L’Algérie de Bendjedid-Puis celle de Boudiaf
*50 ans de régimes politiques algériens. 3- L’Algérie de Bendjedid
Chadli Bendjedid fut désigné à la succession de Boumediène, son intronisation est due à la direction de l’armée et du FLN comme candidat unique à la présidence de la République. Une résolution organique du FLN du 14 mai 1980 conféra à Chadli les pleins pouvoirs afin de restructurer celui-ci. De plus, la nomination du gouvernement dépendait exclusivement de lui. Enfin, il renforça son autorité sur l’armée – dont il a été le ministre – par la reconstitution de l’état-major, ainsi que sur le FLN par la réduction du BP à sept membres au lieu de dix-sept. Les changements opérés au niveau du gouvernement et du BP du FLN ont préfiguré la mainmise de Chadli sur le pouvoir qui a écarté peu à peu ses adversaires réels (Yahiaoui et Bouteflika) ou potentiels (Abdelghani et Abdesselam). De même, peu à peu, les membres du Conseil de la révolution (MM. Draïa, Bencherif, Tayebi Larbi) vont cesser d’occuper des postes ministériels et ne plus siéger au sein du BP du FLN. La confusion des pouvoirs était alors à son comble, Chadli ayant été président de la République, secrétaire général du FLN et ministre de la Défense nationale où il plaça ses hommes aux postes de directeurs centraux. Ce dispositif fut complété par l’affectation de ses partisans aux postes importants de l’ANP (notamment à la tête des régions militaires) et la mise à la retraite de certains officiers jugés sans doute gênants, le rattachement de la sécurité militaire à la présidence et le remplacement au gouvernement des «politiques» par des technocrates lors de différents remaniements ministériels. Un véritable Etat d’exception.Pour «Jeune Afrique», il apparaissait comme un apparatchik, «méditerranéen conservateur et ouvert à la fois, non dénué de tendresse pour les jouissances terrestres» (1). Pour «Algérie actualité», Chadli se caractérise par «sa célèbre irrésolution» («c’est la faute à…»). En outre, pour le même journal, «Chef de l’Etat, Bendjedid ne fit jamais l’effort d’apprendre les vrais dossiers du pays, de solliciter l’avis des grands spécialistes qui pouvaient l’éclairer. L’exemple tragiquement illustrateur de son incompétence est son approche superficielle du phénomène intégriste». Le même journal ajoute que «Les drames que connaîtra l’Algérie pendant les trois années qui suivront octobre 88 naîtront du refus obstiné de Chadli Bendjedid de partir» (2). Il finit par partir dans les conditions que l’on connaît. En tout état de cause, le régime de celui-ci va graduellement procéder à une certaine critique des réalisations de son prédécesseur, tout en proclamant dans ses discours la continuité et «le changement dans la continuité».Ainsi, d’abord, il va promouvoir quelques mesures qui vont frapper l’imagination des Algériens, à savoir : la suppression de l’autorisation de sortie du territoire national, la libération du président Ben Bella et l’invitation aux exilés politiques de rentrer. Parallèlement, il n’aura de cesse d’évacuer de la scène ses adversaires politiques en leur fabriquant au besoin un procès et de modeler le personnel civil et militaire de l’Etat afin d’accéder à une clientèle à sa dévotion lui permettant de mettre en pratique son projet de libéralisme «spécifique». Aussi, après avoir caractérisé la situation comme présentant de «grandes réalisations», mais de «profonds déséquilibres» également, il va procéder au démantèlement de la politique antérieure, aidée en cela par son équipe dont la langue de bois ne fut pas le dernier des défauts.
Langue de bois et slogans
Il n’empêche que la langue de bois continua d’être à l’ordre du jour au sein de l’élite; ainsi, M. Brahimi, alors ministre de la Planification et de l’Aménagement du territoire, eut à déclarer à propos du premier plan quinquennal, qu’ « Il constitue un élément stratégique dans le processus engagé pour le renforcement de l’indépendance nationale et la lutte du peuple algérien pour la construction du socialisme» (3). En réalité, la stratégie de développement «industrialiste» algérienne offrait déjà à l’analyse ses contradictions et partant, les difficultés futures de gestion de celles-ci par la société politique. Ainsi, en est-il de l’appel inconsidéré aux firmes étrangères qui s’est traduit par une dépendance technologique, un fort endettement allant crescendo et l’accentuation des différenciations socio-économiques, avec en prime une disparité ville campagne à l’origine sans doute de l’exode rural massif et de l’apparition (semble-t-il) de 6.000 milliardaires.
Sous Chadli Bendjedid, les slogans furent : «Vers une vie meilleure» d’abord, «Le travail et la rigueur» ensuite et «Le compter sur soi» enfin, avec en prime l’opération de «dégourbisation» de l’habitat précaire. Ce qu’il a été convenu d’appeler «l’après-pétrole» a commencé alors pour voir l’Algérie se doter d’un programme où figurent les nouvelles énergies : solaire, éolienne, géothermique et pourquoi pas nucléaire; en somme, développer toutes les ressources alternatives. Par ailleurs, le pouvoir à l’ère de Chadli commença à songer à un nouveau code pétrolier en sorte que les compagnies pétrolières à réputation internationale puissent intervenir comme partenaires économiques. En effet, «réalisme» et «pragmatisme» devinrent les maître-mots depuis la baisse des recettes pétrolières, les difficultés d’écoulement du gaz et face à la croissance démographique; d’où l’idée du régime de la «fin du gigantisme industriel» et l’utilisation d’un secteur privé efficace, avec comme corollaire le langage de la production et de la productivité comme nouveau credo économique.
A l’occasion de l’opération d’enrichissement de la charte nationale, Chadli Bendjedid a pu dire que : «Notre vision au plan économique, culturel et social doit aller de pair avec la nouvelle étape, ses données et ses perspectives… La révolution qui se fige au nom des principes est une révolution vouée à l’échec et à la déviation» (4), ajoutant qu’il faut éviter «le repli sur soi, le marasme, la sclérose et le dogmatisme étouffant». Mais déjà, l’austérité était désormais à l’ordre du jour et portait sur le secteur social, les infrastructures économiques, la consommation. Il suffit de rappeler la dépendance accrue de l’économie algérienne vis-à-vis de l’extérieur : 60 % des besoins en céréales, la quasi-totalité des biens d’équipement, plus de la moitié des semi-produits nécessaires à l’industrie, la construction des ¾ des logements par des entreprises étrangères. La réponse du pouvoir d’alors ? Le réaménagement du rôle du secteur privé présent surtout dans le commerce, l’agro-alimentaire, le tourisme, la confection, les chaussures…
Par ailleurs, l’austérité étant alors à l’ordre du jour a touché les citoyens dans les domaines suivants : diminution de l’allocation touristique, taxation des bagages à l’entrée du territoire, coupures d’eau, pénuries en tous genres, rareté des transports en commun… D’évidence, il y avait là de quoi inquiéter le régime lorsqu’on sait qu’ «en pourcentage, la baisse des revenus algériens est estimée par certains experts financiers à 45 % pour le gaz et entre 28 et 45 % pour le pétrole» (5). De surcroît, en 1986, le service de la dette (estimé alors à 20 milliards de dollars) était de 50 % des revenus pétroliers ; ce, à un moment où pointait la crise agricole. Depuis, les années 70 déjà, la consommation nationale est dépendante en céréales, produits laitiers, matières grasses et sucre.
«Cercle présidentiel» et « capitalisme aveugle »
La chute brutale des recettes des hydrocarbures accentua à coup sûr la situation déjà inquiétante. C’est ainsi qu’après octobre 88, le congrès extraordinaire du FLN, tenu en novembre 89, a montré les lézardes du pouvoir politique, dans la mesure où «le cercle présidentiel» technocratisé et composé de «réformateurs» n’avait trouvé l’alliance qu’avec un noyau dans la direction du FLN. D’anciens cadres dirigeants de ce même parti réclamèrent la démission de Chadli Bendjedid. L’idée de l’avènement d’un parti fort, structuré autour du FLN et rattaché à ce «cercle présidentiel», ne put s’enraciner en vue de «barrer la route» au FIS, nouveau parti dominant, eu égard à l’émiettement des autres partis qui se réclamaient de la démocratie.
Par ailleurs, quelques mois après l’adoption de la loi sur la libéralisation des investissements privés nationaux ou étrangers et celle de la monnaie et du crédit, la cote de confiance de l’Algérie auprès des banques internationales ne s’est pas modifiée de façon notable. Les principales dispositions de cette dernière consacrent l’extraversion de l’économie nationale, l’organisation de l’ouverture du commerce extérieur aux firmes étrangères et la consécration juridique de l’autonomie de la Banque centrale vis-à-vis du Gouvernement; d’où le risque de bicéphalisme de la politique monétaire et financière du pays. Alors que la situation était plutôt considérée comme négative, l’Algérie continuait d’emprunter.
Ainsi, on constate que la nouvelle stratégie économique du pouvoir se révèle de type monétariste : autonomie à l’entreprise publique, non fixation administrative des prix, introduction de la concurrence dans le secteur public, restauration du commerce du gros (à caractère marchand), réforme bancaire et création d’une bourse, suppression du monopole d’Etat sur le commerce extérieur, accueil des investissements étrangers, adaptation du taux de change et convertibilité de la monnaie. Or, «ce type de réforme visant à surmonter des déséquilibres réels, physiques par des politiques monétaires et financières, a partout échoué» (6).
On observe cet échec à un double niveau : l’inefficacité de l’appareil de production et la persistance de déséquilibres macro-économiques. Parmi les causes de l’échec, M. Hocine Bénissad, ex-ministre de l’économie relève le postulat idéologique de la prééminence de la propriété collective des moyens de production, la tardiveté de certaines mesures; ainsi, la réintroduction de la responsabilité de la Banque centrale, de la politique du crédit et de la monnaie, l’évolution négative de comptes extérieurs, la non-maîtrise des concepts inhérents à l’économie de marché. En conséquence, il y a lieu de conclure à «la pseudo libéralisation du commerce import-export… (qui) est l’antichambre d’un capitalisme aveugle… A l’exception d’une minorité privilégiée par l’argent ou ses articulations avec le pouvoir, les masses sont vouées à une paupérisation plus forte sous l’empire de la «fausse» ouverture qui se déroule présentement», tant il est vrai que : «la réforme économique exige que soient déployées de manière cohérente, pragmatique et rapide les instruments de gestion macro-économique» (7).
Même Brahimi, ex-premier ministre de Bendjedid a pu évoquer un «système anti-valeurs basé sur le favoritisme, l’esprit de clan, la corruption et l’enrichissement illicite avec la constitution de fortunes colossales et un mode de vie arrogant pour les masses populaires qui supportent le fardeau de l’austérité et de l’inflation» (8); ainsi, les citoyens éprouvaient «un sentiment d’injustice permanente». Simplement, fallait-il être hors du gouvernement pour jeter comme un pavé dans la mare l’affaire des fameux «26 milliards» que «messieurs 10 %» auraient touchés à l’étranger ?
Vicissitudes du quotidien et état de siège
A cette situation, par trop alarmiste, viennent s’ajouter les vicissitudes du quotidien. Les denrées alimentaires, ainsi que les produits industriels, de l’électroménager aux matériaux de construction, en passant par les cigarettes pour l’année 1991 oscillent entre 50 à 200 %. Le projet du pouvoir en place a longtemps entendu restituer à la monnaie nationale sa valeur réelle (en fait, alignement du taux de change et du marché dit parallèle) et libérer les prix à la consommation. Ainsi, la hausse des cours du pétrole durant la guerre du Golfe qui s’est traduite par un supplément de recettes d’exportation – trois milliards de dollars – en 1990, ne pouvait faire illusion alors que les recettes hors hydrocarbures n’auraient pas dépassé quatre cent millions de dollars.
Le «libéralisme spécifique» (sauvage ? Aveugle ?) du règne de Bendjedid camoufle mal la volonté d’appropriation de la principale rente énergétique du pays par la haute hiérarchie du complexe militaro-bureaucratique constituée en technostructure gouvernante qui se révèle toujours être un pouvoir illégitime, issue de coups d’Etat successifs. Toujours est-il que ce pouvoir était aux abois sous les coups de boutoir d’Octobre 88, les difficultés économiques grandissantes et le manque d’imagination conjuguée aux dissensions internes des divers appareils. La suite est connue ; suite aux élections locales et législatives (premier tour), le processus électoral fut suspendu. L’état de siège fut décrété le 5 juin 1991 et s’analyse comme l’octroi aux autorités militaires des pouvoirs de police; ainsi, opérer ou faire opérer des perquisitions de jour comme de nuit, interdire des publications et des réunions, restreindre ou interdire la circulation des personnes, interdire les grèves, prononcer des réquisitions de personnels, suspendre l’activité des partis…
Dans ce contexte, nonobstant l’arrêt du processus électoral, le FIS se fit fort de réclamer la levée immédiate du couvre-feu et l’abrogation de l’état de siège, la réintégration des travailleurs licenciés suite à la grève générale lancée par lui, la libération de ses militants et l’arrêt des poursuites judiciaires engagées à leur encontre. En réponse, Ghozali releva alors que les islamistes «ne craignent pas d’exploiter la misère des gens, la marginalisation et la détresse des gens», ajoutant que : «L’armée est là pour défendre la sécurité des citoyens, protéger les institutions et préserver les chances de la démocratie qui a été menacée» (9). Depuis, il évoque « l’armée politique » et « les harkis du système ».
Bendjedid démissionna (destitué par la haute hiérarchie militaire ?) de son poste de président. A son corps défendant, il déclara aux envoyés spéciaux du «Financial Times» : «Nous voulions une vraie démocratie, non une démocratie de façade» (10). Il crut devoir ajouter : «Parmi les aspects positifs de cette phase, il faut relever que les droits de l’homme se sont imposés, que la liberté d’expression a fait des progrès remarquables, que la séparation des pouvoirs devient, jour après jour, une réalité concrète et que la transparence caractérise, de plus en plus, le discours et l’action» ! Sur un autre registre, il mentionna que : «L’armée nationale populaire qui s’est rapidement adaptée au nouvel ordre constitutionnel et qui a récemment prouvé son attachement à la légalité constitutionnelle et aux valeurs républicaines» (11)…
Après maintes tergiversations, le pouvoir décida la création du Haut Comité d’Etat (HCE) dont Boudiaf prit la tête, après qu’il fut rappelé de son long exil marocain (pour être assassiné en direct sous nos regards impuissants et désormais définitivement désabusés). Ce ne fut là sans doute qu’un intermède dans la bataille pour le pouvoir, noeud gordien de la problématique algérienne où la question de la légitimité occupe la position centrale.
(A suivre)
Ammar KOROGHLI, Avocat-auteur Algérien (notamment de : « Institutions politiques et développement en Algérie »)
Notes :1-«Jeune Afrique»du22/1/86;
2-«Algérie actualité» du 8/10/92;
3-«Le Monde» du 5/7/82 (Dossier consacré à l’Algérie);
4-«Le Monde diplomatique» de novembre 82 ;
5-«Bulletin de l’économie arabe» de juillet-août 86;
6-«Arabies» de juillet-août 88;
7- Hocine Bénissad «La réforme économique en Algérie», OPU, Alger, 1991, 160 pages, page 146;
8- Abdelhamid Brahim «L’économie algérienne», OPU, Alger, 1991, 552 pages, conclusion générale;
9- In “Le Monde” du 29/6/91
10- “Horizons” du 1/7/91
11- “Horizons” du 30.31/8/91
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*Les réformes, c’est moi, c’est pas lui, le Pouvoir c’est moi!
**ce que m’a dit Chadli
*chronique de Benchicou
La retraite forcée lui permet de lire et de s’adonner aux joies de la famille. L’ancien Président, qui vivait alors à Oran, non pas dans une résidence d’État comme on s’était plu à le raconter mais dans « la modeste habitation de sa belle-famille », se disait libre de tous ses mouvements, libre de se déplacer à l’intérieur et à l’étranger. « Mais quand on ne fait pas partie des gens qui aiment voyager ou qui adorent faire le tour des chefs d’État, les déplacements à l’étranger ne sont pas une obsession. »
À quel prix, cependant, se plie-t-on au silence responsable ? Chadli était exaspéré par tous ceux-là qui, exploitant son mutisme, faisaient des gorges chaudes à son propos.
