Pouvoir.mythe et réalité

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      **Points de vue

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La vraie nature du pouvoir actuel en Algérie

*Entretien avec  Me Ali Yahia Abdenour 

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Bouteflika et Toufik ont des styles différents mais ils sont de la même veine

Avocat et militant infatigable des droits de l’Homme, Me Ali Yahia Abdenour revient dans cet entretien sur la condamnation du général Hassan, la lettre du général ToufikLouisa Hanoune, le système politique, les relations entre le président Bouteflilka et l’armée…

**La condamnation du général Hassan à fait réagir Toufik et Hanoune. Est-il défendable ?

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Bien sûr, comme tout le monde. Dans notre pays, il suffit que la raison d’État soit invoquée pour la justice, qui n’est pas sortie grandie des procès politiques mais affaiblie, déconsidérée, marquée par la méfiance et le désaveu des Algériens, soit soumise. Ce qu’il importe aux juges militaires de savoir sur l’accusé (le général Hassan), c’est ce qu’il est, ce qu’il représente et non ce qu’il a fait. C’est-à-dire qu’il soit l’adjoint direct du général Toufik qui est en conflit depuis des années avec le président de la République. Le général Hassan était le chef de la lutte antiterroriste. Est-ce qu’il a été condamné parce qu’il a fait des dépassements dans son service ? Les juges ne jugent pas en leur âme et conscience mais en fonction des consignes données par le pouvoir exécutif, par le chef d’état-major de l’armée (puisqu’il s’agit d’un tribunal militaire) et le ministre de la Justice. Ceux qui bafouent les lois sont les juges qui sont chargés de les appliquer.

En décembre 1985, quand on est passé devant la Cour de la Sûreté de l’État, le jour où on devait rendre le jugement, j’ai rencontré le directeur des affaires juridique au ministère de la Défense et un inspecteur des finances au ministère de la Justice. Il (le premier) m’a salué et m’a touché la main. Je l’ai revu à Alger et il m’a alors raconté qu’il était venu, ce jour-là, pour ramener le jugement à la Cour. Le procès du général Hassan a mis en relief la confusion du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire qui n’est qu’un outil entre les mains du chef d’état-major de l’armée.

**Que pensez-vous de la déclaration du général Toufik ?

Les 25 ans passés à la tête du DRS ont fait de lui l’homme le plus puissant de l’Algérie. Il était un État dans un État. Les signaux captés et décodés par la presse informaient le président de la République qu’il détenait la réalité du pouvoir et qu’il aurait toujours le dernier mot et qu’il ne lui restait plus, selon la formule consacrée, qu’à se soumettre ou se démettre. La marche vers et sur les sommets et leurs prestiges ne dure pas et la descente peut être dure et brutale.

Le décret législatif du 30 septembre 1992 qui avait créé les trois Cours spéciales de justice, juridictions d’exception, inaugurait la justice politique où l’arbitraire au nom de la loi est un élément fondamental du jugement. Médiène détenait l’essentiel des leviers de cette justice, pesait d’un poids lourd, démesuré sur son fonctionnement et sur ses décisions. Les Cours spéciales de justice ne sont pas des lieux où la justice est rendue mais des instances politiques où le pouvoir juge ses adversaires, plutôt ses ennemis. Les juges ont des réflexes et des comportements en harmonie avec les services du DRS qui les ont désignés. Les tâches de sécurité doivent être assurées dans le respect des droits de l’Homme et de l’intégrité physique et morale de la personne humaine. La torture, cette forme extrême de terreur, est partie intégrante des interrogatoires qu’elle accompagne ou remplace. Elle est utilisée pour obtenir des aveux de façon à faciliter la condamnation par la justice, des renseignements, mais aussi en guise de châtiment ou par mesure d’intimidation pour recruter des indicateurs. La torture aux conséquences les plus extrêmes, la mort ou le handicap physique à vie est un acte d’infamie, une barbarie qui révolte la conscience de l’humanité. Que sont devenus les disparus ? Des morts sans sépulture ou des vivants sans existence !

**La condamnation du général Hassan rentre-t-elle dans le cadre de règlement de comptes ?

Le général Hassan a fait l’objet d’une vengeance politique de la présidence, pour ne pas dire du Président. Je pense qu’il est nécessaire de revenir à 2004 au moment du deuxième mandat du président Boutefika pour comprendre certaines choses. Taleb Ibrahimi était candidat. Au moment où il se trouvait dans le Sud du pays pour faire sa campagne électorale, il reçoit un colonel qui lui demande de rentrer à Alger pour qu’il rencontre, le lendemain soir vers 21h30, le général Toufik. Taleb Ibrahimi rentre mais ne rencontra pas Toufik. Il apprend deux ans après que le matin même où le soir où il devait voir Toufik, l’option Bouteflika avait été retenue et cela avait un lien avec le secteur des hydrocarbures et la loi de 2005 de Chakib Khelil. Le président Bouteflika avait constaté le désaccord entre Toufik et le chef d’état-major (Mohamed Lamari). Il les a dressés les uns contre les autres. C’est là que Toufik était devenu un État dans un État. Il avait dit à Lamari : je suis plus intelligent que toi, c’est moi qui dois commander.

**Le départ du général Toufik est-il finalement une bonne ou mauvaise chose pour le pays ?

Depuis 1962, le système politique a consacré la primauté de l’armée. Sur le plan politique, il a pris la place des colons et il n’y a pas eu de souveraineté ou de citoyenneté nationale. La question qui s’était posée et qui continue de se poser est : est-ce qu’il y a une armée qui a un État ou un État qui a une armée ? En 1989, la sécurité militaire dépendait de l’armée. C’est le président Bouteflika qui a permis entre 2004 et 2005 au DRS de devenir plus fort que l’état-major et l’armée, de prendre les décisions, d’être un État dans l’État. Aujourd’hui, le président Bouteflika a enlevé les trois départements au DRS pour les intégrer à l’armée en disant que ce département dépend de l’armée. Donc, le DRS revient à sa place.

**Donc son départ ne change rien ?

C’est l’armée qui a le pouvoir. Je vous rappelle que l’indépendance de l’Algérie en 1962 a instauré un système politique issu de l’armée des frontières. Ce système est (était) composé d’un seul homme, un militaire disposant d’une armée, d’une police, d’un parti unique (le FLN) et d’un syndicat unique (l’UGTA) qui a engendré avec la pensée unique, l’homme providentiel, le culte de la personnalité et l’esprit monarchique. Le peuple algérien n’a pas le contrôle de son destin et subit la politique au lieu de la conduire.

**La primauté du militaire sur le civil est donc toujours consacrée ?

C’est l’armée qui fait les élections et qui décide ! On a beau dire que l’état-major est dévoué au président. Mais au sein de l’état-major de l’armée, il n’y a pas que Gaïd Salah, il y a des gens compétents qui vont reprendre le pouvoir ou le garder. Tout passe entre les mains de cet état-major de l’armée qui est comme le groupe des décideurs de 1992.

**La restructuration du DRS n’a donc aucune importance ?

En fait, quand le président Bouteflika constate que l’état-major est puissant, il donne le pouvoir au DRS et quand il constate que celui-là est puissant, il donne le pouvoir à l’armée. Il faut revenir au contexte d’avril 2013 quand Bouteflika était très malade. Il est parti sur un brancard à l’hôpital (en France) au point où même les Français pensaient que c’était la fin. Que s’est-il donc passé ? Le Président sort du Val-de-Grâce à la fin du mois de mai pour aller aux Invalides. Le général Toufik avait des informations disant que Bouteflika allait mourir. Il devait préparer la succession. Il a été contacté par plusieurs personnalités dont Ali Benflis, Sid Ahmed Ghozali et Mokdad Sifi en leur disant : préparez-vous. On va organiser des élections rapidement. On n’a pas le temps. Après son retour, le Président a enlevé les trois départements à Toufik et les a mis sous la tutelle du chef d’état-major. Le deuxième conflit qui est très important est celui lié au quatrième mandat auquel Toufik était opposé.

**À quoi obéit cette stratégie du président Bouteflika ?

Elle se base sur un principe fondamental : l’armée comme base du système politique en Algérie. C’est l’armée qui reste toujours en force et elle restera en force parce que c’est l’armée qui a un État et non le contraire.

Comment le président Bouteflika a enlevé des pouvoirs à Mohamed Lamari pour les donner au général Toufik avant de le limoger et de donner ensuite des pouvoirs à Gaid Salah si le principe de la primauté de l’armée était toujours consacré ?

Bouteflika n’a pas un niveau d’instruction important. Mais ce n’est pas de sa faute. Il a été jusqu’au lycée avant d’aller au maquis. Donc, il a évolué avec Boumédiène. En fait, c’est un des seuls qui ont compris ce qu’est ce système politique algérien. Parce que si vous voulez comprendre toute l’Algérie, ce qui se passe actuellement et ce qui va se passer demain, il faut comprendre ce système politique. Bouteflika compte sur l’armée car il sait que c’est la puissance titulaire de ce pays. Il sait également qu’ils sont divergents. Quand il est arrivé, il a dit qu’il ne voulait pas être les trois quarts d’un président. Il a donc joué entre ces deux parties (DRS et armée) et il continue à le faire.

**Mais il ne pourra pas prendre le pouvoir de l’armée ?

Qui désignent les présidents et les révoquent ? Ce sont les dirigeants de l’armée. Du temps de Mohamed Lamari, le président ne faisait que signer ce que lui proposait le chef de l’armée qui faisait tous les mouvements au sein de l’armée. Par la suite, le président Bouteflika a nommé un vice-ministre qui dépend du ministre de la Défense et donc de lui. Cette situation est inacceptable pour l’état-major et ne va pas durer d’ailleurs. Donc, il y aura un redressement à l’intérieur de l’armée. Cela ne veut pas dire que ça va intervenir maintenant. L’état-major a toujours décidé du pays. Je ne parle pas du chef mais de l’état-major. Les chefs des régions militaires constituent la force de l’armée parce que ce sont eux qui dirigent les troupes. Et cet état-major ne lâchera jamais le pouvoir.

Absolument pas ! Aucun militant ou une militante n’est prêt à mourir pour l’Algérie comme l’ont été les martyrs. Bouteflika est prêt à faire mourir l’Algérie.

**Existe-t-il un espoir de changement avec la révision de la Constitution qui est imminente ?

La Constitution faite par un homme et pour un homme perd de sa signification. Elle ne peut avoir lieu que dans un État de droit où le président est légitime, élu par des élections propres et transparentes. Bouteflika veut rester maître du jeu politique parce qu’il déteste l’idée d’avoir un jour un successeur de son vivant. Fidèl Castro a renoncé à exercer sa fonction parce qu’il n’avait pas la capacité physique pour l’exercer pleinement. Changer de Constitution pour un seul homme, celle du 12 avril 2008, pour donner tous les pouvoirs à Bouteflika, ne serait pas correct, avait dit Vladimir Poutine ! Mais les Constitutions peu appliquées, souvent violées, sont révisées et usées avant d’avoir servi.

Quand l’histoire politique d’un homme est finie, quand son mandat légal se termine, il ne faut pas forcer le destin en ajoutant un dernier chapitre. Dans cette nouvelle révision, s’agit-il de créer ou pas un poste de vice-président ? S’agit-il ou pas d’élever le tamazight au rang de langue nationale ? Le problème majeur est celui de l’officialisation du tamazight avec tous ses attributs qui est une très forte exigence populaire. S’agit-il ou pas de reconnaître la régionalisation ou l’autonomie régionale ?

**Le groupe des 19 pense que le Président est séquestré. Qu’en pensez-vous ?

Il y a un problème de fond. Les trois personnalités du groupe des 19, Khalida Toumi, Mme Bitat, et Mme Hanoune ont accepté le quatrième mandat alors que le Président ne pouvait pas parler et ne pouvait pas faire campagne. La question qui devait être posée est celle-ci : ne trouvez-vous pas catastrophique pour le pays, de confier après trois mandats, un mandat de cinq ans à un président atteint d’une maladie grave et durable qui relève de l’article 88 de la Constitution qu’il faut appliquer ? Il ne s’est pas adressé au peuple depuis le 8 mai 2012 et a tenu quatre Conseils des ministres en 2014. Ces personnalités savaient qu’il était impotent mais qu’il ne voulait pas céder sa place. Cela étant dit, il y a peut-être quelque chose de positive (dans leur démarche). Elles ont voulu trouver une solution au différend entre Bouteflika et Toufik, de les concilier et que le pouvoir soit comme avant. D’ailleurs, on a dit que c’est Toufik qui les manipule…

**Êtes-vous d’accord avec ça ?

Beaucoup d’entre eux sont des éléments de Toufik. Que la presse les qualifie d’opposants, je ne peux pas l’accepter. Ces personnalités ne sont pas une opposition au pouvoir, encore moins au système politique. Mme Hanoune est présentée comme la plus grande opposante dans toute la presse alors qu’elle a servi le système politique. Qu’ils disent que le système est déséquilibré et qu’ils veulent, en fait, le rééquilibrer car ils font partie du pouvoir.

**Que pensez-vous de la polémique autour de la Loi de finances 2016 ?

Les deux chambres du Parlement n’ont pas joué leur rôle qui consiste à non seulement voter des lois mais à contrôler le gouvernement aussi. Et ils ne l’ont jamais fait. En fait, les gens ne connaissent pas celui qui va gagner demain. Ils mettent donc un pied ici et un pied là.

**Quel bilan faites-vous de la situation du pays ?

On a parlé jusqu’à maintenant de politique mais les vrais problèmes sont d’ordre économique et social. La fin de l’année 2015 rappelle la situation de l’Algérie en 1986. Y aura-t-il un deuxième octobre 1988 ? Dès l’année prochaine, les produits seront plus chers. Actuellement, on importe par bateau ce qui nous manque. Mais on revient aux produits importés dans des petits cabas. Les réserves de changes ne vont pas durer ! Dans le système politique algérien, quand ça va très mal, les gens cherchent toujours à prendre les dernières ressources. Et ils vont les prendre. Que va-t-il se passer ? Le jour où les gens auront faim, ils descendront dans la rue. Si ce n’est pas en 2016, ce sera en 2017. Le DRS, qui a la mainmise sur la population, peut exploiter (la situation). Est-ce que les officiers du DRS qui sont à l’intérieur du pays, qui sont en contact avec les jeunes, ne vont pas aller vers la violence ?

**Pourquoi ces agents exploiteront-ils cette situation ?

Parce qu’ils ne peuvent pas accepter qu’ils ne soient pas des dominants.

**Qui est responsable de cette situation, le président Bouteflika ou le général Toufik ?

Bouteflika et Toufik ont des styles différents mais ils sont de la même veine. Ils ont la même pensée unique qui s’épanouit dans le système dictatorial. Ils sont sur le même bateau et ils couleront ensemble, l’un après l’autre. En fait, c’est le système politique qui est responsable de cette situation avec le dernier pouvoir qu’il a engendré dont celui de Bouteflika. Ce dernier pouvoir a voulu redevenir le système politique. Si vous voulez bien comprendre Bouteflika, il ne faut pas oublier qu’il a vécu sous Boumédiène qui était le système politique et non l’un de ses pouvoirs.

**Il a réussi à le faire ?

Non, Bouteflika peut utiliser l’armée un moment mais il ne peut pas la dominer. Il ne peut pas redevenir le système politique comme l’a été Boumédiène. Il voulait revenir à cette situation puisque c’est un dictateur mais il n’arrivera pas. L’armée s’opposera à lui. Le système politique est né avant Bouteflika. Il a fait naître Bouteflika, il ne peut pas le dominer.

