les grands échecs du pouvoir
**les grands échecs du pouvoir algérien
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*L’Algérie s’appauvrit, malgrès ses richesses!
La Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) entend organiser au cours des prochaines semaines un cycle de conférences thématiques suite à la chute des cours du pétrole et son impact sur l’économie algérienne.
La chute des cours du pétrole inquiète. L’impact du retournement du marché pétrolier n’est pas pour rassurer, dans une économie où la dépendance aux ressources issues des hydrocarbures relève plus d’une plaie béante que d’un atout. Il n’en fallait pas plus pour voir la classe politique s’emparer du sujet. L’impact de la chute des cours du brut sur l’économie algérienne a d’ailleurs été retenu pour l’ouverture du cycle de conférences thématiques que la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) entend organiser au cours des prochaines semaines.
C’est à ce titre que l’ex-chef de gouvernement et opposant, Ahmed Benbitour, a été invité à s’exprimer, hier à Alger, à ce sujet. Fidèle à lui-même, M. Benbitour a mis en avant les faiblesses de l’économie algérienne et de la rente issue des hydrocarbures et qui se traduisent par un appauvrissement continuel d’une Algérie, pourtant riche en ressources hydrocarbures.
S’il estime que la chute actuelle des cours présage des années de disette, la structure même de l’économie algérienne, qui dépend d’une rente exogène, induit un schéma où les ressources naturelles deviennent de fait une malédiction et où l’Etat est un Etat rentier et potentiellement répressif. L’ex-Premier ministre et économiste ajoute que dans ce schéma, le pays est non seulement exportateur net d’hydrocarbures, mais également de devises et de capitaux avec les réserves de changes et les transferts de dividendes des entreprises étrangères installées en Algérie, ainsi que le capital humain au regard de l’exode des compétences algériennes.
Autant de raisons qui poussent l’économiste à penser que l’Algérie est un pays qui s’appauvrit d’année en année, malgré la richesse de son sous-sol. Le fait est que les choix économiques opérés depuis l’indépendance se sont appuyés sur la redistribution de la rente plus que la production. Aussi, la récente chute des cours du brut ne font que mettre à nu, selon l’orateur, les échecs des politiques économiques successives et les lacunes de la gestion et de la planification.
D’autant que diverses problématiques se posent avec acuité, à l’image des questions de démographie, d’aménagement du territoire, de gestion de l’eau, de terres agricoles, de l’exode vers le littoral et de la déforestation. Et d’ajouter que l’économie algérienne se caractérise par une dépendance de l’extérieur, en premier lieu par sa dépendance aux ressources hydrocarbures exportées, mais aussi par sa dépendance alimentaire vu que 75% des calories consommées en Algérie sont importées. Les risques ne font que s’exacerber avec la chute des cours du brut, dans une économie volatile.
Assèchement du FRR dès 2016
L’ex-Premier ministre explique qu’en plus de la baisse des cours du baril, l’Algérie doit composer avec la baisse des volumes d’hydrocarbures exportés qui ont décliné de 37% depuis 2006, ce qui place le pays dans un phénomène d’accélération du déclin. A cela, explique-t-il, il faut ajouter un prix d’équilibre budgétaire qui est passé de 34 dollars en 2005 à 130 dollars après 2012, dans un contexte où les dépenses de fonctionnement et les transferts sociaux ont explosé, notamment après 2011. Et d’avertir qu’avec un cours du brut se maintenant au niveau de 60 dollars, les équilibres budgétaire et de la balance des paiements sont compromis.
Le fait est qu’en 2015, il est probable que les revenus issus de l’exportation d’hydrocarbures plongent en dessous des 40 milliards tandis que les importations de biens et services ne font qu’augmenter pour dépasser les 65 milliards de dollars en 2013. Les déficits attendus de la balance des paiements ne feront que grever les réserves de changes, lesquelles ne pourront les éponger que pour les cinq ans à venir. Ahmed Benbitour semble s’inquiéter cependant d’une problématique plus urgente : la gestion de l’épargne accumulée dans le Fonds de régulation des recettes et qui ne pourra tenir que jusqu’en 2016.
