Lutte contre la corruption
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*14e Conférence internationale contre la corruption à Bangkok (Thaïlande)
Pour la restitution des avoirs volés
La transparence dans les affaires publiques importent peu à l’opinion, ce qui importe pour elle, en cas de poursuites judiciaires à l’encontre des mis en cause, officiels, particuliers et entreprises, soient effectives et que les banques commerciales et autres institutions susceptibles d’avoir servi de refuges au produit de la corruption contribuent à la restitution des avoirs volés, a relevé directrice générale de la Banque mondiale, Sri Mulyani Indrawati.
Ces «progrès auront le plus d’impact sur l’opinion publique, et que nous commencerons à rétablir la confiance », a indiqué Mme Indrawati, lors de son discours d’ouverture de la 14ème conférence internationale contre la corruption, organisée par Transparency International et le Conseil de l’IACC, du 10 au 13 novembre dernier. Elle précisera : « La Banque mondiale n’est pas un organe de répression ou de maintien de l’ordre : nous ne portons pas d’affaires devant les tribunaux, et nous n’engageons pas de poursuites à l’encontre d’officiels ou d’entreprises ». La Banque mondiale a commencé par éliminer toute corruption dans les projets qu’elle finance. Ces deux dernières années, des mesures d’exclusion prises ont atteint 58 contre 9 mesures de sanction lors des deux années précédentes, s’est-elle réjouie. En avril 2010, la BM a également suspendu pour une période de six ans l’éditeur britannique Macmillan Limited, après qu’il a admis avoir versé des pots-de-vin pour tenter de remporter un marché. Pour elle, ce principe d’exclusion est dissuasif. En juillet 2009, la BM a conclu un règlement dans l’affaire Siemens qui s’est engagée à verser 100 millions de dollars à titre de contribution à des initiatives de lutte contre la corruption à travers le monde.
L’autre enjeu «consiste à voir davantage de suivi de la part des autorités nationales », a-t-elle souligné, notant qu’elle ne parle pas que des pays en développement, puisque certains pays riches ont dû mettre fin à des procédures d’enquête, ou peut-être ne pas y donner suite de manière aussi effective qu’ils le devraient ou le pourraient. La corruption n’est pas un phénomène inventé par les pauvres ». Elle exhorte les pays a agir en enquêtant. Durant l’exercice clos en juin 2010, 32 dossiers ont été transmis par la BM à des instances gouvernementales et organes de lutte contre la corruption, pour qu’ils puissent prendre des mesures correctives et mener leurs propres enquêtes judiciaires afin d’établir si les lois de leur pays ont été enfreintes, a fait savoir Mme Indrawati.
Elle signalera : «les enquêtes de suivi prennent du temps et ne déboucheront pas toujours sur des poursuites, mais nous aimerions quand même voir un certain suivi, et nous nous attendons bien à voir le nombre de condamnations augmenter régulièrement au fil du temps ». Pour garantir ce suivi, la BM a publié, pour la première fois, la liste des pays destinataires de ces dossiers de corruption dans le Rapport annuel 2010 de la vice-présidence INT, dont le Royaume-Uni, le Kazakhstan, le Canada, la Norvège et la Tanzanie.
L’initiative STAR pour la restitution des avoirs volés
Autre élément du dispositif de lutte contre la corruption est constitué par l’Initiative pour la restitution des avoirs volés (Initiative StAR), que la Banque mondiale a lancée en collaboration avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Cette initiative vient à l’appui des efforts menés à l’échelon international en vue de faire disparaître les zones d’impunité pour les fonds frauduleux. Plus de 23 pays, ce qui représente une proportion de plus de un pour sept parmi les signataires de la Convention des Nations Unies contre la corruption, ont en effet demandé une aide sous une forme ou une autre, et des progrès ont été faits pour ce qui est d’aider les pays à renforcer leurs capacités et à collaborer aux processus de restitution des avoirs volés. Six d’entre eux ont à présent procédé à un gel des avoirs, d’autres ont procédé de manière satisfaisante à un premier échange de demande de coopération juridique, et d’autres encore ont lancé leur première série d’enquêtes. En 1996, le mot «corruption» est prononcé pour la première fois à la Banque mondiale. Aujourd’hui, 147 des 184 pays membres des Nations Unies ont adhéré à la Convention des Nations Unies contre la corruption : cela constitue véritablement un engagement d’ampleur globale.
L’année dernière, à Doha, ces États ont convenu d’un mécanisme d’examen global. Même si cela ne répondait peut-être pas aux attentes de tout le monde, l’accord a été conclu et le processus est déjà engagé. Le G20 s’est saisi de ce dossier. Au début du mois de décembre prochain, une Journée de l’intégrité, durant laquelle sera donné suite au contenu des discussions intervenues à Bangkok, aura lieu à Washington. (El Watan-22.11.2010.)
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Mouhib Khatir, élu 9e meilleur maire du monde pour sa lutte contre la corruption en Algérie
Mouhib Khatir, maire de Zéralda en 2012 a été reconnu comme l’un des meilleurs maires au Monde pour sa lutte constante contre la corruption. Il est le seul maire du continent africain à avoir été primé.
Un Algérien parmi les 10 maires les plus importants dans le monde. Mouhib Khatir a réussi cet exploit grâce à son combat incessant contre la corruption, un fléau qui ronge l’Algérie. Son courage a été récompensé par l’organisation « City Mayors Foundation » qui organise chaque année le »World Mayor Project » visant à souligner le travail et le mérite des maires dans le monde. Ce prix est attribué en fonction de l’honnêteté, de la politique, de la gestion économique du maire, ou encore du lien entre l’élu et sa communauté.
D’après les citoyens de sa ville, Mouhib Khatir, a toujours « protégé sa ville d’un développement de la mafia locale ». C’est pourquoi il a reçu les félicitations de cette organisation qui invite tous les hommes politiques du monde à suivre son exemple et à être aussi persévérant que lui lorsqu’il était maire de Zéralda.
Ce dernier a rencontré un grand nombre d’obstacles et pourtant, il a poursuivi sa politique anti-corruption durant de nombreuses années. En 2011, il a été emprisonné pendant sept mois, pour une affaire d’escroquerie, mais a été innocenté et relâché après l’intervention de nombreuses ONG dont Transparency International. Son emprisonnement avait suscité une grande mobilisation.
Entre 2007 et 2012, « j’ai, avec mes collègues, fait l’objet de menaces, de harcèlement et de chantage par les mêmes personnes qui m’ont enlevé et m’ont envoyé en prison pendant sept mois sous de fausses accusations. Le seul but de me faire taire. Avec les derniers développements, la corruption n’est pas près de disparaître de nos villes. Je vais continuer à travailler et à lutter contre toutes les formes de corruption et d’abus de pouvoir « , avait alors promis Mouhib Khatir.*AF-23.02.2013.
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**Messaoud Mentri. Docteur en droit international et professeur d’université
«Le secret bancaire est un obstacle à la lutte contre le blanchiment d’argent»
Le blanchiment d’argent passe pour être un des fléaux transnationaux qui enregistre une évolution dangereuse ces dernières années. D’après vous, quels sont les facteurs essentiels qui propulsent ce phénomène ?
Les causes sont multiples. Il y a le laxisme des dirigeants de certains pays qui n’ont pas mis en place une réglementation rigoureuse pour faire face aux opérations de blanchiment d’argent. Il y a même des pays qui sont considérés comme des paradis fiscaux compte tenu des facilités octroyées à l’ouverture de comptes secrets alimentés par des fonds dont la source n’est pas connue et qui sont, en plus, exonérés d’impôts.
- Le secret bancaire est l’un des obstacles majeurs sur lesquels butent les organismes de lutte contre le blanchiment d’argent. Il est protégé dans les pays qui abritent les plus grandes places financières…
Effectivement, le secret bancaire demeure l’un des plus grands obstacles dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Il ne permet pas à l’institution financière de donner des informations sur le propriétaire du compte bancaire. Malgré la suppression du secret bancaire des textes de loi en cas de suspicion de blanchiment d’argent, les dirigeants des banques et les employés se cachent derrière le secret bancaire. En outre, il n’y a pas de collaboration réelle entre les banques et la justice dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Pourtant, les banques sont les premières concernées par la lutte contre le phénomène. A cela s’ajoute l’inexpérience du personnel des banques dans la découverte du blanchiment d’argent. Il est souvent facile pour les propriétaires de fonds de cacher l’origine des capitaux acquis de façon illicite.
- La mobilisation internationale actuelle contre l’argent sale est-elle vraiment réelle et sincère ?
Dans les textes du moins, ce que je peux vous dire c’est qu’il y a une prise en charge effective des Nations unies du phénomène de blanchiment d’argent. La convention des Nations unies du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne (dite Convention de Vienne) est considérée comme le texte de référence en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Les Etats parties à la Convention ont pris conscience que le trafic de stupéfiants est la source de gains financiers et de fortunes importantes qui permettent aux organisations criminelles transnationales de pénétrer, contaminer et corrompre les structures de l’Etat, les activités commerciales et financières et la société à tous les niveaux. La Convention de Vienne oblige les Etats signataires à conférer le caractère d’infraction pénale au blanchiment d’argent, à condition que les actes réprimés aient été commis intentionnellement et portant sur des biens dont celui qui s’y livre sait qu’ils proviennent d’une des infractions établies.
Il faut également citer la mobilisation de l’Europe contre le blanchiment d’argent. Le comité des ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe a adopté le 27 juin 1980 la recommandation n°80 relative aux mesures contre le transfert et la mise à l’abri des capitaux d’origine criminelle. La stratégie européenne de lutte contre le blanchiment d’argent a pris un autre élan avec l’adoption, en novembre 1990, de la Convention sur le blanchiment, la détection, la saisie et la confiscation des produits de crime. Aussi, il faut signaler la directive du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux. Le rôle joué par le Groupe d’action financière (GAFI) afin de promouvoir des politiques internationales de lutte contre le blanchiment d’argent doit être souligné. Les 40 recommandations du GAFI ont été formulées dans la perspective de lutter contre l’usage abusif de systèmes financiers à des fins de blanchiment de capitaux.
- En tant que juriste, trouvez-vous que l’Algérie soit suffisamment outillée pour lutter efficacement contre cette grande délinquance qui menace sa sécurité et son économie ?
L’Algérie a pris conscience depuis quelques années de la nécessité d’aligner sa législation avec les instruments internationaux en vigueur dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent. A cet effet, elle a ratifié plusieurs conventions internationales. Les plus importantes sont la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, dite Convention de Vienne ; la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 15 novembre 2000 ; la Convention arabe de lutte contre le terrorisme signée au Caire le 22 avril 1998 ; la Convention internationale de financement du terrorisme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1999 et la Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme adoptée à Alger le 14 juillet 1994.
- Qu’en est-il des dispositifs nationaux ?
Notre pays a adopté un dispositif répressif de lutte contre le blanchiment d’argent. On peut citer notamment la loi n°05-01 du 6 février 2005 relative à la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En vertu de l’article 389 du code pénal, «quiconque commet le fait de blanchiment de capitaux est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 1 000 000 à 3 000 000 DA». La sanction prévue dans l’article 389 du code pénal est encore plus sévère lorsque le blanchiment d’argent a été commis dans le cadre d’une organisation criminelle. Il est puni d’un emprisonnement de dix à vingt ans et d’une amende de 4 à 8 millions de dinars. La tentative de délit est punie des peines prévues pour l’infraction commise. La personne morale qui commet l’infraction est punie d’une amende qui ne saurait être inférieure à quatre fois le maximum de l’amende versée par les personnes physiques. En outre, il sera procédé à la confiscation des biens et revenus blanchis. La juridiction peut en outre prononcer les mesures suivantes : dissolution de la personne morale ou encore interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale pour une durée n’excédant pas cinq ans.
- Existe-t-il des structures de détection, de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent en Algérie ?
Oui, l’Algérie a sa Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) créée par le décret exécutif n°02-127 du 7 avril 2002 pour la détection des opérations de blanchiment d’argent. Les membres de la Cellule ont été nommés par le décret présidentiel du 10 février 2002. Elle est rattachée au ministère des Finances. Les membres de la CTFR peuvent faire appel à toute personne jugée qualifiée pour l’assistance dans l’accomplissement de ses fonctions. Elle a pour mission de recueillir et traiter tout renseignement propre à révéler l’origine des fonds ou la nature de l’opération douteuse. Elle reçoit les déclarations de soupçon des organismes financiers. Il est incontestable que son efficacité est fonction des informations qu’elle reçoit. Dès qu’il y a soupçon sur l’origine de capitaux, les organismes financiers doivent faire leur déclaration.
