Nos pauvres d’hier et d’aujourd’hui
**En compagnie de Kader SDF
Les Amis des pauvres se déploient à Oran
en proposant plus de 11.000 repas chauds fournis aux nécessiteux des rues d’Oran.
La grande marmite bouillonnait dans le domicile de Kader SDF tandis que les Amis des pauvres s’affairaient à remplir les sachets en pain, oeufs et yaourts.
«Nous entamons notre mission à chaque hiver à partir du mois de décembre pour ne l’achever qu’à la fin mars.» Une telle déclaration a été faite dimanche dernier par Bounab Abdelkader, surnommé Kader SDF. Ce dernier, en compagnie de Ghoumari Anouar se mettent à leur besogne de solidarité chaque jour aux fins d’assurer 100 repas chauds qu’ils distribueront au profit des personnes SDF. Cette action citoyenne, loin de toute instrumentalisation politique ou institutionnelle, est menée quotidiennement dans le cadre d’une solidarité agissante qui s’accroît de jour en jour et ce, à la faveur de la multiplication des Amis des pauvres constitués essentiellement de l’élue à l’APW Malika Rekab-Belkadi, Bounab Abdelkader, Ghoumari Anouar, Chiali Adel, Belaïd Abdelkader, Mentefekh Salahdine. Ces derniers se sont regroupés dans le salon de coiffure de Bounab Abdelkader sis dans le quartier appelé l’hippodrome, pas loin d’El Makari, ex-Saint-Eugène. Aussitôt regroupés, ils se mettent chacun dans un travail qu’ils perfectionnent sans défaut, préparer la sortie de la soirée en vue de faire nourrir ces dizaines de sans domiciles fixe qui attendent un peu partout dans les rues, coins et recoins de la ville. La norvégienne (grande marmite) pleine de lentilles, bouillonnait dans le domicile de Kader SDF tandis que les Amis des pauvres emballaient le pain, l’eau, les oeufs, et yaourts dans des sachets. D’autres bénévoles, comme Omar et ses camarades stationnaient leurs voitures devant le point de départ, le domicile de Kader SDF. 19h a sonné, c’est le départ, les volontaires pressent le pas pour entamer et surtout réussir leur tâche d’autant plus que les SDF, livrés à un froid glacial de la rue, attendaient impatiemment l’arrivée de ces bienfaiteurs. Le premier point ciblé est le quartier Bel Air, tout près du somptueux siège abritant les différents services de la wilaya d’Oran. Un sans domicile, la cinquantaine, ayant élu comme toit un portail d’une école, a été aussitôt servi.
En quête de sécurité Les convoyeurs du ravitaillement prennent la destination de plusieurs quartiers et autres points connus pour être le fief privilégié des sans abri comme le mur de la Garnison et celui de l’entreprise des manifestations économiques et commerciales, Emmec d’Oran, mitoyens de la maison d’arrêt d’Oran. Ces deux murs constituent le quartier général du regroupement nocturne des personnes n’ayant pas de gîte pour les abriter. Une trentaine de personnes venues de différentes régions du pays se rencontrent et chaque soir pour se regrouper et fuir en même temps les humeurs imprévisibles des drogués, des alcooliques et des voyous de tout genre qui sévissent une fois la nuit tombée. «Ils optent pour ce lieu par mesure de sécurité», a indiqué un policier en faction dans un barrage de contrôle situé tout près de la maison d’arrêt et l’hôpital d’Oran. Un autre groupe constitué d’une dizaine de sans domicile fixe, hommes et femmes, ont élu les murs des bâtisses faisant face au siége de la sûreté de la wilaya d’Oran. Là encore, la question de leur sécurité a été avancée.
Les barbus s’ingèrent Associations et organisations nationales rivalisent d’ingéniosité et de générosité depuis le début de la période du grand froid où tout acte de solidarité et d’entraide est synonyme d’oeuvre de bienfaisance, en témoignent la distribution à grande échelle des repas chauds calorifiques et énergisants un peu partout dans les coins abritant les personnes vulnérables. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, nombreux sont ces Oranais qui ont choisi d’adhérer à cette opération en tant que bénévoles pour se consacrer aux oeuvres de bienfaisance loin de toute récupération ou ambition politique. Si les étudiants préfèrent passer leur temps à prêter aide et assistance aux plus démunis, notamment les SDF, les mem-bres d’associations d’Oran, en grand nombre optent pour les budgets et s’évaporent sans rien faire jusqu’à la prochaine distribution des subventions d’Etat. Ces jeunes, notamment ceux-là qui ont choisi le nom des Amis des pauvres excellent dans la récolte des dons comme ils excellent tout aussi dans leur refus catégorique de l’argent. «Nous n’acceptons jamais d’argent, nos donateurs font dons de vivres que nous récupérons avant de les préparer pour les redonner ensuite à qui de droit, en l’occurrence les SDF de tous les quartiers d’Oran», a affirmé Kader SDF. Les barbus, eux, n’ont pas froid aux yeux en tentant vainement d’accaparer toutes les actions humanitaires comme si la bienfaisance est leur propriété exclusive. Malika Rekab, cette bénévole qui est élue à l’APW d’Oran a dans le sillage d’une action, été approchée par un barbu qui lui a tenu un discours haineux vis-à-vis des femmes tout en l’instruisant que «la place de la femme est au foyer». «Je me foutais royalement de lui et de son discours», a répliqué violemment la bénévole qui continue à poursuivre ses actions en compagnie des Amis des pauvres après avoir soutenu et accompagné, l’année dernière, toutes les actions humanitaires menées par Ness El Kheir et Jeunesse intellectuelle d’Oran. Le même scénario revient cette année, ces barbus, porteurs d’une mission politique suspecte, tentent vainement de convaincre. Les bienfaiteurs ne leur font plus confiance. Pis encore, leurs actions sont rejetées. Il n’y a pas de fumée sans feu. Les actions de ces gens sont souvent liées à leur activisme politique. Or, les jeunes activistes dans le domaine de l’humanisme tournent le dos à la chose politique. «Nos donneurs passent inaperçus en évitant les feux de la rampe et la publicité alors qu’eux (barbus) tentent vaille que vaille d’accaparer le terrain rien que pour plaire», a déploré un SDF retrouvé malgré lui dans la rue. Une rude rivalité autour des actions caritatives oppose donc les bienfaiteurs libres dans leur activisme et ceux venus en mission politique.
L’origine de la solidarité Les Amis des pauvres se sont créés pendant le rigoureux hiver de 2010 au cours duquel une vague de froid venant d’Orient a sévèrement sévi dans le pays. Kader SDF est passé à l’action en créant son réseau en compagnie de Ghoumari Anouar, la finalité recherchée étant de nourrir les sans domicile fixe. Durant cette saison, les Amis des pauvres ont mis 200 repas chauds à leur disposition. Ils récidivent durant la saison 2011-2012 en servant 1600 plats chauds. Un petit pépin s’est posé durant l’hiver 2011-2012, les dons ont cessé, faute de donneurs. Un petit message, tant émouvant, diffusé par le biais de la radio locale a bien fait les choses: les donneurs ont commencé par se bousculer en proposant des vivres et des denrées alimentaires. Le plein a été fait quelques jours après. Et de nouveau, la machine s’est remise de plus belle à l’action, la saison a été sauvée en la clôturant par un bilan de 5300 repas chauds fournis aux nécessiteux des rues d’Oran. En 2013, les Amis des pauvres ont doublé d’efforts en proposant plus de 11.000 plats. Cette année, les Amis des pauvres misent gros pour finir en beauté leur rude tâche. Pour ce faire, ils se sont mis aux technologies de l’information en occupant les réseaux sociaux, en ouvrant une page Facebook à travers laquelle chacun des membres fait appel à ses camarades aux fins de se serrer les coudes dans une mission tout aussi noble qu’est la prise en charge des personnes rejetées aussi bien par les pouvoirs publics que par la société. *Par Wahib AïT OUAKLI-L’Expression-Mercredi 08 Janvier 2014
**Quand le kilo de viande coûtait 4 dinars
*Plus ça va, plus ça ne va pas !
En 2003 un Algérien sur trois vivait en dessous du seuil de pauvreté».
**Par Kamel Khelifa *
A la veille de l’indépendance, l’écrasante majorité des Algériens, soit huit millions d’âmes, vivait d’expédients. Actuellement, environ 11 à 12 millions de nos compatriotes (soit à peu près une fois et demie le nombre de1962) se situent au niveau du seuil de pauvreté. Mais la classe gouvernante ne veut pas entendre parler de «pauvres»,sans doute que ce mot doit lui écorcher les oreilles.
