La poésie de Kaddour Benachour Ennédromi
*DIWAN DE CHEIKH KADDOUR BENACHOUR EZZERHOUNI
La Préface du Président de la République Abdelaziz Bouteflika
La culture nationale constitue, indéniablement, le substrat commun qui unit les quatre coins de notre patrie, l’Algérie, aux plans des origines, de l’histoire et de la quête permanente d’accès dans l’avenir. C’est là le propre de tous les peuples du monde, car elle est l’essence des attaches qui les lient. Il est établi que la littérature populaire, en général, et la poésie populaire, en particulier, constituent la base de ce socle, une sorte de lien, voire de ciment grâce auquel l’âme algérienne se tient, et perpétue la mémoire collective à travers les âges. Tout au long de son évolution et de sa survie, cette mémoire est restée vivace en défiant l’oubli, par la résistance à la dénaturation, à l’aliénation et aux outrages de l’oppression subie, et en se nourrissant du legs populaire constitué de proverbes, de maximes, d’adages, de contes, de devinettes et d’anecdotes.
C’est justement dans la poésie, dans la magie de son verbe, la facilité de sa mémorisation et de sa restitution ainsi que dans l’aisance qu’offrent ses rimes et ses rythmes aux chants des bardes et des chanteurs, qu’elle a pris toute sa consistance. Que l’on ne s’étonne pas, dès lors, si l’Algérien, où qu’il soit, chante la poésie de tel ou tel poète par-delà le temps et l’espace. C’est dire que l’authenticité de ce peuple est resté intacte en dépit des vicissitudes du temps, des convoitises de l’envahisseur étranger, de sa domination et de sa tyrannie qui durèrent et perdurèrent plus que de mesure.
Sans exagération aucune, on peut avancer que cette authenticité a gagné en cohérence suite à l’effroyable débâcle subie par les Musulmans d’Andalousie. En effet, l’étendue de l’aire de prévalence de la culture arabo-musulmane ne pouvant garantir la sauvegarde de leur cohésion, les peuples musulmans se sont tournés, chacun de son côté, vers les éléments culturels qui leur étaient les plus proches pour se préserver, avant tout, en tant qu’entité, comme ce fut le cas en Algérie précisément. C’est cette vérité toute naturelle, à savoir l’instinct de conservation et de défense de l’honneur de son territoire d’appartenance, que découvrent les lecteurs des livres d’Histoire et de la poésie populaire produits depuis lors. Que l’on ne s’étonne donc pas de la récurrence des thèmes de ce patrimoine de cette période; s’agissant notamment de ceux traitant de la religion, des aspects affectifs, des rapports sociaux entre les habitants d’une même région, et de l’aspiration à une vie décente. La diversité qui caractérise cet héritage est traduite dans son raffinement lequel reflète la culture dont s’est imprégné tel ou tel poète populaire.
Ceci dit, nous avons, depuis toujours, usé de la dénomination donnée chez nous à la poésie populaire bien qu’elle ne puisse résister à l’examen scientifique objectif. Cette dénomination s’est, au fil du temps, solidement ancrée chez nous et s’est même insinuée dans le moule de nos concepts et de notre vision du monde qui nous entoure. Si la littérature arabe, dans son ensemble, a accepté la classification décidée par certains critiques arabes et certains orientalistes au début du XXe siècle en genres déterminés et par époques: préislamique, postislamique, omeyyade, abbasside et andalouse, et époques de la décadence et ensuite de la renaissance, la dénomination «poésie populaire» attribuée à la production de nos poètes au cours des tout derniers siècles ne porte aucune connotation péjorative, cette poésie étant, réellement et de fait, un genre littéraire à part entière, et un pan de l’ensemble de la littérature dont se prévaut la culture algérienne.
Cette poésie populaire est véhiculée par la langue arabe qui unit les enfants de ce pays, et par une langue amazighe pure qui demeure pratiquée dans de nombreuses régions du pays. Ce qui en transparaît, c’est cette culture arabe authentique dont les racines plongent dans les profondeurs du patrimoine populaire qui marque de son sceau tous ceux qui se sont adonnés, chez nous, à la création poétique. La preuve en est omniprésente dans le corpus de cette poésie, à savoir ses termes savants, ses expressions imagées et ses figures empruntées au Saint Coran, aux dires du Prophète (Qsssl), aux sentences des docteurs de la loi algériens et aux maximes et aphorismes des poètes depuis la période préislamique.
