Kamel Sanhadji, chercheur,spécialiste du Sida

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*Kamel Sanhadji, chercheur, spécialiste du Sida

**Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent Napoléon

Le meilleur outil n’a pas de valeur par lui-même, il ne vaut que par l’emploi qu’on en fait.

 Nul n’est prophète en son pays.

 Les cheveux ont blanchi, le visage a gagné en gravité. A 55 ans, Kamel affiche la même sérénité distante que le jour où son nom s’est frayé un chemin menant à la gloire. Célébrité médicale, il aurait pu rouler les mécaniques, se drapant dans son orgueil emporté par la folie des grandeurs. Rien de tout cela.Physique de sportif, profil d’acteur, Kamel parle carré, direct. Il n’oublie pas d’où il vient. Et ce n’est pas sans nostalgie qu’il évoque pour nous son enfance koubéenne et son riche palmarès. Kamel est né à Alger-Centre juste au déclenchement de la révolution de 1954. Il a habité Kouba à partir de 1958 lorsque son défunt père avait achevé la construction de la demeure familiale. L’enfance a été celle des enfants de son âge : « Joyeuse, ludique mais en même temps studieuse et disciplinée, car ma mère, à laquelle je suis très attaché, nous avait (avec mon frère et ma sœur) à ’’l’œil’’. Comme dit l’adage, c’était une main de fer dans un gant de velours. La scolarité primaire s’est déroulée au lotissement Michel et le secondaire au collège de Ben Omar et au lycée des Frères Hamia à Vieux Kouba.

En plus des jeux d’enfants basés sur une dépense physique extrême dans les espaces naturels, qui étaient nombreux à cette époque coloniale à Kouba, (fermes, prairies…), je fréquentais beaucoup le square de la place de la Mairie où, avec mes copains d’école, on s’évertuait à des joutes oratoires basées sur une concurrence (je dirais plutôt une émulation) dans celui qui était capable de ‘‘déverser’’ le plus de savoir en termes de questions-réponses en matière de synonymes, d’antonymes, de conjugaison des verbes difficiles aux temps les plus complexes, de grammaire et d’analyse logique. Je me mettais même à apprendre un mot nouveau par jour du dictionnaire afin de ’’coincer’’, le lendemain, le petit camarade de classe. Avec le recul, je peux affirmer que ces pratiques ludiques ont participé efficacement à notre formation. Et lorsque l’on avait ’’marre’’ de cet effort intellectuel, on traversait juste l’avenue centrale (avenue Mohamed Rabia) pour rejoindre l’esplanade de l’église de Kouba (jouxtant l’actuel ministère de l’Hydraulique) où d’interminables parties de football s’enchaînaient sous l’arbitrage du prêtre, qui plus est, nous prêtait le ballon. »

Une enfance koubéenne

Tels les bons élèves s’enorgueillant de leurs bonnes notes en classe, Kamel peut mettre en avant sa carrière menée tambour battant et qui lui vaut aujourd’hui la reconnaissance de tous, surtout de ses pairs. Il a jusqu’à présent exercé à l’étranger sans doute pas tout à fait par hasard. Alors lorsque nous lui demandons ce qui a motivé ses choix, il se fend d’un long argumentaire. « Une fois les études secondaires terminées à Kouba, c’est à la faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, en France, que j’ai poursuivi ma formation, assez longue pour me permettre de croiser, à l’occasion de certains enseignements, des praticiens d’envergure de l’école de médecine lyonnaise reconnue mondialement dans certaines disciplines médicales telles la cancérologie, l’immunologie et la transplantation. C’est ce déclic qui m’a permis d’embrasser cette carrière de chercheur en immunologie qui est une discipline centrale dans la recherche de solutions pour faire accepter les organes greffés sans qu’il y ait de rejet.

