La chute du Mur de Berlin, 9 novembre 1989
Il y a à peine 20 ans, l’Europe était coupée en deux. Symbole de cette frontière: Berlin et son Mur de la honte. Vingt ans plus tard, la capitale allemande porte un autre symbole: celle de la réconciliation entre l’Est et l’Ouest.
Le 9 novembre 1989, des milliers de Berlinois de l’Est et de l’Ouest s’attaquent au mur de béton qui les sépare depuis près de 30 ans. Le monde découvre, incrédule, des images d’Allemands en liesse, juchés sur le Mur, sous les yeux de gardes impassibles.
«Nous sommes un seul peuple». Ce slogan né de l’unification allemande est loin de faire l’unanimité dans la société allemande malgré les engagements et les efforts déployés pour éradiquer les inégalités sociales entre l’Est et l’Ouest. Cette image de pays renforcé et émancipé sur la scène internationale n’est qu’une illusion vue de l’intérieur, car le pays semble fragilisé par la remise en cause du modèle économique et social prôné ces derniers temps par l’alliance gouvernementale CDU/CSU et le SPD. 20 ans après la chute du Mur de Berlin, la rupture est toujours ancrée dans les esprits d’une importante partie des Allemands, ce qui n’empêche pas, pour autant, l’Allemagne de faire de grands progrès sur tous les plans.
Le 23 mai dernier, l’Allemagne fédérale a fêté le 60e anniversaire de sa fondation qui a coïncidé avec la réélection du président d’Allemagne, Horst Kohler (CDU), un président au pouvoir symbolique. Pour des raisons purement économiques liées à la crise financière, la chancelière allemande, Angela Merkel du même parti conservateur des Chrétiens démocrates avait dû annuler toutes les festivités programmées à cet effet, se contentant d’une symbolique célébration. La chute du Mur de Berlin en 1989 a marqué la rupture historique sur plusieurs plans.
La question allemande qui resta pendante de 1906 à1990 fut résolue le 3 octobre 1990 avec l’intégration de la République démocratique allemande (ex-RDA) à la République fédérale allemande fondée par la loi fondamentale mise en vigueur depuis le 23 mai 1949. Une loi qui constitue le fondement politique et juridique de la RFA.
L’Allemagne, un ex-empire presque rasé complètement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a su et pu s’imposer comme première puissance économique européenne. Présentement, l’Allemagne est en voie de déclasser le Japon, frappé de plein fouet par la crise financière, pour devenir la deuxième puissance mondiale.
En somme, c’est le réveil du géant allemand. Depuis la chute du Mur de Berlin, l’Allemagne est devenue un état fédéral composé de 16 Landers (Etats fédéraux) dotés chacun de pouvoirs étatiques limités. Avec ses 82 millions d’habitants dont 52,5% de femmes, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne. 7,6 millions d’étrangers vivent en Allemagne dont 1,9 million de Turcs, soit la communauté étrangère la plus importante.
La ville de Leipzig dans la Saxe fondée en 1015, ville de l’illustre Sébastien Bach et Goethe, fut et restera la ville symbole de la lutte, bastion de la résistance et berceau de la révolution pacifique. En effet, c’est à Leipzig que le mouvement citoyen a capitalisé les 40 ans de lutte et de résistance pour provoquer la capitulation du régime stalinien de l’ex-RDA. L’année 1989 a été riche en actions et autres protestations. La première grande manifestation pour la liberté de la presse fut organisée le 15 janvier. Une initiative à inscrire à l’actif du premier groupe protestataire «initiative pour le renouveau démocratique». L’église Saint Nicolas, siège du mouvement citoyen, prenait en main la contestation. Le premier appel au boycott des élections du 7 mai a été largement suivi. Après un calme sibyllin, la protestation reprit durant l’été. Les artistes, écologistes et les antistaliniens occupèrent la rue par diverses actions.
Le lundi 9 octobre 1989, soit deux jours après les célébrations officielles de la fondation de la RDA, 70 000 manifestants occupèrent pacifiquement la rue suite à l’appel de l’église Saint Nicolas en scandant «Wir sind das volk» (nous sommes le peuple).
Cette grande manifestation organisée dans le calme donna naissance à l’automne de la révolution pacifique où chaque lundi se tenaient de grandes manifestations qui ont fait sonné le glas du Mur de Berlin. Un mois plus tard, le pouvoir capitula devant la détermination des citoyens. Le siège de la Stasi, police secrète, fut occupé le 4 décembre. Après la chute du Mur de Berlin, il fut transformé en musée du Runde Ecke qui abrite une exposition permanente intitulée «Stasi pouvoir et banalité».
Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, un obstacle long de quelque 41 km, l’Allemagne unifiée s’apprête à célébrer cet événement historique qui constitue une transformation politico-économique à l’échelle planétaire.(L’Expression-07.06.09.)
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*Leipzig, un prélude à la chute du Mur
Le 23 octobre 1989, plus de 300 000 personnes manifestaient dans la ville de Saxe.
C’est dans cette ville qu’eurent lieu, il y a vingt ans, les premières manifestations.
Le mur de Berlin tombera un mois plus tard, mais dès le 9 octobre 1989, le régime communiste de RDA commence à vaciller. Leipzig commémore vendredi avec la «Fête des lumières» le vingtième anniversaire de la première manifestation de masse contre le SED, le Parti communiste est-allemand, qui rassembla quelque 70 000 personnes autour de la Nikolaïkirche, l’église Saint-Nicolas. Un tournant dans la contestation qui libéra la vague démocratique à travers toute la RDA. «La Stasi (la police secrète est-allemande) avait tout prévu, se souvient Christian Führer, pasteur de l’église Saint-Nicolas. Sauf les bougies et les prières.»
L’Église protestante (BEK) a joué un rôle majeur dans la «révolution pacifique» de 1989. Depuis 1982, le pasteur Führer accueillait dans sa paroisse des services de prière pour la paix, tous les lundis. Au milieu des années 1980, ils étaient six ou sept à participer. «Au début, les gens venaient me voir parce qu’ils voulaient voyager librement. Cette privation les rendait malades, raconte le pasteur. Puis ils venaient parler librement de tous les problèmes que l’on ne pouvait évoquer en public : visas, logements vétustes, aspiration à la liberté. Les espions de la Stasi nous surveillaient de très près. Les gens avaient peur de nous. Mais ça ne changeait rien. Renoncer, c’était perdre tout espoir.»
Ce n’est pas un hasard si la révolte débute à Leipzig. Sous la dictature communiste, l’ancienne cité commerçante de Saxe continuait d’accueillir de nombreuses foires, notamment le Salon du livre : une fenêtre sur le monde occidental. «Deux fois par an, nous avions droit à une bouffée d’oxygène, se souvient Sabine Gugutschkow, l’une des pionnières du mouvement démocratique. Nous allions recopier les titres et les références des ouvrages spécialisés, pour les commander en Allemagne de l’Ouest. Il fallait attendre deux ou trois ans avant de les recevoir. Nous allions lire quelques pages des derniers livres de Christa Wolf, qui paraissaient à l’Ouest bien avant d’arriver ici.»
Le 7 mai 1989, lors des élections communales, les habitants de Leipzig votent pour la première fois contre le Parti communiste en barrant les noms des candidats sur les bulletins de vote. Le lendemain, ils sont abasourdis à l’annonce des résultats : 89,9 % pour le SED. Sabine Gugutschkow et plusieurs centaines de personnes manifestent pour réclamer des élections libres. Les forces de l’ordre ont fermé tous les accès à l’église Saint-Nicolas. Mais les protestataires osent passer entre les mailles pour converger vers ce qui était devenu le centre naturel de la contestation. «Dès lors nous étions de plus en plus nombreux chaque lundi», se souvient le pasteur Führer.
Invité d’honneur au 40e anniversaire de la RDA, le père de la perestroïka, Mikhaïl Gorbatchev, est accueilli en héros par les Allemands de l’Est le 7 octobre. À Leipzig, comme à Berlin, on descend dans les rues pour scander «Gorbi, Gorbi». Certains osent un «Gorbi aide nous» à l’adresse du réformateur soviétique. Inquiet, le patron de la RDA, Erich Honecker, s’irrite de la popularité de son hôte et rejette toute idée de réforme. «Ceux qui arrivent trop tard sont punis par l’Histoire», lui lâche un Gorbatchev visiblement lassé par l’interminable défilé militaire.
Les menaces d’Egon Krenz
Les autorités multiplient les menaces pour empêcher la manifestation du lundi suivant à Leipzig. Huit mille policiers et soldats sont mobilisés. Egon Krenz, le numéro deux du régime en charge des affaires intérieures, qui s’était félicité de la façon dont les communistes chinois avaient réprimé dans le sang les manifestations sur la place Tiananmen, brandit la menace d’une «solution à la chinoise» en jurant de faire «ravaler leur salive» aux manifestants. Dès le matin du 9 octobre, des cadres du SED et de la Stasi occupent les bancs de l’église Saint-Nicolas pour empêcher les manifestants de s’y rassembler. «Je tremblais de peur, mais j’ai réussi à décrocher quelques sourires, raconte le pasteur Führer. Je leur ai dit que l’église était ouverte à tous et que j’étais ravi de les accueillir pour leur première prière. Ils ont découvert que nos préoccupations étaient très terre à terre et que nous n’étions pas téléguidés par les médias occidentaux, comme le prétendait le régime.»