Ce qui induira une réelle problématique pour la gestion du budget de l’Etat. Selon le conférencier, se posera alors la question de trouver de nouvelles ressources. Si la piste des hydrocarbures non conventionnels est proposée aujourd’hui par les pouvoirs publics comme alternative, l’ex-Premier ministre écorne les arguments allant dans ce sens pour mettre en avant la nécessité d’un débat d’experts sur le potentiel de l’Algérie en la matière, la faisabilité technologique et la rentabilité économique, ainsi que sur le risque écologique d’une telle industrie.
Aussi, M. Benbitour, qui évoque les énergies renouvelables comme alternative à la ressource fossile que sont les hydrocarbures, pense que le mieux qui puisse arriver à l’Algérie est de sortir de la rente dès 2017. D’où le souhait de l’opposant de voir la population sortir de ce fatalisme qu’est la gestion de la rente et avoir le courage de réaliser des aspirations de paix, de justice et de prospérité. *Roumadi Melissa–El Watan-mercredi 15/04/2015 |
**Tous les indicateurs sont au rouge
Croissance économique en berne, inflation et chômage en hausse, déficit aggravé de la balance des comptes courants. Telles sont désormais les nouvelles prévisions établies par le Fonds monétaire international (FMI) quant aux perspectives économiques de l’Algérie pour l’exercice en cours.
Fini donc le temps des satisfecit sur la bonne tenue des équilibres macroéconomiques du pays et voici venu le temps des avertissements contre le creusement des déficits publics et la contraction des revenus pétroliers, dont dépend la survie de l’économie nationale à près de 98%. Dans son nouveau rapport sur les perspectives économiques mondiales, dévoilé hier à Washington et repris par l’APS, le FMI a ainsi sérieusement revu à la baisse ses prévisions de croissance du PIB de l’Algérie, ne tablant désormais que sur de faibles taux de 2,6% et 3,9% pour 2015 et 2016, contre 4,1% en 2014.
Des chiffres qui contrastent clairement avec ceux publiés en octobre dernier et qui faisaient ressortir une croissance prévisionnelle de 4% pour l’année en cours, soit un différentiel de 1,4 point comparativement aux nouvelles prévisions publiées hier par la même institution. Le baril de brut ayant entre temps perdu quelque 60% de sa valeur depuis juin dernier, le FMI alerte également sur l’aggravation du déficit de la balance des comptes courants de l’Algérie, indiquant que celle-ci «sera encore négative pour s’établir à -15,7% du PIB en 2015 et à -13,2% en 2016, contre -4,3% l’année dernière».
Des déficits qui ne manqueront pas, faut-il le souligner, d’accentuer davantage la contraction des réserves officielles de change, qui ont déjà baissé, rappelle-t-on, de quelque 15 milliards de dollars en 2014. Si les équilibres extérieurs de l’Algérie deviennent ainsi de plus en plus fragiles, au moment où rien n’augure d’un éventuel rebond des cours pétroliers mondiaux à court terme, au plan interne, les principaux indicateurs virent également au rouge, indiquent encore les prévisions du FMI.
Ainsi, l’institution de Bretton Woods révèle que le taux de chômage en Algérie devrait s’établir à 11,8% en 2015 et à 11,9% en 2016, alors qu’il se situait à seulement 10,6% en 2014. Moins d’emplois, mais aussi moins de pouvoir d’achat car le taux d’inflation devrait aussi grimper en 2015 et 2016 pour atteindre un niveau de 4%, contre un taux de 2,9% en 2014, selon le rapport du FMI.
En définitive, estime cette institution financière internationale, l’Algérie, tout comme la plupart des pays pétroliers de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), a besoin de «recalibrer» son plan de consolidation budgétaire à moyen terme pour faire face à la forte chute des prix du pétrole. Et pour éviter des «coupes brutales» dans leurs dépenses budgétaires, ajoute au demeurant le Fonds, ces pays pétroliers pourraient recourir davantage à leurs réserves et disponibilités financières actuelles, en attendant la mise en œuvre de réformes structurelles efficientes pour amorcer une diversification économique.*Akli Rezouali–El Watan-mercredi 15/04/2015 |
**le processus qui a conduit le pays à la faillite
*N’ayant pas de légitimité démocratique, le pouvoir est piégé par sa nature autoritaire et populiste.