A cela s’ajoute le fait que les poètes populaires sont de véritables hommes, puisque outre le Saint Coran qu’ils connaissaient par coeur, ils avaient une solide connaissance des enseignements du Prophète, de la jurisprudence, de la grammaire et de la linguistique, sans compter les chefs d’oeuvre de la poésie arabe. De ce fait, la poésie populaire, de par ses rythmes et ses rimes, est très proche de la poésie classique; c’est cela qui fait que les amateurs de la poésie arabe classique n’éprouvent aucune difficulté à apprécier la verve des poètes populaires qui ont pratiqué tous les genres et traité de tous les aspects de leur vie et de leur époque. La différence entre les deux poésies est, en effet, très infime.
Une nation jalouse de son héritage n’aura de cesse de l’exhumer et de le mettre en valeur de crainte qu’il ne disparaisse. N’est-il pas le réceptacle de sa culture et l’expression des replis de son âme et de son génie?
De ce fait, et parce que les aphorismes et les maximes, transcrits ou non de l’arabe classique ou dialectal, constituent l’essence de notre littérature algérienne, à ses différentes époques, celle-là même qui a consigné l’Histoire de notre nation, exprimé ses espoirs, ses malheurs et ses émotions par la poésie et par la prose, nous ne pouvons en accepter la disparition.
Dans la démarche que nous avons entreprise pour réaliser le redressement global de notre pays, notre patrimoine ne saura être ni renié ni négligé. Alors que nous progressons résolument vers cet objectif, dans tous les domaines de la vie économique et sociale, de manière rationnelle, réaliste et rigoureuse, nous ne manquerons pas d’exhumer le patrimoine qui a éclairé notre chemin dans les ténèbres de la longue nuit que fut notre existence durant l’effroyable époque coloniale, et nous a préservés, et nous préserve encore, de la déculturation et de l’aliénation.
La littérature algérienne, notamment celle d’expression amazighe et arabe dialectale, longtemps négligée et occultée, est un capital inestimable qui demande à être mis en valeur, diffusé, exploité et investi dans la valorisation de nos potentialités culturelles. Cette littérature est la seule énergie à même d’impulser la concrétisation du projet à laquelle nous oeuvrons, sans relâche. Il nous revient, donc, de préserver notre patrimoine, et tous ses joyaux si indispensables à notre présent et notre avenir, car nous avons grandement besoin des énergies et des souffles intellectuels et spirituels des idéaux que recèlent ses composantes. Ces derniers confèrent à notre personnalité nationale algérienne son harmonie et sa cohérence, et à notre identité humaine ses particularités qui nous permettent d’être maîtres de notre destin.
Pour démontrer que ce patrimoine n’a pas de prix, il me suffirait de dire qu’il est à même de nous aider à nous réconcilier définitivement avec nous-mêmes, à nous situer, en connaissance de cause, dans le temps et dans l’espace, et à nous mobiliser, corps et âme, en tant que nation une et indivisible, à charge pour nous de nous imprégner de ses valeurs éclairées et de ses enseignements.
C’est ce qui a amené l’Université algérienne à enseigner cette poésie populaire de façon à la délivrer de tous les stéréotypes, d’autant qu’elle recèle beaucoup d’informations affectives et historiques sur une période qui a vu les peuples de la rive sud de la Méditerranée subir l’acharnement des forces coloniales à effacer leur identité, à l’altérer et la dissoudre dans la culture exogène.
Rassembler et éditer les poésies de Cheikh Kaddour Benachour EzZerhouni, que Dieu ait son âme, dans un diwan de haute facture, participe de cette vision qui tente de percer le voile du mutisme passé, présent et futur. C’est là une réalisation intellectuelle qui a, avant tout et au moins, le mérite d’exhumer les oeuvres de ce talentueux poète et homme de Dieu, de les mettre à la portée des lecteurs et d’en assurer la sauvegarde.
