Ces anciens qui s’en vont.2
**Décès de Hocine Ait-Ahmed à l’age de 89 ans
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*un hommage particulier au révolutionnaire disparu
Il a été enterré vendredi 1er janvier 2016, dans son village natal à Aïn El Hammam,
**Hocine Ait-Ahmed aurait pu diriger l’Algérie mieux que quiconque.*selon certains
***Oran: Rassemblement populaire à la place du 1er Novembre mercredi 30 décembre en hommage à Aït Ahmed
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*Des funérailles simples, simples, simples… à l’image de l’homme
« La proposition de rapatrier la dépouille de Hocine Aït Ahmed dans l’avion présidentiel ou par un avion militaire, tout comme celle de l’enterrer au cimetière El Alia ou celle de son enterrement en présence de la Garde républicaine ont été refusés. Pourquoi ? », s’est interrogé, mercredi, Farid Bouaziz, secrétaire fédéral du FFS à Tizi Ouzou.
Et de répondre : « Il y a quelques jours, j’étais au téléphone avec Djamila Aït Ahmed, la veuve de l’homme historique de la Révolution. Elle m’a fait part de ses volontés. Il voulait des funérailles simples, simples, simples… Exactement à l’image de l’homme, a-t-elle insisté ». M. Bouaziz s’exprimait ce mercredi soir devant une foule importante présente à la veillée funèbre organisée au siège fédéral du FFS.
« L’homme incarne l’honnêteté, la sagesse, l’engagement et la résistance », a souligné Farid Bouaziz. Ce dernier dit avoir compris l’attitude du pouvoir qui veut lui organiser des funérailles grandioses. « Ils veulent réparer l’irréparable », a t-il expliqué. « Il ne faut pas oublier qu’il a été contraint à 50 ans d’exil », a-t-il dit.
Par ailleurs, dans un communiqué rendu public, le FFS a annoncé que le transport de Tizi Ouzou vers Aït Yahia est assuré par la fédération du FFS à partir de l’artisanat de la ville de Tizi Ouzou dès 7 heures du matin, vendredi.***mercredi 30 décembre 2015 | Par Imene Brahimi |tsa
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*L’onde de choc Aït Ahmed
Sa disparition a ravivé l’aspiration démocratique
Les hommages rendus à Hocine Aït Ahmed n’ont pas seulement exprimé l’attachement aux valeurs qu’il a défendues toute sa vie, mais aussi une très forte volonté de capitaliser son combat pour reconstruire une adhésion nationale
à l’idéal démocratique.
Il est des moments décisifs dans l’histoire d’un pays, d’une nation. L’Algérie, qui doute d’elle-même, de son identité et de son devenir, vient de vivre une semaine des plus déchirantes. Depuis l’annonce de la disparition, le 23 décembre dernier, d’un de ses pères fondateurs, Hocine Aït Ahmed, et jusqu’à ses historiques funérailles, le pays était saisi d’une ferveur nationale rare alors que la nation était déjà très mal en point. C’est cette nation ré-unie qui s’est donné rendez-vous à Aïn El Hammam, ce haut lieu de la résistance, pour couronner un chef politique d’exception. Ils sont venus des quatre coins du pays, de Tamanrasset, Adrar, Aïn M’lila, Oran, Mascara et de la vallée du M’zab pour saluer l’homme et surtout pour hériter de son idéal.
De l’enterrement de cette figure politique aux mille combats, quelque chose, en tout cas, est née. Un fort désir d’une autre Algérie incarnée par un Etat de démocratie, des libertés, de progrès et d’émancipation. Un besoin criant d’une Algérie plurielle, ouverte, moderne et prospère, pas celle de la répression, du déni et des injustices. La disparition de l’impénitent militant a ravivé la flamme de l’espoir.
Une résurrection et, osons le dire, la renaissance d’une nation. Un désir de la nation, un désir d’Aït Ahmed car il a été l’homme de cette nation. «La peine et l’émotion des Algériens n’ont eu d’égale que leur indignation envers le gâchis immense occasionné depuis l’indépendance à la communauté nationale par l’ostracisme des pouvoirs en place à l’encontre des orientations de sauvegarde nationale que Aït Ahmed préconisait.
C’est pourquoi de larges milieux patriotiques ont exprimé le sentiment d’une grande perte», écrit le vieux militant nationaliste Sadek Hadjeres dans un bel hommage à son ami et camarade Aït Ahmed. Le vieux militant communiste, qui a subi aussi les affres de la persécution et de l’exil, conclut son hommage en assénant qu’après l’émotion et la grande ferveur «vient pour tous le moment de la réflexion et de la mobilisation». La forte présence de la jeunesse, qui pourtant n’a pas connu Hocine Aït Ahmed, «désabusée» par les errements politiques d’un pouvoir à bout de souffle, est un signe puissant et qui ne trompe pas.
Un moment révélateur qu’il serait inutile de réduire à son unique dimension de deuil ou d’émotion. Une nouvelle génération qui fait corps avec la jeunesse et la justesse des idéaux portés par Aït Ahmed et bien d’autres compagnons de lutte. Le rejet de la délégation gouvernementale n’exprime en rien la haine des hommes, mais le refus énergique des choix politiques inopérants et qui ne répondent plus aux aspirations de la société qui envoie ainsi un message ; elle interpelle les consciences et met les élites politiques devant leurs responsabilités historiques.
«C’est un message de maturité et, au-delà des clivages et des divisions, le peuple est uni autour des idéaux dont il a perçu, en la personnalité de Hocine Aït Ahmed, l’incarnation. Des valeurs d’intégrité, de rectitude et d’engagement en faveur de toute une nation. Aït Ahmed nous a laissé un dernier cadeau : la possibilité de reconstruire le tissu national, une occasion de conclure de nouveau un pacte national, bref la chance de bâtir une deuxième République fondée justement sur les valeurs qu’il a toujours incarnées», discerne la sociologue Fatma Oussedik.
Hamrouche, l’«héritier» naturel
«Il a, qu’on le veuille ou pas, éveillé les consciences : l’honnêteté, les principes et les convictions chevillés à son corps vont peut-être faire des émules parmi les jeunes qui n’ont connu, depuis leur naissance, que la corruption et l’argent sale. Il peut devenir un exemple à suivre pour toute une jeunesse qui cherche des repères», décèle pour sa part la constitutionnaliste Fatiha Benabbou. Faut-il parier sur une nouvelle dynamique politique nationale qui naîtrait de ce moment historique ? Aït Ahmed qui de tout temps a fait le pari de ce qu’il appellait «la voie algérienne» a creusé un sillon de renouveau algérien. «Certainement, la mort d’un grand homme qui a sacrifié sa vie à la nation va donner à réfléchir. Il faudrait un débat sur ce sujet car Aït Ahmed n’était pas homme à faire et à dire n’importe quoi.
Il avait une profondeur et une vision à long terme de sa patrie et il était du genre à sacrifier ses intérêts immédiats à ceux de sa patrie. C’est ce qui fait de lui un homme d’Etat et non un simple homme politique», poursuit Mme Benabbou. «Lors des obsèques d’Aït Ahmed s’est exprimée aussi une forte demande d’un personnel politique digne», estime le politologue Mohamed Hennad.
Se pose alors le vrai défi, celui de savoir comment et qui sont les bâtisseurs en mesure de capitaliser cet espoir qui s’est manifesté à Ath Ahmed. Et c’est là le rôle déterminant des élites politiques, sociales et intellectuelles. Comment réunir les conditions nécessaires à la rencontre des aspirations de la société pour une refondation nationale avec la capacité des élites à ouvrir des perspectives nouvelles et à traduire politiquement ces attentes. De nombreux acteurs politiques ont montré cette disponibilité. Des anciens cadres dirigeants du FFS, des personnalités nationales, des partis politiques semblent en tout cas prêts à forger des compromis politiques.
Un homme a réémergé dans cette circonstance. Il a été acclamé par la foule nombreuse aux obsèques d’Aït Ahmed qui l’ont propulsé une autre fois aux devants de la scène. C’est Mouloud Hamrouche, dont les liens politiques avec le défunt sont évidents. Il est désigné comme «l’héritier naturel» d’une charge politique immense. En 2004, lors d’un grand meeting animé à Aïn Benian (Alger), Aït Ahmed avait déclaré : «Je suis vieux, je vous laisse Hamrouche.»
Avant-hier, l’ancien chef de gouvernement réformateur a réaffirmé ce serment de fidélité : «Nous faisons des adieux avec douleur au grand Hocine Aït Ahmed, mais avec un grand espoir parce que fidèles à l’engagement nous demeurerons.» Le compagnon d’Aït Ahmed durant ces dernières décennies est comme investi d’une mission difficile. Lui qui sillonne le pays pour tenter de rassembler est appelé, aujourd’hui plus que jamais, à sauter le pas. Passer du stade des alertes et des messages à l’action. Il peut être le fédérateur de toutes les forces patriotiques en vue de construire un «nouveau consensus national» et «forcer» le régime à accepter de négocier une issue à la crise. C’est un autre rendez-vous avec la nation à ne pas manquer.*Hacen Ouali / el watan/ dimanche 03 janvier 2016
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Malgré l’ampleur de la tâche, Si L’Hocine aura eu droit à de belles funérailles.
** Nous sommes tous des Aït Ahmed
Il est des enterrements heureux qui résonnent comme une seconde naissance. Les funérailles de Hocine Aït Ahmed – Allah yerrahmou – sont certainement de ceux-là. Combien étaient-ils ? 100 000 ? 200 000 ? 500 000 ? Plus ? Moins ? Difficile à dire. Ils étaient déjà des milliers à investir, dès la veille de l’enterrement, la plateforme de Thissirth n’Echikh aménagée pour accueillir la dépouille de Dda L’Ho.
La route reliant la ville de Mekla à Aïn El Hammam connaissait, dès les premières lueurs du jour de ce vendredi saint, une procession interminable de silhouettes intrépides, bravant le froid, la faim et la nuit, parcourant plusieurs kilomètres à pied pour rejoindre le village d’Ath Ahmed, ultime destination du parcours flamboyant du dernier des «9». Et la foule compacte de grossir d’heure en heure, jusqu’à atteindre une masse critique rendant la mission quasiment impossible aux organisateurs. Malgré l’ampleur de la tâche, Si L’Hocine aura eu droit à de belles funérailles.
Des obsèques populaires, comme il l’avait souhaité, avec, en prime, un soleil printanier en plein hiver «janviérique», comme pour dire que ce premier jour du Nouvel An qui se lève, s’il est bien imbibé de tristesse, augure d’une aube nouvelle dont les restes du géant seraient le ferment. D’ailleurs, ils étaient nombreux à s’insurger : «Mais qui vous dit que Si L’Hocine est mort ?» Formidable dialectique du fumier et de la rose admirablement exprimée par Saïd Mekbel dans son dernier billet, qui colle parfaitement à ce que nous avons vu à Ath Ahmed : cette image prométhéenne (et prometteuse) d’un deuil semeur d’espoir.
5h : cap sur Aïn El Hammam
Tizi Ouzou, 5h. Nous quittons à la sauvette l’hôtel Lalla Khedidja où nous avions élu domicile depuis mardi pour gagner les hauteurs de Aïn El Hammam. C’est qu’en tenant compte de l’affluence record attendue pour l’événement, le risque était grand d’être bloqués sur la route. La ville était déserte en ce lendemain de réveillon mâtiné de mélancolie. La veille, sur la placette entourant l’ancienne mairie, un écran géant relayait la retransmission en direct de l’arrivée de la dépouille de feu Hocine Aït Ahmed à l’aéroport d’Alger.
Emouvant malgré les images censurées à outrance (pas un seul plan de la foule massée à l’extérieur de l’aéroport). Une file de 4×4 sécuritaires et autres fourgons de police était déjà stationnée à la sortie de la ville. Des engins de toute sorte, dont plusieurs ambulances de la Protection civile, ponctuent le paysage. Arrivés à hauteur de la route qui monte vers Michelet via Chaïb, un barrage de police filtre les automobilistes. Nous passons sans peine.
En traversant Mekla et ses rues désertes, notre attention est attirée par une haie d’honneur jalonnant tout le trajet, formée par des policiers en tenue d’apparat, donnant le sentiment qu’on avait affaire à un enterrement de chef d’Etat. Aït Ahmed n’avait certes pas occupé le poste de président de la République, mais on ne peut s’empêcher de voir en lui, par l’empreinte qu’il a laissée dans la mémoire collective et l’émoi profond que sa disparition a provoqué, notre Président de cœur, celui que ces milliers de voix venues l’accompagner à sa dernière demeure regrettaient vivement de n’avoir pas eu comme timonier.
Feux de camp et nuit à la belle étoile
La route se déploie sur un tapis de velours, une voie carrossable fraîchement bitumée. «Même les dos-d’âne ont été rasés», commente Mourad, notre bienveillant accompagnateur qui nous étonnera toujours pas sa connaissance fine de la géographie tortueuse de la Kabylie. 6h passées. A quelques kilomètres de Mekla, barrage citoyen à un carrefour. «Vous devez laisser votre véhicule ici et continuer à pied», ordonne un membre du service d’ordre. Après quelques pourparlers amicaux, nous sommes autorisés à poursuivre notre ascension dans la nuit montagneuse.
Un deuxième barrage filtrant se profilera bientôt. Dans l’intervalle, des processions citoyennes prennent le chemin d’Ath Yahia, des jeunes brûlant d’impatience qui ne pouvaient attendre les premières navettes en bus. Un avis de l’APC de Mekla placardé sur la façade d’un café exhortait les citoyens à s’abstenir de prendre leurs véhicules. Un homme d’un certain âge, en tenue de cycliste de couleur rouge incrustée de petits drapeaux, a eu la lumineuse idée de faire le trajet depuis Tizi à vélo. Chapeau !
Arrivés à l’orée du village d’Ath Ahmed, nous rejoignons la file de voitures garées sur le bas-côté. Nous remarquons d’emblée que les matricules couvrent quasiment les 48 wilayas. Beaucoup parmi ces automobilistes ont passé la nuit dans leur habitacle. Certains ont dormi carrément à la belle étoile. Les plus futés ont déployé une tente de camping pour un bivouac en plein air. Des feux de camp sont allumés çà et là pour se réchauffer.
Aux abords de la plateforme de Thissirth n’Echickh, c’est un véritable charivari d’engins en tout genre, des camions de la police, des tentes de la Protection civile, un «point santé» à l’enseigne de l’hôpital Nedir Mohamed de Tizi Ouzou, des caméras perchées sur les toits. Un écran géant à été installé où l’on pouvait se pâmer devant le verbe savoureux de Si L’Hocine «déclamant» un discours dans sa langue incisive. Et c’est comme s’il était là, en chair et en os. Des secouristes du Croissant-Rouge distribuent des bouteilles d’eau minérale. Et tout le long du parcours, des fardeaux d’eau sont mis gracieusement à la disposition de la population. Même la Wifi est assurée.
Le jour ne s’est pas levé que l’esplanade de Thissirth n’Echikh était déjà noire de monde. A mesure que l’horloge tourne, la foule grossit. Des myriades de bus continuent à déposer des contingents de citoyens affligés par la perte du gentleman opposant. D’aucuns parmi les présents sont drapés du poster du leader charismatique. D’autres s’enveloppent de l’emblème national. Le drapeau berbère est brandi fièrement par certains. Des femmes paradent en scandant des «achewik», des chants funéraires traditionnels qui donnent la chair de poule.