Ayant critiqué, à maintes reprises, la politique dépensière du gouvernement qui a atteint, depuis 2012, un niveau insoutenable, M. Ali-Rachedi détaille, dans son texte, le processus qui a conduit le pays à la faillite.
L’ancien ministre et fondateur du parti non agréé Essabil, Abdesselam Ali-Rachedi, affirme que la crise financière ne peut être résolue par le pouvoir actuel. «Seul un pouvoir légitime, soutenu par la population, sera en mesure de mettre en œuvre une vraie politique de développement et de rétablir, à terme, l’équilibre des finances publiques», écrit-il dans un texte sur les raisons de la crise économique actuelle, rendu public hier.
Ayant critiqué, à maintes reprises, la politique dépensière du gouvernement qui a atteint, depuis 2012, un niveau insoutenable, M. Ali-Rachedi détaille, dans son texte, le processus qui a conduit le pays à la faillite. «Le Fonds de régulation des recettes (FRR) a été institué en 2000 pour abriter les surplus de la fiscalité pétrolière lorsque le prix du baril dépassait le seuil institué par la loi de finances (17, puis 37 dollars le baril). Ces surplus étaient destinés à couvrir le déficit causé par une baisse inattendue du prix du baril en-dessous du seuil.
Or, sauf brièvement en 2015, le prix du baril n’a jamais été en dessous de ce seuil. Pourtant, le pouvoir a puisé régulièrement et à sa guise dans ce fonds», explique-t-il d’emblée. Selon lui, l’Exécutif a constamment violé la loi et faisant voter par le Parlement des budgets déficitaires. «La loi a donc été constamment violée pendant plus de trois décennies. Chacun sait que la loi de finances doit être votée en équilibre et le déficit doit rester dans la limite de 3% du PIB. Ce ne fut jamais le cas durant les trois dernières décennies.
Le budget a toujours été voté avec un déficit considérable et de plus en plus élevé, la différence étant puisée dans le FRR. Depuis 2012, le budget est devenu insoutenable même avec un baril au-dessus de 100 dollars. L’impasse budgétaire était devenue inévitable», précise-t-il. La dégringolade des prix de l’or noir enregistrée depuis le deuxième trimestre de l’année 2014 n’a fait, écrit-il, que rapprocher l’échéance en précipitant, plus tôt que prévu, l’Algérie dans la crise. Qu’est-ce qui a obligé le pouvoir à dépenser autant, au prix d’un déficit abyssal ?
La réponse, indique-t-il, «est de nature politique». «Manifestement, le pouvoir est piégé par sa nature autoritaire et populiste. N’ayant pas de légitimité démocratique, il n’a pas d’autres ressources que de se légitimer par la distribution de prébendes à ses nombreuses clientèles et à acheter la paix sociale par une politique de redistribution populiste, destinée plus à gagner des soutiens qu’à aider les couches défavorisées», précise-t-il. En raison de cette réalité, conclut-il, «aucune approche de type «comptable» ne pourra venir à bout de la crise». *Madjid Makedhi / el watan / mardi 15 mars 2016
**Scandales en cascade :
Le pouvoir pris dans l’engrenage de la corruption
Ça fuite de partout et ça prend l’eau de toutes parts. L’équipe au pouvoir a beau colmater les brèches, elle ne parvient plus à contenir l’ampleur des dégâts. Un scandale en chasse un autre.
L’effet du retour provoquant de Chakib Khelil, qui devait sceller définitivement les scandales de corruption qui ont ébranlé le système Bouteflika, s’est vite estompé. Le mur national construit par Amar Saadani et ses acolytes dans un chaos indescriptible pour mieux protéger la coupole s’est effondré sous les coups d’autres scandales qui mettent en cause des hommes du premier cercle présidentiel. A commencer par celui qui est devenu le paria du régime bouteflikien, Chakib Khelil, que même le plus saint des saints du pays ne lui serait d’aucun salut.
De toute évidence, aux yeux des Algériens, l’ami d’enfance de Bouteflika, qui a régné dix ans durant sur le poumon de l’économie du pays, est un homme qui symbolise la déchéance nationale. A peine ressorti de l’ombre, il est grillé par les projecteurs de nouveaux scandales. Pour le réhabiliter, la propagande officielle a «essuyé le couteau» sur les habits de l’ex-patron des Services spéciaux, le général Toufik.