Pourtant ! Selon des données d’institutions internationales, notamment du Pnud, donnant lieu à différents rapports établis régulièrement depuis 2005, les rédacteurs n’hésitent pas à parler de «pauvres», contrairement au ministre du Travail et de la Solidarité qui préférait utiliser le terme plus soft de «démunis».
En l’an 2003, malgré des réserves de changes dépassant les 30 milliards Usd, un Algérien sur trois vivait en dessous du seuil de pauvreté». A cette époque, il semblait donc que le nombre de pauvres dépassait les 10 millions d’Algériens, un chiffre qui jure absolument avec les chiffres fantaisistes de 72.302 personnes «démunies»,avancées à la même époque par Djamel Ould Abbès, alors ministre de la Solidarité.» Par les chiffres, moins de 20% des habitants détiennent un peu plus de 50% des richesses du pays», soit 5/6 millions, et l’autre moitié est partagée par 31/32 millions d’habitants, avec des paliers là aussi, laissant sur le bord de la route environ 11 à 12 millions d’Algériens. La délinquance juvénile, le banditisme et tous les fléaux sociaux sont à rechercher en grande partie dans cette tranche En matière d’Indicateurs de Développement humain, les chiffres de 2011, montrent que l’Algérie gagne seulement 17 points en six ans, après avoir côtoyé Gaza à la 107ème place en 2005. Notre pays, se situant à présent à la 90ème place sur 170 pays, n’a gagné que 2 à 3 points par an malgré la manne pétrolière.
Notons que le seuil de pauvreté est, selon la définition retenue par les organismes de l’Onu (Banque Mondiale, Pnud, Cnuced), un niveau de revenu moyen, en dessous duquel un ménage est dans la pauvreté. Précisons aussi que le critère normatif, fourni par la Banque mondiale, est de 2 Usd par personne et par jour, soit 60 Us par mois, équivalent à environ 6000 DA.
150 Euros comme salaire minimum en Algérie. on ne retrouve cela nulle part ailleurs
Les pauvres d’Europe touchent 964 euros par mois
En somme, malgré l’embellie financière, dopée par les prix élevés du pétrole, qui ont permis d’améliorer quelque peu les revenus par habitant, les inégalités n’ont pas été réduites pour autant. Le Snmg (Salaire National Minimum Garanti) en Algérie se situait, pendant une dizaine d’années, dans cette fourchette jusqu’en 2008 ; année au cours de laquelle, il est passé (les recettes pétrolières exceptionnelles aidant), de 8000 à 12 000 DA. Au cours de l’année 2011, à la faveur de la contestation permanente le salaire minimum a été relevé à 15000 DA, soit environ 150 Euros; bien en deçà aujourd’hui du Smig marocain et tunisien. Si on exclut quelques services pécuniairement abordables, mais de piètres qualités et en perturbation constante (eau, électricité, gaz, carburants et autres soins approximatifs dans des hôpitaux), le coût de la vie des Algériens est comparable, en matière de consommation de nombreux de produits et de services, à celui des pays industrialisés.
Pourtant, en termes de parité monétaire et de pouvoir d’achat, entre le Franc français constant (converti en Euro) et le dinar algérien, on relève que le rapport est désormais de 1 à 15 fois, alors que les deux monnaies étaient équivalentes en 1962. En faisant un parallèle entre le Snmg actuel en Algérie et le Smig en France, on retrouve à peu près le même rapport de 1 à 12. Mais si on doit faire une analyse comparée, par rapport au taux de change parallèle (véritable baromètre économique et social du pays), le niveau passe de 1 à 15. (1 Euro étant égal à 15 DA).
De plus, Il faut savoir qu’en janvier 1962, tous les Algériens appartenaient grosso modo à la même catégorie sociale. Le Smig (Salaire Minimum Industriel Garanti) était de 420 DA et un Smag (Salaire Minimum Agricole Garanti) de 320 DA, même si le revenu moyen des populations d’origine européenne était 8 fois supérieur à celui de la communauté de souche (en moyenne 240 000 francs anciens contre 30 000 francs). Quant au revenu moyen, il était globalement de l’ordre de 380 DA, se situant à peu près au même niveau que celui de la France; le Franc français et le Dinar algérien avaient gardé la même parité (1 DA pour 1 Fr), jusqu’en 1972, date à partir de laquelle, grâce à la prestidigitation politique et la planche à billet, le dinar algérien doublera de valeur: 1 DA pour 2 francs ?!.
Jusqu’à la fin des années 60, les salaires minimums furent progressivement relevés pour atteindre le double ; soit une fourchette du salaire moyen de 650 à 800 DA, suivant à peu près l’évolution socioéconomique en France. A cette époque : le kilo de viande coûtait 4 DA et le poisson 6 DA; le panier rempli de fruits et légumes par la ménagère variait, selon les choix de 10 à 20 DA; les prix des livres ne dépassaient pas 5 à 10 DA ; le litre de lait et le kilo de pain à 0,50 DA chacun; le kg de café à 0,40 Da; le kg de sucre à 0,60 DA; le cinéma de 2 à 3 DA et le loyer d’un appartement de deux pièces dans les grandes villes était d’environ 100 DA/mois Il est bon de rappeler également qu’à cette époque les véhicules Renault montés en Algérie par la Caral coûtaient respectivement : 6000 DA la R4; 8000 DA la R8; 9000 DA la R8 «Cordini» et le prix de la R12 oscillait entre 11 000 et 12 000 DA, selon que la voiture était ordinaire ou de luxe. On se rend compte, à la lumière de ces chiffres indiscutables, que le pouvoir d’achat du smicard a été multiplié par 18, en quarante ans. Mais le coût de la vie a été multiplié par : 250 pour la viande ; 300 pour le poisson ; 600 pour la sardine ; 100 pour les fruits et légumes ; et la multiplication des prix des véhicules varient de 100 pour le bas de gamme (du type Alto) à 600 pour la voiture, haut de gamme, comme la Peugeot 407, par exemple.
En réalité, le processus de paupérisation des classes moyennes algériennes a commencé au début des années 70. L’avènement des dites révolutions agraire, industrielle, etc., a provoqué des pénuries chroniques, pendant une dizaine d’années. La spéculation sur les produits de base, à l’origine de la flambée des prix sur tous autres les produits et la détérioration du pouvoir d’achat des ménages, a débuté en 1972. Les causes en sont multiples : il fut interdit, par la loi portant«révolution agraire», au paysan de garder son mode de vie, en l’occurrence une économie de subsistance séculaire (sa petite basse-cour, sa vache et ses chèvres, pour traire le lait et fabriquer son fromage, la suppression de son petit potager), etc. ; ainsi, par crainte d’avoir maille à partir avec les gendarmes et les gardes champêtres, ils furent des millions de paysans à se rabattre sur des Souk El Fellah avares de produits, en faisant la chaine à longueur de journées pour leur ravitaillement, au lieu de travailler la terre et d’en jouir comme premiers consommateurs La vague de nationalisation dans les années 70 des firmes industrielles, notamment de la maison Renault, de Berliet, etc., par Bélaid Abdeslam, alors ministre de l’industrie et de l’énergie, a étendu la spéculation aux produits industriels.
Le corollaire de ses mesures farfelues fut les importations de nombreux produits et notamment des voitures de l’étranger, pour satisfaire un marché qui n’avait auparavant jamais connu de pénuries, même pas en temps de guerre. Mais ce relâchement ouvrit la voie à une spirale infernale faite de spéculations sauvages, sur toutes sortes d’articles et de produits : par exemple, les voitures d’occasion se vendaient, dans les années 70, trois (3) fois plus chères que les voitures neuves ; celles-ci étaient accessibles seulement aux administrations, sociétés nationales et à la nomenklatura ; les locations d’appartements avaient littéralement flambé (multipliés au minimum par 2000 pour un F2 aujourd’hui, en raison de l’absence de construction de logements, pendant une vingtaine d’années d’indépendance, c.-à-d. de 1962 à 80.
