Où va l’Etat algérien ?

**Nous vivons un moment extrêmement délicat dans l’histoire récente de la nation algérienne.

  *L’avenir de la nation est très sérieusement menacé.

***Par : Ahmed Benbitour-

A côté des dangers émanant de la mauvaise gouvernance, des restrictions des libertés individuelles et collectives, de la fermeture du champ politique et l’exercice démocratique et bien d’autres apparaît aujourd’hui l’élément déclencheur de la catastrophe, à savoir la pénurie des moyens de financement des activités de l’Etat et de l’économie.

Pour présenter l’économie d’aujourd’hui et de demain, nous traiterons les quatre points suivants : la projection de l’environnement international, la nature du pouvoir en place et les conséquences de sa gouvernance sur l’Etat, la situation des populations, la projection de l’économie nationale.

Alors, nous arriverons à la nécessité impérative de changer tout le système de gouvernance et non se limiter au changement des personnes. Il y va de la sauvegarde de la nation algérienne.

1. L’environnement international

Celui-ci offre des opportunités et présente des menaces. Les opportunités se caractérisent par la démocratisation de l’accès au savoir et l’accélération du progrès scientifique et technologique. Le capital scientifique mondial double en moins de sept ans. Cela signifie que tout ce que l’humanité a accumulé comme capital scientifique depuis l’arrivée de l’être humain sur Terre jusqu’à 2010, elle accumulera son équivalent entre 2010 et 2016.

Des projections signalent un doublement tous les 70 jours en 2035 !

C’est aussi le Big Data, une capacité importante d’emmagasinement de très grandes quantités d’informations dans des volumes de plus en plus petits. Egalement la convergence des nanotechnologie, biotechnologie, informatique et sciences cognitives (NBIC) pour arriver à l’horizon 2050 à la création de cellules intelligentes artificielles en accompagnement des cellules naturelles ; alors l’espérance de vie se situerait à deux siècles.

De même, les Massive open en ligne courses (MOOC’s), à savoir les cours des meilleures universités présentés par les meilleurs professeurs gratuitement sur la Toile. C’est enfin l’université de l’abondance avec la convergence entre le savoir, le laboratoire et le capital. Nous allons assister à un changement radical dans la répartition à travers les pays en ce qui concerne les diplômés universitaires de la post-graduation.

La Chine se donne l’objectif d’atteindre 20% des citoyens diplômés en post-graduation d’ici 2020. L’Inde projette un taux d’accès à l’enseignement supérieur de 50% en 2030.

Le pourcentage des diplômés de post-graduation âgés de 25-34 ans passera de 17% en 2013 à 27% en 2030 en Chine, de 14% à 23% en Inde, et de 14% à 8% aux Etats Unis d’Amérique. D’ici 2030, la Chine et l’Inde devraient fournir plus de 60% de la main-d’œuvre des pays du G20, diplômés en Sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM).   
Le monde est entré de plain-pied dans l’économie du savoir, une économie qui assure une utilisation effective du savoir pour la réalisation du développement économique et social.

Les menaces se situent au niveau de la globalisation, la glocalisation et le village global.

La globalisation, c’est un programme publicitaire mondial pour unifier le mode de consommation et de loisir de tous les habitants de la planète sur le modèle occidental. En fait, cela prendra du temps, alors patientez et on vous aidera à y arriver ! C’est aussi une compétition féroce entre les trois grandes économies mondiales que sont la Chine, l’Inde et les Etats-Unis d’ Amérique. La Chine s’est déjà classée première économie mondiale en dollar du pouvoir d’achat en 2014.

La compétitivité américaine se basera sur la réponse à une demande mondiale dans le cadre de l’unification du mode de consommation et de loisir. Celle de l’Inde se construira sur la formation des meilleurs ingénieurs au monde dans les domaines des TIC et des services. Celle de la Chine se construira sur des prix bas très compétitifs, ainsi qu’une demande interne immense. Le revenu par habitant en Chine est passé de 941 USD en 2000 à 7589 USD en 2014. Il s’est multiplié par huit. S’il se multiplie par quatre dans les dix prochaines années, ce sera un revenu de 30 000 USD sur une population de 1,2 milliard d’habitants !

La glocalisation, c’est l’action à la disparition de l’Etat national actuel et son remplacement par de petits Etats dans le cadre de réseaux plus larges. Pour notre région, c’est le Grand Moyen-Orient qui est proposé.
Le village global, c’est ce qui est qualifié de «la dictature scientifique», à savoir la capacité d’influence sur les populations par les réseaux sociaux.

Comme il est aisé de le constater, pour se protéger contre les menaces et profiter des opportunités du développement scientifique et technologique le pays a besoin d’un autre profil de dirigeants et d’un autre mode de gouvernance.

2. La nature du pouvoir en place et les conséquences de sa gouvernance sur l’état

La nature du pouvoir algérien se caractérise par l’autoritarisme, le patrimonialisme et le paternalisme. L’autoritarisme, c’est le refus de tout contre-pouvoir. Il consiste à vous dire : vous êtes avec moi en applaudissant, sinon vous êtes contre moi et je fais tout pour vous faire taire. Alors, et inévitablement, le pouvoir est très peu informé sur la situation du pays, il s’en détache progressivement au point de ne plus en contrôler les ressorts essentiels.

Le paternalisme, c’est l’omniprésence  d’un chef qui se comporte comme le père du peuple, avec qui il doit rester en contact direct sans interface aucune. Il considère que les institutions de gouvernance de l’Etat sont des intermédiaires qui gênent sa relation avec son peuple. Alors, il fait tout pour les affaiblir et les cantonner dans un simple rôle de figuration et de trompe-l’œil. Un régime patrimonialiste est un régime qui bénéficie d’une rente confortable qui rassemble autour du «Chef» une faune de courtisans prêts à se distinguer par leur zèle dans l’allégeance et à s’assurer ainsi toutes sortes de gratifications.

Pour sa part, la société dans son ensemble demeure écartée des préoccupations du sommet, ses problèmes n’étant guère pris en considération. D’où l’important gap entre gouvernants et gouvernés.
Dans la situation de l’autoritarisme, du patrimonialisme et du paternalisme qui ont été érigés en système de gouvernance dans notre pays, le pouvoir devient défaillant et sa gestion chaotique et ruineuse pour la société.

La rente et la prédation dans l’utilisation de la rente mènent vers la corruption de l’argent.
La défaillance du pouvoir et la corruption de l’argent mènent vers la déliquescence de l’Etat.

Un Etat déliquescent se caractérise par : la généralisation de la corruption et la kléptocratie ; l’institutionnalisation de l’ignorance et de l’inertie ; le culte de la personnalité ; la centralisation du pouvoir de décision entre un nombre réduit d’individus en lieu et place des institutions habilitées ; l’émiettement des pôles de pouvoir entre les différents clans à l’intérieur du système.

La kléptocratie se définit comme la caractéristique d’un système politique où la haute hiérarchie du pouvoir utilise la corruption à grande échelle pour son enrichissement illicite, notamment à travers l’accaparement de la rente dégagée des exportations des hydrocarbures.
Ces critères de définition d’un Etat déliquescent sont apparents dans le mode d’exercice du pouvoir et dans l’ensemble des activités de l’Etat en Algérie.

- La situation des populations

La population connaît, quant à elle, cinq grands maux : la perte de la morale collective ; la violence qui devient l’instrument privilégié de règlement des conflits entre les individus, entre les groupes d’individus et entre les groupes d’individus et l’Etat ; la généralisation de la corruption ; l’indifférence et le fatalisme

3. L’économie algérienne d’aujourd’hui et de demain

L’économie algérienne a connu une aisance financière exceptionnellement favorable : des réserves de change en devises couvrant plus de trois années d’importations, une dette extérieure presque nulle, un fort excédent budgétaire, un taux d’épargne qui a atteint 50% du PIB, un taux de thésaurisation de plus de 20% du PIB, et une surliquidité au niveau du système bancaire. Quelle opportunité gaspillée ! La gouvernance en place a transformé cette aisance financière en années de disette.
Effectivement, la facture d’importation s’est multipliée par cinq, passant de 12 Milliards USD en 2001 à 65 Milliards USD en 2013. Le prix du baril nécessaire pour assurer l’équilibre du budget est passé de 54 USD en 2005 à 115 USD en 2013. Les autorités monétaires annoncent un prix nécessaire supérieur à 112 USD maintenant. Les quantités d’exportations d’hydrocarbures ont baissé de 25,6% entre 2006 et 2011 et continuent de baisser depuis.

Quel a été le comportement des autorités budgétaires après le renversement de situation dans les recettes ? Ce comportement s’est caractérisé paradoxalement par plus de laxisme, puisque le budget de fonctionnement de 2011 était en augmentation de 47% par rapport à celui de 2010. C’était une façon d’élargir le cercle des courtisans après les événements de janvier 2011 ! Cette augmentation était de 23% en 2012 par rapport à 2011 ! Après la baisse durable des prix des hydrocarbures à l’exportation survenue dès le deuxième semestre 2014, passant de 115 USD/baril en juin 2014 à 30 USD début 2016, les autorités compétentes ont annoncé dans l’urgence la fébrilité et la précipitation une politique d’austérité budgétaire.

Lorsque nous comparons les résultats budgétaires du 1er semestre 2015 par rapport au 1er semestre 2014, nous constatons que la valeur des recettes d’exportations a baissé de – 47% par l’effet de la baisse des prix et – 4,57% par l’effet de la baisse des quantités.
Face à cette baisse des recettes, il a été enregistré durant cette même période une augmentation des dépenses budgétaires de + 7,8% avec 158 Milliards DA d’augmentation des dépenses de fonctionnement.

En réalité, la politique d’austérité a été réalisée dans l’augmentation des prix de consommation des produits alimentaires importés du fait de la baisse administrée du taux de change du dinar par rapport au dollar.  

Le volume des exportations algériennes d’hydrocarbures continuera à baisser du fait de la forte hausse de la consommation interne d’énergie de source fossile, de la baisse de production à cause du départ notable de personnel qualifié de  Sonatrach, et du moindre intérêt des compagnies étrangères dans l’exploration, la recherche et le développement.

Les prix ne connaîtront pas de hausse notable durant la prochaine décennie à cause du rythme d’augmentation de l’offre mondiale supérieure à celui de la demande. D’où l’offre excédentaire et la pression sur les prix à la baisse.

La forte augmentation du rythme de croissance de l’offre conséquence, d’une plus grande maîtrise dans l’exploitation des sources non conventionnelles d’énergie, pétrole et gaz de schiste, ainsi que du retour de certains pays dans la production de l’énergie conventionnelle, Iran notamment, ce qui a induit chez les pays producteurs de pétrole membres de l’OPEP l’orientation d’une politique de parts de marché et non de prix.

La faible augmentation du rythme de croissance de la demande à l’extérieur s’explique par la transition des économies vers les technologies de l’information et de la communication moins gourmande en énergie, une rationalisation de la consommation des énergies de source fossile dans les pays consommateurs, et une faible croissance de l’économie mondiale dont principalement celle de la Chine qui est passée d’un taux à deux chiffres à celui de 6,7%.

Il faut noter que le prix d’équilibre du budget de fonctionnement se situait à 70 USD le baril en 2011. Cela signifie qu’avec les prix actuels entre 30 USD et 40 USD, l’endettement envisagé par le gouvernement irait financer le déficit du budget de fonctionnement, contrairement à la bonne règle qui consiste à utiliser l’épargne pour le financement des équipements et non le fonctionnement. Nous sommes bien installés dans les années de disette !

L’économie de demain dépendra du maintien du pouvoir en place et du personnel dirigeant actuel et ce sera la conjonction entre les menaces de l’environnement international, les maladies de la population et une économie en déficit de sources de financement. Il est alors aisé d’anticiper dans quelle situation se trouvera l’économie algérienne et même la nation algérienne. S’il y a changement de tout le système de gouvernance et non se limiter au changement des personnes, c’est-à-dire un nouveau mode de gouvernance avec un autre profil de dirigeants, alors la route de la marche de l’économie se trace clairement : quitter la rente et la prédation et entrer dans l’économie du savoir.

L’économie du savoir est une économie qui s’appuie sur quatre piliers : la promotion économique et la construction institutionnelle, la qualité du système d’enseignement, la place accordée à l’innovation dans la relation, entreprise, université et capital, les technologies de l’information et de la communication en production et en consommation. Les tâches prioritaires concerneront la construction des institutions et l’amélioration des comportements individuels et collectifs. 

*Par : Ahmed Benbitour—Ancien chef de gouvernement

*paru dans el watan/ samedi 07 mai 2016

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*Louisa Hanoune: l’Etat se met au service d’un groupe de nouveaux riches…» 

Lors d’un meeting organisé à la veille du 71e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, Louisa Hanoune a rendu hommage à la longue lutte pour la libération.

«Le 8 Mai 1945 est un important virage dans la lutte du peuple algérien. Sous l’égide du PPA, il a non seulement exigé la libération du zaïm Messali Hadj et tous les prisonniers politiques, mais revendiqué le droit à liberté et à l’autodétermination.

Mais l’idéal de Mai 1945 a été trahi. Ne faisant pas de cette date une Journée nationale, les officiels, qui oublient que l’histoire est le socle de la construction du présent et du futur, organisent chaque année des festivités creuses», déclare en préambule l’oratrice.

Pour la leader du Parti des travailleurs, le gouvernement Sellal  — sans le nommer — serait à l’origine de la paupérisation d’une majorité du peuple algérien : «La loi de finances 2016 fait dans la récession, la dégradation du pouvoir d’achat des couches moyennes et la faillite de l’outil de production national.

Elle favorise l’import-import, la fuite de capitaux et l’émergence de nouveaux colons et caïds. Avec cette loi, l’Etat se met au service d’un groupe de nouveaux riches…»  Le nouveau projet de code du travail est descendu en flammes : «Des travailleurs qui n’ont pas le droit de s’exprimer sont en péril. En autorisant le travail des enfants de moins de 16 ans, le nouveau code n’inspire pas confiance. Il présente un danger pour la vie syndicale et la carrière des travailleurs.

La revalorisation de 2,5% des pensions de retraite, la plus faible depuis 20 ans, est rattrapée par l’augmentation des taxes et des prix. Avec sa politique de fuite en avant, le système va vers le retour de l’indigénat.» Le déficit n’est pas éludé par la présidente du PT : «Les agriculteurs, les petits commerçants et les travailleurs sont obligés de payer leurs impôts mais de gros bonnets connus détiennent à eux seuls 10 milliards de dollars d’impôts non payés. Ils ne se sont pas non plus acquittés des taxes douanières évaluées entre 2005 et 2015 à 11 milliards d’euros. Si on ne fait rien, l’ardoise atteindra, en 2020, les 19 milliards d’euros. Il faut savoir que ces nouveaux riches bénéficient d’une exonération d’impôts de 90 milliards de dinars.»

LA SOUVERAINTÉ NATIONALE «MISE À PRIX»

Abordant l’endettement extérieur et l’emprunt obligataire, Louisa Hanoune met en garde : «Avec l’apport de capitaux étrangers, la souveraineté nationale sera mise à prix. Pour preuve, un représentant de la Banque mondiale assiste aux réunions du gouvernement tunisien, fortement engagé dans la lutte contre le terrorisme.

Au lieu de récupérer les 5 milliards de dollars prêtés au FMI et les créances détenus par les nouveaux riches n’ayant pas payé leurs impôts et taxes douanières, on nous sort cette histoire d’emprunt obligataire visant des fortunes d’origine inconnue et un blanchiment ne disant pas son nom, gratifié en sus d’un taux d’intérêt de 5,75%.» En ayant visiblement gros sur le cœur, Mme Hanoune  évoque le retour de Chakib Khelil : «Après avoir dénationalisé les mines en 2001, il a fait l’impossible pour en faire autant avec les hydrocarbures en 2005.

Chakib Khelil est revenu pour semer la zizanie. Impliqué dans l’affaire Sonatrach et l’évasion fiscale, l’ex-ministre tente de politiser les zaouïas. Jouissant de la complaisance des autorités, Chakib Khelil, qui n’a rien de nationaliste, revient pour servir les intérêts des compagnies américaines.» *Kamel Beniaiche / el watan/ dimanche 08 mai 2016

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*Louisa Hanoune, Secrétaire générale du Parti des Travailleurs:

Où va l’Etat algérien ?

**les frustrations demeurent pour de larges couches de la société

**Tout le pourtour de l’Algérie est en flammes. Nous sommes entourés de volcans

**La démocratie véritable est une condition pour immuniser le pays

**Nous sommes dans un régime qui n’a ni queue ni tête.

**Les institutions sont obsolètes, gangrenées par la corruption, les détournements de fonds et de biens publics

** jeter les bases de la démocratie, pour qu’il ait un gouvernement digne de ce pays

- Près d’une année après l’élection présidentielle d’avril 2014, le président de la République est de plus en plus absent en raison de sa maladie. Le pays peut-il s’ accommoder de cette situation qui est partie pour durer ?

C’est une question très vaste. Beaucoup de choses se sont passées depuis l’élection présidentielle à l’échelle du monde, sur le plan régional et dans notre pays également. Nous ne vivons pas en autarcie. Et si, jusqu’à il n’y a pas longtemps, nous étions plus ou moins en dehors de la crise du système capitaliste et de ses impacts terrifiants, maintenant nous sommes rattrapés.

Mais revenons à la question de la présidentielle elle-même, parce que cela nous donne un éclairage pour la suite. Le 17 avril 2014 s’est exprimé chez l’ensemble des Algériennes et des Algériens — quel que soit le choix de chacun, ceux qui ont voté tout comme ceux qui se sont abstenus — donc à l’unanimité le peuple a décrété la chose suivante : il n’y aura pas de chaos en Algérie, pas de printemps arabe, parce que tout le monde voit maintenant qu’il s’agit, en fait, de chaos. C’était grandiose comme démonstration, pour nous-mêmes et pour le reste du monde. Rappelez-vous le discours qui consistait à dire, aux USA et en France notamment, que l’Algérie allait sombrer dans le chaos le 17 avril.

Eh bien non, le peuple algérien a dressé un rempart, affirmant que l’intégrité de ce pays, son indépendance et la souveraineté nationale sont la ligne rouge. Nous ne serons ni la Côte d’Ivoire ni le Kenya et encore moins la Libye ou la Syrie. Partant de là, le peuple algérien ayant pris ses responsabilités, il est tout à fait normal que chacun attende qu’on réponde à ses aspirations sur le terrain économique et social. Parce que même si beaucoup de choses ont été faites dans le cadre de la reconstruction du pays, de la relance de l’économie, du développement humain, les frustrations demeurent pour de larges couches dans la société, des disparités énormes persistent, car les acquis sociaux arrachés, qui étaient le produit de grèves et autres mouvements sociaux, n’ont pas été suivis d’une refonte de la politique sociale et salariale.

Quand on sait qu’il y a encore des familles entières qui «vivent» avec 3000 DA ou que des dizaines, voire des centaines de milliers d’Algériens travaillent depuis 20 ans pour 6000 DA alors qu’il y a des gens qui brassent des milliards pompés des fonds publics, des banques publiques et à travers le patrimoine public quand on arrive à un tel écart si provocateur, il faut s’attendre à tout, parce que cela devient insupportable.

Sur le plan politique, il était évident que si les Algériens ont décidé que la priorité était à la souveraineté et l’intégrité du pays, pour autant l’aspiration à la démocratie véritable s’exprime depuis des décennies, avec force, pour qu’il y ait de vraies institutions crédibles, transparentes, un Etat de droit, la séparation des pouvoirs, une justice indépendante. Que les citoyens puissent exercer pleinement leurs droits politiques, le droit de s’exprimer, de s’organiser, de se réunir et de manifester, d’autant qu’en principe, l’état d’urgence a été levé. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier l’existence de poches de terrorisme, des dangers à nos frontières. Tout le pourtour de l’Algérie est en flammes. Nous sommes entourés de volcans, mais en même temps, l’Algérie a pu vaincre le terrorisme sans ingérence.

- Ne pensez-vous pas que la démocratie est reportée à chaque fois sous prétexte que le pays est menacé dans sa souveraineté ?

C’est une aberration de dire qu’il faut reporter la démocratie parce qu’il y a des dangers. S’il y a un moyen efficace pour éloigner les dangers extérieurs, pour immuniser le pays, c’est précisément de redonner la parole au peuple et qu’il exerce pleinement sa souveraineté. La démocratie est une condition pour immuniser le pays. Nous n’avons eu de cesse de le marteler.

Il y a la responsabilité de l’Etat, celle de l’armée et des services de sécurité quant à la protection du pays, mais cela ne saurait immuniser le pays s’il n’y a pas l’adhésion et la mobilisation populaire, c’est-à-dire restituer la parole au peuple pour qu’il puisse retrouver confiance en l’Etat algérien, pour qu’il puisse avoir une voie de recours à chaque fois que c’est nécessaire. Il faut reconstruire les liens positifs entre les citoyens et l’Etat, mis à mal par le système du parti unique et les privations et souffrances endurées pendant plusieurs décennies.

Nous avons mis cela au centre de la campagne présidentielle en expliquant que maintenant, il faut aller vers la IIe République qui ne signifie en aucun cas la rupture avec la Révolution, bien au contraire. Nous constatons que la Ire République est vraiment à bout de souffle d’autant plus que, malheureusement, elle se confond avec le système du parti unique. Il nous faut passer à l’ère de la démocratie, d’autant que cette question est devenue une arme de guerre à l’échelle internationale.

On ne peut pas prétendre défendre la souveraineté nationale, nous prémunir des ingérences et en même temps ne pas reconnaître le droit au peuple algérien d’exercer sa souveraineté pleine et entière. La IIe République c’est le parachèvement des objectifs de la Révolution algérienne, à savoir l’édification de l’Etat, des citoyens égaux en droits et en devoirs, un Etat démocratique souverain, avec toute la plénitude des prérogatives de souveraineté.

La rupture nette avec le système du parti unique, parce qu’il est toujours en place. Les institutions sont obsolètes, gangrenées par la corruption, les détournements de fonds et biens publics sont une menace de la mafia. Tous les nouveaux riches qu’on voit autour de nous ont fait leur beurre à la faveur du système du parti unique et, après, ils ont profité des privatisations, du Plan d’ajustement structurel et même du terrorisme.

Pendant que les Algériennes et les Algériens mouraient, que l’Etat concentrait son action dans la lutte contre le terrorisme, certains ont amassé des fortunes colossales avec la politique de bazardisation de l’économie et des soutiens à l’intérieur des institutions.
Dix mois se sont écoulés depuis avril 2014, le Président s’était engagé à introduire une réforme politique de fond, immédiatement après les élections ; il en avait parlé en 2011 déjà.

Il s’est engagé à édifier des institutions crédibles et incontestables. Mais cela n’a pas eu lieu lors des législatives et des locales de 2012, produits de la fraude généralisée. Cette réforme politique n’est pas encore soumise aux Algériennes et aux Algériens, pourtant c’est une urgence. Parce que nous sommes en train de constater le délitement de l’Etat algérien à cause de la jonction violente entre les institutions de la République et les nouveaux riches.

- Est-ce que le Président n’a pas tenu ses engagements ?

Concernant la réforme politique, jusque-là il ne les a pas tenus. C’est clair. Et nous disons qu’il doit les tenir. Cela s’appelle le respect du mandat.

- Pourquoi, justement, la révision de la Constitution tarde à voir le jour ?

Pour nous, il s’agit de la réforme de la Constitution si c’est une révision, c’est-à-dire quelques retouches ; un lifting par-ci par-là, ce n’est pas la peine ! Nous pensons qu’il est impératif d’opérer la rupture. Chaque jour qui passe est un jour de trop parce que dans la société, il y la décomposition, les trafics en tous genres, le gain facile.

La perte de repères est évidente comme produit de la décomposition qui a atteint les institutions. Les diplômés, les travailleurs qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts sont découragés quand ils voient les nouveaux riches arrogants, sans culture, exhibant le clinquant, les grosses voitures. C’est de la provocation, parce que la précarité est encore là, malheureusement. Et cela cause des tensions sociales en permanence.

- Objectivement, l’absence du chef de l’Etat due à sa maladie ne pose-t-elle pas de problème au fonctionnement de l’Etat ?

C’est vrai que nous sommes dans un régime en principe présidentiel, mais en réalité un régime qui n’a ni queue ni tête. C’est un régime hermaphrodite. Un régime présidentiel sous-entend un vrai contrôle, un vrai Parlement, un équilibre entre les pouvoirs. Chez nous, il y a       une confusion totale entre les prérogatives. Nous n’avons pas de Parlement, c’est une chambre d’enregistrement, et encore. Nous n’avons pas de gouvernement homogène et la justice est aux ordres.

Les rapports entre les institutions, les corps constitués ne sont pas clairs. Nous sommes pour que le ministre de la Défense soit un civil pour qu’on en finisse justement avec les confusions et les interprétations. Nous sommes pour que le président de la République ne soit plus le président du Conseil de la magistrature, mais que ce soit plutôt un magistrat élu.

