Cicatrices de guerre 14-18
*la guerre de 1914-1918 et Le premier quart du XXe siècle
**L’Algérie révélée
A dessein, une médiatisation bien méritée au lendemain de la double commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale et le soixante-dixième du débarquement des Alliés en Normandie (France), -opportunément — en soulignant le rôle réellement joué par les combattants algériens, alors que dans l’imaginaire collectif, d’ici et d’ailleurs, ils n’ont été considérés que comme «chair à canon».
En fait, plus que cette médiatisation au plan international, particulièrement occidental, cette thèse ne pouvait être entreprise et à atteindre les objectifs poursuivis opiniâtrement que dans des conditions bien établies.
De toute évidence qu’à la suite d’efforts exceptionnels, surhumains, qu’impliquent nécessairement autant l’engagement et l’érudition que la maîtrise des langues, au passé comme au présent, du pays directement concerné, précisément par le professeur Gilbert Meynier grâce à des publications de valeur, au demeurant recouvrant la quasi-totalité de l’histoire de notre pays, à l’instar de L’Algérie des origines (2007), L’Algérie cœur du Maghreb classique, De l’ouverture islamo-arabe au repli (698-1518), (2010), Repenser l’Algérie dans l’histoire (1913), Histoire intérieure du FLN, 1954-1962 (2003)…
Aussi l’histoire de ce premier quart du XXe siècle a-t-elle été décortiquée, bout à bout, grâce à l’exploitation judicieuse d’une masse considérable d’une documentation archivistique inépuisable en parvenant à cerner les motivations profondes et l’âme de ces milliers de combattants perçus certes collectivement, mais souvent personnalisés, parfois même approchés et localisés à travers l’étendue de l’Algérie septentrionale, laissant ainsi entrevoir les particularités et sensibilités rural/urbain, des nuances Est/Ouest, notamment au niveau des deux principaux centres urbains Tlemcen et Constantine, éventuellement d’autres villes secondaires…
De surcroît, le tout appréhendé, enrichi et illustré, voire recoupé et corroboré par le vécu recueilli directement auprès de rescapés de la Grande Guerre quoique difficilement repérables sur le terrain, à plus d’un demi-siècle de recul.
Quelles belles illustrations, véritables prouesses, tel un travail de fourmi, de rencontrer sur le terrain de rarissimes survivants, de pouvoir déterminer rigoureusement soit leur propre itinéraire, soit les trajectoires de leur descendance (p. 661,667 …), bien après la guerre de Libération nationale en dépit de ses bouleversements de fond en comble.
A cet égard, édifiantes sont la lecture et la relecture, attentivement, de nombreux passages et développements, à l’instar notamment des déductions brillamment formulées par les pages 440 et 441, focalisant l’attention sur l’arrière-plan, les événements des plus traumatisants de l’Algérie coloniale, 1830 et 1870, autrement dit savoir se battre et être vainqueur… «pour effacer Staouéli et Isly», et par la même «valoriser en eux l’Algérien». D’autant que «tous les rapports militaires soulignent l’engouement des Algériens pour les armes modernes, pour la technique des travaux de génie, pour la modernisation».
A point nommé, c’est bien le constat fait, sciemment, précisément par Hadj Ahmed Bey, précisément l’unique bey de… filiation maternelle algérienne d’ascendance anté-ottomane, qui a déploré l’absence d’artillerie lors du deuxième siège de Constantine le…13 octobre 1830 (encadré ci-dessous).
Mémoires de Hadj Ahmed Bey (R A, 1949 :107-108)
Le lendemain de la mort du grand de l’armée, que j’ai appris depuis être le général en chef, l’artillerie des Français redoubla de fureur. Ils s’avancèrent et, battant la muraille, ils eurent bientôt pratiqué une brèche considérable.
Quoiqu’on ne pût la gravir qu’avec difficulté, ils s’y lancèrent pourtant et s’établirent au sommet, prêts à entrer dans la ville. Tout à coup la mine dont j’ai parlé éclata, tua un grand nombre d’assaillants mais fit en même temps périr beaucoup des nôtres.