Cette carence explique la pénurie insoluble de logements et la spéculation subséquente, auxquelles les gouvernements successifs ne trouveront absolument aucune parade, faute de vision et de stratégie en matière de fixation spatiale des populations, dans le cadre d’une étude sérieuse de l’aménagement du territoire… La demande de logement (comme tant d’autres besoins) évolue à un rythme mathématique et les réalisations avancent à un rythme arithmétique, ouvrant la voie à une spéculation sans limite
Comme souligné plus haut, des plans dits de développement étaient certes programmés. Mais les bases de calculs et les projections des résultats, autrement dit les prévisions et les réalisations, étaient très approximatives dans les années 70 (1), malgré des écrits et discours euphorisants et sécurisants ; le système avait seulement besoin de se gargariser de chiffres de complaisance, en présentant des statistiques fantaisistes. Il faut dire que la plupart des chiffres publiés ne tenaient pas compte des besoins croissants des populations et de la démographie galopante. Sous le règne de Boumediene, à titre d’exemple, des industries étaient montés certes, même si les choix stratégiques de celles-ci et des sites d’implantation prêtaient à discussion. Mais en oubliant la construction de logements pendant vingt ans, croyant que les biens vacants des «pieds noirs»étaient éternels, on assistera à l’érection sauvage de centaines de bidonvilles improvisés, venant ceinturer littéralement les grandes villes et les zones industrielles Cette absence de vision globale et intégrée des plans dits de développement, provoquèrent des déficits dans tous les domaines que le régime n’avait cessé de travestir, dans les années 70, en les remplaçant par des chiffres tronqués pour faire bonne figure. A telle enseigne que parmi les anecdotes prêtées à Kaid Ahmed, ex secrétaire de l’appareil du Parti FLN à la fin des années 60 début 70, la plus cocasse se rapportait au plan : «le plan quinquennal, nous le réaliserons même s’il faut dix ans pour ce faire.» Il faudra attendre la disparition de Houari Boumediene, à la fin de l’année de 1979, pour apprendre le chiffre officiel se rapportant au déficit d’un (1) million de logement ; avec pour conséquence pratique : le tiers de la population algérienne, soit sept (7) millions d’Algériens n’étaient pas logés ou mal logés et devaient bénéficier de la solidarité familiale, lorsque cela était possible. Précisons, que l’Algérie comptait alors 18 millions d’habitants et la taille de la famille algérienne étaient de 7 personnes, en y ajoutant les grands parents et les filles divorcées à charge Les chiffres avancés plus haut démontrent à l’évidence que la majorité des Algériens a perdu sur tous les tableaux sans contrepartie aucune. Dans le même temps, le système fabriquait à tour de bras de nouvelles générations de spéculateurs de tous bords, encouragés et favorisés, depuis les années 70 à ce jour, par les appareils bureaucratiques, à travers les interdits érigés en mode de gestion du pays. Pour pallier tous les blocages, ceux qui en ont évidement les moyens ont recours à la corruption, touchant désormais toutes les catégories sociales et tous les échelons de la société ; phénomènes à l’origine de l’érosion inexorable du pouvoir d’achat des honnêtes citoyens et des couches les plus pauvres, victimes du processus infernal : interdits-corruption-spéculation-inflation-paupérisation .*Par Kamel Khelifa * –Paru dans le Quotidien d’Oran-jeudi 04.10.2012.
* Journaliste indépendant, écrivain, consultant
1) Lire à cet égard l’excellent ouvrage : L’État Démiurge, le cas algérien de Gauthier de Villiers, édition l’Harmattan (1987).
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* 10% d’Algériens détiennent 80% des ressources du pays.
La pauvreté a atteint un seuil alarmant en Algérie à en croire la Ligue Algérienne pour la Défense des droits de l’homme (LADDH) qui estime qu’un algérien sur trois vit sous le seuil de la pauvreté.
Une étude réalisée par les bureaux régionaux de la Laddh en 2015 a permis de constater que les pauvres représentent 35% de l’effectif global des 4.500 ménages concernés par l’étude, précise un communiqué rendu public à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la pauvreté.
Au total, 93% des personnes interrogées par l’étude ont indiqué que leurs conditions de vie économique et sociale, avant la chute des prix du pétrole, était beaucoup mieux qu’actuellement.
Cette ligue considère que l’économie nationale se résume à une répartition de la rente où affirme seuls 10% d’Algériens détiennent 80% des ressources du pays. « Une situation très inquiétante et qui confirme que les différences s’agrandissent entre les classes du peuple de façon inédite dans l’histoire de l’Algérie », précise Houari Kaddour, secrétaire national chargé des dossiers spécialisés au niveau de la Laddh. .
La Laddh souligne que même les autorités sont loin de détenir les véritables chiffres sur la pauvreté dans le pays. Il appuie ses dires sur la déclaration en juin dernier de la ministre de la Solidarité, Mounia Meslem qui admis ne pas pouvoir identifier, pour le moment, qui parmi les algériens sont démunis et ceux qui ne le sont pas.*Mina Adel / el watan / lundi 17 octobre 2016
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**Des vies et des familles brisées à cause de la crise économique
Les Grecs obligés d’abandonner leurs enfants dans des orphelinats pour survivre
Des vies et des familles brisées, voilà la réalité vécue par de nombreux Grecs car la crise économique a des conséquences de plus en plus dramatiques sur leur quotidien. Certains parents se voient dans l’obligation d’abandonner leurs enfants dans des orphelinats afin que ceux-ci puissent manger à leur faim. Un bâtiment en briques rouges dans une banlieue riche d’Athènes. Ce foyer accueille des enfants qui ne sont pourtant pas orphelins. Ils sont les victimes oubliées de la crise de l’euro, certainement ceux qui payent le plus lourd fardeau, déposés là par leurs parents qui ne parviennent plus à les nourrir. Ils sont des dizaines dans le même cas, placés dans des orphelinats pour des raisons économiques.
D’après cet organisme de bienfaisance, 80 des 100 enfants qui sont logés et nourris y ont été déposés parce que leurs familles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins faute de travail. Du coup, la seule solution qui s’offre à eux est de déposer leur progéniture aux organismes de bienfaisance, le coeur brisé, mais l’estomac rempli.
Sans le sou
Il faut dire que près d’un tiers des adultes sont au chômage dans le pays, mais même ceux qui ont encore du travail ont du mal à survivre. Les salaires du secteur privé ont chuté de 30% en quatre ans et de nouvelles taxes ont été imposées. Une impasse financière pour de nombreuses familles qui ne peuvent plus acheter de nourriture. D’ailleurs, les cours de gymnastique ne se donnent plus car les élèves sont sous-alimentés et ils sont nombreux à chercher dans les poubelles pour trouver de quoi remplir leur ventre affamé.
« Ces situations sont tellement traumatisantes pour les familles. Nous avions l’habitude d’avoir des gens avec un niveau économique plus faible, mais maintenant nous en voyons arriver d’autres qui ont perdu leur emploi et n’ont nulle part où aller » confie Tania Schiza, travailleuse sociale. « On a pu voir un changement majeur dans la société grecque au cours des trois dernières années », explique Pavlos Salihos, enseignant et psychologue au sein de SOS Village d’Enfants à Vari. « Nous n’avions jamais de cas comme ça auparavant, c’était juste des problèmes sociaux, mais pas d’une telle ampleur ».
Survivre
Certains enfants arrivent en si mauvais état qu’ils peuvent à peine parler. D’après une école, un jeune sur six souffre de malnutrition. Un organisme de santé publique estime que les niveaux de sécurité alimentaire en Grèce ont chuté plus bas que ceux de certains pays africains.
Les taux de suicide et les problèmes de santé mentale à tout âge ont fortement augmenté au cours des trois dernières années. Pour compliquer les choses, il est de plus en plus difficile pour les organismes de bienfaisance à court d’argent de garder ces centres ouverts.
« Les mentalités ont changé et une nouvelle solidarité s’est installée. Mais si cette crise continue encore, comment serons-nous en mesure de prendre soin de tous les Grecs? C’est une question que beaucoup se demandent, en particulier les parents ».*7s7 – 23 juin 2013.
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Notre société fonctionne à l’envers.
Le travail n’est plus une source de richesse
*Selon Noureddine Hakiki. Directeur du laboratoire Changement social- Université de Bouzaréah (Alger)
Q: En absence de chiffres et de statistiques, comment mesure-t-on la paupérisation de la société ?
La pauvreté apparaît pour nous, sociologues, comme un phénomène social. Nous avons du mal à trouver une méthode pour le quantifier. Comment aller dans une famille et tirer des conclusions en disant qu’elle est pauvre ? Certaines familles ne payent pas d’impôts et ne figurent donc pas dans les fichiers. La médecine gratuite ou le logement social nous empêchent de nous reposer sur certaines données pour identifier la pauvreté.
Q- Quels sont les indices qui permettent de juger si telle famille ou tel individu est pauvre ?
Dans les sociétés occidentales, la pauvreté est facilement identifiable par le travail. Chez nous, on ne peut pas reprendre le même schéma. Quelqu’un qui ne travaille pas n’est pas nécessairement pauvre. Notre société fonctionne à l’envers. Le travail n’est plus une source de richesse. C’est le système informel qui l’emporte. Le problème est le même avec le logement. Quelqu’un qui habite dans un bidonville est-il considéré comme pauvre, alors qu’il a une voiture ou un commerce ?
Q- Quels sont les facteurs d’appauvrissement ?