Si jusque-là notre pays a tenu et a résisté à toutes les tempêtes, c’est grâce à la Révolution algérienne, mais tant va la cruche à l’eau qu’elle finit par se casser. Un tissu social fragile, des libertés malmenées en permanence, des institutions héritées du système de parti unique. Cela fragilise l’Etat et la nation aussi. C’est vrai que le Président n’assume plus ses fonctions de la même manière qu’avant, il ne voyage plus, ne s’adresse plus directement à la nation, mais il a toutes ses capacités mentales, il s’exprime sur différentes questions et décide.

Mais si nous avions des institutions fonctionnelles, une Présidence qui agit comme le cerveau, une vraie Assemblée nationale, élue démocratiquement, dotée de prérogatives de contrôle, un gouvernement avec une orientation claire et qui ne soit pas le produit de la cooptation de copains et de coquins, nous aurions la lisibilité nécessaire sur l’action du gouvernement et des autres exécutifs locaux.

- Sommes-nous un gouvernement de copains ?

Bien sûr que c’est le Président qui nomme les ministres. Nous ne sommes pas dans un régime parlementaire pour dire que le gouvernement doit revenir à la majorité. L’urgence est : comment sortir le pays de l’ornière pour sauver l’essentiel. Parce que si on continue comme ça, on va très vite vers un effondrement de l’Etat. Dans le gouvernement, vous avez tout et son contraire. C’est un système de cooptation dans lequel interfèrent des individus qui considèrent qu’ils ont leur mot à dire et que c’est à eux que revient le droit de sélectionner les ministres.

Et je parle d’individus qui n’ont rien avoir avec les institutions de l’Etat. Je parle d’un homme ou de quelques hommes d’affaires. A ceux-là, il faut ajouter la clientèle politique. Il y a des ministres probes, qui ont de la compétence qui ont le patriotisme, des hommes et des femmes d’Etat qui savent comment se comporter et agir, qui préservent le patrimoine public, mais vous avez à côté d’autres ministres qui servent des intérêts privés, des intérêts de cliques.

- Mais pourquoi le Président tolère cela s’il n’est pas d’accord ?

Je ne peux pas vous répondre à cela. Car je ne l’ai pas rencontré depuis son investiture. Mais nous ne cesserons de marteler qu’il ne peut y avoir plus grave danger pour l’Etat algérien que cela. Certains disent que c’est la «berlusconisation» du pays, mais pas du tout. L’Algérie n’est pas l’Italie, nous ne sommes pas un pays capitaliste avec une bourgeoisie nationale dont la formation est un processus historique ; au contraire nous sommes un pays indépendant depuis quelques décennies seulement, qui a subi l’oppression coloniale, sans bourgeoisie.

Nous sommes dans une situation à l’ukrainienne, à la russe, c’est-à-dire qu’une oligarchie émerge, composée de personnes qui accaparent des pans entiers de l’économie nationale avec l’ambition de faire main basse sur toute l’économie et qui cherchent à s’approprier les centres de décision politique à tous les niveaux.

En 2009, le Président a réorienté l’économie nationale, a stoppé les privatisations, corrigé le partenariat avec les étrangers par la règle des 51/49%, a introduit la préférence nationale, le droit de préemption pour l’Etat dans le cadre d’un plan de relance économique… et nous sommes pour quelque chose dans cela. Il a corrigé et cela été salvateur pour plusieurs secteurs. Mais certains ministres à l’intérieur du gouvernement, agissant pour le compte de leurs amis à l’extérieur, n’ont pas respecté cette orientation et veulent aujourd’hui la remettre en cause totalement.

- Y a-t-il des Khelil dans le gouvernement actuel ?

Il y en a, hacha le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi. Pas lui justement. Il y a des Temmar en puissance et des Khelil aussi.

- Le Président n’a-t-il pas la possibilité de stopper et de maintenir la réorientation de 2010 ? Lui impose-t-on des hommes ?

Je ne sais si c’est le cas et si le terme est approprié. Je vous dis qu’il y a des individus qui considèrent que pour avoir donné quelques sous dans une campagne électorale, ils ont obtenu le droit de disposer de la nation et du peuple algériens. Et moi je dis, à ce propos, bas les pattes ! il faudrait qu’ils tuent tous les Algériens pour obtenir cela.

Le peuple algérien ne permettra pas que notre pays soit transformé non seulement en une république bananière, mais en un pays sans Etat à la somalienne ou à la yéménite. Il nous incombe de trouver une issue, entre Algériens, pour empêcher la mort de notre pays car c’est de cela qu’il s’agit. Preuve en est, à titre d’exemple, le schisme à l’intérieur des institutions au sujet du gaz de schiste. Les ambitions personnelles et les appétits des prédateurs ont primé, chez certains responsables, sur les intérêts de la nation. Et ceux-là mêmes jettent en pâture le ministre de l’Energie et le Premier ministre qui ont traduit la position souveraine de l’Etat.

Et même après que le président de la République ait confirmé l’orientation, les manœuvres n’ont pas cessé.  Ainsi, le ministre de la Communication passe son temps à se gargariser de discours sur l’éthique et la déontologie, or la télévision nationale ainsi que la radio n’ont pas joué leur rôle de service public, d’explication et de clarification sur le gaz de schiste par exemple pour apaiser les citoyens, leur présenter les arguments scientifiques et politiques.

Une censure est exercée sur ce dossier, à l’exception de quelques émissions organisées sur le tard. Le Président devrait faire un remaniement conséquent, semble-t-il.  Je suppose que comme en 2009, la pression a été énorme de la part des prédateurs et des courtisans et peut-être aussi que la situation à In Salah l’a dissuadé. Mais c’est une urgence. Chaque jour qui passe est un jour de trop, parce qu’il y a des ministres qui constituent de réels dangers pour ce pays alors que ceux qui le servent sincèrement sont voués aux gémonies.

- Vous avez déclaré par le passé que «les forces de l’argent, aidées par des ministres, veulent contrôler la décision politique». Qui sont ces forces et ces ministres ?

Je veux ici clarifier que le PT n’a aucun problème avec le secteur privé productif, avec les entrepreneurs pour peu qu’ils respectent les droits des travailleurs et les lois de la République. Nous avons un problème politique avec un processus extrêmement dangereux qui menace la pérennité de l’Etat et les acquis de l’indépendance nationale. Je ne citerais pas de noms, mais les concernés sont connus de tout le monde.

Quand le président du FCE fait une campagne électorale — c’est son droit le plus absolu — et qu’il convoque des ministres pour la clôture de la campagne, et que des ministres s’y rendent pour faire acte d’allégeance, là ça devient grave. Parce que, probablement, pour ces gens-là, c’est cet homme qui nomme et qui enlève les ministres. En tout cas, c’est cela qui circule partout, surtout depuis la dernière élection présidentielle.

En vérité, si la justice était indépendante, bien des têtes tomberaient pour des crimes économiques récents et en cours, à commencer par le pillage du foncier dit industriel par dizaines de milliers d’hectares, rénovés par l’Etat à coups de milliards de dinars au profit de quelques personnes sous le couvert d’investissement privé.

- Est-ce qu’il ne le fait pas en raison de sa proximité avec le centre du pouvoir, c’est-à-dire la Présidence ?

Le président du FCE est libre d’être ami avec qui il veut, mais l’Etat algérien ne peut pas lui appartenir parce qu’il a des accointances avec X ou Y. L’Etat algérien est une des trois conditions pour qu’existe la nation algérienne. La nature de cet Etat telle qu’elle est aujourd’hui ne nous convient pas, mais son existence, tout comme l’unité territoriale et du peuple, est la condition pour que la nation existe.

J’ai personnellement tiré la sonnette d’alarme en m’adressant au plus haut sommet de l’Etat quand il y a eu la première dérive. Et on a reconnu que c’est une dérive grave, un véritable danger que rien ne saurait justifier. Je juge sur les positions des uns et des autres. Mais je ne suis pas naïve non plus. J’ai vu la chose se reproduire et prendre des proportions encore plus graves et plus dangereuses. On n’a jamais vu cela : le président d’une organisation patronale qui fait la tournée des ministères où il donne des orientations ! Il annonce l’ouverture de tous les secteurs, y compris l’énergie. Cela veut dire que l’article 17 de la Constitution doit être abrogé ou au moins violé.

Les télécommunications, les chemins de fer, les banques, le sous-sol et le sol, l’espace aérien et maritime font partie de la propriété de la collectivité nationale, ce qui veut dire qu’ils sont inaliénables, mais ce monsieur annonce leur ouverture et des ministres acquiescent !  De qui se moque le ministre des Transports quand il prétend que l’ouverture profitera au seul privé algérien ?

Pourquoi acheter 15 avions et 25 bateaux si l’espace aérien et maritime est ouvert à la pseudo-concurrence ? A moins qu’on veuille les offrir sous couvert de partenariat public/privé, la nouvelle recette pour le bradage du secteur public ! Et puis, comment interdire aux compagnies européennes d’intervenir dans le transport intérieur, le fret, etc., une fois ouverts alors qu’il y a l’accord anti-national d’association avec l’Union européenne ?

Pourquoi délester Air Algérie et Tassili du transport national, les affaiblir au profit d’un secteur privé jusque-là inconnu dans le domaine ? A moins qu’il s’agisse de la personne qui a paralysé un appareil d’Air Algérie à Bruxelles ! Le ministre ferait mieux de méditer les dégâts de la privatisation dans le transport maritime (CNAN Group) avec pour conséquence 7 bateaux algériens bloqués à l’étranger depuis 10 ans environ.

Un patron qui s’immisce dans les affaires des deux Chambres du Parlement orientant le vote des députés en faveur du privé, c’est exactement la définition de l’oligarchie. Cette dérive doit être stoppée. En ce qui nous concerne, nous ne nous adapterons jamais à cette dérive, car d’évidence, on veut la rendre «normale» par un matraquage médiatique incessant.

Soit il existe un Etat, soit il n’y a pas d’Etat et, à ce moment-là, on le dit aux Algériens pour qu’ils puissent prendre leurs responsabilités. Cette dérive doit être combattue par tout Algérienne et tout Algérien attaché à la pérennité de ce pays et de l’Etat, et ce, indépendamment des positions politiques. Pour notre part, nous défendons la pérennité de l’Etat et non pas le régime, contre tout danger externe ou interne, qu’il soit à l’extérieur ou à l’intérieur des institutions et à quelque niveau que ce soit.

On parlait, il y a quelque temps, des dangers de «moubarakisation» du pays. Au départ, Moubarak avait fait des choses intéressantes, mais les dix dernières années de son règne, la mafia a accaparé des centres de décision économique, ensuite politique. C’est cela qui est à l’origine de la tragédie égyptienne en cours.

En Algérie, nous assistons au même processus suscité de l’intérieur même des institutions. Il y a celui qui veut devenir ministre au service des affaires de l’extérieur, celui qui veut accaparer l’économie nationale pas pour la développer, mais en rapport avec les convoitises d’une clique et qui se comporte en chef d’Etat parallèle… Le chef de l’Etat doit mettre le holà, il est comptable et responsable devant la nation.

- Vous évoquez une campagne qui vise le ministre de l’Energie. Qui veut la peau de Youcef Yousfi et pourquoi ?

Dans ce gouvernement, il y a des ministres patriotes, intègres, qui préservent le patrimoine public, donc qui refusent de livrer leurs secteurs au pillage au profit de quelques individus. M. Yousfi compte parmi cette catégorie. Il ne fait pas partie des prédateurs qui veulent se partager le pays. Il ne cède pas devant le chantage des multinationales qui veulent accaparer nos richesses. Bien sûr, il n’agit pas seul, mais dans le cadre des orientations du Président et en accord avec le Premier ministre.

Il respecte les lois de la République, de ce fait, il constitue une entrave devant ceux qui veulent investir le secteur des hydrocarbures, pour avoir des marchés de gré à gré et non pas investir dans le secteur. Tout le monde comprendra de qui je parle. On a d’abord tenté d’assombrir son image par des contre-vérités concernant la production pétrolière et la prospection. Or, les chiffres apportent un démenti cinglant à cette cabale. Après, les évènements d’In Salah ont été mis à profit pour l’accabler comme s’il avait décidé, seul, de présenter la loi sur les hydrocarbures de janvier 2013 ou de commencer la prospection.

- Comment appréciez-vous les mesures prises par le gouvernement suite à la chute des cours de pétrole ?

Au début, il y a eu une cacophonie au niveau du gouvernement entre ceux qui disent qu’il ne faut pas s’affoler et d’autres qui disent c’est la catastrophe, il faut serrer la ceinture. Puis les choses se sont clarifiées après le Conseil des ministres : pas d’austérité mais rationaliser les dépenses, revoir les priorités sans toucher aux acquis.

Mais il faut se préparer à tout, donc chercher les sources de financement pour accélérer la relance économique, l’industrie, l’agriculture, la pêche, le tourisme et l’artisanat, etc. Et cela nous amène aux hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Si on avait une vraie Assemblée, on aurait ouvert un débat, mais dans cette APN, le débat général n’existe pas, y compris sur les questions fondamentales.

- Cela nous amène à la question du gaz de schiste qui fait polémique. Etes-vous pour l’exploitation de cette énergie ?

Le PT a voté en faveur de la loi portant exploitation de cette richesse nationale en janvier 2013. Des ressources en hydrocarbures conventionnels se tarissent, il est donc vital de chercher des énergies alternatives. Nous disposons de gaz de schiste sur l’ensemble du territoire national et non pas dans le Sud uniquement et notre pays est classé en troisième position en termes de réserves. C’est une richesse qu’on ne peut ni négliger ni abandonner.

- Trouvez-vous l’opposition qui s’exprime contre l’exploitation de cette énergie légitime ?

A la fin de la troisième semaine de mobilisation, s’est exprimée une volonté de rechercher une issue à l’impasse chez les citoyens parmi les animateurs du mouvement. j’ai été sollicitée et nous étions sur le point d’aboutir à une démarche qui tienne compte des inquiétudes des citoyens sans remettre en cause les prérogatives de l’Etat. Hélas, à la dernière minute, l’initiative a été torpillée par un centre politique, ce qui a relancé l’escalade encore en cours et compliqué davantage la situation.

Je pense que le mouvement a mué depuis et n’a plus vraiment de rapport avec le gaz de schiste. S’il est normal que des inquiétudes, voire des oppositions puissent s’exprimer face à quelque chose de nouveau, il est clair qu’il y a une volonté d’empêcher un dénouement positif de la part de certains acteurs pas uniquement à In Salah, car ce dossier a fait tomber bien des masques. l’Etat est en train d’explorer toutes les énergies, le solaire, l’éolien et bien sûr le gaz de schiste puisqu’il est disponible.

- On vous reproche souvent de stigmatiser les mouvements de contestation en les accusant de manipulation, comme c’est le cas avec In Salah…

Ceux qui portent de telles accusations contre le PT font des procès d’intention pour cacher leurs vrais desseins. Nous soutenons toutes les revendications lorsqu’elles sont légitimes. Personne n’a de leçon à nous donner en matière de militantisme. Nos combats sont dans toutes les consciences, mais nous ne trompons pas les citoyens, nous ne sommes ni populistes ni aventuriers.

Je n’ai jamais parlé de main étrangère concernant In Salah, même si je sais que beaucoup d’associations de défense de l’environnement dans le monde sont en vérité financées par des multinationales. Celui qui paie contrôle. Les ONG ne sont pas neutres ni indépendantes. On nous parle de 80 ONG qui soutiennent la contestation d’In Salah.

Je me pose la question : comment une ONG britannique qui ne milite pas contre l’exploration du gaz de schiste à 50 km de Londres, le fait à In Salah ? Idem pour une association américaine — qui s’appelle «Sun» comme «Chems» en Algérie — dont on ne connaît pas d’exploit contre le schiste aux USA.

La question de l’environnement est une arme à double tranchant depuis plusieurs années. Bien sûr qu’il y a des militants sincères qui sont inquiets, mais d’autres qui servent des desseins particuliers. Si une association est financée par Petrofac, une multinationale britannique, je suis en droit de me poser des questions. Lorsque j’ai la preuve qu’une ambassade finance une association, je m’interroge. La population d’In Salah n’a rien à voir avec cela, mais elle est mise dans une situation infernale.

Il est impossible que tous les habitants d’In Salah, ou de toute autre commune ou wilaya, puissent être d’accord sur le gaz de schiste ou toute autre question, ils seraient alors des clones, le peuple algérien a souffert de la pensée unique… Nous avons arraché quelques libertés, dont le pluralisme politique, après bien des sacrifices.

Au PT, nous respectons les citoyens d’In Salah, nous ne les prenons pas pour des moutons de Panurge et nous nous adressons à leurs consciences, à leur intelligence, sur toute question. Tous les points de vue ont le droit d’être exprimés. Ce n’est malheureusement pas le cas en ce moment à In Salah, car il y a une pression terrible. Je le répète, In Salah n’est ni un parti politique ni une secte et, pour notre part, nous ne caressons pas dans le sens du poil, nous ne chevauchons pas les mouvements sociaux, nous sommes sincères et avons un devoir de vérité.

Tout mouvement social peut déraper, être perverti. Regardez ce qui se passe autour de nous ces dernières années, comment des aspirations légitimes sont dévoyées pour faire sombrer des pays dans le chaos sous couvert de Printemps arabe. Abdelmadjid Attar et Sid Ahmed Ghozali se sont prononcés sur le gaz de schiste sur des bases scientifiques. Les deux connaissent bien le sujet, ils ont l’expertise, pourtant, ils ne soutiennent pas le régime.

Des experts honnêtes et objectifs ont fourni toutes les explications convaincantes, mais à cause du climat créé à In Salah, on refuse de les entendre. Il faut savoir raison garder. Nous avons besoin d’exploiter le gaz de schiste. Il nous assure la sécurité et l’indépendance énergétique, à moins que certains veuillent que l’on perde cette indépendance.

- L’année 2015 a commencé avec l’assassinat commis contre les journalistes de Charlie Hebdo. Quelle lecture faites-vous de cet événement et de ses conséquences ?

L’année commence dans la tourmente pour tous les peuples de la terre depuis l’atroce attentat terroriste qui a ciblé Charlie Hebdo dans lequel sont mort des Français et un Algérien. Comme quoi le terrorisme ne fait pas dans la distinction des races ou des religions, il tue des musulmans, des chrétiens,  en Syrie et en Irak, et n’oublions pas le terrorisme de l’entité sioniste.

Le terrorisme sert les intérêts des grandes puissances. L’attentat contre ce journal et celui de l’hypermarché casher ont servi Obama, Hollande, Merkel, Cameron, Netanyahu et leurs supplétifs. Il y a eu instrumentalisation de ces actes barbares pour sceller une union internationale de ces gouvernements pour déclarer la guerre aux peuples et aux nations, notamment les musulmans, les travailleurs et les syndicats. Qui dit union nationale et internationale dit mettre au pas les syndicats.

Tout le monde se dissout. Les frères Kouachi ne sont pas Algériens, ils ne sont même pas binationaux. Et cette dérive, en France, est le produit de la politique antisociale et guerrière du gouvernement Hollande qui a aggravé la précarité et le chômage. Mais ça, c’est l’affaire des Français. L’extrême droite se renforce, la xénophobie, la chasse à l’immigré explosent.

Des pressions terribles sont exercées sur les consciences via les médias.  Nous assistons à un tournant à l’échelle mondiale qui annonce des lendemains des plus incertains sur tous les continents. Cependant, nous ne pouvons que compatir avec les familles des victimes et nous comprenons l’émotion des Françaises et des Français et de tous les citoyens qui sont sortis pour manifester leur compassion et leur colère sur tous les continents.

Par-delà le contenu des caricatures, il est hors de question qu’on justifie, sous quelque prétexte que ce soit, ces odieux attentats. Rien ne peut justifier la barbarie. Daech c’est la barbarie, les attentats à Paris c’est de la barbarie tout comme les autres attentats, à Nairobi, au Nigeria où sévit Boko Haram. Mais j’observe que les gouvernements occidentaux ne s’en préoccupent pas beaucoup, eux qui portent la responsabilité de l’horreur en Irak et en Syrie où des brigades de la mort viennent de partout, essentiellement d’Europe, pour massacrer et détruire.

Chez nous, il y a eu des manifestations sorties des mosquées pour protester contre les caricatures de Charlie Hebdo, mais quelques manifestants ont dérapé, ont justifié les attentats et ont même défendu les frères Kouachi et les terroristes. Non, l’attentat contre Charlie Hebdo n’était pas pour défendre Mohamed, jamais. Ce sont des attentats contre les travailleurs et tous les peuples de la terre, parce que sont eux qui paient.

- En parlant justement de ce dérapage à Alger ce fameux vendredi, on remarque depuis quelque temps que ces salafistes ont pignon sur rue et sont tolérés…

Les illuminés il y en a partout, dans notre pays, en France, aux USA et ailleurs, qui disent des horreurs sur les plateaux de télévision. C’est sûr qu’il y a nécessité de mettre de l’ordre dans les médias. Je ne dis pas qu’il faut censurer, jamais. Mais un appel au meurtre c’est sanctionné par la loi et la justice doit s’autosaisir. Il faut consacrer la démocratie et les libertés parce que à ce moment-là, les voix obscurantistes et réactionnaires on ne les entendra plus.

Elles seront couvertes par les voix du progrès, de l’universalisme, de la fraternité entre les peuples qui prendront le dessus, parce que majoritaires. Il faut mettre de l’ordre dans les médias privés, mais aussi dans le secteur public. Une télévision publique où il n y a plus aucun débat politique, c’est une régression grave alors que dans les pires moments du terrorisme, la télévision publique organisait des débats sur les questions sensibles et cela avait été très positif. Aujourd’hui, ce service public est devenu morbide, mort, aucun débat politique. En revanche, une très grande publicité est faite par les télé et radios publiques pour le milieu des affaires.

L’Etat est donc au service des intérêts privés et la publicité est un moyen de pression énorme sur les médias pour les soumettre. Quand on en arrive là, ne soyez pas surpris que quelqu’un vienne dire des horreurs, appeler au meurtre sur les plateaux de télés privées. Il y en a une qui, d’ailleurs, est en campagne contre le gaz de schiste et le PT en ce moment…

Or, son propriétaire est censé être proche du sérail ! La solution est dans une réforme politique véritable, pour jeter les bases de la démocratie, pour qu’il ait un gouvernement digne de ce pays et des attentes du peuple. Et qu’on ferme définitivement les portes de l’angoisse du désespoir pour affronter l’avenir tous ensemble, dans le respect des positions de chacun.

- En Libye, les événements s’accélèrent avec l’intervention militaire égyptienne suite à l’assassinat de ses ressortissants. Quelle analyse faites-vous de ce qui ce passe dans ce pays voisin ?

Le président égyptien a, lui aussi, mis a profit l’horrible massacre de 21 coptes perpétré par une branche de l’EI à Derna, en Libye, pour y intervenir militairement. Et il est très significatif que cela intervienne juste après l’acquisition de 24 avions Rafale et autres équipements militaires lourds et que Hollande soit le premier à le soutenir dans son aventure guerrière.

Bien sûr, la barbarie terroriste, une excroissance du système capitaliste déjà moribond, est un danger pour l’humanité mais il est établi que les interventions militaires étrangères constituent le vivier dans lequel elle prospère et se perpétue. Alors, l’intervention militaire égyptienne ne sert que les coalisés fauteurs de guerre et de terrorisme dont ils portent la responsabilité.

Par ailleurs, les convoitises égyptiennes ciblant une partie des territoires libyens, riches en pétrole, ne sont un secret pour personne. Dans le même temps, ce sont tous les pays d’Afrique du Nord qui sont menacés par les impacts directs du chaos dislocateur que l’intervention égyptienne accélérera en Libye. Alors, oui, l’intervention militaire égyptienne en Libye vise à torpiller directement, au compte des grandes puissances, les efforts de l’Etat algérien pour aider les Libyens à trouver une solution politique qui préserve leur unité et donc la région.*Hacen Ouali–El Watan/ jeudi 19 février 2015

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***Les observateurs étaient impatients de découvrir la réaction de Louisa Hanoune, après la charge dont elle a été la cible par le patron du FLN, lors de son déplacement le 24 février 2015 à Annaba. « Faut-il rire ou en pleurer », s’est interrogée Louisa Hanoune, lors de son point de presse vendredi à El Achour.

A ce qu’elle considère comme « une insulte » à son égard, elle préfère convoquer l’humoriste Fellag dont une célèbre réplique disait « quand on atteint le fond on continue de creuser ». Saâdani a-t-il donc atteint le fond au yeux de Mme Hanoune ? Cela étant, cette dernière s’est défendue d’avoir eu des soupçons de détournements de terre agricole de la part du premier responsable du FLN. Ni d’ailleurs de s’être servi de sa fonction de premier responsable du FLN pour servir ses propres intérêts.