Les services des impôts et des Douanes sont également soumis au régime de la déclaration de soupçon lorsqu’ils découvrent, dans l’exercice de leur mission de contrôle et de vérification, des fonds ou des opérations qui proviennent d’un crime organisé ou de trafic de stupéfiants ou encore de terrorisme. Une telle déclaration de soupçon constitue sans aucun doute une exception à la règle du secret bancaire à laquelle sont assujettis les organismes financiers. La CTRF peut ordonner, à titre conservatoire, le sursis à exécution de toute opération de banque, de gel et de saisie des avoirs en compte de toute personne physique ou morale sur laquelle pèsent de fortes présomptions de blanchiment d’argent. La mesure conservatoire ne doit pas dépasser 72 heures, sauf autorisation de prorogation accordée par le président du tribunal d’Alger.
- Quelles sont les mesures susceptibles d’aider à circonscrire ce fléau en Algérie ?
Des mesures de vigilance doivent être prises à l’égard de la clientèle. A ce titre, les institutions financières sont dans l’obligation de bien vérifier l’identité du client, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale ; les dirigeants des banques et les employés doivent apporter une attention particulière à toutes les opérations complexes d’un montant anormalement élevé. Ils bénéficieront d’une protection contre toute responsabilité pénale ou civile pour violation des règles de confidentialité s’ils déclarent de bonne foi leur suspicion à la CTRF. Cette exemption de responsabilité reste fondée même si les enquêtes n’ont donné lieu à aucune suite ou si les poursuites ont abouti à des décisions de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement. Un programme de formation des employés des banques peut être d’un apport certain.
Enfin, une coopération internationale entre les institutions financières algériennes et étrangères est nécessaire, notamment en matière de communication et d’échanges d’informations. La coopération judiciaire doit également être établie entre les juridictions algériennes et étrangères. Elle peut porter sur les demandes d’enquête, les commissions rogatoires internationales, l’extradition des personnes recherchées conformément à la loi, ainsi que la recherche et la saisie des produits de blanchiment d’argent.
La mise à niveau de la législation nationale avec les normes des conventions ratifiées en matière de lutte contre le blanchiment d’argent est d’une extrême urgence. Il ne suffit pas seulement de sanctionner par des peines très sévères le blanchiment d’argent. Il faut également donner des moyens aux structures chargées de détecter les opérations de blanchiment et responsabiliser beaucoup plus les banques, qui doivent être dans l’obligation de dénoncer tout placement d’argent qui leur paraîtrait d’origine douteuse, criminelle ou acquis de manière illicite. (El Watan-25.08.2012.)
**Trois milliards de francs suisses en argent sale détectés en Suisse aprés « le Printemps arabe«
A en croire le rapport annuel de l’Office fédéral de la police (Fedpol), finalisé fin juin 2012, l’année 2011 aura été celle de tous les records pour les autorités suisses de lutte contre le blanchiment d’argent. Plus de 3,3 milliards de francs et pas moins de 1625 communications de soupçon transmises par la place financière suisse, deux «performances» que la confédération helvétique et l’ensemble des cantons la composant n’ont jamais connues depuis la création, en 1998, du Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS). En l’espace d’une année, les communications de soupçon ont bondi de 40%, passant de 1159 en 2010 à 1625 en 2011. Les plus de 3 milliards de francs qu’elles représentent au total correspondent aux montants des années 2009 et 2010 réunies, indique le document de Fedpol, dont une copie nous a été transmise par une source du service médias.
A cette situation inédite, une explication majeure : l’avènement du Printemps arabe. Car chaque époque, chaque circonstance a sa fraude. Et celle de ces derniers temps semble avoir fait ses choux gras avec les mouvements migratoires et les mouvements de capitaux consécutifs à la vague de révoltes démocratiques dans le Monde arabe. Alors qu’aucune communication n’avait été enregistrée en rapport avec les pays du Maghreb et du Moyen-Orient en 2010, les 135 cas signalés au MROS l’an dernier représentent 8,5% de toutes les annonces, est-il encore indiqué dans le rapport de Fedpol. Liés à l’Egypte, la Tunisie, la Libye ou la Syrie, ces 135 cas ont, à eux seuls, totalisé pas moins de 600 millions de francs. Et le nombre de bénéficiaires provenant des régions en question a triplé par rapport à 2010.
Le Printemps arabe et ses migrants auraient-ils fait de la Suisse un point de chute idéal ? Pour les organismes helvètes de lutte contre l’argent sale, le marché secret de l’argent n’est pas une exclusivité suisse. Attachés à la préservation de la sérénité de leur pays, ces organismes veillent scrupuleusement à ce que l’image de marque de la plus célèbre place financière ne soit entamée davantage. «Il ne faut pas déduire de cette tendance que le blanchiment d’argent est en augmentation. La Suisse ne compte d’ailleurs ni plus ni moins de cas de blanchiment que d’autres places financières de même type», se défend le Fedpol, mettant plutôt en avant le sentiment de responsabilité et la prise de conscience réelle des intermédiaires financiers qui ne cessent de se faire sentir.
«Les banques, qui assurent deux tiers des communications, ont fait beaucoup d’efforts en développant leurs systèmes de contrôle interne. Elles sont désormais suivies par les autres intermédiaires, en particulier les sociétés de transfert de fonds, dont les communications ont été quatre fois plus nombreuses qu’en 2010.» Aussi, précise Fedpol dans son rapport dont nous détenons une copie, ce sont bien les ordonnances d’urgence du Conseil fédéral prononcées début 2011 et instituant des mesures à l’encontre de certaines personnes originaires d’Egypte ou de Tunisie qui ont donné les bases aux dénonciations de soupçon de blanchiment. Ce qui expliquerait en partie le passage au triple du nombre de bénéficiaires potentiels de ces actes provenant du Moyen-Orient en 2011 comparativement à l’année 2010.
S’agissant de l’origine des capitaux placés dans les banques suisses et sur lesquels pèsent des soupçons de recyclage, Fedpol relève que «l’escroquerie demeure l’infraction préalable présumée à l’origine du plus grand nombre de communications».
La corruption, l’infraction la plus répandue parmi les communications en lien avec l’Egypte, maintient, quant à elle, une tendance haussière eu égard aux montants en jeu : 791 millions de francs pour à peine 7 communications de soupçon.
Par ailleurs, malgré le tour qu’a pris l’activité terroriste après l’éclatement des crises dans le Monde arabe et le Maghreb, le nombre et surtout le montant des communications en rapport avec le financement du terrorisme se sont, curieusement, sensiblement repliés, est-il souligné dans le même rapport.
En termes relatifs, le MROS en a reçu 13 pour un montant total d’à peine 152 000 francs contre une dizaine pour 23 millions en 2010. Bien que dans la plupart des cas, les communications sont prises au sérieux et ne restent pas sans suite. En effet, saisie par les organismes de lutte antiblanchiment d’argent, la justice helvétique finit souvent par engager des poursuites à l’encontre des personnes ou sociétés suspectées. En témoignent les 7417 communications retransmises de 2002 à fin 2011 aux autorités pénales, dont 61% ont fait l’objet d’une décision. Aussi, sur les 4536 communications traitées par les juges suisses pour décider des suites à donner, seulement 5,8% ont abouti à une condamnation. Pour l’heure, une procédure pénale a été ouverte dans 42,6% des cas.
C’est dire que la reconnaissance internationale que s’est attirée le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent, la Confédération suisse ne la doit pas au seul volume des communications de soupçon issues de la place financière mais également et surtout au suivi judiciaire dont elles font l’objet. La tendance à la hausse du taux de retransmission aux autorités de poursuites pénales en est une preuve. De 87% en 2010, ce taux est passé à 91% en 2011, il pourrait dépasser 95 ou 96% en 2012. La qualité et la fiabilité des communications, souvent contestées, sont aujourd’hui établies, se félicitent Fedpol et le MROS. (El Watan. 25.08.2012.)
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«Il y a toute une concurrence entre paradis fiscaux»
selon Nacer-Eddine Ziani. Expert financier, diplômé de l’université américaine
Le marché secret de l’argent n’est pas une exclusivité suisse. Il y a même toute une concurrence entre plusieurs paradis fiscaux.
La particularité de la Suisse réside dans le fait qu’elle garantit la valeur de l’argent qui est déposé dans ses coffres, outre le secret bancaire. La Suisse, qui a aussi abandonné la parité or mais gardé un système plus stable de monnaies, est devenue le pays de la garantie absolue.
Plus généralement, les fonds déposés en Suisse permettent une dissimulation aux systèmes fiscaux des autres pays et aussi des investissements dans d’autres places bancaires. Une autre porte de sortie vers les marchés extérieurs est également garantie. Vers le Liechtenstein, à titre d’exemple. A cette principauté, la Suisse est liée par une union douanière et la même monnaie, le franc suisse en l’occurrence. Pour les entreprises et les holdings internationaux, sa législation est encore plus souple qu’en Suisse. Aucun système réel d’entraide judiciaire avec des pays étrangers n’existe. Vaduz (capitale du Liechtenstein) est le siège de divers types de sociétés : trusts, entreprises fiduciaires, sociétés anonymes, établissements et fondations. Mais le grand concurrent de la Suisse est actuellement le Luxembourg, un bien petit paradis coincé entre la France, l’Allemagne et la Suisse. Son célèbre boulevard Royal est devenu l’avenue des banques : plus de 120 établissements y sont implantés. En avril 1981, le secret bancaire a été inscrit dans la loi.
La toute proche Autriche, accolée au Liechtenstein et à la Suisse, est, elle aussi, en train de se tailler une place dans le grand jeu financier. Sa proximité avec les pays de l’Est et de l’Orient en a fait une plaque tournante, neutralité aidant, pour le terrorisme international. Vienne est devenue le dernier rendez-vous à la mode de tous les agents spéciaux, marchands d’armes du monde entier. En contrepartie, l’Autriche estime mériter sa part du gâteau. Le secret bancaire y a été institué en 1979. L’innovation consiste en la possibilité de déposer des fonds sur des comptes anonymes : un compte et un mot-clé pour y avoir accès. La discrétion est assurée.
Gibraltar est un coin idéal pour les directeurs de holding et de sociétés internationales voulant profiter d’une ouverture toute proche vers le Maghreb.(El Watan-25.08.2012.)
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«Les instruments de lutte sont inexistants»
L’absence de banques de données rend presque caduque la lutte contre la corruption.
De gros scandales de corruption ont éclaboussé les institutions de l’Etat. Ce fléau n’a jamais été aussi grave et son étendue ne cesse de se propager. «Il ne faut pas perdre de l’esprit les groupes d’intérêts qui tiennent à perpétuer leurs affaires fructueuses en opposant une résistance farouche contre toute initiative de lutte contre le phénomène de la corruption», a estimé Dimitri Vlassis, chef de la section de la lutte contre la corruption et les crimes économiques à l’Office des Nations unies (Onudc) et secrétaire des Etats parties à la convention des Nations unies contre la corruption. «Ce fléau très complexe ancré dans la société dépend et du système social et du système politique», indique-t-il en marge de la journée d’information sur la mise en oeuvre de la convention des Nations unies contre la corruption tenue avant-hier, à Alger. «La lutte contre la corruption est une action qui n’est pas figée donc, dynamique et continue. Des mesures fortes à même de changer la mentalité et le comportement sociétals sur ce phénomène sont indispensables.» Cependant, les instruments de lutte n’ont pas encore vu le jour en Algérie et restent au stade de décision. L’ordonnance relative à la création de l’Observatoire national de lutte contre la corruption, a été promulguée en 2006. Il a fallu attendre la fin de 2010, pour voir une autre ordonnance complétant celle de 2006 à travers laquelle les pouvoirs publics prévoyaient de mettre en place un «office central de répression de la corruption chargé des recherches et de la constatation des infractions de corruption». Aucune échéance n’a été déterminée pour la mise sur pied du nouvel organisme.
La corruption petite ou grande, sape la démocratie et l’Etat de droit et fausse le jeu des marchés. Elle est un crime contre le développement, la santé, l’éducation, l’environnement et crée un terrain propice à la criminalité organisée, selon la convention des Nations unies paraphée par 154 pays dont l’Algérie en 2003. La législation anticorruption – notamment la loi du 20 février 2006 et les textes d’application du 22 novembre 2006 -, n’ont pas eu de suite. Néanmoins, on lui a substitué actuellement «une commission nationale ad hoc».
L’efficacité de la lutte contre la corruption dépend de l’implication effective de la société civile organisée et autonome. Or, «la société civile est quasi inexistante en Algérie», s’accordent à dire tous les intervenants parmi les sociologues et universitaires présents à cette journée d’étude.
Le trafic d’influence, l’abus de fonctions et l’enrichissement illicite sont répertoriés comme infractions pénales. Concernant cette dernière infraction, aucun chiffre n’a été fourni sur le nombre d’affaires traitées durant l’année 2011.