Des délégations communales agitent chacune une banderole en l’honneur du chef historique : «Ath Waghlis pleure Dda L’Hocine. Son combat continue», «Commune de Tizi N’Berber : Nous sommes tous Aït Ahmed», «Beni Ouartilane pleure son fils adoptif»… Des jeunes se promènent avec un portrait géant de Hocine Aït Ahmed sur lequel on peut lire ces mots déclinés en langue arabe, et qui donnent : «Tu es un grand homme et les grands hommes ne meurent jamais.»
Ahmed Djezar est prof de français à la retraite et militant FFS depuis 25 ans. Membre de la fédération de Mostaganem résidant à Sidi Ali, il a démarré jeudi soir à 23h, raconte-t-il, pour pouvoir assister à l’enterrement. «J’ai ramené un registre de condoléances que j’ai ouvert à Sidi Ali. Je souhaiterais l’offrir à sa famille pour lui signifier que Si L’Hocine est présent dans le cœur de tous les Algériens», nous dit Ahmed. Et de confier : «J’ai eu le plaisir de rencontrer Hocine Aït Ahmed à trois reprises.
C’était un homme extrêmement modeste, proche des militants. Il avait beaucoup d’humour aussi. C’était un artiste, il aimait le beau. Il aimait les humbles.» Usant d’une métaphore, il dira : «Une petite goutte de café suffit à altérer la blancheur d’un verre de lait. Il en est ainsi d’Aït Ahmed avec ce système. Si L’Hocine a jeté les assises d’un Etat. Mais que pouvait-il faire face à un système pourri de haut en bas ?»
Méditant la marée humaine qui s’est déplacée pour saluer sa mémoire, Ahmed lâche : «Espérons que cet élan n’est pas juste un coup de foudre !» Même sentiment exprimé par Mourad. Etudiant en biologie animale à l’université de Béjaïa, Mourad craint que cette émotion soit éphémère : «Certes, l’image est belle mais les gens ont la mémoire courte. Ils vont vite oublier tout ça. Le seul qui pouvait nous unir est parti. Je ne pense pas qu’il y aura un autre homme de sa dimension», lâche-t-il un tantinet pessimiste.
«La violence ne mène à rien»
Et d’engager dans la foulée une discussion avec Abdelkader, un vieux baroudeur à la retraite. Le débat tourne autour de la pensée de Si L’Hocine à l’aune de la situation actuelle. Mourad plaide pour une révolution immédiate au risque de verser du sang. Kader s’emploie à tempérer ses ardeurs : «Il faut suivre la voie qu’il (Aït Ahmed) a tracée, il faut travailler et être patient.» Mourad : «Mais les gens n’ont plus de patience, leur quotidien devient de plus en plus difficile.
D’accord, il faut garder espoir, il faut endurer, mais jusqu’à quand ?» Kader persiste et signe : «La violence ne mène à rien. Le sang ne sert à rien ! Il faut une révolution, oui, mais une révolution pacifique. C’est ça le message de Si L’Hocine. Il a toujours été constant dans ses idées jusqu’à sa mort. Il a toujours milité pour la paix. C’était un rassembleur.» Abderrahmane, un ancien du maquis de 1963, a fait le déplacement depuis Oued Amizour pour saluer une dernière fois son défunt frère de combat. «Si L’Hocine pour moi est absent seulement physiquement.
Il est encore vivant.» Des propos qui nous rappellent la fameuse maxime de Saint-Augustin : «Les morts sont invisibles, ils ne sont pas absents.» Pour Bilal, 25 ans, étudiant en mathématiques à l’université de Sétif et résidant à Beni Ourtilane, la meilleure chose qu’on puisse faire pour honorer la mémoire de Dda L’Hocine est que «chacun fasse son travail du mieux qu’il peut». «On ne peut pas à notre niveau parler de lui. On ne pourra jamais l’atteindre dans son courage, l’acuité de sa pensée, ses sacrifices.
Tout ce qu’on peut faire, c’est de nous parfaire dans nos domaines respectifs.» Bilal fera remarquer que «Si L’Hocine vient de renaître, car les gens le connaissent mieux depuis une semaine. Ils connaissaient vaguement son parcours mais ils ne savaient pas en quoi il était rebelle ni contre quoi. Il faut donc commencer par l’enseigner. Vous avez des universitaires qui ne savent rien de son histoire. Ça dit tout de l’état de délabrement de notre école. Et c’est un désastre planifié. En affaiblissant l’école, on a dépolitisé la jeunesse».
«Assa, Azeka, Si L’Hocine yella yella !»
11h10. Un hélicoptère bourdonne dans le ciel. La foule chauffe. Youyous et applaudissements nourris accompagnent le cortège funèbre tout le long de son parcours jusqu’à l’arrivée du corps à Thissirth n’Echikh. «Assa, azeka, Si L’Hocine yella, yella», «Djazaïr hourra dimocratia», «Algérie chouhada», scande la foule en transe. Des «Pouvoir assassin !» fusent également dans la foulée. Le cercueil du vénérable descendant du Cheikh Mohand Ou L’Hocine, drapé de l’emblème national, se fraie difficilement un chemin vers le chapiteau apprêté pour la cérémonie de recueillement. Tout le monde veut l’approcher, le caresser. Bousculade. Hystérie. M. Bouaziz, le fédéral de Tizi Ouzou, s’égosille en appelant tout le monde au calme. A midi, minute de silence. Moment solennel.
La prière du vendredi est officiée sur place suivie par la Prière du mort dans une ambiance chaotique. La dépouille est évacuée avant même la fin de la prière. Une marée compacte entoure l’ambulance de la Protection civile qui emprunte l’étroit chemin vicinal conduisant au mausolée du Cheikh Mohand Ou L’Hocine. La communion est totale entre le vieux mentor et cette jeunesse exaltée. Si L’Hocine peut enfin reposer en paix auprès de sa défunte mère dont il fut si longtemps privé. Maintenant, les voici réunis pour l’éternité dans la paix et le pieux silence des montagnes. Min djibalina. *Mustapha Benfodil / el watan/ samedi 02 janvier 2016 |
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des dizaines de milliers de personnes assistent aux funérailles d’Ait-Ahmed (1)
**14h30. Aït Ahmed enterré dans son village natal.
14h11. L’enterrement d’Aït Ahmed est en cours.
14h04. Les pompiers trouvent beaucoup de difficultés pour avancer au milieu d’une foule compacte.
14h00. L’ambulance s’est arrêtée. Les pompiers ont sorti le cercueil du défunt et se dirigent vers le cimetière pour l’enterrer. La dépouille est enveloppée dans l’emblème national.
13h50. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal n’assistera pas à l’enterrement d’Aït Ahmed. Hué à l’entrée du village natal du défunt, il a rebroussé chemin et n’a pas pu se rendre au cimetière en raison de la désorganisation totale.
13h37. L’ambulance de la Protection civile qui transporte la dépouille du défunt peine à se frayer un chemin parmi la foule compacte pour avancer vers le cimetière.
13h07. L’accès au cimetière est très difficile. Hamrouche, Nebbou, Ali Laskri et d’autres membres de la direction nationale du FFS sont bloqués dans un chapiteau et ne peuvent pas descendre vers le cimetière. Les pompiers transportent le cercueil vers le cimetière. L’anarchie est totale.
12h48. La depouille quitte Thissirth N’Chikh sous les cris « Pouvoir assassin ».
12h40. Une importante délégation du RCD conduite par Mohcine Belabas arrive sur les lieux.
12h35. Il n’est pas facile pour l’imam de prononcer la prière du mort en raison de la désorganisation.
12h20. Ali Laskri, ancien premier secrétaire du FFS, prend la parole pour tenter de remettre de l’ordre. En vain. Le chapiteau est envahi. Le service d’organisation est dépassé.
12h15. Plus d’un million de personnes sont présentes aux funérailles, selon les organisateurs.
11h45. Le service d’ordre est dépassé. Grande anarchie autour du chapiteau où se trouve le cercueil.
11h38. Des milliers de personnes sont venues assister à l’enterrement d’Aït Ahmed. Le cercueil a été placé sous un chapiteau pour permettre aux gens de se recueillir devant la dépouille du défunt.
11h30. Grande émotion à Ath Yahia à l’arrivée de la dépouille d’Aït Ahmed. « La Ilah ila Allah« , scande la foule.
11h15. Arrivée de la dépouille d’Aït Ahmed à Ath Yahia.
11h05. Entre Mekla et Aïn El Hammam les habitants sont sortis pour rendre hommage à Aït Ahmed.
10h28. Le cortège funèbre arrive à Mekla à 20 km d’Aïn El Hammam. Des drapeaux sont accrochés aux arbres et aux maisons. Beaucoup de femmes sont sur les balcons avec des drapeaux à la main. Les commerces sont fermés. Plusieurs personnes sont sur les trottoirs pour rendre hommage à Aït Ahmed. Des policiers sont postés de part et d’autre de la route.
10h25. À Ath Yahia, village natal d’Aït Ahmed, des milliers de personnes attendent l’arrivée du cortège funèbre.
10h12. Le cortège funèbre passe par Oued Aissi, direction Ath Yahia sur les hauteurs de Aïn Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou.
10h05. À la placette de l’ancienne mairie de Tizi Ouzou où la création du FFS avait été proclamée le 29 septembre 1963, des centaines de personnes ont accueilli le cortège funèbre en scandant « Assa azaka, le FFS yela yela ». Dans le centre-ville, des banderoles ont été accrochées un peu partout pour rendre hommage à Aït Ahmed.
09h50. Le cortège funèbre arrive à Tizi Ouzou. Des dizaines de personnes sont sur les trottoirs pour rendre hommage à Aït Ahmed.
09h20. Marée humaine à Ath Ahmed où sera enterré Aït Ahmed.
08h55. Le cortège funèbre vient de traverser le centre-ville des Issers, et poursuit son chemin vers Tizi Ouzou. Des dizaines de personnes étaient sur les trottoirs pour rendre un dernier hommage au défunt.
08h45. Ath Yahia, village natal de feu Aït Ahmed sur les hauteurs d’Aïn El Hammam. La place Tissirth N’chikh où sera exposée la dépouille du défunt, avant son enterrement, est noire de monde. Beaucoup de personnes ont passé la nuit sur les lieux. La foule scande : « Mazalna mouaridine » (Nous sommes toujours des opposants).
08h13. Le cortège funèbre est arrivé à Reghaïa, à 30 km à l’est d’Alger. Il est composé d’une vingtaine de bus et plus d’une centaine de voitures. Le corps du défunt est transporté dans une ambulance des pompiers, précédée par des motards de la Gendarmerie nationale. Des policiers et des gendarmes sont déployés tout au long de l’autoroute qui mène vers Tizi Ouzou. Les accès à l’autoroute sont bloqués pour permettre le passage du cortège funèbre. Les autorités ont déployé un dispositif de sécurité impressionnant.
08h00. Des dizaines de citoyens sont sur les trottoirs au 1er mai et à Belcourt où le cortège funèbre vient de passer.
07h45. La levée du corps de Hocine Aït Ahmed a eu lieu ce vendredi 1er janvier vers 7h30 après l’hymne national et en présence de la famille du défunt, les membres de la direction du FFS et Mouloud Hamrouche. Le cortège funèbre a quitté la direction nationale du FFS à Alger pour se diriger vers Ath Yahia dans la wilaya de Tizi Ouzou où sera enterré l’un des chefs historiques de la Révolution après la prière du vendredi.* vendredi 01 janvier 2016 | Par Imad Boubekri | tsa
**des dizaines de milliers de personnes assistent aux funérailles d’Ait-Ahmed (2)
Il est 6h sur la route d’Ath Yahia, mais le jour n’est pas encore levé. De part et d’autre de la route, les lumières des villages kabyles sont comme des colliers d’étoiles tombées de la voûte céleste. Telles des colonnes de fourmis géantes, de longues processions de citoyens de tout âge marchent dans la nuit, le silence et le froid.
Ils sont des dizaines de milliers à se diriger vers Tissirth n’ Cheikh (le moulin du saint) pour attendre la dépouille de Hocine Aït Ahmed que personne ne présente plus. Les parkings prévus pour recevoir les bus et les véhicules personnels sont déjà pleins à craquer. La plupart sont arrivés dans la nuit, pour, évidemment, ne pas être pris au dépourvu et rater l’événement du siècle. Quand le jour se lève enfin, il donne à voir une véritable marée humaine qui a déjà pris possession des plateformes prévues pour la foule, les invités d’honneur et la dépouille mortuaire. Comme un long fleuve tranquille, la foule continue d’affluer durant toute cette journée de Nouvel An et de nouvelle ère.
Le flux est continu, y compris lorsque les trois portes menant vers Takka Ath Yahia sont bloquées par l’afflux des visiteurs. Arrivée des quatre coins d’Algérie et de Kabylie, cette foule bigarrée, armée de drapeaux, de posters et de slogans est canalisée derrière des barrières métalliques par un service d’ordre qui veille au grain tant bien que mal. Pour rentrer dans la zone des tentes et des chapiteaux, où doit être exposée la dépouille du défunt, il faut montrer patte blanche : un badge ou un visage connu.
Une foule tendue
C’est la partie réservée aux invités de marque, aux personnalités politiques, aux cadres du parti et à la presse présente en très grand nombre. Comme à leurs habitudes, les journalistes se ruent sur les VIP pour leur arracher des déclarations ou impressions. Ils sont concurrencés par une armée de citoyens munis de portables qui filment tout ce qui bouge.
Vers 9h, la foule massée derrière les premières barrières métalliques s’échauffe tout à coup et donne de la voix. Les slogans fusent : «Pouvoir berra !», «Pouvoir assassin !», «Non aux harka !» La cause de ce courroux qui fait fuser des slogans rageurs et lever des poings vengeurs est la présence d’un ancien Premier ministre versé aujourd’hui dans l’opposition. Les organisateurs, qui redoutent un dérapage, tentent de rattraper le coup et c’est le premier secrétaire fédéral de Tizi Ouzou qui est allé au charbon. Au micro, il exhorte la foule à garder son calme et à rester digne. «Assagui matchi d’ass lehssav» (l’heure n’est pas aux règlements de comptes, dit-il.
Ajoutant au passage : «Mes frères, respectez le vœu de Si L’Hocine, que l’enterrement se déroule dans la dignité.» L’arrivée du très controversé président de la JSK, l’inamovible Mohand Cherif Hannachi, a failli allumer un autre brasier, vite éteint par l’intéressé qui bat en retraite. Assailli par les journalistes, il fera tôt de s’éclipser. Mokrane Aït Larbi, lui, est chaleureusement applaudi et salué. L’ancien militant de la démocratie et des droits de l’homme se sent comme un poisson dans l’eau, heureux de voir ce magnifique hommage que le peuple rend à celui qu’il reconnaît comme l’un des siens. «Ces milliers de gens qui sont là parlent pour lui.
Depuis toujours, Hocine Aït Ahmed a milité pour que le peuple soit souverain et que la dernière parole lui revienne. Le pouvoir en a voulu autrement, mais une chose est certaine, mort ou vivant, Dda L’Hocine a toujours gêné le pouvoir. ‘Yedder dhargaz, yemmuth dhargaz’» (Il a vécu en homme et il est mort en homme), résume Mokrane Aït Larbi. «Tout comme Nelson Mandela et beaucoup de grands hommes, il est revenu pour être enterré en son village», ajoute ce ténor du barreau qui a échappé de peu à un destin politique exceptionnel.