Les autres manquèrent leur effet, et je dus regretter plus tard lorsque ces circonstances me furent racontées l’absence de gens experts dans cette partie de l’art de la guerre. A elle seule, la focalisation tour à tour sur l’état d’esprit, attitudes et comportements des enrôlés de 1914-1918 ne peut éclipser les autres événements majeurs du premier quart du siècle écoulé, demeurés jusqu’à présent à peine entrevus en dehors de l’émergence du mouvement Jeune Algérien ou l’insurrection du Sud constantinois avec la révolte des Béni Chougran.
Assurément, la période étudiée s’est révélée très riche, d’autant que souvent elle est axée sur le socio-culturel. «L’immédiat après-guerre est une période unique d’éveil de la culture populaire» (p 711). A merveille illustrée par l’analyse lexicale fine du discours de l’Emir Khaled. En définitive, loin d’être statique, ce premier quart de siècle s’avère très riche, voire foisonnant en ouvrant de nouvelles perspectives d’approche.
Gilbert Meynier : L’Algérie révélée, la guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Paris, éd. Bouchène, 789 p.
**Djilali Sari / El Watan-dimanche 24 mai 2015
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*La bravoure des Algériens pendant la guerre mondiale
*Les sacrifices des combattants algériens
ces oubliés de la première guerre mondiale :
20% des soldats décorés de cette guerre, étaient algériens
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*Plus de 173 000 Algériens ont pris les armes pour défendre la France !.
*La majorité d’entre eux ont laissé leur vie dans cette guerre
Plus de 600 000 combattants des colonies françaises (Afrique et Maghreb) ont pris part à la Grande Guerre (1914-1918) aux côtés de l’armée française et des Alliés. La moitié d’entre eux étaient des Maghrébins. Ces derniers ont remporté des batailles décisives, notamment dans les régions de la Somme et de la Marne, au nord de la France, mais aussi à Verdun et dans d’autres contrées, à l’est du pays, comme Strasbourg ou Metz. Selon un décompte non officiel, plus de 173 000 Algériens, 58 770 Tunisiens et 25 000 Marocains ont pris les armes pour défendre la France !.
La majorité d’entre eux ont laissé leur vie dans les tranchées froides et boueuses de l’est de la France. Ceux qui ont réussi à revenir vivants de cet enfer n’ont pas eu la reconnaissance méritée et attendue de l’Etat français.
Ce dernier s’est même permis de suspendre un temps leurs maigres retraites qu’ils percevaient. En 1914, l’administration militaire française en Algérie avait refusé que les Algériens intègrent le service national. Elle craignait qu’ils en ressortent plus instruits et revendiquent ainsi leurs droits.
La décision fut donc prise de les envoyer directement se battre sur les champs infinis de la Marne et de la Somme, sans entraînement et sans connaissance du terrain.
Mal entraînés, ne maîtrisant pas les techniques de la guerre, des milliers d’entre eux ont été massacrés dès septembre 1914. «L’ordre a été donné de les retirer des tranchées pour les former avant de les réengager dans la guerre», selon l’historien Jean Martin, qui loue «le courage et la force des combattants algériens sur les champs de guerre.
Ces derniers ont même appris à utiliser les armes». Malgré le manque d’expérience, les soldats maghrébins, algériens notamment, se sont illustrés par leur bravoure et leur courage. Ce que disait le Maréchal Foch, pour qui les Maghrébins étaient des soldats «vaillants qui n’abandonnaient jamais leurs territoires et s’adaptaient facilement aux reliefs et au climat».
«A titre d’exemple, les combattants algériens ont reçu 20% des décorations et autres médailles de courage et de mérite», selon l’historien Jean Martin, qui a expliqué à France 24 que contrairement à de nombreuses versions, «les soldats maghrébins étaient respectés par leurs coreligionnaires français et même enterrés selon les rites musulmans».