Aux milliers de manifestants, qui bravent l’interdiction de se rassembler et affluent vers l’église, le pasteur ne cesse de répéter de ne pas céder à la moindre provocation : ni violence, ni jets de pierres, ni insultes, martèle-t-il. «Puis nous sommes sortis de l’église avec des bougies en priant pour la paix et pour que les policiers ne tirent pas sur les citoyens», ajoute le pasteur. Les forces de l’ordre sont rapidement débordées par la foule, qui scande «wir sind das Volk» (nous sommes le peuple) ou encore «liberté de voyager avec visas jusqu’à Hawaï». Les autorités locales ne cessent de téléphoner à Berlin pour réclamer des ordres.
Egon Krenz hésite. Il promet de rappeler plus tard. L’immense cortège ose même défiler devant le siège de la Stasi, véritable camp retranché transformé en dépôt de munitions. Mais l’ordre d’ouvrir le feu ne viendra jamais de Berlin. «Un cousin de province était venu me rendre visite, raconte Sabine Gugutschkow. Il est resté la bouche ouverte pendant toute la journée et n’a pas été capable de dire un seul mot. Ce jour-là, nous savions que nous avions gagné la liberté.»
Diffusées par la télévision ouest-allemande, les images des 70 000 manifestants font le tour de la RDA. «C’était la première fois que Krenz avait fait quelque chose de bien, parce qu’il n’avait rien fait, se réjouit Führer. C’était l’envol de notre révolution pacifique, un véritable miracle. Ce jour-là, j’ai compris que tout allait changer, parce que le courage s’était installé de notre côté et que nous avions gagné la sympathie des forces de l’ordre. C’était le tournant.» Le lundi suivant, ils seront 120 000 dans les rues de Leipzig. Deux semaines plus tard 320 000… Ils seront de plus en plus nombreux, chaque lundi, partout en RDA jusqu’à la chute du Mur le 9 novembre suivant.(le Figaro-09.10.09.)
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*La chute du mur, paroxysme d’une lente dislocation
Il y a vingt ans, une série de manifestations soulevait l’Allemagne de l’Est pour aboutir en six semaines à la chute du mur de Berlin, symbole de la Guerre Froide et de la division de l’Europe.
Spectaculaire, l’ouverture du Mur le 9 novembre 1989 ne fut toutefois que le paroxysme d’une lente dislocation des régimes communistes. Partie de Moscou, mise à profit à Varsovie puis Budapest sous la pression des peuples, elle permit la réunification de l’Allemagne et du continent européen, divisé pendant un demi-siècle en deux blocs hostiles. Vingt ans après la fin du Rideau de fer, l’Allemagne réunifiée et décomplexée du nazisme célèbre avec fierté ce grand «tournant» (Wende), comme elle l’appelle, grâce auquel elle s’est retrouvée et a pu reconquérir toute sa place sur la scène internationale.
En 1989, alors que la pression du régime se relâchait en URSS, en Pologne et en Hongrie, elle se renforçait au contraire en RDA, en Tchécoslovaquie et en Roumanie. Les Allemands de l’Est s’enfuyaient par milliers vers les pays «amis» prometteurs d’ouverture, prenant d’assaut les ambassades de RFA à Budapest, Prague ou Varsovie. La Hongrie puis la République tchèque vont leur permettre de fuir et rejoindre la RFA.
Série de soulèvements
En RDA même, le 10 septembre, les dissidents osent proclamer pour la première fois une alliance, le «Neues Forum» (Nouveau Forum). Le 25 septembre, première grande manifestation à Leipzig. 8.000 personnes réclament des réformes démocratiques après une prière en l’église Saint-Nicolas. C’est le plus grand rassemblement depuis le soulèvement ouvrier de 1953 et il se propagera dans toute l’Allemagne de l’Est.
«Gorbi, Gorbi !» : le 7 octobre à Berlin-Est, la foule enthousiaste acclame le chef de l’Etat soviétique Mikhaïl Gorbatchev venu célébrer les 40 ans de la RDA. Le père de la perestroïka met en garde les dirigeants est-allemands contre leur immobilisme : Moscou lâche la RDA. Malgré de nombreuses arrestations, les manifestations du lundi prennent de l’ampleur. Ils sont 70.000 dans les rues de Leipzig le 9, 100.000 une semaine plus tard. Mi-octobre, 50.000 Allemands de l’Est ont déjà fui via la Hongrie et à la fin du mois, l’agitation a gagné toutes les grandes villes.
«Nous sommes un peuple !»
Le samedi 4 novembre, ils sont un million à scander «Nous sommes le peuple !» sur l’Alexanderplatz de Berlin-Est, et plusieurs centaines de milliers à travers le pays. Le Mur édifié en 1961 s’ouvre le 9 novembre. Dans les heures qui suivent, les Berlinois de l’Est convergent par milliers vers les postes-frontières. Et le monde découvre, incrédule, des images d’Allemands en liesse juchés sur le Mur sous les yeux de gardes impassibles.
Les manifestants scandent désormais «Nous sommes un peuple !». Fin décembre, à Dresde, le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl présente publiquement son plan pour la réunification, tandis qu’à Berlin, la Porte de Brandebourg, lieu-symbole de la fracture Est-Ouest, est officiellement rouverte. La réunification sera scellée onze mois plus tard, plus vite que nul ne l’avait imaginé à l’étranger ou en Allemagne.(30.09.09.)
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**Sur les traces du Mur…
Dans les années 1990, dans l’euphorie de la réunification, personne n’aurait imaginé que le Mur resterait l’une des principales attractions de la ville deux décennies plus tard.
Vingt ans après la chute de sa frontière de béton, célébrée le 9 novembre prochain, Berlin semble ne jamais avoir été coupée en deux. Enquête sur un mur fantôme.
Difficile d’imaginer qu’il y a vingt ans la Potsdamer Platz était un no man’s land séparant le secteur soviétique de Berlin-Ouest. Les herbes folles et les lapins, qui y avaient élu domicile, ont cédé la place à un petit Manhattan berlinois, un îlot d’immeubles ultramodernes reliant l’est à l’ouest de la capitale, un trait d’union entre les deux parties de la ville réunifiée. Au cœur de Berlin, le Mur a presque totalement disparu. La cicatrice laissée par l’édifice se résume à deux rangées de pavés, qui longent son tracé. Les 155 kilomètres du « rideau de fer» qui encerclait Berlin-Ouest de 1961 au 9 novembre 1989 ont été transformés en promenade, le Mauerweg.
Dans les années 1990, dans l’euphorie de la réunification, personne n’aurait imaginé que le Mur resterait l’une des principales attractions de la ville deux décennies plus tard. Et qu’il aurait même fallu en reconstruire ou rénover des tronçons entiers. Aujourd’hui, nombre de visiteurs s’égarent en recherchant vainement les pans de béton, dont la plupart ont été concassés pour rénover les autoroutes est-allemandes ou transformés en souvenirs pour touristes. Au bout de la Potsdamer Platz, la porte de Brandebourg, esseulée pendant plus de quarante ans, est de nouveau encadrée par des immeubles. Comme elle l’était avant la Seconde Guerre mondiale. Dessinée par l’architecte britannique Norman Foster, la coupole en verre du Reichstag, où siège le Parlement, éclaire désormais la démocratie allemande.
À l’entrée du Tiergarten, le «jardin des animaux» où chassaient les princes électeurs de Prusse, des croix rappellent le destin tragique de ceux qui sont morts en essayant de fuir le régime communiste. Selon un décompte établi par les historiens, quelque 160 Allemands de l’Est seraient tombés sous les balles de leurs gardes-frontières.
Les bâtiments accueillant les députés et la Chancellerie ont été érigés sur le parcours du mur, dans l’arc de cercle formé par la Spree. Les impressionnantes façades de l’immeuble des députés évoquent le mur de Berlin. Traversé par la Spree et percé par un gigantesque hublot illuminant la cafétéria des employés du Bundestag, le bâtiment inspire aussi un sentiment de liberté.
Paradis pour la jeunesse
En descendant vers le sud-est, après avoir longé l’Île aux musées et le quartier de l’église Saint-Nicolas dont les rues pavées, servaient jadis de vitrine au régime de la RDA, on atterrit à Treptow. Le Mur y a cédé la place à un paradis pour la jeunesse branchée. Le Badeschiff, la piscine à ciel ouvert de l’Arena, immergée dans la Spree et ouverte en hiver, est entouré de bars flottants, d’une plage artificielle, de clubs et de restaurants. Juchés sur un canal, le « club des visionnaires » et le restaurant du club de natation sont situés à quelques pas du ponton où les gardes-frontières est-allemands empêchaient les évasions. Le marché aux puces avoisinant regorge de bric-à-brac est-allemand : lampes, tables en formica, lecteurs de cassettes, montres soviétiques, badges d’ancien régime, etc. À quelques pas, les pelouses du parc de Treptow, qui borde la Spree, se sont transformées en aire de pique-nique et barbecues.
En longeant le Mur vers le nord-ouest, après avoir croisé l’incontournable Checkpoint Charlie, point de passage vers la zone autrefois contrôlée par les Américains, la Friedrichstrasse a retrouvé son lustre des années 1930. Un luxe coloré y a remplacé la grisaille soviétique, que les nostalgiques pourront retrouver sur la Karl-Marx-Allee : égayées par des couleurs vives, les barres de béton staliniennes y ont été conservées.