Pendant ce temps, la foule arrive sans discontinuer. Elle déborde largement des lieux prévus pour la contenir. A 11h15, l’un des responsables du parti annonce au micro l’arrivée imminente de la dépouille de Si L’Hocine. Un frisson parcourt la foule exceptionnellement dense et tendue. De mémoire de Kabyle, jamais une telle affluence à un enterrement n’a été vue ou vécue. Cela dépasse de loin les funérailles de Dda L’Mouloud Mammeri ou Matoub Lounès qui étaient jusque-là des références en la matière.
Assailli par des centaines de visiteurs massés le long de la route, le cortège funèbre, avec à sa tête l’ambulance transportant la dépouille du vieux leader, a toutes les peines du monde pour avancer. Le speaker supplie longuement et vainement qu’on lui cède le passage. Lorsque enfin le cercueil est extrait de l’ambulance pour être porté à bout de bras et franchir les derniers mètres qui le séparent du chapiteau, où il doit être exposé, une grande émotion s’empare de la foule. Les larmes coulent sur beaucoup de visages.
Les slogans chantés à gorge déployée et les youyous des femmes s’élèvent dans le ciel et créent une atmosphère quasi mystique. «Mes frères, aujourd’hui, l’Algérie se libère pour la deuxième fois !», lance une voix au micro. A partir de cet instant, les funérailles vont rentrer dans une autre dimension. La plupart des barrières cèdent sous la pression de la foule. Des milliers de personnes s’engouffrent à travers les brèches ouvertes dans le dispositif de sécurité. Le service d’ordre s’effondre comme un château de cartes et plus personne ne sera en mesure de peser sur le cours des événements.
Affluence inédite
Ni les membres de la famille, ni les cadres du FFS, ni aucune autre autorité ne peuvent grand-chose. Devenu presque aphone à force de crier dans le micro, le secrétaire fédéral du FFS s’époumone à demander du calme, de la discipline, de la retenue, mais peine perdue. La foule a décidé de s’approprier cet homme dont on l’a longtemps frustré, ce symbole qui a porté ses luttes et ses espérances. Le peuple s’est saisi de son Si L’Hocine qu’il porte à bout de bras, qu’il ne veut pas lâcher. Comme un miracle tombé du ciel, on finit par organiser une petite minute de silence plus ou moins respectée au milieu d’un indescriptible tumulte.
Tout de suite après, on tente de conduire la prière du vendredi. Harcelés par des meutes de paparazzis armés de téléphones portables, étouffés sous les flashs de photographes, la femme et les enfants de Hocine Aït Ahmed battent péniblement en retraite vers des lieux plus cléments, sans doute la maison familiale. Il était pourtant prévisible que toutes les prévisions allaient être dépassées en matière d’affluence, les capacités d’accueil étant très limitées du fait du relief géographique. On appelle à l’accomplissement de la Prière du mort, mais le cercueil a déjà quitté les lieux.
Aucune oraison funèbre n’a pu être prononcée. Tandis que sur la plateforme les uns et les autres prient, la dépouille de Si l’Hocine est emmenée dans une ambulance vers sa dernière demeure. Péniblement. Des milliers de personnes suivent le cortège, alors que l’inhumation devait être un moment d’intimité strictement réservée au cercle familial. Des jeunes s’accrochent désespérément à l’ambulance. Le peuple s’est littéralement emparé du corps d’Aït Ahmed et ne veut plus le lâcher.
Des slogans berbères sont hurlés à gorge déployée. Tout à coup, comme une digue trop longtemps contenue et qui a fini par céder, des fleuves humains coulent sans retenue en direction du village Ath Ahmed, la dernière demeure. Saïd Khellil, ancienne figure de proue du combat identitaire et du FFS, est visiblement ému. Il tente à son rythme de suivre la longue procession en échangeant ses impressions avec de vieux camarades comme Ramdane Achab. Avec un homme au destin si exceptionnel, on ne finit jamais de prendre des leçons.
Dans la vie comme dans la mort. C’est un véritable raz-de-marée humain qui déferle sur Ath Ahmed. Des bruits courent que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a été contraint de rebrousser chemin, sa voiture ayant été caillassée et sa présence huée. Il faut vraiment n’avoir rien compris à son peuple pour oser une telle aventure en territoire notoirement hostile. Quand on est aussi notoirement impopulaire.
Les nouvelles disent aussi que des milliers de personnes sont restées bloquées aux trois portes installées sur les routes menant vers Takka Ath Yahia. En attendant, des milliers de personnes dévalent la descente menant vers Ath Ahmed. Elles coupent, à leurs risques et périls, à travers champs et maquis, au milieu des ronces et des précipices. Bien avant d’arriver au mausolée de Cheikh Mohand Ou L’Hocine où a lieu l’enterrement proprement dit, on entend d’abord la clameur de la foule avant de la voir.
Au sommet d’une colline qui surplombe le site, le spectacle qui s’offre aux yeux stupéfait autant qu’il interpelle. Le mausolée et la petite place du village sur lequel il a été bâti sont pleins comme un œuf. Une marée humaine à la limite de l’hystérie a pris en otage l’ambulance qui contient le cercueil. Bousculades gigantesques et cohues indescriptibles. La foule tangue comme un bateau pris dans une houle invisible.
Là encore, un membre de la famille supplie, avec des sanglots dans la voix, qu’on permette enfin à Si L’Hocine d’être enterré dignement. Les slogans s’entrechoquent : profession de foi musulmane et revendications amazighes déchirent les temps. L’emblème national côtoie le drapeau berbère. Tous les conflits identitaires de la nation algérienne se cristallisent autour d’un Dda L’Hocine qui a toujours tenté de les concilier. L’Algérie dans sa belle diversité et ses contradictions mortelles s’est donnée rendez-vous à Ath Ahmed, autour de la dépouille de Hocine Aït Ahmed.
C’est véritablement au forceps que le cercueil du vieux leader nationaliste et révolutionnaire va finir par être extrait de l’ambulance. Tout autour, sur les collines, les toits des maisons, les arbres, les poteaux électriques, la foule a pris possession des lieux et tente de faire corps avec un symbole qu’elle a fait sien. Un passage va finir par être dégagé au milieu de la cohue.
Porté par des pompiers, le cercueil de Si L’Hocine va être mis en terre. Après toute une vie de combat et de luttes acharnées, le vieux révolutionnaire va enfin reposer auprès de sa mère biologique, au sein de cette mère patrie pour laquelle il a tout donné. De mémoire de Kabyle des montagnes, jamais un enterrement n’aura drainé autant de monde. Il est vrai que n’est pas Hocine Aït Ahmed qui veut.*Djamel Alilat/ el watan/ vendredi 01 janvier 2016 |
**Au siège du FFS, la longue nuit du recueillement
« Assa Asseka, si l’Hocine yella, yella » (Aujourd’hui et demain, Si l’Hocine est toujours là ». Au siège du FFS, des milliers de personnes ont rendu ainsi hommage au combat du chef historique de la Révolution dont la dépouille venait d’arriver de l’aéroport d’Alger, hier jeudi 31 décembre, en fin de journée. De la foule, des youyous fusent, certains sont en larmes. La douleur et la tristesse sont visibles sur les visages de ces milliers de personnes venues de tout le pays pour se recueillir devant la dépouille du dernier historique.
« Si l’Hocine, Si l’Hocine, Mazelna Mouaaridine » (Si l’Hocine, Si l’Hocine, on est toujours des opposants) scandaient les partisans du fondateur du FFS, le plus vieux parti d’opposition en Algérie.
Le bal des officiels, l’arrivée de Toufik
Après l’hommage rendu à Si l’Hocine par tous les membres du gouvernement au salon d’honneur de l’aéroport d’Alger, le wali d’Alger Abdelkader Zoukh est venu au siège du FFS pour se recueillir devant la dépouille du défunt.
Mouloud Hamrouche était parmi les premiers à arriver sur les lieux et à présenter les condoléances à la veuve et à la famille du défunt.
Louisa Hanoue, chef du PT, et Ali Benflis, ont lu la Fatiha aussi à la mémoire d’Aït Ahmed. Abderrazak Makri, président du MSP, a déclaré à la presse : « M. Aït Ahmed est cette image qu’on voit en ce moment. Ce rassemblement des partis, des organisations. Le défunt représente toute l’Algérie et ses couleurs. L’amour d’Aït Ahmed coule dans les veines de tous les Algériens ».
Abderrahmane el-Youssoufi, ex-Premier ministre marocain, Mustapha Ben Jaâfar, ancien président de l’Assemblée constituante de la Tunisie et Rached el Ghannouchi, le chef d’Ennahda tunisien, sont venus rendre un ultime hommage. « Un symbole parmi les symboles de la révolution et la liberté dans le grand Maghreb, l’Afrique et l’Asie. Notre génération a grandi sous l’admiration de ce grand combattant, Si Aït Ahmed », a déclaré le président d’Ennahda. « On le considérait avec ses compagnons de l’époque comme nos idoles. Ils nous ont appris que la liberté est une grande chose et que la colonisation doit être combattue », a-t-il poursuivi.
Parmi les milliers de personnes venues de partout pour rendre un dernier hommage à Aït Ahmed figurent beaucoup de jeunes. « Je le connais à travers ses principes républicains et sa lutte pour la dignité humaine », témoigne un jeune, la vingtaine, venu de Batna.
Rabah, lycéen, a joué des coudes pour se frayer un chemin au milieu de la foule compacte pour se recueillir devant la dépouille du défunt : « On est venus par curiosité au début. Mais on s’en rend compte que cet homme est encore plus grand que ce qu’on connaissait de lui » exprime-t-il ébahi.
Après 21 heures, la foule devenait moins compacte. D’autres personnalités sont arrivées tard dans la nuit pour se recueillir devant la dépouille du défunt. Peu avant minuit, le général Toufik est entré dans la salle pour se recueillir à son tour et présenter ses condoléances à la famille du défunt.
La veillée funèbre a duré jusqu’à 7 heures du matin. Ensuite, le cortège funèbre a quitté le siège du FFS pour se diriger vers Ath Yahia sur les hauteurs d’Aïn El Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou où sera enterré feu Aït Ahmed.*vendredi 1 janvier 2016 | Par Walid Hamada | tsa
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******Les détails de la cérémonie d’accueil et de recueillement
L’arrivée de la dépouille de Hocine Aït Ahmed, décédé mercredi dernier à Lausanne en Suisse, est prévue jeudi 31 décembre 2015 à 16h à l’aéroport d’Alger où les honneurs lui seront rendus par la Garde républicaine, en présence de sa famille et de membres de la Direction nationale du FFS, indique le parti.
La veillée de recueillement à sa mémoire aura lieu au Siège national du parti, 56 avenue Souidani Boudjemaa, Alger. La levée du corps se fera le vendredi 1er janvier 2016 à 7h00. Le cortège funèbre traversera la commune de Belouizdad à Alger, la commune d’Isser à Boumerdes et la commune de Tizi Ouzou.
L’enterrement aura lieu le jour même, après la prière du vendredi, au village Ath Ahmed dans la commune d’Ath Yahia.
« Issu d’une famille maraboutique musulmane, il aura mené ses combats politiques dans la stricte séparation du politique et du religieux. Humaniste fervent, il défendra des principes de tolérance dans le respect de toutes les religions et de tous les rites, loin de tous les extrémismes. Le Coran l’accompagnera de l’annonce de son décès à sa mise en terre », souligne le FFS.
« Révolutionnaire patriote, Moudjahid et Républicain de la première heure, il aura été un des membres fondateurs de l’OS, du FLN et de l’ALN dans son combat pour la libération de l’Algérie. Son cercueil sera enveloppé dans l’emblème national pour lequel il a combattu », ajoute le texte.
« À la fois grand et humble, Hocine Aït Ahmed a consacré sa vie à contribuer à rendre la grandeur aux humbles et à inviter les grands à l’humilité », conclut le texte qui rappelle que le défunt a émis le vœu d’être enterré dans son village natal.* mercredi 30 décembre 2015 | Par Sonia Lyes | tsa
*La veuve d’Aït Ahmed refuse la voiture de la Présidence et préfère prendre le bus
la délégation du FFS boude le gouvernement à l’aéroport
La direction du FFS et la famille d’Aït Ahmed n’ont pas eu de contact avec la délégation officielle du pouvoir à sa tête le Premier ministre Abdelmalek Sellal, lors de l’accueil jeudi de la dépouille d’Aït Ahmed au salon d’honneur de l’aéroport d’Alger, a-t-on appris d’un membre de la délégation du FFS.
« La délégation du FFS ainsi que la famille d’Ait Ahmed n’ont ni salué ni serré la main aux ministres présents lors de l’accueil officiel de la dépouille de Hocine Ait Ahmed au salon d’honneur à l’aéroport d’Alger », affirment plusieurs membres du FFS. « La présidence a également mis à la disposition de la veuve d’Ait Ahmed une voiture officielle, mais la proposition a été refusée par la direction du FFS. La famille du défunt, venue de Suisse a préféré prendre le bus du FFS « , expliquent nos sources.
Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, n’était pas à l’aéroport, mais il s’est déplacé au siège national du FFS jeudi soir pour se recueillir devant la dépouille d’Aït Ahmed. Il était le seul ministre à le faire.* vendredi 1 janvier 2016 | Par Imad Boubekri | tsa
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*La délégation officielle empêchée d’assister à l’enterrement
La délégation n’a pas tardé à rebrousser chemin et n’a finalement pas pu assister à l’enterrement.
L’arrivée de la délégation officielle conduite par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et composée, entre autres, de Mohamed Larbi Ould Khelifa, président de l’APN, du ministre des Moudjahidine et celui de la Jeunesse et des Sports, ainsi que du secrétaire général de l’ONM et celui de l’UGTA, a été chahutée par des citoyens qui ont lancé des pierres et des bouteilles d’eau sur le cortège en scandant «Pouvoir assassin». La délégation n’a pas tardé à rebrousser chemin et n’a finalement pas pu assister à l’enterrement.
De nombreuses personnalités politiques ont, par contre, assisté aux obsèques du fondateur du FFS. Vers 9h, Ali Benflis, secrétaire général du parti Talaie El Houriat, arrive accompagné des militants de sa formation politique. «Je suis venu m’incliner à la mémoire de Dda L’Hocine, car il s’agit d’un devoir de rendre hommage à ce moudjahid qui a lutté pour la libération de notre pays. C’est un grand militant qui s’est aussi sacrifié pour l’Algérie après l’indépendance.
Ceux qui ont fait du mal à Si L’Hocine sont loin d’atteindre sa dimension», a-t-il déclaré. L’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, était également sur place pour assister à l’enterrement. «Aït Ahmed était un fervent défenseur des droits de l’homme et un grand militant de la démocratie», s’est-il contenté de déclarer.