En revanche, Louisa Hanoune explique que ce n’est pas elle qui a menacé la stabilité du pays, mais Saâdani qui par ses propos contre le DRS a donné l’occasion à Amnesty International de s’attaquer à l’Algérie. Elle en remet une autre couche en posant la question de la légitimité. Et à ce propos, elle dit être élue par des militants de son parti et pas imposée par quelque centre de décision. Allusion à Saâdani imposé, laisse t-elle entendre, à la tête du FLN.

Louisa Hanoune se dit désolée aussi que le chef du parti majoritaire « par la grâce de la fraude » puisse tenir de tel propos calomnieux à son égard, mais refuse pour autant de se metttre au niveau du « caniveau ».

« Oui pour le débat d’idées, mais pas pour la « daâéchisation de la vie politique » dit t-elle tout en lui recommandant d’ »aller se cultiver, de lire aussi la constitution et de se rendre aussi une bonne fois pour toutes que son parti le PT n’est pas un parti d’allégeance ».

Au sujet du président de la République, Hanoune se défend de l’avoir critiqué. Mais persiste et signe que « les réformes sont en panne » et qu’ « une oligarchie se trouve dans les centres décisionnels ».

Mais dans le même temps, elle précise que « l’Algérie n’est pas un royaume qui a besoin de courtisans de son espèce » entendre Saâdani. Et tout en réagissant ainsi au lance-flamme contre Saâdani, Louisa Hanoune dit faire « la part des choses » en faisant le distinguo entre Saâdani et les vrais militants du FLN qui, selon elle, l’auraient appelée pour se démarquer des propos de leur chef. *Par Abbès Zineb | 27/02/2015 | algerie1.com

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*Ali Benflis à Kherrata :

«L’Etat est tombé entre les mains des spoliateurs»

L’Etat-nation qui nous a été légué par les martyrs est fragilisé et vidé des valeurs qui ont permis à ceux qui l’ont récupéré du colonisateur, la victoire», a déclaré le président de Talaie El Houriat (Avant-garde des libertés), Ali Benflis, hier à Kherrata, à 60 km à l’est de Béjaïa, lors d’un meeting populaire organisé à l’occasion de la commémoration du 71e anniversaire des sanglants événements du 8 Mai 1945.

L’invité de Kherrata a soutenu qu’«aujourd’hui, le pays vit une crise politique dangereuse et sans précédent du fait de l’inexistence d’institutions de l’Etat, tombées entre les mains des spoliateurs, de ceux qui cultivent la corruption, le déni des droits et des libertés, de ceux qui méprisent la souveraineté populaire». Il a profité de cette occasion pour expliquer aux présents que «l’Etat-nation dont ont rêvé les moudjahidine doit être construit par la nouvelle génération pour sortir le pays du régime totalitaire et de la pensée unique».

Lors de ce rassemblement qui a drainé environ un millier de personnes, le n°1 du parti a axé d’emblée son discours sur l’histoire de la région en rendant un vibrant hommage aux 45 000 martyrs  tombés lors des manifestations du 8 Mai dans les villes de Sétif, Kherrata et Guelma. Il a également rappelé les hauts faits d’armes de cette population qui, pour être sortie manifester pacifiquement afin de rappeler à la France coloniale sa promesse d’accorder aux Algériens le droit à disposer d’eux-mêmes à la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’est vue réprimandée. Par ailleurs, Ali Benflis a réitéré le soutien de son parti au groupe El Khabar qui est en conflit avec le ministère de la Communication pour avoir décidé de vendre des actions à l’investisseur privé Issad Rebrab.

«Notre position est claire : pas de démocratie sans la liberté d’expression et d’opinion», a martelé l’orateur. A ses yeux, ce qui est inquiétant dans cette affaire est «d’assister à l’ingérence de l’Exécutif dans une opération commerciale légale et ordinaire». Et d’ironiser : «Le seul tort des propriétaires du journal El Khabar est de ne pas prêter allégeance au pouvoir en place.» Donc, pour lui, «cette affaire relève d’un abus de pouvoir. La logique de l’actuel régime est simple : il te dit ‘si tu n’es pas avec nous, tu es donc contre nous’.  Et, de ce fait, nous nous permettons, en tant qu’autorité, de te priver de l’exercice de tes droits».**Nordine Douici /  el watan/ dimanche 08 mai 2016

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*En politique, le statu quo est toxique

Le statu quo se poursuit à… grand train.

 Si le secret sécurise parfois, il stérilise c’est sûr.

A cinq mois de la présidentielle, à «X» semaines de la révision de la Constitution et à «Y» jours de l’annonce du mouvement des walis et des magistrats, l’Algérie collectionne les «Arlésiennes». Si le secret sécurise parfois, il stérilise c’est sûr. Aucune personnalité politique, la mieux informée soit-elle, aucun parti, fut-il le plus proche des arcanes du pouvoir, ne peut aujourd’hui donner une quelconque indication sur l’élection présidentielle. Le leitmotiv revient cycliquement, il perturbe l’acoustique des coulisses, meuble les colonnes de la presse nationale mais sans plus. Pourtant, ce rendez-vous capital pour l’avenir de toute une nation nécessite une préparation des plus sérieuses et des plus ardues, du moins pendant six mois. C’est un rendez-vous qu’on aménage, où l’on s’échauffe, on scénarise avant de se jeter dans le bain.
Si pour l’annonce des candidatures et la convocation du corps électoral, les délais légalement admis sont théoriquement respectés, en pratique, cependant, le processus est chaotique et prédisposé à l’erreur. Il est, pour ainsi dire, impossible pour un candidat de prétendre à cette présidentielle tant les délais ne le permettent plus. A cela il faut ajouter l’étendue du pays impossible à couvrir en un temps record, puisqu’il faut s’adresser à tous les Algériens et les convaincre de voter pour tel ou tel autre candidat. C’est le même scénario pour la révision de la Constitution. Le projet annoncé par le chef de l’Etat dans un discours à la Nation en avril 2011, a fini, lui aussi, par acquérir le statut d’«Arlésienne». Comme la présidentielle, ce projet est aussi capital pour l’avenir de toute une génération. N’étant plus un peuple mineur, les Algériens ont le droit de connaître la nature du régime à instaurer après 50 années d’indépendance et autant d’années d’expérience accumulée par le pays.
Comme la présidentielle, le processus de la révision de la Loi fondamentale, du moins tel qu’entamé, est chaotique et prédisposé à l’erreur dans la mesure où la problématique n’est pas posée en termes de pérennité d’un texte fondamental qui engage l’avenir de l’Algérie sur le long terme, des textes de loi clairs qui ouvrent de vraies perspectives pour l’Algérie. On n’en est pas là pour le moment. La gestion à l’Arlésienne a affecté aussi le mouvement des walis et celui des magistrats qui tardent à voir le jour. Entre-temps ce sont des walis et des magistrats qui se retrouvent bloqués incapables de décision. Il attendent que le couperet tombe. Ainsi va la gestion à l’Arlésienne. Elle s’exprime dans la pratique par un dense statu quo et en politique, le statu quo est toxique.*Par Brahim TAKHEROUBT -L’Expression-20.10.2013

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**Les ingrédients d’une IIe République

 Qu’avons-nous fait de ces 50 années d’indépendance? Que reste-t-il à faire? Un devoir d’inventaire s’impose.

L’Oncle Sam acquiesce et l’Algérie s’enivre. Les officiels américains qui se sont succédé à Alger, ces dernières semaines, sont repartis «happy» et ils l’ont fait savoir publiquement. «Le gouvernement algérien a fait de grands efforts dans le rétablissement de la sécurité et l’Algérie d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a 15 ans», s’est félicité, le 4 mars dernier, le coordonnateur pour le contre-terrorisme au département d’Etat américain, Daniel Benjamin, ajoutant que «ces progrès au plan sécuritaire offrent plus de possibilités de développement économique et social». Quelques jours auparavant, le 24 février, le sous-secrétaire d’Etat adjoint chargé des Affaires politiques, William J. Burns, accompagné par le Président Bouteflika affichait un large sourire devant les caméra de l’Entv alors qu’il faisait son speech. Avant ces deux responsables, c’était le président Barack Obama, himself, qui a salué la décision de la levée de l’état d’urgence la qualifiant «d’avancée positive». Grisée par ces satisfactions délivrées par l’hyperpuissance américaine, l’Algérie semble marquer le pas quant aux réformes promises. Mais est-ce vraiment le cas dans un contexte régional où les clochers annonçant les révoltes arabes deviennent de plus en plus nombreux et de plus en plus bruyants. Tellement bruyants que même la plus grave, la plus spectaculaire des catastrophes qui endeuille actuellement le Japon, n’arrive pas à étouffer. En réalité, l’Algérie n’est pas en marge de ces mouvements qui animent le Monde arabe. Des rencontres entre hauts responsables, des consultations horizontales et verticales sont légion depuis ces dernières semaines. Aussi a-t-on appris, de source très bien informée, que le président de l’APN, Abdelaziz Ziari, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, représentant personnel du président de la République, ont tenu dans la soirée d’avant-hier, (mardi Ndlr) leur quatrième réunion au siège de l’APN à 21h. Que mijotent ces visiteurs nocturnes au siège de l’Assemblée? Les mêmes sources n’excluent pas une dissolution de celle-ci. A l’évidence, l’idée de procéder à un véritable changement institutionnel est tributaire d’une révision profonde de la loi fondamentale du pays. Non pas une Constitution kleenex mais celle qui anticipe et qui soit à l’avant-garde des métamorphoses politiques et sociales qui agitent le Monde arabe. Partout dans ces pays, les régimes sont ébranlés car leurs peuples veulent en finir avec l’Etat policier, ils aspirent à une répartition équitable des richesses nationales, ils veulent plus de liberté d’expression, ils revendiquent du travail et incitent au dynamisme économique. Cela implique des transformations profondes et rapides des sociétés arabes. Les institutions et les hommes vont devoir changer. Bien évidemment, les dirigeants algériens ont compris que rien n’est statique. Autres temps, autres moeurs. Le monde actuel a changé de modem et le logiciel des années 70-80 est désormais rayé. Pour rester dans le même registre, on a plus besoin aujourd’hui, d’une télévision pour diffuser un message ou mobiliser des foules. Les réseaux sociaux ont déjà déclassé ces forteresses inexpugnables des pouvoirs autoritaires. Il y a un devoir d’inventaire à faire à la veille du 50e anniversaire de l’indépendance de notre pays. Qu’avons-nous fait de ces 50 années d’indépendance? Que reste-t-il à faire? C’est sur la base de ces questionnements et des changements profonds qui vont les accompagner que sera bâtie la IIe République des 50 prochaines années. Certes, le changement est inéluctable. Mais comment? «Se basant sur notre révolution, de nombreux pays africains ont accédé à leur indépendance par simple demande manuscrite à De Gaulle», a confié, il y a quelques années, l’un des responsables de la Wilaya VI, le commandant Bouragaâ. N’est-ce pas qu’il serait regrettable que l’Algérie, pays de 1,5 million de martyrs, qui a montré la voie de la liberté à tous les peuples opprimés, fasse du copier-coller? (L’Expression-17.03.2011.)

**Oui, l’Algérie doit changer!

 Notre pays devra changer. Changer de régime, changer de système de gestion et changer d’hommes

       De quel changement parlons-nous?

On ne va pas risquer de brûler le pays pour les ambitions d’un individu ou d’un groupe, voire d’un clan.

Il ne fait pas de doute que notre pays devra changer. Changer de régime, changer de système de gestion et changer d’hommes aussi car, qu’on le veuille ou non, les hommes font toujours les choses avec la mentalité qui est la leur. Si les conditions environnantes les poussent à être socialistes, ils le feront avec leur mentalité. Si, des années plus tard, l’environnement les pousse vers plus de libéralisme, alors ils le feront, mais avec la même mentalité car nul ne dispose de plus d’une mentalité tout comme nul n’a plus d’un coeur dans la poitrine.
Notre environnement évolue et nous devons évoluer avec, tout le monde le sait et tout le monde approuve. Reste maintenant de savoir comment? Quand? Avec quoi? De quelle manière? etc.
Ceux qui sont sur place s’y plaisent. Et nul ne bouge de lui-même combien même il est là depuis quelques siècles. La preuve, il a fallu que Bouteflika procède à un remaniement pour que certains se rendent compte que Cherif Rahmani était là depuis 25 ans? la moitié de la vie du pays depuis l’indépendance. Il faut que cela change, on est d’accord mais comment?
Ahmed Benbitour, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2014, et dont les propos ont été rapportés par certains confrères, nous propose «une large mobilisation collective pour assurer le succès aux décisions fondamentales à initier» sans nous éclairer toutefois sur la partie initiatrice de ces décisions qualifiées de fondamentales. Il ne nous en souffle même pas un mot sur ces décisions elles-mêmes. Il nous suggère aussi une «mise en place des outils et des mécanismes indispensables à la réalisation de l’objectif défini» sans nous préciser de quel objectif il s’agit ni de qui, ni par qui il a été défini ni même où et quand a-t-il pu être défini.
Et, de poursuivre avec cette promesse que «en quelques mois le souhaitable deviendra possible» en prenant soin d’insister sur le fait que le changement devra être pacifique et que tant qu’il concerne les seules personnes, il ne sera nullement efficace.
Tous les Algériens sont pour le changement sauf que, si nos calculs sont bons, il doit y avoir à peu près 38 millions de façons de voir ce changement et celle présentée par M.Benbitour en fait partie.

Oui, le pays doit changer!
Soyons clairs et soyons francs, et disons les choses comme elles doivent être dites. Le pays a besoin de changement. Cette manière de gérer le pays qui ne nous a menés nulle part doit disparaître. Ce système qui nous a positionnés à la traîne de l’humanité, dans tous les domaines, doit aussi disparaître. Et même les hommes qui ont fait notre malheur doivent s’en aller. Mais, encore une fois, comment faire?
Descendre dans la rue? C’est ce qu’on a l’impression d’entendre. Si c’est là la proposition, alors non, merci! On ne va pas risquer de brûler le pays pour les ambitions dun individu ou d’un groupe, voire d’un clan.
Les conditions environnantes, les expériences répétitives et la situation actuelle du pays n’ont rien qui encouragerait à une telle pratique. Comment nous mobiliser alors? il aurait été intéressant que l’on nous dise comment.
Et nous mobiliser pour quel objectif? M.Benbitour ne nous en dit pas mot lui qui doit savoir pourtant que les gens ne sont jamais intéressés par des objectifs qui ne sont pas leurs ou, du moins, qu’ils ne connaissent pas. Est-il possible de croire, ne serait-ce qu’un instant, que l’on puisse se mobiliser pour réaliser un objectif que seul M.Benbitour semble connaître? Nous n’avons rien contre Benbitour que nous ne connaissons même pas de près, et nous lui souhaitons de réussir à convaincre les citoyens de l’élire, mais pour quelqu’un qui se présente à la présidentielle, il est tout de même assez étonnant qu’il nous demande de contribuer à réaliser un objectif qui demeure inconnu. Qui a donc dessiné les contours de cet objectif dont nous ne savons rien? Et sur quelle base a-t-il donc été fixé?
Ces jours, quelqu’un nous a dit que ce sont les sacrifices des martyrs qui lui ont appris à aimer son pays, l’Algérie, et nous ajouterions que les ambitions, lorsqu’elles ne sont pas raisonnables, peuvent aider à le détruire tout comme l’ont fait les prétentions et les incompétences des parvenus et des indus occupants. Et là, nous sommes d’accord avec M.Benbitour lorsqu’il dit que, chez nous, le système «répond à tous les critères scientifiques de défaillance» car c’est ce qu’il y a de plus juste.
Encore une fois, notre pays doit impérativement changer pour progresser, pour ressembler aux autres pays, pour trouver la place qui lui convient, pour mieux respirer et pour être mieux vécu. Mais ce changement doit s’opérer avec sagesse car on a besoin de sagesse pour sortir de la folle toile d’araignée dans laquelle nous ont mis trente-cinq ans de mauvaise et de non-gestion.
Mais reconnaissons tout de même que tout ne vient pas de là-haut! On peut parier que Harraoubia n’a jamais été instruit pour détruire l’université comme il l’a fait. On peut jurer que Benbouzid n’a jamais reçu l’ordre de tuer l’Ecole algérienne comme il l’a fait. On peut mettre la main au feu qu’aucun ministre n’a été orienté pour ne rien faire dans son secteur, qu’il s’agisse de la santé où les hôpitaux meurent, de l’enseignement supérieur où dans les facultés on en est revenu à l’alphabétisation, dans l’agriculture où jusqu’à présent en attend la pluie pour manger, dans l’industrie où, comme si nous étions ivres, nous avons tout bradé pour le dinar symbolique avant de se réveiller et commencer à nous lamenter ou partout ailleurs comme dans ce tourisme où depuis l’indépendance jusqu’à ce jour nous ne savons pas encore ramener des gens voir la beauté de notre pays.

Par où commencer?
Et l’on peut descendre pour voir que, dans certaines baladiyate, et alors que les gens ne trouvent pas de formulaires, ces derniers se vendent dehors. Dans certains services du Trésor, il n’y a pas de timbres fiscaux alors qu’ils sont disponibles dehors à d’autres prix, dans toutes les villes de notre si joli pays, quiconque peut devenir propriétaire de la voie publique. Qui stationne sa voiture doit payer à qui n’y a rien investi. Qui a instruit tout ce beau monde d’agir de cette manière qui ne va pas dans le sens que nous voulons?
Quand on voit tout ce qui se passe dans notre pays, on crève d’envie de tout changer mais pas n’importe comment et puis, ce changement par où devra-t-il commencer?
Par le haut ou par le bas? Il y a beaucoup à dire, alors, au lieu de se précipiter et courir le risque de mener le pays vers des lendemains plus incertains encore, discutons d’abord ce que nous voulons changer et comment le faire puis le reste viendra tout seul.*Par Aïssa HIRECHE -L’Expression-jeudi 19.09.2013

*le chef du Parti Jil Djadid, est convaincu que le wali d’Annaba, Mohamed Mounib Sendid. n’est pas mort d’une mort naturelle. Selon Sofiane Djilali , il a subi des pressions de la part de « la mafia locale du foncier ainsi que de hauts responsables civils et militaires ».

La région d’Annaba et de Tarf est toujours sous le coup de l’émotion de la mort du wali d’Annaba, Mohamed Mounib Sendid.

Lors d’un meeting animé samedi  à Besbès dans la wilaya de Tarf, Sofiane Djilali a appelé le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) à ouvrir une enquête sur les circonstances de la mort de ce commis de l’Etat décédé mardi dernier, dans un hôpital privé de Paris.

Car le chef de Jil Djadid est convaincu que le wali d’Annaba n’est pas mort d’une mort naturelle. Selon lui, il a subi des pressions de la part de « la mafia locale du foncier ainsi que de hauts responsables civils et militaires ». Tout en lui rendant un hommage appuyé, Soufiane Djilali a ajouté que « le défunt était un commis d’Etat honnête, il a barré la route à la mafia du foncier».

Pour lui, l’AVC dont Mohamed Mounib Sendid est mort n’est que la conséquence des pressions exercés sur lui par la mafia locale du mobilier et du foncier. «  Nous demandons une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur les circonstances de la mort du wali de Annaba. Et c’est au vice ministre de la défense Gaid Salah de mener cette enquête ».

Le patron de Jil Djadid veut que cette enquête ne soit pas limitée à Annaba, car il est persuadé que les wali d’Alger, d’Oran de Constantine sont soumis aux mêmes pressions par la mafia « qui est arrivée maintenant dans les centre de décision politique du pays ».

Soufiane Djilali parle de « désastre national » au sujet de la gestion du foncier. « Des lots de terrains, des espaces publics sont distribués d’une manière illégale à des promoteurs hors la loi », dénoncera t-il en insistant pour dire que la mort du wali d’Annaba ne doit pas rester impunie ».*Par Abbès Zineb | 27/12/2014 / algerie1.com/

*Pour le président de Jil Jadid, Soufiane Djillali, la corruption a démoralisé et démobilisé les Algériens en les vidant de leur énergie et de leurs richesses. Il pointe les atermoiements du gouvernement après les annonces de la chute du prix du pétrole.

Le président du parti politique Jil Jadid (nouvelle génération) a, hier lors d’une rencontre à Besbès, dans la wilaya d’El Tarf, appelé le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense nationale, à ouvrir une enquête sur la mort du wali de Annaba, Mohamed Mounib Sendid, décédé le 23 décembre à l’hôpital Montsouris de Paris où il avait été évacué le 27 novembre dernier, victime d’un infarctus survenu le 25 octobre.

Soufiane Djilali, très adroitement, interpelle Ahmed Gaïd Salah en prétextant l’incapacité du président de la République à prendre la défense des cadres et des commis de l’Etat.C’est, selon lui, une affaire qui relève du DRS, qui est sous son commandement, car elle implique la mafia du foncier, une organisation criminelle nationale qui s’est considérablement développée, étendant ses tentacules dans toutes les wilayas où des walis vivent sous la même menace que celle que subissait le défunt Mohamed Mounib Sendid.
Pour le président de Jil Jadid, la corruption a démoralisé et démobilisé les Algériens en les vidant de leur énergie et de leurs richesses. Il pointe les atermoiements du gouvernement après les annonces de la chute du prix du pétrole.

Le Premier ministre est, selon lui, passé en quelques semaines, d’une arrogante assurance à la prise de mesures qui touchent directement les revenus des citoyens. «C’est seulement maintenant, a-t-il déclaré, que l’on pense à fermer les entreprises défaillantes.» Soufiane Djilali s’est également prononcé sur la gouvernance du pays qui s’est soldée par un gaspillage des énormes ressources financières de ces deux dernières décennies, les malversations des hommes du pouvoir, notamment dans les affaires de corruption, avec la course aux acquisitions immobilières en Europe.

Il demande aux gouvernants de dire où se trouvent les 193 milliards de dollars des réserves et à Sellal de démissionner en raison de son bilan catastrophique. Soufiane Djilali s’est dit satisfait du bilan de l’opposition réunie dans la CNLTD, fustigeant au passage le FFS et son initiative, qu’il qualifie de «mort-née», comme il s’est dit aux côtés de Kamel Daoud, menacé de mort par une fatwa.*El Watan- 28/12/2014 /

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«La crise est structurelle et la responsabilité incombent à ceux qui nous gouvernent malgré nous»

Il n’a cessé d’alerter depuis quelques années sur «l’impasse budgétaire prévisible», le temps lui donne raison. Abdesselam Ali-Rachedi estime, aujourd’hui, que «ce n’est pas par des injonctions et des directives bureaucratiques que l’on retrouvera une bonne santé budgétaire» car la chute du prix du pétrole «n’est pas la cause de l’impasse» mais le révélateur d’une faillite prévisible.

-La chute du prix du pétrole place le pays dans une situation économique des plus incertaines. Les mesures prises par le gouvernement sont-elles en mesure d’éviter une crise profonde ?

Ce n’est pas par des injonctions et des directives bureaucratiques que l’on retrouvera une bonne santé budgétaire. Fondamentalement, la chute du prix du baril n’est pas la cause de l’impasse budgétaire dans laquelle nous nous trouvons. Le mal est beaucoup plus profond.
Les recettes pétrolières exceptionnelles de ces 15 dernières années n’ont fait que masquer la réalité désastreuse des finances publiques et la chute récente du prix du pétrole ne fait que révéler cette réalité. Personnellement, j’avais déjà commencé à parler d’impasse budgétaire dès 2012 et développé mon point de vue dans divers entretiens avec la presse, notamment El Watan du 16 mai 2013, alors même que le prix du baril était encore autour de 120 dollars.

-Depuis quelques années, vous alertez sur «une impasse budgétaire inéluctable qui se profile à l’horizon». Qu’est-ce qui fonde votre analyse ?

N’importe quel esprit un tant soit peu perspicace ne pouvait pas ne pas remarquer que la trajectoire prise par les finances publiques n’était pas soutenable et qu’il était irréaliste de fonder une politique budgétaire sur une richesse naturelle, par définition non renouvelable. Dès le premier plan dit de «soutien à la relance économique», j’avais émis de sérieuses réserves sur la pertinence de ce plan. C’était d’abord une question de bon sens. Parler de relance économique, cela suppose que nous étions dans une vraie économie de marché, qui était entrée en récession et que l’on pouvait stimuler. Or, nous étions et sommes toujours dans une économie de rente, entièrement basée sur les hydrocarbures, et non dans une économie de production créatrice de richesses.