Pour la guerre des soldats, pour les mines des ouvriers
En plus de plusieurs milliers de soldats maghrébins partis au front, perdant en majorité leur vie, d’autres ont donné leur force et leur jeunesse en travaillant dans des mines de charbon et l’industrie. Ils vivaient dans des conditions pitoyables et touchaient des salaires misérables.
Il ne reste plus de Maghrébins ayant combattu lors de la Première Guerre mondiale. Tous sont morts dans l’indifférence totale de l’Etat français, qui ne les a pas honorés comme il se doit.
De nombreuses polémiques ont éclaté sur les soldes qu’ils touchaient après leur mobilisation. Elles étaient largement inférieures à celles octroyées aux combattants français de souche.
En France, l’épopée historique de ces combattants a été très peu mise en lumière par les livres d’histoire et les médias. Ils n’ont pas vraiment de visage ni de voix.*YACINE FARAH – elwatan / mardi 13 novembre 2018
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*Cicatrices de guerre 14-18
Vingt-deux auteurs de bande dessinée proposent leur vision de la Grande Guerre, à travers des histoires courtes évoquant le quotidien des Poilus, regroupées dans l’album «Cicatrices de guerre». A cette occasion une exposition des planches originales est proposée par l’Historial de la Grande Guerre de Péronne du mercredi 11 Novembre au 14 mars 2010.(source:Le Figaro-10.11.09.)
«Cicatrices de guerre» est paru aux éditions de la Gouttière.
« Cicatrices de guerre », ce sont quinze histoires autour de la guerre 14-18 réunies dans un album, 22 auteurs qui nous livrent chacun à leur façon sa représentation de cette période sombre : la vie dans les tranchées, les gueules cassées, les mutineries, les déserteurs… C’est aussi l’évocation du quotidien des familles dans l’attente ou les affaires des industriels qui vont bon train pendant la guerre.
Les assis : Stéphane et Damien Cuvillier
Assis au coin du feu, les puissants devisent de la qualité exceptionnelle de leur armement sur les champs de bataille.
Collatéral : Sylvain Savoia
Comme son nom l’indique, cette histoire aborde les conséquences secondaires d’une opération militaire.
Rouge festin : Norédine Allam
L’homme éphémère face à l’intemporalité de la nature, est le sujet de cette histoire. La couleur rouge, omniprésente, marque la propagation de la mort.
L’exemple : Régis Hautière et Paul Drouin
Cette histoire évoque la colère des soldats, leur mutinerie et la manière dont celles-ci étaient matées pour l’exemple.
Soldat Swolf : Agnès Fouquart
Comment échapper à l’enfer de la guerre, si ce n’est en désertant ?
Mémoire de Gaize : Francis Laboutique et Pascal Régnauld
Ensevelis vivants, une poignée de soldats aura réussi à ne pas sombrer dans l’oubli grâce aux mémoires de l’un d’entre eux retrouvés des décennies plus tard.
Les « croix de bois » de Roland Dorgelès : Greg Blondin
Évocation du thème de l’oubli.
Le quart : Philippe Lacoche et Serge Dutfoy
Même lorsque la guerre est finie, son souvenir ne vous lâche pas.
Jeux de guerre : Régis Hautière et Hardoc
Récit du quotidien des enfants pendant la Grande Guerre.
Innocence : Sofia et Olivier Frasier
Cette histoire marque la relation entre un soldat blessé, qui incarne l’ennemi, et une petite fille qui réussit à dépasser sa propre peur pour aller vers l’autre.
Fragments : Jean-François Bruckner
Évocation de ces morceaux de vie brisées que laisse la guerre derrière elle.
Bleuet : Denis Lachaussée et Aude Soleilhac
Bleuet, c’est le surnom donné à un nouvel arrivant dans l’enfer des tranchées. Le jeune soldat n’aura de cesse d’essayer d’apporter, par ces petits riens du quotidien, un peu de joie et de bonne humeur avant de se faire happer par la mort.