Au-delà de la gare de Friedrichstrasse, que les Berlinois appelaient le « palais des larmes » à cause des séparations déchirantes qui s’y déroulaient, on trouve la Auguststrasse et ses nombreuses galeries d’art moderne. Certains lieux du Berlin des années 1930 y connaissent un renouveau étonnant. Exemple, le Clärchens Ballhaus. Située au numéro 24, cette désuète salle de bal est redevenue très à la mode. Le décor n’a pas changé depuis vingt ans. Les murs sont recouverts de lamé, la boule et les luminaires sont d’époque communiste. Et la musique, savant mélange de tubes ouest et est-allemands des années 1970 à aujourd’hui et de musique anglo-saxonne, y fait régner une incroyable alchimie : tous âges et toutes classes sociales confondus, Ossis et Wessis (Berlinois de l’Est et de l’Ouest) s’y retrouvent dans la bonne humeur. La communion est-ouest atteint son apogée avec le tube d’Udo Jürgens, qui fit un malheur des deux côtés du rideau de fer dans les années 1990 : Ich war noch niemals in New York («je n’ai encore jamais été à New York»).
Liberté de voyager
Le refrain est une référence à la liberté de voyager demandée par les Allemands de l’Est, qui réclamaient des « visas jusqu’à Hawaï » dans leurs manifestations. « Je n’ai encore jamais été vraiment libre, je ne suis encore jamais allé à Hawaï. » C’est le moment où les quinquagénaires aux cheveux teints en mauve venus de l’Est et la jeunesse dorée de l’Ouest se tombent dans les bras, pour une danse fraternelle célébrant la réunification. Au petit matin, les noctambules croisent les sportifs au Mauerpark, le parc du Mur, situé sur la Bernauerstrasse. La topographie de l’ancien couloir de la mort y a été préservée. Mais transformée en espace d’expression pour les tagueurs. Et en marché aux puces géant. Il se tient chaque dimanche, pour le plus grand bonheur des Berlinois et de leurs visiteurs.(Le Figaro)
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*Mythe du mur de Berlin et vrai mur de la Honte en Palestine…
«Ich bin in Berliner», «Je suis un Berlinois» s’exclamait J.F.Kennedy venu soutenir les Berlinois au plus fort du blocus: résonne encore dans nos oreilles de naïfs bercés par la doxa occidentale au point que l’on croyait tout ce qu’on nous disait -le «on» symbolisant les médias occidentaux. Nous avons comme pour le cinéma hollywoodien vibré et communié avec ceux que l’on nous présentait comme faible avec naturellement le «Zorro» redresseur de torts qui fait qu’on applaudissait à la fin des films. Je veux dans cette contribution «déconstruire» le mythe du mur de Berlin et parler d’un vrai mur, celui de la honte, celui de la force injuste contre le peuple opprimé de Palestine.
Pourquoi le mur a été construit?
William Blum nous explique pourquoi le mur a été construit: (…) Pour commencer, rappelons qu’avant que le mur soit construit, des milliers d’Allemands de l’Est faisaient quotidiennement la navette entre Berlin Est et Berlin Ouest pour leur travail, c.-à-d. rentraient chez eux tous les soirs. Ils n’étaient donc aucunement retenus à l’Est contre leur volonté. Le mur a été construit principalement pour deux raisons:
1. L’Ouest était en train de harceler l’Est par une forte campagne de recrutement de professionnels et d’ouvriers hautement qualifiés, qui avaient été éduqués aux frais du gouvernement communiste. Cela finit par provoquer à l’Est une sérieuse crise de la production et de la main-d’oeuvre. À titre indicatif, le New York Times notait, en 1963: «L’érection du mur a fait perdre à Berlin Ouest à peu près 60.000 ouvriers très qualifiés, qui se rendaient chaque jour de leurs domiciles de Berlin Est à leur lieu de travail de Berlin Ouest». New York Times, 27 juin 1963, p.12
2. Pendant les années 50, les «guerriers froids» américains de Berlin Ouest ont déclenché une brutale campagne de sabotages et de subversion contre l’Allemagne de l’Est, dont le but était de détraquer sa machine économique et administrative. La CIA et d’autres services militaires d’espionnage US ont recruté, équipé, entraîné et financé des activistes, individuellement ou par groupes, tant à l’Est qu’à l’Ouest, pour exécuter des actions qui, couvrant tout le spectre des possibilités, allèrent du terrorisme à la délinquance juvénile: n’importe quoi qui pût rendre la vie difficile aux citoyens d’Allemagne de l’Est, et affaiblir le soutien qu’ils apportaient à leur gouvernement, n’importe quoi qui pût donner des cocos une mauvaise image. (…)(1)
Petit retour en arrière: Egon Krenz dernier président du Conseil d’État de la République démocratique allemande (RDA) évoque la chute du mur, le rôle de Gorbatchev, ses relations avec Kohl, ses propres erreurs, le socialisme.: L’histoire me libérera.(…) Mon sort personnel importe peu. En revanche, le calvaire vécu par de nombreux citoyens de la RDA relève de l’inadmissible. Je pense à tous ceux qui ont perdu leur travail alors qu’ il n’y avait pas de chômage en RDA. Je pense à tous ceux qui ont été marginalisés. Mais avez-vous remarqué que les dirigeants de la RFA ont tout mis en oeuvre pour éviter la prison aux nazis? (..) Au bureau politique du SED, j’étais le plus jeune. Avec la disparition de la RDA, c’est une bonne partie de ma vie que j’ai enterrée.
Avec le chancelier Kohl, nous avions décidé d’ouvrir plusieurs points de passage. La date avait été fixée par mon gouvernement au 10 novembre 1989. Or, la veille, un membre du bureau politique, Schabowski, a annoncé publiquement, non pas l’ouverture de passages, mais la «destruction du mur». J’avais une grande confiance en Gorbatchev, une grande confiance dans la perestroïka comme tentative de renouvellement du socialisme. J’ai rencontré Gorbatchev, le 1er novembre 1989, à Moscou. Quatre heures d’entretien. Je lui ai dit: «Que comptez-vous faire de votre enfant?» II me regarde étonné et me répond: «Votre enfant? Qu ’entendez-vous par là?» J’ai poursuivi: «Que comptez-vous faire de la RDA?» II m’a dit: «Egon, l’unification n’est pas à l’ordre du jour.» Et il a ajouté: «Tu dois te méfier de Kohl.» Au même moment, Gorbatchev envoyait plusieurs émissaires à Bonn. Gorbatchev a joué un double jeu. Il nous a poignardés dans le dos. Egon Krenz, le «Gorbatchev allemand», disait-on à l’époque. En 1989, je l’aurais accepté comme un compliment car l’interprétant comme reconnaissant mon action visant à améliorer, à moderniser, à démocratiser le socialisme. Pas à l’abattre. Aujourd’hui, si certains me collaient cette étiquette, j’aurais honte. (…) L’idée socialiste, les valeurs socialistes vivent et vivront. Je reste persuadé que l’avenir sera le socialisme ou la barbarie. Le système ancien est définitivement mort. Je considère que j’ai failli. À d’autres de construire le socialisme moderne et démocratique. Un nouveau socialisme.(2)
Une autre version moins édulcorée lui attribue un rôle trouble. C’est Egon Krenz avec trois autres membres qui poussa Erich Honecker vers la sortie avec la bénédiction de Gorbatchev. Nous lisons: (…) Quant à la direction soviétique livrée au courant liquidateur de Gorbatchev et des traîtres qui l’entourent, elle encourage et favorise le mouvement. Le chef de l’Etat et du Parti communiste soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, engagé lui-même dans le même processus liquidateur, leur a déjà souhaité «bonne chance», rapporte Harry Tisch, un des comploteurs, alors chef de la «Fédération libre des syndicats de RDA», parti à Moscou chercher du soutien. Le 17 octobre, la succession de Honecker est mise à l’ordre du jour de la réunion du bureau politique. Lors du tour de table, Honecker ne trouve pas de soutien, même chez ceux en qui il avait confiance. La trahison est complète et définitive. Egon Krenz est élu à la succession de Honecker le 18 octobre. Il ne parviendra pas à rester au pouvoir. Comme leur modèle Gorbatchev, les opportunistes ont ouvert la voie du malheur pour leur peuple. Quelques semaines après les premiers «McDo» ouvrent à Moscou. Quant à Erich Honecker, il est mort en mai 1994 il avait été emprisonné par le régime libéral de RFA. Réfugié à Moscou, il avait été livré par Eltsine.