Aucune relance n’est possible dans ce cas. Prenons un exemple trivial pour mieux nous faire comprendre. Supposons que l’on soit en présence d’un athlète de haut niveau qui soit dans une méforme passagère. On peut penser qu’en lui administrant des dopants, on pourrait améliorer ses performances. Mais on ne pourra jamais faire de quelqu’un qui n’a jamais fait de sport un champion, même si on lui administre un remède de cheval. Dans les faits, l’argent de ce plan a surtout servi à alimenter la corruption et les réseaux clientélistes pour tenter de compenser l’illégitimité du pouvoir par des soutiens intéressés. La même tare congénitale a caractérisé les plans suivants. Un autre exemple édifiant a été la réaction du pouvoir devant les premières manifestations de mécontentement ayant suivi ce que la presse avait appelé le Printemps arabe. Au lieu de trouver des solutions réelles aux problèmes posés, le pouvoir s’est lancé dans une frénésie de dépenses non financées, dans une fuite en avant totalement irresponsable, pensant ainsi acheter durablement la paix sociale.

Une saine gestion des finances publiques implique que toute dépense soit financée et que le déficit, si déficit il y a, doit être contenu dans des limites raisonnables, c’est-à-dire moins de 3% du PIB. Or, durant les 15 dernières années, les budgets ont toujours été votés avec un déficit considérable. Il y a donc bel et bien violation de la loi qui exige qu’un budget soit voté en équilibre. Certes, il y avait le Fonds de régulation des recettes (FRR) créé en 2000 et dans lequel étaient logés les excédents de la fiscalité pétrolière par rapport au prix de référence du baril tel que défini dans la loi des finances. Ce Fonds était destiné à compenser le manque à gagner de la fiscalité pétrolière dans le cas où le prix du baril sur le marché devenait inférieur au prix de référence. Or, jamais le prix du marché n’est descendu en dessous du prix de référence. C’est donc en violation de la loi de 2000 que l’on a puisé dans le FRR pour absorber le déficit. L’inflation des dépenses aidant, le solde du FRR a commencé à diminuer à partir de 2012, légèrement d’abord, puis massivement. L’impasse budgétaire est alors devenue manifeste.

-La crise est-elle partie pour durer ou bien est-elle conjoncturelle ?

Il s’agit bien d’une crise structurelle. Au lieu que l’impôt soit assis essentiellement sur la richesse créée par l’activité économique, on a préféré se fonder sur la richesse naturelle constituée par les hydrocarbures, par définition aléatoire, puisque son prix est fixé à l’extérieur, et non pérenne, puisqu’il s’agit d’énergie non renouvelable. A la limite, la fiscalité pétrolière pourrait être utilisée à financer des projets structurants à même de garantir le décollage industriel du pays. Or, nous en sommes arrivés au point où la fiscalité pétrolière sert à financer une bonne part du budget de fonctionnement, vu la faiblesse de la fiscalité ordinaire.

D’aucuns semblent s’étonner de l’ampleur prise par le volume des importations (60 milliards de dollars en marchandises et 10 à 15 milliards de dollars de services). Mais si on distribue du pouvoir d’achat sans qu’existe au préalable la contrepartie en biens produits dans le pays, cette demande nouvelle ira inévitablement vers les importations. Il faut rappeler également l’ampleur prise par l’évasion fiscale ! On estime qu’au moins 50% des impôts et cotisations sociales dus ne rentrent pas dans les caisses de l’Etat. C’est au moins l’équivalent du manque à gagner de la fiscalité pétrolière. Vous comprendrez facilement que cette crise va durer car, à travers l’impasse budgétaire, elle ne fait que révéler l’inexistence d’une réelle économie de production, à même d’asseoir les finances publiques sur des ressources pérennes. Or, une économie de marché véritable nécessite des conditions politiques et structurelles loin d’être réunies.

-Sommes-nous dans un remake de la crise de 1986 qui a précédé ou conduit aux événements d’Octobre 1988 ?

Il y a effectivement des ressemblances dans le contexte géopolitique. En 1986, il y avait la guerre Iran-Irak et aujourd’hui le conflit chiites-sunnites. Quoi qu’il en soit, la chute du prix du baril fait des victimes collatérales, dont notre pays. Il y a effectivement un risque, avec les mesures prises par le pouvoir, que le mécontentement dégénère en émeutes incontrôlables. La raison en est simple : il y a ceux qui tirent leur épingle du jeu dans l’économie de rente et qui se sont donné les moyens de se protéger et il y a toutes les catégories vulnérables, les plus nombreuses, qui seront les victimes toutes désignées des réajustements à venir. Il y a donc effectivement à craindre une explosion populaire, ce qui pourrait effectivement rappeler Octobre 1988.

-Dans une situation de crise, il y a lieu de situer les responsabilités politiques. A qui incombe cette responsabilité de la crise et que faut-il faire ?  

Il est évident que la responsabilité incombe d’abord et avant tout à ceux qui nous gouvernent malgré nous. C’est pourquoi nous pensons que le changement est inévitable. Il est illusoire de croire que ceux qui nous ont conduits dans cette impasse soient les mieux placés pour nous en sortir. La résolution des problèmes économiques dépend beaucoup du politique. D’abord un Etat de droit et un pouvoir légitime où les gouvernants donnent l’exemple du respect de la loi et des libertés. Une justice indépendante en laquelle on peut avoir confiance. Un système bancaire et financier moderne et efficace. Une main-d’œuvre qualifiée ayant le goût du travail bien fait, ce qui implique une refonte totale du système éducatif et de la formation professionnelle. Bref, tout ce qui fait un bon climat des affaires. Le redressement national est à ce prix. On est loin d’en prendre le chemin.*Hacen Ouali-El Watan- 28/12/2014 /

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Selon le général  Mohamed-Tahar Yala, ancien commandant des Forces navales (2002 à 2005)

Le système a délibérément confisqué les richesses du pays et a froidement réussi la déliquescence de l’Etat.

Yala met en garde contre un chaos imminent

Le général, converti à la politique depuis sa retraite militaire en 2005, dresse un constat sévère sur l’état du pays. L’ancien commandant des forces navales a fait le choix de ne pas créer un parti politique, mais il n’exclut pas de se lancer dans la future bataille pour la présidentielle.

*L’intelligence satanique tente, encore une fois, la perpétuation de son système qui a délibérément confisqué les richesses du pays et a froidement réussi la déliquescence de l’Etat, le délitement des fondements de l’unité nationale, la destruction de l’espoir et du rêve algériens et, pire que tout, la mise à mort du patriotisme algérien. Les éléments déclencheurs du chaos sont malheureusement réunis aujourd’hui.» Ce constat sévère sur l’état du pays n’émane pas d’un opposant historique au pouvoir en place mais d’un général à la retraite, Mohamed-Tahar Yala. L’ancien commandant des Forces navales (2002 à 2005) lâche une salve de critiques contre un système de pouvoir qui a réussi l’accomplissement d’«un cahier des charges savamment établi et machiavéliquement exécuté au détriment du peuple algérien», écrit-il dans son «appel pour un pacte national de citoyenneté pour une IIe République».

Le général agé de 65 ans , reconverti à la politique depuis sa retraite militaire, en 2005, veut être «le sauveur» d’un pays qui, tel un bateau ivre, part à la dérive. Il se dit prêt à «incarner un large mouvement de citoyenneté et prendre toute initiative pour un changement radical». S’il fait le choix de ne pas créer un parti politique, il n’exclut pas, par contre, de se lancer dans la future bataille présidentielle. «Tout est possible, mais à condition que cela se fasse dans un processus transparent», dit-il.
Mathématicien de formation avant son incorporation dans les forces navales en 1968, Mohamed-Tahar Yala a-t-il les moyens et les soutiens nécessaires pouvant lui permettre de résoudre l’infernale équation dans laquelle le pays est enfermé ? «Nous devons et nous pouvons le faire», assure-t-il.

S’il n’aime pas être associé à son ancienne fonction de militaire, M. Yala est convaincu qu’au sein de l’armée, nombreux sont ceux qui partagent largement son analyse de la situation du pays et de l’urgence d’agir ! «Tout comme la société, l’armée est aussi travaillée par les mêmes contradictions», explique-t-il.
Mohamed-Tahar Yala – un général sans troupe – qui n’en est pas à son premier assaut contre le pouvoir, dit se placer «au centre des différents courants politiques» et s’adresse «aux citoyens épris de patriotisme».
En filigrane, dans l’appel de cet ancien général, ressort la nécessité d’en finir avec le pouvoir de Bouteflika dont le mandat prend fin en avril 2014. Si le projet auquel il dit travailler depuis quelques années n’a pas encore pris une forme finale, le natif d’El Flaye (Béjaïa) estime que son engagement est loin d’être un baroud d’honneur.*El Watan-22.10.2012.

** 132 années de colonisation et 50 années de désillusions,

L’appel du général Yala

«Seigneur ! Donne-nous Ta part de miséricorde et Assure-nous la droiture dans tout ce qui nous concerne.»
(Coran, chapitre 18, verset 10)

L’Algérie, notre maison, est divisée par 132 années de colonisation et 50 années de désillusions, de médiocrité, d’usurpation, de falsifications, d’abus de toutes sortes et de corruption, hélas devenue systémique ces dernières années. Ces divisions créées et entretenues entre les Algériens depuis bientôt deux siècles mettent l’Algérie en danger d’éclatement.

L’Algérie a mal, la majorité des Algériens souffrent au quotidien. Ils ont pour la plupart perdu tout espoir en l’avenir, pour ne pas dire qu’on leur a ôté et confisqué l’espoir. Pour preuve, s’il en fallait, la grave désertion, sans cesse croissante, de tous les rendez-vous électoraux.
Les échecs sont nombreux dans tous les domaines. Pour tous les Algériens authentiques qui n’ont pas de pays de rechange, la misère populaire qui n’a cessé de s’étendre constitue, à terme, un danger. Certains sont convaincus à juste titre que nous sommes à la veille d’une explosion sociale majeure. L’élément déclencheur peut intervenir à tout moment tant l’histoire s’accélère dans notre région. Il est certain que le schéma directeur imposé par la globalisation et les convoitises internationales empiète sur une bonne partie de notre territoire. Ce trésor national qui pourrait devenir sinon «un patrimoine commun de l’humanité» exploité en conséquence par les puissants du monde et de la mondialisation, du moins une zone où l’exercice de notre souveraineté serait limité, un peu à l’instar de ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient autour des grandes réserves de pétrole.

La justice va mal. Le nouveau ministre de la Justice en a lui-même tracé un tableau sombre. Ses sanglots publics peuvent être interprétés comme un signe d’impuissance tant l’environnement général est délétère. L’économie va mal, tant elle est basée sur la rente. Les exportations d’hydrocarbures couvrent 98% des entrées en devises ; malgré les efforts déclarés de sortir de la spirale de la dépendance. Les activités stratégiques, souvent mises sur pied au prix de grands sacrifices dans les premières années d’indépendance, ont purement et simplement été bradées. Le recours à l’importation anarchique est devenu la règle. L’Algérie importe même des ouvriers, alors que comme chacun sait, une grande partie de sa jeunesse est au chômage, sans ressources, frustrée, désespérée.
Décriées par les spécialistes à tous les niveaux, l’école, l’université, la formation professionnelle ont failli. Elles n’ont préparé la jeunesse ni au monde du savoir, ni au monde du travail, ni à l’excellence. Des dizaines de milliers d’exclus du système scolaire se retrouvent livrés à eux-mêmes, des dizaines de milliers de diplômés de l’université ne parviennent pas à trouver d’emploi. Et c’est dans ces masses de jeunes sans horizon que la mal-vie et la délinquance s’enracinent, pour donner naissance à ce que l’Algérie n’avait pas connu auparavant, même aux pires heures, c’est-à-dire les harraga, les immolés et, pire encore, les suicides d’écoliers. Tout cela sous le regard d’un pouvoir méprisant, voire complice.

Notre système de santé publique est très malade. Est-il superflu d’énumérer les désagréments subis au quotidien par les malades, qui vivent les affres d’un système de santé érigé en médiocrité absolue de manière inquiétante ces dernières années ? Pourtant, des budgets record ont bien été consentis, mais leur gestion et leur utilisation ont été faites de manière plus que chaotique.
A ce sombre constat il faut ajouter la réalité désastreuse de disparités régionales persistantes, de difficultés d’accès aux hôpitaux et, plus grave encore, la perte de confiance des populations dans notre santé publique. Tel est le cas de tous les autres secteurs de la vie politique, économique et sociale du pays. Est-ce là, paradoxe, la réussite dans l’accomplissement d’un cahier des charges savamment établi et machiavéliquement exécuté, au détriment, bien entendu, du peuple algérien ?

Il est par conséquent vital et urgent, avec les efforts de chacun et l’aide de Dieu, de changer le sort de l’Algérie, pour sa sauvegarde, son salut, sa mue en un pays fort. Avant que les nouvelles cartes du monde ne se dessinent au profit des puissants et, corollaire logique, à nos dépens. Nous devons et nous pouvons le faire !
Pour ce faire, il faut opérer un changement radical car :
– Notre pays a besoin de sortir de cette fatalité d’échecs successifs qui met en danger jusqu’à son existence.
– Notre pays a besoin d’un Etat fort, capable d’assurer la sécurité et l’ordre.
– Notre peuple a droit à la justice, à la paix, à la dignité et à l’espoir de vivre et travailler dans un pays qui se développe.
– Notre peuple a besoin d’un pays qui avance au lieu de reculer et occupe les dernières places dans tous les classements mondiaux. Il a droit à la prospérité, à l’Etat de droit, à la démocratie.
Comme il faut instaurer un Etat de citoyenneté parce que :
– La citoyenneté est le système qui permet de rassembler le peuple.
– La citoyenneté est le système qui permet de faire barrage aux excès des idéologies et d’éviter les conflits politiques.
– La citoyenneté est un lien juridique avec une parfaite égalité des droits et des devoirs.
– La citoyenneté impose le respect de la dignité de chacun quel que soit son niveau social, le respect des espaces publics, le respect de l’exercice effectif de la liberté d’opinion et du patrimoine commun, tel l’emblème national.
– La citoyenneté impose le civisme, c’est-à-dire le respect des lois et des règles dans le respect de la liberté et des droits des personnes, et renforce la solidarité.

Notre concept de citoyenneté est une véritable révolution pour une Algérie forte. Une Algérie qui ne vivra plus jamais toutes les tragédies subies par elle jusque-là, la tragédie du sang des années 1990, ainsi que celle de la corruption qui s’en est suivie et qui n’est pas des moindres.
Dans les écoles de stratégie et de guerre d’intelligence, on enseigne bien que l’introduction et la généralisation de la corruption dans le pays adverse est la meilleure arme pour le détruire de l’intérieur. Notre concept de citoyenneté est le passage obligé pour une Algérie estimée et respectée par nos partenaires. Une Algérie modèle pour les pays frères et voisins qui, à plus long terme, suscitera à l’échelle régionale de larges mouvements d’adhésion, d’union et de construction. Ce concept est porteur de très grandes ambitions.
C’est pour toutes ces raisons que je vous parle de changement radical. Oui, ce changement exige beaucoup d’efforts. Oui, ce changement exige la contribution de toutes les élites patriotiques du pays. Elites qui existent à tous les niveaux, dans tous les secteurs d’activité, en Algérie et à l’étranger. Oui, ce changement exige l’excellence, la détermination, la ténacité et surtout de l’action !
Oui, par ce changement radical et en instaurant un Etat de citoyenneté nous bâtirons ensemble une Algérie forte. Ensemble réhabilitons le Travail.

Voyons grand, mettons tout en œuvre pour réaliser cette nouvelle Algérie.
Ce n’est pas par des paroles que l’on peut répondre aux besoins de notre peuple. Nous les satisferons en agissant avec audace et détermination tout en veillant à toujours donner l’exemple.
Quelle que soit notre opinion du passé, quand il s’agit de l’avenir de notre pays, de sa puissance et de sa prospérité, nous ne devons pas en être prisonniers. Une fois les conditions réunies, nous mettrons en place nos solutions. Car c’est là que résident les enjeux et les urgences du moment.

La première tâche consiste à concevoir un projet de «pacte national de citoyenneté», nourri et enrichi par un débat populaire incontournable qui implique toutes les composantes de notre société pour être soumis ensuite à référendum. Ce texte rassembleur, premier acte fondateur de la IIe République, principal instrument de la citoyenneté, arrêtera les valeurs pérennes, les grands principes de l’identité nationale plurielle, les fondamentaux de gouvernance et fixera le «standard social minimum garanti» de citoyenneté.
Dans notre IIe République, nous prônons un islam authentique, puisant sa lumière dans le Livre sacré et le Hadith, un islam de l’«ijtihad», de la tolérance, de l’effort, de la solidarité et de l’excellence.
La seconde tâche verra l’installation d’une Constituante en charge de l’élaboration d’une nouvelle onstitution qui sera promulguée après referendum. Cette Constitution consacrera, enfin, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et réorganisera les différents mécanismes de fonctionnement.

Remarquons que les pays les plus puissants, les plus dynamiques et les plus prospères sont ceux qui voient périodiquement renouveler leurs dirigeants dans la tranche d’âge située entre 40 et 60 ans. Aussi, cette nouvelle Constitution algérienne consacrera l’alternance à tous les niveaux.
Le jeu étant ouvert, des générations entières cesseront d’être étouffées, la fuite des cerveaux sera définitivement endiguée, des élites responsables et patriotes se dégageront et prendront en main notre destinée. Progressivement, à tous les niveaux et sans exclusive. Je dis bien à tous les niveaux et sans exclusive !

Cette Constitution de la IIe République ne consacrera pas seulement l’alternance, mais tout autant la réalité de contre-pouvoirs indépendants composés d’une presse libre et de partis politiques responsables. Sachant que tout ordre qui élève un groupe d’individus au détriment d’un autre est inévitablement voué à l’échec, cette Constitution précisera les mécanismes de veille et d’évaluation, pour ne plus jamais laisser un groupe accaparer tous les leviers du pouvoir et de la souveraineté.
Cette Constitution organisera des instruments de veille centrés sur les préoccupations du peuple et le sondage de son opinion pour une gouvernance plus réactive, fondée sur l’équité. C’est à ce prix qu’un Etat est véritablement fort.
Parce que la citoyenneté fixe comme principe fondamental une parfaite égalité des droits et des devoirs. Cette Constitution traitera de l’immunité des plus hauts responsables de l’Etat en la limitant aux seuls cas qui ne transgressent pas le principe fondamental de citoyenneté cité plus haut. En clair, il est exclu qu’un responsable soit absous pour des actes relevant de la trahison, du crime économique, de l’atteinte aux deniers publics et de délits de droit commun.

Notre changement radical, c’est avant tout une justice socle de la citoyenneté, qui place au plus haut niveau la dignité de la citoyenne et du citoyen.
Notre changement radical, c’est avant tout une justice qui engage une lutte sans merci contre la corruption et tous les autres fléaux qui ont largement pris racine dans notre société. Dieu merci, l’Algérie possède d’éminents juristes, intègres, à même de concevoir et de mettre en place ce dispositif.

Notre changement radical s’applique au système de formation où l’éducation nationale, la formation professionnelle et la formation universitaire émanent d’un concept stratégique intégré et d’un schéma global, avec des passerelles à tous les niveaux. Un changement radical qui place au centre le corps enseignant en veillant à ce qu’il soit respecté, protégé et valorisé.
Dans notre Etat de citoyenneté, l’enfant est pris en charge depuis sa naissance. Ses besoins essentiels sont sécurisés et ses besoins scolaires assurés. A cet effet, tous ont une chance égale d’accès à l’école, à la performance et même à l’excellence pour les plus doués. Les plus doués aux parents de revenus insuffisants profiteront d’une intervention de l’Etat sur tous les plans. Dans une première phase, des structures scolaires des niveaux moyen et secondaire seront progressivement mises en place pour la prise en charge complète des meilleurs élèves et ce, au niveau de chaque wilaya.

Notre pays ne doit plus faire l’économie d’un système de formation performant qui prépare les jeunes à exercer leur métier avec compétence et qui permet de produire le savoir-faire et l’élite de demain sans lesquels rien de positif ne peut se faire. Cet investissement capital est certainement le meilleur garant de l’élimination des fractures sociales, de la mal-vie et de l’ensemble des frustrations présentes aujourd’hui chez les jeunes, qui l’expriment par tant de violence et de haine. C’est aussi un investissement capital, parce que c’est un facteur de cohésion. Cohésion qui manque dangereusement à notre pays parce que le «pouvoir» ne fait pas confiance à ses jeunes. Enfin, un «Etat» qui n’a pas confiance en ses jeunes est un «Etat» qui n’offre aucun projet d’avenir pour la jeunesse et qui, de ce fait, hypothèque le devenir de notre pays.

Notre changement radical s’applique aussi à la gestion des deniers publics, parce que les Algériens sont tous copropriétaires des ressources naturelles de notre sous-sol. Les Algériens doivent savoir qu’ils sont tous copropriétaires des ressources naturelles de leur sous-sol. Les Algériens doivent se comporter en copropriétaires de l’Algérie.
Dans notre Etat de citoyenneté, les finances publiques seront gérées avec transparence et rigueur. Et pour que cette rigueur ne soit pas facteur de blocages, souvent préjudiciables aux délais de réalisation, nous favoriserons le contrôle a posteriori.
Dans notre Etat de citoyenneté, en plus de la compétence avérée, l’exemplarité et la responsabilité sont des impératifs pour le choix des hommes aux postes de décision et de gestion des deniers publics.

Nous serons impitoyables à l’égard de la corruption : tout responsable, impliqué dans un scandale sera immédiatement démis de ses fonctions et déféré par devant la Justice, quelle que soit sa fonction ou son rang.
En clair, dans notre Etat de citoyenneté, jamais plus ne sera payé sur fonds publics un produit 2 à 3 fois plus que son coût réel. Au titre de l’illustration non exhaustive, je vous invite à consulter à ce propos les expertises sérieuses, et elles existent, sur le surcoût faramineux et scandaleux du kilomètre d’autoroute du projet Est-Ouest.

Notre changement radical, qui s’applique bien évidement à l’économie, mettra immédiatement fin à l’immobilisme et remplacera l’économie de la rente par la création de richesses. Notre pays est appelé à vite devenir un leader régional et à compter parmi les leaders mondiaux dans certains secteurs. L’Algérie, et elle en a les moyens, les compétences, les capacités et le potentiel, doit rejoindre rapidement le club des pays émergents à partir d’un plan d’aménagement du territoire intégré exhaustif et cohérent, et à partir d’un plan de développement aux objectifs ambitieux.

Notre stratégie s’appuie sur la création de mégaprojets agricoles et industriels implantés dans les vastes étendues du sud autour des ressources locales, avec pour perspective à long terme la création de noyaux de développement inspirés de modèles performants existants actuellement sous les mêmes latitudes.
Le Sahara vert est une réalité révolutionnaire de la IIe République !

Notre changement radical place à un niveau élevé de préoccupation un des pans essentiels de la vie du citoyen, en l’occurrence sa santé. Il corrige les disparités régionales induites par l’étendue du territoire national, 10e au monde. Et la qualité des prestations hospitalières doit être identique selon que l’on se trouve dans une contrée ou une autre de l’Algérie. Enfin, seront supprimés graduellement et définitivement les passe-droits scandaleux des prises en charges de complaisance pour des soins à l’étranger.
Notre changement radical s’applique aux rapports que nous avons avec nos compatriotes résidant à l’étranger, dont le nombre dépasse largement les 6 millions et qui activent dans des environnements modernes et productifs, au sein d’entreprises innovantes ou d’universités de premier plan. Dois-je souligner que c’est ce type de ressources qui a permis à des pays tels que la Corée du Sud, par exemple, de faire un véritable bond en avant dans la maîtrise des nouvelles technologies et de passer en une quarantaine d’années du statut de pays sous-développé au statut de pays émergent.

A ce propos, comment ne pas évoquer ici, ce qu’à ce jour, aucun autre pays n’a fait. Je veux parler de l’héroïsme et de l’audace de notre émigration qui, lors de notre lutte de Libération, a réussi l’ouverture d’un second front pour porter le conflit armé sur le sol même du colonisateur et a assuré, grâce à son organisation pointue et rigoureuse, l’essentiel du financement de notre guerre de Libération.
Voilà pourquoi l’implication effective de tous nos compatriotes résidant à l’étranger, immense capital national, est un facteur déterminant de la réussite rapide de ce nouveau combat vital qu’est le développement du pays.

Notre changement radical s’applique à la réorganisation des structures de l’Etat, dans le sens de l’octroi d’une plus grande souveraineté au peuple. La finalité est d’ériger l’APC en véritable animateur du développement local et partenaire du déploiement du plan d’aménagement du territoire.

Enfin, notre changement radical, porteur de perspectives fortes, installe le citoyen algérien au centre de la sécurité nationale et de la politique de défense de l’Algérie, par une rupture irréversible en faveur d’une armée nationale professionnelle, fondée sur la citoyenneté et le mérite, génératrice de capacités de mise en œuvre à l’intérieur et de projections partout où nos intérêts l’exigent.
La défense nationale, consciente de la nécessité de favoriser le brassage de notre jeunesse, de former et de disposer de ressources patriotes, mobilisables en cas de nécessité, instaure le service militaire citoyen totalement révisé, intensif, pour une période beaucoup plus courte n’excédant en aucun cas 5 mois.