Ce matin-là, je l’avais trouvé plus dépité que de coutume. Devant lui, la presse du jour qui rapportait les propos dédaigneux et quasi insultants du général Khaled Nezzar se gaussant de l’inculture de l’ancien président. « Avec Chadli, c’était très simple : quand il disait quelque chose d’intelligent, on devinait qu’il venait de recevoir Mouloud Hamrouche ! », venait de déclarer, la veille, devant la presse, l’ancien chef d’État-major de l’armée algérienne.
Chadli hochait la tête avec tristesse et gravité. « Ah, il parle, il parle, maintenant Nezzar… » Après un long moment de silence, il murmura, le regard fixé sur le pin qui s’élevait vers les cieux : « Le problème, vois-tu, c’est la morale. Moi j’ai toujours agi en fidèle aux hommes que j’ai côtoyés. À Boumediene, à Bouglez… J’ai toujours agi en fonction d’un code d’honneur. C’est primordial, l’honneur, le respect, la discrétion, la réserve… Nezzar n’en a pas. C’est une petite créature. Un personnage de circonstances. Il rasait les murs quand j’étais président. Il sollicitait des entrevues que j’accordais rarement. Tu peux le vérifier auprès de ceux qui collaboraient avec moi à l’époque : personne ne s’autorisait à élever la voix parmi ceux qui aujourd’hui se pavanent devant la presse et se répandent en médisances. J’avais un énorme pouvoir et je le mettais au service des transformations sociales et politiques de l’Algérie, au service de son honneur. Aujourd’hui, devant le silence des anciens, c’est la foire des parvenus. Écoutez Khaled Nezzar, ou Anissa Boumediene, ou Bouteflika… Qu’adviendrait-il si je me mettais à leur répondre ? Je sais tout sur eux. Tout : comment ils ont été promus, comment ils sont devenus ce qu’ils sont. Ils ne savent rien sur moi. Veut-on vraiment qu’on dise tout sur Nezzar ? Ce serait catastrophique pour lui. Je le dirai peut-être dans mes mémoires. Mais nous devons à ce peuple d’être dignes en politique. »
À ma connaissance, le président Chadli n’a rien révélé de fracassant, dans ses mémoires, à propos du général Nezzar. Mais il n’en pense pas moins. En 2009, à Tarf, lors d’une rencontre sur Amara Bouglez, fondateur de la base de l’Est, il l’accusa rien moins que d’avoir été « un espion » pour le compte de l’armée française. Ce qui est, avouons-le, assez édifiant !
« Quelles réformes de Hamrouche ? Les réformes, c’est moi ! »
Ce jour-là, et puisque Nezzar avait introduit le débat, Chadli s’était longuement attardé sur les réformes et sur Hamrouche. « Quelles réformes de Hamrouche ? Les réformes, c’est moi ! Pour mener des réformes, il faut posséder le pouvoir et le pouvoir, à l’époque, c’était moi qui l’avais. Je voulais que l’Algérie tire les leçons de l’empire soviétique et ne tombe pas dans les mêmes travers. »
Chadli insiste. « Il n’y a pas de réformes Hamrouche. C’est moi qui ai, dès mon accession au pouvoir, poussé vers la réhabilitation de l’État de droit et la transition vitale vers une Algérie rénovée et rajeunie. J’ai été élevé dans les idées de Ferhat Abbas, les libertés, la démocratie, la transparence… C’est pour cela que j’ai initié les réformes… C’est une vieille obsession de jeunesse. J’ai toujours voulu arracher l’Algérie aux monopoles de la pensée et de l’économie. Je regrette seulement de n’avoir pas eu le temps de rendre irréversibles ces réformes politiques et économiques. Alors, quand j’entends parler de « réformes de Hamrouche »… Laissons faire le temps. Je ne cherche pas une place dans l’histoire, mais il arrivera vite l’époque où l’on se rappellera qui est véritablement l’instigateur, en Algérie, du pluralisme politique, de l’ouverture du champ médiatique et de la culture des droits de l’Homme… »
Puis, en me regardant, le doigt pointé sur moi : « Oui, Mohamed, pour engager des réformes, il faut posséder le pouvoir. C’était tellement plus commode d’employer les attributs du pouvoir à des fins personnelles. Mais je n’ai pas l’habitude de trahir mes croyances. J’ai mis mon pouvoir – ‘et j’avais un énorme pouvoir’ – au service de la transformation de l’Algérie. Dans l’honnêteté et la transparence. Et je dirai même, dans une certaine fidélité à Boumediene. Il me disait : « N’oublie pas que celui qui tient à me suivre mourra dans le dénuement. Moi, je suis fier, aujourd’hui, de n’avoir pas accumulé des richesses sur le dos de l’Algérie et je pense haut et fort que la véritable richesse est de rester fidèle à ses idées. Pour la dignité de l’Algérie, Chadli n’a jamais tendu la main à l’étranger ».
Pour faire ses contrôles médicaux, l’ancien Président de la République, qui déclarait vivre de sa seule pension de retraité, devait toujours recourir à la Sécurité sociale algérienne, « faute de moyens pour suivre des traitements médicaux privés ».
« On a dit toutes sortes de choses à propos de mes réformes, notamment que je voulais effacer les traces de Boumediene. C’est faux ! J’ai toujours été fidèle à Boumediene. Son unique souci était de libérer l’Algérie de la colonisation et la construction d’une Algérie qui jouisse de la justice sociale et de la prospérité. Il rêvait d’une société affranchie de l’ignorance et de la dépendance. Il a servi son peuple au point d’oublier les siens et sa propre personne. Mais je sais qu’avant sa disparition, Boumediene pensait sérieusement à introduire des changements radicaux dans la politique agricole, la politique industrielle et les nationalisations. Tu veux que je te dise ? Ceux qui m’accusent d’avoir voulu effacer les traces de l’ère Boumediene sont précisément ceux qui ont le plus bénéficié de la situation et qu’on appelle les barons du régime. Ils ont été aidés par une minorité de gauchistes qui ont voulu obtenir des privilèges au prix de quelques marchandages. Mais j’ai refusé ».* samedi 16 janvier 2016 | Par Mohamed Benchicou | tsa
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Confessions de Chadli Bendjedid au journaliste Benchicou du journal le Matin
Voici ce que m’a dit Chadli Bendjedid
Ce serait d’ailleurs cette immense fidélité à Boumediène qui l’aurait contraint à accepter, en 1979, de prendre les rênes d’un pays qui vivait une époque particulièrement difficile. « Ce que les gens doivent savoir, c’est qu’à la mort de Boumediène Chadli Bendjedid n’a jamais revendiqué la succession. En qualité de coordinateur de l’armée, c’est moi qui ai proposé à des candidats médiatisés à l’époque de prendre la relève. Ils ont refusé. Oui, ils ont refusé, et ils ont refusé parce que la situation était complexe, l’endettement énorme, les caisses vides, les étals déserts et la pénurie régnante Chadli n’avait pas vocation à devenir Président, mais il n’avait plus le choix. » Il s’était tu un moment puis avait laissé le tomber cette phrase désappointée : « Quand tu entends ce que dit de moi Bouteflika… Comme à Monaco… [Ce dernier l’y avait notamment qualifié de "quelqu'un qui n'est pas aviateur, mais qui a pris les commandes d’un Boeing 737", regrettant que "Chadli qui est resté finalement autant de temps au pouvoir que Boumediène a curieusement mis le même temps pour détruire tout en ce que Boumediène avait construit»].
Chadli était indigné : « Où est le sens de l’État ? Dire ça devant des étrangers…«
C’était un samedi pluvieux. Il méditait. « Et tu as entendu Bouteflika parlant de la succession à Boumediene ? » Chadli évoquait cette déclaration de l’actuel chef de l’État devant des journalistes étrangers : « J’aurais pu prétendre au pouvoir à la mort de Boumediène, mais la réalité est qu’il y a eu un coup d’Etat à blanc et l’armée imposé un candidat imprévu… Ce qui est reproché au président Chadli, c’est sans doute d’avoir accepté des responsabilités pour lesquelles il n’était pas du tout préparé et pour lesquelles il n’avait aucune disposition… » Chadli n’avait pas supporté. « Je n’ai pris la place de personne. L’Algérie n’est pas un royaume privé. Les gens oublient qu’avant sa mort, le président Houari Boumediene m’avait désigné responsable des corps de sécurité. Je n’aspirais pas, personnellement, au poste de président. Je dirai tout ça en détails un jour dans mes mémoires.«
Il n’avait rien oublié des sarcasmes du nouveau président et paraissait particulièrement chagriné par cette moquerie dite en public, à propos de la rencontre entre Chadli Bendjedid et le président français François Mitterrand. « J’étais surpris un jour d’apprendre par la télévision que le chef de l’Etat algérien de l’époque et le chef d’Etat français de l’époque, que Dieu ait son âme, avaient eu un entretien en tête-à-tête de dix heures, avait déclaré Bouteflika. Je connais les deux, je sais que le chef de l’Etat français pouvait parler pendant dix heures. Je ne suis toujours pas sûr que le chef de l’Etat algérien — et il est toujours vivant — pouvait, lui, parler pendant une demi-heure, pour dire des choses très essentielles.«
Cette déclaration de Bouteflika lui avait fait très mal. « Pour l’Algérie, plus que pour moi… » Puis, prenant un air condescendant : « Que sait-il de la considération que me portait Mitterrand ? Que sait-il du rayonnement diplomatique de l’Algérie sous ma gouvernance ? J’ai fait la seule visite d’Etat aux Etats-Unis d’un président algérien. Bush père m’avait fait l’amitié, un jour de fête, de m’inviter dans sa propre maison où je côtoyais sa famille et ses petits enfants qui ouvraient leurs cadeaux au pied de la cheminée… Je souhaite, pour l’Algérie, qu’il connaisse la moitié de l’influence diplomatique qui était la mienne. J’ai reçu à Alger les plus grandes personnalités du siècle, comme la reine d’Angleterre ou le roi d’Espagne… » Il a une moue désolée.
« Où est le respect de l’Algérie ? Bouteflika… Quand on pense que Bouteflika critique ma gestion et ma politique, qu’il parle de «politique désastreuse des années 1980 qui a brisé l’élan du développement et péché par un manque de vision» alors qu’il l’avait votée en qualité de membre du Bureau politique et de ministre… Tout le monde oublie que Bouteflika est resté au pouvoir après mon élection en 1979, qu’il avait été membre du Bureau politique et du gouvernement jusqu’en décembre 1981.«
Chadli rappelait, sans le dire vraiment, que Bouteflika n’avait pas été écarté du FLN pour ses idées, mais pour « gestion occulte de devises au niveau du ministère des Affaires étrangères« , selon la formule d’inculpation de la Cour des comptes. Il payait ainsi pour avoir placé sur des comptes particuliers en Suisse, entre 1965 et 1978, et à l’insu du Trésor algérien, les reliquats budgétaires de certaines ambassades algériennes à l’étranger. Dans la décision de suspendre l’appartenance d’Abdelaziz Bouteflika de ses rangs « en attendant son exclusion par le congrès« , le comité central, réuni ce jour-là en 6e session, signale que « le concerné s’engage à restituer les biens et dossiers du parti et de l’Etat en sa possession », parle de « dossier au contenu grave » qui justifie de « saisir la justice de l’affaire« .
Chadli s’offusque : « De quelle traversée du désert parle-t-il ? Il est revenu au comité central en 1989. J’avais donné mon accord pour cela. Cheikh Zayed m’avait dit qu’il valait mieux que Bouteflika soit pris en charge par les Emirats que par Saddam ou Kadhafi ou, pire, par la France. » Avec une lueur maligne dans les yeux, Chadli avait ajouté : « Le cheikh m’avait dit, en riant : ‘’Votre ministre abuse un peu des boutiques de l’Intercontinental’’ Les achats de Bouteflika étaient, en effet, réglés par le palais royal…«
Le regard absorbé par les souvenirs, Chadli Bendjedid continue de parler, sans me regarder.
« Aujourd’hui il parle de décennie noire, de politique désastreuse de Chadli. Pourquoi l’avait-il approuvée alors, lui qui fut associé aux sept résolutions du congrès extraordinaire du FLN réuni de juin 1980 Pourquoi n’avait-il pas émis des réserves en ce moment-là ? Il me reproche, aujourd’hui, devant la presse étrangère d’avoir accepté des responsabilités pour lesquelles je n’étais pas du tout préparé et pour lesquelles je n’aurais aucune disposition ; il me décrit comme un faux aviateur qui a pris les commandes d’un Boeing 737… Pourquoi multipliait-il alors les gestes de déférence excessifs envers moi ? Je me souviens de la première fois qu’il a siégé en Conseil des ministres, raconte Chadli. Il s’est mis au garde-à-vous devant moi et m’a dit : “Vous êtes le commandant et je suis votre caporal. J’attends vos ordres.” Tout le monde m’appelait par mon prénom, il était le seul à m’appeler “Fakhamat erraïs”… Je savais qu’il faisait tout cela pour rester à l’intérieur du pouvoir, et pour s’éviter le jugement à propos des fonds des Affaires étrangères qui avaient été détournées entre 1965 et 1979… Je n’étais pas dupe. Il me parvenait de toutes parts le compte rendu des médisances qu’il proférait contre moi, dont certaines devant des étrangers…«
« Je l’avais chargé d’un message au président du Yémen du Sud qui était en conflit latent avec le Yémen du Nord. L’hôte yéménite, qui ne connaissait rien de moi, a voulu en savoir plus auprès de Bouteflika. Ce dernier, pour toute réponse, eut un geste désolé : “Que voulez-vous que je vous en dise, Monsieur le Président ? Son nom est suffisamment éloquent.” Le président yéménite, en me rapportant ces propos quelques jours plus tard lors d’une visite à Alger, a eu ce commentaire : “Essayez de mieux connaître ce ministre avant de lui faire confiance.” »
Ce fut l’une des dernières fois que Chadli se laissa aller à critiquer le président Bouteflika. Il ne le fera de nouveau qu’en 2009, lors d’une conférence à Tarf où il conspuera « ceux qui ont juré sur le Coran de respecter la Constitution et qui ont fait l’inverse« . Chadli avait cru utile d’ajouter : « Je ne suis pas de ceux-là.«
Nous étions en hiver et il tombait sur le jardin une pénombre glaciale. Chadli, attristé, caressait des plantes.
« Et où est la gratitude ? Tu sais, Mohamed, je ne me suis jamais fait d’illusions sur la gratitude des hommes, mais quand même, Bouteflika, lui qui me suppliait de lui éviter la prison… Oui, je savais qu’il faisait tout cela pour rester à l’intérieur du pouvoir, et pour s’éviter le jugement à propos des fonds des Affaires étrangères qui avaient été détournées entre 1965 et 1979… Ce que j’ai fait pour lui, je ne l’avais fait pour personne. »
Chadli raconte que dès sa prise de fonction, il avait demandé à Bouteflika de rembourser les sommes qui avaient été détournées et placées dans des comptes en Suisse, en joignant tous les justificatifs. Il l’avait chargé de prendre attache avec Mohamed Seddik Benyahia, alors ministre des Finances pour régler l’affaire au plus vite. Mais il ne remboursera que dix pour cent du montant demandé et sans joindre les justificatifs. « Nous avions comparé avec les chiffres qui étaient en possession des services de renseignement et avions découvert qu’il manquait presque 6 milliards. J’ai alors donné mon accord pour le déclenchement de la procédure judiciaire… (1)«
Il observe un moment de silence, puis ajoute d’un ton grave :
« Mais j’avais intervenu pour qu’il ne soit pas emprisonné…J’ai fait ce qu’il fallait faire envers Bouteflika… Il avait multiplié les interventions auprès des membres de ma famille – notamment auprès du beau-père, Mohamed Bourokba, alors hospitalisé à la clinique Hartmann de Neuilly (2) et auquel il rendait visite fréquemment pour le supplier d’intercéder auprès de son gendre président afin qu’il recouvre sa place dans le système – et avait même chargé certains amis, comme le Marocain Mohamed Basri ou les dirigeants palestiniens Yasser Arafat et Hawatmeh d’intercéder en sa faveur auprès de moi… «
Ce fut ainsi que Bouteflika obtint de Chadli l’assurance qu’il pouvait rentrer au pays sans être inquiété. Les mesures conservatoires prises à son encontre dans le cadre de l’enquête judiciaire seront levées une à une.