Il est vrai que quand les sentiments s’abritent derrière une même conception de la réalité et de l’Histoire, il leur est plus aisé d’affronter les outrages et les défis du temps. A ce propos, il faut rappeler que l’absence de moyens d’impression, de publication et de publicité, au cours des derniers siècles, n’a nullement empêché la diffusion de cette création; le mérite en revient aux rassemblements et fêtes qui permettaient aux aèdes de réciter ces poèmes chargés d’émotions, de patriotisme et de dévotion. Cet aspect a complètement échappé à l’occupant qui ne voyait en cette poésie populaire qu’un verbiage folklorique incapable de traiter des questions sociales et nationales. Ainsi, que de poèmes, composés par tel ou tel poète populaire, se sont propagés avec la rapidité de l’éclair parmi la communauté qui en a saisi le sens profond et appréhendé la portée, eurent, dans la lutte des peuples, le même effet que celui des armes. Ce fut là la contribution du Cheikh Kaddour Benachour EzZerhouni, quand il composait ses poèmes dans l’obscurité de la nuit ou cloîtré dans une cellule de Zaouïa.
Certes, cette poésie populaire correspond à une étape de l’évolution de la culture orale dans notre pays, mais cela ne veut point dire qu’elle n’est pas digne d’être enseignée dans les lycées et les universités, chantée à l’occasion de nos rencontres et de nos fêtes, et déclamée dans les joutes poétiques et rencontres d’amateurs de poésie. La transcription de cette poésie doit, désormais, faire l’objet d’efforts méthodiques de la part des compétences idoines au sein des universités, des bibliothèques, des maisons de culture, des radios, de la télévision et autres médias, ainsi que des théâtres. En réalité, ce qui importe le plus c’est de faire connaître ces merveilles et tirer de l’ancien de quoi créer du nouveau, à l’instar de ce qui a été fait par certaines nations avancées qui ont réalisé des innovations artistiques, littéraires, musicales et théâtrales en puisant dans les oeuvres antiques. Tel est l’objectif que nous nous assignons en contribuant à la collecte et à l’habilitation de ce patrimoine populaire, et à la valorisation de ce qu’il recèle de ressources.
En constituant ce diwan, Mohamed Benamar Zerhouni a ouvert une petite lucarne sur le vaste univers poétique légué par Cheikh Kaddour Benachour EzZerhouni pour lui apporter une bouffée d’air et de lumière et lui insuffler une nouvelle vie.
Nous devons, donc, oeuvrer à élargir le champ de cette vision prospective pour permettre à chaque citoyen jaloux des joyaux de son héritage intellectuel et littéraire d’y accéder, sans peine ni difficulté, et d’affronter le troisième millénaire, avec la confiance en soi et la résolution qu’il faut, en passant du stade de la culture orale, qui a marqué notre création artistique durant les derniers siècles, à celui de l’écriture et de la transcription qui constitue le début de la pensée méthodique et rationnelle, et d’accéder à la création et à l’innovation.
L’importance de la deuxième édition, augmentée, de cet imposant diwan, se mesure à l’aune de la qualité de ses magnifiques qacidat qui méritent amplement d’être classées parmi les chefs-d’oeuvre de la poésie populaire maghrébine. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il renferme la plus belle et la plus somptueuse production poétique populaire composée en Algérie au cours du vingtième siècle; c’est pourquoi, je n’hésite pas à ranger son auteur parmi les maîtres de la poésie algérienne à travers les âges, avec tout ce que le mot maître implique en termes de critères et de qualité de création.
Mais cet effort de recension, d’agencement et de publication n’est qu’une phase qu’il s’agit de consolider pour confirmer notre identité historique et nous positionner dans le concert des nations. Je ne peux que saluer ce travail méritoire parrainé par notre Bibliothèque Nationale, en espérant qu’il se perpétue et devienne un exemple qui incitera les chercheurs, à travers le pays, à occuper leur rang dans notre nouvelle vie culturelle, à travers la recension, la transcription et la protection des textes de notre littérature classique et populaire, contre l’abandon, la négligence, la disparition et l’oubli.