Le directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Mokhtar Lakhdari, s’est contenté de dire qu’«il y a quelques cas d’enrichissement illicite traités pour la justice en 2011». L’absence de banques de données rend presque caduque la lutte contre la corruption. «A chaque affaire judiciaire liée à la corruption, la justice est confrontée à l’absence de données permettant de remonter aux sources des biens des personnes inculpées», a justifié le même responsable. «Le parquet ne s’autosaisit que sur preuve tangible, autrement dit que si le mis en cause est inculpé dans une affaire», a-t-il soutenu. Or, devant l’absence de banques de données il est pratiquement impossible de prouver des crimes de corruption sauf en cas de flagrant délit.
En Algérie, classée par Transparency International à la 105e position sur 170 en 2010, «les collectivités territoriales, les bureaux de poste et les banques sont les plus touchés par la corruption», a précisé ce responsable. «En 2010, la justice a traité 948 affaires de corruption et 1354 personnes ont été jugées», a-t-il déclaré. Dans ce contexte, il a ajouté que les statistiques pénales «révèlent l’étendue et l’ampleur du phénomène de corruption en Algérie et aident à en définir les causes». (L’Expression-24.09.2011.)
**Des hauts responsables s’opposent aux « réformes qui permettraient de mettre fin à la corruption »
L’ancien Chef du Gouvernement, Ahmed Benbitour, a mis le doigt où ça fait mal. Dans un entretien accordé au quotidien francophone El Watan, Ahmed Benbitour a évoqué avec beaucoup de franchise les multiples scandales de corruption qui ébranlent l’Algérie ces dernières semaines. Ainsi, d’après cet ancien commis de l’Etat, « il ne faut pas se faire d’illusion, les responsables qui profitent de leur position vont s’opposer aux réformes des institutions qui permettraient de mettre fin à la corruption », a-t-il dénoncé.
« Les remèdes, a-t-il poursuivi, doivent s’appuyer sur un processus politique qui consacre les programmes anti-corruption, à savoir : les réformes du système de régulation, de la Fonction publique et de l’administration, des finances publiques, du système judiciaire, du système bancaire ». En outre, l’ancien Chef du gouvernement a plaidé pour la révision « du système de gouvernance des entreprises, en particulier la nomination de membres des conseils d’administration indépendants et pénalement responsables de la bonne gestion des affaires ». Benbitour a relevé également que « la corruption s’est implantée dans l’ensemble des rouages de l’Etat et des entreprises ». « Elle se réalise, analyse-t-il encore, dans les programmes d’importation, lors de la passation de contrats de réalisation de projets, de l’achat d’équipements collectifs, d’équipement des entreprises et lors des prêts bancaires ».
Enfin, au sujet de la réaction du Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Benbitour considère qu’elle est « très tardive ! » « La lutte contre la corruption ne se réalise pas par des déclarations. Elle consiste à apporter des remèdes appropriés aux fauteurs par des sanctions criminelles et pénales, des règles de procédure claires, des mécanismes institutionnels qui combattent les actes de corruption qui ont eu lieu », a-t-il affirmé en suggérant de « mettre l’accent sur les réformes institutionnelles et les politiques publiques, avec un engagement et un leadership explicite du premier responsable de l’Etat ».*algérie.focus-05.03.2013.
**L’Assemblée populaire nationale reste muette devant des scandales de corruption impliquant de hauts responsables
La confortable posture de spectateurs- Les députés payés pour faire ce qu’on leur dit
L’Assemblée populaire nationale (APN) est-elle à ce point sclérosée qu’elle reste muette devant des scandales de corruption impliquant de hauts responsables dont un ex-ministre?
Comme tous les Algériens qui constatent, impuissants, que le phénomène prend des proportions dangereuses, les députés se plaisent dans une posture de spectateurs.
Depuis l’éclatement de l’affaire dite Sonatrach 2, début février dernier, aucune initiative n’est venue de cette assemblée, exception faite de la question écrite du député du FJD, Lakhdar Benkhelaf, adressée au ministre de l’Energie et des Mines. Ce n’est pourtant pas les prérogatives qui manquent.
Les députés peuvent auditionner le Premier ministre par un débat général sur une question importante, auditionner des membres du gouvernement par les commissions permanentes du Parlement, poser des questions orales et écrites ou faire des interpellations. Ils peuvent aussi instituer des commissions d’enquêtes sur des questions données. Avec toutes ces prérogatives, une APN sérieuse et légitime aurait certainement provoqué une avalanche d’initiatives.
Comment expliquer donc cet immobilisme? Les observateurs estiment que l’APN n’est qu’une chambre d’enregistrement et un instrument entre les mains du pouvoir exécutif. Même le chef de l’Etat a réagi au scandale Sonatrcah 2, refusant de le «passer sous silence» et exprimant sa «révolte» et sa «réprobation».
Pourquoi donc les députés ne prennent-ils pas acte et ne donnent-ils pas des suites à cette colère exprimée en haut lieu?
A moins que les députés ne soient eux-mêmes corrompus, rien ne peut expliquer leur passivité. Durant la précédente législature, deux initiatives ont été avortées par l’APN. Il s’agit d’une demande de débat général sur la corruption faite par le RCD et d’une proposition de commission d’enquête sur le phénomène, initiée par Ali Brahimi.
Face au silence des parlementaires, grassement payés, ce sont les citoyens, des syndicalistes et des militants des droits de l’homme qui réagissent avec le lancement d’une pétition, sans exclure un éventuel rassemblement ou une marche contre la corruption.
L’objectif de cette pétition est de faire accepter aux autorités que des citoyens se constituent partie civile contre les auteurs incriminés dans les scandales qui éclatent. «Il est de notre devoir de citoyens de réagir pour un sursaut national afin de sauver la nation, même si la réglementation algérienne, pour défendre les prédateurs, ne permet pas au simple citoyen de se constituer partie civile.
Nous devons par l’intermédiaire de cette pétition exiger que justice soit rendue et qu’elle punisse les responsables, commanditaires et profiteurs quel que soit leur statut ou leur rang», écrivent les initiateurs de cette pétition en se référant à certains articles de la Constitution.*L’Expression-12.03.2013.
**18 ans de prison ferme contre un ex-cadre dirigeant d’Algérie Télécom et un homme d’affaires
Une peine de dix huit ans de prison ferme et une amende de cinq millions de dinars ont été prononcées mercredi 06.06.2012. par le tribunal du pôle judiciaire d’Alger contre un ex-cadre dirigeant d’Algérie Télécom et un homme d’affaires algéro-luxembourgeois, accusés de transactions douteuses et blanchiment d’argent. Mohamed Boukhari, ancien cadre d’Algérie Télécom et Chami Madjdoub, homme d’affaires, ont été condamnés pour avoir commis entre 2003 et 2006 des transactions douteuses et blanchiment d’argent au préjudice d’Algérie Télécom. (Ennahar-06.06.2012.)
***Un rapport de Transparency International classe le système algériel à la 112ème place
Haut niveau de corruption au sein des institutions de l’Etat
Le rapport de l’organisation Transparency International, publié le 1er décembre, la classe, sans surprise, en 112e position sur un total de 182 pays. Avec un indice de perception de la corruption de 2,9 sur une échelle de 10, le pays a perdu 7 places en une année. Une note d’autant plus alarmante qu’elle atteste, selon les mesures de l’organisation internationale, d’un haut niveau de corruption au sein des institutions de l’Etat.L’Algérie est à la traîne, y compris dans le Monde arabe. Les pays du Golfe se joignent au club des pays les plus transparents, à l’exemple du Qatar (22e place), des Emirats arabes unis (28e), du Bahreïn (46e), Oman (50e) et le Koweït (54e). Elle est également mauvaise élève en comparaison avec les autres pays du Maghreb, comme le Maroc (80e) et la Tunisie (73e).
Par rapport aux pays africains, l’Algérie fait mieux que le Mali, la République du Congo et le Nigeria, mais elle est tout de même derrière le Malawi, la Zambie et le Lesotho.
L’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), présidée par Belkacem Hadjadj, précise, dans un communiqué, que l’Algérie a fait l’objet de sept enquêtes et études d’organisations internationales indépendantes, qui convergent toutes vers les mêmes résultats.«L’indice 2011 note 183 pays et territoires de 0 (extrêmement corrompu) à 10 (extrêmement intègre) selon les niveaux de corruption perçus dans le secteur public. Il utilise les données de 17 enquêtes portant sur des facteurs tels que l’application des lois anticorruption, l’accès à l’information et les conflits d’intérêts», est-il expliqué, précisant que ces mauvais résultats de l’Algérie, pour la neuvième année consécutive, ne sont pas une surprise. «Ces dernières années ayant été marquées non seulement par une explosion des affaires de grande corruption, mais aussi par une totale absence de volonté politique du pouvoir à lutter contre la corruption», rappelle l’association.
Le communiqué de l’AACC indique qu’avant le Printemps arabe, un rapport de Transparency International portant sur la région Moyen-Orient-Maghreb soulignait que le népotisme, les pots-de-vin et le clientélisme étaient si profondément ancrés dans la vie quotidienne que même si des lois anticorruption étaient en place, elles n’avaient que peu d’effet, surtout lorsqu’elles sont de très mauvaise qualité et ne sont pas du tout appliquées, comme c’est le cas en Algérie. Et d’asséner : «Le pouvoir algérien ne fait pas uniquement semblant de lutter contre la corruption – ce qui ne trompe plus personne –, il s’acharne surtout à combattre les organisations et les militants politiques et associatifs qui dénoncent la corruption et essaient de multiplier les initiatives pour la contrer.»
Il est à noter, enfin, que le pays le plus vertueux au monde serait, selon le classement de Transparency International, la Nouvelle-Zélande, suivie de près par les pays scandinaves, Singapour et l’Australie. (El Watan-03.12.2011.)
**Corruption : l’Algérie mal notée, rongée par l’opacité
L’Algérie vient d’être reclassée à la 112ème place mondiale sur 180 des pays les plus corrompus au monde, loin derrière ses deux voisins, le Maroc (80e) et la Tunisie (73e), selon l’indice de perception de la corruption 2011 de l’ONG Transparency International paru hier.
Elle perd ainsi sept places par rapport au classement de l’an dernier. Pour l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), «ces très mauvais résultats de l’Algérie pour la 9e année consécutive ne sont pas une surprise, ces dernières années ayant été marquées non seulement par une explosion des affaires de grande corruption, mais aussi par une totale absence de volonté politique du pouvoir à lutter contre la corruption». Pourtant, l’année 2011 n’a pas connu de véritables scandales financiers, à l’image de l’affaire Sonatrach ou celui de l’autoroute Est-Ouest, toujours en cours d’instruction. Ce classement peu reluisant illustre l’institutionnalisation et la généralisation de la corruption comme modèle de gestion de la chose publique, en dépit du discours des pouvoirs publics concernant la lutte sans merci contre ce fléau. Selon les rédacteurs de ce document, la corruption continue d’affaiblir de trop nombreux pays à travers le monde : «Il montre que certains gouvernements échouent à protéger leurs citoyens contre la corruption, qu’il s’agisse de détournements de ressources publiques, de pots-de-vin ou de prises de décision tenues secrètes.»
C’est justement ce dernier point qui attire l’attention, les accords et les décisions prises loin du débat public posent problème, ainsi que les caisses noires de l’Etat, la passation des marchés de gré à gré que certains hauts responsables justifient par des impératifs de sécurité nationale ou frappés par le sceau de confidentialité. Le projet de loi portant code de l’information, tel que présenté à l’APN, interdit dorénavant aux journalistes de traiter et de divulguer des secrets économiques, ce qui pourrait réconforter les hauts responsables impliqués dans des scandales financiers. Une sorte d’impunité les épargnant de toute poursuite judiciaire et de priver les citoyens de leur droit à l’information concernant la gestion des deniers de l’Etat.
Dans ce registre, Transparency International observe que «les manifestations organisées à travers le monde, souvent alimentées par la corruption et l’instabilité économique, montraient clairement que les citoyens avaient le sentiment que leurs dirigeants et institutions publiques n’étaient ni assez transparents ni assez responsables». L’Algérie a connu, au courant de cette année, diverses manifestations qui ont tourné parfois à l’émeute pour réclamer «la transparence dans la distribution des logements sociaux» et pour dénoncer la pratique des pots-de-vin pour l’octroi d’un logement, que la rapporteuse de l’ONU sur le logement a relevée en la qualifiant «d’opacité et de clientélisme».