La pauvreté apparaît au sein des familles qui se sont intégrées dans un système dit individualiste, où la solidarité n’existe plus. Ce sont les personnes âgées qui en subissent les conséquences les plus graves, car les retraites sont maigres.
Q- Comment expliquez-vous que ce soit les associations qui prennent en charge l’aide aux personnes en difficulté, en se substituant à l’Etat ?
C’est positif et représentatif d’un processus de démocratie. La société civile est la seule capable de venir en aide à ces personnes. L’Etat pose problème parce qu’il a inculqué à l’individu l’idéologie de l’assistanat. Le travail associatif est un moyen par lequel on peut détecter la pauvreté. Ce sont les seules à pouvoir nous aider dans ce domaine.
Q- En 1995 (derniers chiffres disponibles), les populations les plus pauvres sont en majorité rurales. Qu’en est-il aujourd’hui
Ce n’est plus le cas. L’agriculture est un moyen plus efficace pour s’enrichir que l’industrie. Dans les sociétés rurales, les gens sont au centre de la production agricole. C’est plutôt dans les cités-dortoirs que l’on peut identifier des familles pauvres.*El Watan-15.02.2013.
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80% des Algériens vont basculer dans la pauvreté ou la précarité,
**selon le syndicaliste Noureddine Bouderba, avec les fortes augmentations des prix
*Les salaires des Algériens sont parmi les plus bas dans le mondr
Il suffirait d’une importante augmentation des prix pour que 80% des Algériens basculent dans la pauvreté ou la précarité», a déclaré samedi dernier le syndicaliste Noureddine Bouderba, invité du FFS à Boumerdès, lors d’une conférence.
Preuve à l’appui, l’orateur estime que les salaires des Algériens sont très bas et que le montant journalier du SNMG ne permet pas à l’Algérien d’acheter 500 grammes de viande. «Dans la plupart des pays dans le monde, la part des salaires dans le PIB est supérieure à 50%, alors que pour l’Algérie elle est à peine égale à 27%», note-t-il.
Pour lui, les transferts sociaux et les subventions jouent un rôle important dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté et leur ciblage ne résoudra aucun problème. «Il est faux de prétendre que les transferts sociaux ciblés luttent mieux contre la pauvreté et les inégalités socioéconomiques. Car plusieurs auteurs de renom ont démontré que plus les programmes sont ciblés vers les pauvres, plus leur qualité et leur taille s’amenuisent, jusqu’à ne plus permettre de réduire véritablement la pauvreté et l’inégalité», a-t-il insisté.
Toujours en ce qui concerne les subventions des produits de base, le conférencier estime que les arguments avancés par le gouvernement sur le gaspillage des produits alimentaires sont erronés. «Ce n’est pas en supprimant les subventions qu’on va lutter contre le gaspillage, mais en modernisant et en rationnalisant les processus de production, de transformation, de stockage et de distribution qu’on arrivera à réduire ces pertes», a-t-il dit.
Pour conclure, Noureddine Bouderba suggère que pour réduire la pauvreté et les inégalités, «il ne faut pas supprimer les subventions qui vont se répercuter sur les transports collectifs, mais favoriser le développement de ces derniers tout en taxant les industries énergivores, les propriétaires de grosses cylindrées et les gros consommateurs». *Omar Arbane/ el watan / lundi 07 novembre 2017
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Le nombre de pauvres en France est passé de moins de 7,5 millions à plus de 8,6 millions
faisons un vrai cadeau aux pauvres
*Par Karima Delli, Députée européenne et activiste. Un pied dans l’Hémicycle, un pied dans les luttes sociales : c’est comme ça que je conçois ma vie de militante écologiste. Engager la transition écologique de nos sociétés exige de mettre les citoyens en mouvement. Commissions, rapports, manifestations, discours ou occupations : tous les moyens sont bons !
*Le gouvernement franvais organise (lundi et mardi (11.12.2012.) une conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, mais depuis dix ans, le constat reste toujours aussi alarmant : le nombre de pauvres en France est passé de moins de 7,5 millions à plus de 8,6 millions. Un bond en arrière de plus de quarante ans dans la réduction des inégalités dans notre pays. Dix années au cours desquelles la droite n’a cessé de faire des cadeaux aux riches : bouclier fiscal, suppression des droits de succession, relèvement du plafond de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), etc.
Pendant la campagne présidentielle, la question de la pauvreté est restée au second plan. Le mot « pauvreté » n’apparaît pas une seule fois dans les 60 engagements de François Hollande pour la France. Ce qui m’avait conduite, à l’époque, à réclamer dans une lettre ouverte adressée au Président nouvellement élu, la création d’un ministère pour les pauvres. Mais les candidats préféraient miser sur les classes moyennes, plus rentables électoralement.
Aujourd’hui, il est plus que temps de s’attaquer à la question de la répartition des richesses et de la pauvreté. Non pas en faisant des cadeaux aux pauvres, comme on l’a trop souvent fait : un petit coup de pouce aux minima sociaux par-ci, une prime de Noël pour les bénéficiaires du RSA par-là. Mais plutôt en s’attaquant frontalement aux causes structurelles de la pauvreté et en y répondant de manière globale.
*Où sont passés les engagements européens ?
Car nous n’avons plus le droit à l’échec : la paupérisation des quartiers populaires, mais aussi des zones rurales, l’explosion du chômage, du coût du logement, de l’énergie, de l’alimentation, la peur du déclassement, sont autant de facteurs qui détériorent la qualité de la vie et renforcent le rejet des politiques.
La France a pourtant pris des engagements clairs au niveau européen en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Après l’échec patent de la stratégie de Lisbonne, adoptée en 2000, qui s’était donné pour ambition d’éradiquer la pauvreté en Europe avant 2010, les Etats membres se sont accordés sur un objectif, certes peu ambitieux mais réaliste, de sortir au moins 20 millions de personnes de la pauvreté d’ici 2020. Mais encore faut-il s’en donner les moyens, et la France doit être l’aiguillon de cet effort de justice et de solidarité.
Si les Français sont particulièrement généreux, on ne peut plus fonder notre politique de lutte contre la pauvreté sur la charité et sur des solutions faites de bouts de ficelles. L’Etat vient de débloquer 50 millions d’euros pour renforcer le plan hivernal pour les sans-abri, c’était nécessaire mais c’est loin d’être suffisant pour répondre à l’urgence sociale aux besoins d’accompagnement. On ne peut plus se contenter de discours creux et d’effets d’annonce, il est temps de passer à l’action.
*Quelques idées pour les sans-abri
La première des priorités doit être la lutte contre l’extrême pauvreté et la situation des sans-abri :
-un vrai moratoire sur les expulsions locatives doit être décrété avant la fin de la trêve hivernale et les centres d’hébergement doivent être maintenus ouverts toute l’année, afin d’en finir avec « la politique du thermomètre » ;
-une garantie publique des risques locatifs doit être mise en place sans tarder. Elle était promise par le candidat Hollande avant la rentrée universitaire pour les jeunes et n’a pourtant toujours pas été mise en place ;
-enfin, les réquisitions annoncées depuis des semaines doivent réellement être appliquées : on ne peut pas continuer à loger des familles entières dans des hôtels aux frais de l’Etat (plus de 15 000 places) quand des millions de mètres carrés de logements restent inoccupés dans les grandes agglomérations de notre pays.
De même, il est inacceptable que des demandeurs d’asile soient obligés de se tourner vers le 115 faute de places suffisantes en Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) et que des sans-papiers squattent des temples ou des églises alors que la plupart d’entre eux pourrait travailler et avoir un logement si on procédait enfin à leur régularisation.
*Ni cadeaux ni privilèges mais des droits
Le vrai cadeau pour les pauvres serait, au-delà de l’urgence, de préparer aussi l’avenir de nos enfants. 23% des jeunes de 18 à 24 ans et plus de 2,6 millions d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les enfants qui naissent dans la pauvreté ont très peu de chances d’en sortir, et la pauvreté est devenue héréditaire. L’école doit donc redevenir un rempart contre la misère et la fatalité.
La lutte contre l’échec scolaire doit être une priorité absolue et un revenu d’autonomie doit être mis en place pour garantir à chaque jeune une transition digne vers la vie indépendante, quels que soient son origine sociale et son parcours de formation.
Le vrai cadeau pour les pauvres serait de changer notre regard sur eux. Le discours de la droite sur l’assistanat a provoqué trop de dégâts. Les pauvres n’ont pas choisi d’être pauvres, ils ne réclament ni cadeaux, ni privilèges, mais ils ont des droits qui doivent être respectés : droit à un logement décent, droit à l’éducation et à la santé, droit à une vie digne et au respect.