La France a essayé d’empêcher la réunification. François Mitterrand a-t-il raté la réunification allemande? s’interroge PierreHaski. La polémique, d’abord historique mais pas seulement, a repris depuis la publication, à Londres, de documents déclassifiés par le Foreign Office, et en particulier des notes d’entretiens entre le président français et Margaret Thatcher, alors Premier ministre. Ce soupçon de loupé diplomatique majeur pèse sur François Mitterrand depuis des années. Pourtant, pour avoir suivi comme correspondant diplomatique de Libération à l’époque, toutes les étapes de cette page d’histoire, j’ai ressenti comme beaucoup d’autres l’immense flottement, le sentiment d’un homme qui était à contre-courant de l’histoire sans pour autant commettre de faute irréparable. On n’est pourtant pas passé loin si l’on en croit les documents britanniques, et en particulier cette conversation, début décembre, entre Mitterrand et Thatcher, dans laquelle ils font surenchère de références à la Seconde Guerre mondiale, et se renforcent mutuellement dans leur soupçon vis-à-vis du géant allemand qui renaît. Mitterrand redoute de voir Français et Britanniques se retrouver «dans la situation de leurs prédécesseurs dans les années 30, qui n’avaient pas su réagir» au désir d’hégémonie allemande. Et Maggie Thatcher sort de son célèbre sac à main une carte d’Europe découpée dans un journal d’avant-guerre…(3)
Dans ses mémoires récentes, Kohl a écrit avoir été très déçu par Mitterrand, qui en aparté se serait révélé très hostile à la réunification. Ce qui a le plus agacé Kohl, c’est que Mitterrand lui parle avec insistance de la ligne Oder Neisse, comme si on était avant guerre. Il en a été vexé dit-il, et n’a pas pardonné. La réunification a été le grand moment du chancelier Kohl, son heure de gloire et son titre incontestable pour la postérité. On est donc loin du main dans la main de la fameuse photo que, visiblement, Kohl a voulu gommer dans ses mémoires.
La chute du mur: pour le meilleur comme pour le pire
La suite est tristement connue. Ce sera la «réunification officielle», en fait une opération de colonisation de l’Est par l’Ouest, où l’ex-RDA sera livrée au capitalisme sauvage et au chômage. L’exemple de Leipzig, capitale industrielle de la RDA, qui rivalisait techniquement avec l’Occident dans les années 60-80, est significatif. «Leipzig ville fantôme» le Courrier International (Paris) «La municipalité incite les propriétaires à faire démolir leurs immeubles, car ils ne les loueront plus jamais», résume Der Spiegel. «Ensuite, ils sont invités à faire don des terrains à la ville.
Quant à ceux qui refusent, ils finiront par vendre leur bien, devenu inexploitable, à très bas prix, estiment les urbanistes». http://www.pcn-ncp.com/dossier/ddr/ddr2.htm
On aurait pensé alors, propagande aidant, que la libération était synonyme de bonheur. Il n’en fut rien. En 1999, USA Today écrivait «Quand le Mur de Berlin est tombé, les Allemands de l’Est se sont imaginé une vie de liberté et d’abondance, où les difficultés auraient disparu. Dix ans plus tard, un remarquable 51% aux élections a fait savoir qu’ils étaient plus heureux sous le communisme». USA Today, 11 octobre 1999, p.1. Vingt ans plus tard, le capitalisme a pu envahir le monde, se propager à toute allure, matérialisé par des McDo, des parcs d’attractions, des jeans et des chewing-gums. Mais qu’ont-ils véritablement gagné? Pourquoi ne pas aussi parler d’une absence de chômage, d’une société sans SDF où chacun pouvait trouver sa place, ce que regrettent grandement aujourd’hui les populations d’Europe de l’Est. Sans compter que la pauvreté de la RDA s’explique par le fait qu’elle a dù supporter seule les dommages de guerre dues par l’Allemagne à l’URSS, la RFA étant exonérée et bénéficiant au contraire d’un généreux plan Marshall…Les Allemands de l’Est en sont à redécouvrir l’Ost-algie d’avant…
Pourquoi ne pas parler du vrai mur de la honte de plusieurs kilomètres qui défigure la Jordanie, obligeant chaque matin des milliers de Palestiniens à faire d’énormes détours pour aller travailler chez les colons israéliens, ou pour rentrer le soir ne sachant pas s’ils peuvent ou non passer selon le bon vouloir et les humiliations au quotidien de la part des soldats. Il est vrai que la Cour Internationale de Justice a déclaré illégal ce mur et a demandé son démantèlement. Peine perdue. Le mur continue d’être peaufiné: les Palestiniens seront «comme des cafards dans un bocal» pour reprendre l’expression appropriée d’un général israélien…
Le vrai mur de la honte
Marquant le 20e anniversaire depuis la chute du mur de Berlin, les Palestiniens ont démoli ce vendredi dans le village cisjordanien de Ni’lin, un pan de mur [d’Apartheid] construit par Israël.Lors de la manifestation hebdomadaire contre le mur, qui traverse le centre du village situé dans la région de Ramallah et isole les habitants de 60% de leurs terres agricoles, quelque 300 manifestants ont méthodiquement démantelé une section en béton avant que les forces israéliennes n’ouvrent le feu. Ils ont brûlé des pneus et abattu une dalle de béton de huit mètres de haut en s’aidant d’un vérin mécanique pour voiture. «Il y a vingt ans, personne n’imaginait que la monstruosité d’un Berlin divisé en deux pourrait jamais être abattue, mais il n’a fallu que deux jours pour le faire», a déclaré Muhib Hawaja, un des manifestants, au journal israélien Yedioth Aharonot. «Aujourd’hui, nous avons prouvé que nous aussi pouvions l’imposer, ici et maintenant. Ce sont nos terres au-delà de ce mur, et nous n’avons pas l’intention d’accepter son existence. Nous triompherons car la justice est de notre côté.»(4)
Pour rappel. Commencé en juin 2002, le Mur de séparation devrait faire plus de 703 kilomètres de long, soit deux fois la longueur des frontières de 1967 avec la Cisjordanie et quatre fois plus long que le Mur de Berlin. Le Mur atteint à certains endroits 8 mètres de hauteur, plus de deux fois celle du Mur de Berlin. A d’autres endroits, le Mur est constitué d’une barrière métallique électrifiée entourée de tranchées de patrouilles, des fils barbelés et des détecteurs de mouvements. (Comme la ligne Morice en Algérie Ndlr). Le Mur s’enfonce profondément en Cisjordanie, divisant des villes, des villages et leurs périphéries, séparant les familles. Le Mur empêche les paysans palestiniens d’accéder à leurs terres; les étudiants de se rendre à leurs écoles; les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes d’accéder aux soins de santé de base.
Pourtant, l’Avis consultatif de la CIJ édicté le 9 juillet 2004, est on ne peut plus clair: «L’édification du Mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire en territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au Droit International» (paragraphe 163),; «Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du Droit International dont il est l’auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en train de construire dans le Territoire Palestinien Occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire; Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du Mur dans le Territoire Palestinien Occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est.» «Cette construction, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit.» (paragraphe 121) (5). Tout est dit: nous attendons la justice des hommes.(L’Expression-09.11.09.)
(*) Ecole nationale polytechnique
(*) Ecole d´ingénieurs Toulouse
1.William Blum: Le Mur de Berlin, un mythe de la guerre http://www.legrandsoir.info/Gueriss…
2.Egon Krenz: «L’avenir sera le socialisme ou la barbarie» José Fort L’Humanité 6 11 2009
3.Pierre Haski Quand Mitterrand tentait de ralentir la réunification allemande. Rue89 15/09/2009
4. 20 ans après la chute du mur de Berlin, les Palestiniens abattent un pan du Mur d’Apartheid. 7 novembre 2009 sur le site info-palestine.net Ma’an News Agency
5.http://www.oxfamsol.be/fr/Mur-de-separation-en-Palestine-l.html 10.11.2006
Pr Chems Eddine CHITOUR (*)
*******L’amour au pied du Mur.
Emblématiques de la génération des néobobos berlinois, Thomas, 24 ans, né à l’Est, et Saira, 25 ans, née à l’Ouest, s’aiment depuis trois ans. Dans des appartements séparés.
Grandir chacun avec ses valeurs
Amis avant d’être amants, Thomas et Saira se rencontrent à la fac de Halle, en ex-RDA, lors de leurs études en 2002. Saira est sous le choc : « Tout était différent, un peu vieillot – les lieux, les gens. J’avais même l’impression d’être tombée dans un repaire néonazi. » Thomas reconnaît du bout des lèvres que
« nombre d’ Ossis restent habillés avec une décennie de retard ». Un décalage s’immisce çà et là dans les points de vue ou dans le mode de vie. « J’ai une voiture cabriolet, un papa médecin et étranger, né en Inde, dit Saira. Je me sens parfois comme le cliché typique de la Wessi, avec une enfance gâtée et une tendance à consommer sans complexes. » Thomas, lui, a une sainte horreur de « jeter quoi que ce soit ». « J’ai grandi avec d’autres valeurs », répète-t-il.
Un esprit clanique
Les deux étaient trop jeunes à l’époque de la chute du Mur pour en conserver des souvenirs. Mais Thomas garde en mémoire quelques images, des couleurs, des odeurs de son enfance en RDA. Ses madeleines ? « Le Konsum, un magasin d’alimentation au coin de la rue, les barres de chocolat que je recevais de ma grand-mère, certains groupes pop… » Un univers disparu, des références fantômes qu’il ne peut pas partager avec sa petite amie. « Entre Ossis, nous avons un esprit assez clanique. Les Wessis ne peuvent pas prendre part à nos conversations, ils n’ont pas vécu les mêmes choses. » « Nous devons les protéger de tout, même de notre humour », juge de son côté Saira.