« Je lui avais rendu son passeport diplomatique et lui avais rétabli son traitement de haut fonctionnaire. Il avait récupéré tous ses biens grâce à moi…«
Bouteflika négocia, en effet, avec succès la restitution de sa villa de Sidi Fredj confisquée par le wali de Tipaza et gendre de Chadli, Kaddour Lahoual. Il bénéficiera ensuite d’une somptueuse demeure de 22 chambres située sur les hauteurs d’Alger, Dar Ali Chérif, en compensation d’une villa qu’il occupait avant que l’Administration ne l’affectât à Messaoudi Zitouni, ancien ministre et président de la Cour des comptes.
« A propos de villa… Sais-tu que l’inventeur de l’expression «décennie noire» est un responsable qui a voulu s’accaparer d’une demeure propriété de l’État, qu’il refusait d’évacuer à la fin de ses fonctions ? C’est parce que j’ai refusé de lui céder ce bien d’État qu’il s’est répandu dans Alger avec cette formule de décennie noire que la presse a vite fait de reprendre…« .
J’ai gardé de Chadli l’image de l’homme déchiré. Il personnifiait un trouble singulier : comment se prévaloir d’un régime qui a pris le pouvoir par la force et s’étonner qu’il fut aussi hégémonique, autoritaire et impitoyable ? J’avais l’impression d’avoir devant moi une illusion aux cheveux blancs. Chadli incarnait notre impuissance : ce pouvoir ne changera pas avec de bons sentiments. J’ai emporté de Chadli avec un malaise qui ne m’a plus jamais quitté..M.B.
*1) Le 5 janvier 1979, soit une semaine à peine après le décès de Boumediène, Bouteflika remet au Trésor public un chèque libellé en francs suisses d’une contre-valeur de 12 212 875,81 DA tiré de la Société des banques suisses à Genève. Il ne rapatriera pas d’autres sommes, ce qui irritera fortement les autorités qui s’estimaient fondées à considérer ces légèretés comme une marque de mépris à leur endroit. Le chèque remis par Bouteflika était, en effet, loin de correspondre aux chiffres que détenaient les services de renseignements de Kasdi Merbah : Bouteflika aurait « oublié » de s’expliquer sur la disparition de 58 868 679, 85 DA. La Cour des comptes le lui rappellera dans l’arrêt qui sera prononcé le 8 août à son encontre et qui, précisément, « met en débet Abdelaziz Bouteflika pour une somme dont la contre-valeur en dinars représente 58 868 679, 85 DA et qui reste à justifier« . La Cour explique que ce montant « est l’aboutissement des longues investigations de l’institution tant au niveau de la Trésorerie principale d’Alger qu’à celui du ministère des Affaires étrangères, et tient compte notamment du rapatriement par M. Abdelaziz Bouteflika au Trésor public de la contre-valeuren dinars de la somme de 12 212 875,81 DA.«
**Réactions d’internautes:
ali chemlal….
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Comme au bon vieux temps du grand Cesar: « Dieu c’est moi » !!
rabah Benali…
Il n’est guerre nécessaire d’être juriste pour comprendre que, même dans un état de non droit, celà s’appelle « Faux usage de faux », « Assosiation de malfaiteurs » et « Haute trahison ».
Le peloton d’exécution aurait été trop clément, propre, digne et humain. C’est plutôt pendaison haut et court par les cou…..lles qu’il aurait été nécessaire d’envisager. Echafaud au fil de fer barbelé (A l’ancienne). Les Malghacho/Tlemceniens ont une longue experience dans le domaine Voir les tragédies (Abane, Krim etc…)
Par ailleurs, Aichiwan Oukarro; « Démocrate ».!! ?? - Donc Bourourou, « Ange Gabriel » !! et « P’ti Mario » « Abbe Pierre » !! Que fera alors « Aa3zrain » de tous les morts que ces « Anges » ont sur la conscience.??
Les mettra t’il sur le compte des pertes et profits ou sur celles des dommages collatéraux. ??
En levant ce coin de voile, Mr Benchicou, souhaite apparemment, avec la finesse habituelle de sa redoutable plume, faire d’une pierre trois coups.
Remonter les bretelles à « P’ti Mario » et à son acolyte « Nounou la police ». Nous faire découvrir une partie de l’hydre et du nid de crabes et de vipères qui ont mené le pays à l’abime. Et enfin, mettre en évidence toute la voyoucratie de ce beau monde. Monde de gangsters de grands chemins appelés dirigeants, et destinés a être inhumés avec honneurs, fanfare et barode à El Alia..
Malgrés du sang plein les mains et des morts plein les bras, Bourourou, Achiwan Oukarro, P’ti Mario, le prince Belkhir, le guerrier Nezzar et leurs bandes de malfaiteurs, se repositionnent en « Anges » paisibles, gardiens du temple, bienfaiteurs de l’humanité. Ils essaient de trouver des circonstances atténuantes à leurs crimes et perpétuer l’imposture.
N’est-il vraiment pas temps de tourner la page, et de passer à des choses sérieuses.
Donner encore du crédit à ce que ces bandits ont dit ou disent toujours est un signe de manque de résponsabilité envers l’Histoire et les jeunes générations.Rabah Benali.
*oziris dzeus…
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Les Mémoires d’outre-tombe de Chadli Bendjedid
*1–Des secrets sur Boumediene, Krim, Ben Bella et les autres
L’Expression dévoile en exclusivité à ses lecteurs les bonnes feuilles des Mémoires du défunt président Chadli Bendjedid. L’ancien président de la République relate des événements auxquels il a pris part ou dont il a été le témoin direct. Le témoignage traite des relations avec le Maroc à travers l’épisode de la guerre des sables mais aussi de ses relations avec le responsable de l’appareil du parti FLN, Kaïd Ahmed, et d’autres responsables comme Saïd Abid, Tahar Zbiri et Houari Boumediene. Des chapitres sont également consacrés au coup d’Etat de 1965, au Gpra et à l’état-major de l’armée. De nombreux épisodes de la guerre de Libération et de l’Algérie indépendante sont contenus dans le livre. Le premier volume, qui couvre la période allant de 1929 à 1979, «foisonne» d’autres informations sur des événements clés de l’histoire du pays. La publication des Mémoires de Chadli interviendra à quelques jours de la célébration de l’anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale. L’ouvrage sera donc en vente dans les librairies le 26octobre.
La Maladie de Boumediene
…Durant les derniers jours de sa vie, il me rendait visite au siège de la 2e Région militaire, à Oran, lorsqu’il se sentait déprimé…
…Peu avant sa mort, Boumediene réfléchissait sérieusement à des changements radicaux dans la politique agricole, l’industrialisation et les nationalisations. Il m’a même confié, plusieurs fois, qu’il avait regretté ces choix. Il tenait absolument à convoquer un congrès du parti pour évaluer les aspects politiques intérieurs en vue d’en identifier les lacunes et envisager de nouvelles alternatives…
…Boumediene aimait à se confier à moi et me parlait de choses intimes, bien qu’il ne fût pas habitué à parler de sa vie privée, des lourdes responsabilités qui l’accablaient et de la traîtrise des hommes. Je lui ai dit, une fois, que beaucoup de ses proches collaborateurs feignaient la loyauté envers lui et le poignardaient dès qu’il avait le dos tourné. J’ajoutai: «Ces gens-là profitent des bienfaits et crachent dans la soupe». Quand je lui demandai pourquoi il ne se séparait pas d’eux, il me répondit: «Si je faisais ça, les gens diraient que Boumediene s’est débarrassé de ses compagnons comme on jette un chiffon». De fait, Boumediene ne se précipitait jamais dans sa prise de décision lorsqu’il s’agissait de remplacer quelque responsable dans son entourage immédiat. Le plus important changement qu’il ait eu à entreprendre eut lieu en 1977. Le Président voulait mettre fin à des lobbies qui commençaient à se constituer. Il releva Ahmed Benchérif du commandement de la Gendarmerie nationale et le nomma à la fonction civile de ministre de l’Hydraulique et de l’Environnement. Il en fit de même pour Ahmed Draïa, le directeur général de la Sûreté nationale, qu’il nomma aux Transports. Ce jour-là fut le plus beau de sa vie.
Boumediene n’hésitait pas à me parler de sa vie privée avec une franchise déconcertante. J’essayai toujours de le convaincre de se marier en lui disant: «La Révolution est terminée maintenant. Il est temps que tu accomplisses l’autre moitié du devoir religieux [en te mariant]!» Il me répondait: «Dans ce cas, je te laisse le soin de me chercher une épouse!» Je le pris au mot et me mis à chercher parmi les familles honorables une femme qui eût pu épouser le Président. Mais je me suis très vite ravisé, convaincu que le mariage devait être fondé sur le libre choix. Un jour, il me dit, blasé: «Si Chadli, si le choix était un âne, je l’aurais mis devant moi et bastonné à mort!» Je ne sais pas, à ce jour, s’il voulait parler de quelque échec dans sa vie personnelle ou de décisions qu’il aurait regretté d’avoir prises.
La fatigue se lisait sur son visage. Il souffrait mais ne se plaignait pas. Il supportait son mal en silence et avec courage.
Il avait mauvaise mine, mais je ne savais pas qu’il était malade; je croyais que c’était dû au surmenage. Il me parlait de la force morale de Georges Pompidou et de sa maladie qu’il avait cachée à l’opinion publique. Je me souviens encore de ce qu’il m’avait dit ce jour-là comme si c’était hier:
«J’admire la patience de Pompidou». J’étais loin de me douter que lui-même était souffrant. Le destin a voulu que les deux hommes meurent de la même maladie de Waldenstriim, une hémopathie maligne rare…
…A son retour de Damas où il avait pris part au sommet du Front de la résistance et de la fermeté, Boumediene se montrait de moins en moins en public. Les rumeurs les plus folles commençaient à circuler. Certains disaient qu’il s’était éclipsé pour réfléchir à tête reposée à des changements majeurs qu’il allait opérer bientôt, d’autres parlaient de divergences profondes au sein du Conseil de la Révolution qui l’auraient contrarié au point de se retirer de la vie publique, d’autres encore privilégiaient la thèse du coup d’Etat voire de l’assassinat. Il en était toujours ainsi quand le président n’apparaissait pas à la télévision.
Décision fut prise de le transférer à Moscou. Il préféra l’URSS aux Etats-Unis et à la France pour des impératifs de sécurité. Je suivais l’évolution de sa maladie au jour le jour…
…De retour au pays, il reçut les membres du Conseil de la Révolution et du gouvernement à la villa Dar El Nakhil. Ce n’était plus le Boumediene que je connaissais; il avait considérablement maigri. Ses yeux n’avaient plus le même éclat.
Il n’avait plus d’entrain, au point de ne plus pouvoir parler. Ses pieds étaient enflés. Quand je lui serrai la main, il ne me lâcha pas, comme s’il voulait me dire quelque chose, mais en aparté. Je compris par la suite qu’il voulait m’informer qu’il m’avait chargé de la coordination des corps de sécurité. Dès que j’appris cela, je me rappelai tout de suite ce qu’il ne cessait pas de me dire auparavant: «Chadli, veille sur le pays et la Révolution!» C’est que les personnes à qui il avait confié la mission de m’en informer n’avaient pas appliqué la volonté du Président, et ce, avec la complicité d’autres membres du Conseil de la Révolution.
Mais, devant le péril menaçant, ces mêmes personnes furent obligées de se plier à ses ordres. J’appris la décision de ma nomination à ce poste par la voix du secrétaire général du ministère de la Défense, Abdelhamid Latrèche. Boumediene mourut le 27 décembre 1978.
La tentative de coup d’Etat de Tahar Zbiri
…La tentative de putsch menée par Tahar Zbiri en décembre 1967 fut la plus grande scission au sein du Conseil de la Révolution après les démissions d’Ali Mahsas, Bachir Bournaza et Ali Mendjli. Quand je me remémore cet épisode, je m’étonne toujours des propos de Zbiri qui déclare tantôt: «Si ce n’était pas Chadli, j’aurais pris le pouvoir», tantôt: «Chadli se serait [de toute façon] placé du côté du vainqueur» Pourtant, la vérité est tout autre. J’étais au fait de désaccords entre le président Boumediene et le chef d’état-major. Mais j’étais loin d’imaginer que Tahar Zbiri allait en arriver à l’usage de la force pour accaparer le pouvoir. En réalité, ces désaccords concernaient aussi certains membres du Conseil de la révolution qui reprochaient, ouvertement ou en secret, à Boumédiène d’accaparer le pouvoir avec le groupe d’Oudjda et de confier à des DAF des postes sensibles du ministère de la Défense. Le conflit s’aggrava après le refus de Zbiri d’assister aux festivités du 1er novembre 1966 et du fait des fréquents déplacements qu’il effectuait entre l’état-major et le bataillon de blindés stationné à Bordj el Bahri. Déplacements que Boumédiène suivait de très près. Le conflit atteignit son apogée suite à l’échec des médiations entreprises par des personnalités politiques et militaires. J’ai pris la pleine mesure du danger à Bouzaréah, au domicile de Abderrahmane Bensalem qui nous avait invités à déjeuner après la réunion du Conseil de la révolution et des commandants de régions.
Nous étions cinq: Saïd Abid, Abderrahmane Bensalem, le colonel Abbès,Yahiaoui et moi-même à prendre notre repas ensemble dans une ambiance fraternelle, discutant de divers problèmes qui nous préoccupaient à l’époque. Le soir, je devais rentrer à Oran par avion. Je ne m’étais pas rendu compte qu’un complot se tramait et que j’allais être impliqué à mon insu. Nous nous installâmes dans le salon pour prendre le café. Je remarquai que l’assistance était plus silencieuse que d’habitude. Aucun de mes interlocuteurs ne me mit au courant de ce qui se mijotait. Je les vis qui faisaient un clin d’oeil à Saïd Abid, connaissant la solide amitié qui nous liait et qu’ils voulaient, me semble-il, exploiter. Puis, ils lui firent signe de m’en parler en leur nom. Saïd Abid se leva et me dit sur un ton réprobateur mêlé de sollicitude dans lequel je perçus comme un appel à l’aide:
-Es-tu satisfait de cette situation, Si Chadli? Je veux dire la situation du pays. Tous ces problèmes ne t’affectent-ils pas?
- Quels problèmes? lui dis-je.
-Les problèmes dans lesquels se débat le pays, voyons! Tu trouves cette situation normale?
-Tous les pays [du monde] vivent des problèmes. Certes, il y en a beaucoup [chez nous], mais je pense sincèrement qu’ils peuvent être réglés par le dialogue et à travers les institutions en place, rétorquai-je.
-Nous avons essayé de les résoudre dans ce cadre, mais sans succès.
En clair, Saïd Abid voulait parler de l’accaparement du pouvoir par le clan d’Oujda et de l’obsolescence du Conseil de la Révolution qui avait perdu un grand nombre de ses membres. De plus, Boumediene avait pratiquement vidé l’état-major de ses prérogatives qu’il avait mises entre les mains des anciens officiers déserteurs de l’armée française, au ministère de la Défense. A ce moment-là, je compris qu’il y avait anguille sous roche: notre présence tous ensemble au domicile de Bensalem n’était pas innocente, surtout lorsque Saïd Abid revint à la charge:
-Nous sommes appelés à prendre une décision cruciale sur-le-champ.