Alors on nous dira que tout cela coûte cher et que l’Etat n’a pas les moyens, en cette période d’austérité. Mais réduire l’écart entre les annonces politiques et la vie quotidienne des gens, c’est aussi considérer la lutte contre la pauvreté non plus comme une charge pour la société mais, à l’avenir, comme un investissement.*Par Karima Delli.Publié le 10/12/2012 . Rue89.
**Pourquoi pas un ministère pour les pauvres ?
*Par Karima Delli
Monsieur le président de la République,
Dans cette période charnière, entre votre prise de fonction et la nomination de votre gouvernement, les courtisans se pressent pour obtenir vos bonnes grâces et espérer décrocher peut être un maroquin dans votre prochain gouvernement. L’urgence est pourtant ailleurs.
Si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous demander de mettre la question de la réduction de la pauvreté au cœur du mandat que vous confierez à votre gouvernement.
Avec plus de 8 millions de personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté, c’est à dire ayant un revenu inférieur à 60% du revenu médian, 10 millions de mal logés dont 8 millions en situation de précarité énergétique, la tâche est immense.
Les inégalités n’ont cessé de s’accroître depuis que la droite a été au pouvoir, et ce sera notre responsabilité collective que d’assurer à chacun le droit de vivre dans la dignité. Tout miser sur le retour d’une improbable croissance et sur la lutte contre le chômage ne suffira pas.
Avoir un emploi ne suffit pas toujours pour sortir de la pauvreté, et ce malgré la mise en place du Revenu de Solidarité Active. Si nous échouons, alors nous en paierons les conséquences qui se traduiront également par une percée plus violente encore des extrêmes dans notre pays.
Monsieur le Président, les Etats membres de l’Union Européenne se sont engagés, dans la stratégie Europe 2020, à réduire de 20 millions le nombre de personnes vivant dans la pauvreté d’ici 2020.
La France doit impérativement en prendre sa part en réduisant au moins de moitié la pauvreté au cours des cinq prochaines années, et viser son éradication à l’horizon 2020. C’est un objectif ambitieux mais réalisable. Il ne tient qu’à vous d’en prendre l’engagement et d’y mettre les moyens nécessaires, à travers la création d’un Ministère d’Etat pour les pauvres.
Il y a 25 ans, Joseph Wresinski présentait au Conseil économique et social son rapport sur « Grande pauvreté et précarité économique et sociale ». Aujourd’hui ses recommandations restent encore en grande partie valables et pourraient servir de feuille de route à un véritable Ministère d’Etat pour les pauvres :
- une réforme complète du RSA et des minimas sociaux, afin d’assurer à chacune et à chacun, un revenu minimum adéquat, lui permettant de vivre dignement, c’est-à-dire au niveau du seuil de pauvreté fixé à 60% du revenu médian, et l’ouverture d’un grand débat sur le revenu universel ;
- la mise en place d’un revenu d’autonomie pour tous les jeunes dès 18 ans, qu’ils soient étudiants, jeunes travailleurs ou chômeurs, et la mise en place d’une garantie pour la jeunesse afin qu’aucun jeune ne passe plus de quatre mois d’inactivité sans se voir offrir un emploi correspondant à ses qualifications ou une offre de formation complémentaire rémunérée ;
- la défense au niveau du Conseil européen de la mise en place d’une directive-cadre sur des systèmes de revenu minimum adéquats ;
- l’arrêt immédiat des expulsions locatives, l’encadrement strict des loyers selon le modèle du « miroir des loyers » pratiqué en Allemagne, et la mise en place d’une stratégie nationale intégrée pour les personnes sans-abris, associant les collectivités locales, les organismes de protection sociale, ainsi que les associations travaillant avec les sans-abris et le monde de l’insertion, afin de s’assurer que plus personne ne soit forcé de dormir dans la rue d’ici deux ans ;
- la défense d’une stratégie européenne intégrée et coordonnée pour les personnes sans-abris, tenant compte en particulier de la question des migrants ;
- une politique ambitieuse de lutte contre la précarité énergétique, en s’appuyant notamment sur les fonds européens dans le cadre d’un budget renforcé pour la politique de cohésion, et en relevant les objectifs de la directive européenne sur l’efficacité énergétique dont les ambitions ont été amoindries sous la pression du gouvernement français sortant ;
- obtenir le déblocage, au niveau du Conseil européen, de la grande directive anti-discrimination ;
- la réunion chaque année d’une conférence nationale des personnes en situation de pauvreté, permettant à ces personnes et aux organisations qui les représentent d’entrer directement en relation avec les décideurs politiques : parlementaires, membres du gouvernement et hauts fonctionnaires, et assurer ainsi leur réelle et concrète participation à la prise des décisions qui les concernent ;
- l’organisation d’un débat annuel au Parlement au cours duquel le gouvernement présentera les avancées réalisées en matière de lutte contre la pauvreté et sa stratégie pour les années à venir.
Ecoutez la parole des pauvres
Le Père Wresinski disait :
« Là où se prépare l’avenir d’une nation ou d’une communauté internationale, il importe que le Quart Monde en soit partie prenante. S’il ne l’est pas aujourd’hui au temps des projets, il ne le sera pas demain au temps des changements. »
Alors, Monsieur le Président de la République, pour que le changement que vous incarnez soit un vrai changement, écoutez la parole des pauvres, car c’est aussi en eux que réside le relèvement de notre pays.
De votre succès dans la réalisation de cette tâche dépendra aussi la réconciliation si nécessaire entre les citoyens de notre pays et leurs représentants politiques.
Recevez, Monsieur le président de la République, l’expression de ma plus haute considération.
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Les jeunes, les enfants et les personnes âgées sont les plus touchés par la précarité.
En 2010, 8,6 millions de personnes vivaient avec moins de 964 euros par mois, soit 350.000 de plus qu’en 2009.
Pour lutter contre cette explosion de la pauvreté, les associations et les syndicats plaident pour une revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) et réclament d’en faciliter l’accès. En effet, 68% des personnes éligibles au RSA activité ne le demandent pas. Pour «endiguer la paupérisation de la société», certains, comme la CFTC, demandent aussi la création d’un «revenu de dignité» pour «permettre à un salarié et à sa famille de vivre dignement en subvenant à ses besoins élémentaires».
2.665.000 enfants vivent dans une famille pauvre
Les 18-25 ans seraient tout particulièrement touchés par la précarité, avec un pourcentage de 22,5% de jeunes en dessous du seuil de pauvreté. Les personnes âgées de plus de 75 ans sont elles aussi touchées par la précarité: c’est le cas de 12,4% de cette tranche d’âge.
Dominique Versini, ancienne défenseure des enfants, et Pierre-Yves Madignier, président d’ATD Quart Monde, attirent pour leur part l’attention sur la situation des plus jeunes: un enfant sur cinq est en situation de pauvreté en France, selon le rapport qu’ils rendent au gouvernement. Quelque 2.665.000 enfants vivent dans une famille dont les revenus globaux, une fois perçus les transferts sociaux, sont inférieurs au seuil de pauvreté.
«Entre 2008 et 2010, la pauvreté a touché 350.000 enfants de plus. Par ailleurs, l’intensité de la pauvreté est passée de 18% à 19,5%: non seulement il y a de plus en plus d’enfants pauvres, mais ils sont de plus en plus loin du seuil de pauvreté», notent les auteurs du rapport.
133.000 sans domicile
Un autre constat devrait être au cœur de cette concertation: la situation des 3,6 millions de personnes mal logées ou sans abri en France. Un chiffre avancé en 2012 par la Fondation Abbé-Pierre, qui recense plus de 685.000 personnes privées de domicile personnel, dont 133.000 sans domicile, 38.000 en chambre d’hôtel, 85.000 dans des habitats de fortune et 411.000 accueillis pas des tiers.
Enfin, plus d’un ménage sur cinq souffre du froid. 3,5 millions de ménages indiquent qu’ils n’arrivent pas à chauffer leur logement, soit 14,8%. Alors que l’hiver se fait plus rude depuis quelques semaines, la ministre de l’Énergie, Delphine Batho, a annoncé lundi que les tarifs sociaux de l’énergie seraient bientôt étendus à 830.000 personnes supplémentaires. *Le Figaro-10.12.2012.
***La crise aggrave la situation économique des mères seules
Elles sont 1,5 million en France
La pauvreté tend à se féminiser alors que le monde du travail, dominé par les codes masculins, peine à prendre en compte la situation particulière des femmes qui élèvent seules leurs enfants.
La société n’est pas tendre avec les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Une situation qui relève de l’urgence lorsque ces femmes vivent dans les «zones urbaines sensibles».
Il ne fait pas bon être une maman, seule, en banlieue. Les résultats de deux enquêtes successives conduisent à ce constat.