**La CNLTD ne reconnaît pas la légitimité de Bouteflika et dénonce l’illégitimité du pouvoir. Êtes-vous d’accord ?

Jamais l’échec du pouvoir n’a été aussi évident. Jamais l’attente d’un changement de système politique et non de changement dans le système n’a été aussi profonde. Il existe en son sein un accord profond sur quelques priorités essentielles autour desquelles le peuple peut se rassembler, la défense du caractère démocratique et pluriel de la société passe en premier. La politique ne vit pas que par ses actes, que si elle apporte des réponses aux problèmes et définit les valeurs auxquelles doit se référer la société.

La CNLTD qui est à l’écoute de son temps et du mouvement de la vie, a une conscience croissante de la responsabilité qui la pousse à consacrer sa vie politique et son énergie à l’intérêt national. Elle fonde ses choix politiques sur l’analyse objective de notre société, de son évolution et de ses contraintes car c’est elle qui ressent le plus le manque de perspectives politique, économique, sociale et culturelle.

La liberté essentielle est la communication des idées qui sont comme des clous, plus on les frappe, plus elles s’enfoncent, s’affirment, s’enracinent. Il n’existe que deux voies conduisant au changement, celle de la violence qu’il faut écarter et celle de la démocratie choisie par l’Instance de concertation et de suivi (Icso), par la rigueur de son analyse.*mercredi 23 décembre 2015 | Par Hadjer Guenanfa | tsa

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Comment on devient chef d’Etat en Algérie

     Des présidents dans l’histoire

Comment ont-ils pris le pouvoir ? Dans quelles circonstances l’ont-ils quitté ? Comment s’est organisée leur succession ? C’est à ces questions cruciales que se propose de répondre cette série d’enquêtes consacrée aux principaux chefs d’Etat qui ont présidé aux destinées de notre pays depuis l’Indépendance. Il ne sera donc pas ici question de dresser un bilan de leur gestion ; notre propos est de nous arrêter exclusivement sur ces deux séquences-clés tant elles sont révélatrices des processus d’accession au pouvoir en Algérie.

A quelques mois de l’expiration du 3e mandat de Bouteflika, dans un contexte où la maladie du Président alimente toutes les supputations sur sa succession, il nous a paru utile d’esquisser cette rétrospective avec l’espoir que les démiurges qui s’agitent dans les «laboratoires du système» osent, pour une fois, le pari d’un président jouissant véritablement de la «légitimité populaire».

1re partie : Ahmed Ben Bella, le président du clan d’Oujda

18 mars 1962. Après six ans de détention dans différentes prisons françaises, Ahmed Ben Bella est enfin libéré. Il quitte la France pour Le Caire, sa ville de cœur, y retrouve son meilleur allié, Gamal Abdenasser, avant d’aller à Tunis scander «Nous sommes Arabes ! Nous sommes Arabes ! Nous sommes Arabes !», sous le regard ulcéré de Bourguiba. Passée l’euphorie, place à la politique.
Mai 1962 : Ben Bella prend le chemin de Tripoli pour participer au premier CNRA d’après-guerre. Décisif pour la suite des événements. De ce conclave va sortir, escompte-t-on, la nouvelle direction du pays. En toile de fond, des luttes féroces entre frères ennemis.

Le sang des martyrs n’a pas encore séché que les chefs de la Révolution s’étripent déjà dans une guerre autrement plus terrible, dont l’enjeu est la prise du pouvoir. En gros, deux blocs vont s’affronter avant même la proclamation de l’indépendance : le GPRA d’un côté, l’armée des frontières de l’autre. En somme, le politique et le militaire, soit les mêmes termes de l’équation formulée par Abane Ramdane. «Les mois qui précèdent le cessez-le-feu ont été une période de grande tension, aussi bien dans les rangs de la révolution que dans les prisons où, malgré leur privation de liberté, les ministres (les chefs historiques détenus au Château d’Aulnoy, ndlr) ne sont pas de simples spectateurs du conflit entre le GPRA et l’état-major. Chacun des protagonistes cherche à se les allier», écrit Harbi dans Le FLN, Mirage et réalité(1).

Pacte «faustien» avec Boumediène

Ben Bella avait d’emblée choisi son camp : l’armée des frontières du colonel Boumediène, forte de 35 000 hommes. Fait bien connu mais qui mérite d’être rappelé : c’est Bouteflika qui a servi d’intermédiaire entre Ben Bella et le chef de l’état-major général.
Flash-back : en décembre 1961, le capitaine Abdelaziz Bouteflika est dépêché par Boumediène en France pour faire du lobbying auprès des cinq prestigieux détenus du Château d’Aulnoy (voir le témoignage de Rédha Malek). Rappelons que Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mostefa Lacheraf, Mohamed Khider et Ahmed Ben Bella avaient été arrêtés cinq ans auparavant, le 22 octobre 1956 exactement, après que l’avion d’Air Atlas qui devait les ramener de Rabat à Tunis eut fait l’objet d’un acte de piraterie aérienne de la part de l’aviation française.

Ben Bella est fortement séduit par l’offre de l’émissaire de Boumediène et conclut un véritable pacte «faustien» avec le chef du «clan d’Oujda». «Boumediène avait besoin d’un politique et Ben Bella d’un fusil», résume Rédha Malek dans L’Algérie à Evian. «N’ayant aucune féodalité militaire sur laquelle s’appuyer comme le triumvirat des ‘3B’, il s’est rapidement rendu compte de l’importance du poids du clan d’Oujda pour la prise du pouvoir en Algérie», appuie Abdelkader Yefsah dans La Question du pouvoir en Algérie.(2)

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, Ben Bella s’attache, malgré tout, à mettre les formes. Il fait un forcing pour convoquer une réunion du CNRA, l’instance suprême de la Révolution algérienne, contre l’avis du GPRA. Les travaux du CNRA s’ouvrent le 27 mai 1962. Si le Programme de Tripoli est adopté sans encombre, la formation du bureau politique du FLN, primordiale dans l’architecture du nouvel édifice institutionnel du pays, exacerbe les divisions. Deux listes vont s’affronter : celle de Ben Bella et celle de Krim Belkacem. Le vote ne parvient pas à les départager. Et pour ne rien arranger, Ben Khedda (président du GPRA), quitte intempestivement le conclave. Le premier CNRA de l’indépendance, qui était censé jeter les bases du nouvel Etat, se termine par un clash, renvoyant dos à dos les protagonistes et leurs cliques respectives sans le moindre consensus.

«Sabaâ snin barakat !»

A partir de là, l’Algérie s’enlise dans le chaos. La patrie fraîchement libérée est au bord de la guerre civile. C’est la fameuse «crise de l’été 1962» marquée par le «wilayisme». De fait, des combats fratricides vont opposer les Wilayas pro-GPRA (la III et la IV notamment) et les Wilayas pro-EMG. Ces affrontements feront plus de mille morts, obligeant le peuple à sortir dans la rue aux cris de «Sabaâ snin barakat !» pour arrêter le massacre. Pendant ce temps, Ben Bella installe son QG à Tlemcen.

«Le 12 juillet, A. Ben Bella rentrait en Algérie dans les camions de l’armée des frontières», écrit Abdelkader Yefsah(3) avant d’ajouter : «Le 22 juillet, il annonçait la mise en place de son ‘bureau politique’ à Tlemcen qu’il déclara ‘habilité à prendre en main les affaires du pays’. Ce BP constituera en quelque sorte un contre-pouvoir au GPRA, tout comme Tlemcen, une contre-capitale.» Le 3 septembre, il donne l’ordre, à partir d’Oran, de marcher sur Alger. Le 9 septembre 1962, les contingents de la Wilaya IV se retirent de la capitale et laissent le champ libre à l’armée des frontières qui, le jour même, devient «Armée nationale populaire», selon Harbi.

Le 20 septembre 1962 ont lieu les élections de l’Assemblée constituante. Celle-ci est présidée par Ferhat Abbas. Le 27 septembre 1962, Ben Bella devient président du Conseil (c’est à dire chef du gouvernement) sur les décombres de l’Exécutif provisoire présidé par Abderrahmane Farès.

Ben Bella songe immédiatement à se blinder en se dotant d’une Constitution sur mesure. Fait cocasse : la Loi fondamentale de 1963 est élaborée à la salle Majestic (Atlas) de Bab El Oued, loin du contrôle des députés. Ferhat Abbas y voit une insulte à sa fonction et claque la porte. Selon le témoignage de Khalfa Mammeri, auteur de L’Indépendance confisquée, Ferhat Abbas aurait eu ces mots cinglants : «On ne prostitue pas la Constitution dans une salle de cinéma !»

Voir Pelé et mourir

La Constitution de Ben Bella sera malgré tout adoptée par l’Assemblée constituante le 28 août 1963 et par voie référendaire le 8 septembre. Le 11 septembre 1963, Ben Bella est désigné par l’appareil du FLN candidat unique à la présidence de la République. Le 15 septembre 1963, il devient officiellement le premier Président de l’Algérie indépendante.
Ben Bella aura un immense avantage sur ses successeurs : il accapare tout le prestige de la Révolution algérienne. Toutes les icônes révolutionnaires du XXe siècle paradaient à Alger. Il suffit de rappeler que c’est à Alger que Che Guevara prononça son dernier grand discours. C’était le 24 février 1964.

Grisé par le pouvoir, exalté par son nouveau statut de leader parmi les leaders du Tiers-Monde, Ben Bella en vient à oublier les autres réalités du pouvoir et les «mines antipersonnel» truffant le sérail. Fort de sa stature internationale, il ne veut plus être l’otage du clan d’Oujda, lui qui tutoyait Gamal Abdenasser, Nehru, Tito, Che Guevara, Nelson Mandela, Fidel Castro, Sékou Touré, Chou En-Lai… Après avoir écarté Khider, Medeghri et Bouteflika, il était décidé à limoger son dauphin. Mais le très habile successeur de Boussouf le prend de court. Le 19 juin 1965, Ben Bella est renversé par son ministre de la Défense, le colonel Boumediène. Deux jours avant le pronunciamiento, le 17 juin 1965, le président Ben Bella s’offrait un dernier caprice : serrer la main au roi Pelé. C’était à l’occasion d’un match amical entre l’Algérie et le Brésil, disputé au stade municipal d’Oran et remporté par la Seleçao par 3 buts à zéro. Ce n’est un secret pour personne : Si Ahmed était un grand amateur de football. Il avait même évolué, dans sa jeunesse, sous les couleurs de l’Olympique de Marseille. Ben Bella était sans doute un bon dribbleur. Mais la défense était trop forte…
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Notes :
1) Mohamed Harbi. Le FLN, Mirage et réalité (Editions J. A., 1980, p. 372)
2) Abdelkader Yefsah. La Question du pouvoir en Algérie (ENAP, 1990, p. 69)
Idem (p. 89)

Ben Bella-Bouteflika-Boumediène : l’autre triumvirat des «3B»

Dans L’Algérie à Evian, Rédha Malek livre des détails croustillants sur l’épisode d’Aulnoy quand Bouteflika avait scellé, au nom de Boumediène, une alliance stratégique avec Ben Bella. Le récit qu’il en fait est basé sur un entretien que l’auteur a eu avec Bouteflika lui-même, le 13 juin 1989. «Début décembre 1961. Un jeune émissaire, Bouteflika, est dépêché par Boumediène auprès des ministres emprisonnés. Khatib, ministre marocain des Affaires africaines, organise le déplacement. Boukharta, un membre de son cabinet, prête son nom et son passeport à Bouteflika qui, après une escale technique à Madrid, arrive à Orly où il est pris en charge par Abdelkader Benslimane, n°2 de l’ambassade marocaine. Il sera son hôte pendant trois jours.

En fait, Bouteflika passe plus de temps à Aulnoy que chez le diplomate marocain. Chaque jour, de 10h du matin à une heure avancée de la nuit, il déjeune, dîne et discute avec ses aînés incarcérés, en particulier avec Ahmed Ben Bella» (in : L’Algérie à Evian, éditions Dahlab, 1995, p. 191). Contrairement à Boudiaf et Aït Ahmed qui refusent de marcher dans la combine, «Ben Bella, lui, n’a pas d’état d’âme. Il s’aligne sur l’état-major», note Rédha Malek. «Ben Bella lui communique un numéro de téléphone personnel et lui confie une lettre manuscrite pour Boumediène.» Quelques jours après cette visite, poursuit Rédha Malek, «Boumediène et Ben Bella ont un entretien téléphonique. Ils se disent très satisfaits de la mission de Bouteflika. L’alliance est scellée.»
 **Mustapha Benfodil – El Watan-13.07.2013

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      **Points de vue

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**Le Pouvoir en Algérie. Entre la réalité et le mythe

«les gros poissons ne se mangent pas entre eux».

Avant, il y avait une guerre de clans terrible, aujourd’hui, les choses se sont calmées.»

le pouvoir algérien aurait évolué, passant d’un régime maffieux à un système opaque

il n’y a plus que des technocrates. L’armée a été mise de côté

le système reste appuyé sur la corruption

Au niveau du DRS, il y a des corrompus, le seul qui n’était pas corrompu, a été sanctionné!

*un point de vue de:

Hichem Aboud. Directeur du quotidien  »Mon Journal  »- et ex-rédacteur en chef de la revue El Djeich

Pouvoir.mythe et réalité hichem-aboud-ph-souhil-02_1531204

**Celui qui a connu le système de l’intérieur

La puissance de l’armée algérienne aurait été mythifiée, d’après Hichem Aboud, directeur du quotidien Mon Journal et auteur du pamphlet La Maffia des généraux, invité aux Rencontres d’El Watan.

Celui qui a connu le système de l’intérieur, puisqu’il a été directeur de cabinet du général Lakhal Ayat, estime que le pouvoir qu’on prête au patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), Mohamed Medienne dit général Toufik, serait exagéré. «En Algérie, soutient Hichem Aboud, on vous prête souvent plus de puissance que vous n’en méritez et plus que vous en avez. Le général Toufik est un mythe, au même titre que le colonel Merbah à son époque.» Il explique : «Les gens ne savaient pas que dans les années 1989-90, les membres de la Sécurité militaire avaient pour déjeuner un sandwich et qu’il ne pouvaient pas se permettre d’aller au restaurant, que des commandants de la SM prenaient le bus comme tout le monde. Les gens ne savent pas cela, ils entretiennent le mythe.»

Le fait est, à en croire l’invité d’El Watan, que le système algérien est d’une opacité telle qu’un certain nombre de personnes prétendent s’appuyer sur des gens prétendument surpuissants pour parvenir à leurs fins. Hichem Aboud refuse de croire à la «lutte de clans» qui déchirerait le système car, considère-t-il, «les gros poissons ne se mangent pas entre eux». «Quand, souligne-t-il, j’entends parler de lutte de clans entre Bouteflika et l’armée, cela me fait rire. Cette lutte de clans n’existe que dans leur tête. Les décisionnaires ne se font jamais la guerre, certes ils avancent leurs pions mais ils gardent des liens cordiaux. Avant, il y avait une guerre de clans terrible, aujourd’hui, les choses se sont calmées.»