A l’instar des pays développés, par une restructuration des profils de formation et de carrière, l’armée nationale, véritable école de patriotisme, constituera ce gisement d’excellence, important fournisseur de cadres qui seront reversés à des fonctions civiles dans de nombreux domaines du secteur public.
Aujourd’hui, je tiens à vous exposer les grands axes stratégiques de notre programme d’édification de la citoyenneté fondatrice de la IIe République algérienne. Aujourd’hui, je tiens aussi à affirmer que la mise en œuvre de la IIe République garantit d’abord et avant tout la prise en charge des menaces extérieures et intérieures qui pèsent sur le pays et vont jusqu’à compromettre son existence. D’où l’urgence d’une réaction nationale.

Le scénario déclenché en Somalie qui a réussi la partition du Soudan, mais qui, grâce au peuple libyen, a échoué en Libye, a installé au Mali (donc à nos frontières) une véritable bombe à retardement qui menace l’ensemble du Grand-Sud algérien. Et j’entends déjà des voix séparatistes s’élever de l’intérieur du pays. Pour avoir vu le niveau élevé de mécontentement et l’intensification de la culture émeutière partout en Algérie. Pour avoir constaté que l’intelligence satanique tente encore une fois la perpétuation de son système qui a délibérément confisqué les richesses du pays et a froidement réussi la déliquescence de l’Etat, le délitement des fondements de l’unité nationale, la destruction de l’espoir et du rêve algérien et, pire que tout, la mise à mort du patriotisme algérien.
J’ai la certitude que les éléments déclencheurs du chaos sont malheureusement réunis aujourd’hui. J’appelle les Algériennes et les

Algériens, véritables remparts patriotiques, à une adhésion participative. Mobilisons-nous. Occupons le terrain politique. Ne ratons pas ce rendez-vous avec l’histoire. Sauvons le patriotisme. Sauvons l’Algérie ! Je suis prêt à incarner un large mouvement de citoyenneté et m’engage, avec fermeté, à prendre toute initiative qui garantisse la réussite dans les plus brefs délais de cette rupture inéluctable.
Pour un changement radical, que je souhaite pacifique, seule alternative qui puisse épargner à notre Algérie le chaos déjà programmé.
«Je ne veux que la réforme, autant que je le puisse et réussir ne tient pour moi qu’à Dieu, et je m’en remets à Lui et vers Lui je retourne.» Coran, chapitre 11, verset 88)

Alger, le 17 octobre 2012Mohand-Tahar Yala. Ancien commandant des Forces navales. www.facebook.com/Algerie-Forte.

*Publié dans El Watan-22.10.2012.

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*Le général à la retraite Mohand Tahar Yala :

  le changement ne peut être que radical

Le général Mohand Tahar Yala, 65 ans, ancien patron des forces navales, compte lancer, avec d’autres cadres militaires et civils, un «mouvement national pour la citoyenneté». Une initiative qu’il prépare depuis trois ans afin de poser les jalons d’un «changement radical», selon ses déclarations.

Pourquoi prendre la parole (*) presque sept ans après votre retraite des rangs de l’ANP ? Et quelle est la part de l’ancien général et celle du citoyen dans votre démarche rendue publique ?

Mon grade de général est l’aboutissement d’une carrière linéaire et de formations militaires qui m’ont permis d’acquérir le processus d’évaluation d’une situation donnée et de prise de décision dans un environnement aussi complexe et difficile que lors d’un conflit armé. Un général ne se contente pas de dresser un état des lieux, son esprit est formé pour chercher des solutions et pour agir en vue d’atteindre l’objectif final : le succès, la victoire. S’il réfléchit sans agir, c’est la défaite ! Mais le citoyen actif et patriote, pour sa part, existe avant le général et avant le militaire. Il est animé par l’amour de la patrie et est disposé à mettre toute son énergie pour contribuer à son apaisement, sa sécurité et son développement. Pourquoi ai-je attendu tout ce temps avant de parler ?

Après la retraite, il m’a fallu des années de lectures, d’études, de recherches historiques et de contacts pour évaluer l’état des lieux et mesurer l’écart entre la situation du pays et ce que l’Algérie aurait pu devenir compte tenu de son magnifique potentiel. Et surtout, pour appréhender la solution politique et étudier sa faisabilité et son opportunité. J’en suis arrivé à la conclusion, que la citoyenneté est la seule idéologie pouvant faire de l’Algérie un pays puissant et prospère. Au début de ma retraite, je ne pouvais pas prendre la parole, tenu par mon devoir de réserve et parce que je n’avais pas encore de solution à proposer. Il est vrai qu’au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de participer à plusieurs travaux de réflexion, de 1986 à 1992, à l’Institut des études de stratégie globale, qui m’ont permis, au contact d’éminents universitaires, d’élargir mon champ de vision sur les défis de notre nation, mais c’est surtout après mon départ à la retraite que j’ai beaucoup appris.

Quel a été l’élément déclencheur de votre prise de parole ?

Plusieurs éléments, dès 2006, m’ont fait ressentir tout le mal que vivait mon pays : des jeunes candidats à l’émigration clandestine qui risquent leur vie dans des traversées périlleuses, au suicide d’une petite écolière parce que son père n’a pas les moyens de lui acheter les fournitures scolaires et préfère privilégier son jeune frère qui, lui, est un garçon ! A mes yeux, il ne s’agissait pas là de drames personnels ou familiaux, mais à chaque fois d’un drame national.

A partir de quel moment avez-vous senti que la situation du pays devenait périlleuse ?

Il faut se placer dans un contexte régional et international. D’abord, il y a eu le morcellement du Soudan « un pays trop grand pour les Soudanais », selon certains états-majors politiques. Nous avons des raisons de croire que certains de nos «partenaires» pensent également que « l’Algérie est trop grande pour les Algériens » ! Ensuite, les révolutions arabes n’ont touché, comme par hasard, que des Républiques (quid du Bahreïn et de l’Arabie Saoudite ?). J’ai alors fait le parallèle avec les révolutions dans les pays de l’ancien Pacte de Varsovie dans les années 1989-1990 et l’exemple de la Yougoslavie, un pays où on pensait avoir déjà fait sa propre révolution, et qui a fini morcelé après une terrible guerre civile. Tous ces éléments ont provoqué notre mobilisation intellectuelle dans le but de trouver et de proposer une solution pouvant éviter au pays un prix trop fort à payer.

Justement, pourriez-vous nous en apprendre plus sur le Collectif pour la réédification de la nation algérienne ? Ses objectifs à court et à moyen termes ?

Le collectif est constitué d’un groupe de patriotes, anciens cadres de la société civile et de l’armée, et d’universitaires attentifs aux évolutions du contexte international, aux menaces qui guettent notre pays aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur. Des menaces qui peuvent mettre en cause l’intégrité et l’unité de l’Algérie. C’est un ensemble d’Algériens qui savent qu’ils n’ont pas d’autre pays de rechange. Nous avons tissé des relations avec toutes les composantes du peuple et toutes les tendances dans le but de cerner le plus grand dénominateur commun applicable à un projet de société viable pouvant mettre le pays dans la voie de l’unité et du développement. C’est un collectif citoyen ouvert à tous, toutes générations confondues, en relation avec toutes les composantes de notre société. Notre objectif à court terme est, une fois le travail de base effectué, de lancer un mouvement national de citoyenneté. Nous visons la convergence de tous ces Algériens qui aspirent au meilleur sort pour leur pays. Nous ne nous engageons pas dans un agenda imposé, ni ne voulons entrer dans de faux débats ou de combats entropiques. Il y a suffisamment, malheureusement, de divisions créées entre Algériens.

Quel écho a eu votre appel pour une « démarche populaire pour un Etat de citoyenneté » au sein de vos anciens collègues du commandement militaire et au sein de la société civile ?

Tous les échos qui nous sont parvenus ont été extrêmement favorables, de la part de mes anciens collègues, mais aussi de jeunes cadres. Souvent, on nous interpelle avec la même question : votre proposition est ce à quoi nous rêvons, mais comment y aboutir ?

Votre collectif appelle à un « changement radical« . Voulez-vous nous préciser cette idée ? Quelles en seraient les étapes ? S’agit-il de changer une personne ou tout un système ?

Il ne s’agit pas d’une seule personne. Mais de tout un système, bien sûr. Le changement ne peut être que radical parce que la situation actuelle est si lointaine des principes mêmes de la citoyenneté, qui reste un programme ambitieux pour le pays, échelonné sur des étapes. Un pays comme le Singapour – car il faut bien se nourrir des expériences des autres – était à genoux il y a cinquante ans, divisé avec des ethnies différentes et plusieurs religions. Mais il a su rebondir pour devenir un des pays les plus prospères du monde malgré l’absence de toute ressource naturelle, grâce à l’application du concept de citoyenneté comme contrat social. Alors pourquoi l’Algérie, avec son homogénéité ethnique et religieuse, avec ses formidables ressources humaines et naturelles, reste aussi dépendante de la désastreuse économie de la rente et aussi peu attrayante pour ses propres jeunes qui préfèrent partir ailleurs, parfois au péril de leur vie ? Pourtant avec sa position géographique centrale, ses ressources et son histoire, l’Algérie peut constituer une véritable locomotive de la région nord-africaine. C’est là notre ambition en tant qu’Algériens.

Vous axez votre initiative d’une « IIe République » sur le concept de « citoyenneté » : concrètement, comment voyez-vous se réaliser ce concept qui reste assez vague ?

Le concept de citoyenneté est une véritable révolution. C’est d’abord un lien juridique commun entre les citoyens, dans une parfaite égalité des droits et des devoirs, basé sur la sauvegarde de la cohésion sociale et nationale. Même notre histoire et notre culture nous aiguillent vers des modèles de citoyenneté adoptés par nos aïeux pour éviter les dissensions et pour promouvoir le vivre ensemble qui construit une société forte, un Etat fort par l’adhésion volontaire de ses citoyens. La citoyenneté se décline en deux principes : la civilité et le civisme. La civilité, c’est d’abord le respect de la dignité de tous les citoyens à tous les échelons. Du simple citoyen, au général et au juge. Tous doivent respecter la dignité du citoyen. Ensuite, il y a le respect de l’espace et du bien public (nous devons en finir avec la mentalité du baylek) et enfin et surtout, le respect du drapeau !

Quant au civisme, il s’agit du respect de la loi et des règles, une certaine idée de la solidarité déjà très ancrée dans notre société, et la liberté, la liberté des individus dans le respect de la liberté des autres citoyens. Nous souhaitons d’abord établir un pacte de la citoyenneté qui fixe les valeurs pérennes et les grands principes de l’identité algérienne. Un pacte enrichi grâce à l’apport de toutes les composantes de la nation algérienne et qu’il faudra faire voter par le peuple souverain pour le rendre immuable. Il faudra, en parallèle, peut-être envisager de dissoudre les partis actuels et réorganiser le paysage politique sur la base du dénominateur commun qui garantit l’intégrité de la nation et sa puissance. Il y aura d’autres mécanismes à mettre en place, qui seront précisés ultérieurement. Notre objectif est un Etat fort et des contre-pouvoirs aussi forts, un vrai système judiciaire qui ne méprise pas le citoyen et des médias réellement investis du quatrième pouvoir. Il faudra aller vers une Constituante, pour élaborer un texte rassembleur et ambitieux, fondateur de la deuxième République.

Comment voudriez-vous « engager toutes les forces dans les meilleurs délais » pour ce projet de « réédification nationale » ? N’est-ce pas trop tard maintenant que la machine électorale (dont vous dénoncez le côté mercantiliste) a démarré ?

Le plus tôt, dans le processus de construction de la citoyenneté, serait le mieux ! Parce que nos ambitions sont très grandes pour notre pays. Mais il n’est jamais trop tard ! Nous nous mobilisons sans limite dans le temps. Il faut au plus vite nous inscrire, en tant que nation, dans une véritable dynamique de développement et d’apaisement, pour notre propre bien et pour celui de nos voisins. On ne veut pas, je le répète, subir un agenda imposé par les législatives, parce qu’on se retrouvera ainsi dans les mêmes éléments de langage répétés tous les cinq ans. On ne s’inscrit que dans l’agenda d’une Algérie puissante et qui donne toute la place à tous les Algériens.

Vous évoquez une « intelligence satanique » qui a encouragé « la médiocrité » dans plusieurs instances de l’Etat ? Peut-on identifier cette entité ?

Certains ont pensé à une personne bien identifiée. Mais le fait est que cette entité n’est pas conjoncturelle, elle émane de l’alliance que j’ai dénoncée : une alliance entre l’opportunisme et la médiocrité à tous les échelons.

L’Algérie semble, selon vous, à un carrefour décisif de son histoire : défis internes, mais surtout externes (Printemps arabe, vague islamiste, déstabilisation du Sahel et convoitises énergétiques, notamment). Quels seraient concrètement les risques qu’encourt le pays dans l’actuelle conjoncture régionale et mondiale ?

Autour de la région du Hoggar, riche en matières premières, nous avons l’impression que des forces veulent vider cette zone stratégique pour nous imposer des solutions à nos dépens ! L’Algérie ne peut rester muette avec ce qui se passe à nos frontières sud. Notre pays doit avoir une réaction vigoureuse. Déjà, lors de la crise libyenne, Alger aurait dû s’imposer dès les premières manifestations armées à Benghazi comme un acteur important, qui pouvait parler à toutes les parties grâce à son capital diplomatique et symbolique, s’imposer comme une puissance régionale et pas regarder passivement se dérouler les événements. Avoir une position d’un pays fort, qui peut servir d’intermédiaire régional ou, si les belligérants outrepassent leurs engagements, imposer sa force. C’est ce qu’on doit faire au Mali avec les derniers dangereux développements. Ou nous sommes offensifs ou nous sommes perdants !

* »Manifeste national pour la IIe République, une démarche populaire pour un Etat de citoyenneté« , contribution publiée dans El Watan le 21 mars dernier.

Bio express :

Né en 1947, Mohand Tahar Yala obtient son bac mathématiques en 1966 avec une mention qui lui permet d’être retenu pour des études en France en mathématiques supérieures et en mathématiques spéciales. Il rejoindra la marine nationale en 1968 et suivra en parallèle une formation à l’Ecole navale de Brest (France) de 1968 à 1971. Après une formation d’état-major naval en Yougoslavie (1983-1984) et une formation en Egypte (1993-1994), le futur général Yala prend le commandement de la façade Est entre 1994 et 2000 (à Jijel) avant de prendre le commandement des forces navales entre 2002 et 2005, date de son départ à la retraite.

**Le Matin-06/04/2012

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La pensée unique engendre l’homme présidentiel et l’esprit monarchique

*Par Ali Yahia Abdenour : militant des droits de l’homme

Il faut une détermination d’acier et une sacrée volonté politique pour affronter la tyrannie du statu quo et de l’argent, être branché sur le concret et le réel, parce que les rapports politiques et sociaux sont des rapports de force, et lutter pour briser l’injustice.

Il faut insuffler un peu d’air frais dans une société habituée à étouffer sous le culte de la personnalité. Il faut accorder une véritable place à la  société civile, lui concéder un rôle important, retenir ses propositions parce qu’elle concerne l’exercice de la démocratie. Le pouvoir a banni la démocratie de la réalité, n’en conservant qu’une coquille vide dont il se sert pour maquiller le visage de la dictature, qui bloque la marche en avant de la société vers la liberté, la justice et les droits de l’homme. Le pouvoir présente sa dictature comme étant une démocratie. Le despote se déclare démocrate. Le cerveau et le cœur de la lutte contre la dictature, qui n’a brisé ni le courage ni l’espoir, sont la démocratie qui reste l’enjeu du combat politique. Le peuple a le droit d’inventaire des 13 années de pouvoir du président Bouteflika qui ont divisé, épuisé, fragilisé la société pour l’empêcher de choisir son destin. Ces 13 années n’ont pas apporté le progrès, mais la régression.

Pour paraphraser le défunt Kaïd Ahmed : «L’Algérie était au bord de l’abîme avant son arrivée au pouvoir, depuis elle a fait un bond en avant». L’ultralibéralisme qu’il a imposé est porteur non seulement d’injustices sociales, mais aussi d’inefficacité économique ; disposant de tous les pouvoirs, il est responsable des échecs de sa politique. Après sa désignation comme président de la République par les décideurs de l’armée, car il était le seul candidat en avril 1999 après le retrait des six autres candidats pour commencement de fraude dans le sud du pays, il a exprimé son état d’âme en disant qu’il ne se résignait pas à être sous la tutelle de l’armée, à n’être qu’un ¾ de président. Il voulait le beurre, l’argent du beurre et le reste. C’est sa première faute politique majeure de son premier quinquennat.

Le président Abdelaziz Bouteflika exerce un pouvoir personnel, dominateur et totalitaire, confinant à la monarchie. Il y a une personnalisation à outrance inefficace et dangereuse, et une présidentialisation accrue de son pouvoir. Le présidentialisme, c’est l’identification du peuple à celui qui le dirige, contrôle l’Exécutif dans son entier, et la haute administration tenue par ses fidèles. Les institutions politiques, le Parlement, la justice, le Conseil constitutionnels se plient à ses injonctions. C’est la période bénie pour tous ceux qui se sont enrichis en toute impunité. Le président peut dire comme l’ancien roi d’Espagne : «Il n’y a pas abus de pouvoir dans ce pays, il y a seulement abus d’obéissance.»

C’est le renoncement des Algériens à exercer leur droit. On ne demande pas aux Algériens de comprendre, mais de saluer avec chaleur et respect la politique du président. C’est gravissime. Peut-être est-il temps de dire stop, non à cette politique. Au nom de quoi le pouvoir s’arroge-t-il le droit de s’accaparer et de s’identifier à la souveraineté nationale qui relève de la responsabilité du peuple ? Le présidentialisme qui sévit à outrance empêche la diplomatie de jouer son vrai rôle. Qu’avez-vous fait de vos 13 années de pouvoir absolu, Monsieur le président ? Saint Simon dit de Louis XIV : «Je me sais gré d’avoir jugé depuis longtemps que le roi n’aimait et ne comptait que lui, et était à soi-même sa fin dernière.»

Le président assis sur son trône a su se montrer généreux avec lui-même et sa famille, c’est ce qui s’appelle le sens de la famille dont il n’est pas dépourvu comme avec ses protégés et ses courtisans, ses réseaux de soutien qui se créditent d’une grande influence, qui tiennent le haut du pavé. Les règles de la comptabilité publique exigent l’inscription au budget de toutes les sommes dépensées par l’Etat dans l’année, particulièrement celles de la présidence. Le fard  appliqué pour maquiller la réalité est vraiment trop grossier. Où avez-vous conduit l’Algérie Monsieur le Président, car celui qui guide peut égarer ? La concentration des pouvoirs à la présidence est la pire des politiques. Le système parlementaire empêche la personnalisation du pouvoir. La haute estime que le président a de sa compétence dans tous les domaines, renforcée par la conscience qu’il croit incarner le destin de la nation, a fait tant de mal à l’Algérie en entravant sa marche vers la démocratie. Il a éliminé tous les contre-pouvoirs nécessaires pour éviter la dérive monarchique.

Le mot réforme sortant du pouvoir est assimilé à la régression sociale, humaine, culturelle, morale et intellectuelle. Ne pas respecter la Constitution qui a limité à deux le nombre de mandats présidentiels relève de la forfaiture d’un autocrate. Des clans se sont emparés de pans entiers du pouvoir politique stratégique, de l’économie, de la diplomatie, exercent une influence déterminante sur la politique du pays, sans aucune légitimité.

La fin du système politique se dessine, son avenir est derrière lui

Le président de la République dépositaire et non propriétaire du pouvoir sera déposé à son tour ? A-t-il la capacité physique d’exercer pleinement ses fonctions ? Démissionnera-t-il en raison de sa maladie grave et durable ? Pour ses partisans, il se trouve dans une remarquable condition physique, dispose de toute son énergie, de toute sa vigueur. Le peuple algérien veut se délester de ce poids lourd que fait peser sur lui l’hyperprésidence. La séparation et l’équilibre des pouvoirs préservent la stabilité au sommet et la renforcent. La réflexion commune à élaborer avec une très grande ouverture d’esprit est un passage obligé pour que le prochain pouvoir ne sorte pas pour quelques clans, mais pour l’intérêt général.

Le sursaut viendra des jeunes, acteurs de combat pour la démocratie qui expriment le ras-le-bol de la société. Le changement, ce n’est pas pour plus tard, pour les autres générations, c’est pour nous, ici et maintenant. L’échéance présidentielle est l’élément structurant de la vie politique. Les clans du pouvoir savent qu’ils ont en commun une convergence d’intérêts et qu’ils ont intérêt à s’entendre. La lutte de succession à l’intérieur du pouvoir est ouverte. Les tensions s’avivent au sommet du pouvoir, qui échappe de plus en plus au président. Des manœuvres qui vont du narcissisme à la paranoïa et conduisent à des coups tordus se déroulent sous le regard d’un mélange de Raspoutine et de Machiavel du DRS qui préserve ses prérogatives politiques.

Les astres sont taquins, les boules de cristal s’embuent et les voyantes disent : «Que la fin du système politique s’annonce à l’horizon, que le président est en sursis dans un pouvoir en sursis, et qu’il désignera son successeur.» Bouteflika ne se succédera pas à lui-même. Le rejet d’un 4e mandat est profond et massif. Son successeur sera-t-il désigné par le DRS, les décideurs de l’armée, le suffrage universel truqué ou transparent ? Les Algériens doivent se mêler avec force de ce qui les regarde, la révision de la Constitution qui occupera le devant de la scène politique au début de l’année 2013. Le cadre naturel de sa révision est l’Etat de droit. Une Constitution se juge sur sa capacité de durer et de s’adapter aux situations les plus diverses.

Quand le respect des droits de l’homme sera-t-il un vécu quotidien dans ce pays ?

Le combat pour les droits de l’homme devient un combat politique fondamental qui conditionne tous les autres. De quels hommes et femmes peut-on dire aujourd’hui comme Zola qu’ils sont un moment de la conscience humaine et font honneur à leur
pays ? Il existe à côté et au-dessus des éthiques particulières un absolu moral, la morale des droits de l’homme. La personne humaine n’est pas un moyen, mais une fin, la finalité de toutes les politiques. L’homme n’est moral que lorsque la vie en soi, celle de l’homme, lui est sacrée, et qu’il s’efforce dans la mesure du possible d’aider toute vie humaine en détresse. Quand on sait ce que l’on veut, il faut avoir le courage de le dire et de le faire. Il faut parler aux Algériens, et surtout les écouter et les entendre pour leur redonner espoir, leur ouvrir des perspectives dans un esprit de justice, et trouver des solutions à leurs problèmes.

Pour s’élever dans les affaires humaines, il faut de l’esprit et du cœur. Il faut avoir l’intelligence et la sensibilité d’une conscience qui s’efforce de comprendre et de dénoncer les fautes du pouvoir qui se multiplient et s’accumulent, qui n’est pas ouvert aux problèmes de la société et aux préoccupations quotidiennes des Algériens. Il n’y a pas de progrès humain sans liberté qui est la source de l’action politique. Où est la démocratie, où est le droit, où est la justice, où est la liberté ? Il faut l’articuler avec une intelligible voix, le peuple algérien veut vivre dans la liberté. Le soleil de la liberté va-t-il se lever sur l’Algérie ? Nous vivons dans une société où ceux qui ont tous les droits n’ont pas de devoirs, et, inversement, ceux qui ont beaucoup de devoirs n’ont pas de droits. Il est difficile d’analyser les circonstances et les raisons qui motivent la passivité des intellectuels en général qui s’enlisent dans la prudence, persuadés que la seule issue est une résignation désespérée, une relative démission et leur ralliement au pouvoir au prix d’un reniement. Une telle stratégie qui n’est pas l’aube de la liberté est détestable et sans avenir.

La défense de la liberté et de la justice est un bon terrain de combat face à l’arbitraire du pouvoir, l’enjeu est la liberté et la justice. Comment rendre la justice quand le pouvoir est le principal coupable ? Bouteflika n’a pas résisté à la tentation si fréquente dans l’histoire nationale d’assujettir la justice. Comment améliorer l’image de la justice ? comment rehausser son prestige et son audience ? Le cadre du juge est la loi, son devoir est l’impartialité. Les juges en général ont des connaissances juridiques, mais n’ont pas un bon niveau culturel, ce qui est un lourd handicap pour la profession. L’indépendance de la justice ne sera une réalité qu’avec l’avènement de l’Etat de droit. Il faut déposer plainte contre l’ENTV pour désinformation et manipulation. Il faut sauver les hôpitaux du naufrage.