Le premier coup de projecteur sur le sujet est venu du colloque de la Fondation Kd’urgences, tenu le 15 octobre, sous le titre évocateur de «Familles monoparentales: premières victimes de la crise». La fondation présidée par l’ancienne journaliste Christine Kelly, qui se confie à Madame Figaro , a réuni pour l’occasion plusieurs données parlantes.
Ces familles monoparentales, dont le seul parent est une mère dans 85% des cas, connaissent un taux de pauvreté de 35%, selon l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), soit 2,5 fois plus que l’ensemble des familles.
Et pour elles, c’est une spirale infernale où résonnent les mots précarité, chômage, surendettement, aide sociale.
Contraintes de garder leurs enfants faute de moyens ou de places en crèche, les femmes seules sont davantage touchées par le chômage ou abonnées aux emplois précaires. De fait, elles sont plus fortement touchées par le surendettement. «Près d’un dossier sur deux est celui d’une famille monoparentale», est venu témoigner Jean-Louis Kiehl, président de Crésus, association de lutte contre le surendettement.
Et l’accès au logement est plus compliqué: un quart de ces familles sont en «situation de surpeuplement» (vivant dans des logements trop petits), selon l’Insee.
Publié le 16 novembre 2012, le rapport annuel de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) revient cruellement sur le sujet. Dans ces 751 «ZUS», où le taux de pauvreté (moins de 964 euros par mois) est passé de 30,5% en 2006 à 36,1% en 2010 (contre 11,9% à 12,6% en dehors de ces quartiers), la situation des femmes est d’autant plus préoccupante.
Une famille sur cinq est monoparentale
Pour la première fois en cinq ans, leur taux de chômage est plus élevé que celui des hommes, et ce, alors même que leurs scolarités sont moins chaotiques. Un paradoxe que l’observatoire attribue au «poids des structures familiales»: elles sont en effet plus souvent à la tête de familles monoparentales qu’en dehors des ZUS et ont davantage d’enfants. À 25 ans, près de 25 % des femmes de ZUS vivant hors de chez leurs parents ont au moins un enfant, contre 10% dans les villes alentours.
L’Observatoire, qui met en avant les conséquences de cette paupérisation sur la santé des habitants, explique enfin que ces femmes souffrent plus souvent d’obésité.
La parité est décidément est un vain mot. La pauvreté tend à se féminiser, alors que le monde du travail, dominé par les codes masculins, peine à prendre en compte la situation particulière des femmes qui élèvent seules leurs enfants. Les femmes subissent de plein fouet ces inégalités que la société peine à compenser. Les aides sociales sont insuffisantes. L’allocation de parent isolé (API), créée en 1976, puis fondue dans le revenu de solidarité active (RSA) en 2009 s’élève ainsi à 813,16 € pour un parent isolé sans revenu ayant un enfant. Et si ce parent touche un salaire mensuel de 560 €, le montant de l’allocation est de 486,38 €…
La société peine à prendre en compte ses familles monoparentales. Pourtant, une famille sur cinq est aujourd’hui composée d’enfants et d’un seul parent, soit plus de deux millions de foyers. En quarante ans, elles ont plus que doublé.*Le Figaro-le 16/11/2012
***Les associations déçues par les mesures contre la pauvreté en France
Les associations de lutte contre l’exclusion ont globalement bien accueilli les efforts consentis par le gouvernement pour faire reculer la pauvreté en France mais se sont montrées insatisfaites sur le niveau des mesures annoncées.
«On est globalement satisfait même si le premier ministre n’est pas allé aussi loin qu’on le souhaitait», résume Bruno Groues, animateur du collectif Alerte, qui réunit 35 associations de lutte contre l’exclusion. Sur le volet logement, les associations avaient demandé la création de 20.000 places au cours des cinq prochaines années. «Au total, nous n’en avons que 8000, regrette l’animateur. Du coup, on a l’impression que c’est un plan pour 2013 mais pas sur les cinq années à venir», déclare-t-il au Figaro. Même constat pour Christophe Robert, de la Fondation Abbé Pierre: «Le premier ministre s’est prononcé sur le plan 2013, mais que fait-on après?» a-t-il demandé, jugeant que «tout n’est pas sur la table» pour aboutir à la création de 150.000 logements sociaux par an d’ici à la fin du quinquennat.
Plus sévère, le mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) a exprimé sa «colère» dans un communiqué publié à la sortie de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté. «Nous appelions à un choc de solidarité, nous sentons à peine la pichenette», déclare l’association. «Vingt milliards d’euros pour le pacte de compétitivité, contre 2,5 milliards pour le choc de solidarité. On voit bien que les moyens ne sont pas les mêmes», dénonce le président du MNCP, Jacques-Henri Vandaele, contacté par Le Figaro. Même l’augmentation de 10% du RSA sur les cinq prochaines années ne convainc pas. «Ça fait 8 euros de plus chaque mois, c’est ridicule», lâche-t-il, amer. De plus, «il va falloir que les gens attendent septembre 2013 avant de pouvoir en bénéficier». Par ailleurs, le manque de mesures ciblées autour des seniors a également déçu le mouvement, qui défend les demandeurs d’emploi et les précaires. «Rien n’a été dit sur l’Allocation équivalent retraite, qui a été supprimée en 2011 et que nous souhaitions remettre en place», complète Jacques-Henri Vandaele.
Un message «politiquement courageux»
Concernant l’élargissement du nombre de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), les associations ont salué l’effort consenti par le gouvernement mais rappellent qu’il reste insuffisant. «Ce sont 4 millions de personnes qui ont besoin d’une complémentaire santé gratuite», souligne Thierry Brigaud, président de Médecins du monde.
Des points positifs ont toutefois été relevés, notamment sur les mesures de «non-recours» aux prestations sociales qui passeront par le lancement d’une campagne de promotion des droits sociaux et la simplification des démarches administratives. «C’est politiquement courageux, estime Bruno Groues, animateur du collectif Alerte car le gouvernement a envoyé un message fort qui est celui de dire que ce n’est pas une honte de toucher le RSA. Car non, les pauvres ne sont pas des assistés et des paresseux. Nous les voyons au quotidien, et croyez-moi, ils veulent travailler.»
Dans la même lignée, la CFTC a également jugé «encourageantes les mesures concernant les jeunes», dans un communiqué. «La création d’un contrat d’insertion destiné à 100.000 jeunes non qualifiés pour la rentrée 2013, et la mise en place d’une allocation à hauteur du RSA socle (environ 450 par mois), représentent un engagement fort du premier ministre pour la défense de la cause des jeunes, de plus en plus touchés par la pauvreté», souligne le syndicat, qui demandait depuis plusieurs années la mise en place d’un «RSA jeune».* Le Figaro-le 11/12/2012
**Lutte antipauvreté en France: l’argent n’est pas tout
La revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) et les 100 millions d’euros alloués au mal-logement annoncés par le gouvernement à l’issue de la Conférence Nationale sur la Pauvreté suffiront-ils à endiguer la souffrance des sans-abris? Le témoignage du Docteur Alain Mercuel nous invite à porter un autre regard sur ces exclus… qui nous font peur. Pour ne plus fermer les yeux sur la fragilité humaine, celle de nos semblables, donc aussi un peu la nôtre.
A l’heure où la Conférence Nationale sur la Pauvreté se clôt par une série de mesures visant à revaloriser les conditions financières des plus démunis, il apparaît essentiel de se laisser également toucher par la souffrance psychique des exclus que l’on croise quotidiennement au pied de notre logement ou de notre travail. Les crises économiques sont aussi des crises morales. «Disons- le sans détour: notre société est moins solidaire en 2012 qu’elle ne l’était il y a dix ou vingt ans», a souligné le premier ministre. Mais le recours aux aides est parfois d’une telle complexité que nombre de personnes en situation de pauvreté ne demandent pas les prestations auxquelles elles ont droit. Parfois aussi à cause de la honte, ou tout simplement de souffrance psychique. Si des mesures vont être prises pour simplifier et leur faciliter les démarches, il n’empêche. La sortie de l’enfer ne tient pas à un chèque.
Aller à la rencontre des plus « cassés »
Le Docteur Alain Mercuel, auteur de «Souffrance psychique des sans-abri, Vivre ou survivre» paru chez Odile Jacob, revisite le théorème d’Archimède et l’applique ainsi à la précarité: «tout corps en souffrance psychique plongé dans un bain de précarité… possède en soi… une force opposée… qui n’attend qu’un nouveau regard… pour mieux s’en extirper.» Il ne s’agit pas selon lui de psychiatriser le social mais d’accepter d’aller à la rencontre des plus «cassés» de la rue, de repérer leurs souffrances psychiques pour tenter de les apaiser. Pour ce chef de service à l’hôpital Sainte-Anne à Paris qui dirige une unité d’accès aux soins psychiatriques pour les exclus, les SDF ne présentent pas de «MST», comprendre : de «maladies socialement transmissibles». «On peut leur parler, on peut les accompagner sans crainte, leur donner une pièce, un sandwich, simplement pour rendre moins terrible le petit «cloc». Ce terrible bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain. Celui de l’homme qui a faim, qui dehors regarde, hagard, ceux qui mangent dedans, au chaud».