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*La France s’apprête à commémorer le centenaire de la grande guerre (août 1914 – 11 novembre 1918).
*25.000 Algériens sont morts pour la France dans cette guerre
Sans compter les 75 000 blessés ou estropiés à vie
Ce sera pour le peuple français l’occasion de rendre hommage à ses soldats morts pour leur pays dans des conditions épouvantables. Si la Première Guerre mondiale est qualifiée de la plus effroyable du XXe siècle (9 millions de morts et 20 millions de blessés), ce n’est pas tant par rapport au nombre de morts qui est d’ailleurs considérable (rappelons à ce niveau qu’il y eut plus de 40 millions de morts durant la Seconde Guerre mondiale), mais d’abord parce que c’est la première guerre à l’échelle planétaire que le monde ait connue jusque-là, et de plus elle fut meurtrière. Cette guerre ne toucha pas seulement l’Europe, mais aussi l’Afrique, le Moyen-Orient, l’océan Pacifique et l’océan Atlantique.
Ensuite par rapport aux conditions de combat qui étaient insoutenables, par exemple dans les tranchées du nord de la France, où un grand nombre de soldats perdirent la raison. Pour seul exemple, 600 soldats français ont été fusillés injustement par leurs supérieurs, alors que psychologiquement atteints ils refusaient de combattre. Ces pauvres soldats considérés jusque-là comme des traîtres viennent d’être réhabilités par l’actuel président français, François Hollande. Dans cette guerre, les soldats d’Afrique ont payé un lourd tribut.
Les Algériens, dont 175 000 membres furent mobilisés, perdirent 25 000 (35 000, selon certaines sources) de leurs jeunes hommes.
A l’occasion de ce centenaire, nous ne pouvions pas ne pas avoir une pensée pour nos malheureux compatriotes morts «sans savoir pourquoi ils se battaient».
Une tragédie sans précédent
La grande guerre eut pour origine l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand, héritier du trône hongrois, à Sarajevo le 28 juin 1914 par un étudiant nationaliste serbe. L’Autriche-Hongrie ne tarda pas à déclarer la guerre à la Serbie, soit le 28 juillet 1914. La situation dans les Balkans était explosive. Ce qui conduit l’Europe à un jeu des alliances. Elle se divise en deux blocs. D’une part, la triple alliance entre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, et d’autre part la triple alliance entre la France, la Russie et la Grande-Bretagne.
La France voulait récupérer l’Alsace et la Lorraine perdues au profit de l’Allemagne en 1871. L’Allemagne elle-même, deuxième puissance mondiale à l’époque après les Etats-Unis, cherchait elle aussi à agrandir son territoire. La Grande-Bretagne, quant à elle, craignait de perdre sa domination économique. En Russie, rien ne va plus, le trône de Nicolas II chancelle et les Bolchéviques menés par Lenine finissent par le faire tomber en février 1917. La révolution russe inquiète.
Le communisme fait trembler l’Occident qui a peur de la contagion. Les Etats-Unis entrent en guerre le 16 avril 1917. La France perdit 1,4 million de soldats et eut 4,2 millions de blessés. La grippe espagnole qui a sévi de 1918 à 1919 aggrava les choses. A l’armistice, signé le 11 novembre 1918, le pays se retrouva dans une situation économique catastrophique, l’agriculture est à genoux, le pays est lourdement endetté et de plus endolori par ses morts et avec sur les bras ses milliers d’anciens combattants handicapés revenus du front avec des séquelles psychologiques, ses veuves et ses orphelins.
A l’après-guerre, cette terrible tragédie engendra en France un besoin de vivre immense qui se manifesta par ce qu’on appela «Les années folles». En effet, le peuple de Paris, voulant oublier les ravages de la guerre, s’enivra de musique et de danses. Les femmes raccourcirent leurs jupes et robes, et les hommes aux chaussures vernis et cheveux gominés humaient cet air de liberté. Les Français fêtaient en somme le retour à la vie.