Le secrétaire général du parti Ennahda, Mohamed Douibi, et le secrétaire général du mouvement El Islah, Fillali Ghouini, étaient également au rendez-vous. Une délégation du RCD, conduite par le président du parti, Mohcine Belabbas, a pris part aux funérailles. Parmi la grande foule d’anciens cadres du FFS et des animateurs du Mouvement culturel berbère (MCB), à l’image de Djamel Zenati, Ahmed Djedai, Saïd Khellil, Saïd Boukhari, Arezki et Mokrane Aït Larbi.*Hafid Azzouzi / el watan/ samedi 02 janvier 2016 |
**quand le pouvoir impose sa cérémonie officielle à l’aéroport
Des dizaines de personnes, le drapeau sur les épaules ou le portrait d’Aït Ahmed à la main, se sont rassemblées près du salon d’honneur présidentiel dans l’après-midi de ce jeudi 31 décembre. Bloqués derrière les cordons formés par les gendarmes d’un côté et les policiers de l’autre, des militants du FFS, de vieux sages venus d’Azazga et autres anonymes n’ont pas pu se recueillir sur la dépouille du leader historique de la Guerre de libération.
Sur le chemin menant au salon d’honneur présidentiel, des dizaines de véhicules et de fourgons de la police et de la gendarmerie stationnés dont ceux de la Brigade de recherche et d’investigations (BRI) leur faisaient barrage. Des agents de sécurité de la présidence de la République étaient sur place pour filtrer les entrées. Outre les membres du gouvernement, les listes des personnes autorisées à y assister sont préalablement établies.
« Djanaza chaâbia, Djanaza chaâbia(obsèques populaires) » a scandé la foule à la sortie de l’ambulance transportant la dépouille de Hocine Ait Ahmed, puis des véhicules officiels escortés par les éléments de la BRI. Avant de rendre un ultime hommage au militant infatigable de la démocratie en Algérie : « Assa azzeka, FFS yella, yella (Maintenant et demain, le FFS ».*jeudi 31 décembre 2015 | Par Hadjer Guenanfa | tsa
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***Hocine Ait-Ahmed, l’un des dirigeants historiques de la Révolution algérienne et président d’honneur du Front des Forces Socialistes (FFS) est décédé mercredi 23 décembre 2015 à Genève (Suisse).
Né en 1926 à Aïn El Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou, Ait Ahmed, lycéen à Ben Aknoun à Alger, il adhère au PPA dès 1943 et y défend le recours à la lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie dès 1946. En 1947, il est coopté au Bureau politique de son parti chargé de l’État-major de l’Organisation secrète et la préparation d’une insurrection armée.
Dès 1954, il se prononce pour la lutte armée et défend les thèses du FLN, dont il est l’un des fondateurs. Deux ans après, le 22 octobre 1956 ; il est kidnappé par l’armée française avec Ben Bella, Boudiaf et Khider dans l’avion Air-Atlas qui les menaient de Tanger à Tunis. Il reste en prison jusqu’au cessez-le-feu en 1962. Ministre d’État du GPRA, il s’oppose au groupe de Ben Bella et l’État-major de l’ALN dirigé par Houari Boumedienne.
À l’indépendance, député de l’Assemblée constituante, il s’oppose au régime de Ben Bella et lance le FFS en 1963, après avoir dirigé une courte rebellion armée en Kabylie, en compagnie du colonel Mohand Oul Hadj. Arrêté en 1964, il est condamné à mort, avant d’être gracié. Il s’évade de la prison d’El Harrach en 1966 et s’exile en Suisse.
Le 15 avril 1990, il rentre au pays et relance le FFS. En 1999, il s’est porté candidat à la présidentielle, avant de se retirer avec d’autres candidats, laissant Abdelaziz Bouteflika, futur président, seul en course.*mercredi 23 décembre 2015 | Par Riyad Hamadi | tsa
**un hommage particulier au révolutionnaire disparu
Il sera enterré vendredi 1er janvier 2016, dans son village natal à Aïn El Hammam,
Hocine Aït Ahmed, décédé mercredi à Lausanne, sera enterré vendredi 1er janvier 2016, dans son village natal à Aïn El Hammam, Tizi Ouzou. Le jour de ses obsèques n’est toujours pas rendu public. Le président Bouteflika a fini hier par décréter un deuil national de 8 jours à compter d’aujourd’hui. Retour sur une icône de la Révolution algérienne et le pionner de l’opposition.
Au lendemain du décès de la figure de proue du mouvement national et fondateur du FFS, Hocine Aït Ahmed, la commune d’Aït Yahia, dans la daïra de Aïn El Hammam, à 50 kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou, a connu une grande affluence de citoyens qui se sont déplacés, sans discontinuer au village Ath Ahmed pour présenter leurs condoléances à la famille du défunt.
D’ailleurs, nous avons même remarqué la présence de personnes venues d’autres wilayas pour rendre hommage au révolutionnaire disparu. Boussad, l’un des membres de la famille du regretté, nous a confirmé que Hocine Aït Ahmed allait être inhumé dans son village, comme il l’avait souhaité de son vivant. «Il sera inhumé ici, à Ath Ahmed. C’est lui, en personne, qui a voulu être enterré dans son village.
Donc, on doit respecter son souhait. Je peux vous dire que Dda El Hocine n’appartient pas seulement à la famille Aït Ahmed, mais il appartient à toute l’Algérie. C’est un homme qui a accompli sa mission de nationaliste et de défenseur des droits de l’homme ainsi que de militant pour la liberté et la démocratie. Il était un farouche opposant qui a toujours été aussi à l’avant-garde du projet démocratique en Algérie. Son combat ne sera pas vain», nous a précisé notre interlocuteur.
Ce dernier nous a expliqué également qu’il est en contact permanent avec la femme et les enfants de Hocine Aït Ahmed qui l’informent sur toutes les démarches inhérentes au rapatriement de la dépouille. «Je ne peux pas vous donner le jour de l’arrivée de la dépouille de Genève. Mais une chose est sûre, l’enterrement n’aura pas lieu avant lundi», nous a-t-il affirmé tout en précisant que les préparatifs des obsèques sont en cours. D’ailleurs, même les collectivités locales et les services de la direction des travaux publics ont mobilisé tous leurs engins pour entreprendre des travaux de nettoyage de la route desservant le village.
D’autres militants de la démocratie, des anciens du FFS, sont venus de plusieurs régions de la Kabylie. Un sexagénaire de Raffour, dans la wilaya de Bouira, nous a donné un témoignage émouvant sur le défunt qu’il considère comme l’un des hommes qui ont marqué de leur empreinte l’histoire du pays.
Nous avons trouvé également au village d’Aït Ahmed des élus de différentes tendances politiques. Mohamed Boukhtouche, maire de Souamaâ, dans la daïra de Mekla, nous dira quelques mots sur la disparition du fondateur du FFS : «Nous venons de perdre l’un des pères fondateurs de la nation algérienne.
Il faut dire aussi que l’Algérie a perdu l’ultime chance d’instaurer un régime démocratique, comme l’a souhaité Hocine Aït Ahmed», nous a-t-il déclaré. Dans l’après-midi, nous avons remarqué l’arrivée d’une délégation conduite par le secrétaire général de la wilaya. Un membre de celle-ci a souligné que «les funérailles de Hocine Aït Ahmed seront organisées à la hauteur d’un grand homme d’Etat.
Tous les frais engagés par le comité de village, l’APC où les associations dans le cadre de l’organisation de cet événement seront pris en charge par les services de la wilaya de Tizi Ouzou.» Même en fin de journée, des dizaines de citoyens continuaient à affluer vers la zaouia de Cheikh Mohand Oulhocine, grand-père de Hocine Aït Ahmed, où se poursuivent les préparatifs des funérailles du défunt. Par ailleurs, notons que la fédération de wilaya du FFS a décidé d’organiser pour aujourd’hui un regroupement d’élus et militants à la maison de la Culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, et ce, en hommage à Hocine Aït Ahmed.
**L’hommage de Bouteflika
Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a qualifié hier le défunt Hocine Aït Ahmed de «sommité dont les valeurs humaines, la finesse et l’intelligence politique inégalées» avaient «éclairé un pan de l’histoire du militantisme algérien et marqué de leur empreinte l’histoire de tous les mouvements de libération de par le monde».
Dans un message de condoléances adressé à la famille et proches du défunt, le président Bouteflika a écrit : «L’un des grands hommes de l’Algérie, un éminent militant et un dirigeant historique hors pair, le moudjahid Hocine Aït Ahmed vient de nous quitter… Louanges à Dieu, à la volonté duquel nous ne pouvons que nous résigner car nul n’est éternel.
Mais il peine à l’Algérie de perdre une sommité de la trempe de Hocine Aït Ahmed dont les valeurs humaines, la finesse et l’intelligence politique ont éclairé un pan de l’histoire du militantisme algérien et marqué de leur empreinte l’histoire de tous les mouvements de libération de par le monde…
Je ne saurais me consoler de la disparition de cet homme fidèle à sa patrie, soucieux de l’unité de sa Nation, courageux dans ses positions, attaché à ses principes, affable, constructif dans ses critiques, digne dans son opposition à l’égard de certains responsables dont il contestait le mode de gouvernance et la méthode de gestion.
Un homme qui se refusait à la surenchère et aux compromissions lorsqu’il s’agissait de questions cruciales intéressant sa patrie», a écrit le président de la République….
Ni moi, ni le peuple algérien, ni l’Histoire n’oublierons le regretté Hocine Aït Ahmed qui s’était dévoué pour son pays, qui est resté fidèle à son peuple et a honoré le serment.
L’Algérie a perdu en la personne de Hocine Aït Ahmed un de ses grands hommes qui a accompli avec abnégation et dévouement son devoir de militant et de moudjahid», lit-on dans le message. APS
*Hafid Azzouzi / el watan/ vendredi 25 décembre 2015
***Témoignages–Hocine Aït Ahmed, nous dira son neveu, laisse deux garçons et une fille. Il avait perdu sa mère en 1983, et comme il était en exil, il n’avait pas pu assister à son enterrement. En 2004, Mohand Amokrane, le jeune frère de Si El Hocine, rejoint l’au-delà, alors que leur père est décédé en 1959. C’est également de son vivant que le chef du premier parti de l’opposition en Algérie a perdu successivement deux de ses quatre sœurs, Zhor et Fatima. Il ne reste de la fratrie que Nora et Leila (que Dieu leur prête longue vie). «Si El Hocine était quelqu’un d’extraordinaire. J’ai eu à travailler avec lui dans le service d’ordre au sein du FFS. Il était très sensible, pensait à tous les militants et se souciait de tout le monde. Il ne pouvait jamais dîner avant les autres. Il était toujours aux petits soins avec ses accompagnateurs et les policiers qui se bousculaient d’ailleurs pour être de l’équipe de garde.
*Il ne s’énervait jamais, malgré la charge de travail. L’image qui m’a frappé en le côtoyant de près, c’est qu’il ne cessait jamais de remercier tout le monde, leur disant : ‘‘Ce que vous faites compte beaucoup pour moi’’», témoigne encore Boussaâd, le neveu du regretté disparu, en rapportant cette anecdote : «Un jour, au village, à l’âge de 4 ans (Aït Ahmed) alors qu’il discutait avec Cheikh Saïd de Larbaâ Nath Irathen, un vieux ‘‘boudali’’ marabout (ce type d’aliénés mentaux mais sages, errants et souvent prédicateurs d’avenir, fréquents en Kabylie), lui lançait : ‘‘Si El Hocine, la fourrure de ta jaquette sent la politique ; tu es prédestiné à cela !’’» Boussaâd rapporte encore : «En rentrant en Algérie le 15 décembre 1989, Hocine Aït Ahmed a eu droit à un accueil triomphal. Un véritable raz-de-marée humain avait déferlé sur le village.Sur son chemin, Si El Hocine s’est arrêté à Larbaâ Nath Irathen, Ath Hichem, Aïn El Hammam… Il faisait du porte-à-porte pour saluer les gens. Il disait : ‘‘Je comprends les gens avec lesquels j’étais pendant toutes ces années passées dans la région. Je suis agréablement surpris par l’engouement de ces jeunes qui ne m’ont même pas connu physiquement. Selon notre interlocuteur, Aït Ahmed aimait s’isoler sur les hauteurs du village, au lieudit Anar Oufella. Il aimait contempler la nature, lire les journaux et discuter avec des écoliers de passage. Autre anecdote : «Un jour, Dda El Hocine demandera à un élève en arabe : ‘‘Kam sana taqra ?’’ (tu es en quelle année dans ta scolarité ?) N’ayant rien compris, l’enfant s’est tu. Aït Ahmed revient à la charge en lui reposant la même question en français.
*Tous les maquisards sont passés par ici : Amirouche, Krim Belkacem, Benkhedda… Paradoxalement, ce village n’est jamais cité en matière d’histoire. Dans les années 1970, on nous a même interdit le placement d’un panneau indicatif du village. Un agent des travaux publics m’avait confié alors avoir reçu l’ordre de ne pas l’installer», affirme Boussaâd, en disant : «On ne nous a pas encore placé de compteurs à gaz, mais nous avons l’oxygène. On respire, Dieu merci !» Cinquante-trois ans après l’indépendance, le village natal de Hocine Aït Ahmed n’est toujours pas branché au réseau d’alimentation en gaz naturel. «Les travaux ne sont pas encore terminés», nous apprend un habitant. En 2007, le «zaïm» du FFS est revenu en Algérie, mais il n’avait pas eu le temps de rendre visite aux siens. «Sa modeste maison a été retapée, mais il ne l’avait pas vue», affirme son neveu.*el watan/ samedi 26 décembre 2015
***Abderrahmane Youssoufi, ancien responsable de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) marocain ; ancien Premier ministre et compagnon de Mehdi Ben Barka, a tenu à venir à Alger rendre hommage à son ami Hocine Aït Ahmed.
Du haut de ses 91 ans et avec l’énergie que lui impose son âge , Abderrahmane Youssoufi a voulu répondre présent au dernier rendez-vous avec «El Hocine» son ami. «J’ai connu El Hocine alors leader du Mouvement national algérien. Dès le premier jour, j’ai eu la conviction que la Révolution algérienne avait un grand leader», témoignait-il hier au siège du FFS. Et de se rappeler : «Je l’ai mieux connu après, quand il a été arrêté par l’armée française et fait prisonnier avec les quatre autres dirigeants du FLN.
J’ai pu grâce à mon métier d’avocat rendre visite à plusieurs reprises aux cinq détenus. Avec d’autres avocats, nous servions aussi de porteurs de messages entre les cinq détenus et les dirigeants du GPRA. J’ai bien connu El Hocine en ce temps-là et nous avons depuis continué à avoir une profonde relation d’amitié.» Youssoufi a aussi fait partie du collectif d’avocats qui avait défendu Hocine Aït Ahmed en 1965, quand il avait été condamné à mort par Boumediène. «Je garde toujours en souvenir ma participation à sa défense.
Nous avions pu obtenir du président de la République d’abandonner la condamnation à mort», souligne notre interlocuteur. Et d’ajouter : «Nous avons eu une relation d’amitié profonde et c’est pour cela que je suis ici aujourd’hui et j’ai tenu à venir.» Youssoufi évoque la foi de Hocine Aït Ahmed pour l’Union du Maghreb. «C’était le leader de l’Afrique du Nord le plus convaincu et fervent défenseur de l’Union du Maghreb…
Personne, je dis bien personne, parmi les autres leaders maghrébins, n’a autant que lui cette foi et conviction profonde dans l’édification de l’Union du Maghreb. Hocine est un symbole pour tout le Maghreb, il nous quitte aujourd’hui en laissant le testament de l’édification de l’Union maghrébine. Je suis certain que son testament sera respecté et donnera jour à une action positive.»*Nadjia Bouaricha / el watan/ samedi 26 décembre 2015
*****************La fédération de wilaya de Tizi-Ouzou du Front des forces socialistes (FFS) a organisé, vendredi, un hommage émouvant à la mémoire de l’ancien président de cette formation politique.