«Les gros poissons ne se mangent pas entre eux»

Hichem Aboud estime que le pouvoir algérien a évolué, passant d’un régime maffieux à un système opaque. «Le système tel qu’il fonctionnait sous Chadli n’est pas le même que celui sous Bouteflika. Entre un président qui déléguait tous ses pouvoirs et un autre qui tient tout entre ses mains et qui ne veut rien lâcher, il y a une sacrée différence», explique-t-il, soulignant par ailleurs que parmi ceux qui constituaient le cabinet noir de l’époque, certains ne sont plus de ce monde. Il constate que dans les années 1990, tout le monde connaissait les noms des généraux ainsi que les postes qu’ils occupaient, parce qu c’étaient des hommes de pouvoir, des décisionnaires. «Ce n’est plus le cas aujourd’hui, relève-t-il, il n’y a plus que des technocrates. L’armée a été mise de côté. Des colonels et des généraux ne sont même pas informés de ce qui se passe.»

Mais le système reste, selon l’analyse de Hichem Aboud, appuyé sur la corruption. «Avez-vous vu un ministre derrière les barreaux ? Un grand nabab derrière les barreaux ? Je vais sortir un dossier, de la grosse artillerie, avec documents à l’appui, mais une fois encore, il n’y aura rien», prédit le directeur de Mon Journal.
A en croire Hichem Aboud, les affaires de corruption dépasseraient même le DRS. «Le DRS va enquêter, il fera des dossiers mais le reste n’est pas de son ressort», dit-il, louant au passage la relative transparence du département dirigé par le général Toufik : «Au niveau du DRS, il y a des corrompus mais force est de reconnaître que dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, le seul qui ait payé est bien l’agent du DRS. Il n’était pas corrompu, mais son commandement l’a tout de même sanctionné, estimant qu’il avait manqué de vigilance.» Hichem Aboud ajoute que «dans cette maison (le DRS, ndlr), il n’y a, à ce jour, pas de scandale financier autour du patron ni de sa famille. Pourtant, tout le monde est aux aguets». Au final, constate-t-il, le système a peut-être «changé» ces dernières années, mais pas dans le sens souhaité.*Amel Blidi- El Watan-24.04.2013.

Un début à la revue «el djeïch» :

Diplômé de l’Ecole supérieure de journalisme en 1978, Hichem Aboud a exercé son métier de journaliste à Jeunesse action, La République, El Chaâb et El Hadef. Il devient, à 24 ans, rédacteur en chef de la revue El Djeich. «Dans l’armée, raconte-t-il, on respectait le profil des gens. En tant que journaliste, j’ai été dirigé vers la revue El Djeich jusqu’au jour où j’ai estimé qu’il n’était plus possible d’exercer le métier de journaliste dans l’institution militaire, car il n’y avait plus cette liberté de ton qui n’existait pas dans la presse civile.

Le fait est que cela ne plaisait pas au commandement militaire et à la direction politique du pays et qu’il a alors été décidé d’en faire un magazine purement militaire non diffusé au large public.» Lui qui souhaitait quitter l’institution militaire, il se voit proposer un poste dans les services de sécurité. En 1992, ayant quitté l’institution militaire, il lance le journal El Acil à Constantine, qui tirait à 40 000 exemplaires/jour avec un taux d’invendus de 3%, ce qui n’a pas manqué pas d’attiser les convoitises de ceux qu’il qualifie de «nababs de la région» avec à leur tête le général Betchine. La guerre est alors déclarée. Le général parviendra à s’emparer du journal, mais Hichem Aboud ne s’avoue pas vaincu, il lance un second journal, Le Libre, qui n’aura néanmoins pas le même succès à cause des nombreux obstacles qu’il rencontre. Puis il publie le pamphlet La Maffia des généraux. *A. B.

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*Le général à la retraite Rachid Benyelles prend sa plume pour raconter sa vérité sur les épisodes les plus marquants du régime algérien

**Le général Rachid Benyellès est sans doute l’un des plus anciens hauts gradés de l’armée algérienne : ancien secrétaire général du ministère de la Défense nationale, il a dirigé la Marine nationale avant de devenir ministre des Transports et membre du bureau politique du FLN sous Chadli. Il démissionne avec fracas du BP suite aux émeutes d’octobre 1988. Il s’est également porté candidat à la présidentielle de 2004 avant de se retirer.

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Les mémoires de Rachid Benyelles aux éditions Barzakh,

« Dans les arcanes du pouvoir »

Le général à la retraite Rachid Benyelles prend sa plume pour raconter sa vérité sur les épisodes les plus marquants du régime algérien de 1962 au « coup de force » de 1999 imposant Bouteflika. Avec force détails, l’ancien patron de la Marine nationale devenu secrétaire générale du ministère de la Défense nationale puis ministre du transport avant de claquer la porte du gouvernement, M. Benyelles raconte comment l’armée et ses chefs ont de tout temps étaient à la manœuvre pour peser lourdement sur les grands choix politiques du pays. Des choix qui ont souvent conduit à la dérive. Extrait des mémoires sur les coulisses du pouvoir.

A propos des DAF, Déserteurs de l’armée française

 « (…) Issus de milieux populaires modestes, les jeunes « déserteurs de l’armée française », tout comme les officiers formés au Moyen-Orient, comptaient de nombreux chouhada (martyrs) parmi les membres de leurs familles. Animés par un sentiment patriotique identique, ils avaient attendu le moment opportun pour rejoindre les rangs de l’ALN. Leur engagement dans la lutte de libération était, certes, un peu plus tardif que celui des officiers formés au Moyen-Orient, mais cela ne constituait pas un manquement au devoir patriotique et encore moins, un péché qu’ils devaient expier. Ce qui les distinguait de leurs camarades diplômés des écoles militaires du Moyen-Orient, c’était d’abord et avant tout, un état d’esprit.

Les premiers avaient été préparés, dès leur jeune âge, au respect sacro-saint de la hiérarchie et des règles de la discipline, les autres, des civils jusqu’à l’âge adulte, étaient plus enclins à la contestation. Les premiers se présentaient comme des professionnels, les seconds comme des patriotes plus sincères dans leur engagement révolutionnaire. De là à suspecter les « déserteurs de l’armée française » d’être des agents au service des intérêts de la France, il y a un pas qu’il faut s’interdire de franchir car, si cheval de Troie il y avait, c’est plutôt parmi les dizaines de milliers de harkis qui avaient pris les armes contre leurs compatriotes qu’il faut chercher ! Qu’il y ait eu des espions infiltrés dans un camp et dans un autre, c’était de bonne guerre et il appartenait à chaque État de les démasquer et de les neutraliser.

Le fait que des Algériens aient servi dans l’armée française à une certaine période de leur vie n’est certainement pas une infamie. Certains d’entre eux sont même devenus des figures de proue de la Révolution, à l’instar de Mostepha Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Mahmoud Cherif, Ahmed Ben Bella et bien d’autres encore. Cela étant, il reste que les jeunes officiers « déserteurs de l’armée française» n’étaient absolument pas plus compétents et professionnels que les officiers formés dans les écoles du Moyen-Orient, mais ils n’étaient certainement pas moins patriotes que leurs camarades formés au Moyen-Orient… (…) »

 *A propos du coup d’Etat du 19 juin 1965

« (…) Le coup de force du 19 juin 1965 fut l’aboutissement logique d’un conflit larvé entre Houari Boumediene et Ahmed Ben Bella que plus rien ne rapprochait désormais. Leur alliance de circonstance avait débuté à la veille de l’Indépendance alors que la confrontation GPRA-État-major général de l’ALN avait atteint un point de non-retour. Pour mener son action contre le GPRA, le colonel Houari Boumediene avait besoin d’un « historique » pour jouer le rôle de figure de proue et c’est à Mohamed Boudiaf qu’il avait tout d’abord songé en lui envoyant Abdelaziz Bouteflika, au château d’Aulnoy, selon ce que ce dernier m’avait confié lors d’un entretien en mon domicile.

Contre toute attente, Mohamed Boudiaf avait sèchement refusé l’offre et renvoyé l’émissaire après lui avoir dit tout le mal qu’il pensait de son chef. Devant le refus hautain et les appréciations désobligeantes de son interlocuteur, Abdelaziz Bouteflika avait profité de la présence des autres « historiques » pour faire la même proposition à Ahmed Ben Bella. Ce dernier l’avait acceptée en pensant sans doute que l’essentiel était de mettre le pied à l’étrier et qu’une fois en selle, il pourrait facilement venir à bout de ces néophytes de la politique qui lui proposaient si imprudemment les rênes du pouvoir. (…) »

 *A propos de la succession à Boumediene

 « (…) Kasdi Merbah, Mostefa Beloucif et moi-même étions les trois premiers officiers à l’approcher [NDLR : Chadli Bendjedid], séparément et sans consultation préalable, pour le sonder sur ses intentions et lui suggérer de se porter candidat à la succession. Sans rejeter de manière catégorique notre suggestion, il nous avait répondu qu’il préférait terminer paisiblement ses jours auprès de sa famille, à Oran. Cette réponse sibylline laissait percevoir une secrète envie de tenter l’expérience, mais en homme avisé, il attendait qu’un minimum de conditions soient réunies avant d’accepter le principe de se porter candidat.

L’idée d’une candidature de Chadli Bendjedid fit très vite son chemin et une grande majorité des responsables militaires s’y rallièrent même s’ils connaissaient parfaitement les limites du commandant de la 2ème Région militaire. N’ayant pas de meilleur choix parmi les membres du conseil de la Révolution, il sera donc leur candidat par défaut. Contrairement à ce que certains journalistes francophones avaient écrit, Chadli Bendjedid n’était pas « l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé ».

Cette formulation, propre au jargon de l’armée française, ne s’appliquait pas tout à fait à ce dernier puisque le colonel Abdallah Belhouchet avait le même grade, la même ancienneté, la même fonction de chef de Région militaire et la même qualité de membre du conseil de la Révolution. Dans les conditions difficiles que traversait le pays, Chadli Bendjedid semblait être le candidat le plus indiqué pour passer le cap dangereux de l’après Boumediene et assurer une transition de cinq ans ; temps à l’expiration duquel apparaîtront de nouvelles élites politiques, pensait-on. Nous étions persuadés qu’il était l’homme d’une législature unique et qu’une fois son mandat terminé, il s’empressera de céder sa place à une personnalité ayant la stature voulue pour diriger l’Algérie. Cette appréciation se révélera erronée. (…) »

 *A propos de sa nomination comme Secrétaire général du ministère de la Défense

« (…) Jusqu’à sa réorganisation en ce mois de novembre 1984, l’ANP était encore la seule armée de la région à ne pas avoir d’État-major. Houari Boumediene voulait exercer une autorité directe et exclusive sur l’institution militaire afin de se prémunir, pensait-il, contre un éventuel coup d’État militaire. En lui succédant, Chadli Bendjedid se déclara favorable à la création de cet organe de commandement, avant de changer d’avis. Il n’avait certes pas les mêmes appréhensions que le défunt président, mais il voulait se donner le temps de la réflexion, avant de prendre une décision aussi lourde de conséquences, disait-il.

Ce n’est que cinq années plus tard, au début de son deuxième mandat, qu’il me demandera, au détour d’un entretien, de lui proposer l’organigramme d’un État-major, sans toutefois me donner d’indications sur ce qu’il souhaitait. J’apprendrai par la suite que Mostefa Beloucif et Larbi Belkheir avaient été chargés de la même mission. Après lui avoir remis le travail demandé, plusieurs jours passeront sans qu’il ne réagisse, ce qui me donna à penser qu’il avait renoncé au projet. Ce n’était pas le cas, puisque le 28 novembre 1984, contre toute attente, un décret présidentiel portant organisation des forces armées, est publié au journal officiel.

Quelque peu différente de celle que j’avais proposée, cette nouvelle organisation comporte un État-major de l’ANP et un Secrétariat général de la Défense, deux entités distinctes relevant directement et séparément du Président de la République qui gardait par-devers lui le portefeuille de ministre de la Défense. Le poste important de chef d’Etat-major de l’ANP fut attribué à Mostefa Beloucif qui, malgré cette promotion qui faisait de lui l’homme le plus puissant dans le pays, après Chadli Bendjedid, ne décollerait pas contre ce dernier car il estimait ne pas être en mesure de remplir sa mission si le Secrétariat général de la Défense échappait à son autorité.

Or, c’est précisément ce que le Président Bendjedid recherchait, comme il m’en fera part au cours d’un entretien dans son bureau, juste avant la promulgation du décret instituant la nouvelle organisation des forces armées. C’est au cours de ce même entretien qu’il m’annonça, tout de go, que j’étais désigné en qualité de Secrétaire général de la Défense en remplacement de Mostefa Beloucif. Je tombais des nues ! Ma réaction, immédiate et spontanée, fut un refus catégorique, ce qui avait désarçonné le Président qui ne comprenait pas que je puisse refuser un poste aussi important.

J’avais beau lui expliquer que je préférai exercer le métier pour lequel j’avais été formé et dans lequel je m’étais investi corps et âme, il ne voulait rien savoir. Il insistait encore et encore pour me convaincre d’accepter le poste qu’il me destinait, mais rien n’y faisait. Je persistai dans mon refus au point que la situation était devenue intenable. Au bord de la rupture, j’étais prêt à assumer toutes les conséquences qui pouvaient résulter de mon refus obstiné.

Voyant que l’entretien avait pris une fâcheuse tournure, le Président Bendjedid qui savait que j’étais capable d’aller jusqu’au bout de mes convictions, changea son fusil d’épaule pour jouer sur la corde sensible de l’amitié qui nous unissait depuis tant d’années déjà. « C’est l’ami de longue date et non le Président qui te demande d’accepter ce poste afin de l’aider à mettre fin aux pratiques déplorables introduites au ministère de la Défense par Mostefa Beloucif, en matière de gestion financière », m’avoua-t-il avec tristesse avant d’ajouter que c’était pour son bien et celui de l’institution militaire qu’il voulait l’éloigner de tout ce qui touchait à l’argent.

Il semblait être dans la position d’un père accablé par les frasques d’un fils prodigue qu’il voulait, malgré tout, continuer à protéger en l’éloignant de la source du mal. Touché par son trouble, je finis par donner mon accord, mais à la condition expresse que le programme de fabrication militaire et d’intégration industrielle que j’avais initié dans la Marine, soit maintenu et étendu à toute l’armée. (…) »

 *A propos d’octobre 1988

 « (…) Le 11 octobre au matin, un calme précaire régnait dans la capitale qui venait de vivre les événements les plus graves de son histoire depuis l’Indépendance… J’étais dans mon bureau lorsque, vers le coup de neuf heures, deux ou trois directeurs généraux d’entreprises relevant de ma tutelle m’appelèrent pour m’apprendre que le wali d’Alger, passant outre l’état de siège interdisant formellement tout rassemblement sur la voie publique, leur avait enjoint de libérer leur personnel afin de participer à une marche de soutien au Président. Cette nouvelle m’avait mis hors de moi, une fois de plus.

Alors que les morts de la veille n’étaient pas encore enterrés, voilà que des irresponsables projetaient d’organiser des manifestations qui, à la moindre étincelle, pouvaient dégénérer et ainsi, mettre le feu aux poudres de nouveau ! (…) Force était pour moi de constater que Chadli Bendjedid n’avait tiré aucun enseignement des tragiques événements qui avaient secoué le pays durant ces derniers jours. Au premier signe d’accalmie, lui et ses proches collaborateurs se remettaient en selle pour continuer leur route comme si de rien n’était.