La mélancolie d’un pays qui n’existe plus
« Nous veillons à ne pas nous enfermer chacun dans une bulle », assure Thomas. « La mémoire du passé, lorsqu’on est né en ex-RDA, est d’autant plus difficile à cultiver que tout – les produits, les marques… – s’est volatilisé, explique-t-il. Alors, tous les Allemands de l’Est gardent cette mélancolie de venir d’un pays qui n’existe plus. Ils sont comme des apatrides. »
« D’ailleurs, nos parents ne se sont jamais rencontrés, conclut Saira. Ils ne sont pas encore prêts. »
*Jan et Silke Möllmann
Mariés en 1992, au lendemain de la réunification allemande, Jan et Silke Möllmann, 37 ans et 40 ans, fonctionnaire européen et professeur d’anglais, vivent à Berlin avec leur fille, Louisa.
Des lettres ouvertes par la Stasi
En 1987, Jan a 16 ans et part, depuis sa vallée du Rhin, en voyage d’études à Berlin-Est. Il veut visiter l’université Humboldt, où Silke, 19 ans, étudiante, tient parfois le poste de concierge pour payer sa chambre. Obéissant aux consignes officielles, elle refuse de laisser entrer le « touriste ». Il finit par lui arracher un rendez-vous l’après-midi même. « Il est arrivé un quart d’heure en retard, j’étais déjà partie. Dans l’Est, les mots – comme “tout de suite” – n’ont parfois pas le même sens qu’à l’Ouest », sourit-elle. Jan a l’idée fixe de la revoir, retrouve son adresse. Une amitié par correspondance naît, qui devient sentiment amoureux. « Nous parlions de nous, mais aussi de littérature, de politique, de nos aspirations… Comme je l’ai appris plus tard (le fichage systématique des citoyens est-allemands de la Stasi est rendu public en 1999), nos lettres étaient ouvertes, lues par la Stasi », ajoute Silke.
Une “Mauerbeziehung”, ou « relation du Mur »
En 1988, Jan revient à Berlin. « Mon père était un membre du régime, je ne pouvais pas inviter publiquement une personne de l’Ouest, poursuit Silke. Aussi est-ce ma grand-mère qui s’est chargée des lettres d’invitation pour qu’il obtienne un visa d’entrée. » Les séjours sont risqués, l’intimité est inexistante.
« Les adieux à la gare de la Friedrichstrasse (l’un des postes de contrôle Est-Ouest) nous déchiraient. L’idée de ne jamais la revoir m’était insupportable », souligne Jan. Le couple se revoit à Prague, passe l’été 1989 en Pologne, dans un couvent. « C’est là que nous avons décidé de nous marier. »
Une famille mixte
Follement épris, le jeune bachelier Jan prépare un dossier pour obtenir la citoyenneté est-allemande. Silke l’en dissuade :
« J’avais appris à vivre avec les interdits du régime. Jan n’aurait pas supporté les restrictions du quotidien, les magasins quasi vides, la privation de toute liberté d’expression. » Avant le mariage, elle veut impérativement terminer ses études : « Il était hors de question de partir à l’Ouest sans diplôme. Je voulais trouver du travail, être autonome. » Coup de pouce du destin : la chute du Mur. Jan peut enfin s’installer à Berlin. Aujourd’hui, Louisa, leur fille de 11 ans, est fière d’appartenir à une famille Wossi (contraction de Wessi et d’ Ossi ). Mais aux yeux de Silke, il n’y aura réunification tangible que « lorsque les couples mixtes ne seront plus regardés comme hors norme ».
*Interview de Hans-Joachim Maaz
Psychanalyste parmi les plus reconnus dans son pays, originaire de l’ex-RDA, Hans-Joachim Maaz a passé le couple au tamis de la partition allemande.
Madame Figaro. – Comment l’histoire de la réunification traverse-t-elle celle des couples mixtes ?
Hans-Joachim Maaz. - Je crois que l’existence de ces couples Est-Ouest est le signe que la réunification a bien eu lieu. Néanmoins, avant la chute du Mur, s’agissait-il toujours de relations amoureuses ou d’un prétexte pour fuir ? Le mariage avec un ressortissant de l’Ouest pour échapper au régime a été une stratégie assez prisée. D’où des tandems ambigus, qui n’ont pas toujours tenu le choc de la réunification. Après 1989, davantage d’hommes de l’Ouest ont épousé des femmes de l’Est, réputées indépendantes, attachées à leur carrière. Les hommes de l’Est subissent encore souvent une étiquette de losers.
Vous développez l’idée d’un blocage émotionnel dans l’ex-RDA, qui aurait rejailli sur ces couples…
Le Gefühlstau, ou blocage émotionnel, fut une réaction à la répression qui conduisait chacun en RDA à contrôler, voire à réprimer, ses sentiments. Une attitude à mi-chemin entre l’obéissance et la résistance : il y était impossible de montrer ses émotions en public, sa peur, sa colère ou sa douleur, car le risque d’être dénoncé était omniprésent. Même au sein de l’environnement proche, on ne pouvait pas se laisser aller. Dans les couples mixtes, celui qui a été marqué par ça a tendance à charger le partenaire d’une trop forte demande affective, pour combler les manques de l’enfance. Vingt ans après, les préjugés du Besserwessi (celui de l’Ouest qui sait tout mieux que tout le monde) et du Meckerossi (celui de l’Est qui se plaint constamment) sont toujours vivaces. (Le Figaro-17.10.09.)
******Gorbatchev : «On a évité une troisième guerre mondiale».
Mikhaïl Gorbatchev, à Genève en Suisse, lors de l’interview avec Le Figaro.
INTERVIEW EXCLUSIVE – Le dernier président de l’URSS donne sa version personnelle des événements qui ont conduit à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement du bloc communiste. Et dit ce qu’il pense d’Obama, de Medvedev et de Poutine.
LE FIGARO. – Il y a vingt ans, vous étiez au pouvoir en Union soviétique au moment de la chute du mur de Berlin. L’aviez-vous vue venir ou vous a-t-elle pris par surprise ?
Mikhaïl GORBATCHEV. – Il aurait été difficile de me surprendre à cette époque-là. Ces événements étaient le résultat d’un long processus. Cela faisait longtemps que j’étais dans les cercles du pouvoir et je connaissais parfaitement la situation. Quand je suis devenu le leader de l’Union soviétique, l’une des pierres angulaires de ma vision du monde était de considérer l’Europe comme notre maison commune. J’avais d’ailleurs proposé, au cours d’une visite en France, que nous bâtissions cette maison commune. Et la question allemande faisait partie de cette vision. L’unification de l’Allemagne a été possible parce qu’elle a été précédée de grands changements en URSS, en Europe centrale et de l’Est, dans les relations avec les pays occidentaux et particulièrement avec les États-Unis, avec qui nous étions alors en très mauvais termes. Quand je suis arrivé à la tête de l’URSS, les responsables soviétiques et américains ne s’étaient pas rencontrés depuis six ans. Quelques années plus tard, nous avions changé cela. Et c’est l’ensemble de ces changements qui a entraîné la possibilité de la réunification. Lors d’une visite en RDA en 1989, à l’occasion du 40e anniversaire de la République est-allemande, j’ai été très impressionné par ce que j’ai vu. J’ai longuement parlé avec le président Erich Honecker et il m’a étonné. Je pensais qu’il ne comprenait pas ce qui se passait. Ou qu’il refusait d’accepter le processus qui était en cours et qui, de toute évidence, mettait la question de l’unité de l’Allemagne sur la table. Il y avait un grand défilé, les vingt-huit régions de la RDA étaient représentées. Les jeunes qui participaient à la manifestation criaient des slogans qui prouvaient que le pays était en effervescence et qu’il allait y avoir de grands changements très bientôt… Le premier ministre polonais, Mieczyslaw Rakowski, s’est approché de moi en me demandant si je comprenais l’allemand. J’ai répondu : suffisamment pour savoir ce que disent les pancartes et les slogans. Alors il m’a dit : c’est la fin. J’ai dit oui.
*À vous entendre, c’est presque comme si vous aviez vous-même planifié tout cela ?
-Non, je ne l’ai pas planifié. D’ailleurs, en juin 1989, à l’occasion d’une visite en RFA, après un entretien avec Helmut Kohl, un journaliste m’a demandé si nous avions évoqué la question allemande. J’ai répondu que oui. J’ai déclaré que la division de l’Allemagne était un héritage de l’histoire, de la Seconde Guerre mondiale. Mais que c’était à l’histoire de dire ce qu’il en adviendrait. Les journalistes n’étaient pas contents et ils ont insisté en me demandant quand aurait lieu la réunification. J’ai répondu que cette question serait probablement résolue au XXIe siècle et que ce serait l’histoire qui déciderait. Vous voyez, c’était ma position quelques mois avant la chute du Mur… Et puis il y a eu les changements en URSS, en Europe centrale et de l’Est, la «révolution de velours», les nouvelles relations avec les États-Unis, le désarmement. Tout cela a entraîné la spirale des événements, même si la RDA était encore une sorte d’île dans cette mer de changement.
*Avez-vous eu la tentation de recourir à la force pour arrêter les mouvements à l’œuvre en Europe de l’Est ?
-Vous savez, quand mon prédécesseur, Konstantin Tchernenko, est mort, en 1985, les leaders des pays du pacte de Varsovie sont venus aux funérailles à Moscou. Nous nous sommes réunis dans mon bureau. Je les ai remerciés et je leur ai dit : nous ne ferons rien qui puisse compliquer nos relations avec vous. Nous respecterons nos obligations, mais vous êtes responsables de votre politique, de votre pays, et nous sommes responsables de notre politique, de notre pays. En 1985, donc, je leur ai promis que nous n’interviendrions pas - et nous ne sommes jamais intervenus. Si nous l’avions fait, alors je ne serais probablement pas là aujourd’hui, avec vous… Cela, je peux vous l’assurer.