C’était clair. Ils planifiaient le renversement de Boumediene. Je leur dis:
-Vous connaissez ma franchise. Alors, laissez-moi vous dire dès à présent, pour que vous ne disiez pas plus tard que je vous ai trahis: je m’opposerai à toute personne qui utiliserait la force et la violence pour prendre le pouvoir. Je connais Tahar Zbiri depuis 1956; je l’ai même connu avant Boumediene. Mettez-vous ça bien dans la tête: je me mettrai en travers du chemin de tous ceux qui recourront à la violence pour porter atteinte à la stabilité du pays. Ma position là-dessus est claire.
De guerre lasse, ils insistèrent pour que je les rejoigne. Quand je les quittai, je me rendis compte de la gravité de la situation…
…Je me rendis chez Tahar Zbiri, à El-Biar, et lui dis:
- J’étais avec les compagnons et ils m’ont informé de leurs intentions. J’ai voulu que tu saches ce que je pense de tout ça. Il est plus que probable qu’ils viennent te voir et te refilent de fausses informations sur ma position.
Je lui répétai ce que j’avais dit auparavant et lui expliquai mon point de vue en lui disant que c’est à l’intérieur du Conseil de la Révolution que les problèmes devaient être débattus et tranchés:..
… Je me rendis en toute urgence à la présidence de la République et demandai à voir le président Houari Boumediene. Quand il me reçut, je lui dis:
- Je suis venu te saluer et te souhaiter plein succès dans ta mission. Je retourne aujourd’hui à Oran. Sache que ta position sera la mienne et que tu me trouveras toujours à tes côtés.
Je me contentai de ces quelques mots et ne lui divulguai pas le secret de ma rencontre avec Zbiri et les autres compagnons. Boumediene ne dit mot et sourit, signe que les services de renseignements l’avaient informé du complot. Il paraissait serein…
…Après l’échec de la tentative de coup d’Etat, Tahar Zbiri et quelques-uns de ses hommes (ils étaient tous de la même région, ce qui confirme l’aspect régionaliste et tribal de cette opération avortée), se sauvèrent. Il se peut que les services de sécurité leur aient assuré un passage sécurisé jusqu’aux frontières tunisiennes, avant de rejoindre le Maroc. Kasdi Merbah vint me voir pour me demander de lui remettre les officiers de la 2e Région qui étaient solidaires de Zbiri, ce que je refusai. Quand il s’en plaignit à Boumediene, celui-ci le pria de ne pas insister, en lui disant: Chadli est responsable de ses actes».
En 1979, Tahar Zbiri me fit part, par le truchement d’un émissaire, de son souhait de rentrer au pays. Je lui demandai de patienter un peu, le temps pour moi d’étudier l’affaire. Un jour, un de mes collaborateurs à la présidence de la République m’informa que Zbiri était à l’aéroport. Je l’autorisai à rentrer et à rester chez lui. En outre, je lui imposai de s’éloigner de la vie politique.# * L’Expression-Mercredi 24 Octobre 2012
*2–Le différend avec le GPRA
Le clash entre le GPRA et l’état-major était inévitable au vu des divergences de vues et de visions sur les questions inhérentes à la conduite de la guerre. Le conflit allait en s’aggravant, avant d’éclater en juin 1961, lorsque l’artillerie de l’ANP a abattu un avion de reconnaissance français au-dessus du centre d’instruction de Mellag. Son pilote, Frédéric Gaillard, fut capturé par l’état-major, après avoir sauté en parachute sur le territoire tunisien, et accusé d’espionnage. Sous la pression du gouvernement tunisien, le GPRA a demandé de livrer le prisonnier aux autorités tunisiennes, mais Boumediene et ses collègues de l’état-major, s’y sont refusés, prétextant que le pilote était mort. Les Tunisiens mirent la pression pour récupérer le prisonnier «mort ou vif», en menaçant d’intervenir contre l’ALN et de lui couper tout approvisionnement. Au début, Boumediene avait hésité un moment, sous la pression d’Ali Mendjeli et Kaïd Ahmed qui s’y opposaient fermement, avant de céder à la fin et de livrer le pilote.
C’était une épreuve difficile pour Boumediene. Il avait certes perdu une bataille, mais il avait gagné un pari. Pour la première fois, donc, le conflit sortait au grand jour. L’état-major entama une vaste campagne, accusant le GPRA de vouloir humilier l’armée, et convoqua une réunion avec les chefs des zones nord et sud, et les responsables de bataillons, de compagnies d’armement lourd et de camps d’instruction à Oued Mellag. A l’ordre du jour, l’évolution du conflit entre l’état-major et le gouvernement provisoire. Boumediene n’a pas beaucoup parlé; il s’est contenté de nous annoncer la démission des membres de l’état-major. Ali Mendjeli était, quant à lui, furieux. Tenant les membres du gouvernement pour responsables de toutes les tares et de tous les malheurs, il accusera notamment Krim Belkacem de vouloir affaiblir l’armée.
Le 15 juillet, le commandement de l’état-major présenta sa démission au gouvernement provisoire, et fit circuler une pétition auprès des chefs d’unités combattantes.
Cette pétition, au ton très virulent, dénonçait la politique du GPRA et ses concessions au président Habib Bourguiba que le commandement de l’état-major soupçonnait de visées expansionnistes.
Les rédacteurs du texte s’élevaient également contre la politique de dilapidation et de népotisme que pratiquait Krim Belkacem.
A la veille de la tenue de la session du CNRA à Tripoli, nous avions signé, nous les officiers, une autre pétition dénonçant les agissements du GPRA, et s’opposant à la désignation du commandant Moussa à la tête de l’état-major. J’ai été chargé de recueillir les signatures des officiers de la zone opérationnelle nord, parmi lesquelles figurait la mienne, en tête de liste. Il y avait en tout 21 signatures…
…Un mois plus tard, les officiers de l’ouest vont signer, sous l’impulsion de Kaïd Ahmed, une pétition similaire saluant le retrait des membres de l’état-major des travaux du CNRA.
*3–La réunion des dix colonels
Afin de surmonter le climat de révolte et de confusion, et de remédier à la situation d’impasse politique au plus haut niveau du commandement, une réunion d’arbitrage a été convoquée à Tunis, à laquelle vont assister, outre les «3 B», sept colonels, à savoir: Houari Boumediene, Mohammedi Saïd, respectivement de l’état-major de l’ouest et de l’est, Hadj Lakhdar de la Wilaya I, Ali Kafi de la Wilaya II, Yazourène de la Wilaya Ill, Dehilès de la Wilaya IV et Lotfi de la Wilaya V. Ces dix colonels se trouvaient, tous sans exception, à l’époque, hors du territoire national. Les raisons principales ayant motivé cette réunion-marathon, étaient, à mon avis, au nombre de trois: la première a trait au conflit endémique opposant certaines wilayas de l’intérieur et la Base de l’Est; la seconde est relative à l’exécution des colonels de l’incident du Kef et ses conséquences néfastes sur l’esprit de combat au sein des unités; enfin, la troisième et la plus urgente, est la dissidence des unités relevant de la Base de l’Est et de la Wilaya I. Trois wilayas réclamaient un changement dans la haute hiérarchie politique à l’extérieur; il s’agit des Wilayas I, III (Amirouche) et VI, en plus de la Base de l’Est. Les Wilayas II, IV et V demandaient, elles, le maintien du commandement tel quel. Les échos qui nous parvenaient de cette réunion étaient rares, souvent contradictoires et inquiétants. Sa longue durée (plus de trois mois), l’interruption des travaux, puis leur reprise, étaient autant d’indices que les divergences entre les participants n’avaient pas pu être surmontées, et que celles-ci auguraient d’un éclatement imminent du GPRA. Les colonels sont convenus de convoquer la troisième session du CNRA à Tripoli du 16 décembre au 18 janvier. Celle-ci sortira avec des conclusions dont les conséquences positives se sont vite fait ressentir sur le terrain. On peut en citer quelques-unes parmi les plus importantes:
- Mise en place d’un état-major qui sera confié à Houari Boumediene, et qui comptera aussi Ali Mendjeli, Kaïd Ahmed et Azeddine Zerrari.
- Suppression du ministère de la Guerre, et son remplacement par un Comité interministériel de Guerre (CIG), composé de Krim, Boussouf et Bentobal. Ces deux décisions vont mettre un terme définitif aux aspirations que cultivait Krim Belkacem pour s’approprier le leadership. Sur le plan militaire, la session a recommandé, notamment, l’intensification des opérations militaires et l’accélération de l’entrée des chefs militaires dans leurs wilayas d’origine. Houari Boumediene a rejoint Ghardimaou dans des circonstances difficiles. Mais il arrivait au bon moment. Il fallait bien redresser la situation avant qu’elle ne devienne incontrôlable. Boumediene était l’homme de la situation, envoyé par la providence pour accomplir cette mission. Nous ne le connaissions pas, mais nous entendions parler de lui. Pour nous, il demeurait étranger aux problèmes des frontières est; ce qui, du reste, lui permettra d’appréhender et de traiter la situation avec lucidité et sang froid. Heureusement que nous ne savions pas encore que c’était lui qui avait présidé le tribunal ayant condamné à mort les colonels…
…Boumediene réussit à instaurer la discipline et l’ordre, et les unités étaient désormais soumises à un commandement unifié et centralisé, alors qu’elles étaient, auparavant, soumises à leurs chefs directs. Après avoir reçu, de la part du GPRA, les unités relevant des Wilayas II, III et IV immobilisées sur les frontières, Boumediene eut l’idée de «brasser» djounoud et officiers, et réussit à former une armée moderne, bien entraînée et bien équipée. Le mérite revient à Houari Boumediene d’avoir aidé à transcender les mentalités régionalistes et tribalistes qui prévalaient au sein des unités. Le brassage des djounoud et officiers et le redéploiement des unités dans de nouveaux périmètres géographiques, ont fini par démanteler ce qu’on pourrait appeler les «féodalités» et à annihiler l’esprit des «seigneurs de guerre» qui a été à l’origine de graves dissidences. Ce brassage a contribué au contact entre éléments de la Base de l’Est et les djounoud des Wilayas II, III et IV, et aidé à bannir l’idée du «wilayisme» avec ses effets néfastes sur le moral des troupes lors des combats. Cette mesure a aussi ancré dans l’esprit des combattants, l’idée qu’ils luttaient pour une cause: la libération de leur patrie.* L’Expression-Mercredi 24 Octobre 2012
*4–Le 19 Juin 1965
La première semaine du mois de juin, il s’entretint avec les commandants de Région un à un, dans le secret le plus total. Il leur demanda de prendre leurs dispositions en prévision d’un événement qui allait «survenir bientôt», et ce, en coordination avec le commandant Abdelkader Chabou, secrétaire général du ministère de la Défense nationale. Il y a lieu de rappeler que les commandants de Région et les unités qui ont participé à ce coup de force étaient en état d’alerte mais n’eurent vent de la nature de leur mission qu’à la dernière minute.
Au départ, il fut convenu d’arrêter Ben Bella le 17 juin à sa sortie du stade d’Oran où devait se dérouler une rencontre entre l’Algérie et le Brésil. J’ai assisté au début du match mais je ne suis pas resté jusqu’à la fin parce que j’étais chargé de la sécurité. L’idée fut abandonnée in extremis de peur que l’arrestation de Ben Bella ne provoquât des troubles parmi les supporters et se propageât dans toute la ville ou qu’elle fût prise pour un enlèvement. Ben Bella savait-il ce qui se tramait contre lui? Franchement, je ne saurais le dire. Mais j’ai senti, lorsqu’il avait atterri à Oran, qu’il m’évitait sciemment. A l’aéroport, il s’adressa à moi avec froideur, allant jusqu’à faire une entorse aux règles protocolaires. Le lendemain, le journal El Djoumhouria écrivit que «le Président a été accueilli à sa descente d’avion par un lieutenant» (j’étais alors commandant). Pour moi, le message était clair. Aussi, refusai-je de l’accompagner à Sidi Bel-Abbès; je chargeai mon ami, Abdelkader Abdellaoui, qui était chef de compagnie, de le conduire à l’aéroport et de lui dire, au cas où il demanderait après moi, que j’étais fatigué et que je m’excusais de mon absence. A Sidi Bel-Abbès, le Président prit la parole dans un meeting populaire et insista, comme à son habitude, sur la poursuite de la Révolution socialiste sous un régime et une direction communs, exprimant sa détermination à «affronter les complots qui se trament contre l’Algérie à l’intérieur comme à l’extérieur». Dans ses discours, Ben Bella recourait toujours à des expressions et des adages populaires. Je me souviens qu’il avait dit, ce jour-là: «La caisse de tomates contient toujours quelques tomates pourries. Et si nous voulons préserver la caisse, il suffit de jeter ces tomates pourries»…
*5–Notre rencontre avec Krim Belkacem
photo: Chadli Bendjedid (1ère rangée à gauche), Slimane Hauffman et Houari Boumediene (au milieu de la 2ème rangée)
Pendant ce temps, Krim Belkacem prit la décision d’écarter Ressaâ Mazouz du commandement de la zone 1, à cause de son lien de parenté avec Amara Bougiez, et de déléguer Abdelkader Chabou, Mohamed Alleg et un jeune officier répondant au nom de Sahraoui, à la région. Sur place, Chabou consultera les chefs de région, Haddad Abdennour, Kara Abdelkader et Bouterfa El Fadhel, sur celui qui serait le mieux indiqué pour succéder à Mazouz; tous lui donnèrent le nom de Chadli Bendjedid. C’est ainsi que je devins chef de la zone 1. Dans le souci d’arrêter l’engrenage de la crise, nous décidâmes, nous les chefs des zones 1 et 3, de charger Bensalem de prendre contact avec Mohammedi Saïd en vue d’organiser une rencontre avec un représentant du GPRA, afin de tirer les choses au clair, et éviter une confrontation fatale entre frères…
…Nous prîmes la route, Abderrahmane Bensalem, Zine Noubli et moi-même, en compagnie de Mohammedi Saïd – très à cheval sur les horaires de prière bien que nous fussions en déplacement – en direction de Tunis, où le groupe était incarcéré. Il y avait Krim Belkacem et Bentobal – Boussouf étant absent. Les deux premiers cités avaient pu convaincre Lamouri de nous demander de revenir à la légalité. Je me souviens encore de ses supplications: «Au nom de la fraternité, au nom des moudjahidine, au nom des principes de la Révolution, rentrez dans les rangs et laissez notre sort entre les mains du GPRA!»
Nous eûmes beau essayer de persuader les membres du gouvernement provisoire que la réunion en question était une simple réunion de consultation pour essayer de trouver une solution à la situation, Krim et Bentobal persistèrent à dire que Lamouri et ses camarades fomentaient un coup d’Etat contre les dirigeants de la Révolution «pour le compte d’intérêts étrangers». Nous leur demandâmes de les maintenir en prison et de ne pas les exécuter; demande qu’ils approuvèrent avec, cependant, la condition de leur livrer Ahmed Draïa, qui avait réussi à s’échapper et à rejoindre le territoire national. Lors de la rencontre, Mohamed-Chérif Messaâdia, se tenant au loin, me faisait signe qu’il ne fallait pas les croire.
Les traces des tortures qui avaient été infligées par les éléments des 3 «B» étaient perceptibles sur le visage tuméfié de Lamouri. Aouachria, quant à lui, se tourna vers Bensalem et lui lança: «Prends soin des enfants, Bensalem!» Il savait sans doute le sort qui l’attendait. Il était dit que Bourguiba aurait proposé sa protection à Lamouri, mais celui-ci l’aurait déclinée, préférant s’en remettre à ses compagnons d’armes.
Rentrés au pays, nous leur avons livré, comme entendu, Draïa. Après la fin de l’enquête, un tribunal a été mis en place, sous la présidence de Houari Boumediene, avec Ali Mendjeli comme procureur et Kaïd Ahmed et le colonel Sadek comme assesseurs. Les colonels Lamouri et Nouaoura, le commandant Aouachria et le capitaine Mostafa Lakehal seront finalement exécutés; les autres seront condamnés à des peines de prison allant de quatorze mois à deux ans. Ces exécutions vont avoir des conséquences néfastes sur le moral des soldats et des officiers qui ne feront plus confiance au GPRA, et encore moins aux trois «B». Les tentatives de dissidence, de désobéissance et de désertion vont se multiplier.
