistrats en charge de faire appliquer la loi s’emploient à protéger les responsables de ces entités et banalisent ainsi, voire justifient a posteriori la conduite illégale ou criminelle dont ils se sont rendus coupables.
Une impunité qui encourage la prise de risque
Un tel contexte, où règne l’impunité, encourage les dirigeants des firmes financières à davantage d’abus et de prises de risque. Les banques en tant qu’institutions ne sont pas condamnées, et le plus souvent ne sont même pas convoquées devant un tribunal. Ces banques font porter l’entière responsabilité à des traders comme Jérôme Kerviel et quelques dizaines d’autres et obtiennent que la justice les condamne pour leur avoir porté préjudice.
La situation des principaux dirigeants des banques est bien différente : le montant de leurs bonus croît suite à l’augmentation des revenus de la banque (il n’est pas rare de voir que le bonus augmente même en cas de baisse de la rentabilité de la banque), indépendamment de l’origine illégale des ressources, ou du fait qu’elles soient issues d’activités financières spéculatives extrêmement risquées. Dans le pire des cas, s’ils sont découverts, ils n’ont qu’à quitter l’institution (souvent avec un parachute doré), ils ne seront pas poursuivis par la justice et conserveront sur leurs comptes bancaires l’entièreté des bénéfices obtenus.
Poursuivre les dirigeants en justice et obtenir des réparations
Tant que ce genre de dispositif pervers est maintenu, les abus et le pillage des ressources publiques de la part du système financier ne peuvent que se prolonger au fil du temps. Au-delà des hauts dirigeants, il faut souligner l’impunité des banques elles-mêmes à qui les autorités appliquent la doctrine « Too Big To Jail ». Il s’agit surtout de la démonstration de l’imbrication étroite entre les directions des banques, leurs grands actionnaires, les gouvernants et les différents organes vitaux des États.
En cas de graves manquements, il faut mettre en pratique une solution radicale : retirer la licence bancaire aux banques coupables de crimes, bannir définitivement certaines de leurs activités, poursuivre en justice les dirigeants et les grands actionnaires. Il faut aussi obtenir des réparations de la part des dirigeants et des grands actionnaires. Enfin, il est urgent de diviser chaque grande banque en plusieurs entités afin de limiter les risques, de socialiser ces banques en les plaçant sous contrôle citoyen, et de créer ainsi un service public bancaire qui donnera la priorité à la satisfaction des besoins sociaux et à la protection de la nature.
Eric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) Belgique [8].
Voir également l’article de Daniel Munevar, « La doctrine « trop grandes pour être condamnées » ou comment les banques sont au-dessus des lois », 20 septembre 2013.
Notes
*par Eric Toussaint – wikistrike–11 mars 2014
L’argent à l’assaut des valeurs
**Cupidité, hypocrisie et trahison
Ces deux calamités sont spécifiquement condamnées par le Coran et particulièrement l’hypocrisie dont le Prophète lui-même (Asws) a beaucoup souffert notamment à Médine. Pourquoi la référence à l’islam ? Parce que c’est la seule qui nous reste quand le civisme et la morale nous ont désertés, quand les marchands du temple ont mis main basse sur l’espace et quand le veau d’or fait se prosterner ceux qu’on prenait comme modèle de vertu.
De même que « Dieu n’aime pas les traîtres » Coran 8/58, il condamne la cupidité : « Dis : « Si vos pères, vos enfants, vos frères, vos conjoints, vos proches, les biens que vous avez acquis, le commerce dont vous redoutez le déclin, les demeures où vous vous prélassez, vous sont plus chers que Dieu, Son Prophète et la lutte pour Sa cause, alors que vienne s’instaurer l’Ordre du Seigneur ! Car Dieu ne guide pas les gens pervers » Coran 9/24
« Que leurs richesses et leurs progénitures ne t’émerveillent guère. Dieu ne les leur accorde que pour les faire souffrir ici-bas et les voir rendre péniblement l’âme en négateurs ». Coran 9/55
Le Coran contient 70 versets fustigeant l’hypocrisie
En vérité, ce qu’il faut retenir de cette mésaventure- rapt d’un enfant– qui a bouleversé tout le pays, c’est ce paysage tout à fait nouveau chez nous, dans lequel on se rend compte tous les jours que les valeurs qui fondent notre société et que nous avons héritées de nos parents, disparaissent de plus en plus sous l’effet conjugué de l’argent facilement gagné et du consumérisme effréné qui arrive à s’introduire même chez les plus pauvres d’entre nous. Nos traditions ancestrales et l’enseignement de l’islam, résistent difficilement au goût immodéré pour l’argent et pour l’accumulation des richesses. Contrairement à certaines idées reçues, l’islam n’a jamais prôné l’égalitarisme puisqu’il protège la propriété privée et encourage l’enrichissement licite par le travail et la persévérance. En revanche, il condamne l’arrogance de la richesse. Or, nous voilà encore une fois en pleine désillusion parce que nous étions persuadés, compte-tenu de notre passé, de notre histoire et de notre combat, que cela n’arriverait jamais chez nous et que la protection que nous avaient léguée nos ancêtres résisterait à ce bouleversement.