Les droits de l’homme et la responsabilité sont des éléments importants «pour aller à l’idéal et comprendre le réel». L’égalité de la femme avec l’homme est une condition de sa liberté. La femme est l’avenir de l’homme, l’homme doit être aussi l’avenir de la femme. L’égalité devant la loi inscrite dans la Constitution n’est pas réelle devant les faits. La discrimination envers la femme est réelle. La Constitution lui donne les mêmes droits que l’homme, mais le code de la famille fait d’elle une mineure à vie. Cela me fait penser à une réplique de Michel Simon parlant de sa femme dans le film Drôle de drame.

«Elle voulait paraître, je l’ai fait disparaître.» Pour qu’elle disparaisse du gouvernement, il a fallu qu’elle apparaisse à l’APN. Les femmes ont trouvé leur juste place à l’APN, mais ont été exclues du gouvernement. Cela provoque indignation et colère. La confiance en la compétence des femmes indispensable pour affronter les importantes responsabilités, leur intégrité, connues et reconnues et respectées, sont méritées et légitimes. La réconciliation nationale qui devait être un grand projet politique est réduite à sa dimension sécuritaire. Que choisir pour la réconciliation, le pardon contre la justice, ou la paix par la justice ? L’amnistie sans la vérité et la justice n’est qu’impunité. Paix et droits de l’homme sont les deux aspects indissociables de la vie sociale. Quand on favorise l’un aux dépens de l’autre, la paix aux dépens des droits de l’homme qui sont la vérité et la justice, il y a échec des deux. *Ali Yahia Abdenour : militant des droits de l’homme…contribution publiée dans El Watan  le 21.10.2012.

**Les élections préfabriquées ne servent qu’à reproduire le système politique

Par Ali Yahia Abdenour

L’Algérie qui a connu, après «une longue nuit coloniale», une longue dictature, prendra-t-elle le chemin d’une démocratie apaisée pour construire une société de liberté et de justice, avec une répartition équitable du revenu national ? Nous sommes dans l’impasse politique, mais nous voulons en sortir. Faire un diagnostic lucide, clair, total et rigoureux, c’est découvrir une Algérie malade d’immobilisme politique, de mauvaise gestion, de corruption. L’Algérie, qui entre dans le XXIe siècle en marche arrière, ne cesse de se perdre car elle oublie qu’elle n’est plus au Moyen-Age. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, il faut faire preuve de maîtrise et de responsabilité, faire des réformes en profondeur par une politique réfléchie, préparée, expliquée, attentive à l’avenir qui s’inscrit dans le IIIe millénaire.

Il ne faut pas labourer le même sillon mais ouvrir d’autres chemins pour l’action politique, par un contact direct et privilégié avec les forces d’avenir qui bouillonnent dans le cœur des jeunes générations. Est venu le temps de la doxographie fondée sur  l’intervention permanente de l’opinion dans les affaires publiques. Les spécialistes, historiens, sociologues, économistes, doivent se mobiliser pour de vrais débats. L’Algérie a besoin de femmes et d’hommes expérimentés, capables d’analyses et de réflexions pertinentes dans les domaines concernés.
Le peuple algérien, ce grand absent dont on parle toujours, sera reconnu souverain et majeur le jour où les Algériennes et les Algériens, considérés comme sujets, accèderont à la citoyenneté.

Dans la dictature, la Constitution n’a pas de rapport avec le pouvoir en place parce que la pratique l’éloigne des règles constitutionnelles.
Pour préparer l’avenir il faut maîtriser le présent, construire une alternative et pas seulement une alternance au pouvoir. La clé du futur se trouve dans la sphère politique, dans sa démocratie. L’Algérie a besoin d’espoir, espoir de démocratie, de justice et de liberté.

Les partis, combien de divisions ?

Le président Abdelaziz Bouteflika, qui voulait établir la bipolarisation, c’est-à-dire l’organisation de l’espace politique entre deux partis dominants, a donné l’ordre au ministre de l’Intérieur d’autoriser la création de je ne sais combien de partis politiques. Quelle place pour les nouveaux partis dans l’échiquier politique ? Il faut faire la synthèse des différents courants politiques et idéologiques qui traversent la société. Les partis doivent éviter le double jeu, être à la fois dans le pouvoir et en dehors.

Dans l’exercice des partis politiques, la vision est indispensable pour donner du sens et de la cohérence à leur action, la stratégie et la synthèse nécessaires tant pour les diriger que pour mener à bon port leurs projets. C’est le temps qui n’en finit pas pour faire la courte échelle à des dirigeants qui ne s’attaquent pas aux problèmes de fond par absence de culture et d’analyses stratégique. Les partis politiques doivent se reconstruire par la mise en œuvre de projets à la hauteur des défis, par l’écoute de leurs militants de base.

Ils sont déphasage avec la société et leurs conflits internes sont réglés dans la plus grande opacité.
Les détracteurs de Belkhadem et de Ouyahia, parmi les nombreux cadres et militants de leurs partis qui leur reprochent d’en faire des rampes de lancement pour satisfaire leur ambition et prétendre à la magistrature suprême prochaine, les contestent et les discréditent.
Le FFS historique, qui a incarné une alternative au système politique et à ses pouvoirs a vécu ; nombre de ses cadres sont partis, d’autres ont été écartés et ceux qui restent, peu nombreux, ne sont plus à la direction du parti. Il doit renouveler son logiciel idéologique. Il n’est plus à l’écoute des militants et déroge aux règles les plus élémentaires de la démocratie interne. Il a cédé aux sirènes du pouvoir en acceptant de participer aux élections législatives, devenant ainsi l’opposition du pouvoir et non l’opposition au pouvoir. Il lui fallait une réflexion politique et non tactique et conjoncturelle, populiste et électoraliste, avant de sympathiser sans tabou avec le pouvoir.

L’appareil du FFS croit rassurer ses militants et l’opinion en leur expliquant que son retournement d’alliance est tactique : «Le choix du FFS de participer aux élections relève de la pure tactique électorale et vise à remobiliser la société.»  On ne va pas aux élections par tactique, mais par conviction. Le réveil tactique du FFS, qui fait de la politique un sens tactique, une règle tactique, est une attitude virtuelle. La tactique politique relève du déni d’une vision claire, cohérente, intelligente. Il ne faut pas galvauder le sens des mots, sauf à leur voir perdre ensuite toute leur portée, abandonner cette phraséologie qui résonne comme une coquille vide, éviter  de se remplir la gorge de mots purement tactiques qui deviennent un instrument de camouflage, en tournant le dos à ce que rappelait Althuser : «Aucune tactique n’est possible qui ne repose sur une stratégie et aucune stratégie qui ne repose sur la théorie.»

Aucune stratégie ne vaut sans une tactique qui permet de la mettre en œuvre. L’appareil du parti a hérité d’un très lourd passif, mais il a réagi à la multiplication des fronts de manière désordonnée. Ali Laskri, par ses circonlocutions laborieuses, est le conducteur qui va droit dans le mur et qui espère éviter l’accident en accélérant. Il avertit les militants et cadres du parti qui s’en prendraient à son action qu’ils le trouveront sur leur route. Mais ils peuvent l’écraser, les accidents de la route étant très fréquents en Algérie.
Karim Tabbou est victime d’une vendetta de l’appareil du parti. La vengeance est un plat qui se mange froid, mais il veut agir vite pour régler ses comptes.

Les élections locales du 29 novembre 2012

Il n’y a pas d’élections libres en Algérie. Dans la mémoire collective des Algériens, le souvenir est frais de toutes les fraudes électorales. Tout a été dit sur ces élections préfabriquées à la Naëgelen, comme l’a reconnu le président de la République, qui ne servent qu’à reproduire le système politique. Tout pouvoir qui n’émane pas de la souveraineté populaire librement exprimée par des élections libres et transparentes est illégitime et engendre le totalitarisme.

Les élections n’ont pas pour objet de choisir les dirigeants, car les choix sont faits avant et ailleurs, mais seulement à les légitimer. La désaffection des Algériens à l’égard du système politique s’aggrave à chaque élection par un taux réel d’abstention chaque fois plus fort, porteur d’un message politique. Il faut d’abord dénoncer les erreurs et les fautes du pouvoir, dans la préparation, la cuisine électorale, la gestion des élections législatives du 10 mai 2012. La campagne électorale pour ces élections s’était déroulée dans un désert d’électeurs, le boycott et l’abstention l’ont emporté haut la main. Le schéma qui a prévalu lors de ces élections doit se répéter.

Le peuple algérien, qui a boycotté les élections législatives, ne peut s’arrêter en si bon chemin, mais continue son combat. Une volonté collective se dessine et se mobilise pour qu’une sanction électorale exprime le rejet du pouvoir. Le scrutin du 29 novembre 2012 sera marqué par un nouveau record d’abstention.
Les codes communal et de wilaya sont rétrogrades, limitant les pouvoirs des APC et des wilayas. La régionalisation préserve et renforce l’unité nationale. La centralisation constitue une méthode de pouvoir et une structure d’organisation archaïque, paralysante, qui ne correspond pas à la vie moderne. Le pouvoir local doit être exercé par des démocrates partout où la fraude est limitée grâce à la vigilance des militants et de la population. Le seul combat qui justifie l’engagement des démocrates à prendre en main l’exercice du pouvoir local est de libérer les APC et les APW de l’attitude du wali qui est devenu le véhicule de la tyrannie bureaucratique et centralisatrice.

Le peuple algérien n’a pas perdu sa capacité d’indignation. Un grand mouvement social peut se manifester. Quelle forme prendra-t-il ? Les inégalités criantes devenues socialement indépendantes, font remonter à la surface la soif de justice sociale, qui est un élément fondamental de la cohésion sociale.
Les conditions de vie des pauvres se sont dégradées. Des millions d’Algériens vivent au-dessous du seuil de pauvreté et l’appauvrissement des couches moyennes fait que d’autres millions vivent les drames des fins de mois difficiles. L’inflation galopante, qui est l’un des cancers de la société, relance l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, dont les plus modestes sont les plus touchés par la forte hausse des produits de base, au premier rang desquels figure l’alimentation.

L’augmentation du coût de la vie, résultat de la dévaluation du dinar et de la flambée des prix des denrées alimentaires de base par absence de contrôle des prix, réduit à la misère des millions d’Algériens. Les salaires augmentés sont absorbés par l’inflation. La pauvreté s’aggrave au point que des femmes et des hommes qui ont galéré durant des mois à la recherche d’un travail découvrent la faim.
La faim, en 2012, dans un pays qui regorge de richesses, est un anachronisme difficilement imaginable. Et pourtant ! Il faut mettre fin à ce cauchemar car l’inquiétude, le découragement, la déception, la frustration, la souffrance, le désespoir qui habitent les gens épuisent le sens de la vie. De nombreux Algériens s’immolent par le feu pour exprimer leur désespoir. Les tensions sociales sont fortes. Les revendications sociales sont autant de facteurs qui mettent en cause l’échec du pouvoir.

L’inégalité sociale a fait apparaître une lente et difficile montée des syndicats autonomes et des revendications qu’ils portent. Les syndicats doivent constituer un front commun pour se concentrer sur la réalisation de leurs revendications sociales. C’est l’UGTA qui négocie avec le gouvernement et le patronat, après les grèves menées par les syndicats autonomes.

Les richesses tirées du sous-sol doivent être réinvesties sur le sol

L’économie est paralysée, c’est la question qui domine toutes les autres  parce qu’elle conditionne toutes les autres. Les trois quinquennats du Président n’ont pas débouché sur le décollage de l’économie, qui ne peut se faire qu’avec le concours de l’ensemble des acteurs économiques. L’industrialisation du pays est un objectif majeur et même prioritaire. La mauvaise gouvernance n’est plus à évoquer, avec une économie faible et une situation sociale très tendue.

L’esprit de rente  l’emporte sur l’esprit d’entreprise qui passe par le socle de la démocratie et de l’Etat de droit. Les hauts dirigeants du pays sont nombreux à avoir un intérêt financier personnel, voire familial, direct ou indirect, dans une entreprise ou dans l’économie informelle. C’est le goût du lucre et de la puissance de l’argent qui a contaminé ces dirigeants qui sortent tous du même moule : les clans du pouvoir.
Les mœurs rappellent ce qu’écrivait Victor Hugo dans Ruy Blas : «Bon appétit messieurs ! Ô ministres intègres, conseillers vertueux ! Voilà votre façon de servir, serviteurs qui pillez la maison.»

Le pouvoir et la corruption ont fait mentir la maxime : «Bien mal acquis ne profite jamais.» L’Etat est gangrené par la corruption. Il faut faire la lumière sur les scandales portant sur les malversations dans les contrats publics. Il existe des pratiques qui couvrent la fuite des capitaux vers l’étranger, de manière à satisfaire les appétits les plus voraces et les plus égoïstes qui ruinent le pays. Lorsque les institutions illégitimes de l’Etat, parce que issues d’élections truquées, servent à des fins politiques, les sentiments de justice, de légitimité et d’équité sont écartés pour laisser place à l’impunité.contribution publiée dans El Watan  le 18.10.2012.

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*Bruissements de sérail

**C’est la fixation de ce cap qui fait cruellement défaut aujourd’hui dans notre pays.

Même les dictatures les plus féroces ont compris que la communication institutionnelle est une arme stratégique en temps de crise. Acculés par les révoltes populaires, les anciens présidents tunisien Ben Ali, égyptien, Moubarak, le président yéménite, Ali Abdellah Salah, le «guide» libyen, El Gueddafi, ont tous, dès les premières secousses du séisme politique, qui a frappé ces pays, annoncé sous la contrainte de la rue, de la manière la plus officielle, un agenda de réformes politiques et institutionnelles. Ayant perdu toute légitimité auprès de leurs peuples, ces dirigeants n’ont pu faire passer la pilule faussement démocratique que représentaient ces ouvertures imposées aux régimes arabes.Ces dirigeants ont tenté de distiller par doses homéopathiques leurs promesses de réformes pour se maintenir au pouvoir en fonction de l’évolution des rapports de forces sur le terrain et de la pression internationale. On a vu comment ces dirigeants se sont invités solennellement à la télévision d’Etat pour annoncer, qui sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat, qui une révision de la Constitution ainsi qu’un train de mesures entrant dans le cadre de la démocratisation de ces pays. Ils ont eu la «délicatesse» politique d’afficher publiquement leurs intentions politiques. C’est la fixation de ce cap qui fait cruellement défaut aujourd’hui dans notre pays. Au milieu de la tempête qui secoue notre région, on ne sait pas «où va l’Algérie», pour reprendre une prophétie du défunt Mohamed Boudiaf qui apparaît aujourd’hui encore d’une brûlante actualité. L’avenir du pays semble se décider à travers des conclaves et des tractations secrètes regroupant de hauts dignitaires du régime.La presse privée rapporte sous le couvert de l’anonymat ces bruissements du sérail qui donnent du grain à moudre aux commentateurs et analystes politiques qui tentent de déceler à travers le trou de la serrure ce qui se trame dans les allées du pouvoir. L’agitation politique n’est pas confinée uniquement à l’intérieur du système. Des hommes politiques dont le parcours se confond avec le système investissent la scène politique appelant à la nécessité d’un changement radical transcendant l’équation présidentielle qui n’est qu’«une partie du changement» pour reprendre Abdelhamid Mehri. D’autres initiatives, propositions sur la manière d’opérer le changement et le contenu des réformes à engager, sont portées par d’autres personnalités en rupture de ban avec Bouteflika, ainsi que par des partis de l’opposition. En l’absence de visibilité politique, ces initiatives ne parviennent pas à fédérer les énergies. La suspicion est de rigueur.On parle d’initiatives téléguidées, de missionnaires mandatés par le régime pour déblayer le terrain et préparer le lit aux réformes politiques à l’avènement desquelles, nous dit-on, les représentants du système en place ne peuvent pas ne pas être partie prenante. Une chose est sûre, c’est que l’opinion est lasse et indifférente à ces cénacles nullement désintéressés qui occupent le devant de la scène politique et qui tentent d’imprimer un contenu et un rythme aux changements que le pouvoir serait amené à concéder dans le sillage des transformations qui s’opèrent dans notre sphère géographique. La bienveillance avec laquelle les médias officiels se font l’écho de ces initiatives politiques confirme bien qu’un tel débat est suscité de l’intérieur du pouvoir et que le concepteur et l’architecte du changement qui semble se dessiner n’a pas changé de main.Car s’il y a réellement une volonté politique d’aller vers la naissance d’une deuxième République en Algérie qu’est-ce qui empêcherait alors le président d’annoncer officiellement son projet politique pour l’Algérie ? En précisant la démarche pour la concrétisation des réformes projetées. Cela aurait évité toute cette surenchère politique, ces spéculations et autres manœuvres du sérail qui rythment la vie politique nationale. Une telle politique de louvoiement destinée à gagner du temps et à recycler le système et ses hommes n’a aucune chance de réussir.  (El Watan-17.03.2011.)      

***Réunions secrètes au sommet de l’état

Quand l’opacité est érigée en mode de gestion 

Depuis quelques jours, des titres de la presse nationale annoncent la tenue de plusieurs réunions à la Présidence.

Les «conclaves» en question auraient, selon les mêmes sources, regroupé le chef de l’Etat, les présidents du Sénat, de l’Assemblée populaire nationale, du Conseil constitutionnel et le Premier ministre. Des titres ont aussi évoqué le déroulement, avant-hier, d’une rencontre entre le président de l’APN, Abdelaziz Ziari, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem qui est également ministre d’Etat et Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND et Premier ministre. Selon les informations distillées, on parle de réformes et de révision constitutionnelle.
Au-delà de la teneur de ces réunions, au demeurant importantes parce qu’elles engagent l’avenir du pays, c’est surtout le secret les entourant qui intrigue. Officiellement, on n’a annoncé aucun projet de révision de la loi fondamentale.

Et le président Bouteflika qui a eu autant d’occasions pour s’exprimer sur la situation du pays n’a pas jugé, jusque-là, bon de le faire. Au plus haut sommet de l’Etat, on a même pensé que la contestation était strictement sociale, que les réponses ne pouvaient, elles aussi, n’être que sociales. Alors, c’est étonnant de découvrir aujourd’hui que l’on s’apprêterait à procéder à des réformes politiques, Il faut bien le signaler, dans le secret le plus total, pendant qu’on réprime l’opposition, et monopolise de manière éhontée les médias publics. C’est vrai que la communication et la transparence n’ont jamais été le souci pour ceux qui ont décidé de gérer la chose publique dans le noir. Mais force est de constater que le laboratoire du régime n’a pas encore, malgré le contexte politique et la large contestation qui font vibrer le pays, jugé utile de sortir de l’ombre.

C’est dans la pure tradition du système politique algérien, réfractaire à toute ouverture d’un débat général sur les questions qui engagent l’avenir de la nation, de confiner des discussions aussi importantes dans le cercle restreint de collaborateurs au lieu d’en informer les citoyens concernés en premier lieu et d’en solliciter leur appréciation. La manière dont sont conduites les affaires du pays, les réponses réservées à la grogne nationale, à travers la répression de toute revendication à relent politique, et la distribution à tout va de la rente, pour calmer la colère de toutes les franges de la société, sont autant de pièces à conviction sur la nature du pouvoir qui ne montre aucune disposition à s’amender. Il semble préférer irréversiblement l’opacité à la transparence, et le flou à la visibilité.

Cette situation qui perdure ne laisse en effet entrevoir aucune réponse sérieuse aux aspirations exprimées par les Algériens tant les responsables du pays ne s’estiment pas comptables devant l’opinion nationale. Le mystère et la clandestinité dont ils entourent les dernières tractations augurent plus d’une tentative de concocter un plan qui sauverait le système que d’une issue qui favoriserait un changement qui remettrait l’Algérie sur les rails d’une vraie ouverture démocratique. (El Watan-17.03.2011.) 

***En vu d’un changement en Algérie:

 Bouteflika ouvrira le dialogue à toute la classe politique

 Toute la classe politique algérienne sera invitée à un dialogue sous l’autorité du Président de la république M. Abdelaziz Bouteflika. Le dialogue sera ouvert à toutes les formations politiques, personnalités politique, nationales et historiques.

  Ce dialogue interviendra après que le chef de l’Etat ait achevé une série de contacts et de concertation avec des parties prenantes dans le gouvernement, le parlement et les partis de l’alliance présidentielle. Des personnalités politiques et historiques peuvent faire des propositions dans la perspective d’un changement serein dans notre pays.  Selon des sources concordantes, le président de la république pourrait se réunir avec la « famille politique du pays » lors d’un séminaire national qui aurait lieu au palais des nations au Club de Pins. Des présidents de partis politique, des personnalités nationales et historiques et autres acteurs de la scène politique nationale prendraient part à ce séminaire. Il serait question d’ouvrir un débat national sur des décisions qui viseraient à effectuer un changement. Certains observateurs, n’exclut pas la possibilité d’annoncer à l’issue de  ce séminaire d’une série de décisions décisives.    Parmi les autres alternatives, l’organisation de rencontres entre le président de la république et les responsables des partis politique mais aussi avec les personnalités nationale et historiques dans le cadre d’un débat et de concertation. Le but étant de sortir avec une série de décisions qui seront complétés étudiés avant qu’elles ne soient prises officiellement par le président de la république.  Parmi les priorités qui seront discutées lors de ce dialogue, l’amendement de la constitution, la possibilité de dissoudre le parlement, la préparation d’élections législatives anticipées, un profond remaniement ministériel qui ouvre le gouvernement à des personnalités « neutres » et des partis qui étaient jusqu’à maintenant loin des cercles de la décision.  Pour rappel, M. Abdelaziz Bouteflika a présidé une autre rencontre avec les plus hauts responsables de l’Etat au niveau de la présidence. Elle a eu lieu lundi, dans l’après-midi, et dans le plus grand secret, avons-nous appris de source bien informée. Y ont pris part le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, le président de l’Assemblée populaire nationale, Abdelaziz Ziari, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, le président du Conseil constitutionnel, Boualem Bessaïeh, ainsi que le ministre d’Etat, représentant personnel du président de la République, Abdelaziz Belkhadem. Ce sommet de la haute hiérarchie institutionnelle intervient après celui tenu dans les mêmes conditions entre les mêmes responsables, mercredi puis jeudi dernier.(Echorouk-17.03.2011.) 

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 *Benbitour: intérioriser la nécessité du changement dans le calme et la sérénité

 L’ancien chef du gouvernement, M. Ahmed Benbitour,  a estimé samedi à Alger que les élites doivent intérioriser la nécessité du changement dans le calme et la sérénité.  

  »Les missions pour les élites reconstituées, dans la voie du changement, sont clairement définies : intérioriser la nécessité du changement dans le calme et la sérénité (et) travailler à l’élaboration d’une force motrice et d’une vision », a-t-il dit lors d’une conférence organisée, au siège du quotidien Echourouk al-Yaoumi, par le Centre Amel el-Ouma d’études et de recherches stratégiques. 

Il s’agit également pour lui de travailler à l’établissement d’un consensus pour un « leadership assumé » et « repérer les personnalités d’appui qui apporteront  le soutien nécessaire à la mobilisation et repérer les réalisateurs du changements ». 

« Le défi de la mobilisation des élites est donc la sortie impérative de la situation actuelle où les élites et les universitaires quittent en masse le pays, se détournent de leur vocation première pour se lancer dans l’enrichissement par tous les moyens ou se désintéressent de la gestion de leur pays », a-t-il souligné dans son intervention intitulée « Les « raisons de l’absence de l’élite dans la conduite du changement espéré ».

Il a rappelé, à ce propos, que l’Algérie a vécu, durant plus de deux décennies, « plusieurs crises multidimensionnelles » qui n’ont pas favorisés,  a-t-il expliqué, l’émergence de nouvelles équipes « fortes capables d’apporter le changement ».

Pour M. Benbitour, cette situation a engendré une société qui « demeure  écartée des préoccupations du sommet et que ses problèmes n’étant guère pris  en considération ». La refondation du système de gouvernance est « la clé à la résolution des crises qui n’ont pas favorisé à l’émergence de nouvelles équipes fortes capables d’apporter le changement », a-t-il estimé. La priorité actuelle est d’aller, selon sa vision, au changement du système du pouvoir et à la refondation du système de gouvernance. 

Evoquant le rôle du mouvement associatif, il a relevé que la majorité  des organisations agrées de la société civile « servent les intérêts de groupes pour qui le statu quo est matériellement protecteur et rémunérateur », estimant  dans ce contexte que le rôle des élites est « primordial pour la réalisation du changement ».

El Watan avec APS-18.06.2011.

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*Opinion

**Où va l’Etat algérien ?

Le pouvoir en Algérie se caractérise par l’autoritarisme et le patrimonialisme. Le totalitarisme, c’est le refus de tout contre-pouvoir jusqu’au rejet du non-alignement. Vous n’avez de choix pour survivre que de proclamer avec beaucoup de zèle votre allégeance. Les instruments utilisés sont l’état d’urgence, le monopole des médias lourds (TV et radios) et tout un arsenal d’instruments répressifs, apparents ou déguisés, autour de la carotte et du bâtonLes prévisions proposées dans cette contribution ne relèvent d’aucun pessimisme, mais elles sont l’aboutissement d’une analyse basée sur des instruments scientifiques des plus fiables. L’Etat algérien obéit aujourd’hui à tous les critères de définition d’un Etat défaillant et il dérivera durant la décennie 2010-2020 vers un Etat déliquescent, c’est-à-dire un Etat qui aura perdu l’ensemble de ses attributions. La société algérienne a perdu sa morale collective et elle dérive durant la même période vers la dislocation de la nation. La violence sera alors le seul moyen de règlement des conflits. Seul un changement pacifique du système de gouvernance peut éviter au pays cette catastrophe prévisible avec le maximum de fiabilité, comme va le prouver la démonstration qui suit.