La cérémonie, qui s’est déroulée à la maison de la culture Mouloud Mammeri de la ville des genêts, a regroupé des militants, des cadres, des élus nationaux et locaux et des anciens militants du parti.
Des bougies ont été allumées sur une scène au milieu de laquelle trônait un portrait du défunt.
Le wali, Brahim Merad, est arrivé avant l’ouverture de cette cérémonie pour présenter ses condoléances à la famille politique du FFS.
Un ancien militant du FFS, Ali Tifou, a, dans sa prise de parole, rendu hommage au « père de la Révolution qui a beaucoup donné pour l’Algérie en embrassant la cause nationale dès l’âge de 16 ans pour lui consacrer 70 ans de sa vie ».
Pour sa part, le président de l’Assemblée populaire de wilaya (APW), Hocine Haroun, a observé que « Hocine Ait Ahmed a su transcender les différends, les clivages et les partis politiques ».
De son côté, le sénateur Moussa Tamadartaza a souligné que le meilleur hommage à rendre à Da Lhocine c’est de « poursuivre son combat, rendre ses idées éternelles et de faire du FFS, premier parti d’opposition en Algérie, un parti éternel ».
« Hocine Ait Ahmed est resté rattaché à son pays, défendant une Algérie unie et indivisible », a-t-il poursuivi, ajoutant que « sa volonté d’être enterré chez lui à Ait Yahia rappelle ce lien fort qui existe entre l’homme et la terre ».
Les intervenants qui ont suivi ont, tous, souligné que le meilleur hommage à Hocine Ait Ahmed est de « poursuivre son combat et de rester fidèle aux valeurs qu’il a défendues et qui ont forgé la ligne du FFS ».
A la fin de cette cérémonie, un appel a été lancé aux militants pour s’organiser sous l’égide de la Fédération du FFS de Tizi-Ouzou afin de préparer les funérailles prévues pour vendredi prochain au village Ait Ahmed (commune d’Ait Yahia), qui seront marquées par la présence d’une foule nombreuse.
12h42 : L’enterrement du défunt Hocine Ait Ahmed aura lieu vendredi 01 janvier 2016 au village Ait Ahmed dans la commune d’Ait Yahia (50 km au Sud Est de la wilaya de Tizi Ouzou), a annoncé, vendredi, le Front des Forces Socialistes (FFS) dans un communiqué.
Le FFS écrit que « Hocine Aït Ahmed sera rapatrié en Algérie jeudi 31 décembre prochain. Une veillée de recueillement aura lieu ce même jour au siège national du FFS, à Alger » et il « sera inhumé le lendemain, vendredi 1er janvier 2016, dans son village natal, Ait Ahmed (commune d’Ait Yahia) »
« Une cérémonie de recueillement aura lieu à Lausanne mardi 29 décembre afin de permettre à ses amis en Suisse et ses relations internationales de lui rendre un dernier hommage », toujours selon le FFS.*Par Ameziane Athali | vendredi 25/12/2015 |algerie1.com/
**Travaux d’urgence entamés au village natal Aït Ahmed
Le wali de Tizi-Ouzou, Brahim Merad, sur instruction du président Bouteflika s’est déplacé ce vendredi au village natal du défunt Hocine Ait Ahmed sur les hauteurs de La Kabylie. Accompagné d’une délégation, M Merad fait un état des lieux pour ensuite engager des travaux en urgence.
C’est ainsi que des travaux d’agrandissement de la route conduisant au village ont commencé. Ils seront suivis juste après par la pose de l’asphalte. Ali Haddad, comme il l’avait annoncé la veille au siège du FFS avait mobilisé sa flotte d’engins de travaux publics pour les travaux.
3.000 militaires mobilisés
Des plates formes seront également aménagées de façon à permettre le stationnement des véhicules, car l’on s’attend à des milliers de personnes le jour de l’enterrement. En plus des travaux, on parle aussi de 3.000 militaires qui seront déployés dans la région, de façon à sécuriser la région où des actes terroristes continuent d’être perpétrés périodiquement.
Toujours sur le plan sécuritaire, un dispositif policier sera déployé le jour de l’enterrement pour canaliser le flux des milliers de visiteurs attendus. La maison des frères Ait Ahmed, construite dans les années quatre-vingt-dix, mais jamais habitée a fait l’objet de travaux de peinture.
Selon des indiscrétions, ce serait Abdelmalek Sellal, accompagnée d’une délégation ministérielle qui représentera le président Bouteflika aux funérailles. Nous avons par ailleurs appris que le corps du défunt accompagné des membres de sa famille arrivera jeudi à Alger à bord d’un avion spécial.
Toute le journée de vendredi c’est une procession infinie de personnalités, de responsables d’associations au siège du parti pour la signature du registre de condoléances.*Par Mourad Arbani | vendredi 25/12/2015 |algerie1.com/
**Oran: Rassemblement populaire à la place du 1er Novembre en hommage à Aït Ahmed
Mercredi prochain, aux alentours de 16h30, des citoyens oranais issus de la société civile se rassembleront à la place du 1er Novembre pour rendre un hommage à feu Aït Ahmed, qui vient de nous quitter.
Cet hommage se voulant populaire est non pas de l’initiative du bureau régional du FFS à Oran, mais est de la volonté de la société civile, nous explique Chafaa Aguenihanai, le coordinateur du FFS de la wilaya d’Oran.
Il faut dire que depuis jeudi dernier, le bureau d’Oran de ce parti, sis dans le quartier historique de Sidi El Houari, connait une affluence extraordinaire de citoyens oranais, venus présenter leurs condoléances.
Au niveau des autorités locales, le P/APW a appelé le coordinateur d’Oran du FFS pour faire part de ses condoléances au nom de la wilaya d’Oran. «Hocine Aït Ahmed appartient à tous les algériens, nous dit encore Chafaa Aguenihanai.
Tous les algériens le pleurent. Je suis ému par les marques de sympathie à son égard au niveau de la wilaya d’Oran. Notez que beaucoup d’Oranais s’organisent pour aller, jusqu’à Aïn Hammam à Tizi Ouzou pour assister à ses funérailles vendredi prochain. » *Akram El Kébir/ el watan/ lundi 28 décembre 2015
**L’hommage de la Nation
La mort de Hocine Aït Ahmed a suscité de nombreuses réactions de la classe politique, personnalités nationales et internationales, organisations de masse et ONG qui étaient unanimes à lui rendre hommage pour son parcours exemplaire du début de la Révolution jusqu’à sa mort en «exil». Les qualités de l’homme et du militant ont été saluées par toute la classe politique, sans exception aucune. L’ancien président de la République, Liamine Zeroual, l’a qualifié de l’un des derniers pères de la nation et de grand patriote. «L’Algérie vient de perdre aujourd’hui un symbole et un grand patriote.
C’est l’un des derniers pères de la nation qui disparaît. Il était symbole d’abnégation, de rigueur, de ténacité et, surtout, de morale. Sa vie s’est toujours confondue avec son pays présent à tous les instants dans son cœur. Puisse-t-il inspirer la jeunesse algérienne ! Et à cette occasion, je présente à sa famille, à ses proches ainsi qu’à tous les militants du FFS mes condoléances les plus sincères», écrit Liamine Zeroual.
«Une Algérie républicaine»
Un grand hommage à Aït Ahmed est venu d’une autre figure historique, à savoir Rédha Malek, l’un des négociateurs des Accords d’Evian. «Aït Ahmed est une grande figure de la Révolution qui vient de s’éteindre. Tous ceux qui l’ont connu, dont moi-même, doivent reconnaître son attachement à l’idéal de cette Révolution qu’il a incarné avant le déclenchement du 1er Novembre 1954 et qu’il a continué à incarner jusqu’à son dernier souffle.
Même en exil, Hocine Aït Ahmed a continué à défendre de façon exemplaire cette idée qu’il avait et qu’il voulait voir s’appliquer et devenir effective. L’idée d’une Algérie républicaine, démocratique et de progrès. Tout cela faisait partie de sa personnalité. On lui a reproché parfois sa trop grande fierté personnelle.
En réalité, c’est une fierté qu’il avait pour l’Algérie elle-même», a souligné Rédha Malek. Des témoignages comme celui-ci, il y en a eu beaucoup. Edgar Morin, sociologue et philosophe français, a, de son côté, rendu hommage à cette grande figure politique et historique. «Je salue la mémoire d’Aït Ahmed, cofondateur du CRUA, grande et noble figure algérienne, qui sut demeurer révolutionnaire et démocrate», a-t-il twitté.
«Cohérent avec lui-même»
Nouredine Boukrouh, ancien ministre, a insisté dans son hommage sur la constance des positions de Hocine Aït Ahmed qui demeure un opposant intraitable, même à sa mort. «Aït Ahmed aura été original même dans sa mort. Opposant intraitable au ‘système’ de son vivant, il est parti en lui infligeant un dernier camouflet : être l’unique ‘historique’ à refuser d’être enterré au cimetière officiel El Alia pour s’en démarquer jusqu’à la fin des temps.
Cohérent avec lui-même, seigneurial et humble à la fois, il a préféré à cet ‘honneur’ douteux car souillé par le crime (assassinat de Abane, Krim, Khider, etc.) et l’imposture (faux moudjahidine qui y reposent), le voisinage pur des gens du peuple de Aïn El Hammam. Dors en paix brave homme !», écrit-il sur son mur facebook.
La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a également rendu hommage à ce grand défenseur des droits humains. «L’Algérie vient de perdre un de ses meilleurs enfants, un homme dont la vie s’est confondue avec l’histoire de son pays », écrit la LADDH de Noureddine Benissad. Le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) se dit «attristé et très peiné par le décès de Hocine Aït Ahmed, figure emblématique du Mouvement national pour l’indépendance de l’Algérie, militant engagé, déterminé et infatigable».
L’esprit patriotique
«Dda l’Hocine, un homme à principes, de dialogue, de consensus et de paix, un homme qui a marqué l’histoire par son engagement très jeune pour l’indépendance de l’Algérie, un homme qui a consacré sa vie pour la lutte contre l’injustice, pour la liberté et la démocratie, pour le triomphe de la dignité des Algériennes et des Algériens.
L’Algérie est orpheline aujourd’hui de l’un de ses monuments», a souligné cette ONG dédiée à la jeunesse. L’Observatoire amazigh des droits de l’homme lui a rendu hommage en insistant sur «sa capacité de s’exprimer avec aisance et éloquence, mais aussi par la pertinence de ses propos et sa ferveur». Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qualifie, sur sa page facebook, Aït Ahmed de «grand militant historique». Le président de l’APN a lui aussi loué la qualité de l’homme connu pour «ses positions constantes».
Le PST considère que «c’est un pan de notre histoire qui s’en va. (…) Un pan du combat pour les libertés démocratiques, pour une Assemblée constituante, pour l’officialisation de tamazight, pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, pour la séparation entre la religion et l’Etat et contre la dictature et l’oppression». Abderrazak Makri, président du MSP, a souligné le double combat d’Aït Ahmed, d’abord pour l’indépendance, ensuite pour la démocratie et les libertés.
Pour le Front de libération nationale (FLN), Hocine Aït Ahmed comptait parmi les «enfants vaillants» de l’Algérie, car il était un «modèle» à suivre en matière de démocratie, de tolérance et de réconciliation.
Pour le secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Saïd Abadou, il a été «un homme au riche et long parcours qui a adhéré, dès son jeune âge, au Mouvement national pour allumer les premières mèches de la Révolution algérienne».
«La noblesse des grands dirigeants»
Le secrétaire général de la Ligue arabe a, de son côté, rendu hommage à l’un des artisans de la Révolution algérienne. Le Parti socialiste (PS) français salue, dans un message adressé au FFS, «la mémoire de Hocine Aït Ahmed, ce militant socialiste qui avait été un des principaux dirigeants du FLN et un défenseur acharné du pluralisme démocratique dans son pays».
«Emprisonné, évadé, exilé, cet homme à la silhouette élancée et longiligne, toujours serein avait la noblesse des grands dirigeants, patients mais déterminés», écrit Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS. De nombreuses autres personnalités ont tenu à rendre hommage à cet homme qui a marqué doublement l’Algérie, durant la période coloniale et après la libération nationale.*Mokrane Ait Ouarabi/ el watan/ samedi 26 décembre 2015
**Il aurait pu diriger l’Algérie, mieux que quiconque.*selon Rachid Boudjedra
****Liberté, démocratie, paix, réconciliation et dialogue
Les constantes de Hocine Aït Ahmed
Hocine Aït Ahmed a été le premier à appeler à la réconciliation nationale, mais pas dans la forme choisie par le président Bouteflika en 2005.
Espoir», «dialogue», «paix», «réconciliation», «liberté»… ce sont les quelques principes qui ont guidé, tout au long de son parcours, le révolutionnaire et le plus vieil opposant au régime en place depuis 1962, Hocine Aït Ahmed. Ceux qui l’ont connu en témoignent et ses prises de positions durant les événements majeurs qu’a traversés le pays le confirment. Durant les 25 dernières années, notamment, Hocine Aït Ahmed s’est distingué, malgré la diabolisation dont il a fait l’objet de la part des tenants du pouvoir, par ses analyses de la situation politique nationale et ses propositions qui se sont, toujours, avérées justes.
En effet, l’homme a toujours refusé de s’engouffrer dans l’un ou l’autre clan et tenu à prendre des positions basées sur ses propres convictions. C’est ainsi qu’il a brandi, dès 1992, son slogan «ni Etat intégriste ni Etat policier» pour se démarquer des deux ailes qui s’affrontaient à l’époque, en l’occurrence le pouvoir et les islamistes du FIS.
Hocine Aït Ahmed s’est opposé à l’arrêt du processus électoral, tout en mettant en garde les responsables de FIS contre «toute décision suicidaire et aventureuse». «L’un des soucis qui nous a préoccupés lorsque nous avons appris le coup d’Etat, c’est comment va réagir la rue, comment vont réagir les quartiers populaires, comment va réagir le FIS. Notre souhait est que le FIS respecte la paix civile et qu’il ne prenne aucune décision suicidaire et aventureuse», déclarait-il sur la chaîne française France 3, le 11 janvier 1992.
Tout en condamnant l’arrêt du processus électoral, le leader du FFS affirmait que «l’espoir était toujours de mise» et qu’«une troisième voie algérienne vers la démocratie existe». «La manifestation que j’ai organisée le 2 janvier, avec son immense succès, est une voie algérienne vers la démocratie. C’est la voie qui s’est débarrassée de la peur : la peur du FIS, la peur de l’armée, la peur des pénuries. Il fallait redonner l’espoir et c’était dans cette voie-là qu’il fallait s’engager», affirmait-il dans la même déclaration.