Qu’avais-je donc encore à faire avec des responsables qui s’accrochaient ainsi au pouvoir ? Qu’avais-je à perdre en les quittant, moi qui, toute ma vie durant, avais vécu en simple citoyen dans un appartement, en bonne intelligence avec mes voisins en payant mes charges locatives, comme tout un chacun ? Mon épouse avait toujours fait son marché seule, n’avait jamais disposé de personnel de maison et nos enfants avaient toujours fréquenté l’école publique algérienne. Je pouvais très bien me passer du salon d’honneur à l’aéroport et de la voiture de service avec chauffeur – les seuls privilèges auxquels mes différentes fonctions me donnaient droit. À quoi bon continuer à prêcher dans le désert ?

J’étais à la croisée des chemins et je n’avais aucune envie de m’accrocher à mon poste. Sur ce, j’ai rédigeai une brève lettre de démission que j’ai fait parvenir sur le champ à Larbi Belkheir en le chargeant de la remettre au Chef de l’État. Démissionnaire, je n’aurais plus dorénavant qu’à expédier les affaires courantes en attendant qu’un nouveau ministre des Transports soit désigné. (…) Ragaillardi par l’accueil favorable que l’opinion avait réservé aux premières mesures prises après son discours du 10 octobre, Chadli Bendjedid voulait brûler les étapes et précipiter les réformes qu’il n’avait pas lancées plus tôt. Le pilotage de l’opération fut confié à Mouloud Hamrouche et à son équipe de technocrates que les journalistes, en mal de formules chocs, qualifièrent de « réformateurs ». (…) »

 *A propos de l’arrêt du processus électoral en décembre 1991

« (…) Les spéculations les plus délirantes circuleront sur les sujets débattus lors de ce « conclave » d’une quinzaine de hauts responsables militaires réunis au chevet du général Khaled Nezzar alité dans l’une des suites réservée aux personnalités civiles et militaires importantes, à l’hôpital d’Aïn Naâdja.

Certains journalistes francophones iront jusqu’à écrire que la décision de déposer le président, manu militari, avait été prise lors de cette visite au général malade ! S’ils avaient fait preuve d’un tant soit peu de professionnalisme au lieu de spéculer sur les « décisions » prises lors du « conclave d’Aïn Naâdja », ces journalistes auraient du se poser la question de savoir pourquoi cette réunion s’était tenue dans l’enceinte d’un hôpital militaire plutôt que dans une des nombreuses salles de réunion au siège du ministère de la Défense ou autres établissements militaires de la capitale. Ils auraient put alors découvrir, qu’au moment où l’Algérie avait le plus grand besoin de décideurs valides, en pleine possession de leurs capacités mentales, intellectuelles et physiques pour franchir un cap difficile, il y avait d’une part, un Président de la République totalement dépassé par les événements, cloîtré dans sa résidence à Zéralda, et d’autre part, un ministre de la Défense, cloué sur son lit d’hôpital.

La rencontre du 20 décembre 1991 autour du général Khaled Nezzar s’était tenue à l’hôpital de Aïn Naâdja pour la simple raison qu’elle ne pouvait pas se tenir ailleurs, et cela, en raison de l’état de santé du général Khaled Nezzar qui, par ailleurs, était un légaliste formé à l’école militaire française dans le sacro-saint respect de la discipline et de la hiérarchie; l’idée d’un coup d’État militaire ne lui avait tout simplement, jamais traversé l’esprit. (…) »

 $A propos de la démission de Liamine Zeroual en septembre 1998

« (…) Le 11 septembre 1998, alors que le pays était toujours à feu et à sang, Liamine Zeroual, dans une brève intervention télévisée, annonça aux Algériens, stupéfaits, qu’il démissionnait de son poste de Président de la République. Ce fut un véritable coup de tonnerre ! Tout le monde était convaincu que les généraux décideurs l’avaient poussé vers la sortie parce qu’il s’était opposé à l’accord conclu entre la Sécurité militaire et l’AIS.

La réalité était bien plus prosaïque puisque Liamine Zéroual, tout comme Chadli Bendjedid avant lui, avait démissionné de son propre chef, sous la pression devenue intolérables des événements. Celle exercée par les institutions et l’opinion internationales suite aux massacres collectifs quasi quotidiens, et celle d’une campagne de presse extrêmement violente contre son plus proche collaborateur, Mohamed Betchine. Le lynchage médiatique de la seule personne sur laquelle il s’appuyait pour surmonter les épreuves et lui remonter le moral quand il en avait besoin, était la goutte qui avait fait déborder le vase. (…) »**Hacen Ouali / el watan / mardi 16 mai 2017

**Rachid Benyelles. Auteur Dans les arcanes du pouvoir (1962-1999)

«L’armée n’a jamais été qu’une masse de manœuvre à la disposition du chef du moment»

- Vos Mémoires s’arrêtent à la prise du pouvoir par Abdelaziz Bouteflika en assénant que «c’est le début d’un pouvoir archaïque et plus autocratique que jamais». Quel regard portez-vous aujourd’hui sur son règne ?

Celui d’un homme désabusé et impuissant devant l’énorme gâchis qui a caractérisé ce règne. Abdelaziz Bouteflika nous a fait manger notre blé en herbe.

- Vous assurez que le rôle de l’armée était décisif dans la vie politique nationale depuis l’indépendance. Comment cette institution s’est-elle trouvée au cœur du système politique algérien ?

Pour comprendre comment l’armée s’est retrouvée au cœur du système politique algérien, il faut remonter aux quelques mois ayant précédé l’indépendance du pays. C’est une période qui se distingue par une direction politique (le GPRA) confrontée à de graves dissensions internes, d’une part, et par l’émergence d’une personnalité charismatique en la personne du colonel Houari Boumediène, chef d’état-major général de l’ALN, d’autre part.

Le conflit qui avait alors opposé les deux pôles d’autorité et l’intervention de l’armée des frontières en faveur de son chef avaient projeté cette dernière sur le devant de la scène politique. Ceci étant, l’armée n’a jamais été qu’une masse de manœuvre à la disposition du chef du moment.

- Dans vos mémoires, vous appelez «les nouvelles générations d’officiers à tirer les enseignements du passé et que les interventions militaires dans la vie politique d’un pays ne sont plus tolérables…». Redoutez-vous un autre coup de force militaire ?

C’est en effet ce que je redoute car il s’agirait, en l’occurrence, du pire scénario pour notre pays. Ce que j’appelle de mes vœux, en revanche, c’est qu’à la disparition de Abdelaziz.

Bouteflika, l’armée prenne directement et ouvertement le pouvoir pour une période de transition de six mois afin que l’on puisse remettre de l’ordre dans les affaires du pays avant d’organiser la tenue d’une élection présidentielle véritablement démocratique, car, en dépit de tout ce qu’il a été dit et écrit quant au rôle qu’elle a joué jusqu’à présent, cette institution reste la seule en mesure de préserver le pays du chaos qui le menace.

- Vous réfutez la thèse selon laquelle le régime de Boumediène avait fomenté les assassinats politiques ciblant les opposants comme Khider et Krim. Qui, alors, aurait assassiné ces figures historiques ?

Ce que je réfute d’abord et avant tout, c’est que l’on attribue à Boumediène toute une série de morts sans que le moindre début de preuve ne soit apporté pour étayer les accusations, alors qu’il suffit de lire les Mémoires de certains anciens responsables des services spéciaux étrangers pour découvrir que des sections «homo» spécialisées dans les homicides de personnalités politiques et les coups tordus existent bel et bien dans nombre de pays avec pour objectif de diaboliser les dirigeants qui ont choisi de mener une politique indépendante allant à l’encontre de leurs intérêts stratégiques dans la région.

**Hacen Ouali / el watan / mercredi 17 mai 2017

***Le général à la retraite Rachid Benyelles publie ses mémoires

Dans les coulisses d’un pouvoir aux mains des militaires

De la prise du pouvoir par l’armée des frontières au coup de force de 1999, M. Benyelles décrit avec force détails les mécanismes de prise de décisions politiques engageant l’avenir d’un pays souvent sur la mauvaise voie.

C’est une plongée dans les coulisses d’un système de pouvoir opaque rompu aux manœuvres, aux coups de force et qui a fini par prendre en otage l’Etat et la société que nous propose l’ancien marin Rachid Benyelles dans ses mémoires intitulés Dans les arcanes du pouvoir qui sortiront la semaine prochaine aux éditions Barzakh. Longtemps après avoir quitté ses fonctions de haut gradé de l’armée et un bref passage au ministère des Transports sous le gouvernement de Abdelhamid Brahimi, le général à la retraite prend sa plume pour témoigner d’une longue époque politique tumultueuse d’un pays conduit à la dérive.

Il dresse le portrait d’un pouvoir où l’armée tient lieu de colonne vertébrale et sur lequel ses chefs ont fait main basse. De la prise du pouvoir par l’armée des frontières au coup de force de 1999, M. Benyelles décrit avec force détails les mécanismes de prise de décisions politiques engageant l’avenir d’un pays souvent sur la mauvaise voie.

Dès le début de sa carrière à la Marine, le hasard et l’histoire ont amené l’enfant de Tlemcen à jouer un rôle dans le coup d’Etat déposant Ben Bella, le 19 juin 1965. «Les préparatifs du coup de force furent confiés au secrétaire général de la Défense, le commandant Abdelkader Chabou qui, dans l’après-midi du 18 juin 1965, nous reçut, Khaled Nezzar et moi en notre qualité de directeurs centraux par intérim du matériel et de la marine, pour nous informer de la décision de déposer Ahmed Ben Bella dans la nuit du 18 au 19 juin.

Dans ce but, il avait confié, à chacun de nous, un secteur de responsabilité dans la ville d’Alger ; celui de Khaled Nezzar comprenait les quartiers de Belcourt et de Hussein dey, proches du siège de la direction du matériel qu’il dirigeait en l’absence de Hamou Bouzada, alors en stage à Moscou. Mon secteur comprenait les quartiers de Bab El Oued et de la basse-Casbah, tous deux proches de l’Amirauté, siège de la marine nationale que je dirigeais en l’absence de Mohamed Benmoussa également en stage en URSS», raconte le général âgé de 25 ans à l’époque.

La prise de distance par rapport aux événements, Rachid Benyelles ne dissimule pas son admiration pour le Colonel. Dans le chapitre qu’il consacre à son régime, il prend la défense de Boumediène sur bien des plans, et surtout il récuse la thèse de son implication dans les assassinats des opposants comme Mohamed Khider et Krim Belkacem. «Aucune preuve n’a été apportée pour étayer les accusations», plaide-t-il.

Le général défend la thèse selon laquelle des services spéciaux étrangers seraient derrière ces assassinats pour salir le régime triomphant de Boumediène et l’affaiblir au plan international. A la mort du colonel Boumediène, Rachid Benyelles nous plonge aussi dans de nouvelles grandes tractations des militaires en œuvre pour désigner un successeur. «Kasdi Merbah, Mostefa Beloucif et moi-même étions les trois premiers officiers à l’approcher [Ndlr : Chadli], séparément et sans consultation préalable, pour le sonder sur ses intentions et lui suggérer de se porter candidat à la succession.

Nous étions persuadés qu’il était l’homme d’une législature unique et qu’une fois son mandat terminé, il s’empressera de céder sa place à une personnalité ayant la stature voulue pour diriger l’Algérie. Cette appréciation se révélera erronée (…)», témoigne le général. Le règne de Chadli fut chaotique, cela n’a pas empêché Benyelles de lui témoigner son «affection». Sous son règne, les guerres entre les militaires allaient redoubler de férocité pour le contrôle des centres névralgiques du pouvoir.

C’est sous Chadli que Larbi Belkheir allait devenir l’homme fort du système, prenant la place du puissant Beloucif «exécuté» par son ami Chadli parce que devenu encombrant pour «soupçon de corruption». Les rivalités entre les deux officiers étaient mortelles. Sous l’influence grandissante de Belkheir, Chadli se sépare de son protégé ami de longue date que fut Beloucif. Le hasard fait que le président propose à l’auteur de ces mémoires (Benyelles) de succéder à Beloucif au poste de secrétaire général du ministère de la Défense.

Un dilemme ! Après une longue hésitation, il accepte sa désignation. «‘‘C’est l’ami de longue date et non le Président qui te demande d’accepter ce poste afin de l’aider à mettre fin aux pratiques déplorables introduites au ministère de la Défense par Mostefa Beloucif, en matière de gestion financière’’, m’avoua-t-il avec tristesse avant d’ajouter que c’était pour son bien et celui de l’institution militaire qu’il voulait l’éloigner de tout ce qui touchait à l’argent…». Terrible aveu sur la corruption qui gangrène l’institution militaire.

Octobre, les ruptures

A la seconde moitié du règne de Chadli, le pays est frappé par une crise économique, mais surtout par l’exacerbation des luttes d’influence à la Présidence et la réorganisation des services de renseignement. Une phase de flou qui avait empêché de voir la montée de l’islamisme et la dislocation de la société parce que les décideurs étaient occupés à se partager les territoires de pouvoir. «La réorganisation de la Sécurité militaire, au printemps de l’année 1988, avait porté sur la séparation de la direction en deux entités distinctes, l’une chargée du renseignement militaire et de la protection dans l’armée, l’autre de la sécurité intérieure et extérieure du territoire.

Occupés par leurs problèmes internes, les deux nouveaux services de sécurité ne verront pas venir les périls qui allaient déboucher sur les émeutes du 5 octobre», estime Benyelles. Ce dernier, qui dit être opposé à l’analyse conspirationniste en vogue dans le sérail au sujet des événements d’Octobre, en fait une autre lecture. Celle de la fin d’une époque.

Une cassure entre un pouvoir autoritaire, gagné par la corruption, incapable d’ouvrir des perspectives sérieuses pour le pays et une société en rupture de ban. «Force était pour moi de constater que Chadli Bendjedid n’avait tiré aucun enseignement des tragiques événements qui avaient secoué le pays durant ces derniers jours.

J’étais à la croisée des chemins et je n’avais aucune envie de m’accrocher à mon poste. Sur ce, j’ai rédigé une brève lettre de démission que j’ai fait parvenir sur-le-champ à Larbi Belkheir en le chargeant de la remettre au chef de l’Etat.» Benyelles décide alors de mettre un terme à une longue «fréquentation des travées du pouvoir».

Et c’est en tant qu’observateur «extérieur» qu’il scrute la suite des événements, mais parfois il est mis dans la confidence des décisions qui allaient entraîner le pays vers l’abîme. Sans verser dans des règlements de comptes personnels, encore moins faire le procès de ses collègues militaires, Rachid Benyelles tire les conclusions d’un régime politique au parcours chaotique dans lequel les militaires ont pesé de tout leur poids.

«Dans toutes les interventions, la décision d’engager l’armée pour imposer un régime autoritaire fut prise non par un collège d’officiers supérieurs siégeant en conseil institutionnalisé, mais par le seul chef militaire du moment, à savoir le colonel Houari Boumediène – en 1962 et juin 1965 -, le colonel Chadli Bendjedid – en janvier 1979 et octobre 1988 -, le général Khaled Nezzar – en janvier 1992 et 1994 – et le général Mohamed Lamari, en avril 1999. Dans tous ces cas de figure, les militaires n’auront jamais été qu’une masse de manœuvre obéissant aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques», conclut-il

S’il lève le voile sur des périodes décisives du pouvoir algérien au travers de ses mémoires Dans les arcanes du pouvoir…, il s’adresse également aux militaires en exercice pour les éclairer sur les fourvoiements de leurs aînés. «Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, avec une population qui est passée de 12 à plus de 40 millions d’habitants, des besoins de plus en plus difficiles à satisfaire et un environnement international en pleine recomposition, il est à espérer que les nouvelles générations d’officiers sauront tirer les enseignements du passé», conseille enfin l’ennemi juré de Abdelaziz Bouteflika.      