Je ne saurais conclure ce bref propos sans m’adresser aux amoureux de la belle langue et de l’expression raffinée et châtiée de notre vécu dans ses multiples espaces, ceux-là mêmes qui, mus par cette passion, ont mémorisé les chefs-d’oeuvre de cette littérature, pour les inviter à veiller, avant qu’il ne soit trop tard, à les transmettre à celui ou celle qui saura les transcrire et les mettre à la disposition des personnes idoines à même d’en assurer la mise au point et l’édition. J’en appelle, également, aux héritiers qui détiennent des manuscrits afin qu’ils n’en privent pas ceux qui s’estiment capables de les traiter et les transmettre au grand public. Enfin, j’invite les éditeurs à accepter une part de risque en publiant les anthologies et les recueils de poésie populaire ancienne et contemporaine. La consistance de notre culture dépend de l’intérêt accordé, aujourd’hui et demain, à cet héritage qui véhicule un message relayé, à travers les siècles, par les poètes de ce pays; un message qui porte, sans aucun doute, les éléments qui nous permettront de récupérer des pans enfuis de notre mémoire porteurs des spécificités de notre véritable identité algérienne et de notre culture nationale.
Alger, le 11 Août 2010
Abdelaziz Bouteflika
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*******ENTRETIEN AVEC L’AUTEUR, MOHAMMED BENAMAR ZERHOUNI
«Faire connaître notre patrimoine poétique est mon hobby…»
Ce parfait bilingue se consacre à la production d’oeuvres littéraires. Il vient d’ailleurs de rééditer le Diwan de Cheikh Kaddour Benachour Ezzerhouni. A côté de son talent d’écrivain, il a aussi fait preuve d’une gestion minutieuse du secteur de la communication au milieu des années 1990.(L’Expression-08.12.2011.)
L’Expression: La Bibliothèque nationale vient d’éditer, après la première en 1996, la deuxième édition préfacée par le Président Abdelaziz Bouteflika de la somme des oeuvres poétiques du grand poète et mystique nédromi, Cheikh Kaddour Benachour EzZerhouni, dont vous avez réalisé la recension et la mise au point de leur transcription, peut-on considérer cela comme un événement?
Mohammed Benamar Zerhouni: Il est tout à fait évident que c’est un événement marquant et important, à plus d’un titre, dans le processus en cours, depuis le milieu du siècle dernier à ce jour, de sauvetage et de recension des oeuvres littéraires classiques et populaires encore orales ou en l’état de manuscrits condamnés, jusque-là, à rester lettre morte. Il s’agit d’un diwan majeur de par la qualité de son contenu qui justifie la réaffirmation du droit de la poésie algérienne populaire d’expression arabe et amazighe à un statut qui doit lui être reconnu dans la littérature algérienne et le génie poétique confirmé de Cheikh Kaddour. De plus, il est l’objet de l’intérêt de notre Bibliothèque nationale et de la bienveillante sollicitude de notre Président de la République en personne qui, en lui accordant une préface, exprime, en quelque sorte, la reconnaissance affirmée de la création littéraire populaire et rend, à travers Cheikh Kaddour, un hommage mérité à nos poètes, aèdes et bardes qui furent participes, des siècles durant, de notre histoire nationale et au patrimoine littéraire qu’ils nous ont légué dans nos deux langues nationales en tant que référence incontournable et irremplaçable pour nos historiens.
De sa part, c’est un encouragement on ne peut plus clair à nos compétences nationales en la matière à poursuivre le sauvetage, l’inventorisation et l’édition d’un pan, d’une ampleur insoupçonnée, de la littérature algérienne ancienne et récente qui demeure encore enfuie en l’état de manuscrit et menacée d’une perte certaine. Les considérations qui ont mû l’auteur de la préface y sont explicitement exposées. Une simple lecture de cette préface permet d’appréhender sa vision culturelle dans ses fondements. Il en a tracé les contours en écrivant: «Une nation jalouse de son héritage n’aura de cesse de l’exhumer et de le mettre en valeur de crainte qu’il ne disparaisse. N’est-il pas le réceptacle de sa culture et l’image des replis de son âme et de son génie?
…Dans la démarche que nous avons entreprise pour réaliser le redressement global de notre pays, notre patrimoine ne saura être ni renié ni négligé.