Aussi, ce travail s’adresse-t-il à tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie. Ils doivent se mobiliser pacifiquement pour la réalisation de ce changement à travers une transformation graduelle, générée par les citoyens et appuyée sur les compétences nationales. Ils doivent en faire désormais le premier sujet de leurs discussions. Il s’adresse aussi aux personnalités ayant une présence de caution notoire dans la société et disposant d’une respectabilité pour encourager et soutenir par la parole et par l’acte toute initiative d’implantation du changement. Retenons que les nouvelles technologies de l’informatique et des communications nous offrent des espaces de débat très efficaces. Voir à titre indicatif : www.cicc-dz.net.

Une manière pédagogique de comprendre le cheminement de cette dérive est d’étudier la nature du pouvoir et le mode de production et de redistribution de la richesse. Le pouvoir en Algérie se caractérise par l’autoritarisme et le patrimonialisme. Le totalitarisme, c’est le refus de tout contre-pouvoir jusqu’au rejet du non alignement. Vous n’avez de choix pour survivre que de proclamer avec beaucoup de zèle votre allégeance. Les instruments utilisés sont l’état d’urgence, le monopole des médias lourds (TV et radios) et tout un arsenal d’instruments répressifs apparents ou déguisés, autour de la carotte et du bâton. Le patrimonialisme, c’est la présence d’un chef entouré de cercles de courtisans qui se font la compétition par le zèle de l’allégeance afin de bénéficier des gratifications du chef. Alors que la société dans son ensemble est considérée comme arriérée, non apte à l’action politique, donc négligée.

La présence concomitante de l’autoritarisme et du patrimonialisme mène à la corruption du pouvoir, à savoir un pouvoir émietté où les différents clans détiennent une parcelle infime de pouvoir tout en croyant en détenir la totalité. Le mode de production de la richesse s’appuie sur les hydrocarbures, donc la rente. Les recettes de la rente sont distribuées à travers la prédation. La rente et la prédation mènent vers la corruption de l’argent. La corruption du pouvoir et la corruption de l’argent mènent vers la corruption généralisée de l’ensemble des institutions. Celle-ci mène vers un Etat défaillant. La défaillance de l’Etat se mesure par rapport à cinq critères. L’Etat de droit, à savoir que lorsque deux personnes se trouvent devant la justice, ce qui compte c’est le contenu de leurs dossiers respectifs sans ingérences externes.

La capacité régalienne de l’administration, à savoir la capacité de l’administration à faire respecter la loi et à protéger les biens et les personnes. La capacité du gouvernement à réguler l’économie. La légitimité des institutions, qu’il s’agisse d’institutions élues (Parlement, Assemblées populaires) ou d’institutions constitutionnelles (Conseil constitutionnel). La place accordée à la classe moyenne et aux compétences nationales en tant que colonne vertébrale de l’Etat. Les caractéristiques de l’Etat algérien répondent négativement à chacun de ces cinq critères. Nous sommes donc en face d’un Etat défaillant. Lorsque la population n’a d’autres moyens d’exprimer son mécontentement que par la violence, l’Etat défaillant dérive vers l’Etat déliquescent.

D’autant plus, certainement qu’il y a perte de morale collective dans la société et absence de capacité régalienne de l’administration. Le sentier de la déliquescence de l’Etat est prévisible et même visible. Il suit celui de l’amenuisement de la rente et l’augmentation de l’appétit des prédateurs. L’amenuisement de la rente est inscrit dans la politique aventureuse d’exploitation des hydrocarbures. En effet, nous enregistrons une exploitation irresponsable de nos ressources non renouvelables. J’avais déjà signalé dans des occasions précédentes que l’économie algérienne se spécialisait dans la transformation d’une réserve non renouvelable (les hydrocarbures) en une réserve volatile (les devises déposées à l’étranger).

Comme le confirment les publications officielles des autorités compétentes : sur 59,61 milliards de dollars, de recettes d’exportation des hydrocarbures en 2007 ; 28,27 milliards de dollars sont allés gonfler un niveau de réserves en devises déjà très élevé. Autrement dit, 47,42% des exportations ont été réalisées, sans aucun intérêt pour l’Algérie et au détriment des générations futures. D’où la surexploitation des gisements et le chemin de l’amenuisement. En 2008, les chiffres étaient respectivement 77,19 milliards de dollars et 36,53 milliards de dollars, soit 47,32%. Il est aisé de le constater ; il y a là, une politique volontariste de surexploitation des réserves d’hydrocarbures au détriment des générations futures !

Le chemin de l’augmentation de l’appétit des prédateurs suit celui de la corruption. Celle-ci commence par la petite corruption au niveau des petits fonctionnaires et des bureaucrates à la recherche de pots-de-vin pour arrondir leurs fins de mois. Elle évolue vers la grande corruption marquée par les scandales financiers lors des passations de contrats de réalisation de projets d’infrastructures, de l’achat d’équipements collectifs et de prêts bancaires. C’est alors l’avènement de nouveaux riches. Ces derniers voudront manipuler le système politique afin de déterminer de nouvelles règles à leurs avantages. Le pouvoir devient le chemin le plus sûr et le plus rapide à l’enrichissement.

D’où l’apparition de la corruption de type accaparement de l’Etat. Les groupes qui dominent le pouvoir se nourrissent de la prédation sous forme d’accumulation de devises à travers les programmes d’importation et d’accumulation de dinars à travers les dépenses d’équipements du budget de l’Etat ainsi que les prêts bancaires. Ce sont donc, ceux qui profitent de la corruption du pouvoir (autoritarisme et patrimonialisme) et ceux qui profitent de la corruption de l’argent (rente et prédation). D’où le chemin vers la déliquescence de l’Etat. La dérive est lente parce que l’Etat défaillant se maintient par la rente et la prédation. Mais la rente se rétrécira lorsqu’il ne sera plus possible d’exporter assez de pétrole et de gaz pour la nourrir. Ce sera le moment du pic de production de pétrole et de gaz que je situerai entre 2020-2025. Alors la baisse de production d’un côté et l’augmentation de la demande interne de l’autre réduiront sensiblement les capacités d’exportation, ce qui ouvrira la voie aux dérapages les plus imprévisibles et la déliquescence de l’Etat ainsi que la dislocation de la nation.

Bien entendu, la période 2020-2025 est l’horizon fatal pour la déliquescence de l’Etat via la rente, mais d’autres facteurs tels que la montée de la violence, l’absence de moralité collective, ou la corruption qui détruit les institutions et gangrène la société peuvent en accélérer l’avènement ! Surtout qu’un tel régime a besoin de succès fabuleux pour contrôler l’allégeance. Quand la situation devient insupportable, quand le sentiment d’injustice domine, l’expérience montre qu’il suffit d’incidents mineurs pour provoquer des embrasements majeurs. Ce qui prime, aujourd’hui, c’est une prise de conscience collective de la menace sur l’avenir de l’Etat et de la nation.Chaque citoyen doit intérioriser très fortement, l’urgence et l’absolue nécessité du changement du système de gouvernance dans le calme et la sérénité. Il y a urgence parce qu’il faut un moral très fort et beaucoup de ressources pour défier la dominance de l’argent. A la tentation du pessimisme opposons la nécessité de l’optimisme ! (El Watan-14.04.2010.)

Par Le docteur Ahmed Benbitour

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*Le sociologue Nacer Djabi :

 Tous les partis politiques algériens sont dans une situation de crise...

On est encore loin du changement démocratique

 Depuis 1962, le jeu politique s’exerce en dehors de l’hémicycle de l’Assemblée populaire nationale.


L’Expression: Trois mois après les élections législatives du 10 mai dernier, l’Algérie n’a toujours pas de gouvernement. Quelle est votre analyse sur la situation?
Nacer Djabi: Les élections n’influent pas beaucoup sur la vie politique en Algérie. Ce sont toujours les partis FLN et RND et des petits partis qui siègent au gouvernement. Les élections législatives sont en quelque sorte des primaires pour la présidentielle de 2014. C’est toujours le président de la République qui désigne le gouvernement et les ministres, quels que soient les résultats des élections. D’autre part, l’enjeu principal de la classe politique c’est l’échéance présidentielle. Donc, c’est tout à fait normal qu’il y ait ce retard de changement de gouvernement. Il faut attendre peut-être, le mois de septembre ou octobre pour voir un nouveau gouvernement. Il y a aussi la question de la Constitution qui sera abordée. Tout cela est lié à la présidentielle de 2014.

La classe politique a connu des crises internes sans précédent. Qu’en pensez-vous?
Tous les partis politiques algériens sont dans une situation de crise pour plusieurs raisons. FLN, RND, MSP, FFS, FNA, RCD, El Islah, Ennahda, tous les partis sont concernés.
A mon sens, il y a deux causes principales à l’origine des crises internes qui agitent ces partis politiques.
Premièrement, la gestion antidémocratique à l’intérieur même des partis. Il y a aussi, les pseudo-partis sous forme d’associations qui n’accomplissent pas leurs tâches.
Quand un parti détient la majorité, en principe c’est ce parti qui forme le gouvernement. Quant au parti qui échoue, normalement, il rejoint l’opposition.
Malheureusement, ce n’est pas le cas en Algérie. Un parti peut échouer aux élections, mais faire partie du gouvernement. Comme il est possible aussi d’échouer, mais sans pour autant rejoindre l’opposition.
L’autre facteur est lié à l’organisation politique. Après 25 ans de multipartisme, le régime en place ne reconnaît toujours pas les partis, comme acteurs et institutions de gestion de la vie politique.

Qu’en est-il de la nouvelle Assemblée populaire nationale (APN), par rapport à la précédente?
De 1962 à nos jours, à l’exception de quelques périodes très courtes, c’est toujours la même situation qui revient. Il n’y a pas eu d’ordre décisif du législateur de l’Assemblée (APN). C’est une chambre d’enregistrement, c’est beaucoup plus une institution qui permet de régler des problèmes personnels et accaparer des postes et des privilèges.
Je ne crois pas qu’il y aura un changement par rapport aux précédentes assemblées. Je dirais même que vu la composante actuelle, elle risque d’être pire que les précédentes.

La priorité de la nouvelle législature est la mise en place d’une nouvelle Constitution. Qu’en est-il des grands axes qui devront, selon vous, y être introduits afin de garantir une vie politique saine?
La première des choses à prendre en considération, c’est l’esprit du respect de la Constitution. Car, le fond du problème, c’est que toutes les Constitutions précédentes n’ont pas été respectées, à commencer par ceux qui les ont mises en place Deuxièmement, il faut un dialogue, une concertation et un consensus national autour de la Constitution. Une Constitution qui résulte d’un dialogue national sain et serein et non imposé. Toutes les forces politiques et la société civile doivent y participer. Tout le monde doit exprimer son point de vue, à travers critiques, analyses et propositions.
Une fois que tout le monde est convaincu de l’importance de cette Constitution, issue d’un large consensus, il faudra inculquer l’esprit de son respect et de son application. Il faut savoir que dans toutes les constitutions des pays démocratiques dans le monde, on y trouve des résolutions tranchées. Reste l’équilibre des pouvoirs et responsabilités, ce sont des questions techniques que l’on aborde de manière claire et précise. En tout, délimiter les prérogatives.
Il faut dire que les deux Constitutions de 1989 et de 1996 ne sont pas moins bonnes, mais elles n’ont pas été respectées à leur juste valeur.

Beaucoup d’encre a coulé autour du choix du régime. Régime présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire, faut-il adapter l’Algérie à la Constitution ou la Constitution à la réalité algérienne?
Avant tout choix de régime, on doit définir et expliquer ce que veut dire tel ou tel régime. Ceci dit, l’histoire des institutions et de l’Etat algérien a démontré que nous n’avons pas encore des partis forts qui permettent l’apparition d’un régime parlementaire puissant au sens noble et large du terme.
Les parlements que nous avons jusqu’à présent n’ont pas de pouvoir. Il faut un changement interne dans ces partis et laisser place à une autre élite capable d’assumer ses responsabilités.
Il faut donner d’autre part, une nouvelle impulsion au Parlement qui peut faire valoir son vote dans les deux sens. Il est clair que le chef du gouvernement a besoin de plus de prérogatives pour faire avancer son programme.
Il est clair aussi qu’il faut réduire les prérogatives du président. Il faut penser à un équilibre des forces entre les pouvoirs: gouvernement, Président et Parlement. Car, le plus important, c’est le respect de la loi non pas dans le texte mais dans son âme constitutionnelle.

Le choix du régime parlementaire est aussi la revendication des islamistes. N’y a-t-il pas risque en la demeure, d’autant plus que l’Algérie est entourée de pouvoirs islamistes au Maroc, en Tunisie, en Libye et en Egypte?
La mouvance islamiste est une chose et l’organisation parlementaire en est une autre. L’organisation parlementaire demande des partis politiques puissants et une vie politique assez forte. La vie parlementaire demande un dialogue politique riche et constructif assez fort. Elle exige aussi la stabilité politique. Tous ces facteurs sont encore absents et il faut beaucoup de temps pour arriver à ce stade. Si l’on prend à titre d’exemple l’expérience de la Grande- Bretagne ou de la France, ce choix a pris beaucoup d’années.
Quant aux partis islamistes, je ne comprends pas pourquoi ils revendiquent le régime parlementaire, alors qu’ils n’arrivent même pas à s’organiser dans la vie normale dans leurs propres partis. Ils ne peuvent pas organiser des élections internes dans leurs mouvements, ils n’arrivent pas à organiser des colloques, ils n’arrivent pas à produire une élite politique digne de ce nom.
Ce sont des indices très clairs, alors comment se prononcent-ils pour tel ou tel choix de régime, alors qu’ils n’ont même pas un parti politique crédible en adéquation avec la réalité algérienne.  L’image du parlementaire algérien est très faible. Il faut une formation politique pour faire valoir le travail parlementaire au sens propre et noble du terme. (L’Expression-12.08.2012.)

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**Un journaliste algérien dans l’Hexagone

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Le sulfureux journaliste et écrivain algérien, Mohamed Sifaoui, exilé en France depuis une dizaine d’années, s’attaque frontalement au chef de l’Etat dans son dernier pamphlet Bouteflika : le roitelet, le mégalomane, le chef de clan, l’intrigant, paru fin mai aux éditions françaises Encre d’Orient. Entretien choc !

- Pourquoi avoir choisi cette période précise (contexte de succession, de réformes…) pour publier cet ouvrage ?

J’ai expliqué en introduction de Bouteflika, ses parrains et ses larbins, que la décision d’écrire ce livre a été prise au début de l’année 2009 après que Abdelaziz Bouteflika, au lieu de respecter la Constitution, a préféré la violer et s’installer dans une présidence à vie avec l’aval du DRS (qui en doute ?) et de la majorité des généraux. La décision de le publier durant «cette période précise» a été motivée par plusieurs facteurs. Premièrement : au regard des éléments que j’ai pu recueillir durant ces deux dernières années d’enquête, j’ai décidé de publier, entre mai 2011 et septembre 2012, quatre ouvrages traitant de l’Algérie. J’ai commencé par un pamphlet afin qu’on comprenne quelle est la position du citoyen algérien que je suis, devant la corruption endémique, la gabegie et la mauvaise gouvernance qui règnent en Algérie. Deuxièmement, s’agissant de la «succession», j’ai compris que les frères Bouteflika (Saïd et Abdelaziz) avaient cru, ne serait-ce qu’un instant, que l’Etat algérien pouvait se transformer en makhzen ou en monarchie puisqu’on poussa l’outrecuidance jusqu’à sonder sournoisement l’opinion sur une éventuelle succession qui permettrait au frère du locataire d’El Mouradia d’être monarque à la place du monarque. Cette culture d’Iznogoud est, à mes yeux, inacceptable et, de ce point de vue, Saïd Bouteflika devrait juste cesser de rêver. Troisièmement, il est évident que même si les Algériens ne se révoltent pas, pour l’instant, ils aspirent au changement et à la démocratisation effective du pays. Je voulais, fort modestement, être le porte-voix de tous ceux qui n’arrivent pas à faire entendre cette revendication.    

- Avez-vous tenté de publier ce livre en Algérie ?

Le jour où je saurais que le pouvoir algérien use de moyens légaux pour demander réparation – en cas de diffamation par exemple – j’envisagerais de publier mes critiques en Algérie. Quand je sais que certains représentants du pouvoir sont venus me voir à Paris, usant parfois de chantage ou de pression, pour me dissuader de publier ce livre, je me dis qu’est-ce que cela aurait pu être si un éditeur algérien avait accepté de le publier ? Je sais qu’il existe plusieurs éditeurs sérieux et honnêtes, mais je n’ignore guère qu’ils subissent tous des pressions quand il s’agit de publier des livres polémiques mettant en cause le Président ou le système, voire l’armée. Je crois que ces dirigeants n’ont pas encore compris qu’en termes d’information et de communication, ils sont au Moyen-Âge. Voyez un exemple : le distributeur français attend depuis deux semaines l’autorisation pour rendre le livre disponible en Algérie. Je pense que l’année prochaine, il attendra toujours cette même autorisation. Qu’à cela ne tienne ! J’ai décidé de permettre aux Algériens d’accéder à cet ouvrage via internet, puisque je suis en train de le faire traduire en arabe et, d’ici la rentrée de septembre, ce livre sera proposé gracieusement, dans ses versions arabe et française, à tous les lecteurs algériens, entre autres, qui souhaiteraient le télécharger via le Net.  

- En 1999, vous faisiez partie du staff de la campagne électorale du candidat Bouteflika. Pourquoi un tel revirement ?

Staff de campagne ? Votre affirmation est plus qu’exagérée. Je vais être clair et franc : en tant que citoyen, lorsqu’à la fin de l’année 1998, j’ai appris que Abdelaziz Bouteflika allait probablement devenir chef de l’Etat, j’avais applaudi. J’ai eu la naïveté de croire que l’ancien ministre des Affaires étrangères était celui qui allait redonner espoir au peuple après dix années de turbulences et de terrorisme islamiste. J’ai très vite déchanté. A l’époque, j’étais correspondant en Algérie d’un hebdomadaire français qui m’avait chargé de suivre de très près toute la campagne présidentielle. J’ai utilisé les liens personnels que j’avais avec un homme politique qui soutenait Bouteflika pour me retrouver aux premières loges durant les différents périples du «candidat». C’est la raison pour laquelle, par la suite, une rumeur a fait état de ma participation au sein du staff de campagne. Entre décembre 1998 et avril 1999, j’ai serré la main une seule fois à Bouteflika (c’était après un meeting à Batna), j’en ai fait autant avec Saïd Bouteflika que j’avais eu l’occasion de croiser lorsqu’il était simple syndicaliste à l’université, j’ai échangé une seule fois avec Ali Benflis (au siège de campagne) et je crois que ce sont les seuls contacts que j’ai eus avec le véritable staff de campagne. Votre question, j’en suis convaincu, est probablement due à une désinformation qu’on a fait circuler sur moi comme on avait d’ailleurs dit que j’aurais été un homme à Toufik, patron du DRS, alors que je ne sais même pas comment il est fait physiquement. En Algérie, malheureusement, on a tendance à croire que lorsqu’un journaliste serre la main à un responsable civil ou militaire, il lui appartient de fait. J’ai eu énormément de contacts avec des militaires, des officiers du DRS, des acteurs de la vie politique, mais je n’ai jamais vendu mon indépendance d’esprit à qui que ce soit : tout ce que j’ai pu écrire, toutes les positions que j’ai eu à défendre étaient et sont toujours les miennes même si, d’aventure, elles peuvent, dans tel ou tel contexte, convenir à tel ou tel responsable et/ou institution ou alors à tel ou tel clan. Enfin, si j’avais été membre du staff de campagne, j’aurais soutenu les vues réconciliatrices de Bouteflika. Or, pour avoir critiqué justement l’impunité qu’il allait offrir aux tueurs islamistes, ses proches m’ont fait subir un véritable harcèlement. Un mois après la cooptation de Bouteflika à la tête de l’Etat, je fus convoqué par un colonel du DRS que les médias algériens connaissent puisqu’il s’agit du fameux colonel Zoubir qui gérait, à l’époque, la communication. Ce dernier me fit savoir, dès le mois de mai 1999, que je devais cesser de critiquer le projet de «concorde civile». Devant mon refus d’obtempérer, il commença à torpiller mon travail auprès du journal français pour lequel je travaillais en usant de méthodes sournoises et il me fit convoquer par la police à plusieurs reprises. Dès le mois de septembre 1999, je fus convoqué par un juge d’instruction, M. Zerouala, qui s’occupait des «délits de presse». Ce dernier m’auditionna à deux reprises pour deux articles, le premier paru en 1996 et qui était très critique contre Ahmed Ben Bella, et le second paru en 1999 qui fustigeait les négociations avec l’AIS. Lors de la seconde audition, j’appris de la bouche du juge d’instruction que j’allais être condamné à une année de prison ferme. Quarante-huit heures plus tard, n’ayant aucune confiance dans la justice algérienne ni dans le régime que commençait à consolider Bouteflika, je pris la décision de m’exiler. Et depuis octobre 1999, je n’ai plus remis les pieds en Algérie. Entre nous : pensez-vous que c’est là le parcours d’une personne qui a fait partie du «staff de campagne» de Bouteflika ? Vous savez comme moi et comme tous les Algériens que tous ceux qui se sont vraiment compromis politiquement avec Bouteflika ont un pied à Paris et un pied à Alger. Moi, j’ai les deux pieds à Paris, je ne peux pas remettre les pieds en Algérie et j’estime faire partie de ceux, très nombreux, qu’on a poussés volontairement vers l’exil en érigeant l’injustice comme mode de gouvernance, l’autoritarisme comme dogme officiel de l’Etat, la corruption comme vertu première et l’intrigue comme sport national.           

- Votre ouvrage ne recèle pas vraiment de «scoops» ou d’analyses pertinentes sur l’ensemble du fonctionnement du système et de sa complexité. Est-ce un choix délibéré de se concentrer uniquement sur des anecdotes connues de la rue et des bons salons d’Alger ? Car on pense tout de suite à une variante de l’ouvrage de Mohamed Benchicou, Bouteflika : une imposture algérienne…

Quand vous apprenez à travers mon livre que le second personnage de l’Etat, Abdelkader Bensalah, ne peut pas, sauf à violer la Constitution, assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir en raison de ses origines marocaines (selon le livre de Sifaoui, le président du Sénat n’aurait été naturalisé qu’en 1965, à l’âge de 24 ans)…  N’est-ce pas là une révélation intéressante qui aurait mérité un vrai débat, sinon une clarification de la part du président du Conseil constitutionnel ? Quand vous apprenez que la Sécurité militaire, au temps de Mohamed Betchine, avait effectué une «perquisition clandestine» dans le domicile qu’occupait Bouteflika dans une ville européenne et qu’on découvrit que celui qui dirige aujourd’hui l’Algérie «roulait» pour des puissances arabes contre les intérêts de son propre pays. N’est-ce pas là une révélation, pour le moins troublante ? Lorsque vous lisez que «l’épouse cachée» du Président est prise en charge par l’ambassade d’Algérie en France, ne pensez-vous pas qu’il y a là une information que les Algériens ont le droit de connaître ? Mais aussi quand vous lisez, dans un livre, que l’ancien consul général en France, Meziane Chérif, nommé par la présidence de la République, profite des prestations sociales (près de 600 euros par mois) de l’administration française alors que son salaire est de l’ordre de 13 000 euros par mois, pensez-vous qu’une telle information est anecdotique ? Pour moi, les informations et révélations contenues dans mon livre sont graves et loin de relever du domaine de l’anecdote. Mais je vous le précise : si ces révélations ne vous suffisent pas, je vous promets qu’il y en aura d’autres beaucoup plus graves qui seront révélées dans l’ouvrage à paraître avant la fin de l’année. Vous en saurez plus sur des gens comme Chérif Rahmani (ministre de l’Aménagement), SmaïlMimoune (ministre du Tourisme), Ahmed Ouyahia (chef du gouvernement), le général Abdelkader Kherfi (DRS), le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, pour ne citer qu’eux. Le prochain livre est une enquête pure, sans état d’âme, dans laquelle il y aura en annexes une série de documents. Enfin, vous citiez le pamphlet de Mohamed Benchicou paru en 2004. Je ne me situe ni en concurrence ni en opposition avec ce livre. J’ai tenu d’ailleurs à rendre hommage à cet ami qui a subi l’arbitraire pour avoir osé simplement exprimer, à sa manière, sa propre opinion. C’est dire que mon pamphlet se veut complémentaire aux différents ouvrages produits par Benchicou. C’est juste une voix en plus.