*Hacen Ouali / el watan / mercredi 17 mai 2017

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*Pratiques et hommes de pouvoir

*Les indéboulonnables monuments de l’imposture nationale

**un livre sur le «groupe d’Oujda» revisité par Chérif Belkacem, de Fawzi Rouzeik

Si le défunt Chérif Belkacem n’avait sans doute pas été l’inspirateur de Les folles nuits d’Alger, – ce roman mystère sorti de l’imaginaire sordide de la police politique et censé décrire les mœurs du régime Boumediène –, Si Djamel (nom de guerre de Chérif Belkacem), aurait bien pu commettre cet autre livre noir, véritable révélateur des pratiques et hommes de pouvoir, ceux du «groupe d’Oujda» ayant présidé – et président encore – à la destinée de l’Algérie des martyrs à la chaîne.

Dans Le groupe d’Oujda revisité par Chérif Belkacem (L’Harmattan, février 2015), les témoignages et confidences – recueillis par l’auteur, Fawzi Rouzeik – de celui qui se revendiquait «deuxième homme» du régime, une de ses éminences grises, sont autant de camouflets post-mortem infligés aux indéboulonnables monuments de l’imposture nationale.

Chérif Belkacem, le Monsieur Parti unique de la dictature révolutionnaire (1965-1978), démissionnaire en 1974, livre un précieux témoignage aussi bien sur des faits et processus historiques, peu ou pas connus en rapport notamment à la prise de pouvoir à l’indépendance, que sur le noyau dur du groupe d’Oujda et son quarteron de «conjurés qui ont fini la guerre» comme il qualifie lui-même ses alter ego du groupe, les Mohamed Boukharouba, alias Houari Boumediène, Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Medeghri, auxquels s’ajoutent les Kaïd Ahmed et Tahar Zbiri.

Personnage entier, Chérif Belkacem déballe des vérités. Ses vérités. Servi par un franc parler et un humour ravageur, Chérif Belkacem fait le procès de certains de ses anciens partenaires du clan englués dans les marigots du «pouvoir personnel» et de la «mégalomanie». Le ton adopté aurait pu être celui d’un repenti de la dictature débridée, d’un franc-tireur ou d’un aigri du pouvoir, mais il est davantage celui de la critique impitoyable d’un système dont il est un des principaux géniteurs.

L’auteur, feu Fawzi Rouzeik, professeur de sciences politiques (ancien directeur de l’Institut d’études politiques d’Alger et ancien collaborateur et chargé de recherches au CNRS-Aix en Provence) a mis un point d’honneur à mener à son terme ce brûlantissime opus malgré une maladie lourde qui aura raison de lui en février dernier. En fait, Rouzeik a honoré un engagement. Celui qu’il avait pris avec Chérif Belkacem, décédé, lui, à l’Hôtel Dieu, à Paris, en 2009 à l’âge de 78 ans.

Son ouvrage, édité en France, est passé presque inaperçu malgré la foule d’informations qu’il livre, les anecdotes savoureuses, l’analyse rigoureuse parfois volontairement escomptée par les états d’âme et coups de gueule du patriote ayant perdu toutes ses illusions à quelques espoirs près. Pour monter en épingle son portrait/analyse, véhément envers le régime Bouteflika, plein d’empathie pour la figure, sublimée, de Chérif Belkacem, le professeur Rouzeik dit avoir usé d’une approche anthropologique, la seule à même, écrit-il, d’appréhender avec justesse le système politique algérien.

Contrairement aux approches juridiques, de droit, les approches institutionnelles ou philosophiques, étroites sinon suffisantes, le prisme anthropologique permettrait «d’identifier les réseaux intriqués, leurs fonctionnements et leurs intérêts, les relations humaines et les antagonismes». «Pour tenter de comprendre ce qu’était le groupe d’Oujda, écrit-il encore, son rôle aux frontières Ouest et son impact sur les événements et sur les hommes, j’ai eu de nombreux entretiens avec Chérif Belkacem afin de savoir ‘‘qui était qui ?’’ et comment fonctionnait ce groupe.

La plupart des écrits des analystes, des hommes politiques ou des journalistes tentaient d’expliquer les événements d’aujourd’hui comme des effets différés de l’organisation de l’armée des frontières, donc du rôle du ‘‘groupe d’Oujda’’, du ‘‘coup d’Etat’’ pendant le congrès de Tripoli, de celui  – réel  – de juin 1965 qui auraient mis l’Algérie sur les rails de la non-gouvernance que nous connaissons aujourd’hui. Avec Si Djamal, j’ai essayé de comprendre ou tout le moins de trouver des repères pour m’appuyer sur des faits qui pourraient satisfaire mes interrogations.

Certaines questions n’ont pas eu de réponses. Il avait un argument : ‘‘Je ne peux pas répondre à cette question car je veux rester moral jusqu’au bout. Je sais un certain nombre de choses, mais je ne les dévoile pas car j’en ai eu connaissance lorsque nous étions tous ensemble. Je ne peux les dire. Ce serait trahir une intimité.» Désabusé, le défunt auteur hurle sa rage à la face de cette «République indigne», de ne pas voir le système politique algérien s’amender (enfin !), de constater l’inexistence de l’Etat au sens de Max Weber. «Ce n’est pas l’arbitraire de la vie qui inquiète et pousse les gens à la rage, c’est l’arbitraire légalisé et derrière lui les cliques des rentiers de l’arbitraire.

C’est en ce sens que cette République n’est pas digne parce qu’elle ne garantit pas l’équivalence des conditions de l’échange. A ce stade, elle a failli volontairement». Profondément indigné, l’universitaire appelle à la rupture pure et simple avec l’ordre établi. «Nous subissons aujourd’hui le scénario de l’accommodement, c’est-à-dire de la non-rupture, de la lente agonie. Lorsque l’on parle avec les gens, ils vous disent que cela va ‘‘péter’’. Tout le monde  – ou presque  – pense que ‘‘ça doit changer’’. Il y a donc des Bastilles à prendre, ces asiles de la vanité, de l’arrogance.

On peut se poser la question de savoir si nous ne sommes pas à la veille de la rupture, la vraie. La guerre aujourd’hui est celle du courage contre l’égoïsme. Les corps intermédiaires sont inutiles car ils ont disparu. Il est donc assez logique que ce soit la rue qui prenne la place du Parlement, d’autant que la majorité des Algériens ne participe pas à la vie politique (…). C’est pourquoi l’objectif du changement doit être un objectif révolutionnaire pour un nouveau fait de démocratisation, de dépassement des résignations et du désespoir».*Mohand Aziri / el watan / lundi 10 octobre 2016

**Chérif Belkacem, le  » deuxième homme « 

Ce livre aurait pu s’intituler Chérif Belkacem, Le Politique. Il en est le principal acteur. Nous devions d’ailleurs rédiger un ouvrage en commun, mais les événements qu’a connus l’Algérie nous ont souvent éloignés du sujet principal (…) ensuite la maladie, puis la mort subite ont mis fin au projet. Il en est resté tout de même des questionnements enregistrés et des notes, deux documents qu’il m’a remis et autorisé à publier, permettant de comprendre la «philosophie politique» du personnage que beaucoup ne connaissent que par les rumeurs distillées par ses ennemis politiques, une fois consommée la rupture avec le système Boumediène.

Il était alors facile pour un groupuscule auquel il faisait de l’ombre – même hors du système – de déployer tout son «génie» de la politique. Acteur politique de premier plan depuis le conflit ayant opposé l’EMG et le GPRA, puis l’été 1962, et enfin dans la préparation et l’exécution du coup d’Etat du 19 juin 1965, Chérif Belkacem a été ministre de l’Orientation nationale sous la présidence Ben Bella incluant l’Education nationale, l’Information et la Culture. Après  le coup d’Etat, il est responsable du parti, puis ministre des Finances et du Plan, et enfin ministre d’Etat président du CNES.  La force de Si Djamal est sa liberté de dire.

Depuis qu’il a quitté le pouvoir en 1974, il ne s’est inscrit dans aucun parti, aucune bande, aucun groupe d’opposition. Il ne doutait pas de son identité, que ce soit autant au plan symbolique que politique, n’était prisonnier d’aucune «affaire», bien qu’après son retrait en 1974, des rumeurs malveillantes aient été savamment propagées par ses ennemis politiques résidus du groupe d’Oujda. Il assumait sereinement ses origines chaouies du côté paternel, d’Oum El Bouaghi précisément, dans l’Est de l’Algérie, la tribu des Chérif, et de sa mère marocaine, bédouine –, précisait-il toujours.

Orphelin de père dès l’âge de six ans, il s’est fait tout seul. Militant d’abord dans le mouvement national marocain d’indépendance lorsqu’il était étudiant, il rejoignit le FLN par la suite, et dès 1957 il fut affecté en zone une (1) de la wilaya V. Sa rupture politique avec le président Boumediène en 1974 était définitive et il s’était interdit de revenir aux «affaires» malgré les pressions. Commencèrent alors à sourdre les rumeurs, plus infâmes les unes que les autres, évidemment invérifiables, suivies des trahisons des «amis». Il s’était réfugié dans sa maison «d’Alger Plage» où, me disait-il, «on m’a tué tout en étant vivant», faisant référence à la mort de son ami Ahmed Medeghri.**el watan / lundi 10 octobre 2016

**«A la veille du congrès de Tripoli, il n’y avait pas de pouvoir»

Lorsque je dis qu’il y avait absence de pouvoir, il faut que je m’explique et que je revienne à l’essentiel, car beaucoup affirment qu’il y avait un pouvoir et que les membres de l’état-major général ont fomenté un coup d’Etat au cours de cette réunion. Dans les faits, il y avait le GPRA, mais il ne faut pas oublier que si cette réunion a été appelée «congrès», c’est parce que c’était un moment historique, le passage de 132 ans de colonisation à l’indépendance, la reconquête de la souveraineté.

Le deuxième aspect est que les historiens qui soutiennent la thèse du coup d’Etat, comme certains acteurs de ce moment dont Ali Haroun, ne peuvent pas avoir raison. A partir du moment où il sera admis qu’il y a conflit entre l’EMG et le GPRA, que les cinq responsables en prison sont scindés en 3 + 2, nous sommes dans une situation de crise, et au sein de celle-ci il n’y a pas de pouvoir car, sans porter de jugement d’appréciation, ce dernier était contesté.

Quand le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) va se réunir, la seule façon de trouver une solution à la crise est de désigner, même s’il fallait confirmer le GPRA, une direction politique pour le pays, d’autant que c’était un moment historique exceptionnel. L’argument consistant à dire qu’il y avait un pouvoir, le GPRA, ne peut pas nier le fait qu’il existait un EMG et qu’ils étaient déjà en conflit ouvert. Le CNRA n’avait pas pour objectif de trouver une solution à la crise en termes de pouvoir, mais de rechercher une solution de compromis par la désignation d’un Bureau politique. Il l’avait d’ailleurs désigné en y incluant les représentants de tous les antagonistes, à l’exception de l’EMG (…).**el watan / lundi 10 octobre 2016

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*De quelle sauce, sera mangé Amar Saadani, patron du FLN ?

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	&laquo;Nous attendons ce qu&rsquo;ils vont d&eacute;cider, eux, les gens de l&agrave;-haut, afin qu&rsquo;on d&eacute;cide ce que nous allons faire de nous-m&ecirc;mes, en bas&raquo;  » src= »http://www.elwatan.com/images/2016/06/03/fln-visu-salim-m_2615750_465x348.jpg » /></p>
<p><strong><span style=Déchaîné puis recadré, soutenu puis lâché, Amar Saadani, patron du FLN, semble sur une pente raide. Mais il glissera plus lentement qu’on le croit. Explications.

«Rebbi yeghferlli ! Que Dieu me pardonne !» Le sénateur du tiers présidentiel lève les mains au ciel. «A chaque fois que je fais la prière, je demande à Dieu de me pardonner d’avoir contribué à livrer le FLN, notre parti, à Saadani.» «On n’avait pas le choix, à un moment, tu sens le vent tourner, c’est jamais clair, des insinuations, des messages dans la presse ou les sites infos, et puis, boom, ça nous éclate en plein visage : un tel a été désigné par El Mouradia et toi tu suis, au moins en apparence. Mais là, les signaux sont brouillées, pas clair. On ne sait plus où on en est», débite rapidement Akli, la trentaine, membre actif d’une kasma du FLN à l’ouest d’Alger.

Entre le sénateur pieux et le jeune loup, un souci en partage : le désarroi face à la posture d’un Amar Saadani, qui a résisté aux assauts de ses pires ennemis au parti et d’ailleurs, mais qui semble subir une discrète opération de bashing ciblé, sinon de lâchage ostensible parfois de la part de ses principaux sponsors : le cercle présidentiel. Que s’est-il passé pour que le bras séculier du clan de Zéralda soit quasi ostracisé par ceux qui ont fait de lui le patron du FLN, le porte-flingue contre l’ex-DRS et le pourfendeur de tous ceux qui osent franchir hors du cercle de feu tracé par les Bouteflika ?

«Saadani a commis trois erreurs fatales, explique un ponte du régime qui l’avait pourtant appuyé durant les trois dernières années, même lors du passage en force, en ce août 2013 à l’hôtel El Aurassi, pour le placer patron du FLN. Il s’est trop maqué avec les gens de la chkara, or c’était un argument qu’il avait servi pour destituer Belkhadem à l’époque. Deuxièmement, il a oublié que lorsqu’on n’a plus besoin de lui après l’épisode “tous contre Mediène’’, il fallait qu’il se calme et non en rajouter des couches. Troisièmement, une partie du régime le soupçonne de préparer à son propre compte l’après-Bouteflika, ce qui est presque de l’ordre du haram aux yeux du ‘‘patron’’».

Casting

Le «patron» ? Bouteflika, ou ses proches et appuis, qui ne supportent pas que les calculs, même astrologiques, concernant la succession, sortent de leur strict contrôle. «En fait, Saadani a oublié qu’il est là pour obéir, pas pour décider ou planifier quoi que ce soit», renchérit le sénateur qui s’auto-flagelle pour expier le péché Saadani. «Il est allé trop loin, commentait déjà sur nos colonnes un ex-supporter du patron du FLN, habitué d’El Mouradia. Avec son opposition surprenante à l’article 51, ses paroles indignes d’un chef de parti majoritaire contre Ouyahia en lui promettant qu’il va ‘‘s’occuper de lui’’ après le vote de la Constitution, ses ambitions présidentiables qu’il ne cache plus en cercle restreint avec ses amis de la ‘‘chkara’’ du parti, ses attaques contre des cadres de l’Etat et des ministres comme s’il était Président du pays, etc.»