Pour Transparency International, deux tiers des pays de la liste ont obtenu des notes inférieures à 5, ce qui suppose qu’il reste beaucoup à faire pour lutter contre la corruption. «Que ce soit en Europe, frappée par la crise de la dette, ou dans le monde arabe, à l’aube d’une nouvelle ère politique, les dirigeants doivent prendre en compte l’exigence d’une meilleure gouvernance», a mis en garde Huguette Labelle, responsable de l’ONG. Une mise en demeure que les dirigeants algériens doivent prendre en compte.(El Wata,-02.12.2011.)
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«C’est scandaleux ! C’est scandaleux ! »…Le refus de Ziari battu en brèche
Ali Brahimi, député et rapporteur de la commission de la jeunesse, des sports et de l’activité associative, au sein de l’Assemblée populaire nationale a accusé Abdelaziz Ziari, président de l’Assemblée, de s’être trompé de références juridiques dans la motivation du refus de la commission d’enquête sur la corruption. «C’est scandaleux ! C’est scandaleux ! », s’est écrié Ali Brahimi devant les journalistes dans le hall de la chambre basse avant de lancer : « il a refusé la constitution de la commission d’enquête sur la corruption en se référant à des articles qui le permettent ». Pour illustrer ses dires et expliquer la colère qui le tenait à la gorge, le parlementaire a affirmé qu’il est en possession de « deux documents signés de la main de Abdelaziz Ziari dans lesquels il est indiqué que la demande a été rejetée par le bureau de l’APN sur la base de l’article 161 et un deuxième article de la loi organique. Or, les deux articles stipulent qu’il est du droit des députés de l’APN de constituer des commissions d’enquête », précise l’ex-député du RCD. Aux dires de notre interlocuteur, qui s’exprimait quelques heures après la brève intervention du président de l’APN au cours de laquelle il a endossé les motivations du refus de la commission d’enquête à l’illégalité de la procédure entreprise par les initiateurs de cette proposition, le bureau de l’APN leur a demandé de désigner un secteur précis tout en jugeant que la requête était générale. Il importe de souligner que l’article 161 de la Constitution prévoit que chacune des deux chambres du Parlement peut, dans le cadre de ses prérogatives, instituer à tout moment des commissions d’enquête sur des affaires d’intérêt général. Avant de clore son intervention, Ali Brahimi nous a promis de diffuser les deux documents en question afin que l’opinion nationale soit informée sur le comment du refus de la création de cette commission que, selon lui, la proposition, à elle seule, a suffit pour faire trembler tout l’hémicycle de Zirout Youcef. (Le Courrier d’Algérie-26.10.2010.)
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*De nouvelles mesures, des interrogations…
Après la cascade des scandales financiers, l’Etat se ressaisit et décide de créer un office central de lutte contre la corruption.
L’ordonnance de la loi de finances complémentaire 2010 (LFC), adoptée mercredi dernier, a lancé le coup d’envoi de cet organisme qui assumera, désormais, la mission d’enquêter et de constater les infractions de corruption. Il sera constitué d’officiers de la police judiciaire avec une compétence étendue au territoire national.Une copie du défunt Office national de répression du banditisme (ONRB), créé au début des années 1990 et dissous, au milieu des années 2000, à la suite d’implication de certains de ses cadres dans des affaires scabreuses. C’est d’ailleurs ce même office qui a eu à traiter de nombreux dossiers liés à la criminalité financière et dont certains ont défrayé la chronique, avant que sa dissolution ne soit décidée par feu Ali Tounsi, le patron de la Sûreté nationale.
Pour l’instant, rien n’indique que le tout nouveau Centre de répression de la corruption (CRC) soit dépendant uniquement de la police, du fait que l’ordonnance portant sa création précise qu’il sera composé d’officiers de la police judiciaire, sans pour autant faire référence à un des trois corps, gendarmerie, police, Département du renseignement de sécurité (DRS), qui ont cette qualité. Il est pour l’instant inopportun d’anticiper sur ses capacités à résoudre l’endémique maladie de la corruption qui gangrène les institutions publiques et privées de l’Etat.
Les expériences précédentes d’organismes chargés de la lutte contre ce fléau ont toutes montré leur incapacité à assumer leur rôle pour une raison ou une autre. Les discours prometteurs des pouvoirs publics et toutes les mesures prises pour juguler ce phénomène sont restées lettre morte. Il est, à juste titre, important de rappeler que plus de trois ans après sa création par décret présidentiel, l’Observatoire de prévention contre la corruption n’a toujours pas vu le jour.
Même si l’intention manifeste est de stopper la rapine, il n’en demeure pas moins que l’ampleur des dégâts occasionnés par les affaires de corruption a fait que l’opinion publique doute encore de la bonne volonté des pouvoirs publics, d’autant que dans tous les grands scandales qui ont fait la une de l’actualité nationale, ce sont ses représentants qui sont les premiers impliqués politiquement sans pour autant être inquiétés.
Il est tout de même étrange que l’ordonnance validée mercredi dernier instaure une obligation légale pour toute personne physique ou morale, nationale ou étrangère, soumissionnant pour l’obtention d’un marché public, de signer une déclaration de probité, par laquelle elle s’interdira de commettre ou d’accepter tout acte de corruption sous peine de s’exposer aux sanctions prévues par la loi, alors que le code pénal algérien réprime le corrupteur et le corrompu en même temps.
Mieux encore, le doute persiste également sur les nouvelles mesures contenues dans la même ordonnance relatives à l’élargissement des missions de la Cour des comptes, cet instrument judiciaire vidé de sa substance et utilisé souvent comme moyen de règlement de comptes plutôt que de contrôle des comptes.
Le nouveau texte introduit de nouvelles missions comme la prévention et la lutte contre les diverses formes de fraudes, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics mais également l’élaboration de recommandations visant au renforcement des mécanismes de protection des deniers publics et de la lutte contre la fraude et les préjudices au Trésor public ou aux intérêts des organismes publics soumis à son contrôle.
En vertu du nouveau texte, cette institution verra son champ d’action étendu au contrôle des comptes et de la gestion des entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation majoritaire au capital ou un pouvoir prépondérant de décision et veillera à l’existence, la pertinence et à l’effectivité des mécanismes et procédures de contrôle et d’audit interne, chargés de garantir la régularité de la gestion des ressources, la protection du patrimoine et des intérêts de l’entreprise, ainsi que la traçabilité des opérations financières, comptables et patrimoniales réalisées.
Un renforcement de ses prérogatives, de ses missions et de son fonctionnement est également prévu. En quelque sorte, des missions qui viennent en parallèle à celles dévolues à l’Inspection générale des finances (IGF), mais dont l’efficacité reste pour l’instant aléatoire vu que ses rapports (non publics) restent souvent sous le coude. Ces nombreuses mesures décidées par le Président pour lutter contre la corruption ne pourront jamais être efficaces s’il n’y a pas une volonté réelle d’éradiquer ce fléau.
Les plus importantes affaires de corruption qui ont éclaboussé les institutions de l’Etat ont eu lieu, faut-il le préciser, durant cette dernière décennie, celle où de nombreux mécanismes contre la délinquance économique ont été mis en place. Néanmoins, sur le terrain, ils sont restés à l’état de décision, et la corruption n’a jamais été aussi grave que durant cette période. Peut-on espérer avoir enfin une réponse à la hauteur de ce fléau ? Même les plus optimistes ne risquent pas d’y croire… (El Watan-29.08.2010.) Par Salima Tlemçani
**ces décisions ne seront prises au sérieux que lorsqu’elles seront véritablement suivies d’effet sur le terrain. Le Conseil des ministres a adopté, mercredi dernier, une batterie de lois destinées à renforcer la lutte contre la corruption. Attendus depuis belle lurette, ces textes sont intéressants en ce sens qu’ils réhabilitent la Cour des comptes et donnent théoriquement les moyens à l’Etat de moraliser plus sérieusement la vie publique. Théoriquement, parce qu’il convient d’attendre encore un peu pour voir si les mesures prises traduisent une réelle volonté de s’attaquer au problème de la corruption et qu’elles ne constituent pas, par conséquent, un simple effet d’annonce. Les expériences menées par le passé en matière de lutte contre la corruption ont souvent montré que le gouvernement avait plus le souci de faire dans la «com» que de s’attaquer à la racine du mal.Aussi, il sera intéressant de savoir, par exemple, si l’Office central de répression de la corruption, créé dans le sillage des mesures prises pour protéger les institutions du pays de dilapidation et de la mauvaise gestion, ne subira pas le même sort que celui de l’Agence nationale de lutte contre la corruption. Cet organisme – dont l’annonce de la création s’était pourtant faite en grande pompe et qui a été présenté comme une panacée aux problèmes de l’Etat – n’a, pour ceux qui ne le savent pas encore, jamais vu le jour. Ce n’est pas tout. Il y a près d’une année encore, le président de la République avait promis, à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire, l’installation d’une commission ad hoc, dont la mission devait justement consister à réfléchir aux moyens d’enrayer ce phénomène. Rien également ! La commission en question n’a jamais été installée. Comme toujours, il ne sera fourni aucune explication à l’opinion.
Inutile de dire que les tergiversations, entretenues par les décideurs politiques sur une question aussi importante, sont difficiles à saisir dans la mesure où elles interviennent dans un contexte marqué par l’éclatement en série de scandales de corruption qui ont éclaboussé de nombreuses institutions du pays. Devant ce genre de situation, le bon sens aurait certainement voulu que les responsables dotent le plus vite possible l’Etat d’institutions capables de mettre fin à la saignée. Cela ne fut malheureusement pas fait. Le résultat, de cette attitude des plus inconséquente, tout le monde le connaît.Il s’agit là peut-être d’une caricature, mais il n’est pas faux de dire qu’au moment où les magistrats de la Cour des comptes s’égosillaient à essayer de faire comprendre l’importance d’une institution comme la leur dans la lutte contre la délinquance financière, Khalifa et de nombreux autres opérateurs véreux se remplissaient tranquillement les poches en toute impunité. Qui sait encore, peut-être que les scandales de Sonatrach et de l’autoroute Est-Ouest auraient pu être évités, si l’on avait pensé à retirer bien plus tôt les entraves qui l’ont empêché de faire son travail. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, une chose paraît claire : en raison des gros flops qui ont caractérisé les nombreuses campagnes de lutte anticorruption menées par le passé, il est certain que les résolutions du Conseil des ministres ne seront prises au sérieux par l’opinion que lorsqu’elles seront véritablement suivies d’effet sur le terrain. (El Watan-29.08.2010.)
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*CODE DES MARCHÉS PUBLICS
Quel bouclier contre la corruption?
La lutte contre la corruption impose, a priori, le maintien de ses règles rigides, dans la mesure où le gré à gré simple n’oblige pas le contractant à respecter les mêmes conditions de l’avis d’appel d’offres.