Pour le centenaire de la grande guerre, une commémoration du souvenir et de grande ampleur est programmée en France. Dans un dossier publié à ce sujet par l’Office national des anciens combattants (ONAC), Hamlaoui Mekachera, ministre français délégué aux anciens combattants, écrit : «La grande guerre occupe dans le cœur de chaque Française et de chaque Français une place particulière. Combattants tombés au champ d’honneur, poilus survivants de Métropole et de l’Empire français, blessés, mutilés et gazés, prisonniers, expulsés, victimes civiles, veuves et orphelins, à travers chacun d’eux, la Première Guerre mondiale a meurtri et endeuillé nombre de familles françaises. Aujourd’hui encore, la grande guerre reste un événement fondamental de notre mémoire nationale. Alors que la France honore ses derniers poilus, il importe que le souvenir de leur courage et de leur sacrifice soit toujours transmis aux jeunes générations…».
«Des types incroyables avec de la bravoure et du panache»
Nous disions en introduction de cet article qu’à l’occasion de la commémoration du centenaire de la grande guerre, nous ne pouvions pas ne pas avoir une pensée pour les 25 000 (ou 35 000) Algériens morts pour la France «sans savoir pourquoi ils se battaient», comme l’écrit Ferhat Abbas, car c’est de lui que viennent ces paroles qui sous-entendent la souffrance de ces recrues indigènes. Ce grand homme, qui dans ses livres, qui sont un véritable enseignement, nous a appris non seulement l’histoire de notre pays qu’il s’était donné pour mission d’écrire pour éclairer les Algériens des choses qui les concernent, mais aussi parce qu’il a rendu hommage à ces jeunes combattants, arrachés soudainement à leur terre natale, à l’âge des grands rêves et des projets d’avenir, pour aller se battre sans savoir pourquoi ils se battaient. Nous disons cela tout en sachant que les Algériens, en ce début du siècle, vivaient dans un tel dénuement que leur seul rêve était de manger à leur faim. L’hommage qu’il leur a rendu en 1922, alors que lui-même n’est qu’un jeune étudiant de 22 ans, est tellement émouvant qu’il ne pouvait nous laisser insensible. Il écrit en effet : «A la mémoire des musulmans algériens morts durant la guerre de 1914-1918.»
En vérité, une seule conclusion logique et naturelle se dégage des chiffres : c’est que sur 91 160 indigènes morts en faisant leur devoir (guerre 1914-1918), 21 seulement savaient lire et écrire, 21 seulement avaient reçu une partie de leurs droits, car l’instruction est un droit ; 21 seulement savaient pourquoi ils se battaient et pourquoi ils allaient mourir sur la Marne. Les autres, arrachés à leur gourbi, armés d’un fusil, allèrent se battre sans avoir entendu parler ni de la France ni de l’Allemagne. Ils sont morts. Dormez, glorieux frères dans vos tombes délaissées et sans lesquelles pas une maman ne viendra pleurer en vous contant son deuil.
Votre cœur ne savait palpiter que pour les joies familiales et vous n’avez pas su pourquoi vous alliez mourir…». (Ferhat Abbas. Constantine, novembre 1922). Analphabètes et miséreux, ces jeunes hommes algériens sont morts, et pour la grande majorité d’entre eux ne sachant pas c’est quoi ce pays appelé la France, ni où il se trouve. Pour beaucoup aussi, la France se limitait à l’administration coloniale de leur douar. Ces mêmes douars qu’ils n’avaient jamais quittés, ne connaissant même pas leur propre pays avec son immense territoire, du fait qu’ils avaient toujours été cantonnés dans leur lieu de résidence, avec les difficultés ou l’interdiction de se déplacer.
La plupart de ces jeunes Algériens, si pauvres en fait, n’avaient quitté leurs haillons qu’au seul moment de leur enrôlement, car ils n’avaient jusque-là rien d’autre pour se vêtir que leur djellaba, la même peut-être qu’ils remettaient chaque jour et ne l’enlevaient que pour la laver, encore avaient-ils de quoi la remplacer. Les photos de l’époque coloniale témoignent de l’état d’habillement des pauvres fellahs, aux burnous fanés, à la gandoura usée et au visage marqué par le dur labeur, la faim, l’humiliation et la peur.