…Pour démontrer que ce patrimoine n’a pas de prix, il me suffirait de dire qu’il pourrait nous aider, à charge pour nous de nous imprégner de ses valeurs éclairées et d’en tirer les enseignements, à nous réconcilier définitivement avec nous-mêmes, à nous situer, en connaissance de cause, dans le temps et l’espace, et à nous mobiliser, corps et âme, en tant que nation une et indivisible…».
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi Monsieur Abdelaziz Bouteflika a préfacé cette deuxième édition du Diwan de Cheikh Kaddour Benachour EzZerhouni? Avait-il connaissance de son contenu pour juger de l’opportunité de lui accorder une telle marque de considération? N’est-ce pas là un simple geste de complaisance envers vous son conseiller?
Le fait que je sois son conseiller n’est point entré, de quelque façon que ce soit, en ligne de compte dans le choix du Président de préfacer le Diwan. L’homme de culture et l’intellectuel objectif qu’il est, connaissait déjà cette oeuvre avant 1999, année au cours de laquelle il m’appela à ses côtés, bien avant la déclaration de sa candidature à l’élection présidentielle. Pour notre première rencontre de prise de contact, je me suis rendu chez lui avec un exemplaire dédicacé du Diwan pour le lui offrir. En l’acceptant, il me félicita d’avoir accompli le travail de sauvetage des poésies de Cheikh Kaddour intégrées dans le Diwan et m’apprit qu’il en avait déjà offert une bonne dizaine d’exemplaires à certains de ses amis. C’est dire qu’il n’a pas attendu de me connaître pour s’intéresser à la poésie populaire et l’apprécier.
Depuis qu’il est en charge des destinées de notre pays, on ne compte plus le nombre d’ouvrages, en arabe et en français, se rapportant à l’Algérie, dont il a préfacé l’édition ou la réédition; la poésie n’y a pas été en reste.
Jusqu’à l’élection du Président Bouteflika, l’Algérie a très peu célébré le souvenir des hommes et des femmes dont l’héritage intellectuel constitue une référence incontournable pour l’écriture de l’histoire véridique de notre pays. Quant à lui, il n’a jamais manqué d’encourager, par sa participation personnelle ou ses messages, la célébration du souvenir et l’édition des oeuvres des Algériens qui ont mérité de leur patrie dans les domaines de la culture et du savoir.
En quoi cette deuxième édition est-elle différente de la première? Est-ce que votre rôle a consisté en une simple compilation des poésies sur lesquelles vous avez pu mettre la main ou bien en un vrai travail de restauration des textes dans leurs formes originelles?
Cette deuxième édition n’aurait point vu le jour si elle devait être identique à la précédente. L’élaboration du diwan n’a pas consisté en une compilation machinale et arbitraire des poésies en l’état où elles me sont parvenues; elles ont fait l’objet d’un classement par genre poétique, d’une lecture minutieuse qui a permis de les réécrire dans le respect de l’orthographe, de les vocaliser et surtout de les fixer, après examen des variantes disponibles, dans la version écrite la plus adéquate. En effet, pour mettre au point la version la plus plausible de chaque qacida, j’ai dû en comparer les nombreuses variantes recueillies de plusieurs sources.
Depuis mes débuts dans la recension des poèmes populaires, j’ai opté pour une rupture avec l’écriture phonétique qui prévaut depuis longtemps chez les compilateurs et les copistes dont la plupart ont une connaissance à peine primaire de la langue arabe et de son orthographe. L’écriture phonétique est rébarbative, elle inhibe l’envie de lire cette poésie.
Cette deuxième édition a été expurgée des poésies indûment imputées à Cheikh Kaddour et de toutes les erreurs et coquilles et augmentée de vingt-cinq qacidat dont une bonne partie m’a été remise par le Dr Abdelhalim Bouanani, fils cadet de Cheikh Mohammed Bouanani qui, tout jeune, se dévouait au service du poète qu’il vénérait en écrivant ses poésies sous sa dictée, car il ne pouvait pas le faire lui-même en raison de la déficience de sa vue. Ma destinée a fait que j’apprenne à écrire et à lire l’arabe auprès de Si Mohammed Bouanani et d’être celui qui réunit, des années après, le diwan du poète parce qu’il n’a pas été écrit que ce rôle échoit, ni à lui qui l’a côtoyé pendant des années, ni à aucun de ses fils bien que Abdelaziz, grand avocat du barreau d’Alger, ait recueilli de sa main de nombreuses qacidat, notamment celles qu’il a recommandées à Mhamed El Anka, Khelifi Ahmed, Amar El Achab et Cheikh Hamada et d’autres chanteurs qui les ont magistralement interprétées. C’est lui, l’aîné des fils du cheikh, qui a dû être à l’origine de la compilation d’une quarantaine de qacidat, toutes d’inspiration mystique, dans une plaquette imprimée à Oujda en 1938 et dont j’ai trouvé un exemplaire chez mon cousin Abdelwahab et un autre à la bibliothèque de l’Université d’Alger. J’en ai intégré le contenu dans la deuxième partie du diwan. C’est à croire que j’étais prédestiné pour accomplir cette mission qui m’a occupé de 1968 à 1996.