*Que se serait-il passé, selon vous ?
-On aurait pu avoir une Troisième Guerre mondiale… À l’époque, l’Europe était pleine d’armes nucléaires. Il y avait environ deux millions de troupes des deux côtés du rideau de fer… Imaginez simplement ce qui aurait pu arriver si nous avions utilisé la force…
*Quelle était, à cette époque, votre vision de l’avenir de l’Union soviétique ?
-C’était une vision qui nous a conduits à engager des changements démocratiques, à ouvrir le pays, à réformer notre union et notre économie, à rendre leur liberté de mouvement aux citoyens, à introduire la liberté d’expression et de religion. À cette époque, je n’avais aucune hésitation, je savais que c’était le chemin à suivre. Et j’ai cru que l’on pourrait ainsi préserver l’Union soviétique. Mais, après les élections libres de 1989, certains, au sein du Parti communiste, ont réagi férocement contre toutes ces réformes. Le parti était alors divisé : 84 % des députés en étaient membres, mais la nomenklatura avait perdu les élections. J’avais toutes les raisons de croire que la perestroïka était soutenue par la majorité. Il n’empêche que la nomenklatura a essayé à plusieurs reprises de me renverser, de me démettre lors des réunions du Soviet suprême. Les adversaires de la perestroïka n’ont pas été capables de s’opposer à nous légalement, politiquement. C’est pour cela qu’ils ont organisé un coup d’État en 1991. Nous avons sous-estimé le danger, nous aurions dû agir avec plus de fermeté pour empêcher cela. Je pense que les défenseurs de la perestroïka, y compris moi-même, nous avons été trop confiants. Nous croyions être sur la bonne voie. À cette époque, nous avions préparé un programme pour redresser la situation économique en URSS. Ce programme avait été soutenu par toutes les Républiques, même les Républiques baltes. Début août, nous avions aussi préparé un nouveau traité pour l’Union. En novembre 1991, nous voulions tenir un congrès pour réformer le parti. Nous pensions que, dans cette situation, il aurait été irresponsable pour quiconque d’organiser un coup d’État. Malheureusement, ils l’ont fait, et certains de ceux qui ont organisé le coup faisaient partie de mon entourage, de mon cercle rapproché.
*Comment interprétez-vous aujourd’hui la nostalgie de l’empire et de l’Union soviétique qui se manifeste au sein du pouvoir et de la population russes ?
-Je connais la situation. Je pense qu’il ne faut pas exagérer cette tendance. Dans un sondage réalisé en 2005 pour le 20e anniversaire de la perestroïka, 55 % des gens estimaient que les changements avaient été nécessaires, alors qu’ils étaient minoritaires dix ans plus tôt. Les deux tiers des Russes se disent favorables aux élections libres, à l’économie de marché et à la liberté de mouvements…
*Oui, mais Staline est plus populaire aujourd’hui qu’hier…
-Je ne le pense pas. Il est vrai que certains manifestent dans la rue avec des portraits de Staline. Cela prouve surtout que la Russie n’a pas totalement réussi son processus de changement. Mais cela, on le savait déjà. Quoi qu’il en soit, il n’y aura pas de retour vers le passé. On ne peut pas faire marche arrière. Cela n’arrivera pas.
*Quel jugement portez-vous sur la politique du tandem Medvedev-Poutine ? Ces deux hommes mènent-ils la Russie sur la bonne voie ?
-Le premier mandat de Vladimir Poutine était plutôt positif. Il a mis fin au processus de désintégration de la Russie, qui était extrêmement dangereux. Il a stabilisé la situation : ne serait-ce que pour cela, il aura sa place dans l’histoire. Mais je ne vois pas de véritable effort de modernisation, c’est le principal problème. Les conditions étaient favorables, grâce à l’augmentation du prix du pétrole… Mais je m’interroge sur la manière dont ont été utilisés ces millions de pétrodollars. Je crois qu’ils ont permis à leurs amis d’acheter les Champs-Élysées et le reste de la France… Je plaisante, mais je pense qu’une grande partie de cet argent a été gaspillée et qu’il n’a pas été utilisé pour moderniser le pays. Ils auraient dû agir beaucoup plus tôt pour améliorer la situation économique, moderniser la Russie et aussi la démocratiser. D’un côté, ils ont arrêté l’incendie ; de l’autre, ils ont commis des erreurs.
*Le problème essentiel relève-t-il selon vous de la politique économique ou de la corruption ?
-Ce qu’il faut au pays, c’est un nouveau système, un nouveau modèle de développement. Et, pour le bâtir, il faut venir à bout de la corruption. Pour l’instant, je vous l’accorde, ce n’est pas le cas. Mais qui vivra verra.
*Pensez-vous que Medvedev et Poutine vont saisir la main tendue par Barack Obama ?
-Ce n’est pas seulement Barack Obama qui est à l’origine de cette opportunité dans la relation russo-américaine. Mais c’est une personne sérieuse, qui comprend la situation de crise, qui milite en faveur de la dénucléarisation et qui a pris la mesure des problèmes environnementaux. C’est un bon interlocuteur pour nos dirigeants, parce que c’est aussi ce qu’ils souhaitent. J’ai un sentiment positif à l’égard du président américain. Et, oui, je crois que la Russie veut saisir cette chance. Mais on ne sait jamais…
*Vous avez reçu le prix Nobel de la paix en 1990. Pensez-vous que celui qui vient d’être décerné à Barack Obama est mérité ou prématuré ?
-Je lui ai écrit pour le féliciter. J’ai dit que c’était le bon choix car je me sens proche de sa vision du monde. Il lui faudra beaucoup de détermination, d’autorité internationale et de talent de communication pour la mettre en œuvre. Je lui souhaite de réussir.
*Vous avez retiré les troupes russes d’Afghanistan. Vingt ans après, Barack Obama s’apprête à décider, ou non, l’envoi de renforts américains dans ce pays. Que lui conseilleriez-vous ?
-Nous avons traversé une période identique à celle que connaît Obama en Afghanistan. Nous aussi, nous avons dû remettre à plat notre stratégie et nos politiques. Je pense que l’objectif ultime des Américains devrait être le retrait de leurs forces. Mais je n’ai pas de recommandation à lui faire. Sans doute aurait-il mieux valu ne pas s’y engager… Pendant que nous nous retirions d’Afghanistan, les Américains travaillaient avec les Pakistanais pour créer les talibans, alors qu’ils nous affirmaient vouloir un pays « libre et stable, en bons termes avec nos deux nations »… Aujourd’hui, ils en récoltent les fruits. D’un autre côté, j’admets qu’il est nécessaire d’agir contre les noyaux terroristes…
*Vous êtes à la tête de Green Cross (« la croix verte »), une ONG vouée à la protection de l’environnement : êtes-vous confiant avant la réunion mondiale prévue en décembre à Copenhague sur le réchauffement climatique ?
-Je veux croire que ce sera une étape majeure dans la bonne direction. De solides travaux préparatoires ont eu lieu. Les problèmes environnementaux nous étranglent : nous devons faire en sorte d’éviter une catastrophe, d’échapper au désastre. Il ne faut pas que la température moyenne de la planète augmente de plus de 2 degrés : même cet objectif sera très difficile à atteindre. Les États doivent maintenant prendre des mesures décisives.(Le Figaro-14.10.09.)
*****Ces Allemands nostalgiques de la RDA
Cet Allemand collectionne les objets en vente du temps de la RDA. 17 % des Allemands de l’Est approuvent la phrase : «Il aurait mieux valu que le Mur ne tombe pas».
Oubliés les privations de libertés, les bas salaires, les pénuries, l’interdiction de voyager : la moitié des Ossies regrettent le régime communiste.
Près de vingt ans après la chute du mur de Berlin, de nombreux Allemands de l’Est continuent à cultiver une nostalgie pour leur pays disparu. Au regard de la crise économique, qui frappe durement l’Allemagne, certains d’entre eux n’hésitent plus à comparer la RDA à une sorte de «paradis social», où régnait la sécurité de l’emploi. Selon un sondage publié lundi, près d’un Allemand sur cinq originaire d’ex-RDA est nostalgique du mur de Berlin et du régime communiste est-allemand.
Selon ce sondage réalisé par un institut de Leipzig et publié dans le magazine culte de l’Est Super Illu, 17 % des Allemands de l’Est approuvent la phrase : «Il aurait mieux valu que le Mur ne tombe pas. Avec le recul, la RDA était avec son socialisme un meilleur État.» Parmi les chômeurs, «l’Ostalgie» – la nostalgie envers l’Est – atteint des proportions records : 44 % des chômeurs souhaiteraient le retour du régime communiste, qui fournissait un travail et un logement à tous.
Plus de la moitié des Ossies (Allemands de l’Est) se considèrent comme des «citoyens de seconde zone», alors que 41 % s’estiment au contraire traités sur un pied d’égalité avec les Allemands de l’Ouest. Depuis la réunification en 1990, l’ex-RDA a bénéficié d’investissements publics massifs mais n’a jamais rattrapé le niveau de vie de l’Ouest. Les salaires et les retraites restent inférieurs à l’Est, où le taux de chômage est en moyenne deux fois plus élevé qu’à l’Ouest.