«Ce qui m’importe, ce sont les souffrances des Algériens»
Qualifiant l’interruption du processus électoral d’«erreur», Hocine Aït Ahmed reprochait au pouvoir de l’époque «d’avoir fait le jeu des intégristes en décrédibilisant la démocratie». «Les intégristes représentent à peine 23% des électeurs, ce n’est pas la République iranienne», ajoutait-il. Le «zaïm» s’est également illustré durant la même période par son refus de cautionner les pratiques du pouvoir à l’époque en accédant à la présidence de la République que lui a proposée Khaled Nezzar. «Moi, j’ai mes convictions.
Ce qui m’importe, ce sont les souffrances du peuple algérien», lançait-il lors d’une rencontre-débat. Sa quête d’une solution politique à la crise l’amena à se démarquer de toutes les kermesses du pouvoir. Parmi elles, il y avait la fameuse conférence nationale de 1994 qu’il qualifie de «réunion stalinienne». «Il n’y a pas eu de contact à propos du HCE. C’est nous qui avons pris les initiatives du dialogue. Et lorsqu’ils ont voulu organiser une conférence nationale le 5 juillet 1994, on m’a envoyé le général Touati. J’avais dit qu’on ne pouvait pas parler de conférence nationale parce que l’ordre du jour était arrêté puisque les interlocuteurs étaient choisis.
C’est une réunion stalinienne», expliquait-il dans une interview accordée à El Watan en 1999. Principal artisan de la réunion de Sant’Egidio qui s’est soldée par la signature du Contrat de Rome en 1995, Hocine Aït Ahmed avait loué le mérite de cette rencontre. «Le mérite du contrat national est qu’il a fait des partis islamistes des interlocuteurs publics», déclara-t-il. L’autre question sur laquelle Hocine Aït Ahmed avait également été intransigeant est celle de la transparence des élections. «Le suffrage universel n’existe pas en Algérie. Tout est trafiqué. C’est l’administration qui fait tout», rétorquait-il pour expliquer son boycott d’un nombre de scrutins, dont la présidentielle de 1995 et les législatives de 2002 et 2007.
«C’est aux dirigeants de plaire à leurs peuples et non le contraire»
L’homme s’est également retiré, en compagnie de cinq autres candidats, de la course à la présidence en 1999 pour cette raison. Hocine Aït Ahmed était aussi le premier à appeler à la réconciliation nationale, mais pas dans la forme choisie par le président Bouteflika en 2005. «Depuis l’interruption du processus électoral en 1992, nous n’avons cessé d’appeler à la paix. Je m’étais dit que la campagne électorale devrait se concentrer sur la paix et la réconciliation», déclarait-il durant la campagne électorale pour la présidentielle de 1999.
En 2011, dans la foulée des révoltes arabes, le dernier des historiques avait relevé un fait : «le retour du mot liberté», dans une région où «l’asservissement des consciences» était à son paroxysme. «La première et la plus formidable victoire de ce soulèvement des sociétés est d’abord dans l’affirmation d’une idée jusque-là interdite : c’est aux dirigeants de plaire à leurs peuples et non le contraire», avait-il lancé. L’homme tire aujourd’hui sa révérence sans renier aucune de «ses constantes» qui ont fait de lui un dirigeant politique exceptionnel.*Madjid Makedhi / el watan/ lundi 28 décembre 2015
**Mustapha Bouhadef. Ancien premier secrétaire national du FFS
«Le meilleur hommage à Si L’Hocine, c’est l’instauration de la démocratie»
Proche collaborateur durant la période difficile des années 1990, Mustapha Bouhadef apporte son témoignage sur le leader Aït Ahmed, le politique et l’homme qui se confondent. «On ne peut distinguer, chez Hocine Aït Ahmed, l’être humain de l’homme politique. Sa lutte pour les droits de la personne humaine et la démocratie est indissociable du vécu quotidien des Algériens.»
- Vous étiez l’un des collaborateurs directs de Hocine Aït Ahmed au sein du FFS pendant de longues années. A quand remonte votre premier contact et dans quel contexte ?
Mon premier contact avec Hocine Aït Ahmed date de 1990, au moment de l’ouverture politique ayant suivi les événements d’Octobre 1988, qui laissait espérer enfin une voie démocratique. C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Si L’Hocine, qui recevait beaucoup de monde à l’époque et qui m’a convaincu, par son charisme et le programme politique, de rejoindre le FFS.
Dans le cadre de la préparation des textes du premier congrès, j’ai eu le privilège de diriger une commission sur l’éducation et la culture, qui a élaboré le projet du «système éducatif» du parti, avec le concours de beaucoup de compétences avérées dans ce domaine particulier. La période de la préparation de ce congrès était particulièrement féconde et constructive, période où j’ai commencé à mieux connaître Si L’Hocine.
- La période la plus difficile était la décennie rouge, notamment les années 1994 à 1996. Comment l’avez-vous vécue au FFS ? Avez-vous subi des pressions ?
En effet, c’était une période très difficile. Hocine Aït Ahmed a été obligé de reprendre le chemin de l’exil pour différentes raisons, dont la «liquidation» en direct à la télévision de Mohamed Boudiaf pendant une conférence à Annaba, qui signifiait à la population jusqu’où les assassins pouvaient aller ; la fermeture de plus en plus dure des champs politique et médiatique ; la gestion, par un pouvoir autoritaire, de la société, avec une restriction drastique des libertés individuelles et collectives, faisant fi des droits de la personne humaine, droits qui furent le combat permanent d’Aït Ahmed.
C’était une période où, pour le FFS, il s’agissait de résister, pacifiquement bien sûr, et de préserver ses militants, au moment où les enlèvements et les assassinats étaient le quotidien de la population algérienne. N’oublions pas le lourd tribut payé par le FFS avec les assassinats de militants, membres du conseil national, de M’barek Mahiou, secrétaire national, tant regrettés par tous. C’était aussi la période du contrat national qui aurait pu constituer une sortie de crise pacifique et qui aurait pu éviter la tragique effusion de sang. C’est dans cette conjoncture que, fin décembre 2001, des individus armés se sont présentés à mon domicile, alors que je n’y étais pas…
- Quels étaient vos rapports avec Aït Ahmed à ce moment-là ? Comment réagissait-il aux événements ?
Nous nous rencontrions régulièrement à l’étranger, le secrétariat national et lui-même, pour faire des analyses de la situation du parti et du pays ; pendant ces séances il écoutait tout le monde et des décisions étaient prises concernant la marche du parti. De plus, son contact avec le FFS était pratiquement quotidien et on réalisait qu’il suivait attentivement l’évolution politique dans le pays.
- Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez l’homme ? Au-delà de l’homme politique, Aït Ahmed, l’humain, comment le décrivez-vous ?
On ne peut distinguer chez Hocine Aït Ahmed, l’être humain de l’homme politique. Sa lutte pour les droits de la personne humaine et la démocratie est indissociable du «vécu quotidien» des Algériens. Doué d’une intelligence politique aiguë, il ajoute constance, persévérance, pugnacité dans les idées et les actions. J’ai pu apprécier sa capacité d’écoute, la pertinence de ses remarques, son esprit de synthèse, ses connaissances dans pratiquement tous les domaines, sa grande culture et surtout sa propension à proposer d’innovantes initiatives de dépassement aux événements conjoncturels.
Mais ce qui m’a le plus marqué chez Hocine Aït Ahmed, c’est son humanisme, sa simplicité, sa défense permanente des droits de l’homme et son abhorration de la police politique dont il ne cessait de réclamer la dissolution. Toutes les précautions prises lui ont, peut-être, permis de finir son cycle de vie militante par une mort naturelle parmi ses proches. Cette hauteur de vue fait, peut-être, qu’il n’a pas su éviter parfois de sacrifier ses proches collaborateurs, dans certaines circonstances.
- Ceux qui l’ont combattu violemment hier le célèbrent aujourd’hui. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Cette question me rappelle ce qu’il m’avait dit lors de la disparition d’un opposant, ancien responsable de la Révolution, que le pouvoir s’est soudainement mis à glorifier : «Ils nous préfèrent morts plutôt que vivants.» Il n’a pas échappé à cette règle. D’aucuns veulent déjà s’ériger en héritiers de son combat qu’ils ne partageaient pas de son vivant. Cela prouve, s’il en était besoin, la valeur universelle et la justesse de sa lutte pour la liberté et la démocratie.
- Comment avez-vous vécu la disparition de Si L’Hocine ?
J’ai été frappé par le large mouvement de sympathie de la part de la population algérienne. Quant à moi, j’ai perdu quelqu’un qui m’a beaucoup appris. J’ai ressenti, au moment de l’annonce de son décès, que l’Algérie perdait un grand dirigeant politique et surtout un repère. C’est le seul qui a continué le combat pour la démocratie après l’indépendance du pays : le pays s’est libéré du colonialisme certes, mais sans liberté des personnes hélas ! Faire aboutir l’instauration de la démocratie et le respect des droits de la personne humaine, y compris dans les institutions, la société civile, la société politique, c’est le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Hocine Aït Ahmed. *Hacen Ouali /el watan / mardi 29 décembre 2015
***Un Maghrébin convaincu et un tiers-mondiste engagé
Les autres combats permanents de Hocine Aït Ahmed
L’homme de Bandung, un Maghrébin et même au-delà, était de tout temps au-devant des combats des peuples pour leur autodétermination.
Pour un Maghreb démocratique.» C’est ainsi que Hocine Aït Ahmed concluait chacune de ses interventions politiques. Le très charismatique leader historique a de tout temps associé son combat pour la Libération nationale à celui de l’émancipation d’un grand Maghreb et à l’avènement d’une Afrique du Nord démocratique. Le rêve maghrébin était chevillé à son long combat. Forgé par la solidarité agissante des mouvements de libération nationale dans leurs épreuves les plus dures, l’esprit maghrébin exprimé de manière forte à la faveur de la grande conférence de Tanger, en avril 1958.
«Nous, les représentants des mouvements de libération nationale de Tunisie, d’Algérie et du Maroc, proclamons solennellement notre foi en l’unité du Maghreb et notre volonté de la réaliser dès que les conditions s’y prêteront, c’est-à-dire quand les forces françaises et étrangères auront évacué leurs bases de Tunisie et au Maroc et quand l’Algérie sera devenue indépendante», proclamait la conférence maghrébine de Tanger. Jusqu’au bout, Hocine Aït Ahmed s’est réclamé l’héritier du projet des Tunisiens Ahmed Tlili et Abdelhamid Chaker, des Algériens Ferhat Abbas et Abdelhamid Mehri, des Marocains Mehdi Ben Barka et Abderrahim Bouabid.
D’ailleurs, au 40e jour de la disparition du leader marocain Abderahim Bouabid, en février 1992, Hocine Aït Ahmed avait réaffirmé avec force son attachement à l’émergence d’une intégration régionale sur des bases démocratiques. «Je renouvelle ici mon serment à l’édification d’un Maghreb démocratique. On ne touchera pas à l’espérance démocratique que porte le grand Maghreb. De Tanger à Benghazi, de Nouakchott à Illizi, un seul peuple», clamait-il.
La présence du leader marocain Abderrahmane Youssoufi à Alger pour saluer la mémoire de son camarade était un témoignage sincère de cette conviction commune pour un espace maghrébin émancipé. Pour la petite et la grande histoire, Youssoufi avait été envoyé par Bouabid pour défendre Hocine Aït Ahmed devant la Cour révolutionnaire, en 1965. Sa vision du Maghreb était en porte-à-faux avec celle, idéologique, paternaliste et démagogique, voulue par les systèmes autoritaires en place.
«Le socle démocratique du Maghreb»
Débarrassé de la conception nationaliste étroite et hostile, l’engagement pour la construction maghrébine découle aussi d’une conviction qui tire ses racines d’un passé lointain, avant de rencontrer les aspirations contemporaines du combat libérateur. Fidèles à l’esprit de l’Etoile nord-africaine, Aït Ahmed et son ami Abdelhamid Mehri ainsi que beaucoup de militants du Mouvement national se sont toujours vu comme des Maghrébins.
Leurs liens avec les acteurs du Mouvement national en Tunisie et au Maroc étaient étroitement confondus. «Les deux hommes (Aït Ahmed et Mehri) ont été naturellement du même bord après Octobre 1988, leur culture politique et leur vision maghrébine ne pouvaient que favoriser cette grande complicité politique», assure un proche des deux leaders. Il faut dire aussi que cette conviction maghrébine n’était seulement pas tournée vers le passé, mais résolument inscrite dans une perspective d’avenir, renouvelée à l’aune d’une mondialisation rampante.
Hocine Aït Ahmed luttait pour un ensemble maghrébin politiquement et économiquement intégré, fondé sur le socle de la démocratie, pour pouvoir tirer son épingle du jeu géostratégique internationale. «La mondialisation est déjà là, elle s’impose à tous et nous envahit de toutes parts. Elle comporte d’indéniables aspects positifs pour ceux qui savent s’y insérer de manière planifiée et au mieux des intérêts de leur peuple. L’Europe est partie prenante de la mondialisation car, au préalable, elle a réussi une unification fondée sur un socle démocratique partagé.
C’est ce qui fait sa force et lui permet de sauvegarder son identité et ses capacités compétitives dans tous les domaines. En revanche, l’intégration séparée des pays maghrébins hypothèque leurs intérêts et leur souveraineté. On ne saurait évaluer les conséquences fâcheuses de l’échec de la construction maghrébine.
Les options bureaucratiques et les conceptions étriquées du nationalisme ont stérilisé les nombreuses tentatives d’intégration régionale au Maghreb. Pis, elles ont créé un état de tension permanent, incompatible avec la coopération et le développement. Il est déjà tard, mais il est encore temps pour relancer la construction maghrébine en changeant de démarche et en édifiant un socle démocratique qui est seul capable de mobiliser les ressources et les énergies pour un développement durable.
Le Maghreb aurait ainsi des atouts et le pouvoir de négocier, au mieux de l’intérêt de ses enfants, son insertion dans ce monde nouveau qui s’installe», affirmait-il début 2000. Le grand Maghreb était un des étendards de ce grand Maghrébin — aux multiples combats — qu’il arborait sut toutes les tribunes. «Une partie importante de nos élites a déjà déserté la bataille collective pour un Maghreb fort, démocratique et uni dans la conquête de ses intérêts. Ce n’est pas nouveau dans notre histoire.
Ce qui serait nouveau serait de réussir à repousser nos atavismes meurtriers, nos égoïsmes plus tribaux que nationaux et cette sorte de fatalisme qui nous pousse à accepter le pire quand le mieux nous semble trop lourd à porter», disait-il encore quelques années avant sa disparition. Ainsi était aussi l’homme de Bandung, un Maghrébin et même au-delà. Il était de tout temps au-devant des combats des peuples pour leur autodétermination.
Un fervent défenseur de la cause palestinienne, un pourfendeur du système de l’apartheid. Il était d’un soutien sans faille pour les peuples en lutte pour leur émancipation. Il fut une militant permanent qui, même dans l’adversité, ne cédait jamais sur ses convictions et ses principes. Sa place est désormais au panthéon de l’histoire nationale algérienne, mais aussi maghrébine. *Hacen Ouali / el watan / dimanche 27 décembre 2015
**Hommage dans les médias et sur les réseaux sociaux
L’inévitable procès du régime
Un parcours sans faute de 70 années de militantisme, suscitant l’admiration de générations d’Algériens et faisant pâlir de jalousie ses détracteurs qui ont fait preuve de lâcheté ou de compromission devant l’histoire.