Les premiers textes, je les ai recueillis grâce à Cheikh Mohammed Ghaffour qui laissait à ma disposition ses registres de textes constituant son répertoire, pendant les saisons d’inactivité artistique. La fournée de textes la plus importante de toutes, je la dois au Commissaire divisionnaire Kaddour Mostefa, actuellement à la retraite, qui a hérité de son père, Cheikh Larbi, le fervent disciple et compagnon de Cheikh Kaddour, un nombre important de qacidat longtemps, mais en vain, convoitées et réclamées par Abdeldjabbar, le deuxième fils de ce dernier, et Cheikh Ghaffour. Lorsque je suis allé le trouver au lieu de son travail, à Beni Saf, je lui offris une copie du projet du diwan qu’il prit dans ses mains avec une visible émotion; il la feuilleta et me demanda ce que je voulais. Ma réponse a été: les textes du Cheikh qu’il détenait pour compléter ceux qui étaient en ma possession et que je comptais publier. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’il me proposa une rencontre dans son domicile, à Oran, où il me confia la totalité des précieux documents en sa possession. Je fus comblé par sa confiance. Pour cette raison, il fut le premier à recevoir, de mes mains, le Diwan dès sa parution en 1996 et nous sommes restés de grands amis, à ce jour. Il recevra la deuxième édition en toute priorité.
Alors que j’évoque quelques-uns de ceux qui m’ont remis leur précieux dépôt, je ne puis oublier cet autre rossignol de Nédroma, le maître émérite de la musique classique et du hawzi algériens, Cheikh Abdeslem Khiat dont la prodigieuse mémoire du Saint Coran et de la quasi-totalité du corpus littéraire de notre musique m’a permis de recueillir de sa bouche l’enregistrement sonore de certains textes de Cheikh Kaddour qu’il était le seul à même de me réciter par coeur. Pour terminer, je dois dire que cette seconde édition a été passée au crible fin si bien qu’elle a été mise orthographiquement au point, ce qui permettra une lecture facile à nos enfants et aux non-Algériens qui ne sont habitués qu’à la lecture de l’arabe littéraire.
Quand on appréhende le travail d’exhumation des textes de poésie populaire de par son ampleur et sa durée dans le temps, on s’interroge sur ce qui a motivé votre passion exclusive pour le patrimoine littéraire populaire. Pouvez-vous nous apporter un éclairage à ce sujet?
Ce qui a été à l’origine de mon intérêt pour le sauvetage de la poésie populaire, c’est le plaisir que je trouvais, alors que j’étais à peine adolescent, à écouter les conteurs et les bardes qui venaient présenter leurs répertoires les jours de marché à Maghnia et ensuite à Tlemcen, à Bab Sidi Boumediene. Par la suite, ce fut la lecture des diwans et anthologies édités par la maison d’édition Kaddour Er Rodoussi Ben Mourad At Tourki laquelle, soit dit en passant, mérite, ainsi que le reste des maisons d’éditions algériennes fondées pendant l’ère coloniale, la reconnaissance de la Nation. La découverte des ouvrages de Mohammed Kadi, Mohammed Bekhoucha, Abdelkader Azza et Boualem Bessaïah a fait le reste pour me décider à suivre leur exemple et apporter ma modeste contribution au sauvetage de notre précieux patrimoine littéraire populaire en commençant par un poète qui n’est pas des moindres et est de surcroît de ma famille. Il fallait que je m’engage dans ce chantier parce que les tâcherons à même d’y prêter la main ne sont pas légions. De plus, il y a le plaisir que je trouve à me délecter de la virtuosité et de la beauté du verbe de nos poètes.