Lors de l’enrôlement, il avait fallu que ces jeunes recrues indigènes portassent des godasses, eux dont les pieds n’avaient jamais porté de souliers, et ceci sans savoir, pauvres âmes, que leurs pas les mèneraient directement au bourbier des tranchées du nord de la France, où leurs corps deviendraient très vite un mélange de chair, de boue et de ferraille. Mais malgré l’ignorance et le dénuement, malgré la déchirure, quittant leurs familles et le pays qui les a vus naître, malgré l’horreur des tranchées, il est reconnu par tous qu’ils furent des combattants courageux et dont la bravoure leur valut d’être comptés parmi les plus médaillés de tous les contingents.
A ce sujet, Léon Rodier, colonel à la retraite, qui fut leur commandant, et dont les propos sont rapportés par Le Parisien du 16 juin 2000 dit : «Des types incroyables, avec de la bravoure et du panache, des tigres au combat. Je suis fier de les avoir commandés. Vous savez ce qu’a dit le maréchal Juin ? ‘‘La France doit à l’armée d’Afrique une immense reconnaissance. Ici à Verdun plus qu’ailleurs’’.» Et Le Parisien de préciser : «Pendant les 300 jours et nuits que dura l’enfer de Verdun, plus de 20 000 Algériens connurent l’horreur, terrés dans les tranchées, aspergés de gaz, bombardés de tous côtés.» Et l’ONAC de préciser que ces soldats d’Afrique et parmi eux les Algériens «peu habitués aux rigueurs de l’hiver sont sensibles aux maladies pulmonaires et aux gelures. La violence des combats, les mauvaises conditions climatiques et l’hygiène déplorable des tranchées causent la mort de 78 000 d’entre eux.»
L’impôt du sang à la source du nationalisme algérien
Même s’ils ne savaient pas pourquoi ils se battaient, ces 25 000 jeunes Algériens ne sont pas morts pour rien, car leur sacrifice a servi la cause de leurs frères restés au pays, qui feront valoir «l’impôt du sang» afin d’obliger les hommes politiques français à l’égalité des droits face à l’égalité des devoirs. Mais le pouvoir colonial fera la sourde oreille. Ce qui sera considéré comme une injustice immense, d’autant plus que la question du décret Crémieux (1870) faisait encore couler beaucoup d’encre. En effet, ce décret a naturalisé en masse les juifs d’Algérie, laissant les indigènes musulmans à leur triste sort, prétextant l’incompatibilité de la religion musulmane avec la loi française.
Le sentiment nationaliste va prendre le dessus sur le désir d’entrer dans la cité française, martelé avant la guerre par l’élite indigène regroupée autour du mouvement Jeune Algérien et engagée dans la défense de sa communauté, et qui sera dès lors révolu. Face à cette double injustice, les idées indépendantistes commenceront à souffler portées par un certain Emir Khaled, petit-fils de l’Emir Abdelkader, qualifié par Ferhat Abbas lui-même comme ayant été le premier indépendantiste algérien. Charles-Robert Ageron dit de lui : «On le présente comme un homme de très grande valeur, parlant admirablement le français, connaissant très bien les besoins des indigènes auxquels on ne doit pas s’étonner qu’il se dévoue» (in «Les Algériens musulmans et la France 1871-1919»). Et l’historien ajoute : «C’est un officier aux allures de grand seigneur oriental.»
Sillonnant le territoire algérien où il était accueilli comme un héros, l’Emir Khaled subjuguait les foules.