Selon une autre étude, dont les résultats ont été publiés dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Der Spiegel, 57 % des Allemands de l’Est n’hésitent pas à défendre en public l’ancien régime du parti unique (SED). Et 49 % approuvent la phrase : «La RDA avait davantage de bons côtés que de mauvais côtés. Il y avait quelques problèmes, mais on pouvait y vivre bien.» Certains ont totalement oublié les privations de libertés, les bas salaires, les pénuries, l’interdiction de voyager à l’étranger et l’étroite surveillance de la Stasi, la police secrète. Ainsi, ils sont 8 % à juger que «l’on vivait mieux et plus heureux en RDA qu’aujourd’hui».
Le danger de la banalisation
Pour l’historien Stefan Wolle, une nouvelle forme d’Ostalgie a vue le jour. «La nostalgie de la dictature dépasse de loin le cadre des anciens fonctionnaires du régime», explique-t-il. Certains jeunes issus de l’Allemagne de l’Est n’hésiteraient pas à idéaliser la RDA, bien qu’ils ne l’aient pas connue. Ceux-là ont fait de la défense du pays de leurs parents une question de fierté. Une inquiétante étude publiée l’année dernière avait souligné le manque d’information de la jeunesse est-allemande concernant la dictature communiste de RDA et pointé les défaillances du système éducatif sur cette page de l’histoire allemande.
Une majorité de jeunes Allemands de l’Est ignorait qui avait construit le mur de Berlin et pensait que le dictateur Erich Honecker, secrétaire général du SED, avait été élu démocratiquement, ou encore que l’environnement était mieux protégé en RDA qu’à l’Ouest.
Klaus Schroeder, le politologue qui avait mené l’étude, met en garde contre la banalisation de l’ancienne dictature communiste par une jeunesse qui n’a pas connu la RDA et qui tient son savoir de discussions familiales et non de l’enseignement dispensé à l’école. «Les jeunes Allemands de l’Est ne sont même pas une moitié à dépeindre la RDA comme une dictature et une majorité d’entre eux considèrent la Stasi comme un service secret normal», déplore Schroeder. Spécialisé dans les recherches sur la RDA à la Freie Universität de Berlin, Schroeder affirme que «beaucoup d’Allemands de l’Est considèrent la moindre critique de l’ancien système comme une agression personnelle». Cependant, selon l’étude publiée par Super Illu, ils sont aussi une écrasante majorité à ne pas souhaiter de retour en arrière. Près des trois quarts des Ossies (72 %) se disent «heureux de vivre dans l’Allemagne réunifiée avec son économie sociale de marché, malgré tous les problèmes de la reconstruction à l’Est».(Le Figaro-30.06.09.)
****Les trains de Prague vers la liberté
Environ 800 anciens citoyens d’Allemagne de l’Est sont accueillis dans l’allégresse à Hof, en Bavière, le 5 octobre 1989. Certains ont patienté plusieurs semaines à Prague avant d’obtenir l’autorisation d’entrer en Allemagne de l’Ouest.
Pendant tout l’été, des brèches s’étaient ouvertes dans le bloc soviétique. Le 1er octobre 1989, six trains emportent 5 000 Allemands de l’Est vers la RFA. Un mois et demi plus tard, le mur de Berlin s’écroule. Retour sur un exode qui a changé l’histoire.
Vu du Politbüro, sous un beau ciel berlinois, ce fut l’été des coups de poignard dans le dos. L’agonie viendra plus tard avec l’ouverture soudaine du Mur, à la nuit tombée, le 9 novembre, dans la brume hésitante de la Spree et du Landwehrkanal. Au faîte du pouvoir, Erich Honecker avait naguère promis à son rempart un avenir de cent ans. Mais en cette fin de septembre 1989, pour les trois vieillards qui incarnent la RDA – le premier secrétaire, 77 ans, tout juste opéré de la vésicule, le patron de la Stasi (Sûreté d’État) Erich Mielke, 81 ans, et le chef idéologue Kurt Hager, 77 ans -, ce qui défie la raison, c’est moins l’hémorragie que la trahison familiale. Celle de beaucoup des partis «frères». Celle, surtout, du grand aîné protecteur, l’URSS de Mikhaïl Gorbatchev. Le drame est déjà noué. C’est six mois plus tôt qu’il aurait fallu agir, concédera plus tard le chef espion Markus Wolf à des amis soviétiques. Dans le lot, le jeune Vladimir Poutine, résident du KGB à Dresde depuis quatre ans, l’avait peut-être lui aussi pressenti. À l’extérieur du camp socialiste, le mal qui ronge la RDA reste indéchiffrable.Qui pourrait penser que le Kremlin va lâcher le seul «modèle» économique présentable du Comecon ? Qui voudrait croire que le Pacte de Varsovie puisse renoncer à son bastion fortifié, celui qui garantit la division de Berlin, de l’Allemagne et de toute l’Europe ? Quatre mois après la ruée meurtrière des blindés chinois sur Tiananmen, qui oserait enfin imaginer la plus immobile des dictatures communistes d’Europe hésitant sur le recours à la force ? À Paris et à Londres, François Mitterrand et Margaret Thatcher préfèrent fermer les yeux. À Bonn, Helmut Kohl sent monter sa chance, avec le discret soutien de George Bush père. La chance – ou, vu de Berlin-Est, le ferment de toutes les trahisons -, c’est un glacis soviétique qui se brise. À la doctrine Brejnev, celle d’une souveraineté limitée testée à Budapest en 1956, à Prague en 1968 et encore à Varsovie en 1981, vient de succéder la «doctrine Sinatra» : chaque pays frère peut réformer le socialisme «My Way» - comme il l’entend -, explique un conseiller de Mikhaïl Gorbatchev.
À l’Est, depuis la fin du printemps, le vent de réforme s’est mué en tempête. Sept ans après l’état de guerre, la Pologne du général Jaruzelski se dote d’un Parlement où Solidarité emporte tous les sièges ouverts à la compétition. La Hongrie de Karoly Grosz n’est plus très loin derrière, avec ses premiers élus d’opposition. Sans feu rouge du Kremlin, Budapest démantèle aussi sa longueur de rideau de fer et rétablit la liberté de voyager à l’Ouest. Le signal ne passe inaperçu ni à Bonn ni à Berlin-Est. La RDA avait déjà décidé d’appliquer la doctrine Sinatra, à contre-pied : «Sous prétexte que le voisin retapisse son appartement, toute la maisonnée doit-elle faire de même ?», s’interrogeait l’idéologue Kurt Hager.
Les Allemands de l’Est votent avec leurs pieds
La seconde chance de l’été, ce sont les vacances. De Berlin-Est, Karl-Marx-Stadt (Chemnitz) ou Leipzig, une partie de la jeunesse rejoint chaque année un soleil socialiste accessible : les plages du Balaton. Cette fois, le passage à Budapest lui révèle une vraie compétition électorale, aux antipodes de la farce que le SED de Honecker a imposée deux mois plus tôt. Au volant de leur Trabant pétaradante, les jeunes est-allemands découvrent aussi que la route de Vienne est ouverte, mais seulement pour les Hongrois. Sous le soleil de Pannonie, ils ruminent leur sentiment d’enfermement. Certains tentent leur chance vers l’Ouest et l’Autriche, à pied à travers la forêt ou cachés dans les wagons du rapide de Vienne. Dès juillet, ça passe. Les gardes-frontières hongrois sont étonnamment coulants. À l’arrivée, un consulat de RFA bien rodé attend les fugitifs avec un document d’identité provisoire, un pécule et l’adresse d’un dortoir, en attendant le prochain train pour la Bavière. La RDA commence à se vider. Ulcéré, Kurt Hager tape du poing sur la table lors d’une réunion avec les partis frères. Le Soviétique Alexandre Yakovlev ne prend même pas la peine de répondre. En Hongrie, tout le mois d’août, l’appel d’air est massif. Non seulement des jeunes, mais des familles au complet, venues chercher la porte de sortie. Combien sont-ils, 20 000, 30 000 ? Le 11 septembre, afin de soulager la pression, Budapest ouvre sa frontière ouest aux «Ossies», avec le soutien appuyé de Bonn. Pour arrêter la saignée, Berlin-Est obtient du frère tchécoslovaque qu’il ferme la sienne, sur le Danube.
Le rideau de fer n’est pas tombé. Il a reculé, piégeant à Prague et en Moravie ceux qui n’avaient pas atteint le fleuve. Du coup, aussi, le problème se rapproche singulièrement de Berlin-Est. Erich Honecker, sorti de l’hôpital, s’apprête à fêter en grandes pompes le 40e anniversaire de l’Allemagne socialiste, avec Mikhaïl Gorbatchev. Obsédé par les apparences, le régime s’obstine. Il refuse de comprendre l’hémorragie. Les Allemands de l’Est continuent de voter avec leurs pieds. La Tchécoslovaquie affronte à son tour l’exode. Le régime de Milos Jakes est aussi raide que celui de Honecker, mais un peu moins obtus. Pour lui, la RFA n’est pas le jumeau fratricide. Il sent aussi qu’il joue sa survie (la «révolution de velours» débutera sept semaines plus tard). Pour les Allemands de l’Est, Prague reste une impasse. Mais tous veulent croire que Budapest a posé le précédent. Ils n’ont pas tort. La soirée du 30 septembre est le point de rupture. Lâcheté aux yeux du SED est-allemand, le PC tchécoslovaque se lave les mains : les réfugiés sont «un problème interallemand». Bonn n’attendait que cela. Berlin-Est accepte un rendez-vous et croit s’en tirer par un faux-semblant. On est à dix jours de l’anniversaire de la RDA sur l’Alexanderplatz. La manœuvre va échouer. Sans coup férir, elle va faire exploser le malaise sur le sol est-allemand.