Vous qui êtes un homme de lettres bilingue confirmé et un traducteur réputé de haut niveau, qu’est-ce qui explique que votre apport littéraire n’a consisté qu’à sauver et à faire connaître les oeuvres d’autrui, pourquoi n’avez-vous pas créé des oeuvres qui vous soient propres?
Sauver et faire connaître les textes de notre patrimoine poétique populaire est pour moi un hobby dont je ne puis plus me passer. Le temps que je lui consacre n’est pas du tout perdu puisque l’objet de mon plaisir ou le résultat de mon travail profite à tous mes compatriotes amateurs de cette poésie. Il m’arrive de taquiner la muse et de composer des qasidat en langue populaire avec l’ambition de les voir interprétées. Certaines ont eu cette chance.
Quant à être écrivain pour mon propre compte, cela ne pouvait passer avant le devoir national qui était le mien et celui de ma génération choyée et formée dans l’ambiance et l’exaltation des premières années de l’indépendance pour pourvoir les fonctions. Je ne pouvais me priver de la fierté d’être un cadre au service de mon pays. J’ai appris à travailler pendant mon Service national accompli au sein de l’Académie interarmes de Cherchell où je me suis forgé une ligne de conduite pour le restant de ma vie de citoyen. Ma vanité de premier de la classe en lettres et de major de ma promotion en traduction et interprétariat s’est accommodée de mon choix de consacrer ma plume à l’exercice des fonctions qui m’ont été imparties tout au long de ma carrière. Je n’ai rien perdu au change, car la satisfaction d’être reconnu et apprécié ne m’a jamais manqué.
Quelle est votre appréciation sur l’intérêt accordé dans notre pays à la poésie populaire dans la sphère culturelle et éducative? Que pouvez-vous dire de la poésie populaire contemporaine?
A ma connaissance, la langue arabe dialectale et la production littéraire y attachée n’a pas encore droit de cité dans l’enseignement de la littérature algérienne d’expression arabe. C’est normal parce que le travail de préparation que cela exige ne saurait être accompli en l’état actuel des choses, car la recension et l’inventaire de cette littérature, depuis sa naissance au XIVe siècle à ce jour, ne sont pas encore achevés. Si l’on excepte quelques travaux théoriques sur la prosodie et la métrique de notre poésie populaire, des recueils de proverbes et d’adages et très peu encore de textes réunis, il n’existe pas encore à l’université d’ateliers de recherche pouvant aboutir à l’élaboration de manuels d’enseignement par époque et par genre de la littérature populaire. La meilleure façon de défendre et d’illustrer cette littérature, c’est de la faire connaître et étudier aux générations, mais tout reste à faire.
Nos peu nombreux chercheurs en la matière ont droit à toute notre reconnaissance pour leur ténacité devant les diverses difficultés qu’ils rencontrent en raison des réticences des détenteurs des textes inédits à les remettre, au plus grand péril du patrimoine littéraire inédit qui demeure ainsi menacé, un jour ou l’autre, d’une perte certaine. Quant à la poésie populaire contemporaine, je reçois de temps en temps des recueils, leur lecture m’a permis de constater qu’elle se porte bien et qu’elle a cessé d’être taboue chez nos éditeurs. La production résolument moderniste du poète Ahmed Bouziane et celle de quelques autres laissent à penser que la poésie populaire a encore un bel avenir devant elle.
Y a-t-il un moyen pour susciter une dynamique nationale pour accélérer et achever la recension et l’édition du patrimoine littéraire algérien qui demeure en l’état de manuscrit?
Quand il y a intérêt, il y a action. Je pense qu’il convient de susciter les vocations en la matière par des prix régionaux et nationaux, par domaines littéraires, des meilleurs ouvrages de recension et assurer la prise en charge des frais d’édition. Les professeurs, les étudiants et toutes les personnes capables doivent contribuer à créer une véritable dynamique de mise en oeuvre et de concrétisation du sauvetage de notre patrimoine littéraire manuscrit et oral.
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