C’est, aussi ce même immunitaire qui est à l’origine des défenses antifectieuses. Les travaux de recherche que j’ai effectués dans mon équipe à Lyon, et en particulier avec le professeur Jean-Louis Touraine (spécialiste des déficits immunitaires), nous ont permis de faire la première greffe mondiale in utero (directement dans l’utérus) de cellules souches chez les enfants atteints de déficit immunitaire sévère (bébés bulles). Il en est de même pour la mise au point de la thérapie génique (utilisant des gènes) pour piéger le virus du sida (VIH). Ce travail a été réalisé avc le professeur Jean-Louis Touraine et le professeur Luc Montagnier qui a reçu, comme vous le savez, le prix Nobel de médecine en 2008 pour la découverte du virus du sida. En somme, lorsque vous sentez que vous participez à l’avancée de la connaissance permettant d’aboutir à une possibilité de traitement, vous ne tenez compte ni du temps passé ni de l’endroit où vous exercez. L’essentiel est d’offrir un traitement pour les patients où qu’ils soient. »

La fuite des cerveaux

Lorsque la question fatidique et douloureuse de la fuite des cerveaux est évoquée, Kamel esquisse un soupçon d’agacement. Il essaie d’en expliquer les causes sans tenter de justifier quoi que ce soit, s’evertuant en revanche à asséner quelques vérités qui font mal. « Vous savez, la circulation des personnes à de tout temps existé. Je voudrais dire qu’il y a des personnes qui ont un tempérament de mobilité et que vous ne pouvez pas empêcher de bouger. Quant à ce qu’on appelle ‘‘fuite des cerveaux’’ dans des conditions particulières, ces conditions sont souvent dramatiques et graves. Il y a eu d’abord un paramètre important qui constitue la genèse de ces départs. Il s’agit de l’inexistence d’une volonté politique d’associer les potentialités, en tant que personnes qualifiées (ès qualités), à une véritable implication dans la prise de décision dans les domaines qui sont les leurs pour faire aboutir les projets de développement. La preuve en est que toutes les « tentatives » (très ponctuelles) des pouvoirs publics n’ont connu aucun suivi. Absence de visibilité ? Absence de volonté ? Absence de compétences en charge du dossier ? Une seule réponse sans appel. Le nombre de publications scientifiques internationales est l’un des plus faibles dans le monde. » Spécialiste du sida, son bilan lui a valu un éloge appuyé de la communauté scientifique. Au prix d’un travail acharné émaillé de quelques coups d’éclat, Kamel a su se construire une image séduisante. Un de ses collègues le définit comme « un garçon sympathique qui travaille dur mais qui est très matricé par la passion de la recherche. » Alors lorsque nous lui demandons en tant que spécialiste du sida : « A-t-on aujourd’hui le même regard sur la maladie qu’il y a 20 ans ? », il répond, naturellement par la négative. Non à double titre.

La recherche des traitements et l’histoire de la découverte

Enfin, l’histoire a donné raison au vrai découvreur du virus, puisque 25 ans après l’identification du virus et après moult péripéties entre les chercheurs, le prix Nobel 2008 a été attribué au véritable découvreur français qu’est Luc Montagnier. Comme quoi « le travail est toujours payant ». C’est une note d’espoir pour nos jeunes qui doivent être convaincus qu’en travaillant et en se « battant », ils auront gain de cause. Porté sur les remises en cause, le professeur a appris de longue date à ne compter que sur lui-même. Il est du genre à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas sans user de fioritures ni de formules détournées. Cette manière d’agir ne lui a pas valu que des amis. Notamment, lorsqu’il a investi le milieu controversé de la politique, il en est sorti déçu, « dégoûté », qualifiant ce milieu de « pourri ». L’ancien député ne renie aucun de ses combats. Tout juste reconnaît-il du bout des lèvres en avoir fait peut-être un peu trop en se jetant dans un milieu politique où les coups irréguliers sont aussi permis. C’est la politique qui est venue vers lui. Il en a fait une expérience qui ne restera pas gravée dans son esprit même s’il en avait pris goût. Aussi, s’effacer comme ça de la scène a dû le tourmenter.

On présume que la digestion fut douloureuse. « Vous savez, je n’ai jamais été demandeur. J’avais même décliné l’offre concernant les législatives de 2002. Mais lorsque l’on m’a convaincu que c’était pour apporter ‘‘un plus’’, peut-être une plus-value, pour contribuer et apporter une manière de travailler efficacement pour faire aboutir des projets afin d’aider à impulser une dynamique, en particulier dans la mise en place des pôles d’excellence en matière de recherche scientifique et médicale, dans l’intérêt de mon pays ; l’hésitation est tombée nette car j’ai été convaincu. En effet, j’ai des convictions surtout lorsqu’il s’agit d’une dette morale. Mais je n’ai pas de certitudes en tant que scientifique. Le scientifique, par essence, doute toujours. Malgré ces doutes, j’ai fait quelques concessions (par rapport aux anomalies observées) en les mettant sur le dos de l’inexpérience et des erreurs du système en les considérant, transitoirement, quelque peu pardonnables. Aussi, il était tout à fait normal que dans le cadre de mes compétences professionnelles que ce serait un devoir de restituer le savoir et le savoir-faire assimilés à la société dont vous êtes issu et qui vous a soutenu. C’est cette même société qui a consenti des efforts dans le cadre d’un système public. Il s’agit tout simplement d’une démarche citoyenne et d’une culture que l’on m’a apprise à l’école. »