Lorsque Boumediene prit le commandement de l’état-major, il libéra Belhouchet, Draïa, Messaâdia et Lakhdar Belhadj, et les chargea, avec Abdelaziz Bouteflika, d’ouvrir un front au Mali.
*6–Les relations avec le Maroc avant 1979
J’ai dirigé la 2e Région militaire durant 15 années consécutives. J’étais pleinement conscient de la gravité de la responsabilité qui m’incombait. C’est que cette région est très sensible et revêt une grande importance stratégique, en raison de l’étendue de son territoire, de la concentration du tiers des effectifs de l’armée en son sein et du type d’armement hautement sophistiqué dont elle est dotée. De plus, la 2e Région longe la frontière avec le Maroc, ce qui la rend d’autant plus sensible. La probabilité était forte pour qu’un conflit armé éclatât avec ce pays à n’importe quel moment, sur fond de tensions permanentes. Ma seule préoccupation était d’éviter d’en arriver aux armes, tout en veillant à l’intégrité et à la sécurité du territoire national…
…Le problème des revendications frontalières avait surgi avant l’indépendance de l’Algérie. Hassan II avait exercé divers types de pressions sur le gouvernement provisoire pour l’empêcher d’organiser le référendum sur l’autodétermination sans la région de Tindouf dont il clamait la marocanité. Il déploya ses troupes le long des frontières. Ce fut le premier signe révélateur de ce que cette bande frontalière allait se transformer en un terrain miné qui allait souffler toutes les bonnes volontés qui nourrissaient le rêve d’un Maghreb uni. Les frontières est n’étaient pas en reste, puisque l’approche de l’indépendance avait aussi aiguisé l’appétit de Bourguiba qui réclamait à son tour l’annexion de territoires algériens. Ces intentions belliqueuses – tantôt ouvertes, tantôt cachées – faisaient que je me méfiais des desseins de Hassan II. A tel point que nos forces armées étaient en état d’alerte quasi permanent…
…Je me trouvais en Chine lorsque j’appris que l’armée marocaine s’était infiltrée, le 15 octobre 1963, à l’intérieur des territoires algériens, à Hassi Beïda, et y avait implanté des camps militaires. J’essayai de convaincre les dirigeants chinois d’écourter notre visite mais ils insistèrent pour que nous l’achevions. A notre retour au pays, la Guerre des sables était déjà finie, l’armée marocaine s’étant retirée grâce à la mobilisation du peuple algérien qui avait défendu l’intégrité de son territoire bec et ongle, aux démarches de l’Organisation de l’Unité africaine et aux pressions de Djamel Abdennasser et Fidel Castro.
A ce sujet, j’aimerais ouvrir une parenthèse pour saluer la sagesse de Mohand Oulhadj qui mit un terme à sa rébellion en Kabylie pour se joindre aux forces régulières engagées dans la bataille contre l’intrus marocain…
…Les relations entre l’Algérie et le Maroc ne se sont pas améliorées après le redressement de juin 1965. Chaque partie campait sur ses positions. Plus grave, la présence d’une opposition marocaine sur notre sol, héritée du règne de Ben Bella, constituait un obstacle supplémentaire à l’apaisement entre les deux pays. Hassan II faisait un abcès de fixation de cette opposition qui s’était réfugiée en Algérie en 1963, considérant le règlement de cette question comme un préalable au réchauffement des relations entre les frères ennemis. Tout comme il accusait l’Algérie d’apporter aide et soutien à son rival politique Mehdi Ben Barka. La direction politique de cette opposition activait dans la capitale, tandis que son bras armé se trouvait dans deux centres de l’Ouest du pays, le premier à Sidi Bel-Abbès et le second à Mohammadia; autrement dit, sur le territoire de la Région que je commandais. Conscient de la nécessité d’apaiser le climat de guerre larvée qui régnait entre les deux pays, Boumediene, en prévision de la première visite qu’il devait effectuer au Maroc, prit attache avec moi pour connaître mon opinion sur l’opposition marocaine. Je lui ai dit, après lui avoir fait un état des lieux: «Je ne crois pas en une opposition qui active hors de son pays. Si les frères marocains veulent s’opposer au pouvoir en place, qu’ils le fassent chez eux». Puis, je l’ai informé que je détenais des informations qui indiquaient que les services secrets marocains avaient infiltré les rangs de cette opposition. Convaincu par mon point de vue, Boumediene me demanda d’agir dans l’intérêt suprême du pays…
…Durant la première visite de Boumediene au Maroc, j’étais la deuxième personnalité de la délégation dans l’ordre protocolaire, mais Hassan II modifia la liste et me classa au quatrième rang. Je sentis, durant les entretiens, que le roi était froid et distant avec moi et compris la raison de cette attitude.
Le soir, je refusai de prendre part au dîner qu’il avait donné en l’honneur de la délégation algérienne. J’avais dit à Mouloud Kassim: «Si jamais Boumediene te demande la raison de mon absence, dis-lui que je suis fatigué et que je ne pourrai pas assister à la cérémonie». Plus tard, Boumediene reprochera à Hassan II son comportement vis-à-vis de moi. Lors de ma deuxième visite au Maroc, je sentis le roi moins hostile à mon égard…
… Oufkir tâte le pouls
A la fin du défilé, le roi chargea le général Oufkir d’organiser des cérémonies en l’honneur de la délégation algérienne. Avant cela, l’officier supérieur marocain avait demandé à Chabou s’il n’était pas inconvenant d’aborder avec moi des sujets politiques. Pendant que nous visitions Casablanca, Oufkir s’enquérait de temps en temps de notre situation. Un jour, un groupe de jeunes officiers, au grade de commandant, s’approchèrent de moi. Après discussion, je compris qu’ils voulaient me faire passer un message. Ils finirent par me livrer le fond de leur pensée: «Essayez, en Algérie, d’empêcher Kadhafi de sceller une union entre la Libye et l’Egypte, en attendant que nous renversions la monarchie ici au Maroc et mettions en place un régime républicain. Après, nous construirons ensemble l’Union du grand Maghreb arabe». Je reconnais que leur audace me laissa pantois. Je me demandai, au fond de moi-même, si ces officiers étaient sérieux ou essayaient juste de jauger les intentions de l’Algérie. Je découvris le subterfuge lorsque je m’aperçus que le général Oufkir les appelait auprès de lui l’un après l’autre, visiblement pour qu’ils lui rendent compte de mes propos. L’ère était aux coups d’Etat en Afrique, en Asie et dans le Monde arabe, et le Maroc n’était pas à l’abri. Mes doutes se confirmèrent lors de notre déplacement à Marrakech. Je descendis à la Mamounia, un hôtel de haut standing très apprécié par l’ancien Premier Ministre britannique Winston Churchill. J’avais pour habitude de me réveiller tôt le matin et de prendre mon petit déjeuner dans le hall de l’hôtel. Alors que j’étais seul, un jeune homme s’approcha de moi et me demanda la permission de s’asseoir à ma table. Il me parut bizarre. Après un moment d’hésitation, il me tint le même discours que les jeunes officiers de Casablanca.
J’éludai ses questions par des réponses évasives en prétendant ignorer tout du sujet. J’étais convaincu que c’était encore un élément du général Oufkir. De deux choses l’une: soit Oufkir voulait connaître ma position sur le roi et la monarchie en général, parce qu’il savait que j’étais à la tête de grandes unités de combat de l’armée algérienne stationnées sur les frontières avec le Maroc, soit il était sérieux et échafaudait un plan pour détrôner Hassan II.
De retour en Algérie, j’en informai Houari Boumediene. Il ne me répondit pas et se Contenta de sourire, comme à son habitude. Boumediene était-il au courant de quelque chose? Franchement, je n’en ai aucune idée.
Je n’avais aucune relation avec le général Oufkir. Pourquoi alors avait-il tenté de me sonder sur cette question? Cette interrogation m’intrigue à ce jour…
…Nous débattîmes longuement de la question du Sahara Occidental lors d’une réunion du Conseil de la Révolution et examinâmes le sujet sous tous ses angles. Houari Boumediene insista pour connaître l’avis de chacun d’entre nous. Il posa le problème de la disposition de l’armée algérienne en cas de déclenchement des hostilités. Aucun membre du Conseil ne prit la parole. Il me demanda mon avis et je lui dis: «L’armée manque de moyens et d’organisation. Objectivement, nous ne serons pas en mesure de ravitailler nos unités loin de leurs bases en cas de guerre.» Je n’avais pas le droit de lui mentir dans des circonstances aussi graves. Ce qu’il avait entendu lors de la réunion ne lui a pas plu. Il réagit violemment: «Alors, cela veut dire que je n’ai pas d’hommes!» Quand je lui répétai que je ne lui avais dit que la stricte vérité et qu’il fallait que nous la prenions en considération, il me répondit, plus calme: «Je ne parlais pas de toi, Chadli!» Puis, il s’adressa à Abdelaziz Bouteflika: «Dans ce cas, prépare tes bataillons, Si Abdelaziz!» Il voulait dire que nous n’avions d’autre choix que de privilégier la solution diplomatique.
A notre sortie de la réunion, un membre du Conseil crut utile de me mettre en garde: «Pourquoi t’opposes-tu à lui? II t’en tiendra rigueur et se vengera de toi!» Et d’ajouter, médisant: «S’il était un homme, il jetterait son burnous et rentrerait chez lui sans plus attendre!»
Je lui répondis, assommé, surtout que cet énergumène se trouvait sous la protection de ce même burnous: «Je suis militaire comme lui et j’ai dit ce que je pensais en toute franchise. Cela dit, je suis tout à fait prêt à prendre ma retraite et redevenir un citoyen normal, [si c'est ce que tu veux dire]!» Boumediene préférait ma franchise à l’hypocrisie des courtisans et des flagorneurs….* L’Expression-Mercredi 24 Octobre 2012
**Nordine Aït Hamouda réagit au livre-mémoires de Chadli Bendjedid :
«Chadli n’a pas découvert les dépouilles d’Amirouche et de Si El Houès»
Les bonnes feuilles des mémoires de feu le président Chadli Bendjedid publiées par la presse ont suscité curiosité mais aussi des brins de controverses.
Depuis hier en librairie, le tome 1 de ces mémoires a suscité le commentaire sans complaisance de Nordine Aït Hamouda, le fils du colonel Amirouche tombé en martyr, en compagnie de Si El Houès, au Djebel Thameur en 1959.
Parlant de la mort des deux colonels, Chadli s’est limité à évoquer des circonstances mystérieuses. Pour Nordine Aït Hamouda, Chadli sait mais n’a pas voulu dire.
Propos recueillis par Sofiane Aït Iflis-25 Octobre 2012-Le Soir d’Algérie
Le Soir d’Algérie : Dans ses mémoires qui viennent de sortir en librairie, le défunt président Chadli Bendjedid évoque la mort des colonels Amirouche et Si El Houès. Il dit qu’ils sont morts dans des circonstances mystérieuses. Quel sentiment vous procure cette affirmation ?
Nordine Aït Hamouda : Voilà un président de la République qui semble ne pas savoir ce que tout le monde sait. La vérité, c’est que nos hommes politiques sont incapables d’assumer des faits historiques. J’ai lu quelques passages du livre et j’ai noté que le président Chadli tresse une gloriole pour la base de l’Est.
Ceci alors que d’aucuns savent que celle-ci a refusé de reconnaître le Congrès de la Soummam et ses résolutions. Mais encore, elle a refusé de se mettre sous l’autorité de la Wilaya II. Au moment où Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi et Krim Belkacem organisaient le Congrès de la Soummam, qui est le fondement de l’Etat algérien, les gens de la base de l’Est créaient une structure autonomiste dans le seul but de s’octroyer des postes. C’est ce qu’ils ont fait de 1956 à nos jours.
Pour dire vrai, la base de l’Est est une hérésie. Imaginez un moment quels auraient été les réactions et les commentaires aujourd’hui si la Wilaya III avait refusé de reconnaître les structures de la Révolution ! Mais en définitive, je dirais que je ne m’attends pas à des révélations de la part du président Chadli. Il ne dira rien. Chacun tient l’autre par la barbichette.
Lorsque Mehdi Chérif a évoqué, dans une émission qui devait être diffusée par Ennahar TV, la liquidation des colonels de la Wilaya I par Boumediène et Boussouf, Ahmed Bencherif, encore vivant, a menacé de faire des révélations. Le pouvoir a aussitôt réagi et a ordonné la censure de l’émission.
Le défunt président Chadli dit aussi avoir découvert les dépouilles des deux colonels dans la cave du Commandement général de la Gendarmerie nationale et qu’il a ordonné de suite leur inhumation au Carré des Martyrs à El Alia.
Chadli n’a pas découvert les dépouilles d’Amirouche et si El Houès dans les caves du Commandement général de la Gendarmerie nationale.
C’est moi qui l’ai informé. Cependant, il a le mérite d’avoir assumé l’acte politique. Je dois relever qu’il n’est pas allé au bout de la vérité. Je pense qu’il avait peur de dire qui sont les auteurs de cette séquestration, de ce crime. Il semblerait que le chef de l’Etat soit l’Algérien le moins informé. Je pense que s’il n’est pas allé jusqu’à en nommer les auteurs, c’est parce qu’il avait lui-même peur des réactions.
Il a craint, à mon avis, la réaction d’Ahmed Bencherif qui, assurément, a lui aussi des choses à dire sur lui qui était impliqué dans le procès du colonel Chaâbani. Nous sommes le seul pays au monde où le chef de l’Etat déchargé de ses fonctions officielles peut passer 20 ans sans dire un mot sur ce qui se passe dans le pays. Le président Chadli est resté silencieux au moment des massacres des populations par les terroristes.
Il est demeuré sans voix, comme s’il en voulait au peuple. Je ne comprends d’ailleurs pas que d’anciens présidents ou des anciens chefs de gouvernement, à l’instar de Hamrouche, Benflis ou encore Ouyahia, une fois libérés de leurs charges, se résignent au silence. C’est à croire qu’ils sont là juste pour gouverner. La vie politique, ce n’est pas cela. Depuis 1962, c’est en fait la même clique, la même famille et la même secte qui gouverne.25 Octobre 2012-Le Soir d’Algérie
*Ce qu’a écrit Chadli
«En 1959, alors qu’il se rendait dans ce pays pour faire le point sur la situation avec le gouvernement provisoire, il tomba en martyr avec le colonel Si El Houès au mont Thameur, dans des conditions mystérieuses.
Le sort a voulu que je sois celui qui allait découvrir – j’étais alors président de la République – que les corps d’Amirouche et Si El Houès se trouvaient dans une cave du commandement général de la Gendarmerie nationale. J’ordonnai alors, sans attendre, qu’ils soient inhumés au Carré des Martyrs à El Alia.»
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Il était une fois les années 1980
Le règne de Chadli Bendjedid fut, sans doute, celui qui fera découvrir aux Algériens les “vertus” de la consommation.
“Pour passer du socialisme au capitalisme, il suffisait de traverser la route”, écrivait un jour le défunt Abdou Benziane pour schématiser la transition imposée par Chadli Bendjedid. Les souks el-fellah et les Galeries étaient devenus, l’espace d’un règne, un véritable temple. Ils étaient la première cible des émeutiers d’octobre 88. À cette époque, les familles rêvaient de marier leurs filles à des employés de ces deux symboles. Des chaînes interminables se formaient devant ces enceintes. Des gens y passaient des nuits entières pour découvrir, le lendemain, qu’ils avaient fait tout cela pour “obtenir” un pneu, une batterie ou, au mieux, un thermos.
L’époque des frigidaires, des cuisinières, des télévisions couleur, des “Passat”, des “Honda” et autres “Ritmo” et “Zastava” allait changer fondamentalement les habitudes et les certitudes des Algériens.