Une opération, faut-il le dire, qui a eu des effets au moins sur une partie de l’opinion tant le DRS était pendant un quart de siècle le diable qui faisait régner la terreur. Cependant, cette fois-ci, le scandale vient de loin. D’abord des Panama Papers qui mettent en cause l’ancien ministre de l’Energie et ses hommes de main, Farid Bedjaoui et Rédha Hemch.
Mais pas seulement. Au même moment, une autre affaire éclabousserait Chakib Khelil, celle de l’Unaoil. Ajouté à cela le scandale Sonatrach-Saipem qui n’est pas fini, même si Alger s’emploie à le clore. Il est à se demander si le retour de Khelil au pays n’est pas lié justement à l’évolution de ce dossier au niveau de la justice de Milan. Maryland n’est plus une contrée sûre pour «le meilleur ministre de l’histoire de l’Algérie». Son rapatriement serait très probablement une opération visant à le mettre à l’abri d’éventuelles poursuites en Italie, voire aux Etats-Unis, où des enquêtes sont en cours sur les soupçons de corruption dans l’attribution de marchés pétroliers.
Le second épisode de la chronique des scandales touche un autre homme-clé du dispositif de Bouteflika version quatrième mandat. L’actuel ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb. Cité dans le scandale planétaire Panama Papers, il devient un élément encombrant dans le gouvernement Bouteflika. Directeur de com’ pendant la présidentielle de 2014, il est désormais celui qui écorne l’image du régime qui sombre dans l’abîme.
S’il estime qu’il n’a pas enfreint la réglementation en créant une société offshore, il a par ailleurs commis une faute politique et éthique grave. Lui qui se targue de défendre l’industrie nationale en menant la guerre à un entrepreneur – Issad Rebrab, créateur de richesse et d’emplois est dont l’essentiel de son investissement est basé en Algérie – révèle, à la faveur des Panama Papers sa préférence extranationale. Hasard du calendrier, au moment où il est cité dans ce hold-up planétaire, Rabrab est élu personnalité par un magazine italien.
Moralement, Abdessalem Bouchouareb devrait tirer les conclusions qui s’imposent en démissionnant du gouvernement. Va-t-il le faire ? Bouteflika se séparera-t-il de lui ? Rien n’est moins sûr. Le chef de l’Etat ne réagit jamais sous la pression, attendra-t-il le futur remaniement ? Mais le mal est déjà fait. Une démission ou un limogeage ne suffiront plus pour redorer le blason d’un système de pouvoir régenté par la répression et la corruption, qui sont le visage hideux de la classe dirigeante qu’aucun «mur» ne pourrait dissimuler.
Rares sont les secteurs ou ministères qui échappent à cette logique de prédation et du brigandage. Elle est devenue la règle. Elle est devenue surtout une menace sérieuse pour la sécurité nationale. C’est le marqueur du règne de Bouteflika depuis 1999. La mémoire nationale ne peut en retenir que les «exploits» Khalifa, BRC, Sonatrach, autouroute Est-Ouest et toutes les autres affaires qui rythment la chronique nationale.
A l’absence de légitimité s’ajoutent ces pratiques de népotisme de type maffieux qui prennent le pas sur les institutions de plus en plus souillées. Et c’est l’Etat qui s’efface ; il est à terre, écrasé par un pouvoir conquérant qui échappe à tout contrôle. Cela prépare des lendemains incertains. *Hacen Ouali/ el watan: jeudi 07 avril 2016
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**inégalité des Algériens devant les impôts et les prix:
Le gouvernement ponctionne les revenus fixes des salariés et il épargne les grosses fortunes Il y a des gens qui consomment neuf fois plus que les autres
*Les gens aisés consomment dix fois plus que les autres
*Le gaspillage, il faudrait le chercher dans les hautes strates. C’est là-bas que
se trouve la surconsommation.
L’impôt sur le patrimoine, c’est 0,02 % des contributions fiscales. Nous avons l’impression que nous sommes dans un pays où il n’y a pas de riches alors qu’on parle de plus de 5000 milliardaires, des milliers de millionnaires
**L’Etat régulateur, il est où ? Rappelez-vous que les députés ont refusé d’instaurer (en 2013) un impôt sur la fortune
12 wilayas seulement sur 48 payent les impôts!