L’on dit même qu’il fut à l’origine de la création de l’Etoile Nord-africaine (ENA) à Paris et dont il fut usurpé. On n’ose imaginer ce qu’aurait pu être l’ENA, dirigée par ce grand seigneur ! Un duo Khaled-Abbas aurait été une chance exceptionnelle pour l’Algérie durant la période de l’entre-deux-guerres, mais l’Emir Khaled sera exilé en Syrie en 1924. Après son départ, c’est un nouveau mentor qui occupa la scène politique algérienne, Ferhat Abbas, pour ne jamais la quitter. Les Algériens, allant de déception en déception, vont alors s’organiser, d’abord en associations, ensuite en fédérations, et enfin en partis politiques de grande envergure (UDMA et MTLD) pour arracher l’indépendance de leur pays.
Les 25 000 (ou 35 000) Algériens de la grande guerre sont morts, certes, «sans savoir pourquoi ils se battaient», mais les tranchées où les corps de beaucoup d’entre eux ont été ensevelis ont été le sillon vers le chemin de la liberté dont bénéficient les jeunes Algériens d’aujourd’hui. Leur rendre hommage en ce centenaire de la grande guerre, c’est se rappeler l’atrocité de cette guerre dans laquelle ils étaient embourbés et avec laquelle ils n’avaient pourtant rien à voir. Ceci nous fait mesurer ce que furent leurs souffrances et leur désarroi, malgré la bravoure.
*Leïla Benammar Benmansour : Sociologue-Publié dans El Watan-le 26.04.2014
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*Algériens à Verdun
Jamais, sans doute, il n’y eut autant d’Algériens morts en un seul endroit : près de 26 000 ! Sans compter les 75 000 blessés ou estropiés à vie.
Mais était-il possible de survivre à Verdun ? Ceux qui en sont revenus, ceux-là qui sont sortis vivants de neuf mois de pilonnage, neuf mois à subir les gaz allemands, puis la déroute et le repli sur la ville, les gaz encore, l’assaut de juin, l’été passé à repousser l’ennemi, Douaumont enfin récupéré en octobre, les Allemands enfin chassés de Verdun en décembre ; neuf mois de batailles sous la pluie, le froid, la neige, le feu et le fer, ravalés à l’état de bête, ceux-là qui sont revenus de Verdun, survivants d’une ville tombeau où furent immolés 306 000 hommes, ceux-là, nos grands-pères anonymes, étaient sortis de la guerre pour entrer dans l’épouvantable tourment des miraculés de l’enfer. Leur tête a bourdonné à jamais de la rumeur sourde des canonnades qui rythmèrent cette apocalypse, de l’incessant pilonnage qui couvrit les gémissements. Toute leur vie ne fut qu’un incessant défilé de nuits hantées par les déflagrations des obus secouant les collines de la Meuse et les eaux du fleuve, sous la clarté livide du ciel des Ardennes.
Et l’enfant des années trente qui demandait déjà : « Pourquoi ta guerre ne m’a pas fait roumi, père ? Ils ont juré que sur ta tombe de Verdun viendra pleurer la Marianne avec des clés de notre nouvelle maison de lumière ». Il fallait un autre Verdun pour cette lumière improbable, incertaine, mais comment expliquer que c’est l’idée de la lumière qui nous était indispensable…L’idée de la lumière ! Sans elle, nous aurions eu une vie sans mirages, sans folies…
Comment survivre aux cris des agonisants dans les tranchées ? Chaque nuit, dans leur sommeil, il leur semblait entendre le pas des hommes marchant vers la mort, la prière silencieuse des mères – la rumeur d’un siècle embrasé…
Il n’y a pas de vie après Verdun, fils ! Il n’y a plus de vie. Juste des nuits d’épouvante et des jours à chasser ses souvenirs…Ces hommes ne savaient pas si le monde libéré se rappellerait de ses indigènes mais, depuis Verdun, ils priaient Dieu pour que le monde se rappelle seulement d’où il vient : d’une victoire sur l’apocalypse ! Verdun, ce ne sera jamais que ça : la fosse commune de la vanité humaine. « Moi, Guillaume, je vois la patrie allemande contrainte à l’offensive et c’est à Verdun, cœur de la France, que vous cueillerez le fruit de vos peines… » Verdun, « cœur de la France » aux yeux de la Prusse ; Verdun, « boulevard moral de la France » aux dires du maréchal Pétain ; Verdun, 143 000 soldats allemands et 163 000 soldats français ou colonisés, fauchés en neuf mois.