Le Code des marchés publics n’est qu’un outil juridique. Quelle est en principe la téléologie d’une réglementation des marchés publics? S’agissant de fonds publics, il convient d’en assurer la gestion et l’utilisation dans les conditions les plus optimales au regard de finances publiques. S’agissant d’ouvrages de première importance ou stratégiques, d’en garantir l’exécution à la fois dans les règles de l’art et dans les délais contractuels. Le Code algérien des marchés publics a été remanié de nombreuses fois depuis sa promulgation (juin 1967), car il fallait tenir compte de la réduction du nombre d’opérateurs économiques au CMP (les entreprises publiques n’y relèvent plus depuis janvier 1988), de l’implication plus grande du maître de l’ouvrage dans l’exécution du contrat et, de plus en plus, à partir du moment où l’Algérie optait résolument pour l’économie de marché, de faire prévaloir le principe de libre concurrence qui conduit à retenir l’offre technique et l’offre commerciale les plus compétitives. Il en résulte que la procédure de sélection du cocontractant qui est privilégiée est celle de l’Appel d’Offres (AO), cependant que la procédure du gré à gré simple constitue une règle de passation exceptionnelle commandée par la situation monopolistique du prestataire, l’urgence impérieuse, l’approvisionnement pour sauvegarder le fonctionnement de l’économie, le caractère prioritaire et d’importance nationale du projet (ce dernier étant soumis à l’accord préalable du Conseil des ministres). En dehors de ces cas, dûment établis, l’Etat et ses démembrements de droit public doivent recourir à l’AO. Si les entreprises publiques qui, depuis la loi d’autonomie de janvier 1988 des SPS/SARL, ne sont pas formellement soumises au Code des marchés publics, il n’en demeure pas moins que les entreprises stratégiques et celles exerçant une mission de service public (Sonelgaz revêt les deux caractères) sont soumises à des règles de passation, d’exécution, de règlement et de contrôle des marchés plus draconiennes que celles consacrées par le CMP. Pour Sonatrach, Sonelgaz, Air Algérie, Cosider, l’AO ouvert national et / ou international constitue la règle d’or, cependant que le choix des autres modes de passation n’est envisagé que dans des conditions tout à fait particulières.Le prix du marché n’est qu’un critère parmi d’autres
Les impératifs requis par la lutte contre la corruption imposent, a priori, le maintien de ses règles rigides, dans la mesure où le gré à gré simple ne fait pas obligation au service contractant (ci-après SC) de respecter les mêmes conditions de l’AO, qu’il s’agisse des modes de passation, de procédures de révision des prix, des modalités de paiement, de la nature et de la portée des garanties, de la mise en oeuvre des avenants ainsi que du reste des clauses de droit applicable et de règlement des litiges, voire aussi des modalités de la résiliation. Le législateur doit cependant s’efforcer de concilier deux impératifs apparemment contradictoires. Le premier a trait à la transparence du mode de passation du marché (surtout lorsque celui-ci porte sur des travaux et équipements collectifs financés par le Trésor public ou les institutions internationales sous forme de prêts remboursables au prix du marché et qu’ils atteignent des montants importants de l’ordre souvent de plusieurs dizaines de millions d’euros, voire quelques milliards d’euros). Le deuxième impératif est inhérent au respect des délais contractuels et à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. Il serait certainement utile de préciser, à nouveau, dans quelles circonstances le marché public peut être conclu de gré à gré, de sorte que le SC soit délesté de ce choix lourd de conséquences pour les responsables du service. Mais il faudra prendre garde de ne pas privilégier le prix du marché, si d’aventure le recours à l’AO devait être systématisé. Ni dans le CMP actuel ni dans la réglementation spécifique aux entreprises publiques stratégiques, le prix du marché n’a préséance sur les autres critères. La qualité des prestations, les délais d’exécution, le service après-vente, l’assistance technique, les garanties techniques et financières sont souvent plus importantes que le prix ou les conditions de financement offertes par les entreprises soumissionnaires, notamment étrangères. Ce n’est que dans l’hypothèse où les différents soumissionnaires présentent des offres techniques similaires que le SC peut (car ce n’est qu’une faculté et non une obligation) fixer un seul critère, celui du prix. A travers les tribulations que des projets inscrits au Pcsc ont connu récemment, on se rend compte que si le système d’évaluation des offres techniques avait été conçu de façon plus rigoureuse, les exigences liées à la qualité et au délai de réalisation auraient pu être satisfaites, et par voie de conséquence, le recours aux avenants financiers de régularisation n’aurait pas été exercé.
Le gré à gré doit être maintenu
Il reste que le recours au gré à gré s’impose dans de nombreux cas (notamment ceux liés à l’urgence) et qu’il faudrait autoriser les représentants du SC à y recourir dans l’intérêt même du service, sans avoir à redouter les foudres de la police judiciaire et des magistrats instructeurs. Il convient d’encadrer le gré à gré, notamment par le renforcement des procédures de contrôle a posteriori (lorsque le gré à gré s’effectue dans les cas d’urgence) et des procédures de contrôle a priori dans les autres hypothèses. Interdire le recours au gré à gré, c’est aussi prendre le risque de pénaliser les entreprises publiques algériennes qui sont appelées à évoluer dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Ce n’est pas parce que certains responsables ont pu conclure des marchés de gré à gré selon leur bon plaisir et avec l’assentiment implicite de leur hiérarchie qu’il faudrait condamner cette procédure à une mort lente. (L’Expression-12.07.2010.)
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*PROTECTION DES MAGISTRATS, IMPARTIALITÉ, SCANDALES ET INTERVENTIONS POLITIQUES
Comment la justice traite la corruption
Les langues se délient pour affirmer, en off, que le juge d’instruction ne dispose pas d’une bonne protection, ainsi que d’outils nécessaires pour mener une enquête fiable.
La justice est-elle en mesure de statuer de manière impartiale et juste dans les affaires de corruption ? Les magistrats ont-ils les compétences qu’il faut pour se pencher sur ce genre de dossiers complexes qui pèsent des milliards et aux ramifications diverses et intérêts contradictoires ? Dans le discours officiel, dès que la question est abordée, on rappelle les réformes dont a fait l’objet le secteur et les multiples formations aussi bien en Algérie qu’à l’étranger organisées au profit des magistrats. Mais en off, les langues se délient pour affirmer que le juge d’instruction ne dispose pas d’une bonne protection, ainsi que d’outils nécessaires pour mener une enquête fiable. Toujours sous le couvert de l’anonymat, cet ancien magistrat, puis procureur de la république, avant de se convertir dans la défense, est catégorique. “Le juge d’instruction même s’il ne reçoit pas de directives fermes, il va tenter de faire plaisir à sa chancellerie. C’est de l’autocensure. Aucun magistrat ne vous dira pas, d’ailleurs, qu’il a reçu des directives. Devant l’importance de ces affaires, le magistrat ne joue pas son rôle. Ces dossiers, sous surveillance, ont une connotation politique et dès que le politique intervient tout est faussé”.
À la cour d’Alger, des avocats nous ont fait part de l’hésitation et parfois du refus de certains magistrats de prendre en charge ces dossiers épineux sous prétexte notamment de manque de protection. Information démentie par le président du syndicat national des magistrats algériens, M. Djamel Aïdouni, pour la simple raison, selon lui, qu’“ils n’ont pas le droit de refuser une enquête judiciaire”.
Les récents scandales qui ont éclaboussé des secteurs stratégiques de l’économie nationale, à l’instar de celui des hydrocarbures à travers l’affaire Sonatrach et celui des travaux publics à travers le projet de l’autoroute Est-Ouest, ont mis en évidence l’acuité et l’étendue du phénomène de la corruption. L’affaire Khalifa aurait pu servir de déclic pour instaurer les règles modernes et transparentes de gestion de l’économie fondées sur l’orthodoxie et le respect des lois en vigueur. Le cours imprimé par la justice à cette affaire, réduite à un délit de droit commun et d’escroquerie d’un golden boy indélicat auquel on a fait porter presque seul la responsabilité de la banqueroute du groupe Khalifa, a vite fait de faire voler en éclats les espoirs soulevés auprès de l’opinion publique.
Le pays a ainsi raté une occasion historique pour refonder son système économique, financier et bancaire et affirmer d’une manière ferme et résolue son engagement à déclarer une guerre sans concession à la lutte contre la corruption. Les récentes affaires de corruption, qui ont occupé les devants de l’actualité nationale au cours de ces derniers mois, se nourrissent des mêmes causes et ne manqueront sans doute pas de se surajouter à d’autres scandales du genre dans les semaines et mois à venir.
À travers ces affaires, c’est toute la crédibilité, ou ce qu’il en reste, de l’appareil judiciaire qui est en jeu. L’attente des citoyens dans le verdict de ces procès est à la mesure des préjudices financier et moral occasionnés.
Quand la confiance ne règne pas au sein de la première entreprise du pays, Sonatrach en l’occurrence qui assure le pain quotidien des algériens, faut-il alors désespérer de l’Algérie, de tous les moyens de contrôle qui, selon toute apparence, n’ont pas fonctionné ? En tout cas, les avocats ne se font pas d’illusions sur l’issue de ces procès. Me Mokrane Aït Larbi ne va pas par trente-six chemins pour expliquer les limites du pouvoir des juges. “Le parquet dépend du pouvoir politique, les procureurs exécutent des instructions écrites de la hiérarchie, c’est pourquoi des personnalités citées dans des affaires ne sont pas poursuivies”, observe-t-il. Preuve en est, soutient-il, un procureur qui a mis au jour des affaires contre l’avis de la hiérarchie a été radié par le Conseil supérieur de la magistrature.
L’ancien ministre de l’information, M. Abdelaziz Rahabi, n’en pense pas moins. “On ne peut dissocier le magistrat de son environnement, il y a des responsabilités politiques et organiques qu’il faut situer et faire assumer”, renchérit-il. Les hommes de loi s’en défendent. “On n’a pas un rôle politique, les magistrats traitent des dossiers suivant les procédures judiciaires et pénales et en respectant la loi et la constitution et dans le respect de la présomption d’innocence et le droit de la défense”, soutient, pour sa part, M. Aïdouni, président du Syndicat national des magistrats algériens.
En tout état de cause, la montée au créneau de la DRS qui s’est emparée des deux dossiers de Sonatrach et de l’autoroute Est-Ouest peut-elle être interprétée comme une sanction négative de l’appareil judiciaire pour sa gestion jugée timorée de certains dossiers sensibles et une volonté des services extrajudiciaires de recadrer les investigations autour de ces dossiers, loin des pressions et des interférences ? Cette thèse est bien évidemment loin d’être partagée par ceux qui voient toujours un mauvais présage pour la démocratie et l’État de droit dans l’intrusion de cette institution dans des sphères qui ne relèvent pas de son domaine de compétence.
M. Aïdouni n’y voit pourtant, dans l’implication de la DRS dans ces dossiers, aucune disqualification de la justice. “La loi le prévoit, la police judiciaire de la Sûreté nationale, la gendarmerie, la DRS peuvent mener des enquêtes en collaboration avec le parquet qui doit être informé et à qui revient la délivrance du mandat de perquisition”, précise-t-il.
Il reste à savoir alors pourquoi ce service réputé pour sa discrétion et son caractère secret a-t-il dans ces affaires décidé de sortir de l’ombre et de médiatiser ses activités en annonçant publiquement l’ouverture des investigations ? (Liberté-01.07.2010.)
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La boîte de Pandore
Une telle initiative aboutirait, au mieux, à démontrer ce qui est déjà une évidence : la dimension politique de la corruption que d’aucuns veulent occulter en présentant le phénomène comme un fait qui relèverait de la délinquance ordinaire.
Il fallait s’y attendre : la demande de mise en place d’une “commission d’enquête parlementaire sur la corruption” signée par 25 députés n’est pas au goût de tous à l’APN. Les premiers à se braquer contre une telle proposition sont, eux-mêmes, des parlementaires qui, issus des partis de l’Alliance présidentielle, ne pouvaient que botter en touche. Il leur fallait un argument pour ce faire et ils l’ont vite trouvé. L’initiative est “politicienne”, décrète Seddik Chihab du RND, sans autre forme de procès. “La lutte contre la corruption est l’affaire de la société et de l’État”, lance Abdelhamid Si Affif du FLN. Comme si l’Assemblée nationale n’était ni partie prenante de la société ni une institution de l’État ! Une sorte d’ovni politique, autant étranger à l’État qu’à la société. Venant d’un parlementaire qui, de surcroît, est président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée, une telle sentence est de nature à désespérer les plus optimistes quant à la capacité du Parlement à assumer le rôle de contre-pouvoir et de contrôle de l’action du gouvernement qui lui est pourtant dévolu par la Constitution.
Ces deux réactions en disent long sur le sort final de l’initiative des 25 : le même que celui réservé à la demande d’un débat général sur la corruption, introduite auparavant par le groupe parlementaire du RCD. Elles rendent comptent aussi et surtout de la soumission consommée du Parlement, dans sa globalité, au pouvoir exécutif. La corruption ? Le chef de l’État s’en occupe et les députés n’ont pas de raison de fourrer le nez dans un dossier aussi sensible, suggère en effet l’inénarrable Si Affif.
Pourtant, à bien y regarder et à lire attentivement la lettre adressée au président de l’Apn, il s’agirait plus d’une mission d’information se fixant pour objectif de démonter les mécanismes de la corruption et moins d’une commission d’enquête dont le but serait de situer la responsabilité de décideurs, encore moins d’établir la culpabilité d’autres. Une telle initiative aboutirait, au mieux, à démontrer ce qui est déjà une évidence : la dimension politique de la corruption que d’aucuns veulent occulter en présentant le phénomène comme un fait qui relèverait de la délinquance ordinaire. Pour autant, la démarche des signataires de la demande, même si elle propose d’entrouvrir à peine la boîte de Pandore, ne pouvait que faire désordre sous le ciel bien tranquille de la Chambre basse. (Liberté)
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Djamel aïdouni à propos du traitement des dossiers de corruption par la justice
“Le magistrat n’a pas un rôle politique”
Le président du Syndicat national des magistrats algériens, M. Djamel Aïdouni, donne son point de vue sur une question très controversée qui est l’impartialité dans le traitement des dossiers de corruption.
Le président du Syndicat national des magistrats algériens est serein. “Ce n’est pas la première fois qu’on travaille sur ce genre d’affaires. On a déjà un pouls de magistrats spécialisés qui ont la compétence pour le faire. Seulement, les derniers dossiers ont été trop médiatisés parce qu’il y a la presse et peut-être une catégorie de citoyens qui s’y intéresse. Durant les années 1995 et 1996 en particulier, beaucoup de dossiers de ce genre ont été traités par la justice. Les choses ont évolué depuis et, actuellement, le pays dispose de brigades dotées de compétence dans le traitement de différentes affaires judiciaires”.