Mais pourquoi fermait-on l’oeil jusqu’à maintenant?
Une part de 99% des recettes fiscales recouvrées à travers le pays proviennent de 12 wilayas uniquement, a révélé hier le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, appelant les contribuables à plus de «civisme fiscal» au moment où le pays «a besoin de ressources» supplémentaires sur fond de chute des revenus pétroliers. «Sur les 48 wilayas, il y en a 36 qui ne contribuent qu’à 1% au total des recettes fiscales», a déploré M. Benkhalfa lors d’un séminaire organisé à Alger par la Direction générale des impôts, sans cependant dévoiler les wilayas qui contribuent peu ou prou à l’impôt. D’après lui, certaines wilayas qui ne contribuent que d’une part infime, voire nulle, dans les recettes fiscales bien qu’elles soient «bien sur le plan économique et social».
«Je sais que la répartition des entreprises et de l’activité économique n’est pas pareille dans une wilaya du Nord pet une autre du Sud, mais croyez-moi que des wilayas du Nord, sur la côte, qui n’apportent presque rien aux impôts», a-t-il ajouté. Face à ce constat, le premier argentier du pays entend sensibiliser les walis de ces wilayas afin que le taux de 1% (des 36 wilayas) atteigne au moins 2% dans les années à venir.
Le ministre des Finances a encore souligné que les grandes entreprises restent celles qui paient le plus alors que la plupart des PME ne paient pas leurs impôts.
Pour l’exercice 2016, les recettes fiscales en provenance de ces entreprises, publiques et privées, en dehors du secteur des hydrocarbures dépasseront les recettes de la fiscalité pétrolière dont les prévisions sont estimées à 1682 milliards de dinars selon la loi de finances. Le ministre a regretté aussi le fait que beaucoup d’entreprises ne paient toujours pas leurs impôts sur le bénéfice des sociétés (IBS), alors que l’Etat tend à le stabiliser. «L’IBS (ses revenus) est toujours à un niveau bas. Cet impôt est porté par un nombre restreint d’entreprises», a-t-il affirmé, notant que «la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) ne donne pas ce qui est souhaitable».
Même si le taux de recouvrement des impôts est en nette amélioration ces dernières années atteignant, selon lui, 12 à 13% par an, il reste encore «un grand bassin fiscal à recouvrer». Dans l’espoir d’élargir l’assiette fiscale, Abderrahmane Benkhalfa a fait savoir que son département avait pour démarche de diminuer les contentieux qui sont parfois à l’origine du non-paiement des impôts au niveau de toutes les wilayas du pays.
«Avant juin prochain, nous devrons trouver les moyens pour diminuer ces contentieux, mais il faut que l’assiette fiscale augmente», a-t-il insisté. En outre, la direction des impôts entamera une opération de proximité pour inciter les opérateurs du secteur informel à s’inscrire dans la légalité et payer leurs impôts. «J’ai donné ordre à la DGI d’aller prospecter des contribuables dans le secteur informel (…). Les agents du fisc doivent (sortir) pour faire du marketing et vendre l’impôt forfaitaire unique (IFU)», a-t-il souligné.*Hocine Lamriben / el watan / jeudi 31 mars 2016
*Abdelatif Rebah. Economiste, ancien cadre supérieur au ministère de l’Energie
*Le gouvernement ponctionne les revenus fixes des salariés et il épargne les grosses fortunes
**Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a récemment annoncé qu’un nouveau modèle économique serait en préparation. Un collège d’experts, sa task force économique, a été constitué auprès de son cabinet pour se pencher sur le modèle et proposer des mesures anticrise. Un nouveau modèle économique pour quoi faire puisque la Constitution a déjà gravé dans le marbre l’économie de marché ?
—Je ne ferai pas de spéculation, car je n’ai pas d’information sur ce modèle en question. Je suis comme vous, j’ai appris que des experts se penchent actuellement sur la conception d’un modèle et qu’il sera prêt d’ici juin. Maintenant, si vous me dites que c’est pour juguler la crise, je dirais qu’un modèle est conçu et mis en œuvre pour le moyen et le long termes. Les mesures anticrise relèvent du conjoncturel. Si le modèle économique réhabilite la vision du long terme, c’est en soi un bon point.