Ecouter les personnes en grande difficulté
Contrairement à Nicolas Sarkozy qui n’avait pas pu tenir sa promesse de diminuer d’un tiers la pauvreté en cinq ans, François Hollande, même s’il ne s’est pas aventuré sur un objectif chiffré, n’en a pas moins mobilisé son gouvernement. La Conférence Nationale peut sans doute faire évoluer les choses mais à condition d’écouter aussi ce que les personnes en grande difficulté ont à dire. Car la précarité ce n’est pas seulement être privé de toit. C’est se concentrer sur sa survie au quotidien. Et souffrir de ne plus être relié socialement. Ainsi, Alain Mercuel affirme-t-il qu’une grande part de la souffrance psychique, voire de la maladie mentale, repose sur une altération voire une totale absence du lien qui nous unit aux autres. «Les exclus comme les psychotiques sont des «aliens»…, des a-liens, avec le a privatif. Mais bon nombre de personnes intégrées ou prétendument l’être sont des aliens. En fait peu ou prou, nous sommes tous pour l’autre un alien. L’autre est plus ou moins menaçant plus ou moins différent, plus ou moins absent, alors que l’autre pourrait être certes, exotique mais charmant, intéressant, profondément mon semblable», écrit Xavier Emmanuelli dans la préface.
Créer du lien avant toute chose
Or la difficulté à se saisir du phénomène de la pauvreté tient dans le fait qu’il s’agit à chaque fois de situations singulières. «Toute situation personnelle ne peut s’envisager qu’au cas par cas, et les solutions de sortie de rue ne se recherchent que de façon singulière», souligne Alain Mercuel rappelant que le lien social ne peut que se construire dans un aller-retour entre soi et les autres : «compter sur l’autre pour compter sur soi». L’intégration sociale ne va donc pas de soi. Beaucoup d’éléments poussent à trébucher. Certains se relèvent, d’autres pas. Et quand les statistiques nous montrent que les plus touchés par la pauvreté sont aujourd’hui les jeunes, peu ou pas qualifiés, que ce sont eux les premières victimes de la crise et du chômage, et qu’une étude du Samu Social établit à 40% le nombre de jeunes en situation de précarité souffrant de troubles psychiatriques sévères, la question de la pauvreté se pose avec plus d’acuité que jamais. Celle de la société que nous avons bâtis aussi. Alors … «Aider oui, mais jamais seul. Et jamais sans les élus», en conclut Mercuel. C’est le sens de cette conférence qui aura duré deux jours, mobilisée 11 ministres et plus d’une quarantaine d’associations. Loger, soigner ou travailler ne doit cependant pas obérer la priorité fondamentale qui s’impose désormais à chacun d’entre nous : créer du lien avant toute chose.*La Tribune.fr-12.12.2012.
**La peur de la précarité saisit les Français
Alors que s’ouvre aujourd’hui à Paris une Conférence Nationale sur la pauvreté, la peur du déclassement et de la précarité n’a jamais été aussi prégnante chez les Français. Peur qui n’épargne quasiment aucune catégorie qu’elle soit ou non réaliste… Pauvres de nous!
Il fut un temps où la maladie effrayait nos concitoyens. Un autre, où la crainte d’une attaque terroriste nous guettait à chaque coin de rue. En cet hiver 2012, alors que la crise n’en finit pas de faire des ravages en Europe, la pauvreté a pris le relais au panthéon de nos grandes peurs.
Il suffit d’évoquer ce sujet de la pauvreté pour réaliser que n’importe lequel d’entre nous se sent concerné. Sommes-nous animés par un grand élan de solidarité envers les 8,6 millions de Français vivant avec moins de 964 euros par mois, les 3,5 millions de mal logés et les 800.000 personnes ayant recours à l’aide alimentaire? Ou sommes nous plutôt effrayés à la perspective d’avoir à vivre demain, nous aussi, une situation similaire et de ne plus réussir à maintenir notre niveau de vie?
Crainte de la misère
Que nous ayons un emploi salarié, une famille qui nous soutienne, un toit bien chauffé sous lequel dormir, rien n’y change. La peur est là, immense, qui nous saisit à la gorge.
Pas moins de 48% des personnes interrogées par CSA pour «Les Echos» se déclarent pauvres et 37% en «train de le devenir». S’il s’agit d’un ressenti et non d’une réalité objective (14,1% de la population française vit en dessous du seuil de pauvreté), il en dit long sur la crainte des Français d’être demain précipités dans la misère.
La barre des 3 millions de chômeurs dépassée, la crise économique dont personne n’imagine aujourd’hui la sortie, les difficultés de nos voisins espagnols qui n’ont pas démérité côté travail, les familles de nos voisins et de nos amis fragilisées par le divorce, il semblerait que tous les signaux soient au rouge. «Tout est bruit pour qui a peur», disait Sophocle. De quoi nourrir chez ceux, pourtant à l’abri, de grandes craintes quant à leur avenir.
Phantasme ou réalité ?
En 2009, le sociologue Eric Maurin dans son ouvrage «La peur du déclassement, une sociologie des récessions» prouvait à quel point ce phénomène était plus imaginaire que réel. A l’époque il n’y avait effectivement entre la récession de 1993 et celle de 2008 pas d’accentuation notable des licenciements comme cause d’entrée au chômage. Et l’auteur d’égrener tous les éléments tendant à prouver qu’il y avait plus de peur que de mal. Sauf que, si le déclassement, ce phénomène de rupture qui conduit un individu à perdre sa position sociale, n’était objectivement pas plus important en 2008 que trente ans auparavant, la peur du déclassement, elle, avait déjà en 2008 fait un bond en avant. Et Eric Maurin de montrer que cette peur s’appuyait à l’époque non sur des risques accrûs, mais sur des conséquences bien plus graves que par le passé. Celui qui perd son emploi stagne longtemps dans les couloirs de Pôle Emploi ou doit renoncer à un emploi à la mesure de ses compétences, ceux qui ont un emploi temporaire entre de plain pieds dans le «précariat» et ceux qui arrivent sur le marché du travail jouent les variables d’ajustement. Or ces conséquences ont gagné en intensité depuis 2008. Cette peur n’est donc plus tout-à-fait imaginaire et phantasmée mais se nourrit de mois en mois des difficultés réelles et vécues par nos concitoyens.
La fin d’un âge d’or
Aujourd’hui tout travailleur craint de perdre son emploi (y compris un PDG à la merci de son conseil d’administration et de son cours de bourse) ou un consultant ses clients. Les jeunes ont peur de ne pas trouver de job (le taux de chômage des jeunes bat des records à 24,2%), les parents craignent que leur progéniture n’ait pas le diplôme suffisant qui les mettra à l’abri, les couches aisées ont peur de voir leur statut grignoté par de futurs prélèvements. Chacun voit s’éloigner un âge d’or qui ne reviendra plus. La réalité, c’est que la France a cessé de s’enrichir et donc que les Français s’appauvrissent sous le poids des dépenses contraintes qui a doublé depuis cinquante ans et entame désormais plus d’un quart de leur revenu disponible. Alors oui, le sentiment de baisse de niveau de vie est désormais plus qu’un sentiment, une réalité: le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages baisserait de 0,5% cette année selon l’Insee. Ce qui serait sans précédent depuis 1984.
