Chorba à l’étourneau
*C’était à Guelma, au mois d’octobre ; c’était le début du Ramadhan, nous faisions ce jour-là, mon ami Salah et moi, le marché.
Le jeune homme avait deux sacs de jute tout pleins d’étourneaux ; ceux que contenait le sac à sa droite étaient égorgés, dont la pièce coûtait 5 DA, mais ceux de l’autre étaient vivants et se débattaient dans un concert de cris perçants. L’oiseau vivant était cédé à 10 DA. Il y avait beaucoup de gens autour de lui. Le cri de l’étourneau remplit, déchire l’ambiance. Beaucoup y trouvaient une aubaine de corser leur chorba en ce Ramadhan, la viande de mouton faisait les 700 DA le kilo, prix inatteignable pour bon nombre de bourses.
Je demandai à Salah s’il était intéressé par la chorba à l’étourneau.
«Jamais ! Quelle horreur ! répondit-il, un rictus lui gonflant les pommettes.
- Tu l’as goûtée déjà ?
- Jamais.
- Alors, qu’en sais-tu ?
- Peut-être, on me l’a fait manger quand j’étais jeune, je ne sais pas. Mais depuis…
- Au lendemain de l’Indépendance, on mangeait tout… Tu oublies, ça ? Tu as même mangé la viande de chacal…
- Non, le bouillon de la viande de chacal, ce n’est pas la même chose. C’était, me dit ma mère, pour que je devienne rusé comme lui…
- Apparemment, tu ne l’es pas devenu !
- Apparemment.
- Oui, sinon, toi qui es enseignant à l’université, tu préjuges d’une chose sans la connaître…
- L’étourneau ? Quelle horreur !
- Je me rappelle ma grand-mère au douar, qui, un jour, a attrapé un hérisson, l’a égorgé et elle nous a fait un ragoût avec. Elle a eu beaucoup de peine à lui dégager la gorge, il se roulait en
boule en lançant des cris plaintifs à fendre l’âme… Moi, j’ai même bouffé du porc-épic. Souvent, on le vendait vivant au souk, tu t’en souviens ?
- Oui, ce sont de mauvais souvenirs…
- Pas du tout. Tu sais, l’étourneau se nourrit d’olives et je te laisse le soin d’imaginer le reste.
- Et après ? A y penser, j’ai déjà la nausée. Quelle horreur !
- Non, c’est bon, c’est un gibier comme un autre… Remarque : ce n’est pas une affaire de viande, de quantité de viande, quand il s’agit de chorba, mais de goût, de saveur…
- Alors, tant qu’on y est, pourquoi pas le corbeau, la cigogne, la mouette…
- Bizarre, tu aurais honte de tes traditions culinaires ? Robert ou Georges aime bien s’empiffrer de cuisses de grenouilles, et on ne trouve rien à en redire, mais quand Mohamed mange l’étourneau, une tradition millénaire, c’est l’horreur, la fin du monde !
En matière d’art culinaire, on pourrait dire que l’esprit inventif, créatif, s’en est allé avec nos ancêtres.»
Voilà que mon ami Gérard vint de France, comme il le faisait souvent. Né à Guelma quelques années avant l’Indépendance, il avait une terrible nostalgie de revenir à ses pénates, depuis le jour où je l’avais connu à Marseille. Il n’annonçait pas son arrivée, il débarquait toujours à l’improviste, pour me faire la surprise, disait-il.
Il arriva en fin de Ramadhan et il me fit savoir tout de go qu’il observait le jeûne.
«Bien. Ça tombe bien, on va se taper une chorba extra !
- J’ai adoré celle que Lamia a préparée la fois passée.
- Celle-ci, tu m’en diras des nouvelles, Gérard.»
J’avais invité aussi Salah. Il avait refusé au début, en sachant que Gérard serait présent. Il avait dit qu’il se sentirait gêné.
«Allons, allons, c’est un être humain comme tous les autres. Il ne va pas te bouffer.»
Enfin, il finit par accepter.
En voyant la table bien garnie, Gérard dit qu’il allait tout engloutir, tant il avait une faim de loup.
«De chacal, tu voulais dire.»
Il rigole.
A la première cuillerée de chorba, il s’écrie :
«Ah ! Que c’est bon !»
Je regarde Salah et dis :
«Et toi, comment tu trouves ?»
- C’est bon, c’est bon !», répond-il sans hésiter.
Gérard, qui n’arrête pas de siroter sa chorba, lève la tête et me demande :
«C’est de la bécasse ou de la caille ?
- Ce n’est ni l’une ni l’autre. C’est de l’étourneau.
- Quel plaisir ! En tout cas…je me régale.»
Puis se tournant vers Lamia,
«Tu me donneras la recette, fait-il.
- C’est la même recette que pour toute autre chorba», répond-elle.
A ce moment, je tourne la tête pour regarder Salah.
«Ca te plaît vraiment ?
- Elle est très bonne», fait-il en appuyant sur «très» et en souriant à Gérard.
Abdelwahab Boumaza…(Nouvelle publiée sur El Watan-04.08.2011.)
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