Les allocations touristiques allaient donner aux Algériens la chance de pouvoir faire le tour du monde, en toute aisance, surtout que cette époque ne connaissait ni visa, encore moins d’espace appelé Schengen.
Le pays s’était transformé en bouche ouverte qui consommait tout ce qu’on lui importait. Inconscient des dangers qui le guettaient et qui allaient compromettre sérieusement son avenir, avec la chute brutale des cours du pétrole. Mais les années 1980 étaient aussi celles de l’éruption de Makam Echahid, “Houbel”, pour les jeunes de l’époque. C’était l’époque de l’apparition du raï, des discothèques réservées aux enfants de la nomenklatura, “la tchi-tchi”, et du feuilleton “Dallas” ramené par Chadli lors de sa visite aux États-Unis d’Amérique. Mais c’était aussi la construction de la mosquée Émir-Abdelkader de Constantine, confiée à l’imam El-Ghazali, et l’organisation de conférences de la pensée islamique qui ont vu défiler des centaines de “cheikhs” et préparer le lit de l’islamisme politique en Algérie.
C’était aussi l’époque où les jeunes ont commencé à s’exprimer dans les stades, à dire leur ras-le-bol. “Babor l’Australie” faisait un tabac sur tous les gradins, tout comme les blagues sur le défunt Président étaient le sujet préféré dans tous les cafés du pays.
Les années 1980 allaient permettre à une faune de privilégiés de se sucrer des monopoles d’importation. Les “Messieurs 10 pour cent” étaient légion et sévissaient partout où il y avait de l’argent à prendre. On murmurait, par-ci, par-là, des affaires louches, et on balançait de temps à autre un lampiste pour faire taire la rumeur, comme ce fut le cas pour “Testosa” à qui on avait fait porter le chapeau dans l’affaire du détournement dans une banque publique.
Le pays vivait au rythme des rumeurs, d’une opposition clandestine qui se barricadait dans les universités et le monde syndical. Généralement constituée de militants de gauche, cette opposition était très active, mais n’arrivait pas à sortir son combat des ghettos dans lesquels elle était cantonnée.
Des combats ont été menés, que ce soit pour la reconnaissance de l’identité amazighe, ou que ce soit lors du débat autour du code de la famille, ou que ce soit pour la liberté d’expression, ou encore des revendications des lycéens ou de la sauvegarde du tissu industriel, des militants ont été emprisonnés, maltraités et exclus, pendant que l’article 120 de triste mémoire était encore de mise et qui écartait, de fait, toute personne, quelle que soit sa compétence, des postes de responsabilités, faute d’appartenir au FLN unique.
Les années 1980 avaient fini par enterrer une époque, pour plonger le pays dans l’inconnu. Les imprudences commises pendant cette période de transition allaient être payées cher, durant la décennie 1990 et le pays continue à en payer les conséquences.*.*Liberté-08.10.2012.
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Chadli Ben Djedid : « Les événements du 5 octobre 1988 n’étaient pas spontanés »
*Toutes les responsabilités que j’ai exercées m’ont été imposées
Samedi 29 novembre 2008 — L’ex Président Chadli Ben Djedid a expliqué, implicitement, les méfaits du système présidentiel et sa préférence du système parlementaire qu’il voulait consacrer parmi les reformes durant les derniers moments de la période de sa gouvernance qui ont été empêchées par les événements du 5 octobre 1988, et il dit « ils n’étaient pas spontanés. » L’allocution de l’ex Président de la République, Chadli Ben Djedid, a duré près de trois heures, lors de son intervention dans les travaux de la rencontre historique sur la base Est, qui a été organisée avant-hier à El Taref. Il est revenu sur les événements historiques de cette région de par ses héros et ses combats militaires politiques. Concernant la période de sa gouvernance qui a duré 12 ans, Chadli Ben Djedid a déclaré que sa gouvernance « l’a convaincu de la nécessité de changer le système de gouvernance et de faire passer le flambeau aux jeunes ». Il a ajouté que ces reformes « menacent les intérêts des personnes dans les rouages du pouvoir qui était derrière les événements du 5 octobre 1988 qui n’étaient pas spontanés ». Il a aussi promis de révéler ses détails prochainement, faisant allusion à ses mémoires qu’il est en train de rédiger. Au sujet de la révision de la Constitution, Chadli a énuméré les méfaits de la gouvernance du système présidentiel qui réduit le rôle des députés, et il a émis des réserves sur les modifications perpétuelles de la constitution.*Algéria.Com
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Mort de Chadli Bendjedid… Président d’une époque trouble
L’ancien président Chadli Bendjedid est décédé hier(06.10.2012.) à Alger à l’âge de 83 ans des suites d’un cancer. Il avait été admis, il y a plus d’une semaine, au service réanimation de l’hôpital militaire de Ain Naâdja dans un état comateux. Il souffrait depuis longtemps d’une insuffisance rénale chronique aggravé par un cancer de la prostate avancé. L’ancien président algérien (1979-1992) a été à l’origine de la démocratisation des institutions, notamment par la promulgation d’une Constitution pluraliste en février 1989. Après le raz-de-marée du FIS aux élections législatives, Chadli Bendjedid a dû démissionner le 11 janvier 1992.Né le 1er juillet 1929 à Sebaâ dans la wilaya d’El Tarf, Chadli était militaire de carrière et était membre du Conseil de la révolution en juin 1965 avant d’être désigné président de la République en février 1979. Un poste qu’il quittera après sa démission le 11 janvier 1992.*Elwatan.
**Agé de 83 ans, l’ancien chef d’Etat, Chadli Bendjedid, est décédé, hier, à l’hôpital militaire de Aïn Naâdja à Alger, des suites d’une longue maladie. Hasard de l’histoire, le troisième président de l’Algérie indépendante disparaît tout juste 24 ans après les événements d’Octobre 1988. Un moment charnière dans l’histoire du pays dont les prolongements allaient accélérer son départ du pouvoir, quatre années plus tard, et qui précipitent le pays dans une terrible guerre civile. Il quitte la présidence de la République le soir du 11 janvier 1992. Et c’est l’image que les Algériens gardent de lui, lisant sa lettre de démission avant de remettre les clés du palais d’El Mouradia au chef de l’armée.
Depuis, Chadli Bendjedid, qui avait succédé au colonel Houari Boumediène à la tête de l’Etat, s’est retiré de la vie publique en menant une vie loin des arcanes du pouvoir. Il est parti en solitaire. «Depuis son départ de la Présidence, il a coupé contact avec tout le monde. Il refusait souvent de recevoir des personnalités publiques qui le sollicitaient. Cependant, il suivait les événements qui bouleversent le pays et lisait régulièrement la presse», témoigne l’universitaire Abdelaziz Boubakir, l’un des rares qui le côtoyaient ces dernières années. Les quelques apparitions publiques du Président aux cheveux blancs se limitaient à des cérémonies officielles à côté de Abdelaziz Bouteflika ou bien en assistant aux obsèques des personnalités nationales, où il est d’ailleurs quasi impossible de lui arracher un mot.
L’homme qui a régné pendant treize ans s’est imposé un silence pesant. En entretenant le mystère, Chadli est devenu une énigme. L’opinion publique guettait la moindre déclaration de lui pouvant élucider quelques zones d’ombre d’une période politique où, d’une part, tout n’est pas encore dit et d’autre part traumatisante. L’homme qui se mure dans un silence total, alors qu’il se retrouvait souvent au centre des controverses et d’attaques dont il faisait régulièrement l’objet, est assailli de partout, notamment par ceux qui ont repris le pouvoir au lendemain de sa démission, pour ne pas dire ceux qui l’ont démis.
L’ancien colonel rompt le silence en recevant, en 2001, quelques journalistes chez lui pour dire ses «vérités». «Mais personne n’a obligé Chadli Bendjedid au silence qui part la conscience tranquille et qui ne regrette rien (…).» Chadli Bendjedid exprimait tout ce qu’il pensait également des islamistes du FIS dissous. «Des hypocrites politiques qui instrumentalisent la religion pour arriver au pouvoir», disait-il dans un entretien au quotidien Le Matin. Il n’a pas manqué l’occasion d’écorcher le président Bouteflika, d’attaquer Khaled Nezzar et de régler ses comptes avec Ben Bella, tout en prenant le soin de ne pas les nommer. L’homme était visiblement rongé par l’amertume, mais sans perdre de sa sérénité.
En rentrant chez lui, Chadli a emporté dans ses cartons de nombreux secrets de la République. Il a bien pris soin de les ranger au fond de sa mémoire. Après treize ans de règne et vingt ans après son départ volontaire ou forcé des affaires, Chadli Bendjedid reste un personnage qui divise les Algériens. Un homme qui suscite la controverse. Très rapidement après sa prise de pouvoir, le 7 février 1979, il opère un virage à droite en engageant le pays sur la voie du libéralisme. C’est la rupture avec le Boumediénisme ! Chadli s’en défend. «Avant sa disparition, Boumediène pensait sérieusement à introduire des changements radicaux dans la politique agricole, la politique industrielle et les nationalisations. Ceux qui m’accusent d’avoir effacé les traces de l’ère Boumediène sont précisément ceux qui ont le plus bénéficié de la situation et qu’on appelle les barons du régime», répond-il.
Chadli lève la résidence surveillée qui pesait sur Ben Bella et rend à Ferhat Abbas sa liberté. Un geste qui est perçu comme un signe d’ouverture. Mais vite, le désenchantement s’installe. Les années Chadli s’ouvrent aussi avec la terrible répression contre les manifestations de Kabylie d’avril 1980. Face à la demande démocratique, le nouveau maître du pays oppose la répression. Commence alors un cycle de violences contre les militants de la démocratie et les arrestations arbitraires s’enchaînent. Les enfants de chouhada en 1983 et aussi et surtout les fondateurs de la Ligue algérienne des droits de l’homme, à leur tête le militant nationaliste Ali Yahia Abdenour en compagnie de Sadi, Ferhat, les frères Aït Larbi, Ali Rebaïn, qui séjournent dans le sinistre pénitencier de Berrouaguia.
Islamistes et communistes ne furent pas épargnés par la répression du pouvoir de Chadli. Quand l’opposant Ali Mecili a été assassiné à Paris en 1987, l’opposition a accusé le pouvoir d’Alger. Avec les événements d’Octobre 1988, la répression atteint son apogée. Le bilan est lourd. Plus de 500 morts, des centaines de blessés et des militants torturés. L’insurrection populaire fait vaciller les fondements du régime et le pouvoir de Chadli commence à chanceler. C’est le début de la fin d’une époque, ouvrant la voie à une autre encore plus tragique..*Elwatan-07.10.2012.
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Chadli Bendjedid, treize années à la tête de l’Etat (1979-1992)..
des événements qui ont marqué sa période, selon l’Expression.
*Les événements du 5 octobre 1988
*Cap opéré en Algérie avec la révision de la Constitution, le 3 novembre 1988, suivie de l’adoption de la 4e Constitution en février 1989. Quatre mois d’intervalle entre les deux textes de la loi fondamentale pour passer définitivement du système du parti unique à la démocratie. Du socialisme à la libre entreprise. Ce n’était pas sans risque que l’Algérie prenait ainsi un virage à 180°.
*C’est lui qui supprima la fameuse «autorisation de sortie» du territoire national qui interdisait les voyages à l’étranger aux Algériens.
*C’est lui qui libéra, aussitôt, l’ancien président Ahmed Ben Bella qui était détenu depuis quinze années.
*C’est lui qui imposa la notion de propriété (totalement exclue par le régime socialiste de l’époque) en décidant la cession des biens de l’Etat (on disait: biens vacants) dès le début des années 80.
*C’est sous sa présidence que la presse privée a vu le jour en 1990. Il avait même commencé à opérer le retrait des militaires de la vie politique du pays en décidant qu’ils ne siègeraient plus dans les instances du FLN, seul parti autorisé à l’époque
*Il était prêt à la cohabitation avec un Parlement à majorité FIS, au premier tour des législatives de 1991.
*Bien sûr, les politiques épiloguent longuement sur son départ de la scène politique. Nous préférons laisser aux historiens le soin de faire la distinction entre le vrai et le faux de tout ce qui a été dit et écrit sur cette période. Il faut dire aussi que ses opposants ont usé de tous les moyens, même les plus vils, contre lui. On se rappelle toutes les attaques, sur sa vie privée et ses proches, dont il a fait l’objet. Même le monument des martyrs (Makam El Chahid) qu’il fit construire et qu’il laisse à la postérité, n’avait pas été épargné par la médisance de ses détracteurs. Il est clair qu’il aura subi plus que quiconque les méfaits de la rumeur qu’utilisaient sans vergogne certains cercles.
*Chadli annonça sa démission aux Algériens, le 11 janvier 1992 au soir, à la télévision.
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Un règne au bilan controversé
«(…) Conscient de mes responsabilités en cette conjoncture historique que traverse notre pays, j’estime que la seule solution à la crise actuelle réside dans la nécessité de me retirer de la scène politique.
Pour cela, chers frères, chères sœurs, citoyens, je renonce, à compter de ce jour, à mes fonctions de président de la République et je demande à chacun et à tous de considérer cette décision comme un sacrifice de ma part au service des intérêts supérieurs de la nation (…).»
C’est par cette lettre laconique, expéditive presque, que le président Chadli annonça aux Algériens, ce 11 janvier 1992 au soir, à la télévision, sa démission. Le départ précipité du «colonel», deux semaines après le raz-de-marée du Front islamique du salut, vainqueur du premier tour des élections législatives (25 décembre 1991), augurait de l’enfer à venir. Le vertige. Après 13 ans de règne monolithique, l’homme quitte le navire, laissant un pays en proie aux convulsions, au bord de la guerre civile.
Vingt ans après sa démission (volontaire ou forcée), le président Chadli Bendjedid, personnage haut en couleur – incontestablement le plus raillé des présidents algériens –, suscite la controverse, sur son bilan notamment, ses choix et actes de gestion et gouvernance. Il est l’«homme de l’ouverture démocratique» post-Octobre 88 pour ses partisans et les commentateurs les plus indulgents, un «roi fainéant», le pourfendeur de la République pour d’autres. Une chose est sûre, Chadli, le 3e président de la RADP, associa à jamais son nom à l’une des périodes les plus vertigineuses de l’Algérie indépendante : émergence de l’islam politique, répression, corruption, verrouillage de la société, suspension des libertés publiques et privées, inflation, chômage, pénurie alimentaire, de devise, chute vertigineuse des prix du pétrole… la liste est longue pour celui qu’on présentait comme un Président pas du tout «assoiffé de pouvoir». Un Président «bénévole» presque. «Je jure que durant toute cette période, déclarait Chadli : je n’ai jamais cherché à être chef. Toutes les responsabilités que j’ai exercées m’ont été imposées (El Watan, 27 novembre 2008)». N’empêche, l’homme est soupçonné de collusion avec les islamistes, accusé de leur ouvrir un long corridor pour la prise de pouvoir. Un «deal» que réfute catégoriquement son puissant chef de cabinet et son éminence grise, Larbi Belkheir (décédé depuis).
Les événements d’Octobre 88, qui ont porté les islamistes jusqu’au seuil du pouvoir, sont, selon Larbi Belkheir, «la conséquence du marasme général (…) mais aussi l’expression de l’affolement qui s’est emparé de ceux qui craignaient que les réformes (annoncées lors discours de Chadli du 19 septembre, ndlr) leur fassent perdre tout ou une partie de leur influence, de leur pouvoir (…) et remettent en cause les rentes de situation que procurait auparavant la manne pétrolière». Le «cardinal de Frenda» (Larbi Belkheir) dément toute collusion entre les islamistes et Chadli, un président qui avait, d’après lui, «le bon sens et la logique du paysan», mais aussi «un côté naïf et sincère». C’est ce même Larbi Belkheir et une brochette d’omnipotents colonels (Kasdi Merbah, Rachid Benyellès, Mohamed Rouget (général Attaïliya), Mohamed Belhouchet, etc.) qui, pourtant, ont décidé au lendemain de la mort du colonel Boumediène de porter cet homme au «bon sens et à la logique du paysan, naïf et sincère» à la tête de l’Etat. Ce fut lors d’un conclave qui s’est tenu à l’Ecole militaire d’ingénieurs (Enita) (La Pérouse) – dont Belkheir était le commandant –, et qui fut convoqué par le commandement de l’armée. «Dans ce choix, écrivait Harbi (L’Algérie et son destin, croyants ou citoyens), la Sécurité militaire avait joué le premier rôle. Ses chefs (Merbah, Yazid Zerhouni, Ferhat Zerhouni et Tounsi) connaissaient bien le pays et le personnel dirigeant, mais n’avaient pas le poids des chefs des Régions militaires (…).» Harbi parle par ailleurs d’un «accord entre Bitat, Yahiaoui et Chadli pour gouverner le pays. Mais la formule d’un triumvirat fut écartée par la direction de l’armée, au profit de celui qu’elle avait désigné».