Si la mort d’un historique ne peut passer sous silence, celle de Hocine Aït Ahmed est un événement sans précédent qui laissera bien des traces. Ce géant de l’histoire de l’Algérie a marqué du sceau du combat les pages du Mouvement national et la lutte pour l’indépendance ainsi que les pages de la lutte pour la démocratie et l’autodétermination du peuple algérien. Un parcours sans faute de 70 années de militantisme, suscitant l’admiration de générations d’Algériens et faisant pâlir de jalousie ses détracteurs qui ont fait preuve de lâcheté ou de compromission devant l’histoire. Sa vie durant a été une leçon d’indignation face à l’injustice et à l’autoritarisme. Il ne pouvait en être autrement de sa mort.
Dès l’annonce de son décès le mercredi 23 décembre, ce sont toutes les pages de l’histoire de l’Algérie qui se sont ouvertes par ce mécanisme tant redouté par les tenants du pouvoir qu’est la justice de l’histoire. Sa mort semble même être un acte politique, une dernière salve d’un guerrier qui n’a jamais courbé l’échine ni abdiqué.
Le procès du pouvoir s’ouvre avec pour juge un peuple qui n’a jamais douté de Hocine Aït Ahmed et qui se réveille sur ce sentiment amer d’avoir raté avec lui le grand rendez-vous avec la liberté. Depuis donc mercredi dernier, médias, réseaux sociaux et lieux publics n’ont pour sujets que le parcours de Hocine Aït Ahmed, d’une part, et l’implacable jugement de l’histoire sur ses adversaires des groupes de décideurs de 1962 à nos jours, d’autre part.
Le procès est ouvert et les accusés ne manquent pas, à leur tête, au grand dam de Louisa Hanoune, l’inévitable Houari Boumediène dont l’anniversaire de la mort interviendra, comme le veut le hasard de l’histoire, cette semaine. Celui qui mit dans ses geôles le rédacteur du rapport de Zeddine et père de la Révolution et la diplomatie algériennes, Hocine Aït Ahmed, est jugé par «contumace» pour le hold-up du rêve de tout un peuple.
Avec sa mort, le peuple juge pour Aït Ahmed et pour l’histoire, Boumediène et tous les responsables de la tragédie algérienne, dont le premier acte a été commis en 1962 et réédité à chaque rendez-vous électoral. Un autre anniversaire intervient aussi cette semaine, celui de la mort de Abane Ramdane, autre figure de proue de la Révolution algérienne, assassiné par les siens. Et encore une fois et pour l’histoire, Hocine Aït Ahmed, alors en prison, a défendu Abane quand d’autres dirigeants de la Révolution ont acquiescé à l’ordre de liquidation physique prononcé contre lui.
Comment peut-on dire d’un homme de sa stature, ayant fait face à toutes les injustices et refusant tous les honneurs factices que lui proposaient des dirigeants souffrant de légitimité, avoir passé au crépuscule de sa vie un deal avec le pouvoir ? Ses derniers vœux d’enterrement suffisent à dire à tous les malhonnêtes qui continuent de déverser leur fiel qu’il est plus grand pour que l’atteignent tous les écrits commandés. Le seul contrat qu’Aït Ahmed ait passé est un contrat de fidélité à ses idéaux et ses combats pour l’autodétermination du peuple algérien. Il a vécu pour le peuple et c’est ce même peuple qu’il appelle pour l’enterrer. Une autre leçon qui fausse les calculs des manipulateurs.*Nadjia Bouaricha/ el watan / mardi 29 décembre 2015
**Tentative de récupération de l’image et du combat de Hocine Aït Ahmed
Le FFS dénonce les «racontars» et appelle à la «décence
Le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, n’a pas manqué l’occasion pour tenter de faire dans la récupération. Il appelle, 53 ans après l’indépendance, à réhabiliter Aït Ahmed, tout en se disant «être éclairé par ses actes, ses idées et sa vision».
L’indécence a atteint son paroxysme. Même dans les moments de douleur et de recueillement, il y a des individus, amateurs de parasitage, qui tentent de faire dans la récupération politique. La disparition du monument et du leader historique, Hocine Aït Ahmed, décédé mercredi dernier en Suisse à l’âge de 89 ans des suites d’une longue maladie, a été l’occasion pour certains usurpateurs de revendiquer, toute honte bue, des rapprochements avec les idéaux de l’homme. Ces derniers se découvrent, après avoir été de longues années des prébendiers du régime qui combattent tous les opposants, des vertus et des penchants pour les luttes pour les libertés, la démocratie et les droits de l’homme.
«Grenouillage»
L’avalanche de ces «faux» témoignages sur l’homme a fait réagir la direction du Front des forces socialistes (FFS) qui a appelé, dans un communiqué rendu public dimanche soir, «les colporteurs de racontars à la retenue». «A aucun moment, récent ou passé, Hocine Aït Ahmed n’a apporté sa caution ou son soutien à quelque clan que ce fut du pouvoir», tranche d’emblée le FFS, qui a rappelé les idées de Hocine Aït Ahmed.
«Son combat, dès les premiers jours de son engagement patriotique et jusqu’à ses derniers instants, est toujours allé de pair avec un sens élevé de l’éthique politique qui interdit les grenouillages et ce qu’il appelait ‘four bilatéral’», lit-on dans ce communiqué. Dans la foulée, le FFS demande aux auteurs de ces «racontars» de se taire. «Que ceux qui furent sourds à ses idées de son vivant aient au moins la décence de mettre une sourdine en ces jours de deuil», ajoute le FFS dans son communiqué, précisant «qu’il remet à plus tard la correction des approximations sur le parcours de Si L’Hocine».
Cette mise au point du FFS s’impose. Car depuis jeudi dernier, le siège national du parti connaît un ballet de responsables politiques venus, circonstances obligent, présenter leurs condoléances à la famille du défunt et aux membres de la direction de cette formation politique. Mais si certains se sont contentés d’évoquer l’homme et son riche parcours de révolutionnaire et d’opposant politique, d’autres ont laissé libre cours à leurs fantasmes.
Le FLN de Saadani, toute honte bue…
C’est le cas notamment de l’ancien ministre, sénateur et membre du bureau politique du FLN, Djamel Ould Abbès. Dans sa déclaration devant les caméras, ce dernier n’a pas hésité à affirmer qu’«Aït Ahmed militait pour Eddawla el Madania (Etat civil qui est une notion lancée par le FLN en 2015, ndlr)».
«S’il n’était pas décédé, Aït Ahmed vivrait, très bientôt, dans un Etat civil», ajoute-t-il, comme pour prétendre que le défunt soutenait déjà le projet du FLN version Amar Saadani. Le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, n’a pas, lui aussi, manqué l’occasion pour tenter aussi de faire dans la récupération. Il appelle, 53 ans après l’indépendance, à réhabiliter Aït Ahmed, tout en se disant «être éclairé par ses actes, ses idées et sa vision». L’homme a découvert, après la mort du chef historique, qu’«il faut réhabiliter Aït Ahmed, Boudiaf et Bouteflika».* el watan / mardi 29 décembre 2015
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*L’avocat et militant des droits de l’homme, Me Ali Yahia Abdenour, est décédé, dimanche 25 avril 2021 en son domicile, à l’âge de 100 ans
Figure et doyen des droits de l’Homme en Algérie, Ali Yahia Abdenour, est décédé ce dimanche 25 avril 2021. L’avocat qui a consacré sa vie entière pour améliorer le sort de la communauté algérienne s’est, en effet, éteint quelques mois après avoir soufflé sa 100e bougie en ce mois d’avril 2021. Le défunt est en fait né le 18 janvier 1921 à la commune Aït Yahia dans la daïra d’Ain El Hammam, la wilaya de Tizi Ouzou.
**Ali Yahia Abdenour, l’infatigable militant
La figure emblématique de la lutte pour les droits de l’homme en Algérie est un ancien moudjahid. Il faisait partie du PPA-MTLD, qui n’est autre que le Parti du peuple algérien. En 1955, il s’est rapproché du FLN. Il a été, par la suite, arrêté et assigné à résidence de 1957 à 1960, souligne la même source.
Quelques années plus tard, en 1961 pour plus d’exactitude, Ali Yahia a été libéré. Il est devenu après cela, le secrétaire général de l’UGTA. Avec le journaliste algérien Arezki Ait Larbi et l’ex-président du RCD, Saïd Sadi, il a fondé la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) en 1985.
En outre, Ali Yahia a pris part à la conférence Sant’Egidio. Celle-ci s’est tenue, rappelons-le, en 1995 à la ville éternelle, Rome en l’occurrence. En tant que président d’honneur de la LADDH, il a également participé à l’appel de Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) en 2011.
Huit ans plus tard, en 2019, Ali Yahia Abdenour a décidé de cosigner une tribune avec plusieurs personnalités algériennes. Le but étant d’appeler un bon nombre d’Algériens de faire preuve de sagesse à l’approche des élections présidentielles. * médias - dimanche 25 avril 2021
**Dans les médias et sur les réseaux sociaux, les hommages saluent le militant des droits de l’homme, l’avocat, le politique et le syndicaliste qui aura traversé cent ans de l’histoire du pays
Son portrait est imprimé sur toute la une du quotidien Liberté. « Jusqu’au bout de ton siècle, tu auras été un impénitent combattant », témoigne l’édito qui l’accompagne.
Depuis dimanche, les hommages pleuvent dans les médias et sur les réseaux sociaux pour dire adieu à Ali Yahia Abdennour, figure algérienne de la lutte pour les droits humains et politiques, décédé à l’âge de 100 ans.
Mort de Ali Yahia Abdennour à 100 ans. Militant nationaliste dès les années 40, avocat, il a consacré sa vie à la défense acharnée des droits de l’homme. Un géant. En 2014, il nous avait fait l’honneur de nous confier un texte. Qu’il repose en paix.
Né le 18 janvier 1921 à Thaqa Nath Yahia, un village de Kabylie, il est emporté par la Seconde Guerre mondiale en 1943. « En octobre 1944, il est blessé à la Trouée de Belfort. Passe six mois à Toulouse où il est soigné avant de rentrer au pays en mai 1945, dès l’Armistice », rapporte le quotidien El Watan.
« C’est avec beaucoup de tristesse qu’Amnesty International Algérie a appris la disparition de M° Abdenour Ali Yahia, admirable dans son engagement pour les droits humains. Il restera pour toujours dans nos mémoires, la figure marquante du mouvement des droits humains en Algérie. Nous présentons nos sincères condoléances à la famille. »**Hassina Oussedik, Directrice d’Amnesty International Algérie.
Instituteur, il rejoindra ensuite le mouvement de libération contre la France coloniale dans le Parti du peuple algérien (PPA) puis avec le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), puis avec le Front de libération nationale (FLN).
Arrêté et assigné à résidence de 1957 à 1960, Ali Yahia Abdennour, prend la tête du secrétariat général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), avant de devenir, au lendemain de l’indépendance, député FLN de Tizi-Ouzou à l’Assemblée nationale constituante (1962-1964), puis de 1964 à 1965 dans la première Assemblée populaire nationale (APN).
Il dirigera, de 1966 à 1968, deux départements ministériels, les Travaux publics et les Transports (1965-1966) ainsi que l’Agriculture et la Réforme agraire, avant de démissionner.
**Pour un véritable État de droit
« Devenu avocat quelques années plus tard, ses prises de positions lui valent d’être arrêté en 1983 et emprisonné jusqu’en 1984, sans que cela ne le dissuade de ses convictions, puisqu’il sera à nouveau arrêté, en 1985, pour son activisme au sein de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme [LADDH], dont il est membre fondateur »
« Sous le règne de l’ancien président, Abdelaziz Bouteflika, il n’a eu de cesse de revendiquer l’avènement d’un véritable État de droit, en dénonçant notamment l’irrégularité des scrutins, deux décennies durant. »
En mai 2019, trois mois après le début du hirak, ce vaste mouvement populaire qui a conduit à la démission d’Abdelaziz Bouteflika, Ali Yahia Abdennour a appelé, dans une lettre ouverte, l’armée à « nouer un dialogue franc et honnête avec des figures représentatives du mouvement citoyen ».
Il a mené « une carrière d’avocat et de militant digne de Mandela et de Gandhi » témoigne le militant politique Karim Tabbou. « Tous les hommages ne seront pas assez pour remercier ce pionnier dans la défense des droits humains. »
« Il traitait chaque personne comme un être humain, loin de toute considération intellectuelle, régionale ou politique. L’extraordinaire combattant pour les droits de l’homme nous quitte, en léguant aux Algériens un riche héritage qui s’est accumulé au fil des années successives de lutte jusqu’à ses derniers jours », témoigne Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS).
« À quelques mois de ton centenaire, tu avais encore des rêves de jeune homme pour une Algérie plurielle, libérée de ses démons, réconciliée avec son passé et tournée vers l’avenir. Difficile de te dire adieu, toi qui semblais immortel ! », écrit encore Arezki Aït-Larbi, cofondateur de la première Ligue algérienne des droits de l’homme. « Mais ton parcours restera comme un exemple d’engagement désintéressé, de dévouement et d’intégrité. Désormais, tu reposes au Panthéon des hommes et les femmes qui, depuis des millénaires, ont fait la grandeur de ce pays. » – source: middleeasteye.net/ Lundi 26 avril 2021
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*la légende Ali Yahia et sa longue lutte pour les libertés et les droits de l’homme
* Par El kadi Ihsane
Le chemin qui conduit à son œuvre monumentale est moins connu que l’œuvre. Brève histoire ici d’une première vie ou se nichent tous les ingrédients qui feront la légende Ali Yahia.
Lorsque j’ai rencontré Abdenour Ali Yahia pour la première fois, il avait soixante ans et j’en avais 22. C’était au parloir de la prison d’El Harrach en juin 1981. Nous étions 22 étudiants détenus du printemps amazigh saison deux, et lui était le doyen du collectif des avocats qui avait pris notre défense. Lorsque je l’ai vu longuement pour la dernière fois – et pas seulement au téléphone – c’était en mars 2018 pour son dernier grand entretien média (https://bit.ly/3aIPJDv). Il parlait de ses projets d’avenir, de son prochain livre et bien sur de l’Algérie et de son « testament pour les libertés », titre de son dernier livre.
Entre les deux moments était née et s’est développée durant 40 ans, la légende de Ali Yahia Abdenour que le monde entier salue aujourd’hui pour son monumental combat des droits de l’homme en son pays. L’image en 1981 d’un homme très affable, frêle, à la voix toujours un peu chevrotante, en lutte pour stabiliser un diabète compliqué – ce que sa fille Samia, diabétologue, réussira à faire sur une période miraculeusement longue – ne laissait sans doute pas présager de la suite.
Pourtant l’avocat des détenus politiques du début des années 80 était au seuil d’une nouvelle vie. Celle, qu’il va léguer en premier à plusieurs générations d’algériens, en quête de dignité humaine et de droits citoyens. C’est, cependant, dans sa première vie et ses premiers combats que Abdenour Ali Yahia a tranquillement puisé les leçons qui en feront le constructeur inépuisable d’un contre pouvoir algérien humanitaire et citoyen. Tout le monde ne peut pas réécrire son destin à 60 ans et s’inventer une autre postérité. Tout le monde doit savoir que cela est possible. A la condition d’avoir une première vie gisement géant d’expériences humaine, un esprit curieux et une âme généreuse. Abdenour Ali Yahia avait tout cela.