À Prague, ce soir-là, tout débute par une immense clameur. Le palais Lobkowitz, à mi-pente d’une rue étroite qui serpente vers le château de Prague. Hans-Dietrich Genscher, chef de la diplomatie allemande, fait son entrée à l’ambassade. Difficile de passer inaperçu : en 48 heures, le nombre des réfugiés a doublé et ce sont près de 4 000 Allemands de l’Est qui s’entassent dans le parc et les trois étages du palais. La première chose que verra le cerveau de la réunification, ce sont des infirmières de la Croix-Rouge, coiffe dans les cheveux, et des lits qui se superposent jusque sous la voûte d’entrée. La foule patauge dans la boue. On craint une épidémie. «C’est le chaos !», dit un candidat au départ. Mais pas question de partir. Que signifie la visite de Genscher ? Le jour décline et, sous le balcon principal, la foule se presse entre la trentaine de tentes de la sécurité civile. Au dernier étage, sous un grand lampadaire, les diplomates s’activent dans un salon réservé. La cathédrale et le château s’illuminent à l’arrière-plan. La rumeur s’est répandue dans la nuit. Les nouveaux arrivants escaladent la grille du parc, haute de deux mètres. Des familles entières. Même des touristes de passage.
À 18 h 45, l’homme apparaît au balcon, sous les projecteurs. Du grand spectacle. «De tout cœur, je vous souhaite la bienvenue au nom de la République fédérale d’Allemagne…» Un frisson, un silence, puis c’est le délire. Les bras s’agitent au-dessus de la foule. «Freiheit ! Einheit !» Le chœur est immense. La liberté, cette fois, on l’a, c’est sûr. L’unité, elle, reste à faire. Le mur est encore debout. La RDA aussi. Mais la voie est toute tracée. «Ce sont les instants les plus émouvants de ma carrière», confie Hans-Dietrich Genscher. Il sait de quoi il parle. Il a lui-même quitté la RDA au début des années 1950. Falko, 22 ans, de Postdam, est arrivé à l’ambassade deux jours plus tôt, avec Sabine et leur petite fille de trois mois. Pourquoi partir ? Il a la larme à l’œil et le sens de la formule. «La RDA, c’est un pays où l’on attend le téléphone pendant des années. Et une fois qu’on l’a, on a peur de parler dedans.» L’émotion retombée, Hans-Dietrich Genscher explique. C’est un «geste humanitaire», décidé par les seules autorités est-allemandes. Il annonce que cinq trains quitteront Prague dans la nuit. Pour un bref passage en RDA via Dresde et un transit immédiat vers la RFA. Un artifice : techniquement, le régime de Honecker ne laisse pas partir des fugitifs. C’est une émigration légale, voire une expulsion. Pour la première fois aussi, il admet que la situation est devenue intenable.
Défilés pacifiques à Dresde et à Leipzig
L’évacuation est immédiate. Douze autobus attendent sur l’avenue Karmelitska, encombrée de Trabant et de Wartburg abandonnées, portes ouvertes. La police locale garde ses distances. Direction Prague-Liben, une discrète gare de banlieue. Le premier train partira avec dix minutes d’avance. Dix voitures vert et jaune de la Deutsche Reichsbahn, la compagnie est-allemande, à la stupeur de fugitifs vite rassurés par la présence ouest-allemande. Un départ ordinaire, avec des parents et des enfants qui se précipitent sur le quai no 1. L’affichage électronique annonce l’heure, mais pas la destination. «Avec réservation uniquement.» En tout, il faudra six trains de la liberté dans la nuit pour emporter plus de 5 000 passagers.
Il y a ceux qui partent, et ceux qui sont restés en RDA. En pleine nuit, l’étape fantomatique de Dresde va faire le lien. Ces trains qui saignent le pays et glissent sans s’arrêter sont un acte d’accusation. Ils vont dresser davantage l’opinion contre le régime. À Dresde, comme à Leipzig, les défilés pacifiques – «Nous sommes le peuple !» – vont occulter le triomphe creux du SED sur l’Alexanderplatz. Une semaine plus tard à Leipzig, la manifestation de tous les dangers finit dans l’allégresse, grâce à la spectaculaire défection de trois poids lourds du SED local, conjuguée à l’autorité intellectuelle de Kurt Masur, baguette du Gewandhaus. Le spectre de Tiananmen paraît repoussé. Pour Erich Honecker, c’est l’avant-dernière trahison et les jours sont comptés. Il sera débarqué le 17. Egon Krenz, son bref successeur, ne fera rien pour empêcher, trois semaines plus tard, le mur de Berlin de s’écrouler. Il aura tenu vingt-huit ans. (Le Figaro-01.10.09.)
*****….parmi les jours les plus heureux de ma vie.
Helmut Kohl, Chancelier fédéral de l’Allemagne de l’Ouest, puis de l’Allemagne réunifiée, d’octobre 1982 à octobre 1998.
Avril 2008
Jamais je n’ai douté qu’un jour l’Allemagne recouvrerait son unité. Mais je n’avais jamais osé rêver que cela pût se dérouler pendant mon mandat de chancelier. Les choses avaient commencé à changer avec Mikhaïl Gorbatchev et la perestroïka. Sans lui et sa politique, ce qui s’est joué à l’automne 1989 n’aurait pas été possible. En RDA, de plus en plus de gens avaient retrouvé du courage et n’avaient plus peur du système d’oppression du régime du SED (Parti communiste de l’ex-RDA, ndlr). Ils avaient pris conscience que la réalité de la RDA n’était pas du tout immuable. Qu’il existait des possibilités de changer quelque chose là-bas comme l’avaient exigé depuis longtemps les défenseurs des droits de l’homme. Leur engagement contre ce régime communiste de non-droit constitue pour moi un des plus grands chapitres de l’Histoire allemande. L’ouverture de la frontière en Hongrie ainsi que la fuite des habitants de RDA vers nos ambassades de Prague, Budapest et Varsovie avaient déjà ébranlé sur ses bases le pouvoir du SED. Pourtant ce n’est que dans la nuit du 9 au 10 novembre, durant laquelle le mur et les barbelés ne séparèrent plus les Allemands après des décennies de division, que ce développement devint irréversible. Nous étions entrés dans une nouvelle ère. La roue de l’Histoire s’était mise à tourner plus vite. Trois orientations fondamentales fixées au départ de mon mandat ont payé. La première tenait au fait que j’avais réaffirmé l’objectif de l’unité allemande dans la liberté comme un devoir contraignant de notre Constitution. La deuxième était de répondre clairement oui à la mise en œuvre de la double décision de l’Otan. Car, sans l’installation de missiles nucléaires à moyenne portée sur le sol de la République fédérale, notre relation avec les Etats-Unis, voire avec l’Alliance elle-même, serait entrée dans une crise grave. La troisième orientation consistait à être le moteur, avec nos amis français, du processus d’unification européenne. Il ne fait pour moi aucun doute que sans la confiance renforcée de nos partenaires européens et américain en la fiabilité allemande, ce qui s’est passé en 1989-1990 n’aurait pas été possible. Le président américain George Bush a été une vraie chance pour nous, Allemands. Il a soutenu notre désir d’unité et de liberté sans réserve. Le 9 novembre 1989, le jour de la chute du Mur, et le 3 octobre 1990, celui de la réunification, comptent parmi les plus heureux de ma vie.(Le Figaro-28.09.09.)
********Combien de morts lors de la chute du Mur…
Vingt ans après la chute du mur, la polémique demeure sur le nombre de victimes qui auraient péri en essayant de le franchir entre le 13 août 1961 et le 11 novembre 1989.
Selon le Centre de recherches d’histoire contemporaine de Potsdam, 125 cas sont avérés, et 81 autres «nécessitent des recherches». Quatre historiens de ce centre ont barré 62 noms sur les listes des victimes de la police des frontières de la RDA, après avoir comparé des rapports de l’armée et de la police à l’Est et à l’Ouest.
L’association de défense des victimes, le Groupe de travail du 13 août, se scandalise. Elle fixe le chiffre à 239 morts et accuse le gouvernement de coalition «rouge-rouge» (sociaux-démocrates et ex-communistes) de Berlin de chercher à édulcorer les faits pour minimiser la brutalité du régime communiste.
Tout en dénonçant «une fausse logique, les maux du passé ne dépendant pas de la découverte de cinq, dix victimes ou davantage», Hans-Hermnn Hertle, du centre de recherches de Potsdam, veut bien admettre que le chiffre de 125 morts «ne livre pas la pleine mesure de la violence du régime».
«Le nombre de ceux qui sont morts au mur de Berlin n’est que la pointe de l’iceberg. Cent mille personnes ont été emprisonnées pour avoir tenté de fuir à l’Ouest.» L’an prochain, l’institut de Potsdam remettra un rapport final donnant les noms de ceux qui sont morts le long du rideau de fer entre les deux Allemagnes.(le Figaro-28.09.09.)
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