«Deux tendances politiques s’affrontaient dans ce duel sans merci que se livraient le ministre des Affaires étrangères et le coordinateur du FLN. La première tendance qui contrôlait les appareils d’encadrement existants avait le soutien du PAGS, des Frères musulmans, baâthistes (…) et la seconde incarnée par Bouteflika appuyée par la bourgeoisie privée et une partie non négligeable de la bourgeoisie d’Etat et qui promettait dans les allées du pouvoir une certaine ouverture politique et économique», a souligné pour sa part Abdelkader Yafsah (La question du pouvoir en Algérie). Yefsah affirme que Merbah – assassiné en 1993 – aurait menacé les opposants à Chadli de rendre publics des «dossiers compromettants les concernant».
Yahiaoui comme Bouteflika et tous les autres soupirants (Taleb Ibrahimi, Belaïd Abdeslam, Bencherif, etc.) passent gentiment à la trappe. Intronisé, Chadli, le primus interpares, l’«officier le plus ancien dans le grade le plus élevé» éclate en larmes, raconte le commandant de la gendarmerie, Ahmed Bencherif. «Des membres du Conseil de la révolution comme Abdelghani et Taïbi El Arbi ont déclaré sincèrement qu’il fallait désigner le plus faible qui était Chadli, et Merbah, que Dieu ait son âme, s’est réjoui de ces propos, et il a tenu, après cela, une réunion de l’ensemble des commandants des Régions militaires, en sa qualité de secrétaire général du ministère de la Défense, et il les a informés que Chadli Bendjedid a été désigné à la tête de la Présidence. Chadli s’est effondré en larmes, puis il s’est dépêché d’écarter les membres du Conseil de la révolution.»
Bouteflika criera au «coup d’Etat à blanc». Sur les ondes d’Europe1, Bouteflika déclarait en 1999 : «J’aurais pu prétendre au pouvoir à la mort de Boumediène, mais la réalité est qu’il y a eu un coup d’Etat à blanc et l’armée a imposé un candidat.» Elwatan-07.10.2012.
**Pouvoir de l’ombre et ombre du pouvoir
Chadli Bendjedid a accepté de se faire hara-kiri en quittant le pouvoir sur la pointe des pieds sans jamais lever le voile sur les rentiers du FLN…et d’autres.
Tant que Chadli Bendjedid n’aura pas livré – un secret qu’il aura gardé jusqu’à sa mort – les noms des personnes qui lui avaient conseillé d’aller aux élections législatives en l’assurant, sur la foi des rapports des services de sécurité, que le risque de l’ex-parti dissous de remporter la majorité parlementaire était nul, il assumera, seul, devant l’histoire, la responsabilité politique des événements qui avaient suivi les élections législatives avortées de décembre 1991. Le docteur Mahieddine Amimour, qui avait travaillé aux côtés du président défunt en qualité de directeur de l’information à la présidence de la République, a confirmé samedi, dans un témoignage sur Ennahar TV, cette version des faits corroborée par un autre témoignage, livré hier par l’avocat, maître Miloud Brahimi, sur les ondes de la radio Chaîne III.
Mais sur le fond, sur la légalisation du FIS, les avis d’anciens proches collaborateurs de Chadli convergent tous pour dire qu’entre l’activité des islamistes dans la clandestinité et leur intégration dans le jeu politique, l’ancien Président a choisi l’option de la légalité pour mieux contrôler et encadrer ce courant. Ce choix politique, il l’a toujours assumé. Les pouvoirs constitutionnels que lui conférait la Constitution en matière de dissolution du Parlement le confortaient dans l’idée qu’il avait pris la bonne décision, pour la préservation de la stabilité du pays, en allant aux élections législatives dans les conditions politiques d’alors. Cet attachement à la légalité que revendiquait le défunt Président aurait pu rencontrer un écho dans la classe politique et au sein de la population, qui a souffert des conséquences tragiques de la décennie noire, si la même fermeté avait été observée pour le respect de la Constitution dans ses dispositions relatives à la création des partis politiques qui excluent l’existence de formations fondées sur des bases religieuses.
Tout le mal est venu de cette permissivité accordée à ce courant qui a opté, dès son apparition, pour la violence politique, puis armée, pour arriver au pouvoir. Accusé d’avoir conclu un deal avec les islamistes du FIS pour une cohabitation «gagnant gagnant», Chadli Bendjedid n’a pas réussi à convaincre les décideurs que la démocratie ne se serait que mieux portée si on avait laissé le FIS gouverner pour mieux faire découvrir à l’opinion la dangerosité de ce courant, à l’épreuve de l’exercice du pouvoir. C’est ce que le sociologue Lhouari Addi avait appelé la «régression féconde». Un scénario que les Tunisiens et les Egyptiens sont en train d’expérimenter aujourd’hui avec les convulsions que l’on sait, même s’il n’y a aucune comparaison possible dans la doctrine politique des partis islamistes de ces deux pays et le FIS, du moins dans la forme qui sous-tend leur action politique. Ayant refusé d’interrompre le processus électoral pour ne pas être accusé d’avoir dévoyé le processus démocratique engagé et par respect de la légalité constitutionnelle, Chadli Bendjedid a choisi la porte dérobée de la démission librement consentie ou forcée.
Pourtant, avant la tenue des élections et après le scrutin, il avait entre ses mains un dossier en béton pour disqualifier le parti dissous en le déclarant inéligible pour cause d’irrégularités et de graves infractions à la loi sur les partis dont s’était rendu coupable ce parti avant les élections (trituration des listes électorales, menaces des électeurs…) et pendant le scrutin (fraude électorale avérée). Il ne l’a pas fait. Les compromis de pouvoir qu’il a scellés dans l’appareil du FLN et dans les sphères de décision ne lui ont pas plus souri. Il a accepté de se faire hara-kiri en quittant le pouvoir sur la pointe des pieds sans jamais lever le voile sur les rentiers du FLN que les réformes engagées dérangeaient, disait-il, et qu’il n’a cessé de désigner comme les principaux responsables des heurs et malheurs qui se sont abattus sur le pays durant toutes ces années. *Par Omar Berbiche- El Watan.08.10.2012.
** un Président sous influence
La mort de Chadli Bendjedid a plongé l’Algérie dans une sorte d’amnésie collective encouragée par le vibrant hommage officiel que lui rend la nation. Bombardé par les professionnels de la nécrologie “père de la démocratie algérienne”, Chadli Bendjedid était pourtant un président sous influence.
La vie du troisième Président algérien a été peuplée de blagues de la rue algérienne. Des blagues souvent à son désavantage qui le présentaient comme un Président à la limite du simplisme et qui souffre de la comparaison avec ses contemporains qu’étaient François Mitterrand ou Ronald Reagan. Lors de sa visite aux USA, on demande à Chadli “ce qui l’a le plus impressionné”. Il répond : “Ce sont les enfants américains. Ils savent déjà parler anglais !” était une de ces blagues assassines qui reflétaient une forme d’opinion publique répandue que Chadli Bendjedid n’était pas à sa place à la présidence de la République, mais qui en faisait un homme forcément sympathique.
À l’heure de ses obsèques, c’est cette nostalgie d’une époque qui semblait bénie pour certains qui est mise en avant. Le révisionnisme politique ambiant aide à dresser de Chadli Bendjedid un portrait biaisé, surtout en relation avec son apport à la démocratie et au multipartisme, que ses admirateurs mettent en avant. Mais qu’en était-il réellement ? Chadli était-il un homme de rupture ou un président qui s’est accroché au pouvoir au risque de glisser le pays dans l’abîme ? Était-il cet homme “gentil”, adepte du jet-ski ou un militaire qui a appris le pragmatisme politique au point de devenir un excellent manœuvrier ? Son bilan était-il le sien ou celui des personnes qui avaient son oreille ?
Octobre 88 : la tache noire
La vérité est entre les deux. Comme lors de ce conclave de l’armée algérienne au Commandement des forces terrestres, à Aïn Naâdja, lorsque l’ancien ministre de la Défense, le général Khaled Nezzar appela la crème de l’état-major, entre le 5 et le 10 octobre, pour plancher sur un rapport confidentiel dénommé “Chadli Bendjedid ou le syndrome de Ceausescu”. Dans la rue, des jeunes Algériens tombaient sous les balles. Des prisons secrètes étaient improvisées. Des centres de torture provisoires étaient organisés.
L’armée voulait mettre fin à cette folie meurtrière d’Octobre 88 qui a fini par l’affecter et était décidée à pousser Chadli Bendjedid vers la sortie. Des émeutes d’Octobre, prémices d’un printemps arabe avant l’heure, dont l’armée soupçonnait Chadli Bendjedid d’en être l’instigateur secret. Ce qui a fait dire à Sid-Ahmed Ghozali dans Autopsie d’une tragédie, le documentaire sur ces événements du réalisateur Malik Aït Aoudia, “la mèche d’Octobre 88 a été allumée à la Présidence”.
Chadli Bendjedid était considéré donc par le système comme un pyromane. Octobre 88 n’a été que le point d’orgue d’une perte de souveraineté lente et calculée qui avait débuté avec son règne en 1980 et qui a été marquée par des règlements de comptes insondables dont a été victime, entre autres, l’actuel président Bouteflika et sa famille, chassés de leur propre maison par le ministre de l’Industrie de l’époque de Chadli Bendjedid. Ce dernier poussant la vendetta ou la “déboumédienisation” jusqu’à poursuivre Bouteflika devant la Cour des comptes tout en sachant que les fonds manipulés au ministère des Affaires étrangères étaient un sujet de sécurité nationale. Pas rancunier, Bouteflika lui rend un hommage national.
Erreurs stratégiques et alignement
Chadli Bendjedid, malgré son passé révolutionnaire et son parcours au sein de l’ANP salués par tous, s’est révélé, paradoxalement, être un des fossoyeurs de la sécurité nationale.
Il a traité avec une telle désinvolture les questions stratégiques qu’il a réussi, en l’espace de quelques années (1980-1986), à affaiblir les capacités de réaction algériennes. Comme les grandes entreprises publiques économiques qu’il a fragmentées, il en fit de même avec la sécurité militaire, transformée en DGPS (et reconstituée en DRS en 1990) qu’il a vidée de ses ressources comme la capacité d’enquêter sur la corruption au sein même de ces entreprises qui allait devenir endémique. Chadli était également sourd à la menace islamiste qui grondait, utilisant les pères de la “Sahwa islamique” tels que Sahraoui, Abassi Madani ou Nahnah comme contre-feux au mouvement berbériste, encouragés par son MAE, Taleb El-Ibrahimi, qui a fini par transformer la diplomatie algérienne en succursale de l’Élysée.
C’est sous son règne que des milliers d’Algériens partirent à Peshawar, via Djeddah, pour constituer “les Afghans algériens” et revenir avec un “savoir-faire” meurtrier. Sa présidence était sous l’influence de l’axe Paris-Washington-Riyad qui faisait tout pour “désocialiser” l’Algérie et l’extraire de l’influence ex-soviétique jusqu’à démanteler l’appareil militaire de l’ANP dont il a brisé la chaîne de commandement comme le reflète “l’affaire Beloucif”.
Ce fut également lui qui signa en 1989 la grâce des anciens du MIA dont Chebouti, Meliani et Baa, seulement deux ans après leur arrestation dans le cadre de “l’affaire Bouyali”, qui allaient former le GIA.
Les erreurs stratégiques de Chadli Bendjedid furent légion et il savait pertinemment qu’il allait jouer sa réputation sur la transition démocratique entre 1988 et 1992, date d’un départ forcé et salutaire.
Car, ce que l’on attribue à Chadli Bendjedid comme point positif est souvent l’œuvre d’un autre. De ces hommes d’influence qui l’ont entouré et donné à sa fin de règne une forme de bilan politique.
Le multipartisme est sorti du cerveau bouillonnant d’un Larbi Belkheir, son ancien chef de cabinet, qui avait fini par se brouiller avec lui et rejoindre les thèses de l’armée, et d’un Mouloud Hamrouche, son dernier Premier ministre, qui a su donner à cette ouverture politique et économique un parfum de réformes.
L’ouverture aux médias a été pilotée par Mohamed-Salah Dembri, un homme de convictions. La démocratisation de la société et le désenclavement du système étaient le fruit de l’analyse fertile d’un Aboubakr Belkaïd. La sortie de l’ANP du parti unique (FLN ) était une décision collégiale de l’état-major. Chadli a été l’épicentre involontaire d’un plan pour la survie du système qui se devait de faire peau neuve et les ponts furent définitivement et réellement coupés avec le “maître d’El-Mouradia” quand ce dernier a accepté de cohabiter avec le FIS au Parlement juste pour sauver sa tête. Ainsi, Chadli Bendjedid a traversé son époque comme un faible décideur qui sait se montrer habile en temps de crise et effacé dans les temps prospères. Pour Octobre 88, c’est l’Histoire qui le jugera comme pour la répression des émeutes de La Casbah, de Sétif ou de Constantine. Si Chadli Bendjedid gouvernait maintenant, il aurait été traité de la pire façon que Moubarak et Ben Ali réunis. Mais en ces temps de recueillement, on est plus enclins à préserver l’homme et à dissoudre son bilan tout en oubliant que pour un chef d’État seul les actes publics comptent. Même s’il était brillant aux dominos.*Liberté-08.10.2012.
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Biographie. Le troisième Président de l’Algérie indépendante :
Chadli Bendjedid, 3e président de l’Algérie indépendante (1979-1992), est décédé à Alger à l’âge de 83 ans, des suites d’une longue maladie. Né en 1929 à Seba’a dans la commune de Bouteldja (El Tarf), Chadli Bendjedid s’est engagé, dès 1954, au FLN, avant de rallier une année plus tard l’Armée de libération nationale (ALN) dans la Wilaya II (Constantinois).
En 1956, Chadli occupa une responsabilité dans sa région, pour devenir en 1957 adjoint du chef de zone et capitaine chef de zone en 1958. Il fait un bref passage au commandement opérationnel de la zone Nord en 1961 et, une année après, il fut nommé chef de la 5e Région militaire (Constantine) avec le grade de commandant. A l’indépendance, en 1963, il supervise le retrait des troupes françaises de cette région avant de prendre le commandement de la 2e Région militaire (Oranie) le 4 juin 1964.
Il fut membre du Conseil de la révolution algérienne, le 19 juin 1965, après le renversement du président Ahmed Ben Bella. En février 1968, il contrôle également le retrait des troupes françaises de l’Oranie, en particulier l’évacuation de Mers El Kebir. Une année plus tard, il est promu au grade de colonel. Pendant la maladie du défunt Houari Boumediène, en 1978, Chadli Bendjedid était chargé d’assurer la coordination des affaires de la défense nationale.
Désigné secrétaire général du FLN en janvier 1979, à l’issue du 4e congrès, puis candidat à l’élection présidentielle, il fut élu président de la République le 7 février 1979, tout en assumant le portefeuille du ministère de la Défense nationale, jusqu’à juillet 1990, date où il a cédé ce poste au chef d’état-major de l’ANP, le général Khaled Nezzar. Réélu au poste de secrétaire général du parti FLN en décembre 1983, Chadli Bendjedid est choisi comme candidat à la présidence de la République par le 5e congrès du FLN pour un second mandat.