Itinéraire atypique
Les péripéties, jetées pêle-mêle, de la vie de Abdenour Ali Yahia d’avant son engagement public pour les droits de l’homme en Algérie donnent le vertige. Enrôlé à 22 ans dans le contingent nord africain, il participe au débarquement allié de Provence le 15 aout 1944 et est décoré pour sa bravoure. A sa démobilisation, il rejoint le PPA et s’apprête à organiser l’insurrection de mai 1945, lorsqu’arrive le contre-ordre en Kabylie. Il fait partie de l’aile des jeunes cadres formés du parti qui sous la protection de Docteur Lamine Debaghine, débordent déjà la vieille garde et poussent à la lutte armée. Il quitte le PPA-MTLD en 1949 suite à l’épuration des militants favorables à une définition de l’identité algérienne qui ne sacrifie pas son amazighité. Il dédiera en 2013 un livre hommage à Bennai Ouali et Amar Ould Hamouda, les deux dirigeants kabyles du PPA-MTLD exclus au moment de la crise dite « berbère » puis éliminés physiquement en 1956 et 1957 par le CCE du FLN.
Enseignant et militant syndical à Alger depuis quelques années, il adhérera au FLN en 1955 pour devenir un des membres fondateurs de l’UGTA le 24 février 1956 aux cotés de Aissat Idir. Il est arrêté par l’armée coloniale et connaît alors les camps de détention de Bossuet (Dhaya, sud de la wilaya de Sidi Bel Abbes) et de Paul Cazelles (Ain Oussara). A sa libération en 1961, il rejoint Tunis ou il poursuit auprès du GPRA son encadrement politique et syndical de la Révolution. A l’indépendance, le profil de Abdenour Ali Yahia est atypique parmi les dirigeants du FLN. Activiste en 1945, formé aux métiers des armes, il avait tout pour diriger un maquis au déclenchement de la guerre de libération nationale. Sa mise à l’écart du PPA-MTLD en 1949 l’a conduit vers un autre itinéraire, celui du syndicalisme et de la lutte sociale organisée en renfort du mouvement indépendantiste. Il rejoint très vite le FLN mais est affecté au travail politique de mobilisation des travailleurs algériens.
De la constituante à la scission du FFS
Parcours militaire, préparatifs insurrectionnels, travail syndical, sensibilité amazigh, conscience nationale, en 1962 Abdenour Ali Yahia est déjà une personnalité complexe à plusieurs interfaces. A partir de juillet 1963 – arrestation de Mohamed Boudiaf- il est dans les réunions qui délibèrent avec les dirigeants de l’ex wilaya 3 et wilaya 4 de l’organisation de la résistance à ce qui est appelé « la dérive autoritaire du pouvoir personnel de Ben Bella ». Proche du dernier chef de la Wilaya 3, le colonel Mohand Oulhadj, il est avec lui à Michelet, dans la réunion qui proclame la naissance du FFS fin septembre 1963 et en désigne Hocine Ait Ahmed comme chef politique. Il s’agit d’un mouvement d’opposition qui repose notamment sur des maquisards en dissidence de la 7e région militaire de l’ANP (Tizi Ouzou) dirigée justement par Mohand Oulhadj.
Ce qui a les allures d’un épisode deux de la guerre fratricide en les wilayas de l’intérieur de l’ALN, et l’armée des frontières (été 1962), est en fait une impasse politique aggravée entre les protagonistes de la crise précédente. L’assemblée constituante – dont il est membre – a voté, sous pression, une constitution autoritaire. Les arrestations d’opposants se multiplient et les pouvoirs se concentrent entre les mains du président de la république, plébiscité. Abdenour Ali Yahia est hérissé par la tournure des évènements. Mais comme à chaque étape de sa vie, il fait des arbitrages raisonnés lorsqu’il s’agit de « l’intérêt supérieur » du pays. L’unanimité de la direction du FFS vote une trêve début octobre 1963 au moment du déclenchement de la guerre des sables avec le Maroc et détache un bataillon pour combattre avec l’ANP sur l’axe Bechar-Tindouf.
Ali Yahia aligné en cela sur la position du colonel Mohand Oulhadj n’est pas favorable à la reprise des actions armés du FFS lorsque le cessez le feu intervient entre Alger et Rabat. En février 1964, la scission est consommée. Mohand Oulhadj est une grande partie des unités qui l’ont accompagné dans le lancement du FFS rejoignent l’ANP et Ali Yahia revient à Alger. Il en naitra une longue période d’inimitié entre lui et Hocine Ait Ahmed qui avait fait le choix de poursuivre la lutte, y compris, armée, contre « le despotisme oriental qui s’était installé à la tête du pays ».
Le jour d’après la vie de ministre
La séquence la plus inattendue du long parcours politique de Ali Yahia débute alors. Elle est peut être celle qui va inspirer le plus en lui le pionnier des droits humains qu’il va devenir quinze ans plus tard. Membre du comité central du FLN au congrès d’avril 1964 au cinéma l’Afrique, Abdenour Ali Yahia, va aux ultimes conséquences de sa dissidence contre le pouvoir personnel de Ahmed Ben Bella. Il est ministre – dans le premier gouvernement de l’ère Houari Boumediene de juillet 1965 à mars 1968. Le reproche lui en sera fait plus tard d’avoir donné une caution politique au coup d’Etat du 19 juin. Il m’expliquait, un peu peiné, que « les gens ne comprennent pas le contexte de l’époque. L’armée était encore largement l’ALN, et les divergences politiques divisaient le FLN au delà du clivage militaire-civile, sinon comment expliquer que Ali Mahsas, ami historique de Ben Bella, occupait le porte feuille de l’agriculture dans le premier gouvernement Boumediene ».
Mahsas finira par quitter le gouvernement en 1966. C’est Ali Yahia qui cumulera sa fonction par intérim, avant de démissionner à son tour en mars 1968. Entre temps, le clivage entre maquisards de l’intérieur et armée des frontières est revenu miner le régime naissant de Houari Boumediene. Ali Yahia m’a confié -en 1997 pour un article anniversaire publié dans El Watan- qu’il était dans le secret de la fronde qui se préparait à l’automne 1967 chez les militaires issus de l’intérieur, contre le Conseil de la Révolution définitivement accaparé par « le clan de Oujda » appuyé sur les DAF, les déserteurs de l’armée française, encadrement de l’ANP privilégié par Boumediene. La tentative de coup d’Etat de Tahar Zbiri, le chef d’Etat major, échouera le 14 décembre 1967 et Ali Yahia doit tourner la page « institutionnelle » de sa vie. A 47 ans il se lance dans des études de droit et devient avocat. C’est le premier tournant qui va modifier son récit, et celui, en partie, du pays lorsque la question démocratique émergera en 1980.
Un druide naturel pour les droits de l’homme
L’homme que je rencontre pour la première fois au parloir d’El Harrach en juin 1981, si captivant « pour toute l’humanité qu’il a au fond des yeux » (Sid Ahmed Semiane) a déjà tout connu. Il a aussi tout appris. Il a le sens du temps long de l’Histoire. C’est ce qui le pousse à ne jamais hypothéquer l’avenir. En conflit avec la direction du PPA-MTLD en 1949, il peut revenir au FLN dès 1955. En divergence avec Hocine Ait Ahmed en 1964, il retravaillera avec lui après octobre 1988 pour transformer l’ouverture démocratique en véritable changement. Opposé durablement à Ahmed Ben Bella, il se réconcilie avec lui et participera grandement à l’intégrer dans le processus qui va conduire au contrat de Rome (Sant Egidio) en janvier 1995.
Expérimentant dans sa vie la guerre conventionnelle puis le recours à la guérilla, il a un attachement intellectuel puissant aux intermédiations politiques qui apportent les solutions et la paix. Dirigeant syndical, sa conscience sociale est acerbe, il se met toujours spontanément du côté des faibles et des démunis. Il a été ministre et sait comment réfléchit un pouvoir, en particulier un pouvoir autoritaire. Il avait également, et surtout, le sens de l’universel. Sa formation « Voltairienne » l’y a préparé. Ses études en droit et son humanisme naturel l’y conduisent. La personne humaine et ses droits fondamentaux vont désormais transcender tous les autres combats. Au début de la décennie 80, Abdenour Ali Yahia, avocat engagé auprès des détenus politiques, est en mouvement pour anticiper son époque.
Dans le monde, l’administration américaine de Carter, libérée du Vietnam, a contre attaqué, sur ce thème, face au rideau de fer soviétique. Les droit humains fondamentaux peuvent être un enjeu géostratégique ailleurs. Ils deviennent un oxygène nécessaire à la vie citoyenne sous les despotismes du sud. Le projet de la défense des droits de l’homme en Algérie, porté par d’autres acteurs de changement, met subitement à nu la vérité du régime Chadli avec le lancement de la première ligue en 1985. Mais pas seulement. Il se révèle comme le seuil commun partagé par de nombreuses forces politiques. Ali Yahia, incarnait déjà, par son vécu, la confluence sur ce seuil partagé. Il en sera naturellement le druide. Son nouveau destin peut commencer à s’écrire. Il aura une règle de grammaire intransigeante, l’universalité. Tout le monde a droit à la protection par le droit humain.
L’universaliste qui a inventé un contre pouvoir
En se lançant, la soixantaine passée, dans ce combat à la tonalité si moderne dans l’Algérie du parti unique, Abdenour Ali Yahia aurait pu se disloquer sous la répression lorsque ses congénères débutaient leur retraite. De la prison de Berrouaghia, à la cour de sureté de l’Etat de Médéa (1985), à la résidence surveillée de Ouargla (1987), il va demeurer, entre détentions, condamnations et exils forcés, le jeune militant nationaliste de début mai 1945 prêt à donner sa vie lorsque la cause le dicte. Cette fois aucun contre-ordre ne va arriver. Il faudra donc tracer le sillon. Bataille après bataille. Le virage dramatique de la guerre civile l’obligera à dépasser la mission « classique » d’une ligue des droits de l’homme.
Il usera de son crédit et de son influence auprès de tout ce qui compte politiquement dans le pays, et auprès de ce qui restait du FIS en liberté, pour trouver une sortie politique par le haut à l’insurrection islamiste armée. Sant Egidio (janvier 1995), l’appel à la paix d’Alger (novembre 1996). Ce sera la partie de son œuvre la plus controversée. Sans doute la plus courageuse. L’opposition politique dans sa diversité saura reconnaître, vingt ans plus tard, le sens homérique de cet engagement lorsqu’elle l’invitera à prendre la parole le 11 juin 2014 au début des travaux de la conférence historique de l’hôtel Mazafran.
L’empreinte géante laissée par Ali Yahia a enveloppé de son halo le cimetière de Ben Aknoun ce lundi 26 avril 2021. Des femmes en grand nombre ont poussé des Youyous au passage de sa dépouille, des inconnus l’ont applaudi, des islamistes ont revendiqué sa justesse, des militants amazigh l’ont chanté, des compagnons de la guerre de libération l’ont pleuré. Le pouvoir, particulièrement féroce dans l’atteinte aux droits, a tenté mais n’a pas pu s’associer à l’universalité du moment. Ali Yahia vivant l’aurait-il, lui, toléré en ce lieu solennel ?
Le centenaire qui a rejoint son épouse sous un beau ciel de traine de fin de journée printanière est aujourd’hui bien au delà de ces contingences. Il est le sage déterminé qui a traversé son siècle pour inventer un contre pouvoir en Algérie. Celui, sacré, des droits de l’homme. * Par El kadi Ihsane – Radio.M – mardi 27 avril 2021
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* François Maspero, l’éditeur engagé et anticolonial iste n’est plus
Ecrivain, journaliste, traducteur, éditeur, le défunt François Maspero a été un des fervents défenseurs engagés pour l’indépendance de l’Algérie.
L’éditeur anticolonialiste, François Maspero, est décédé samedi à Paris, à l’âge de 83 ans. Celui qui édita, malgré la menace et de nombreuses inculpations et saisies, livres et revues dénonçant l’ordre colonial français en Algérie, s’en va discrètement comme il l’aurait souhaité.
Ecrivain, journaliste, traducteur, éditeur, François Maspero a été un des fervents défenseurs engagés pour l’indépendance de l’Algérie.
Ne se suffisant pas à éditer des pamphlets et des livres contre la colonisation française, Maspero, appelé aussi «Masp», a été membre du réseau Jeanson (les porteurs de valises) et a été passeur de frontières. «A un moment donné, j’ai été convoqué par la Fédération de France du FLN, qui était en Allemagne, où on me dit : ‘‘Ça suffit comme ça, car si tu fais de l’édition d’un côté et tu fais aussi passer des frontières, ça va être dangereux pour toi et on finira par faire le lien’’», confiait-il dans un entretien à Mediapart.
Il publia les livres de Fanon, dont L’an V de la révolution algérienne qu’aucun autre éditeur n’a voulu publier par crainte de représailles. Et coucha sur papier la revue clandestine de Francis Jeanson, Vérité pourpre. Il a été l’un des signataires du Manifeste des 121 et fut inculpé, car soupçonné d’en avoir permis l’édition, ce qui n’était pas vrai. «J’ai commencé à éditer des livres, qui ont été interdits, sur la guerre d’Algérie, dont ceux de Frantz Fanon. Des livres qui m’ont valu beaucoup d’inculpations et de comparutions devant la justice.
J’ai même été inculpé devant le tribunal militaire pour incitation littéraire à la désobéissance et la désertion et injures envers l’armée», confiait-il encore. Des poursuites qui n’ont pas ébranlé l’engagement du jeune éditeur en faveur de l’indépendance de l’Algérie qui s’obstina à rééditer les livres interdits. Outre l’édition, l’engagement de Maspero s’est aussi manifesté à travers l’écriture. Il parle des enfumades et condamne la barbarie coloniale dans son livre L’Honneur de Saint-Arnaud, où il raconte l’histoire d’un maréchal français qui aimait brûler les villages et pratiquer toutes les ignominies.
Pour François Maspero, l’engagement ne se borne pas à l’indignation ou à la signature de pétitions, il est dans l’action et la prise de risque. Après l’indépendance de l’Algérie, il agrandit sa librairie et en fit le lieu de rencontre des militants de gauche et des esprits indépendants en France.
Ses positions lui valent une série d’amendes, d’inculpations, de condamnation et même de privation de droits civiques. Maspero a voulu que sa maison d’édition soit un passeur d’idées et elle le fut. Il voulait en faire un moteur d’éclairage et de sensibilisation à l’adresse des citoyens pour qu’ils ne soient pas en marge des bouleversements politiques, culturels, sociaux et économiques. De la première idée d’éditer des recueils de poésie à celle d’en faire une librairie engagée pendant la guerre d’Algérie, la Librairie Maspero a marqué incontestablement, grâce à son concepteur, le paysage intellectuel français.
«J’ai des sentiments extrêmement simples de révolte et d’indignation. La dérive libérale est la plus terrible des utopies. Elle est aussi plus terrifiante que d’autres, car on n’en voit pas la fin. Je crois donc à la lutte, sinon il n’y a plus d’histoire et peut-être plus d’humanité», disait l’éditeur et intellectuel engagé. Les éditions Maspero ont été reprises en 1982 par François Geze pour devenir les éditions La découverte.*Nadjia Bouaricha–El Watan-mardi 14 avril 2015
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