Certes la digue commence à rompre depuis quelques années. Bien évidemment, il est hors de question de baisser les bras, mais on est bien obligé de constater que l’argent trop facilement gagné fait des ravages considérables si on ne prend pas les mesures nécessaires pour moraliser sérieusement la vie publique. Et surtout quand on sait que l’argent peut aussi faire des dégâts là où on l’attend le moins : quand, pour en avoir, on n’hésite pas à monnayer la vie d’un enfant. *.algerie-focus/ 04 novembre 2015
*Pouvoir destructeur de l’argent
Désormais, le tragique décès de Youcef Goucem, producteur et directeur de Gofilm, suite à ses brûlures, à l’issue d’une tentative de suicide en s’immolant par le feu, le 7 janvier, dans les locaux de la chaîne de télévision privée Dzaïr TV – dont le propriétaire est l’homme d’affaires Ali Haddad –, restera gravé dans la mémoire collective.
Un cas de conscience. Un cas d’espèce. Un jour, en Algérie, un producteur de télévision, après la réalisation d’une série TV, réclamant en vain sa rétribution le plus normalement du monde, a été poussé à commettre l’irréparable, incité à un acte suicidaire, contraint à s’automutiler. Pris en «sandwich», ballotté, tourné en bourrique telle une quantité négligeable, devant l’autisme, l’impunité, l’injustice, l’insolvabilité, la cruauté, aucune oreille attentive, se donner la mort était l’ultime et solution pour lui.
Et ce, pour crier, exprimer et puis transmettre son message. C’est cela que Youcef Goucem voulait adresser à l’opinion publique, en la prenant à témoin… à charge contre «ses bourreaux», les cols blancs, des nantis de la 25e heure qui n’en ont cure de sa terrible galère et de surcroît n’ont aucun respect pour l’acte culturel créatif élaboré honnêtement. Ce cri d’alarme, plutôt de «larmes», c’est cette profonde, il faut le dire, létale détresse. Puisqu’il en est mort.
Face à cette machine infernale, cette bête inhumaine, cette ingratitude, ce mépris, ce pouvoir de l’argent des nouveaux pontes – passant à la télé – réduisant un citoyen algérien à un infrahumain. Aussi, les pouvoirs publics, les décideurs culturels, le ministère de tutelle, ou encore les hautes sphères sont interpellés quant à cette chienlit, cette anarchie et autre confusion sévissant à tous les étages de certaines chaînes privées de droit étranger faisant dans l’insolvabilité. Le cas Youcef Goucem est, désormais, un précédent dénonçant le pot de fer contre le pot de terre. Est-ce que ce manichéisme peut régner dans le monde de l’audiovisuel, à la télévision, au cinéma ?
Ce serait une caricature bananière et jurassique. Que nenni. L’Algérie qui gagne n’a pas besoin de cela. Et le communiqué de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) de vendredi se défausse de ces infractions au règlement – des dettes – et la réglementation en vigueur. Et jette un pavé dans la mare en notant une «recrudescence» des plaintes de professionnels contre certaines chaînes de télévision privées pour le non-respect des contrats. «Un dysfonctionnement perturbant les relations entre les contractants et bloquant le développement de la production algérienne.» L’ARAV, prenant ses responsabilités, exhortera les autorités concernées à une mise à niveau du paysage audiovisuel algérien. La mort de Youcef Goucem n’est pas un fait divers, c’est le fait accompli d’une gabegie.*K. SMAIL – elwatan- dimanche 27 janvier 2019
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