À cette victoire sur l’apocalypse, l’histoire retiendra que des Algériens ont participé par leur sang. « De toutes les colonies françaises, l’Algérie représente, pour la France, avec l’Afrique occidentale française, la plus grande pourvoyeuse en ressources matérielles et en hommes. (…) Bref, l’Algérie a contribué à nourrir la France à bon compte. » C’est ce qu’on lit dans le catalogue de l’exposition organisée en 1996 à Péronne, dans la Somme, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de Verdun.
Et l’enfant des années cinquante qui demandait toujours : « Pourquoi ta guerre ne m’a pas fait roumi, père ? Sur ta tombe de Verdun, père, je n’ai vu qu’une Gitane qui dansait sur nos fantasmes. Quand nous jurions, sur la foi du psaume et du drapeau, que Dieu et l’élu ne nous mentiront pas… »
Le survivant de Verdun la voyait, lui, la maison de lumière, et il était seul à la voir, sa patrie introuvable, dans une corbeille en alfa capitonnée de feuilles de figuier, entre le lait et les figues fraîches, entre ses douars oubliés et les serments de Verdun. Il la voyait, et il était seul à la voir, il savait que la neige ne condamnerait pas toujours ses montagnes. Que peuvent la neige et la nuit devant les ardeurs de son soleil, la lumière de son désert, la douceur de ses dunes ?
Un siècle plus tard, ces hommes gisent-ils dans nos cœurs ou dans nos amnésies ? En juin 2000, dans ce qui restera sans doute l’une de ses plus perspicaces initiatives, le président Bouteflika s’était rendu à Verdun, rendre visite à ces morts décisifs. « Il fallait déchirer le voile de l’oubli sur la dette de sang qui a scellé le destin de deux peuples, et que plus personne, ni d’un côté ni de l’autre de la Méditerranée, ne peut nier », avait-il dit devant les tombes. « Au premier rang dans les batailles, mais au dernier rang à la victoire, les Algériens ont payé lourdement l’impôt du sang… Mais force est de constater que l’importance de la contribution militaire des Algériens pendant la Seconde Guerre mondiale contraste éloquemment avec le bien faible écho qu’elle reçut dans les médias naguère, comme dans les manuels d’histoire aujourd’hui ».
Jacques Chirac, qui avait bien reçu le message, avait dû déclarer haut et fort, lors du dîner officiel : « Je rends hommage, ici, à votre souhait de vous rendre à Verdun, où tant et tant des vôtres sont tombés au champ d’honneur, sur la terre de France. Ils sont morts avec leurs compagnons d’armes, pour que nous vivions libres. Les Français ne les ont pas oubliés. » Puis, solennel, Bouteflika avait dit : « État nation, modernité, droits de l’Homme et État de droit : ces concepts, nous allons en faire faire le principe directeur de notre pratique politique… »
Et l’enfant de 2014 qui demande toujours : « Qu’est-ce qu’un État de droit, grand-père ? Sur ta tombe de Verdun, père, je n’ai vu …. »*Mohamed Benchicou-lematindz-31/01/2014
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La France, « première puissance musulmane »
Sujets français morts pour la France
Invoquer Dieu ensemble au plus fort de la guerre
Un destin commun
**Malika Guerbi, professeure d’Histoire et d’éducation civique. *saphirnews.com-Lundi 11 Novembre 2013
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« EspañaUna campaña que ha coincidido en el tiempo con la visita de la consejera de la Igualdad y Familia, Alicia García, a la sede de la Fundación de Secretariado Gitano en la capital leonesa donde ha realizado un llamamiento a favor de la tolerancia y al respeto a los derechos y libertades de todas las personas. »
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