Modifier la perception de la réalité
Même si la baisse de niveau de vie ne signifie pour autant pauvreté, le fait économique s’inscrit aujourd’hui dans une réalité autrement plus complexe. Celle, par exemple, de voir de plus en plus de Bac+5 occuper des emplois à mille lieues de leurs qualifications, des mères de familles célibataires contraintes d’accepter des temps partiels, des divorcés, hier couples à l’abri, avoir du mal à joindre les deux bouts, des parents âgés dont il faut organiser et financer la fin de vie… Autant d’exclusions sociales auxquelles s’ajoutent une ribambelle de «complications» comme l’allongement des trajets domicile-travail, des technologies qui gardent l’individu toujours en éveil, et le stress psychologique de l’injonction «d’être soi» et de «se réaliser»… quand ce n’est pas d’être beau et en bonne santé. La décollectivisation du travail et de la famille rime désormais avec réindividualisation. C’est d’autant plus lourd à porter pour chaque individu livré à lui-même. Et c’est ce qui interroge avec insistance notre «vivre ensemble». Si nous voulons changer cette sombre représentation de notre avenir, c’est notre regard qu’il faut modifier et avec lui notre perception de la réalité. La crise nous invite à poursuivre un débat difficile entre ce qui peut relever de la responsabilité personnelle et ce qui doit relever de la solidarité nationale. Marisol Touraine, la ministre des Affaires Sociales, a concédé dès l’ouverture de la conférence nationale sur la pauvreté ce lundi matin que « tout ne serait pas réglé à l’issue de la conférence, ce serait l’occasion de mettre la pauvreté au coeur de la République ». Collectivement il faut aider à sortir du «précariat» annoncé par Robert Castel qui installe ceux qui en sont victimes dans une impuissance à se réaliser en tant qu’individus. Individuellement, on a la période des confiseurs pour méditer la phrase de Cioran (extrait de « De l’inconvénient d’être né« ): «Ce n’est pas la peur d’entreprendre, c’est la peur de réussir, qui explique plus d’un échec». *La Tribune.fr-10.12.2012.
**Pauvreté en France, un phénomène qui s’amplifie
Une conférence sur la pauvreté s’est tenue à Paris les 10 et 11 décembre 2012. En 2010, le taux de pauvreté a atteint 14,1% , son plus haut niveau depuis 1997. Plus de 8,5 millions de Français vivent avec moins de 964 euros par mois. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault interviendra en clôture de la conférence. Il devrait annoncer des mesures puisée dans le rapport que lui a remis Jean-Baptiste de Foucault qui prône « un droit au parcours accompagné vers l’emploi ».
Le gouvernement a ouvert lundi la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, en affichant sa volonté d’en finir avec « la stigmatisation » des personnes démunies, tout en concédant que ce rendez-vous, censé déboucher sur un plan pluriannuel, ne « réglerait pas tout ». Il faut dire que les chiffres sont accablants. Le le taux de pauvreté a atteint 14,1% en 2010, son plus haut niveau depuis 1997, Ce qui signifie que plus de de 8,5 millions de Français vivent avec moins de 964 euros par mois. Un Français sur cinq déclare avoir renoncé aux soins pour raisons financières et 3,5 millions de personnes sont mal logée et 800.000 personnes ont recours à l’aide alimentaire.
5% de fraude au RSA
La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine a prôné un « véritable changement de méthode » par rapport au gouvernement précédent, mettant en cause « les discours stigmatisants » sur l’assistanat. A cet égard, la ministre déléguée chargée de la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti, a renchéri: « les personnes démunies ne choisissent pas la pauvreté, elles n’en profitent pas, elles la subissent ». Et de rappeler que la Caisse d’allocation familiale évaluait à 5% la fraude au RSA (revenu de solidarité active) et que 68% des bénéficiaires potentiels du RSA activité ne le demandaient pas. Les attentes des associations sont extrêmement élevées. La plupart demandent notamment une revalorisation du RSA, qui a décroché par rapport aux revenus du reste de la population et a évolué plus lentement que le Smic.
Le rapport de Foucault prône « un droit au parcours accompagné vers l’emploi
Mais en période d’austérité budgétaire, le gouvernement n’a que très peu de marges de manoeuvre. Jean-Marc Ayrault, qui viendra cloturer les travaux de la conférence demain mardi 11 décembre, pourra s’appuyer sur le rapport commandé à Jean-Baptiste de Foucault qui préconise « un droit au parcours accompagné vers l’emploi » pour les personnes en situation de précarité. Ce rapport (qui comprend 34 mesures concrètes), prône notamment une aide à la création d’entreprise, l’extension du RSA aux jeunes peu qualifiés non attributaires des contrats d’avenir. Surtout, mesure choc, devant l’ampleur du phénomène de la pauvreté, jean-Baptiste de Foucault avance une idée extrêmement volontariste: « si dans deux ans les mesures précédents [exposées dans son rapport . NDLR] n’ont pas suffit à améliorer significativement l’accès à l’emploi des personnes en situation de pauvreté et à réduire le nombre des allocataires du RSA socle (…) mettre en place, après un débat sur le sconditions de mise en oeuvre, un prinicpe d’embauche d’une proportion déterminée de chômeurs de longue durée par les administrationss et les entreprises, sous peine du versement d’une taxe dont le produit serait affecté au financement de contrats aidés ou d’aides à l’insertion ».
Quelques mesures sont déjà sur la table. La ministre de l’Energie, Delphine Batho, a annoncé ce lundi 10 décembre que les tarifs sociaux de l’énergie seraient étendus prochainement à 830.000 personnes supplémentaires. Pour parer à l’urgence du manque de logements, le président du Cese, Jean-Paul Delevoye, suggère d’édifier « des villages de bungalows pour les mal-logés ». En marge de la conférence, la ministre du Logement, Cécile Duflot, a annoncé la création de « plusieurs milliers de nouvelles places d’hébergement dès 2013″. Selon son entourage, 4.000 places pourraient être réservées pour l’hébergement d’urgence et 4.000 autres pour les centres d’accueil pour demandeurs d’asiles (CADA).*La Tribune.fr-10.12.2012.
« La France est en récession », selon Laurence Parisot
La présidente du Medef, Laurence Parisot, a affirmé jeudi que la France se trouvait en « récession », même si elle n’a pas encore accumulé techniquement deux trimestres négatifs consécutifs, et elle a dit craindre « le pire » en matière de au premier semestre 2013. « La situation économique est celle d’une récession pour notre pays. Il faut le dire, même si nous n’avons pas eu officiellement deux trimestres négatifs », a déclaré Mme Parisot sur iTélé. « Ce que nous ressentons nous tous quotidiennement dans nos entreprises, c’est vraiment un climat économique de récession avec des carnets de commande en baisse de -5%, -10% ou -15% », a ajouté la présidente du Medef, qui craint un impact sur l’emploi. « Je crains le pire en tout cas sur le premier semestre de l’année 2013″, a-t-elle prévenu, mais tout en saluant « certaines décisions prises par le gouvernement » qui « vont dans le bon sens » pour lutter contre le chômage. « Le crédit d’impôt de vingt milliards étalé sur plusieurs années est essentiel », a-t-elle déclaré. La Banque de France a confirmé lundi prévoir une légère récession en fin d’année en France avec une baisse de 0,1% de l’activité économique au quatrième trimestre après un recul équivalent estimé pour le troisième trimestre. Il y a une semaine, le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a réaffirmé la prévision du gouvernement d’une croissance de 0,8% pour 2013 en France.*AFP-13.12.2012.
**12,8 millions d’Allemands menacés par la pauvreté.
Malgré la vigueur de l’économie outre-Rhin, 12,8 millions d’Allemands sont menacés par la pauvreté. Un phénomène en croissance continue depuis 2008, qui touche d’abord les retraités, et qui inquiète les autorités.
C’est décidément le talon d’Achille du modèle allemand. L’office fédéral des Statistiques Destatis a annoncé que 15,8% de la population allemande, soit 12,8 millions d’habitants, étaient en 2010 menacés par la pauvreté. Cette proportion est en hausse régulière depuis 2008 où elle était de 15,5%. Et cela alors même qu’en 2010, le chômage a fortement reculé outre-Rhin, que les rémunérations moyennes ont progressé et que la croissance économique a été très dynamique (3,6%).
Les retraités en première ligne
A été considéré comme «menacé par la pauvreté» en Allemagne en 2010 toute personne disposant, après les transferts sociaux, de 952 euros nets mensuels. Parmi les groupes les plus touchés, on trouve surtout les parents isolés (37,1% sont menacés par la pauvreté) et les plus de 65 ans (touchés à 36,1%).
Retraite garantie à 850 euros mensuels ?
Cette statistique intervient alors que l’Allemagne s’interroge en ce moment sur la pauvreté de ses retraités et sur le niveau des retraites. La ministre des Affaires sociales Ursula von der Leyen a en effet proposé récemment d’assurer un niveau minimal de retraite à 850 euros via une subvention de l’Etat fédéral qui serait financé par une hausse des cotisations. Seule condition: disposer des 35 années de cotisations nécessaires pour toucher une retraite outre-Rhin. Les libéraux, partenaire de coalition, ne veulent pas en entendre parler.
Rapport difficile à décrypter
La question est en tout cas très difficile à trancher, les chiffres étant contradictoires. Selon la Süddeutsche Zeitung de ce jour, le rapport du gouvernement fédéral sur les revenus des retraités montrent que les pensionnés allemands sont «bien pourvus» avec un revenu moyen de 1818 euros par mois. Le rapport met en garde cependant contre le risque de pauvreté des retraités qui ne disposent pas de complémentaires privées.*La Tribune.fr-17.10.2012.
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