Formation des magistrats
Selon lui, la formation a commencé à partir de l’année 2000, après les recommandations de la commission de la réforme de la justice. “C’est l’une également des revendications du Syndicat national des magistrats. Il y a eu plusieurs formations dans le domaine commercial, civil, pénal ici et à l’étranger dans des pays comme l’Espagne, la France, la Belgique et les États-Unis. Cette formation s’est intensifiée avec la création des pôles judiciaires spécialisés avec des stages dans le domaine de la cybercriminalité, les finances.” C’est au niveau de ces nouveaux pôles judiciaires créés depuis 2005 et dotés d’une compétence territoriale élargie que “les magistrats spécialisés qui ont été formés, aussi bien à l’étranger, qu’en Algérie s’affairent à l’étude de ce genre d’affaires”.
Foisonnement en justice de dossiers de corruption, le fruit d’un règlement de comptes ?
M. Aïdouni réfute cette idée. “On ne
peut pas dire cela en tant que magistrat. On n’a pas un rôle politique. Lorsqu’un dossier est soumis à un magistrat, il doit le traiter et prononcer un verdict en suivant la procédure judiciaire pénale et en respectant la loi et la Constitution et dans le respect de la présomption d’innocence et la liberté de la défense.”
Enquêtes DRS
Le fait que pratiquement tous les dossiers de corruption transmis ces derniers mois à la justice sont le fruit des investigations de la DRS n’interpelle pas le président du Syndicat national des magistrats. “La loi le prévoit, la police judiciaire de la sûreté nationale, de la gendarmerie et de la DRS peuvent mener des enquêtes en collaboration avec le parquet qui doit être informé et à qui revient par exemple la délivrance du mandat de perquisition.”
Lenteur de la justice
Le temps pris par la justice pour le traitement des affaires liées au phénomène de la corruption s’explique, selon M. Aïdouni, par le fait que l’infraction est difficile à détecter. Il pense qu’on ne peut prouver la corruption que si elle est flagrante. Pour la détection des signes de corruption qui peuvent paraître évidents de plus en plus durant l’étude du dossier, le magistrat se base, dit-il,
notamment sur les divulgations et les
différentes déclarations des témoins et des prévenus, ainsi que sur des documents à travers lesquels il parvient à l’établissement de sa propre synthèse l’aidant à prononcer un verdict. “Ces genres d’affaires sont instruites par un magistrat instructeur qui a les capacités de mener des investigations dans des dossiers avec plusieurs inculpés. Le juge d’instruction du pôle spécialisé a un champ d’action pour celui qui relève d’Alger dans douze wilayas. Les affaires en instruction sont chapeautées par la chambre d’accusation qui contrôle le travail procédural et en profondeur. Le parquet donne également son avis et suit la procédure”, fait remarquer M. Aïdouni. (Liberté-01.07.2010.)
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Abdelaziz Rahabi à Liberté
“Le politique concentre tous les pouvoirs en Algérie”
Diplomate de carrière et ancien ministre de la Communication et de la Culture, M. Abdelaziz Rahabi pense que le poids du politique dans la lutte anticorruption est au moins égal à celui qu’il a dans la corruption elle-même.
Liberté : Les dossiers de corruption sortis massivement et de manière simultanée ont une connotation politique. Comment les juges peuvent-ils faire fi de ce cachet politique ?
Abdelaziz Rahabi : La démarche suscite quelques interrogations et de sérieuses craintes car elle crédite l’idée que tout se fait à la commande. Si l’on prend justement le cas des scandales politico-financiers dans le secteur des hydrocarbures, le bon sens appelle au moins une interrogation : ou bien personne ne savait ce qui s’y passait et cela est grave ou alors on a couvert tout ça pendant dix ans et cela est encore plus grave.
Dans les deux cas, il y a des responsabilités organiques et politiques qu’il faut situer et faire assumer. Le juge algérien, pour sa part, est habitué depuis 1962 à gérer ce type de situations et il est irréaliste de dissocier le magistrat de son environnement. Alors il rend la justice dans la mesure du possible.
Quel est le poids justement du politique dans la lutte contre la corruption ?
Au moins égal à celui qu’il a dans la corruption elle-même. En l’absence d’institutions réduites à leur plus simple expression, c’est le politique qui concentre tous les pouvoirs en Algérie. Alors il peut tout autant garantir cette impunité qui nourrit la corruption que favoriser la construction de l’État de droit. Tout devient une question de volonté politique.
Pourquoi voulez-vous que le président de la République mette la société sous l’autorité du droit ? Dans ce cas, il devra répondre de chaque manquement à la loi et se soumettre au contrôle sur chaque dinar public dépensé par l’État. La situation actuelle ne peut évoluer que si les outils du contre-pouvoir institutionnel sont mis en place pour encourager l’indépendance du juge, contrôler l’action de l’Exécutif, libérer la presse et reconnaître la place de la société civile. En somme les conditions de la bonne gouvernance pour lever l’hostilité aux règles de la transparence des politiques, des institutions et des secteurs public et privé économiques.
Le fait de mettre ce genre d’affaires entre les mains de la justice, est-il susceptible de crédibiliser cette lutte contre la corruption dont le gouvernement fait son credo ?
Et pourquoi la justice devrait-elle attendre qu’on lui mette tout entre les mains ou se contenter de ne réagir que sur injonction ? Même s’il est vrai que la Cour suprême, le Conseil d’État et les tribunaux ont bien été actionnés ces derniers temps par la chancellerie et d’autres centres de pouvoir dans des affaires politiques, le magistrat doit avoir le courage d’obéir au droit et à sa conscience. À la veille de son départ du gouvernement, M. Khelil se glorifiait, qui plus est devant l’APN, d’avoir placé des milliards de dollars aux USA dans un fonds de son propre choix et en actions dans des entreprises qui ont des intérêts en Algérie. C’est une première dans l’histoire des États qu’une entreprise publique agisse de la sorte. La loi sur la monnaie et le crédit lui interdit de le faire et de ce fait il devient normalement justiciable.
Paradoxalement son curieux aveu n’a suscité ni la réaction des députés élus pour contrôler l’action du gouvernement, ni celle du juge qui doit veiller au respect de la loi, ni enfin celle de la Banque centrale en charge de nos avoirs à l’étranger. Ces attitudes, outre qu’elles donnent sur le plan international l’image d’un non-État, fragilisent la crédibilité et la légitimité de ces institutions au sein de la société algérienne. (Liberté-101.07.2010.)
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L’avocat Mokrane AÏt Larbi à Liberté
“Le parquet dépend du pouvoir politique”
Selon lui, les affaires dites sensibles sont traitées sur la base d’instructions et non de la rigueur de la loi. Il pense également que la poursuite d’un ministre dépend de la volonté du pouvoir politique et non de celle du parquet.
Liberté : Des dossiers lourds de corruption ont été transmis presque simultanément à la justice, pourquoi maintenant ?
Me Mokrane Aït Larbi : La Police judiciaire, les magistrats du parquet, le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice sont mieux placés pour répondre à cette question. Par ailleurs, on peut constater qu’à chaque fois que quelque chose se fait, quelle que soit la période de l’année ou les conditions météorologiques, on se pose la question : pourquoi maintenant ? La corruption se généralise au point de menacer les fondements de la société. Il est temps de réagir car le laisser-aller conduira demain des personnes intègres devant les tribunaux qui les jugeront parce qu’elles sont restées intègres dans un système corrupteur et corrompu.
Le foisonnement de ce genre d’affaires au niveau de la justice algérienne signifie que les mécanismes de prévention n’ont pas fonctionné. Fallait-il attendre que le délit de corruption soit consommé pour réagir ?
La Police judiciaire, le parquet et la justice en général ne peuvent agir qu’une fois l’infraction commise. La prévention n’est pas du ressort de la justice. Il appartient donc à chaque institution d’accomplir sa mission.
Pensez-vous que la justice algérienne est indépendante au point que ses investigations puissent être menées jusqu’au bout sans interférences ?
On n’a pas besoin de penser pour se rendre compte que la justice algérienne n’est pas indépendante et que les affaires dites sensibles sont traitées sur la base d’instructions et non de la rigueur de la loi. Et dans ce cas, la justice est généralement instrumentalisée par les différents clans du pouvoir pour régler des comptes. Alors, pourquoi ne pas parler de l’indépendance des autres institutions, l’APN, le Sénat, l’IGF, la Cour des comptes, les impôts et la presse ? Même l’Exécutif dépend de clans, de l’argent et d’intérêts régionalistes. Il est peut-être temps de poser le problème de l’indépendance de toutes les institutions en ouvrant un débat sur l’État de droit.
Pour quelle raison, le parquet n’ouvre pas systématiquement des enquêtes sur des affaires de corruption révélées par la presse ou par courrier ?
Peut-on parler d’une presse algérienne d’investigation ? Certains articles de presse et les lettres anonymes visent à détruire des personnes plutôt que de dénoncer le crime. Pour éviter les dérives et les atteintes à l’honneur et à la considération des personnes, je pense que le parquet doit poursuivre sur la base de plaintes et de PV de la Police judiciaire. Cependant, il faut admettre que malgré les insuffisances et la manipulation de certains dossiers, la presse a un grand rôle à jouer dans le domaine de la lutte contre la corruption et de l’indépendance de la justice.
Le peu de recours à l’autosaisine de la part du parquet n’est-elle pas malgré tout une sorte de fuite devant la responsabilité d’ouvrir une investigation ?
À mon avis, la plupart des magistrats du parquet font leur travail dans le cadre de la loi. Mais il faut rappeler que le parquet dépend du pouvoir politique et que les procureurs doivent exécuter les instructions écrites de la hiérarchie. Ceci explique le fait que les personnalités citées dans les procédures ou par la presse ne sont pas poursuivies. À partir de là, il faut peut-être chercher les responsables de ce laxisme en dehors du parquet.
Comment peut-on interpréter cette passivité ?
Il faut rappeler encore une fois que les magistrats du parquet ne peuvent pas engager de poursuites contre l’avis de leur hiérarchie. Le cas du procureur Ali Chemlal est significatif. Pour avoir engagé des poursuites contre des personnes “bien placées” et contre la volonté du procureur général, il s’est retrouvé suspendu et radié par le Conseil supérieur de la magistrature. Malgré un arrêt du Conseil d’État en 2002 portant annulation de la radiation, le ministère de la Justice refuse toujours de le réintégrer.
D’autres parties, à l’instar des entreprises, des banques et des administrations en général, ainsi que des associations et de simples citoyens sont encouragés par la loi de lutte contre la corruption pour informer le parquet de ce genre de pratiques. Pourquoi, ils ne le font pas ?
Ce n’est un secret pour personne, la corruption touche toutes les institutions, y compris les partis politiques, et ce n’est pas en informant le parquet qu’on va régler ce problème. Il faut plutôt s’attaquer au système qui est la cause de la corruption.
Les grandes affaires de corruption rendues publique, ces derniers mois sont le fruit des investigations du DRS. Est-ce un hasard ?
Les officiers du DRS désignés par arrêté ont la qualité d’officiers de Police judiciaire et sont donc habilités à procéder à des enquêtes préliminaires, entendre des suspects et transmettre les procédures au parquet. Ce service, qui dépend du ministère de la Défense nationale, s’intéresse aux grandes affaires de nature à porter atteinte à l’économie nationale. Ces officiers doivent agir dans le respect strict du code de procédure pénale. Est-ce un hasard si c’est le DRS qui a enquêté sur les affaires rendues publiques ces derniers temps ? Je ne sais pas et je ne cherche pas à le savoir car je m’oppose au pouvoir et au système sans m’intéresser à la lutte des clans à l’intérieur du pouvoir. Quant à la Cour des comptes prévue par la Constitution et chargée du contrôle a posteriori des finances de l’État, des collectivités territoriales et des services publics, elle est marginalisée depuis 1999 et personne n’a levé le petit doigt pour défendre cette institution. L’IGF et les services des impôts sont surtout utilisés pour régler des comptes.
Plusieurs ministres sont cités par des inculpés comme étant informés de tout ce qu’ils ont entrepris. Certains prévenus affirment même qu’ils ont agi en suivant leurs directives. Pourtant la justice n’a pas jugé utile jusqu’à présent de les entendre. Le fera-t-elle un jour ?
Un procureur général a déclaré récemment que les poursuites contre des ministres sont du ressort de la Cour suprême.
Certes, l’instruction judiciaire, dans ce cas, est confiée à un membre de la Cour suprême désigné à cette fin par le procureur général près cette cour, mais c’est le procureur de la République saisi de l’affaire qui doit transmettre le dossier par voie hiérarchique au procureur général près la Cour suprême. Ce dernier ne peut en aucun cas diligenter des poursuites. La procédure est donc claire mais le procureur de la République ne peut pas transmettre un dossier concernant un membre du gouvernement sans les instructions de sa hiérarchie. La poursuite d’un ministre dépend de la volonté du pouvoir politique et non de celle du parquet.