Un spécialiste du sida

Ma participation, en tant que député de l’émigration algérienne en France, en dépit des quelques anomalies que j’ai pu relever dans le fonctionnement de cette Chambre, m’avait permis d’abord de réussir la mise en place d’un laboratoire de recherche sur le sida et sur la transplantation d’organes ainsi que la prise en charge d’un certain nombre de problèmes liés à l’émigration (rapatriement des corps de l’étranger, régularisation de séjours, transferts pour soins à l’étranger et autres problèmes d’ordre privé tels que les divorces, héritages, adoptions …) Toutes mes positions et mes interventions au sein de l’Assemblée populaire nationale (APN) ont véhiculé exclusivement des actions précises et concrètes relatives à la recherche scientifique, à la santé et à l’émigration algérienne en France. En ce qui me concerne et dans ma culture personnelle, je ne conçois la politique surtout pas comme une profession. Non plus un métier. La politique n’est pas un fonds de commerce. Elle est au service des métiers et du savoir-faire afin que les retombées de ces métiers puissent rendre service à la population. Et elle en a grandement besoin. Sincèrement, je plains les personnes qui n’ont d’autres « métiers » que la politique. Ils sont, comme on le dit, « à la merci et au bon vouloir du prince ». En tout cas, je ne dois mon « succès » (en toute modestie et je le dis sincèrement car je ne suis mû que par ma passion de chercheur) qu’à moi-même et même si j’ai exercé cette fonction politique en tant que député, je l’ai été par élection et que personne ne m’avait nommé.

La preuve en est que le jour-même de mon éviction de la liste du FLN des candidats aux élections législatives de 2007 alors qu’on m’avait demandé de me représenter, je recevais la plus haute distinction que le gouvernement français puisse décerner qu’est la Légion d’honneur au grade de Chevalier pour services rendus à l’humanité en matière de recherches sur le sida. Mon métier est clair. Et bien sûr, par ailleurs, il y a ceux qui « tricotent » et il y a ceux qui « détricotent ». Aujourd’ hui et dans cette carrière internationale qui est la mienne, j’exerce au titre de la société civile la fonction d’élu en tant qu’adjoint délégué aux hôpitaux et aux structures hospitalières auprès du maire de Lyon. Il s’agit d’une mission passionnante où mon métier de chercheur, que j’exerce toujours dans les hôpitaux de Lyon, est intimement lié à ma fonction politique dans la gestion du deuxième CHU de France avec ses 17 hôpitaux publics en plus des cliniques et hôpitaux privés. La mise aux normes internationales et la modernisation des hôpitaux sont au cœur de ma délégation. Là aussi, la morale vis-à-vis de la jeunesse m’oblige à faire passer la primauté du message que constitue le travail sérieux, l’effort et le combat quotidien. » Son idée sur l’Algérie de 2009 ? En une phrase : « Etat riche mais pays pauvre. J’ajouterais que je suis torturé par ce paradoxe. » (El Watan-18.06.09.)

**Parcours…

Kamel Sanhadji est né en 1954 à Alger. Il a fait ses études supérieures à Lyon où il exerce aux côtés de l’éminent professeur Luc Montagnier, prix Nobel de médecine. Professeur des universités depuis 2000, spécialiste du sida. Député à l’apn, liste FLN de juin 2002 à juin 2007. Distingué au grade de Chevalier dans l’Ordre national de mérite du ministère de la Santé (1999) fait Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’Honneur (2006) par le président Chirac.Il a publié un livre intitulé Sida : armes bagages OPU 1996 et plus de 100 publications dans les revues scientifiques internationales. Sanhadji vit et exerce à Lyon.

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*Interviw du Pr Kamel Sanhadji à L’Expression

«C’est le fruit de 30 ans de recherches»

Un chercheur qui fait honneur à l'Algérie

Le chercheur a passé trente ans à travailler dans le domaine des traitements permettant une «acceptation» plus grande des greffes d’organes et de tissus. Il est prêt à faire partager son expérience avec les universités algériennes.