Sortir de la dictature du court terme pour aller vers la perspective du long terme. Réhabiliter la vision du long terme signifie réhabiliter les outils et l’appareil conceptuel qui vont avec. Je conçois mal qu’on puisse encore travailler sans réhabiliter la planification. Ce n’est pas parce que des institutions internationales ont décrété que ces outils sont désuets qu’on va s’y précipiter. Nous devons réhabiliter la vision pragmatique. Les mesures appropriées, il faudrait les inventer conformément aux problèmes tels qu’ils se posent chez nous. Sans a priori.
L’économie de marché, il ne faudrait pas en faire une idéologie ou une religion. Nous devons aller vers les caractéristiques structurelles de l’émergence, sortir de ce piège des équilibres macroéconomiques parce que c’est une commande du FMI et de la Banque mondiale. Il nous faut une cohérence alternative nouvelle.
Cela veut dire remettre en cohérence la stratégie de développement, la politique économique, la politique industrielle, la politique sociale pour qu’on puisse y voir clair, avoir une démarche qui corresponde à l’étape où nous nous trouvons en 2016. Nous, nous n’avons pas réglé encore la question de la sortie du sous-développement. Nous avons encore des problèmes structurels à régler. Souvent, on nous sert la tarte à la crème de l’économie rentière. La rente existait dans les années 1960-70, elle a servi à construire des usines, des écoles, des universités, former des milliers de cadres, etc. Heureusement qu’on a cette rente.
Le problème est l’usage qu’on fait de ces revenus pétroliers et gaziers. Ce n’est pas le même usage entre les décennies de développement national qui ont suivi l’indépendance et les trois dernières décennies de restructurations libérales. Maintenant, si c’est pour aller dans l’impasse, parce que c’est l’impasse, cela ne sert à rien.
Le constat d’impasse, nous y sommes déjà. Prenez le libre-échange. Des ministres, des experts, ont tous dit il faut aller vers ça et on a perdu sur toute la ligne. Je ne veux pas convoquer les chiffres, mais après plus de dix ans de l’accord d’association avec l’UE, nous nous retrouvons avec plus de 220 milliards de dollars d’importation et 6 ou 7 milliards à l’exportation hors hydrocarbures. C’est insignifiant.
On a dit les IDE pour lesquels il y a eu 3 décennies d’intense démarchage. En dehors des hydrocarbures, qu’est- ce qu’il y a comme investissement étranger ? On a dit privatisation. Les statistiques de l’ONS ou du CNRC parlent d’elles-mêmes.
Le secteur privé, c’est notre réalité historique, n’a pas existé chez nous. Ce n’est pas X ou Y qui a empêché son émergence, c’est le colonialisme qui n’a pas permis son existence. Le colonialisme n’a pas développé un capitalisme national. Cela ne s’invente pas et ce n’est certainement pas par décret qu’on transforme des TPE familiales de 5,6 bonhommes en entreprises qui vont devenir des start-up. La problématique de sortie du sous-développement, des changements structurels, de l’instrumentation institutionnelle appropriée est toujours d’actualité.
**Un modèle économique se décrète-t-il ? Est-ce un collège d’experts qui doit décider en autarcie des nouvelles orientations économiques ? Une telle approche ne souffre-t-elle pas en amont d’un déficit de démocratie ?
—Un modèle économique est un aboutissement. C’est vrai qu’il peut être un point de départ pour un élan économique mais c’est l’aboutissement d’un processus. S’il est véritablement question d’un modèle économique, on ne peut pas faire l’économie d’un processus de concertation large. Mais, apparemment, on n’en est pas là. Je ne pense pas qu’on puisse, en seulement trois mois, mettre en place un nouveau modèle économique.
Ce sera donc une logique d’experts. Des experts réunis en cabinet restreint vont décider de ce qu’il y a de mieux pour l’Algérie. Les problèmes de l’Algérie sont assez sérieux, complexes, pour être laissés aux seuls experts, fussent-ils les meilleurs du monde. Ceci, nonobstant la notion d’expert qui suscite de la méfiance. Les hypothèses, les supputations des experts engagent la société entière mais les conséquences des choix qu’ils entraînent c’est la société seule qui les assume.