On pourrait également ajouter les attaques contre le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, Tahar Khaoua, ciblé par des députés pro-Saadani qui ont même imaginé lui interdire l’accès au Palais Zighout Youcef. On pourrait aussi se rappeler les dangereuses et scandaleuses déclarations à l’encontre d’El Watan et de notre collègue Salima Tlemçani… «Il est en train de repasser un casting à distance, ironise sans sourire un cadre du parti. Il veut plaire à Zéralda, alors qu’ils ont commencé, la haut, à se désolidariser avec lui, à lui montrer des signes de lâchage.»

Des signaux ? Belkhadem qu’on fait de temps à autre sortir du chapeau, comme lorsqu’il est chargé de transmettre au nom du président Bouteflika, en mars dernier, les condoléances à Khaoua qui venait de perdre sa mère ; les soutiens officiels de plus en plus insistants au rival de toujours, Ahmed Ouyahia ; le nombre de sénateurs ou d’élus qui rejoignent ostensiblement l’opposition interne au FLN ; et discrètement, les petits ennuis que commencent à avoir les appuis financiers de Saadani à l’Est…

Pourquoi ce désamour ? «Parce qu’il n’est tout simplement pas dans l’agenda, lui et bien d’autres, nous répond-on. C’est comme ça, c’est une bourse des valeurs où les actions des uns et des autres montent et descendent tout le temps.» «C’est ce qu’on ressent ‘‘en bas’’, appuie le jeune Akli. La base semble figée, les gens ne veulent pas trop parler dans nos réunions locales. Ils veulent être sûrs du sens du vent avant de s’afficher avec l’un ou l’autre.

Et plus l’agonie de Saadani va durer, plus ce sera le désarroi à tous les niveaux organiques du FLN. Les gens veulent savoir qui viendra après, qui partira avec Saadani, quels seront les dégâts collatéraux, qui devra se retirer des listes imposées par le SG…» Amin, militant depuis 2009 dans les rangs du parti, continue à assister aux rencontres organisées par son APC FLN à l’est de la capitale. Il garde la tête froide face à ce qui se mijote en haut lieu et tente de calculer les délais de la chute. «Ce n’est certainement pas le moment pour abattre Saadani, assure-t-il. D’abord les élections sont déjà là, on ne peut chambouler le parti de la base à la tête dans ces circonstances.

Car il faut convaincre la base de ce changement, redessiner les appareils locaux, faire face aux règlements de comptes entre les parachutés de Saadani et ceux qui se prétendaient lésés… Tout un chantier.» «Avant qu’il ne soit trop tard, il faut que les parrains du FLN, en haut, donnent un signal fort et clair sur leurs intentions, précise Amin. Saadani a placé des gens partout qui eux-même ont fait pareil. Pour le moment, tout ce beau monde se convainc qu’il est dans le camps du puissant. Si le flou persiste quant au sort de Saadani, la situation ne bougera pas, ses relais prendront racine de plus en plus, et il sera encore plus difficile de le dégommer lui, et ses troupes».

«Maison de l’obéissance»

«C’est-à-dire en clair, nous attendons ce qu’ils vont décider, eux, les gens de là-haut, afin qu’on décide ce que nous allons faire de nous-mêmes. Puisqu’il ne s’agit pas d’une crise interne. D’ailleurs on ne peut même pas avoir le luxe d’avoir des crises internes. Le parti s’est vidé, y a que des petits inérêts et la ‘‘chkara’’ a tout détruit», résume Akli.

Déjà, quand Ali Benflis s’est fait saquer de la tête FLN en 2004, le défunt Abdelhamid Mehri observait que «la crise du FLN, en dépit de nombreuses apparences, n’est pas due à des divergences internes au parti. Elle est la conséquence de pratiques extérieures dictées par des cercles qui refusent un véritable multipartisme et les changements qu’il implique dans le rapport du FLN au pouvoir. Les tentatives de faire ramener le FLN à la “maison de l’obéissance’’ n’ont pas cessé depuis le passage formel au pluralisme partisan». Cela n’a pas trop changé, même le pouvoir n’a pas besoin de faire des efforts à imaginer des putschs internes ou des coups «scientifiques» pour mâter le vieux parti.

L’allégeance au cercle opaque décideur et l’argent brutal ont totalement réduit les capacités politiques d’un parti qui a donné des Mehri et Bouhara. «Peu à peu, le FLN deviendra un enjeu périphérique, les puissances de l’argent et les lobby étrangers pèseront plus qu’autre chose sur l’avenir», indique un proche de Saadani. «Il est faux de croire que des segments du pouvoir, notamment dans l’armée, soutiennent Saadani ou un autre -ouvertement ou non- car tout ce beau monde sait que rien ne se décide unilatéralement ni complètement en collégialité traditionnelle. Il faut être très malin pour faire avec ces deux logiques qui se chevauchent. Bouteflika a toujours veillé au maintien des deux mécanismes tout en tirant son épingle du jeu quand il le pouvait, observe un ancien ‘‘camarade’’ du chef de l’Etat.

La succession est un problème, oui pour un Benflis ou les analystes des ambassades et les chercheurs des think-tanks, mais c’est un processus de liquidation des rivaux actuels et de préparation de l’avenir pour le cercle du président, ses appuis, ses réseaux bâtis depuis plus de quinze ans. Pour le président lui-même, qui, en plus, se porte de plus en plus mal. Personne n’est avec personne, chacun a sa propre vision de l’intérêt suprême de l’Etat, mais selon ses propres ambitions. Et ce n’est pas un discours incendiaire de Saadani qui peut intégrer ce genre de nuances, ni un autre produit politique sur le marché actuel.»*Adlène Meddi / el watan / vendredi 03 juin 2016

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*Le mode de gouvernance algérien de 1962 à 1988

Un pouvoir en quête de légitimité. (une publication de SaÏd Chibane)

C’est parce que la passion d’écrire sur notre histoire récente était forte, que l’auteur Saïd Chibane s’est attelé dès son départ à la retraite en 2001 à se lancer dans l’univers de l’écriture.

Saïd Chibane vient de signer aux éditions Le Montagnard son premier ouvrage intitulé Un pouvoir en quête de légitimité. Ce texte, tient à rappeler l’auteur en guise d’avertissement, a été achevé en décembre 2010 avant les événements qui ont secoué la Tunisie. «Puis, ce fut l’effet domino. La contagion va atteindre plus ou moins toute l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, toutes les régions de non-droit. Le 17 janvier 2011, c’est au tour du géant égyptien de basculer. Quelques mois plus tard, en octobre 2011, après une guerre civile dévastatrice, le guide  libyen est tué dans une ultime bataille des révolutionnaires près de sa ville natale, Syrte», explique-t-il en substance. Riche de 332 pages, l’incipit du livre s’ouvre sur le 19 mars 1962. C’est le cessez-le-feu en Algérie. Les désaccords entre les dirigeants de la guerre d’indépendance apparaissent au grand jour. Certains d’entre eux, assoiffés de pouvoir, décident de faire un coup de force contre les instances de la «Révolution». Aidés par «l’armée des frontières» dirigée par Houari Boumediène, chef d’état-major général, ils décident de transformer le FLN de la guerre en parti unique, en instituant d’autorité un bureau politique qui aura pour tâche de préparer les institutions de l’Algérie indépendante en lieu et place du GPRA, gouvernement légitime.

C’est la première atteinte à la légitimité historique. Un système autoritaire commencera à s’installer dans le pays du «million et demi de martyrs». Il sera dirigé d’abord par Ahmed Ben Bella, qui entamera son règne par le harcèlement et l’emprisonnement de plusieurs anciens responsables de la Révolution. En condamnant à mort le colonel Chaâbani, chef de la 6e Région militaire en 1964, sous le couvert d’une cour martiale expéditive, le nouveau pouvoir ouvre la voie à l’assassinat politique comme mode de gouvernance. C’est le début du règne du pouvoir personnel, de l’arbitraire et du déni de droit. «Le régime se proclame socialiste. Une sorte de démocratie populiste et non populaire, spécifiquement algérienne, faite de slogans creux, de propagande et de mensonges, car dans la réalité tout est verrouillé et interdit en dehors de la ligne politique tracée par le parti unique. C’est le règne de la pensée unique, de la démagogie, de la médiocrité et de la folie des grandeurs», précise l’auteur. Trois années à peine de gouvernance en solo et le voilà déposé par un Conseil de la Révolution le 19 juin 1965. L’homme fort, Houari Boumediène, prend les rênes du pouvoir à la suite d’une proclamation où il fustige et dénonce les méthodes de gouvernance de son prédécesseur.

Il gouvernera sans partage à la tête du CR durant 11 ans (1965/1976). Il se fera élire président de la République en 1977 dans la même forme que Ben Bella, sous le couvert d’un scrutin électoral préfabriqué et d’une nouvelle Constitution sur mesure élaborée sous ses ordres en 1976. «Comme son prédécesseur, il gouvernera avec arrogance, arbitraire et paternalisme. C’est d’ailleurs durant son règne que le régime s’est durci en procédant directement par ses hommes de main (la SM) à l’assassinat d’opposants politiques, anciens responsables de la Révolution, notamment Khider en 1967 et Krim Belkacem en 1970. Ce sera la naissance de ce que les Algériens appelleront le système». Durant sa période se développeront tour à tour mauvaise gestion, corruption, passe-droits, piston et autres maux sociaux. Pourvu que les Algériens ne s’occupent pas de politique. C’est finalement la maladie qui a eu raison de Boumediène. Il décède en décembre 1978. Immédiatement, suite à un conclave d’officiers supérieurs de l’ANP, on désigne le colonel Bendjedid comme candidat unique à la tête de l’Etat. Il sera élu comme ses prédécesseurs suite à un scrutin de pure forme. Comme son prédécesseur, il gouvernera sous l’égide du parti unique jusqu’en 1989. C’est la règle du système ; à chaque Président «sa» Constitution. C’est durant son règne que la contestation populaire commencera à monter durant la décennie 1980 jusqu’à l’explosion du 5 octobre 1988.

Après deux mandats successifs, explique Saïd Chibane, le voilà qu’il rempile pour un troisième mandat fin 1988, alors qu’il est en train de concocter sa propre Constitution.  Selon l’auteur, cette Constitution soi-disant pluraliste devait ouvrir la voie à la démocratie et à l’alternance au pouvoir. Qu’en sera-t-il réellement ? Serait-ce l’instauration de l’alternance et de la démocratie ou simplement une «fausse ouverture» en attendant que le «système» se régénère et ressaute de nouveau toujours sous le couvert d’une légitimité douteuse ? Après la publication de ce premier  jet consacré au temps du parti unique, l’auteur, Saïd Chibane, compte  éditer prochainement une seconde partie intitulée La fausse ouverture. A travers ce nouveau livre, il tentera de décortiquer la fin du règne énigmatique de Chadli Bendjedid et les interventions du «cabinet noir» dans les différentes étapes suivantes : la décennie noire, le HCE, Zeroual et Bouteflika. C’est du moins ce qu’il nous a déclaré lors de sa récente vente-dédicace à Alger. *Nacima Chabani-02.01.2014

**La presse a été envahie par les maquignons

Hichem Aboud, directeur du quotidien Mon Journal, a indiqué, lors de son passage aux Rencontres d’El Watan, qu’il avait été victime de plusieurs intimidations durant sa carrière avant d’opter pour un exil en France qui a duré 18 ans.

«Mon ton libre les gênait, ma manière d’écrire, ma manière de voir les choses. Je garde aujourd’hui le même ton, le même style, je ne peux pas changer. J’ai été contraint à l’exil, car on a menacé mon intégrité physique. Le système s’est ligué contre moi. Mais moi, je ne me laisse pas faire, je suis Chaoui», a-t-il déclaré. Hichem Aboud a fondé, il y a une année, le quotidien Mon Journal. Il indique que «cela n’a pas été facile» pour lui. «Aujourd’hui, on donne de agréments à des maquignons. Je prépare un dossier sur la presse algérienne. Des journalistes se baladent avec des statuts d’entreprises. Pour obtenir l’agrément, j’ai déposé ma demande en février 2012, par l’intermédiaire de mon avocat, au tribunal de Hussein Dey. Mais on nous a dit qu’il fallait passer par l’autorité de régulation de la presse écrite, qui n’existe pas encore. Je suis allé voir le ministre de l’époque, Nacer Mehal. Il m’a très bien reçu. Un ministre journaliste, ça fait plaisir ! J’ai expliqué à Mehal qu’il y avait un vide, d’autant plus que les textes d’application sont également inexistants. On m’a donc donné un agrément provisoire pour une année, daté du 5 juin 2012.»

Hichem Aboud pense que «le problème n’est pas dans l’obtention d’un agrément. Il faut se faire une place dans cette jungle de titres qui viennent fausser le jeu par leur nombre. Les pouvoirs publics font tout pour que la presse soit entre les mains de maquignons, pour que la presse ne puisse pas exercer le travail qui lui sied. C’est plus qu’une pollution médiatique. Un autre problème réside au niveau de la diffusion, car les distributeurs se sont habitués à ne pas rendre de comptes aux patrons de journaux. Les maquignons ne s’intéressent qu’aux pages délivrées par l’ANEP». Dans la foulée, il explique que «les autorités demandent de déposer un cautionnement de 250 millions par titre dans les quatre régions, soit un milliard de centimes». «Si un journaliste veut créer un quotidien, le premier obstacle est l’argent. Vous êtes obligés d’aller voir un maquignon. Moi je ne l’ai pas fait. Mon entreprise porte mon nom : Aboud Info. Je n’ai aucun associé.

Je ne suis redevable à personne. J’ai dû batailler pour avoir l’agrément. Pourquoi les gens me posent la question, alors que j’ai 38 ans d’expérience dans la presse. Il faudrait interroger les maquignons. Pourquoi Hichem n’a pas droit à une page de pub ? Je l’ai obtenue et je vais arracher la deuxième. Je n’ai pas quatre chats, le monteur de pages gagne à lui seul 80 000 DA. Mes journalistes ont tous un contrat de travail. Je n’ai pas créé une entreprise de presse à 100 000 DA. Mon journal a été crée à 2 millions de dinars», poursuit-il. Et d’ajouter : «En tant que journaliste, il donne l’info seulement pour protéger l’outil de travail.» «J’emploie 160 salariés dans les deux éditons. Mais je ne veux pas être prisonnier d’un annonceur, quitte à fermer», précise-t-il.

Hichem Aboud pense que «la presse algérienne manque de courage» et affirme qu’«hormis les premiers quotidiens créés par les gens du métier, les autres sont tous des beggara». Il répond à ses détracteurs : «Des gens qui n’ont pas parlé toute leur vie, pour eux, je ne dois pas rentrer en Algérie. Après 15 ans d’exil, je n’ai pas pu assister à l’enterrement de mon père, alors que je suis fils unique. Ni moi, ni ma femme, ni mes enfants n’ont demandé la nationalité française, alors qu’eux courent derrière. Pour ces gens, je dois aller en prison. Ils n’ont pas le courage. Ce sont des poltrons. Des petites fripouilles. Ils n’ont pas le courage d’écrire sous leurs noms pour m’insulter.»
Concernant les pratiques du système contre la presse, Aboud pense que «les pressions ne sont plus vulgaires. Auparavant, des inspecteurs enlevaient des pans entiers du journal. Avant, on mettait des journalistes en cellule rien que pour une information. Les réflexes ont changé présentement. Il y a une évolution, mais pas dans le sens que nous souhaitons. Ce n’est pas au nom de la liberté de la presse qu’il faut donner des agréments à tout le monde». Mehdi Bsikri- El Watan-24.04.2013.