Quels sont les mécanismes de lutte contre la corruption qu’on peut dégager aujourd’hui pour rendre ce combat plus crédible et plus efficace ?
La lutte contre la corruption n’est pas une entreprise facile ; on peut envisager néanmoins quelques mécanismes qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays :
1- il faut réhabiliter la Cour des comptes en garantissant son autonomie.
Ses rapports annuels de contrôle des finances de l’État, des collectivités territoriales et des services publics doivent être rendus publics et transmis aux parquets pour engager des poursuites conformément à la loi, y compris contre des membres du gouvernement ;
2- le Parlement ne doit pas se contenter d’interroger les membres du gouvernement sur des questions secondaires mais doit interpeller les ministres une fois par semaine à l’APN et au Sénat par des questions/réponses directes en évitant la procédure actuelle qui consiste à envoyer la question au membre du gouvernement, qui donne la lecture d’une réponse faite par ses services techniques.
L’une des deux Chambres doit créer une commission d’enquête sur la corruption en général. Cette commission doit travailler pendant 3 à 6 mois et auditionner des membres du gouvernement, walis, experts, professeurs d’université, magistrats, avocats, Police judiciaire et société civile pour dire après l’enquête si la corruption est due au système, à la législation ou aux personnes ;
3- les magistrats du parquet doivent ordonner des enquêtes sur des faits dénoncés par la presse. La Police judiciaire chargée des enquêtes ne doit obéir qu’à la loi et ne doit en aucun cas recevoir des instructions de sa hiérarchie dans tel ou tel dossier ;
4- tous les responsables, y compris les responsables de partis politiques, doivent rendre public leur patrimoine et leurs déclarations doivent faire l’objet d’une enquête approfondie par les pouvoirs publics ;
5- rendre obligatoire la publication annuelle des finances des partis politiques, provenance et dépenses et considérer l’argent qui n’est pas versé dans un compte public comme argent illicite dont les responsables doivent rendre compte ;
6- interdire les paiements, au-delà d’une certaine somme, en espèce. Cette mesure doit s’appliquer aux établissements publics et privés, aux partis politiques et aux particuliers ;
7- définir la somme d’argent que les commerçants et les particuliers peuvent détenir en espèce et au-delà de cette somme, l’argent doit être versé à un compte bancaire. Toute somme d’argent excédant le minimum prévu par la loi détenue, en dehors des banques, doit être considérée comme argent de corruption ou de détournement.
Enfin, à travers un débat public sur la question et une commission d’enquête parlementaire, on arrivera certainement à dégager d’autres mécanismes de lutte contre la corruption. Mais existe-t-il une volonté politique pour le faire ? (Liberté-01.07.2010.)
**Un observatoire et une commission bientôt mis en place….
Au moment où la lutte contre la corruption et la dilapidation des deniers publics ne cesse de faire tomber des hauts cadres de plusieurs firmes économiques et institutions administratives, l’État algérien ne semble guère vouloir lâcher prise. Il est déterminé à poursuivre et à renforcer davantage la lutte contre ce fléau à travers, notamment, la modernisation des organes de contrôle. C’est du moins ce qu’a souligné, jeudi dernier, le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui répondait à une question d’un membre du Conseil de la Nation, lors d’une séance plénière consacrée aux questions orales. Le premier argentier du pays a précisé dans le même contexte que l’État algérien, qui a signé plusieurs conventions internationales relatives à la lutte contre la corruption, continue d’oeuvrer au renforcement et à la modernisation des organes de contrôle et de gestion des entreprises publiques et des deniers publics. Il a rappelé, dans le même ordre d’idées, la décision prise par son ministère en 2008 concernant l’élargissement des prérogatives des organes de contrôle, notamment l’Inspection générale des finances. Le ministre a tenu à souligner, par ailleurs, que les orientations contenues dans les discours prononcés par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à maintes occasions, constituent une assise pour la lutte contre la corruption et la modernisation des organes de contrôle, notamment ceux relevant du secteur des finances (Inspection générale des finances, directions des impôts et des douanes). Ces organes, a-t-il dit, ont été chargés d’examiner les causes de la corruption et de soumettre des propositions à même de contribuer à l’éradication de ce phénomène. Il est à noter que le gouvernement entend mettre en place un observatoire national de lutte contre la corruption. Cet observatoire aura comme objectif principal d’élaborer des stratégies de lutte contre ce fléau qui ne cesse de gangrener les entreprises et les administrations étatiques. Parallèlement et en vue de mener efficacement la volonté des pouvoirs publics à contrer la délinquance financière, une commission de lutte contre ce phénomène sera également mise en place à cet effet. Cependant jusqu’à présent ni cet organe ni cette commission n’ont été mis sur pied. Le choix des personnes devront composer ces deux instances n’a pas été encore arrêté. À une question sur les activités des directions régionales des impôts, des douanes et des banques, Karim Djoudi fera savoir que son ministère oeuvre à les développer et à les moderniser en consécration du principe de rapprochement de l’administration du citoyen. Concernant les directions des impôts et des douanes au niveau régional, il a précisé qu’elles mettaient en oeuvre un programme visant à élargir leur présence à l’échelle nationale et à améliorer leurs prestations sur le terrain. S’agissant de la vente de l’opérateur téléphonique Djezzy du groupe Orascom à un opérateur étranger, le ministre a réaffirmé que l’Algérie était prête à racheter la filiale à 100%. (Courrier d’Algérie-08.05.2010.)
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**LES SCANDALES DE CORRUPTION SE SUCCÈDENT
A qui le tour?
L’arrestation de responsables du port d’Alger est-elle un signe de reprise de la lutte contre la corruption?
La moitié des dirigeants des entreprises et des administrations publiques risquent de se retrouver confrontés à l’accusation de corruption. Chaque semaine apporte son lot de révélations concernant ce fléau. Le dernier en date concerne le directeur général du port d’Alger et son prédécesseur respectivement Abdelhak Bourouaï et Ali Farah. Cela est-il fait pour relancer la lutte contre la corruption après une pause observée lors du GNL16 qui s’est tenu récemment à Oran?
Sonatrach est certes l’un des dossiers les plus scandaleux qu’a eu à connaître l’Algérie, mais cet exemple ne doit pas cacher les autres petits cas, même si cette terminologie est impropre. Des APC les plus reculées aux agences bancaires les plus proches des centres de décision à Alger en passant par les notaires et les agences immobilières, aucun corps de métier, ou presque, n’échappe au phénomène. Et ce ne sont pas les menaces de sanctions contenues dans les lois qui font reculer les corrupteurs et les corrompus. Et il y en a même qui trouvent que c’est inévitable en se gardant bien d’expliquer pourquoi. Le ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, Hamid Temmar, a admis effectivement, il y a quelques jours, que la corruption est inévitable. Quant à Chakib Khelil, ministre de l’Energie, il a une autre stratégie de défense. Il ne sait rien des dossiers de malversation à Sonatrach, avait-il indiqué. Le directeur général par intérim de cette dernière considère, lui aussi, que de nombreuses autres entreprises des hydrocarbures de par le monde ne sont pas immunisées contre le fléau.
Si les événements venaient à poursuivre leur train actuel, tout indique que la corruption a encore de beaux jours devant elle. Un plan de dépenses d’environ 200 milliards de dollars est prévu pour les cinq prochaines années. L’annonce officielle de ce programme par le président de la République est attendu pour ce mois d’avril. A moins que l’annonce ne soit reportée pour d’autres dates symboliques comme le 1er Mai. Ces grands projets attisent la convoitise de responsables de plusieurs secteurs. Les marchés publics sont une source inestimable de corruption. L’autoroute Est-Ouest, l’agriculture, la pêche sont frappés par la malédiction.
Pour l’instant, la justice se contente d’interpeller les présumés coupables qui sont en attente de leur jugement. Outre la justice, il y a d’autres organes de lutte contre la corruption, mais apparemment la pratique est tellement ancrée dans la société que les simples voies juridiques et de répression ne sont plus suffisantes pour venir à bout. Dans les discours, l’accent est mis sur la lutte contre le phénomène, mais son ampleur porte à croire que le pays est loin de dire adieu au fait d’échanger des services contre des pièces sonnantes et trébuchantes.
Et l’accusation a toutes les chances de s’étendre à d’autres gestionnaires. Qui ne resteront pas sans réagir. L’un des premiers réflexes qu’ils adopteront est celui de l’immobilisme accompagné par celui de la prudence. Dans ces cas, ils seront contraints d’attendre des ordres de leurs tutelles respectives avant de procéder à la passation d’un quelconque marché. Le comble est que même les ministres ne sont pas exempts de la suspicion générale.
C’est pour cette raison que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait décidé d’installer un magistrat indépendant dans les cabinets de chaque ministère. Si l’inertie atteint le sommet de l’Etat, c’est le risque de paralysie qui guette la société. Et si les gestionnaires continuent d’être vus d’un mauvais oeil, il ne restera plus au pays que d’importer les dirigeants de ces sociétés.
La corruption et les malversations posent certes, le problème de détournement de deniers publics, d’abus de biens sociaux et d’enrichissement personnel, il n’en demeure pas moins que les gestionnaires se trouvent dans des positions inconfortables. Ils ne veulent plus risquer d’être poursuivis pour des erreurs de gestion. La qualification d’un acte criminel doit être soutenue par trois critères: l’intention, l’acte matériel et le préjudice. Le premier élément est le plus difficile à être établi par les magistrats. (L’Expression-25.04.2010.)
***La gangrène!
Inévitable, la corruption? C’est du moins l’affirmation d’un ministre de la République, M.Temmar, pour ne point le nommer, lors d’une déclaration, il y a quelques jours, à un quotidien national, tentant de minimiser ce phénomène. Avant lui, M.Khelil, en charge du secteur de l’énergie, affirmait qu’il ne «savait rien» et n’a pas eu «à voir» avec l’affaire Sonatrach indiquant: «Je ne suis pas partant, car je ne suis pas coupable.» Déjà les grands mots! Ainsi, de hauts commis de l’Etat estiment la corruption «inévitable», pour l’un, alors que l’autre affirme «n’en rien savoir». Or, ce qui devait, aurait dû, demeurer l’exception, est devenu la règle en Algérie. Tout, absolument tout, se monnaye en Algérie lorsque la corruption – en l’absence de règles ou de la non- application de ces règles en l’occurrence – est devenue le chemin le plus direct, sinon le plus court, pour s’enrichir. Comment peut-on, dans la haute hiérarchie de l’Etat, ne pas le savoir? Si la corruption a atteint une telle ampleur et que cette gangrène ronge les plus grandes sociétés et entreprises du pays – «notre image emblématique» – c’est que, quelque part, il y a des choses bien pourries. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement la réputation de l’Algérie qui prend un mauvais coup, c’est la stabilité même du pays qui est remise en cause. La corruption n’est sans doute pas une chose nouvelle, mais reste, devait rester marginale. Cela reste illégal, mais la «tchipa» existe, il faut donc faire avec, mais certes pas au détriment de l’économie du pays. Elle est universelle, sûrement, mais doit rester justement à un niveau limité qui la rende gérable. Ce n’est plus le cas, quand les malversations, les passe-droits et autres «tchipa» deviennent les «normes» les mieux partagées. Quand des entreprises, vitrine de l’économie et de industrie de l’Algérie, comme Sonatrach et le Port d’Alger, des grands chantiers telles l’autoroute Est-Ouest et les grandes infrastructures – qui confirment l’aisance financière du pays -, des secteurs névralgiques tels que les banques, les transports, les mines, la pêche…(il est certes impossible de donner ici le listing de tous les scandales financiers qui ont défrayé la chronique, ces deux dernières années) sont touchés de plein fouet par la corruption et que leurs staffs dirigeants croupissent dans les prisons, voilà tout de même une chose qui, outre d’être préjudiciable pour l’image du pays, pose nombre d’interrogations. Cela n’aurait jamais dû arriver si chacun avait joué correctement son rôle à son niveau de responsabilité. Un cas, deux cas sensibles, cela peut être une exception, du moment que le fruit demeure sain. Peut-on être aussi affirmatif maintenant avec l’éclatement de la nouvelle affaire de corruption ayant pour acteurs les gestionnaires du plus grand port commercial algérien, le port d’Alger? Des dizaines de sociétés, de chantiers de grands travaux ont ainsi été gangrenés par l’argent facile au grand dam de l’Algérie. Mais ce qui fait le plus de tort au pays, c’est encore ce pesant silence, jusqu’à devenir incompréhensible, des partis politiques, de la «société» civile, des membres du gouvernement qui n’ont pas, jusqu’ici, estimé devoir réagir à cette plaie qui frappe l’Algérie: la corruption. N’est-ce pas leur rôle de monter au créneau lorsque la République est en danger? N’est-ce pas le rôle des «députés» d’interpeller les gouvernants et leur demander ce qu’il font ou comptent faire pour mettre un terme aux scandales récurrents de cette gangrène? Où est la société civile censée être le porte-parole des «sans-voix»? En fait, beaucoup de questionnements entourent ces affaires, avec peu de réponses en perspective. M.Temmar dit aussi, qu’il «faut nettoyer». Certes, oui! Mais quand? Comment? Alors que le temps presse, que le vase a largement débordé. De fait, il n’est plus possible de feindre qu’il n’y a pas le feu à la maison. Aussi, est-il grand temps d’agir. (L’Expression-25.04.2010.)