Il sera réélu président de la République par deux fois de suite en 1984 et en 1989. Au lendemain des événements d’Octobre 1988, Chadli Bendjedid engage diverses réformes politiques parmi lesquelles la révision de la Constitution qui consacrera le multipartisme, dès février 1989. En juin 1991, il proclama l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national et décida le report des élections législatives du 27 juin de la même année.
Après avoir procédé le 4 janvier 1992 à la dissolution de l’Assemblée populaire nationale (APN), Chadli quitte la responsabilité de l’Etat en remettant sa démission, le 11 janvier 1992, au Conseil constitutionnel, devant les caméras de la Télévision nationale. Durant la période qu’il a passée à la tête de l’Etat algérien, il a été à l’origine de la création de l’Union du Maghreb arabe (UMA), à l’issue d’une rencontre en 1989 à Zéralda entre les dirigeants des pays du Maghreb arabe. ( APS)
Communiqué de la présidence de la République :
Deuil national de huit jours
«Afin de permettre aux membres des corps constitués et à la population de se recueillir à la mémoire du regretté défunt, la dépouille de celui-ci sera exposée au Palais du peuple, le dimanche 7 octobre 2012, à partir de midi», a indiqué un communiqué de la présidence de la République.
L’enterrement de l’ancien chef d’Etat aura lieu le lundi 8 octobre 2012, après la prière du dohr au Carré des martyrs, au cimetière El Alia. En cette douloureuse circonstance, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a décrété un deuil national de huit jours sur l’ensemble du territoire national, à compter d’hier, ajoute le communiqué de la Présidence. (APS)
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Sid Ahmed Ghozali à Montréal:
Ceux qui dirigent ne sont pas ceux qu’on voit
Les trois péchés capitaux du systéme : il ne respecte pas ses propres lois, croit à tort qu’une société fonctionne aux ordres comme une armée et enfin travaille dans l’impunité. Ce qui mène obligatoirement à des décisions erronées dans tous les domaines
L’ancien chef de gouvernement algérien a donné jeudi (04.10.2012.) une conférence aux HEC de Montréal sur «Les difficultés de la construction d’un Etat».
*Montréal (Canada).
Du correspondant d’El Watan.Samir Ben
L’ancien chef de gouvernement algérien, Sid Ahmed Ghozali, a fustigé, à partir de Montréal, le système algérien qui n’aurait pas changé, selon lui, depuis l’ère Boumediène. Lors de son passage ce mercredi dernier à l’émission «Rencontres berbères» de Radio Centre-Ville de Montréal, celui qui était chef de gouvernement entre juin 1991 et juillet 1992 a affirmé que «l’Algérie est toujours gérée par le système de Boumediène, mais sans Boumediène, ce qui est pire !» Car du temps de Boumediène, il était clair que c’était lui le chef. A sa mort, on s’est gardé de lui donner un successeur. Ceci permet une gestion occulte du pays : ceux qui dirigent ne sont pas ceux qu’on voit. «Boumediène n’a jamais dit aux Algériens qu’il allait leur ramener la démocratie», a soutenu M. Ghozali.
Il assumait la nature dictatoriale de son règne puisqu’il signait au nom du Conseil de la révolution – une façon politiquement correcte de nommer une dictature. «Donc, il n’a pas menti aux Algériens sur le plan constitutionnel et il s’est occupé des problèmes du peuple, qui le lui a bien rendu», affirme Sid Ahmed Ghozali, faisant allusion au président Bouteflika qu’il ne prend pas pour «le problème de l’Algérie, mais un des problèmes du pays».
Les promesses de réforme du président algérien ne trouvent aucune grâce aux yeux de l’ancien chef de gouvernement. «La mère des réformes, en Algérie, a été faite en 1989» et le problème réside dans la non-application des lois et des règlements. Il a donné l’exemple de son parti, le Front démocratique, qui est autorisé par la loi mais interdit de facto par le gouvernement. Devant l’animateur de l’émission, Mourad Mahamli, et Aziz Fares, l’ancienne gloire de la Radio algérienne et actuellement animateur à Radio Ville Marie, M. Ghozali a dressé un tableau noir de la situation actuelle des libertés démocratiques en Algérie.
Se défendant de faire partie de ce système et d’être de ceux qui ne découvrent l’opposition que lorsqu’ils sont exclus, il a affirmé qu’il a déjà dit ce qu’il pense publiquement du système, dans une lettre de quatre pages après l’assassinat du président Boudiaf.
Une lettre qui aurait été boudée par la presse algérienne. Le successeur de Mouloud Hamrouche n’a pas clairement défini le système algérien quand les animateurs le lui ont demandé. Il l’a décrit comme étant l’ensemble des institutions qui gèrent le pays. Il ne l’a pas lié nécessairement aux services de sécurité ou à l’armée. «La réalité du système algérien est l’opposé même des textes qui le définissent (Constitution, lois… ndlr)», a-t-il soutenu. Il lui reproche ce qu’il appelle les trois péchés capitaux : il ne respecte pas ses propres lois, croit à tort qu’une société fonctionne aux ordres comme une armée et enfin travaille dans l’impunité. Ce qui mène obligatoirement à des décisions erronées dans tous les domaines.
Celui qui a dirigé Sonatrach entre 1966 et 1977, nommé par Boumediène, trouve que la nature du système algérien lui-même a fini par donner une société, la seule au monde, qui «vit à partir d’une richesses qu’elle ne crée pas». Enfin, pour lui, les erreurs de l’Algérie remonteraient aux choix politiques à l’indépendance. Au lieu d’un système démocratique, les Algériens ont préféré le système du parti unique, car c’était la seule façon de protéger l’indépendance, selon le consensus de l’époque. La responsabilité de ce choix, selon Sid Ahmed Ghozali, est partagée entre tous les Algériens.
L’ancien chef de gouvernement algérien a donné jeudi une conférence aux HEC de Montréal sur «Les difficultés de la construction d’un Etat».
Elle a été modérée par le professeur en management de la même école, Taïeb Hafsi. Ceci entre dans le cadre de la première Semaine internationale des HEC de Montréal, en collaboration avec la fondation Club Avenir. Le thème retenu est «L’Algérie et sa culture». Vendredi, il a participé, avec Wassyla Tamzali, à une table ronde sur le Printemps arabe, à l’invitation du conseil consultatif international de HEC Montréal.*Elwatan-07.10.2012.
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4-L’Algérie de Boudiaf
Réduit à sa plus simple expression, le projet de Boudiaf se présente comme suit : restauration de l’autorité de l’Etat, rupture radicale avec les hommes et les pratiques de l’ancien système, prise en charge des problèmes sociaux les plus aigus et espoir à redonner aux jeunes. Ce programme est plus que jamais d’actualité, notamment en ce qui concerne l’ancien système et les jeunes. Dans un discours à la nation, le 10 février 1992, il annonça l’instauration de l’état d’urgence, après avoir pris la décision de geler les activités du FIS. Pour lui, « L’Algérie se remettra au travail. C’est un véritable défi, un véritable combat ». Son thème de prédilection –la corruption- (qui lui coûta la vie) s’afficha : « Notre crédibilité dépend de notre lutte contre la corruption » (1).Le 22 avril 1992, il installa le Conseil consultatif national (CCN) –sorte de mini- parlement, non élu. A cet égard, il fixa les cinq principes de la lutte anti-corruption : « Le peuple a raison de demander des comptes (…). Il a droit de savoir. Nous avons promis d’ouvrir des dossiers et nous tiendrons parole. Personne ne pourra se servir de moi pour se venger ou régler des comptes. Les dossiers des biens mal acquis seront traités dans un cadre légal avec les moyens de la justice. Toutes les précautions seront prises (…) pour en finir une fois pour toutes avec ces pratiques. Je suis favorable à la mise en place d’une commission d’enquête pour l’étude de certains dossiers de corruption » (2).
Aussi, face à la triple crise (morale et intellectuelle, politique et économique), Boudiaf a préconisé (3) : la transition vers une économie de marché véritable, libérant les initiatives des citoyens et l’esprit d’entreprise ; la restauration de l’autorité de l’Etat ; la persistance de la présence de l’Etat dans certains secteurs stratégiques ; la relance de l’agriculture qui est une priorité et la réalisation de plus de justice sociale et de solidarité.
Vidéo: Hommage à Mohamed Boudiaf
Pour ce faire, il y a lieu d’adopter « une attitude pragmatique et refuser les idéologies ». Ainsi, s’expliquant sur son retour, il indiqua : « J’ai accepté de revenir en Algérie parce que j’ai senti qu’il était de mon devoir de revenir avec la conviction que ma présence pouvait apporter un élément nouveau qui permettrait à ce pays de se dégager de la situation dans laquelle il vit depuis ces dernières années ».
A l’observation, « votre seule force est l’armée », il répondit : « C’est faux. Si l’armée a fait appel à Boudiaf, c’est parce qu’elle a senti le devoir appel à un homme qui est resté en dehors du système » (4).
De même, il pensait que la démocratie « signifie le choix du peuple en matière de choix politiques clairs. Il faut que les prétendants à un rôle politique avancent des programmes politiques, une vision politique, un projet de société, une société moderne… Le bon musulman que je suis s’inscrit en conformité avec l’Islam qui est d’essence progressiste, tolérant et moderne » (5).
A cet égard, dans le projet de plate-forme pour « le rassemblement patriotique », le mot d’ordre retenu fut « L’Algérie avant tout ». Ce projet indique que ce rassemblement n’est pas un parti, encore moins un parti unique ; il « ne sera pas le résultat de compromis opportunistes ou de marchandages politiciens » ; d’où l’idée de « rupture radicale » et l’ « élaboration d’une stratégie à long terme au service d’une ambition nationale » (6).
Dans un « Appel » au nom du RPN « Rassemblement Patriotique National », Boudiaf a parlé d’un projet dont les axes sont : Une démocratie pluraliste » avec comme corollaires l’Etat de droit, le multipartisme, l’alternance et « l’assainissement des moeurs politiques, une économie moderne » (et non plus une économie de rente) qui passe par les catégories du marché et du travail et une société solidaire » qui combat les injustices et répond aux problèmes du logement et le chômage (7).
Ainsi, décrit comme un « Saint Juste national, idéaliste, inflexible, radical » (8), avec un franc-parler, un esprit de décision et une volonté de rupture radicale, il fut assassiné le 29 juin 1992 à Annaba. A ce sujet, une commission fut instituée afin de faire la lumière sur les circonstances de cet assassinat.
Après avoir identifié l’auteur de l’assassinat comme étant un élément de la Sécurité (en l’espèce, le sous-lieutenant Boumarafi Lembarek, cadet de la Révolution s’il en fut), les commanditaires restent à découvrir puisqu’on s’est orienté vers « la piste de la mafia militaro-politico-financière » (9). Force est de constater que ladite commission n’a fourni aucun résultat probant.
En tout état de cause, après avoir été adopté par la rue qui le baptisa affectueusement tour à tour Ramsès II et Lee Van Cliff, il fut salué comme « le représentant le plus typique du nationalisme radical algérien » (10). L’un de ses compagnons « historiques », Hocine Aït Ahmed, a pu dire : « Je pense que le retour de Boudiaf est une bonne chose. Mais qu’une hirondelle ne fait pas le printemps dans un pays où il y a tant de faucons » (11). De même, Mostefa Lacheraf a pu dire de lui : « Les critiques envisagées dans le projet de Boudiaf ne pouvaient satisfaire ni le pouvoir succédant au grand disparu, ni les groupes politico-religieux » (12).
Khaled Nezzar, Général-major à la retraite et ancien ministre de la Défense nationale, après avoir fait état de « ses convictions évidentes, son courage lucide et la simplicité de ses rapports », il indique que : « Son étonnante capacité de travail et son sens moral de la vie politique, se confondant chez lui avec la morale de tous les jours, lui valut outre le respect et la collaboration loyale des membres du Haut Comité d’Etat, la confiance d’un grand nombre d’institutions publiques, de représentants de la société civile et de certains leaders de la classe politique » (« El Watan » du 15/05/1996). Qui doit-on croire ?
Ammar KOROGHLI , Avocat-auteur Algérien (notamment de : « Institutions politiques et développement en Algérie »)
Notes :
1- “Algérie-actualité” du 16/4/92
2- “El Moudjahid” du 28/6/93
3- “El Moudjahid” du 23/4/92
4- “Algérie actualité” du 23/4/92
5- “El Moudjahid” du 17/5/92
6-“El Moudjahid” du 9/6/92
7- “El Moudjahid”du 21/7/92
8- “Algérie actualité” du 29/7/93
9- “Algérie actualité” du 9/7/92
10- “Algérie actualité” du 5/3/92
11- “Algérie actualité” du 16/4/92
12- “El Watan” du 30/8/93
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Les Généraux Khaled Nezzar, Toufik et Smain Lamari accusés d’être les commanditaires de l’assassinat du président Mohamed Boudiaf
**Cela fait exactement vingt-quatre ans, le 29 juin 1992, que Si Tayeb El Watani était assassiné à Annaba alors qu’il prononçait, en direct, un discours sur la télévision algérienne. Les images choc de cet assassinat de feu Mohamed Boudiaf, resteront à jamais imprimées dans les mémoires des algériens. Vingt-quatre ans après cet horrible assassinat du père fondateur de la révolution algérienne, le mystère reste demeure entier quant aux vrais commanditaires de cet assassinat et leur objectif.
**Les anciens généraux à la retraite notamment les vivants d’entre eux, Mohamed Médiene, alias Toufik et Khaled Nezzar qui étaient les patrons incontestés du pays durant les années 90, s’apprêtent apparemment à vivre de sales temps. On assiste en effet à un feu nourri qui vient de partout et qui converge vers ces deux ex hauts gradés de l’armée qui sont accusés aujourd’hui d’avoir été responsables de tous les maux de l’Algérie.*cliquer ici: Histoires de Général.2
En 1992, Farid Kacha, psychiatre, est sollicité pour expertiser l’état psychique de Lembarek Boumaârafi, jugé pour l’assassinat du président Boudiaf. Dans L’assassinat d’un président, il raconte ses rencontres avec le prévenu et tente de donner aux lecteurs des clés pour comprendre la psychiatrie.
A quel moment peut-on considérer qu’un homme a tué par folie ? Comment s’est passé le travail des psychiatres après l’assassinat de Mohamed Boudiaf et l’arrestation de Lembarek Boumaârafi ? C’est à ces deux questions que L’assassinat d’un Président tente de répondre. En 1992, le professeur Farid Kacha, psychiatre, a été désigné par la justice comme l’un des deux experts chargés de déterminer si le lieutenant Lembarek Boumaârafi avait assassiné le président Boudiaf en toute conscience, ou sous l’emprise d’une pathologie psychiatrique qui aurait altéré sa capacité de discerner le réel.
Aujourd’hui, en fin de carrière, il explique vouloir témoigner mais aussi rendre hommage à Mohamed Boudiaf : «Ce livre, je me devais donc de l’écrire, comme un devoir, un témoignage à la mémoire d’un Président, pour lequel j’ai le plus grand respect.» L’auteur commence par une partie didactique où sont explicitées les notions de psychiatrie, comme le délire, les troubles, et où sont décrites les différentes pathologies mentales existantes.
Dans une deuxième partie, Farid Kacha raconte comment il a été sollicité par la justice, comment il a rencontré Lembarek Boumaârafi avant le procès, puis des années plus tard, et comment les experts étaient en désaccord sur son état psychique. Si l’auteur affirme ne révéler aucune information inédite, l’ouvrage permet de comprendre comment s’est effectué le travail d’un psychiatre, confronté à un épisode de l’histoire de l’Algérie. «L’expertise a fait figure de luxe inutile, raconte Farid Kacha.
Elle est restée à la porte de la réflexion collective, parce qu’en réalité, d’autres éléments ont pesé trop lourd et trop fort.» Il rappelle également que la notion de «folie» est bien plus complexe que ce que l’on croit, et que les pathologies sont aussi, en partie, liées aux histoires des sociétés.*Beratto Leïla/ el watan / vendredi 01 juillet 2016
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