- Votre travail donne la part belle aux services secrets et à leur directeur, le général de corps d’armée Mohamed Mediène. N’y a-t-il pas là un flagrant parti pris ?

Permettez-moi de vous le dire un peu brutalement, mais très sincèrement : vous vous trompez lourdement. D’abord, je cite de manière très défavorable au moins deux hauts responsables du DRS : les généraux Kherfi et Tartag. Et beaucoup d’Algériens savent que ce ne sont pas là des noms de quelques lampistes. S’agissant du général de corps d’armée Mohamed Mediène, je l’ai clairement, à tout le moins, désigné comme coresponsable de la situation politique actuelle. Où l’ai-je dédouané ? Dans les affaires de corruption. Et là, je dis les choses clairement en les assumant publiquement, si Mohamed Mediène est aussi propre qu’il a été décrit, y compris par plusieurs de ses détracteurs, il faut lui rendre hommage, car, dans ce climat de corruption quasi généralisé, il ferait partie, toujours selon les témoignages très crédibles que j’ai recueillis, des cadres les plus honnêtes de la nation. L’année dernière, j’ai rencontré discrètement, dans une capitale européenne, un général à la retraite. C’est l’un des plus grands adversaires de Mohamed Mediène. Nous avons discuté pendant deux heures. Cet homme n’a cessé de critiquer les choix du patron du DRS tant et si bien que je me suis dit, voilà un qui va tout me dévoiler sur ce fameux général Toufik. Je lui ai donc posé la question sans ambages : qu’en est-il des affaires ? L’homme me répondit en me regardant dans les yeux : «Ecoute, je peux tout reprocher à Toufik, mais pas ça ! Il a plusieurs défauts et probablement deux qualités. Il est honnête et patriote.» Je sais que vous m’auriez critiqué – et vous auriez raison de le faire – si, pour jeter un vrai pavé dans la mare, j’aurais inventé des «affaires» pour fustiger le patron du DRS : ça aurait fait «chic» auprès de plusieurs opposants, voire auprès de quelques chapelles françaises. Mais ce n’est ni mon éthique ni ma façon de travailler.  Evidemment, je peux me tromper sur la personnalité de Mohamed Mediène et il est possible, nous ne sommes jamais à l’abri, qu’on m’ait menti à son propos. N’empêche, je lance un appel à travers vos colonnes : si des patriotes intègres disposent d’éléments probants mettant en cause Mohamed Mediène (ou d’autres généraux) dans des affaires de corruption et si aucun média ne peut ou ne veut les publier, je m’engage à le faire, y compris à travers les médias les plus puissants.

- Vous racontez la tentative d’intimidation de Mohamed Megueddem, ancien chargé de l’information à la Présidence sous Chadli : avez-vous reçu d’autres menaces depuis la sortie du livre ?

Dès que Mohamed Megueddem, «chargé de mission» à la Présidence depuis 2004, a su que j’allais publier un livre sur le Président dans lequel je devais le citer, il a cherché à me voir. Nous nous sommes rencontrés à quatre reprises. Pour être très précis les 25, 26 et 27 mars 2011 ainsi que le 2 mai dernier. Ce monsieur a essayé d’abord de m’intimider, ensuite de me corrompre. Nous parlions du général Mohamed Mediène. Justement, il s’était réclamé de son amitié et a parlé en son nom pour essayer de me faire peur. Il se trouve – et je le dis très modestement – que je fais partie de cette catégorie d’Algériens qui n’ont pas peur des hommes. Je peux respecter un responsable de mon pays, mais je n’aurai jamais peur de lui, quand bien même il aurait une grande capacité de nuisance et une volonté de nuire. C’est dire que Megueddem me connaissait très mal… Depuis la sortie de mon livre, plusieurs témoignages très sérieux m’ont fait part de ses gesticulations et de ses menaces. Connaissant maintenant le personnage et ses méthodes, je le crois capable d’essayer de me nuire d’une manière ou d’une autre. J’ai donc pris mes précautions. J’ai déjà fait une main courante et j’ai chargé mes avocats de formaliser une plainte, en France, auprès du procureur de la République. Je leur ai remis les enregistrements audio et vidéo réalisés clandestinement avec Megueddem. Des témoins qui connaissent Megueddem et des personnes qui l’ont entendu proférer de graves menaces contre moi m’ont fait savoir qu’ils sont tout à fait disposés à répondre aux convocations de la police et de la justice en France ou en Algérie. D’ailleurs, je m’étonne comment un «chargé de mission» à la Présidence puisse disposer d’une carte de résidence en France. Je compte également, dans un second temps, le poursuivre devant les tribunaux algériens, ne serait-ce pour la forme, même si je n’ai aucune confiance dans l’indépendance de l’institution judiciaire. Libre à ceux qui soutiennent ce «chargé de mission» d’assumer ses graves errements.   

- A vos yeux, le problème politique algérien peut-il se résumer à la seule personne du président Bouteflika ?

Absolument pas ! Bouteflika, comme je l’appelle, est le président du conseil d’administration d’une société qui part en faillite. Faillite morale, politique, économique, culturelle, sportive, bref. Comme Bouteflika ne veut pas être un «trois quarts de président» et comme il est un adepte du pouvoir absolu et de la présidentialisation du régime, il n’a qu’à assumer toutes ses responsabilités. Il est de cette race de dirigeants pétris de certitudes. Il n’a aucune légitimité démocratique, mais le pouvoir doit lui revenir de plein droit, il n’a pas réussi à proposer aux Algériens un projet de société cohérent, mais il refuse de reconnaître ses échecs, il a dilapidé tous les acquis, démantelé scrupuleusement l’Etat, favorisé le régionalisme, fait de l’Algérie un pays xénophobe et intolérant, etc. S’il n’est pas le seul responsable, qu’il nous désigne alors ses complices. Bouteflika veut quitter le pouvoir en même temps que la vie parce que depuis sa tendre jeunesse, il a lié son destin personnel au pouvoir. Bouteflika veut des funérailles nationales ! Qu’on lui promette ses funérailles nationales, mais de grâce qu’il parte afin qu’on passe de la non légitimité à la légitimité démocratique à l’issue d’une nécessaire période de transition. Que mon propos ne soit pas mal compris : je souhaite vraiment que Bouteflika vive encore 50 ans, mais loin de la présidence de la République !

De grâce il y va de l’avenir de l’Algérie et des Algériens. Je souhaite de tout mon cœur voir le changement s’opérer sans heurt ni chaos. Or, l’attitude de Bouteflika est dangereuse, car il semble accorder beaucoup d’attention à son propre destin qu’à celui de l’Algérie et des Algériens. Je suis très sincère quand je dis : j’espère voir les responsables de mon pays partir dignement que de les voir quémander demain un asile à l’Arabie Saoudite. Qu’il prenne exemple sur Liamine Zeroual. Qu’on soit d’accord ou pas avec la politique menée par cet ancien chef d’Etat, il s’est révélé finalement comme un homme de principes possédant une grande dignité.   

- L’un de vos chevaux de bataille en France est la «menace islamiste» : est-ce que la marginalisation des islamistes durant les récentes révolutions arabes n’altère pas votre credo ?

Je me suis spécialisé dans les mouvements islamistes en consacrant plusieurs années de ma carrière à ce sujet. Quoi qu’on puisse en dire, la menace est toujours réelle, même si son intensité a baissé. Le mouvement islamiste a toujours su, tel un caméléon, s’accommoder des conjonctures, y compris celles qui lui étaient en apparence défavorables. Je suis en train de suivre de très près les manœuvres du mouvement tunisien Ennahda de Rashed Ghanouchi. A terme, je pense que les islamistes dits « modérés », c’est-à-dire ceux liés aux Frères musulmans, prendront le pouvoir dans certains pays arabes, il faudra donc suivre ce qui se passera dès lors que cet événement, tout à fait possible, se réalisera. Par ailleurs, je suis très inquiet de la situation en Libye, mais également au Yémen. Bref, croire que les islamistes lâcheront prise facilement parce qu’il y a actuellement une revendication démocratique, serait à mon sens une erreur de jugement. Le rempart contre l’Islam politique est la mise sur pied d’un projet de société moderniste, démocratique, progressiste, ouvert et tolérant qui permette l’émergence, dans le cas de l’Algérie, d’une société musulmane attachée à sa culture et à sa religion, mais par ailleurs non prisonnière des dogmes moyenâgeux et des pratiques obscurantistes. Les islamistes, y compris prétendument modérés, construisent des sociétés en diffusant la haine de l’autre, alors qu’une société moderne se construit à travers l’affirmation de soi et en utilisant ses propres tréfonds culturels et non pas en important des modèles égyptiens, saoudiens, etc. Je crains, s’agissant de l’Algérie, qu’on veuille offrir le pays à des derviches tourneurs, type Belkhadem, Soltani, Mezrag ou Djaballah. C’est dire que le sujet continue de m’interpeller et rien n’indique que cette question est derrière nous.  

- Franchement, d’après votre expérience en France, un journaliste algérien pourrait-il survivre dans l’Hexagone sans «se spécialiser» dans l’islamisme, le benladisme, l’antisémitisme ou la critique automatique du régime de son pays d’origine ? 

Franchement oui ! Je vais vous parler de mon expérience personnelle. Rien ne m’a empêché de m’exprimer défavorablement, en 2007, au sujet de l’élection de Nicolas Sarkozy. Etant également membre du bureau national de SOS Racisme, rien ne m’a empêché d’intenter, en mon nom personnel et auprès de mon association, une action en justice contre Jean-Marie Le Pen, lorsque cet ancien tortionnaire a voulu salir le drapeau algérien en l’utilisant dans une affiche de campagne. Aucun éditeur ne m’a censuré lorsque j’ai voulu écrire un pamphlet contre le polémiste xénophobe Eric Zemmour. Rien ne m’a empêché récemment encore de m’exprimer sur l’affaire Dominique Strauss Kahn. Et enfin rien ni personne ne m’ont empêché de critiquer le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lorsqu’il y a eu l’année dernière l’affaire de la flottille pour la paix. C’est dire que cette idée, qui sous-tend qu’un Algérien qui vit en France est systématiquement instrumentalisé contre sa religion ou contre son pays, relève ni plus ni moins de la désinformation. Disons les choses clairement : sous le règne de la médiocrité, beaucoup d’Algériens, surtout ceux proches du système, n’aiment pas voir leurs compatriotes réussir à l’étranger. Beaucoup de gens du système développent ce que les psychanalystes appellent un sentiment de «haine de soi». Ils s’obligent par conséquent à laisser croire que si un tel ou tel autre passe à la télévision française, c’est qu’il serait lié à des «forces obscures» décrites comme soit «hostiles aux musulmans», soit «hostiles à l’Algérie». En ce qui me concerne, les choses sont claires : tous les milieux d’extrême droite et tous ceux qui sont hostiles au musulmans ou aux Algériens se sentent en guerre contre moi, car je n’ai eu de cesse de les dénoncer et de les combattre publiquement.

Pour être encore beaucoup plus complet, ce livre est le produit d’une décision strictement personnelle et ses motivations sont claires : caresser le souhait de voir notre pays sortir du règne de la médiocrité et entrer de plain-pied dans la démocratie. (El Watan-17.06.2011.)

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Le phénomène Mohamed Sifaoui :

Ce journaliste de 44 ans, natif de Kouba, à Alger, ne laisse personne indifférent. «Exilé» en France depuis 1999 avec statut de réfugié politique, Mohamed Sifaoui enchaîne les enquêtes sur les milieux islamistes et déclenche pas mal de polémiques : serait-il un imposteur, un enquêteur hors norme, un opportuniste qui a su profiter de la mode de la «menace intégriste» ? Il réalise plusieurs enquêtes pour les chaînes françaises, dont la plus connue (et controversée) reste «Mes frères assassins», reportage sur une infiltration de «milieux islamistes» en France.

Pour certains milieux à Paris ou à Alger, Sifaoui serait proche des services algériens, ou au contraire, un journaliste courageux et indépendant. Son activisme tous azimuts contre les islamistes, les xénophobes et certains centres de décision algériens, sa furieuse médiatisation, ses prises de position incendiaires font de lui un phénomène médiatico-politique qui marque le paysage journalistique français depuis ses déboires avec «l’affaire» Souaïdia (auteur de La sale guerre chez La Découverte), son témoignage au profit du général Khaled Nezzar lors du procès parisien de 2002 jusqu’à la parution de ce dernier pamphlet à charge, dont il promet des suites fracassantes. Affaire à suivre.

Ouvrages

- La Francemalade de l’islamisme, Cherche Midi, 2002.

- Mes frères assassins, Cherche Midi, 2003.

- Sur les traces de Ben Laden, Cherche Midi, 2003.

- Lettre aux islamistes de France et de Navarre, Cherche Midi. 2004.

- Combattre le terrorisme islamiste, Grasset, 2006.

- Ben Laden dévoilé, 12 Bis, 2009. (Album BD).

- Pourquoi l’islamisme séduit-il ? Armand Colin, 2010.

- Ahmadinejad atomisé, 12 Bis, 2010. (Album BD).

- Eric Zemmour, une supercherie française,Armand Colin, 2010.

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  **Un  grand cabaret national

Lors de son passage, devenu coutumier, à l’émission «Hiwar Essaâ », mercredi soir, Ahmed Ouyahia pond – sans réserve aucune – cette surprenante phrase : «L’Algérie, permettez-moi l’expression, est devenue un grand cabaret national.» Populiste ? Peut-être un peu trop. Entre la rhétorique et la pensée politique, désormais les frontières sont ténues. «Les Algériens sont méfiants entre eux, deux voisins qui habitaient dans des F2, l’un y reste, l’autre acquiert en trois ans une villa R+4 !», lance le Premier ministrre.

En d’autres termes, il fait allusion à la corruption qui gangrène la société. Bien évidemment, Ouyahia n’apporte pas de réponse et ne propose pas la voie à suivre pour combattre la richesse mal acquise. La phraséologie du Premier ministre renseigne sur le langage de nos responsables et la décadence qui règne au sein du gouvernent. Une question s’impose : qui est le gérant du «grand cabaret national» ?  (El Watan-17.06.2011.)

** soumission du gouvernement face aux patrons parasites

 qui monopolisent le marché et dictent leur loi 

Le groupe parlementaire du PT a dénoncé, hier, les patrons parasites qui se sucrent sur le dos des citoyens. Dans un communiqué transmis à la rédaction de l’Expression, ce groupe parlementaire considère que ces patrons «vivent tels des parasites sur le dos de la collectivité nationale, en bénéficiant d´exonérations, abattements fiscaux et parafiscaux ainsi que la suppression des taxes douanières et la TVA pour l´huile et le sucre». Il a exprimé «son désaccord devant la soumission du gouvernement face aux revendications des patrons».
Comme la politique se bâtit sur l´économie, un patron ou un ensemble de patrons peuvent, s´ils monopolisent le marché, dicter leur loi et imposer leur vision, à force de spéculer et, provoquer l´irréparable.
Faut-il rappeler dans ce contexte que la dernière augmentation des prix de l´huile et du sucre a failli mettre le pays à feu et à sang au début du mois de janvier dernier. Et ces patrons, forts de leurs pouvoirs occultes, font plier même le gouvernement à travers leurs revendications, en demandant, à titre d´exemple, des exonérations fiscales sur les produits importés et la suppression des taxes pour faire baisser la tension.
Pour mettre fin à cette soumission, le PT a introduit des propositions d´amendements comme la création d´un office national du sucre et de l´huile dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2011 lesquelles propositions ont été rejetées. «Des amendements comme la suppression d´exonérations injustifiées de diverses charges patronales, la création d´un office national du sucre et de l´huile, la réouverture des entreprises fermées (…) ont été rejetés par la majorité des députés», souligne le même communiqué. Et de descendre en flammes les députés qui «ont satisfait les desiderata du patronat», constatant que «l´actuelle APN, la plus mal élue depuis l´indépendance du pays et de surcroît souillée par les affairistes de tout bord, ne peut donner ce qu´elle n´a pas».
Le parti de Louisa Hanoune s´est indigné, dans ce sillage, devant l´empressement de la majorité des députés à «octroyer des cadeaux supplémentaires inespérés au patronat poussant l´Etat à puiser sans retenue dans le Trésor public pour prendre en charge de nombreuses obligations relevant normalement des entreprises privées». Il est cité dans le communiqué les dettes fiscales, les intérêts liés aux emprunts et les bonifications.
Le groupe parlementaire du PT s´est élevé, en outre, contre l´utilisation de l´argent public au profit des entreprises privées et a affirmé que le principe de «l´argent public pour le secteur public» est une question de démocratie. Le Parti des travailleurs (PT), qui a toujours dénoncé les privatisations à tout- va, ne veut donc pas que cette situation perdure. (L’Expression-16.06.2011.)

***ALORS QUE 70% D’ENTRE EUX ONT MOINS DE 30 ANS

200.000 diplômés au chômage chaque année

C´est une véritable bombe à retardement. Seuls 100.000 sur 300.000 universitaires et diplômés des centres de formation et d´enseignement professionnels sont intégrés dans le marché de l´emploi, a révélé hier, dans un document, le Centre national économique et social (Cnes). Au terme d´un atelier consacré à la prise en charge des jeunes lors des travaux des états généraux de la société civile, le Cnes a conclu que le taux d´emploi des jeunes reste faible par rapport aux taux de leur formation et leur orientation vers la vie professionnelle. Selon le Cnes, ceux de moins de trente ans sont les plus touchés par le chômage avec un taux de 70% du nombre total. Selon un rapport de la Banque mondiale de l´année 2010, trois sur quatre jeunes diplômés algériens de moins de trente ans sont des chômeurs.
Le chômage des jeunes, notamment parmi les universitaires, induit un développement dangereux du secteur parallèle qui devient «une échappatoire pour la majorité de ces jeunes en quête d´emploi». Parmi les jeunes qui réussissent à trouver un emploi, le tiers seulement est couvert par la sécurité sociale, sachant que «le secteur privé ne déclare pas ses employés», ajoute la même source. Le Cnes évoque les différentes formes de délinquance auxquelles sont exposés, dans les grandes villes, les jeunes face au «chômage, la mal-vie, la drogue, l´insécurité et le problème de logement» qui ajoute que la délinquance juvénile est «en hausse» et la pauvreté est «une réalité.» Elle s´illustre par le spectacle désolant d´enfants vendeurs de galettes de pain, de fruits ou autres «p´tits riens», aux abords des routes ou sont collecteurs de déchets dans les décharges publiques. Le Cnes relève encore que d´autres, «aspirés par une attitude défaitiste et marginale, s´installent dans des logiques d´expectative, voire d´autodestruction où de suicide. Aussi, la «harga» et l´immolation par le feu constituent-elles leur ultime recours pour se délivrer de leur mal-être profond et de leur désespoir». Le Cnes cite également d´autres formes extrêmes et regrettables auxquelles s´adonnent les jeunes pour exprimer leurs ressentiments contre les injustices sociales et leur marginalisation, «sources de leur détresse». (L’Expression-16.06.2011.)
 

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**le dur combat d’un syndicaliste

*Pour avoir pris, il y a huit ans, les commandes du premier syndicat autonome dans la région de Chlef, M’hamed Hadji a été renvoyé !

Pour avoir pris, il y a huit ans, les commandes du premier syndicat autonome dans la région, il a été renvoyé. Aujourd’hui encore, M’hamed Hadji se bat pour ses droits et la liberté de se syndiquer. Il attend une décision du Conseil d’Etat qui le réintégrerait dans son poste. Loin d’Alger, le difficile combat d’un syndicaliste à Chlef.

- Comment vous êtes-vous lancé dans le syndicalisme à Chlef ?

En 2003, une section du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique a été créée à Chlef et j’en ai pris les commandes. C’était révolutionnaire ! On ne dépendait plus de l’UGTA. Je travaillais à l’APC au service mécanique pour véhicules de service. La majorité de nos adhérents étaient des travailleurs du service municipal de nettoyage car ils souffraient d’asthme. Nos premières revendications étaient donc d’ordre médical. Nous demandions à ce qu’ils bénéficient d’une visite médicale régulière et qu’ils puissent boire du lait le matin avant de commencer le travail. Mais en réponse à nos réclamations, nous n’avions qu’un silence assourdissant…

- Qu’avez-vous fait ensuite ?

C’était le début des mouvements de grève à Chlef, un long combat semé d’embûches. En 2005, nous avons mobilisé les travailleurs devant le siège de l’APC. Il y avait entre 300 et 500 grévistes, et sur nos banderoles, des mots d’ordre simples : «Non au mépris, non aux entraves, non au silence de l’administration». Mais en face, nous n’avions toujours aucune réponse.

- Votre stratégie ne fonctionnait pas, mais vous avez persisté…

Oui, et de plus belle ! En 2006, nous avons décidé de faire grève tous les 17, 18 et 19 de chaque mois. On se rassemblait devant le parc de l’APC, on sortait nos banderoles et on faisait notre sit-in. Un service minimum était assuré pour les services d’urgence. Bien évidemment, nous n’avions toujours pas de réponse de l’administration. Alors nous sommes montés d’un cran dans la revendication. Trente personnes du Snapap ont entamé une grève de la faim pour alerter les autorités sur nos conditions de travail. Après huit jours, le président de l’APC et le chef de daïra sont venus à notre rencontre pour que nous cessions la grève de la faim en échange d’un accord verbal sur nos revendications. Nous avons donc levé la grève.

- Avez-vous obtenu tout ce que vous réclamiez ?

Ce serait mal connaître notre administration. Dès la fin de la grève, nous avons tous rejoint nos postes. Seulement, à notre grande surprise, nous avons tous été destinataires d’une lettre de l’APC nous renvoyant. Nous fûmes virés pour abandon de poste pendant la durée de notre grève de la faim ! Nous avons immédiatement écrit au président de l’APC pour lui dire qu’il nous avait trahis. On est montés à Alger pour rencontrer le ministre de l’Intérieur. Un de ses conseillers nous a aimablement reçus. Il a appelé le wali en nous promettant la réintégration des trente grévistes de la faim, dont moi-même, ce qui fut chose faite.

- Tout est bien qui finit bien…

Mais le président de l’APC avait la rancune tenace. Il nous a envoyé le gardien de la mairie. Celui-ci est venu nous provoquer avec des phrases du genre : «Vous n’êtes rien. Votre syndicat n’est pas un vrai syndicat.» J’ai laissé dire, sans réagir à la provocation. Le 18 septembre 2006, j’ai été convoqué en commission disciplinaire. On m’accusait d’avoir frappé le gardien. Je n’en revenais pas ! Surtout que j’avais des témoins, et que lui-même, le gardien, ne daignait  même pas se présenter à cette commission disciplinaire. Mais la messe était dite, le président de l’APC s’est vengé.

- Vous n’avez pas tenté une action en justice ?

Si, bien sûr. J’ai déposé un recours auprès de la cour administrative. Deux ans plus tard, le jugement tombe : il annule ma révocation car la partie adverse n’a pas de preuves. L’APC fait appel du jugement, le dossier est renvoyé devant le Conseil d’Etat. J’attends toujours le jugement final…

- Entre 2006, date de votre révocation et aujourd’hui, cinq ans se sont écoulés. Comment avez-vous fait pour vivre ?

A l’époque, j’étais payé 12 000 DA. Cinq ans après, si j’étais resté en poste, j’aurais perçu un salaire de 20 000 DA. Je suis marié, j’ai trois enfants à charge, et vous le voyez, je vis chez mes parents avec cinq frères dont trois sont mariés. Après ma révocation, je me suis débrouillé. J’aide la famille, je travaille au marché de gros de Chlef. Rien à voir avec mes compétences, mais il faut bien faire vivre ma petite famille… Je sais que les autorités municipales veulent nous faire «baisser le drapeau», que je m’excuse auprès d’eux, mais je ne le ferai jamais, car justement, il n’y a aucune excuse à donner. Le droit de grève et le droit syndical sont un droit reconnu par les conventions internationales. A ce titre, il doit être respecté en Algérie. C’est un combat et je suis prêt à en payer le prix !

**Bio express :

M’hamed Hadji, 39 ans, est marié et père de trois enfants. En 2003, président de la section Snapap de Chlef, il organise sit-in et grèves pour réclamer une meilleure prise en charge sanitaire des travailleurs municipaux. Trois ans après, il est révoqué par la municipalité. Pour lui, aucun doute, on veut lui faire payer son syndicalisme.

Depuis, il travaille au marché de gros de Chlef où il donne un coup de main à sa famille en attendant de réintégrer son poste. Il prône un syndicalisme autonome au plus proche des préoccupations des simples travailleurs.(El Watan-17.06.2011.)

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6 réponses à “Où va l’Etat algérien ?”

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