L’EXPRESSION: Vous avez effectué des recherches sur le traitement des greffes: combien d’années avez-vous mis avant de boucler ces recherches?
Pr Kamel Sanhadji: Vous savez, le résultat d’une recherche n’est pas un «fruit» qui vous tombe en surprise dans les mains. Il s’agit de multiples observations expérimentales qui sont accumulées au cours du temps à partir de vos recherches et celles des autres équipes. Les rencontres entre chercheurs, sous forme de colloques ou de congrès scientifiques, sont le lieu de confrontation des résultats et de prise de décisions pour «mettre en musique» les informations intéressantes dans le cadre d’une maladie et les mettre en perspective d’un éventuel traitement. Dans ce cas précis, c’est le fruit d’une trentaine d’années de recherches dans le domaine des traitements permettant une «acceptation» plus ou moins réussie des greffes d’organes et de tissus. A ce propos, les recherches dans le domaine des médicaments utilisés dans le traitement des greffes (immunosuppresseurs) constituent une grande avancée en transplantation. Mais ces traitements ne constituent pas une panacée et de nombreux échecs sont constatés malgré ces traitements aboutissant à des rejets. En parallèle à ces traitements immunosuppresseurs, des recherches dans l’induction d’une tolérance des greffes par le receveur pour éviter ces rejets. Ces recherches durent donc depuis une trentaine d’années avec une accélération durant la dernière décennie ceci grâce au développement de nouvelles techniques de diagnostic, de recherche et de traitement (amplification génique, séquençage des gènes, thérapies cellulaire et génique).

La découverte a-t-elle déjà été mise en exploitation dans les hôpitaux et autres établissements de santé?
Oui, mais pas à grande échelle car les applications sont récentes. Aussi, les différentes agences de contrôles réglementaires en France, telle que l’Agence de Biomédecine, font très attention aux nouvelles applications afin d’éviter tous les scandales comme celui du médicament Médiator ou celui des prothèses mammaires.

Parlez-nous du coût de la prise en charge d’un patient?
Il s’agit d’une spécialité dite «coûteuse» car il s’agit d’une greffe. Elle est évaluée à environ 150.000 euros mais elle est définitive. Elle est prise en charge à 100% par la sécurité sociale, donc elle ne coûte rien au malade.

Vous avez donné l’exemple de l’enfant Blidi Manil qui souffre de la même maladie…
Sa mise en oeuvre en Algérie ne devrait pas poser de problèmes dans la mesure où les équipes praticiennes sont formées et que les infrastructures et les équipements (unités hors-germes, laboratoires d’immunologie) sont disponibles. Il s’agit de dispositifs semblables à ceux utilisés dans les services d’hématologie pratiquant les greffes de moelle osseuse (à ma connaissance, il en existe un dans le service d’hématologie de l’hôpital de Rouiba, à Alger). Ceci dit, le petit Manil a la chance d’avoir un donneur de moelle osseuse compatible (sa soeur). Il n’aurait donc pas besoin de greffe de cellules souches prélevées au niveau d’autres sources (foie foetal ou sang de cordon). Il sera bien pris en charge dans des structures adaptées, pourvu que son état infectieux, à son arrivée à Lyon, ne soit pas très important.
Avec le Pr Jean-Louis Touraine, nous nous sommes proposé de voir le petit Manil dans quelques jours.

Qu’en est-il de la mise en valeur de votre recherche médicale en Algérie?
Il faudrait d’abord que la «culture» de la recherche scientifique et médicale, avec des projets porteurs et modernes, s’installe sérieusement dans notre pays. Les services publics en charge doivent mener une politique réelle et pratique car la réalité des intentions ne se vérifie que par les actes. La question est donc la suivante: volonté politique réelle ou pas? A partir de là, il est très facile de mettre en place-ou pas- des infrastructures performantes qui n’auront rien à envier aux pays occidentaux.

Seriez-vous disponibles vous et le Pr Touraine, pour donner un exposé sur l’importance de cette découverte dans le cas où vous seriez invités en Algérie?
Oui, évidemment. Expliquer, communiquer, rencontrer et former des jeunes est notre job. Cela coule de source. Le laboratoire de recherches en immunologie-en cours de démarrage- de l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou est en principe pionnier pour prendre en charge cette thématique précise. (L’Expression_22.01.2012.)

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64 réponses à “Kamel Sanhadji, chercheur,spécialiste du Sida”

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