La logique d’experts ne doit pas primer. Nous devons réunir toutes les conditions de réussite de la démarche. Maintenant, si ce modèle économique relève de l’effet d’annonce pour dire que nous ne sommes pas passifs face à la crise, à la limite on peut comprendre. Les gouvernements lorsqu’ils sont confrontés à ce type de difficultés ont recours à ce genre de procédés. Par ailleurs, vous évoquez l’article de la Constitution qui balise l’économie de marché, je ne pense pas que cela puisse constituer un problème.
Le problème est : quelle est notre stratégie pour sortir du sous-développement pour l’émergence économique ? Ils ont appelé ça «basculer dans l’économie de marché», pour vous dire, c’est significatif, comme s’il s’agissait d’un moment physique, quelque chose qui relève d’un dispositif technique, alors que ce n’est pas du tout ça. C’est, encore une fois, un processus historique, économique, social qu’on met en œuvre avec ses étapes, ses contenus différenciés.
**En 1999, le président Bouteflika est venu avec des prétentions libérales. On a connu une parenthèse de patriotisme économique avec la LFC 2009 vite refermée. Désormais, est-ce le retour au cap libéral initial ?
—J’ai une autre lecture. On ne peut pas ignorer tous les processus qu’il y a eus ni les forces qui agissent. Depuis trente ans, les forces de l’argent se sont beaucoup développées. Auparavant, elles avaient une existence quelque part sociologique ensuite une existence économique et sociologique maintenant elles en sont à une existence sociologique, économique et politique. Elles pèsent désormais dans le processus de décision. Elles veulent avoir la volonté de l’Etat, l’orienter à leur guise, consacrer leur vision de l’économie et de la société, imposer les limites à ne pas franchir.
Quand elles prétendent par exemple que tout est privatisable, là c’est clair. L’empreinte est visible dans le dossier des subventions. Voilà justement un secteur privé qui a enflé grâce aux aides et soutien des pouvoirs publics et qui maintenant qu’il est arrivé en haut veut supprimer l’ascenseur. Il traite des subventions comme s’il n’en avait lui-même jamais bénéficié. Ensuite, nous avons des élites qui dissertent sur des augmentations des prix et tarifs avec autant d’aisance qu’elles ne sont pas concernées du tout par leurs retombées.
Elles surenchérissent en disant que ce n’est pas 10% d’augmentation de l’énergie qu’il faudrait mais davantage. Le CNES a récemment demandé un plein d’essence à plus de 2000 DA. Ces élites ne se posent apparemment pas de question sur les retombées.
D’une part, parce que celles-ci n’impactent pas de la même façon les budgets et revenus familiaux. Les écarts de revenus tels qu’ils sont donnés par l’ONS, soit le rapport entre le budget de consommation du quintile le plus bas et celui du quintile le plus haut, cet écart est formellement de 1 à 5, voire 1 à 6, mais en réalité, en y introduisant les autres revenus non enregistrés, nous auront un écart beaucoup plus important de 1 à 8, voire jusqu’à 1 à 10, entre les 20% de la population les plus aisés et ceux du bas de l’échelle. Je dis que des études sérieuses sur l’impact doivent être commandées préalablement à toute nouvelle augmentation.
Or, aucune simulation n’a été faite au préalable, à ma connaissance. En France, l’écart entre le niveau le plus bas et le niveau le plus haut de consommation énergétique va de 1 à 6 et même de 1 à 9. Il y a des gens qui consomment neuf fois plus que les autres. Ici aussi, nous n’avons pas tous le même niveau de consommation, ni le même type de voiture, ni tous des climatiseurs, etc. Il nous faut une tarification résolument progressive qui mette à contribution les strates de surconsommateurs multi équipés. Prenons l’exemple des augmentations des prix de l’électricité et du gaz.
Les factures ne sont pas encore envoyées : c’est au mois d’avril et l’incidence de l’augmentation des tarifs énergétiques se fera sentir sous peu. Le gouvernement dit préserver les couches des petits consommateurs. Il a épargné les 2 premières tranches. Mais, dans la tranche 3, on retrouve des petits consommateurs et ce sont des salariés pour la plupart. C’est la tranche de consommateurs la plus touchée proportionnellement à ses revenus.