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*LA LUTTE ENGAGÉE CONTRE LA CORRUPTION ET LE CRIME ORGANISÉ
Quatre leçons a retenir
La volonté politique de moraliser la vie des affaires, ne saurait être mise en doute.Depuis l’adoption de la loi de finances complémentaire pour 2009, le gouvernement algérien est engagé dans une lutte sans merci contre les fraudeurs au commerce extérieur, cependant que les dispositions de la LF pour 2010 accroissent les moyens humains et logistiques à la disposition de l’administration fiscale pour lui permettre de traquer la fraude fiscale qui a atteint des sommets sans précédent dans l’histoire de l’Algérie indépendante. De plus en plus de rentiers et de spéculateurs accumulent richesses et prébendes qui insultent à la misère des temps (en dépit du montant des réserves de change et de la vigueur des programmes de développement) et aggravent notablement la démobilisation de tout ce que l’Algérie compte de citoyens laborieux et honnêtes. La volonté politique de moraliser la vie des affaires, de lutter contre la spéculation, de harceler la contrebande aux frontières et de réduire l’ampleur de la corruption ne saurait être mise en doute. Le nombre impressionnant de procédures judiciaires ouvertes contre des responsables publics puissants et convaincus de leur impunité en est la meilleure preuve. Il n’existe a priori aucune raison de mettre sur le compte de prétendues luttes de clans les décisions prises récemment par le Premier ministre en vue d’instaurer une plus grande transparence dans l’attribution des marchés publics, de réguler au plus près les opérations du commerce extérieur dont nombre d’acteurs se jouent trop facilement des règles qui les régissent ou encore d’appuyer l’administration fiscale qui a opéré ces derniers temps des redressements fiscaux impressionnants et pleinement justifiés. On ne peut certes présumer de la poursuite de la lutte décidée en haut lieu contre le crime organisé et la corruption; il n’empêche qu’aujourd’hui tous les Etats de droit mènent sans relâche un combat en faveur de la transparence pour préserver les valeurs de la démocratie, de la justice et de l’équité, sans lesquelles aucun pacte social interne ne saurait durablement s’instaurer. Plusieurs leçons peuvent d’ores et déjà être tirées de l’action vigoureuse de l’Etat algérien.
La transparence, un impératif
Il n’est pas exact, contrairement à ce qu’a pu dire ou laisser entendre un certain nombre de hauts responsables récemment, que la publicité donnée à certaines procédures judicaires aurait porté atteinte à l’image de l’Algérie; tout à l’opposé, l’image de l’Algérie serait sérieusement écornée aujourd’hui, s’il avait été fait silence sur la dilapidation des deniers publics et l’argent du contribuable. A titre seulement illustratif, à qui fera- t- on croire que la condamnation par la justice française du groupe Total dans l’affaire «Pétrole contre nourriture», ait en quoi que ce soit fait obstacle à la croissance externe de la première entreprise pétrolière française qui poursuit allègrement son développement à l’international et est aujourd’hui un des tout premiers partenaires de Sonatrach? De deux choses l’une: ou le gouvernement se donne les moyens de lutter contre la corruption et il ne peut entreprendre cette tâche ardue qu’en laissant la justice faire la lumière sur des affaires qui mettent en jeu, faut-il le rappeler, les intérêts du Trésor public ou bien il affecte une posture de totale complaisance à l’égard de ce phénomène, et dans ce cas, les Algériens seront floués sur toute la ligne. Quelques hommes de loi ont adopté récemment, des prises de position qui ne laissent pas d’inquiéter. Selon eux, il serait préférable que s’exerce à l’égard de certaines personnes inculpées la magnanimité du Prince, plutôt que de laisser la justice faire éclater la vérité, dès lors qu’il existerait des commanditaires de haut vol qu’il serait malséant de vouloir atteindre. Dans la même veine, on ne peut que s’étonner qu’il puisse être tiré argument de la mise en cause de certains gestionnaires pour en inférer que désormais, tous les autres ordonnateurs et comptables publics se trouvent tétanisés par l’opération mains propres et renâcleraient du coup, à prendre quelque initiative que ce soit en matière d’engagement des dépenses, voire d’actes de gestion ordinaires. Les responsables et managers qui respectent scrupuleusement les règles édictées par le Code des marchés publics, la réglementation des changes ou celles relatives au fonctionnement des sociétés commerciales n’ont rien à redouter de la justice. Du reste, la quasi-totalité des gestionnaires du secteur public se conforment à la loi et n’ont jamais été inquiétés en raison de leurs actes d’administration. On voit bien la perversion du raisonnement; dès l’instant que la justice s’intéresse dans le cadre de procédures qui n’ont pas, soit dit au passage, abouti à ce jour à des condamnations aux circonstances dans lesquelles est utilisé l’argent public, cela veut dire, à entendre ceux-ci et ceux-là, que l’acte de gestion est devenu la clé du purgatoire, sinon même de l’enfer. Tant qu’à faire, on devrait envisager la dissolution de l’IGF et celle de la Cour des comptes, bâillonner le Parquet et intimer aux brigades financières de la police judiciaire de cesser toute activité. C’est le voeu secret de nombre de bons esprits, souvent prompts à jouer les directeurs de conscience. Cette doctrine qui tend aujourd’hui à prospérer, sous couvert de stigmatisation d’une fantomatique chasse aux sorcières est la négation même de l’Etat de droit. Elle doit être, par ailleurs, tenue pour un plaidoyer malsain en faveur de l’instauration d’une sorte d’ impunité totale pour tous les actes d’ordonnancement des dépenses et, aussi, pourquoi pas, serait une manière de bénédiction de la pratique des dessous-de-table perçus par des intermédiaires obscurs ou des personnalités étrangères à la réputation sulfureuse en délicatesse avec la justice internationale; tout cela en contrepartie de l’obtention de marchés publics, à l’insu des services contractants algériens habilités.
La bonne gouvernance
Notre pays qui est en train de s’engager laborieusement dans la diversification de son système de production a non seulement besoin de devenir une terre d’attraction pour les IDE mais aussi d’encourager des milliers de diplômés de l’enseignement supérieur, spécialisés dans le commerce, la banque, la finance, le marketing, la GRH, le management de projets, à créer leurs propres Start up, à l’instar de ce qui se pratique dans les autres pays. Parmi les quatre piliers de base de l’économie, le fonctionnement des institutions publiques occupe la première place. Un pays dans lequel prospèrent la corruption, le népotisme, les passe-droits et dans lequel les institutions de contrôle sont incapacitantes, ne peut ni attirer les investisseurs étrangers ni susciter des vocations locales dans l’industrie, les hautes technologies ou les services. Les performances de l’Algérie en cette matière sont très faibles, comme vient de le montrer le classement établi par le Forum mondial sur la Compétitivité, qui place notre pays au 127e rang sur 134 pays. C’est l’honneur du Premier ministre de tirer tous les enseignements de ce déficit de gouvernance et de porter le fer au plus profond de la plaie.
Réhabiliter l’IGF et la Cour des comptes
S’il n’existe pas d’équivalent dans la Constitution algérienne du fameux article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en vertu duquel: «La société a le droit de demander compte à tout agent de son administration», il n’en reste pas moins que l’article 66 édicte que «tout citoyen a le devoir de protéger la propriété publique et les intérêts de la collectivité nationale…». En dehors du contrôle parlementaire (malheureusement inexistant), ce sont surtout l’IGF et la Cour des comptes qui sont les deux institutions les plus légitimes et les mieux outillées pour contrôler l’exécution des dépenses publiques. S’agissant de l’IGF, pour que son action soit efficace, elle doit disposer des moyens de suivre le parcours de la dépense publique, de surveiller l’activité des ordonnateurs secondaires, comme de toute institution qui reçoit des dons publics (entreprise, association, fondation, société savante, etc.) Les inspecteurs de l’IGF doivent pouvoir exercer leur contrôle de deux points de vue: du point de vue du respect de la légalité comme du point de vue de l’opportunité, celle-ci étant appréciée au regard de l’adéquation entre les moyens assignés et les résultats constatés. Il ne s’agit pas de pénaliser personnellement tel ou tel agent mais l’IGF doit pouvoir informer la hiérarchie des ordonnateurs, de sorte que celle-ci puisse prendre les mesures appropriées. S’agissant de la Cour des comptes dont la mission constitutionnelle est «le contrôle a posteriori des finances de l’Etat, des collectivités locales et des services publics» (article 170 alinéa 1), il apparaît de plus en plus nécessaire, à la lumière des affaires récentes qui ont défrayé la chronique judiciaire, d’élargir son champ de compétence ainsi que ses moyens d’investigation. Dès lors que les intervenants à l’exécution se sont multipliés ces dernières années, il n’est plus possible de limiter la sphère de compétence de la Cour des comptes au seul contrôle de l’activité étatique. Les moyens de détournement de la norme organisant la dépense publique sont devenus nombreux. Aussi bien, la compétence de la Cour des comptes devrait être étendue à tous les organismes de droit privé dont la majorité du capital est détenue par des organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes, en vertu des règles en vigueur. Alors que l’Algérie s’apprête à adopter les normes IAS et Ifrs qui ont vocation à bousculer les pratiques comptables traditionnelles, il est nécessaire de rapprocher les règles de la comptabilité de l’Etat de celles qui régissent les entreprises. Si le législateur algérien devait, d’ici 2015, confier à la Cour des comptes la mission de certifier les comptes de l’Etat, il accomplirait un pas décisif dans la modernisation du système comptable public actuel. Dans la perspective d’une moindre affectation des ressources de la fiscalité pétrolière au financement des dépenses budgétaires et d’un meilleur rendement de la fiscalité ordinaire, l’Etat algérien doit pouvoir, grâce au concours de la Cour des comptes, anticiper ses charges futures, optimiser sa gestion patrimoniale et surtout,-ce qui n’a jamais pu être atteint depuis l’indépendance-, mesurer le coût effectif des politiques qu’il met en oeuvre. Dès lors que le décideur prétend ne rien vouloir dissimuler à l’opinion publique, que ne se résout-il à renforcer l’indépendance de la Cour des comptes, étendre ses missions à la certification des comptes et permettre à ses responsables, à commencer par son président, d’investir massivement dans la formation et le perfectionnement des magistrats?
Le respect des droits des justiciables non encore jugés
La crédibilité de l’action entreprise par les autorités judicaires compétentes (civiles et militaires) depuis quelques mois pour faire la lumière sur des affaires très sensibles de corruption et de détournement de biens publics, avec parfois associations de malfaiteurs, ne fait pas encore l’unanimité (voir ce qui a été dit plus haut et avec quoi nous sommes en désaccord). Mais il est indispensable que l’instruction respecte quelques règles d’or sans lesquelles la justice n’est plus crédible. Ces règles sont les suivantes:
1. Respect strict de la présomption d’innocence.
2. Primauté de la liberté provisoire pendant toute la période qui précède la phase de jugement. Ce principe de la liberté est un principe fondamental consacré par notre droit et qui a sans cesse été réaffirmé par le garde des Sceaux, depuis sa prise de fonction, en 2003. Il s’impose avec d’autant plus de force que la mise en liberté peut être assortie d’un contrôle judiciaire strict et alors que les nécessités de l’instruction n’imposeraient pas ou plus le maintien en détention (avant toute chose, les prévenus sont des hommes mariés et pères de famille).
3. Pas de «privilégiature juridictionnelle» pour quelque hiérarque que ce soit, à raison de ses fonctions passées ou actuelles. Plus la charge de la responsabilité pénale pèsera sur des lampistes (qui ne seront pas d’ailleurs pour autant innocentés par la juridiction de jugement) au profit des véritables commanditaires, et moins l’opinion publique sera tentée d’ajouter foi à l’impartialité et à l’indépendance proclamées de notre justice.(L’Expression-11.04.2010.)
Ali MEBROUKINE (*) Professeur de droit des affaires
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