L’affaire Hasseni-Mecili :

«L’Etat algérien n’a rien fait pour sauver le capitaine Hasseni. Samraoui est complice dans l’assassinat de Ali Mecili, c’est lui que le dit. C’est lui qui avait mis sous sa protection Amalou, qu’il a rencontré à Skikda, à l’hôtel Salem. Samraoui a assisté quand on lui a remis les 80 millions de centimes de francs français.

Samraoui ne pensait pas qu’il allait être présenté devant le juge d’instruction pour cette affaire», indique Hichem Aboud, pour qui ce dossier a rebondi lorsqu’il a accordé un entretien, en 2001, au Nouvel Observateur. «Le système cherchait un lampiste pour cacher les véritables commanditaires. C’est Chadli qui a donné instruction à Larbi Belkeir de tuer Ali Mecili, ordre relayé à Lakhal Belayat», déclare Aboud.

Selon lui, le principal motif de cet assassinat est que «Mecili voulait profiter de l’aura de Ben Bella au Moyen-Orient pour jouer l’intermédiaire dans les négociations de libération des otages occidentaux, d’où le rapprochement opéré par Brahim Younsi entre Aït Ahmed et Ben Bella. Mecili a, pour le pouvoir algérien, joué dans leur périmètre.

C’est pour cela qu’il a été tué. Aït Ahmed n’a jamais demandé l’audition de Chadli et de Larbi Belkeir, et ce, malgré mes déclarations». Hichem Aboud ajoute que lorsqu’il a apporté son témoignage, «quelque temps plus tard, j’ai rencontré Samraoui. Il m’a dit qu’il avait été témoin. Je lui ai dit d’aller voir le juge d’instruction. Samraoui, pour ne pas être pris, a dit que le meurtrier s’appelait Hasseni.

Samraoui a monté une cabale contre cet homme pour se retirer. Les autorités françaises ont incarcéré Hasseni. Mais moi, je le connais. J’ai dit qu’il n’avait rien à voir avec cette affaire. J’ai maintenu le témoignage. Le juge a compris que Samraoui le menait en bateau. Si je n’avais pas témoigné, il serait en prison aujourd’hui».    M. B.

Bouteflika a fait le mandat de trop :

«Les plus grands dictateurs sont les chefs des partis de l’opposition. Les plus grands dictateurs ne sont pas Bouteflika ou ceux qui se sont succédé à la tête de l’Etat», indique Aboud. Il considère qu’une dictature à la Boumediène est «bonne», car elle impose le travail, la santé, l’éducation. Il donnera les détails dans son prochain livre, L’Algérie des dictateurs.

Pour ce qui est de la corruption, Hichem Aboud pense que «la presse donne parfois des informations que même les colonels ne connaissent pas, car ils ne font pas partie des cercles décisionnels». «Nous avons un système politique érigé sur la corruption. La corruption s’est propagée à tous les niveaux. Bouteflika en est le premier responsable.

Au temps de Boumediène, ce n’était pas le cas. Il y avait des petits détournements et leurs auteurs étaient condamnés à 20 ans. Bouteflika a dépénalisé la corruption», juge-t-il.   M. B.

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    **Le grand déballage de Hichem Aboud

Raouraoua, Melzi, Maârif, Meguedem, Khalifa et les autres

Mohamed Raouraoua, président de la Fédération algérienne de football (FAF) et ex-commissaire de la manifestation Année de l’Algérie en France, n’a pas réagi aux révélations publiées ces dernières semaines par Mon Journal sur son implication dans des affaires de corruption et de malversations.

«Il a été sollicité par les chaînes Nesma TV et France 24, il a refusé de s’exprimer. Moi je l’ai fait. La raison en est simple : ce monsieur sait que tout ce que j’ai écrit dans Mon Journal est vrai. Il ne peut pas apporter de démenti ni m’ester en justice. Et vous savez très bien que ce monsieur, pour un oui, pour un non, va à la justice», a déclaré Hichem Aboud, directeur du quotidien national Mon Journal, lors des Rencontres d’El Watan. Selon lui, le dossier sur Raouraoua a été publié après l’assemblée générale de la FAF à l’hôtel Meridien d’Oran, le 20 février dernier. «Le bilan financer et moral passe comme une lettre à la poste. Le monsieur tient un discours où il ferme la porte à tout le monde et où il se présente comme le plus beau, le plus fort. Je suis un ancien journaliste sportif et je connais bien le milieu.

Quotidiennement, je reçois d’anciens joueurs et entraîneurs. Ils me parlent, me donnent des infos. Je ne calcule pas en disant que Raouraoua connaît X ou Y. J’ai mené l’enquête, je lui ai envoyé une lettre, lui disant que je détiens des informations sur sa gestion et sur des malversations ‘dont il serait’ responsable. Je voulais avoir sa version. Il n’a pas répondu. Il a même dit avec arrogance à une personne qu’on se reparlera chez le procureur», a expliqué Hichem Aboud. Le président de la FAF a été, selon lui, destinataire d’une seconde lettre après la publication des articles, lui demandant de répondre. «Nous étions prêts à organiser, dans les locaux du journal, un forum où il pouvait répondre aux questions de la presse. Il n’a pas donné suite.

On ne peut pas faire plus. D’autres informations arrivent concernant cet homme. Je ne vais pas faire de la rétention d’information. Je continue de publier. Les gens sont encouragés et nous font d’autres révélations. J’ai déjà quatre dossiers. Je n’ai pas honte de ce que j’ai écrit, mais Raouraoua a honte ; la preuve, il n’a même pas assisté au match Algérie-Bénin. Il ne se montre pas. Ce qui j’ai écrit est vrai, crédible et juste», a insisté le directeur de Mon Journal, saluant l’augmentation du tirage de ce quotidien. «Avec tout ce qu’il a comme argent, Raouraoua n’est pas du menu fretin. Lorsque tu lui tapes dessus, il se tait puis dit plus loin : ‘je sais d’où ça vient’ ! Mais, les articles sont signés Hichem Aboud, ce n’est pas anonyme», a-t-il souligné. 

«Khalifa a profité de l’opacité du système»

Le quotidien va bientôt publier des révélations sur Média Algérie, une agence de communication. «Cette agence se sucre à travers toutes les opérations de sponsoring. J’ai déjà deux noms et je cherche qui est derrière. Média Algérie sert d’intermédiaire entre le sponsor et l’équipe nationale de football. On peut prendre un pourcentage lorsqu’on fournit un effort pour chercher de la publicité. Ces gens ne bougent même pas ! Nedjma a ses locaux dans la tour de Raouraoua, à côté de l’aéroport d’Alger. Nedjma a-t-il besoin de passer par Média Algérie pour faire la publicité de l’équipe nationale ? Est-ce que l’adresse de l’équipe nationale est si méconnue pour qu’on aille chercher un intermédiaire ? Je vais bientôt voir Nedjma pour avoir leur version», a-t-il souligné, précisant que les journalistes ne sont ni des Zorro ni des justiciers. Il n’est pas étonné de l’absence de réaction des pouvoirs publics après ce déballage : «Parce que nous avons un système politique érigé sur la corruption. On sort un gros dossier sur Amar Ghoul, aucune réaction.

Au même moment, le ministre de la Justice dit au procureur qu’il ne veut pas de la sardine mais du gros poisson. Le gros poisson siège à côté de ce ministre chaque semaine, au gouvernement ! On met aux arrêts des responsables du ministère de l’Energie et de Sonatrach pour affaires de corruption et Chakib Khelil se balade comme il veut. Je ne peux pas dire qu’il est protégé par le président de la République ou par un autre responsable. Pour être crédible, il faut qu’on surveille nos mots. J’aimerais bien avoir le président de mon côté, en m’attaquant à ces gens-là, en le prenant comme témoin, surtout qu’il a dit qu’il faut mener une lutte sans merci contre la corruption… C’est un système. Va chercher qui protège qui. Raouraoua a ses sponsors et il a eu des mentors. Quand on touche aux pions, les sponsors se retirent, les laissent seuls pour qu’ils ne brûlent pas.»

Abdelmoumen Khalifa, patron du défunt groupe El Khalifa, en détention à Londres, a profité de l’opacité du système, selon Hichem Aboud : «Chacun tient l’autre. C’est un système. Pour Khalifa, mieux vaut qu’ils disent qu’ils ont travaillé avec lui au lieu de dire qu’ils ont été roulés par lui. J’ai des choses à raconter sur Khalifa, j’ai eu la chance d’avoir connu ses plus proches collaborateurs.» D’après lui, Abdelmoumen Khalifa n’avait pas d’hommes derrière lui : «Il n’utilisait pas les hommes du pouvoir mais leurs proches, leurs enfants. Il a par exemple utilisé la fille de Abdenour Keramane. Son cerveau était un directeur central au ministère de l’Enseignement supérieur. Il est en fuite. J’ai dit à Larbi Belkheir que sa fille faisait des affaires avec Khalifa. Il m’a répondu ‘pourquoi pas ! Tout le monde fait des affaires avec Khalifa.’ Le frère du président Bouteflika était l’avocat du groupe El Khalifa sans exercer. Il n’avait pas un seul dossier. Khalifa voulait que le frère du Président soit à ses côtés dans les soirées et dîners. Que peuvent dire les gens alors ?»

«Meguedem ne sera jamais affaibli»

«Mohamed Meguedem a tiré les marrons du feu dans l’affaire Khalifa. Il roule pour lui-même. C’est un homme nocif. Meguedem ne sera jamais affaibli tant que l’homme sert les couches de ces messieurs ! Quand on a été rabatteur de filles de joie pour de hauts responsables, on ne sera jamais affaibli. Aujourd’hui, il ne le fait plus, mais il est dans les magouilles. Meguedem est conseiller à la présidence de la République sans poste. Il a la voiture avec gyrophare, le téléphone, le passeport… Il a été ramené par Larbi Belkheir pour limiter sa nocivité», a relevé Hichem Aboud, qui promet de sortir «la grosse artillerie» bientôt. Il prépare un dossier sur les affaires liées à Hamid Melzi, directeur de la résidence d’Etat EGT Sahel (Club des Pins, Moretti et Société d’investissement hôtelière, SIH). «Melzi fait courir la rumeur que Hichem Aboud a reçu des instructions pour ne pas écrire sur lui.

Celui qui me donne des instructions d’écrire ou de ne pas écrire n’est pas encore né ! Melzi, Rachid Mâarif (ex-directeur du protocole du président Bouteflika), Meguedem, tous ces gens-là vont y passer. On me ramène des dossiers ficelés. Je ne vais pas les refuser. Melzi a un réseau relationnel. Il est tout à fait normal qu’il trouve les appuis qu’il faut là où il faut. Il a ses relations avec la presse, l’armée, les politiques. Ses relations peuvent toujours intervenir en sa faveur pour qu’il puisse rester là où il est. Je vais publier des documents sur Melzi comme je l’ai fait pour Khalifa», a soutenu le directeur de Mon Journal.
Aboud a également évoqué l’existence de la corruption au sein de la police, de la gendarmerie et de la justice : «L’information fait mal. Eh bien, tant pis pour eux. Ceux qui me reprochent de parler de certains, je les invite à parler des autres. Ils veulent toujours noyer le poisson, il ne faut pas qu’on parle pour eux !» *Fayçal Métaoui-El Watan-24.04.2013.

il a dit aussi :

- «L’Algérie est partagée, chaque région a son nabab. Becthine était le patron de Constantine.»
- «Ni moi, ni mon épouse, ni mes enfants n’avons demandé la nationalité française.»
- «Je ne suis pas un chien du pouvoir pour m’attaquer aux partis d’opposition.»
- «Certains s’attendaient à ce qu’on ferme Mon Journal au bout d’un ou deux mois.»
- «Certains ont peur de m’approcher ou de parler avec moi. D’autres s’interrogent pourquoi je n’ai pas été tué après la publication de la Mafia des généraux.»
- «Tant qu’il y a le matelas de l’argent du pétrole, il n’y aura pas d’explosion sociale.»
- «Mais qu’attend Mouloud Hamrouche pour parler ? Il attend que les gens de la casquette l’appellent pour sortir de son silence.»
- «Ahmed Benbitour se présente à l’élection présidentielle sans parti politique. Mais qui va faire sa campagne ?»
- «Face au vide, la presse a joué le rôle de l’opposition, elle s’est substituée aux partis.»
- «Je ne suis pas un opposant, mais un journaliste. Lorsque j’écris, ça plaît à certains et ça déplaît à d’autres.»
- «Ce système a réduit l’Algérie, ce géant, à la taille d’un nain.»
- «Il n’y a qu’en Algérie où l’on s’insulte entre journalistes et entre journaux.»
- «Je ne permets pas la censure. Certains journaux sont sélectifs.»

Fayçal Métaoui

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*Hichem Aboud est convaincu d’une chose : «Ma marche arrière est soudée ! Je suis un Chaoui et j’ai la tête dure.» Il a rappelé qu’il a été condamné à un an de prison ferme pour le livre La Mafia des généraux.

On m’a poursuivi pour «outrage à corps constitué», «dénonciation calomnieuse». «Le tribunal d’Hussein Dey n’était pas territorialement compétent pour me juger pour la simple raison que je n’habitais pas cette commune d’Alger. Ma dernière adresse avant d’aller en France était Oum El Bouaghi, avant, c’étaient Constantine et Réghaïa. Même le plaignant, le ministère de la Défense était domicilié au tribunal de Abane Ramdane. Donc, je me demande comment le tribunal d’Hussein Dey a accepté la plainte et jugé l’affaire», a-t-il souligné. L’outrage à corps constitué n’était, selon lui, pas fondé «puisque le livre était dédicacé aux soldats et officiers intègres de l’ANP». «Un livre plaidoyer pour l’armée contre ceux qui ont souillé son honneur. J’ai rendu hommage à des généraux intègres, tels que Benyellès, Benhadid, Hadjerès, Kamel Abderrahim.

Des généraux que je connaissais de réputation. Il n’y avait ni règlement de comptes ni chita. J’ai fait l’éloge du procureur militaire Belkacem Boukhari et du général-major Bachir Tertag. Je n’étais pas contre la lutte antiterroriste. J’ai cité les noms de personnes qui ont mené l’Algérie à la faillite et au chaos. Les généraux cités ont utilisé le ministère de la Défense pour déposer une plainte contre moi. J’ai commencé à écrire le livre ici. Merbah était vivant encore lorsque j’ai commencé à poser les questions sur le fonctionnement du système. Ce livre n’est plus d’actualité, mais reste un livre d’histoire. La justice m’a donné raison puisque j’ai été acquitté. Mais le livre a été interdit en Algérie par décision de justice», a-t-il affirmé. Et d’ajouter : «Je sais qu’en France, l’Elysée est intervenu pour qu’il n’y ait plus de réédition du livre après la quatrième édition. Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, s’est fait tirer les bretelles à l’Elysée après avoir publié une interview avec moi.» «A la sortie du livre La Mafia des généraux, le FFS était premier à m’avoir attaqué estimant que ce livre était l’œuvre du DRS. J’étais étonné. Après, j’ai compris qu’il ne fallait pas élever la voix plus que le FFS, surtout lorsque tu es indépendant.

Pour le FFS, si tu es pour le pouvoir, tu es DRS. Et si tu es contre le pouvoir, tu es DRS. Il faut donc avoir la carte du militant du FFS et applaudir un vieux qui gère le parti par fax. Aït Ahmed a acheté une villa au dinar symbolique et l’a revendue à 5 millions d’euros. Tout le monde le sait, mais personne n’ose l’écrire. Le premier à avoir bénéficié des largesses du DRS était le FFS. La villa Brazza, où se trouve le siège du FFS, appartenait au DRS», a affirmé Hichem Aboud. «Moi, je ne roule pour personne. Je m’appuie sur la privation de mes droits les plus élémentaires, le droit au logement, notamment. Pour moi, le journalisme a toujours été l’investigation, l’entretien… aller à la source de l’information. Un  journal n’a pas de partie pris, son rôle est d’informer… Il faut oser en publiant de la bonne information», a-t-il souligné. *Fayçal Métaoui-El Watan-24.04.2013.

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Elle a été dissoute dans la discrétion – La police parallèle a bel et bien existé !

Le Premier ministre a procédé, en avril dernier (2013) et de la manière la plus discrète, à la dissolution d’un corps de «police» tout aussi discret appelé Centre opérationnel d’aide à la décision (Conad).

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Ce corps, dont on ignore qui est le directeur et encore moins quelles ont été ses missions depuis sa création, en 2003, pour être placé sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, s’en va comme il est arrivé, dans l’opacité la plus totale.
Les institutions de la République, comme l’Assemblée nationale, n’ont été associées ni à la décision de sa création ni à celle de sa dissolution et encore moins à savoir ce qu’il a bien pu faire en dix années d’existence.

«Cette manière de faire renvoie à la façon avec laquelle ce pays est géré, dans l’opacité. L’Algérie est gérée en dehors des dois de la République et des institutions», estime Mostefa Bouchachi, député FFS et ancien président de la Ligue de défense des droits de l’homme (Laddh). Notre interlocuteur s’insurge contre cet état de fait : «Les Algériens, ou la plupart d’entre eux, ignoraient l’existence d’une telle structure et il n’y a pas eu de débat dans les institutions à ce sujet. Il est inacceptable que les décisions qui concernent l’Algérie et les Algériens continuent à être prises en dehors des institutions.» Le justiciable, qui peut être victime des agissements d’une telle police, ne sait même pas à qui elle appartient ni par qui elle est dirigée. Il lui est donc difficile d’identifier ses agresseurs en cas d’atteinte à son intégrité physique ou morale.

Pour Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue des droits de l’homme (LADH), cette dissolution est une «bonne chose». «La dissolution de tout service de renseignement et d’enquête est une bonne chose. On estime, au niveau de notre ligue, qu’il faut réduire au maximum ces services qui sont tout le temps derrière les citoyens à essayer de tout savoir sur eux. Les citoyens doivent bénéficier de toute liberté d’être et d’agir et de toute la protection de leur vie politique, sociale, etc.» Et M. Ghechir d’ajouter : «Si chaque ministre créait son propre service de renseignement et de contrôle sur les citoyens, ce serait une catastrophe.

Nous l’avons vu de par le monde, une situation pareille engendre fatalement une guerre des services. Il est préférable de centraliser ces services en une seule structure qui devra travailler dans la transparence, la légalité et le strict respect de la Constitution et des lois de la République.» Notre interlocuteur estime que sa dissolution, d’ailleurs, n’obéit pas à une volonté de faire respecter les lois de la République mais de neutraliser un corps appartenant à un clan. «Je ne crois pas que l’intérêt du citoyen ait primé dans ce choix de dissolution, mais reflète plutôt une guerre des services», note-t-il.

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Le vice-président de la Laddh, Kamel Daoud, dénonce pour sa part l’absence de communication fiable : «On ne sait rien de cette structure, a-t-elle été mise en place ? A-t-elle exercé ? Si elle est aujourd’hui dissoute, a-t-elle été opérationnelle et comment ? On est dans le flou absolu.» Et de noter, à la question de savoir s’il s’agit d’une police parallèle : «Mais la police parallèle, il n’y a que ça en Algérie. Même la police officielle est entre les mains de la police parallèle.» Kamel Daoud affirme en outre qu’«avec cette histoire, on est dans le cirage absolu et en pleine manipulation. Qu’ils nous disent alors comment va le président de la République !» Et d’enchaîner : «On est dans une situation de déni des droits de l’homme, à commencer par le droit à l’information.» *Nadjia Bouaricha-El Watan-30.05.2013.

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La présidente de Parti des Travailleurs essuie, ces jours-ci, de véritables tirs groupés

Quelque part, quelque chose de Hanoune dérange et la gamme sur laquelle elle jouait, n’est plus appréciée.

Il ne faut pas être un fin observateur pour remarquer combien de flèches sont décochées ces jours-ci sur Louisa Hanoune.

Autopsie d’une opposition

Il suffit de ne pas être myope pour constater que la présidente de Parti des travailleurs essuie de véritables tirs groupés. Il n’est, en effet, nul besoin d’être dans les secrets des ombres pour comprendre que, quelque part, quelque chose de Hanoune dérange et que la gamme sur laquelle elle jouait n’est plus appréciée.
La responsable du PT était, hier encore, adulée. Elle était dans le giron du pouvoir qui aimait la recevoir avec tapis rouge, roses et fanfare, et ses parfums semblaient si appréciés là-haut qu’il était parfois difficile de voir la limite du fauteuil qu’elle s’est taillé entre l’opposition et la non-opposition qui, avec le temps, prit les contours d’un soutien inconditionnel. D’ailleurs, à un moment, il était devenu impossible aux plus rompus des analystes, en l’écoutant, de savoir si elle parlait de sa voix ou de celle d’autrui, tellement elle aurait été porte-parole du pouvoir que l’on n’aurait pas trouvé cela étonnant. La fausse cavalière, longuement applaudie pour deux faux trots vers El Mouradia, semble aujourd’hui dégager une odeur si repoussante qu’on lui tire dessus de toutes parts. Et avec tout ce qui tombe sous la main. Pourquoi donc?

Un personnage veut sortir de son rôle
Un personnage appartient à son auteur. Dans tout ce qu’il dit et dans tout ce qu’il fait. A celui auquel choît le rôle de ce personnage, il revient donc de ne pas s’écarter de la ligne tracée par la plume, le pinceau ou le focus de l’auteur. Certes, sur les planches du théâtre, certains «génies» s’écartent, de temps en temps, du texte de la réplique mais, même cela, qu’on appelle improvisation, doit se faire en conformité avec le désir de l’auteur. Par ailleurs, même les personnage ont une vie et une mort et lorsque l’auteur décide que le personnage disparaisse, ce dernier n’est même pas consulté. Il subit. Il disparaît. Un point c’est tout. Peut-il arriver, cependant, qu’un personnage se rebelle? Qu’il conteste la décision de son auteur? Avec ce qui se passe ces jours-ci sur la scène politique nationale, on a plutôt l’impression que oui!
En voulant continuer à jouer un rôle qui n’est plus nécessaire, Louisa Hanoune a fini par mettre en colère ceux qui l’ont faite ou plutôt ceux qui l’avaient inventée pour les besoins d’une époque. Son rôle était important et servait un objectif déterminé et il faut le reconnaître, elle l’a joué avec brio même. Cependant, dans le jeu, comme dans la réalité, il y a une fin à tout. Et, en bon acteur, il faut simplement accepter que tombe le rideau en fin de partie.
C’est malheureusement ce que Hanoune n’a pas voulu comprendre. Elle avait joué son rôle avec tellement de sincérité qu’elle avait fini par y croire vraiment.

Pourquoi Hanoune a-t-elle agi ainsi?
La limite entre la réalité et la fiction n’est plus visible pour celle qui était chargée de crier au loup avant la prise de toute grande décision. Elle l’a tellement fait, et même bien fait, que, aujourd’hui, sachant la prise de grandes décisions prochaines, elle s’est mise, toute seule, comme une grande, à crier au loup. Elle a commis en cela trois impairs.
Le premier, c’est de ne pas avoir tenu compte des désirs de ses auteurs. Une marionnette ne peut pas danser seule. Elle est toujours sujette aux mouvements décidés par ceux qui tirent les ficelles. Si, cependant, elle se met à bouger seule, elle peut être en total décalage par rapport au moment. Et c’est ce qui se passa exactement pour Hanoune. Le seconde erreur de Hanoune, c’est qu’elle a voulu se prévaloir d’une appartenance à d’autres auteurs que ceux qui l’avaient mise là. En politique, on ne peut pas renier, ni même se permettre d’oublier son géniteur comme on renie ou on oublie ses premières aventures sentimentales. Cela coûte toujours que de vouloir doubler ceux qui vous ont fait la promotion. A vrai dire, Hanoune s’est laissé séduire par d’autres acteurs de la scène politique. Certes, ceux-ci étaient forts à un moment, mais ils ont une durée de vie bien moins longue que ceux qui les ont faits eux-mêmes, tout comme ils ont fait Hanoune et bien d’autres encore.
Le troisième, c’est qu’en tentant de se démarquer de ceux qui l’ont inventée, Hanoune ne s’est pas rendu compte que son rôle a changé. En restant dans la peau du même personnage et en tenant le même discours qu’il y a vingt ans, elle rend difficile une transition déjà assez compliquée en soi, car aujourd’hui, il ne s’agit plus de crier au loup en regardant le bois, comme cela avait été le cas durant quelques décennies, mais de le faire en lorgnant le côté de la bergerie!!! Ainsi va la vie, ainsi va la vie!
Est-ce qu’elle ne veut pas se résigner à accepter la fin du rôle et du personnage qu’elle jouait? Est-ce parce qu’elle s’est mise au travers d’un chemin sur lequel elle n’aurait pas dû se trouver? Ou bien est-ce simplement la nécessité du moment qui fait qu’elle doive être lâchée car faisant partie d’une période révolue? Aurait-elle omis de tenir compte d’une certaine évolution du monde? Ou bien ne croyait-elle pas avec suffisamment de force que tout change dans cette vie? Que les idées qu’on défend changent, que le café qu’on aime change, que le goût du monde change et, surtout, que la colonne à laquelle on s’appuie aujourd’hui peut s’effriter demain et nous laisser sans appui? A toutes ces questions on pourrait répondre par l’affirmative mais, quelle que soit la réponse et quelle que soit la raison, Hanoune est bien la cible d’un large faisceau de tirs. En politique comme du reste, dans la vie au quotidien, les puissants du jour ne peuvent être éternels. Ils doivent un jour partir et avant même qu’ils soient partis, ils cèdent la place à plus fort. Tous les rôles quels qu’ils soient doivent toujours prendre fin. Or, il semble que Hanoune refuse la fin du personnage qui était sien sur cette scène politique nationale. Alors elle essuie réprimandes et vociférations de la part de ses inventeurs.
En continuant à faire l’autiste, Hanoune provoque d’autres tirs qui pourraient aller jusqu’à une action déstabilisatrice du PT qui finira, il n’y a pas de doute, par son éviction de ce parti. Sur l’autel du changement, d’autres avant elle ont été sacrifiés. On pense surtout à Belkhadem, à Soltani et à Touati. Quant à Ouyahia, c’est déjà un autre niveau de jeu.
Est-ce par conviction ou plutôt par confort qu’elle tente de résister à la marée dévastatrice qui sévit depuis quelque temps? Il ne fait pas de doute que dans ce qu’elle dit, il y a beaucoup de vrai. Nous l’avons souligné déjà (L’Expression du 12/05/2013), sauf que, en ce moment, ce qu’elle dit tout le monde ne veut pas en entendre parler. Pourquoi? C’est ce que Hanoune aurait dû et devrait comprendre.
Lorsqu’on est acteur, on joue le personnage comme le veut le réalisateur ou bien on ne joue pas. C’est simple. Lorsqu’on est un personnage, on existe comme le veut l’auteur ou on n’existe pas. C’est tout aussi simple. Vouloir être acteur et personnage et décider de jouer comme on veut, sans tenir compte de l’auteur et en faisant fi des orientations du réalisateur, c’est un peu compliqué. Un peu trop même, chez nous.

Et pourtant, elle tourne…
Il arrive parfois, lorsqu’on a l’impression de ne plus rien avoir à perdre, de s’accrocher à ses idées, à ses voeux, voire parfois à ses folies. Est-ce que Hanoune a cette impression que tout est derrière elle et que, maintenant, elle n’a rien à gagner et encore moins à perdre. Les années passées au Parlement ont-ils rempli suffisamment sa vie politique pour qu’elle ait décidé de rester fidèle à elle-même et à son rôle jusqu’à la fin? Cela signifierait dans ce cas qu’elle sait que la partie est finie et que le rideau va tomber!
E pur si muove!… Et pourtant… elle tourne!
Aujourd’hui Hanoune a bon dos. Il y a ceux qui lui reprochent de s’être attaquée à Benbitour, ceux qui ne lui pardonnent pas d’avoir parlé du stationnement des forces américaines en Espagne et ceux qui voient en elle un Don Quichotte à l’algérienne en 2013. Certains lui reprochent d’avoir été contre la grève des médecins, d’autres ont donné des raisons plus ou moins acceptables mais, de toutes façons, on trouve toujours des raisons pour punir celui qu’on veut punir.
En vérité, toutes ces excuses sont superflues car, on le sait bien, on aurait bien pu la laisser parler comme d’habitude, cela n’aurait rien changé, et à rien. Ce qui semble lui être reproché en réalité c’est surtout son soutien à un quatrième mandat pour Bouteflika et sa position en ce qui concerne la révision de la Constitution.
Sous prétexte du principe de la révocabilité, la présidente du PT a, sans cesse martelé son soutien à ce mandat de toutes les divergences. Elle sait, au fond, que la non-limitation des mandats n’a rien de démocratique et que, dans ce qu’elle a avancé comme argument de révocabilité par le peuple, il n’y a rien de sérieux, non plus.
Mais là n’est pas le fond du problème car,si tel était le véritable problème, et donc la cause réelle de sa descente en règle, alors pourquoi les autres chefs de parti qui ont, aux aussi soutenu ce quatrième mandat, n’ont pas été inquiétés? Pourquoi Ghoul et Amara Benyounès notamment, n’ont pas fait l’objet d’une campagne similaire que subit depuis quelque temps maintenant Louisa Hanoune? La question mérite d’être posée et les jours nous apporteront bien une réponse.
Il lui appartient, à Hanoune, en fouillant dans ses déclarations et ses prises de position, peut-être trouvera-t-elle les vraies raisons qui lui ont valu d’être repoussée soudain et sans état d’âme. Accusé d’hérésie pour avoir soutenu que la Terre tourne autour du Soleil, Galilée, longtemps respectable et respecté, a dû être descendu en lambeaux par les autorités jusqu’au jour où il reconnut avoir commis une erreur. «Moi, Galiléo, (…) j’ai été tenu pour hautement suspect d’hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n’est pas le centre, et se meut. J’abjure et maudis d’un coeur sincère et d’une foi non feinte mes erreurs.»
C’est ainsi qu’il évita le bûcher. Que devra donc dire Hanoune pour éviter le sien? Qu’il n’y a pas de danger qui guette le pays? Qu’il n’y a pas de danger en vue?
On attribue à Galilée d’avoir tout de même laissé filer entre les dents un certain «e pur si muove!» (et pourtant elle tourne). Que dira Hanoune alors? Et pourtant je chantais la même chanson? Et pourtant je jouais le même rôle? Difficile de savoir. *Par Aissa Hirèche -L’Expression-15.05.2013.

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