Or, la tranche 4, ceux qui consomment beaucoup d’énergie, n’est pas suffisamment démarquée de la 3 alors qu’elle devrait être concernée plus par l’incidence de la hausse. Ce n’est que justice après tout. C’est dans la tranche 4 qu’on retrouve les plus hauts revenus et le suréquipement énergétique. Idem pour le gaz. La tranche 4 n’est pas suffisamment démarquée de la 3. L’écart entre les deux tranches doit être beaucoup plus important.
En fait, finalement, c’est la tranche des salariés, des revenus fixes qui sera sensiblement affectée. Le reste à vivre, soit la somme du budget qui reste après avoir payé les factures des services publics, deviendra pour eux problématique. L’autre aspect a trait à l’effet inflationniste.
Il y a un effet d’entraînement : les augmentations des prix des produits énergétiques sont automatiquement répercutées sur ceux des biens et services Et l’inflation, il ne faut pas l’oublier, c’est l’impôt du pauvre. Nous ne devons pas uniquement raisonner en termes d’équilibres comptables. Les incidences in fine sur la stabilité sociale, il ne faudrait surtout pas les négliger.
*Ces augmentations bien que justifiées ne sont pas injustes, elles sont injustement réparties, c’est ce que vous dites.
—Exactement. Elles sont injustement réparties. Ceci dit, des mesures doivent être prises pour rationaliser la consommation énergétique et la tarification en fait partie, même si elle n’est pas le seul levier. Les gisements de rationalisation et d’économies d’énergie sont importants. Pour le carburant, prenons le GPL, nous sommes à 6 ou 7% du mix carburant, depuis trois décennies, alors que le GPL est surabondant. Et un carburant comme le diesel, polluant et coûteux en devises, sa consommation est montée en flèche. Pourquoi ? A quoi rime une politique pareille ?
Je reviens aux gisements d’économie d’énergie. Le torchage, les volumes considérables de gaz qui vont à la torche, en fumée, c’est là aussi une des formes de gaspillage de l’énergie par les entreprises de l’énergie elles-mêmes. De même pour l’autoconsommation de gaz des unités de GNL. Sonelgaz, de son côté, perd de l’énergie, dans ses réseaux, par le piratage, une part importante. Ce sont 20 à 25% de l’énergie qui sont perdus.
Donc, il y a des mesures de rationalisation, d’optimisation, d’ordre qualitatif qui doivent être prises et qui sont le signe d’un Etat régulateur qui fait face à la conjoncture avec les dispositifs idoines et non pas se précipiter comme c’est fait, en mettant en œuvre les solutions faciles qui aggravent nos fragilités. Chaque secteur doit élaborer ses engagements fermes en termes de rationalisation et d’économie d’énergie
*Pour faire passer la pilule de ces augmentations, des experts avancent les exemples des pays du Golfe ou du Venezuela, où les carburants coûteront 60 fois plus cher ?
—Heureusement qu’en Algérie il y a encore des gens sensés pour ne pas avoir à envisager ce type de folie. Nous avons encore des atouts. Un marché intérieur qui est le fruit de l’industrialisation.
La demande de bien-être n’est pas tombée du ciel, c’est un produit de l’histoire du développement. Alors que faire ? S’engouffrer dans de petites mesures qui sous l’allure de rationalité occultent la dimension stratégique ou aller vers des mesures qualitatives ? Je crois que le choix est vite fait. Le gaspillage, il faudrait le chercher dans les hautes strates. C’est là-bas que se trouve la surconsommation.
Le choix de construire des routes au lieu de s’orienter vers le rail, à quoi répond-il ? Nous avons une surconsommation d’énergie née d’un modèle de transport nocif qui privilégie le «tout-routier», le «tout voiture particulière». C’est à ce modèle de transport gaspilleur, polluant et inéquitable qu’il faut s’attaquer et cela ne va pas se faire à coup de relèvements de prix. C’est une politique volontariste qui impose la priorité aux transports collectifs qu’il faut instaurer.
On évoque les équilibres budgétaires mais nous avons un taux de fiscalité qui est moindre que celui des pays voisins. Cela veut dire que les ressources de l’Etat n’ont pas été encore optimisées. On veut ponctionner les couches sociales les plus vulnérables, mais on oublie d’envisager les autres moyens.
L’impôt sur le patrimoine, c’est 0,02 % des contributions fiscales. Nous avons l’impression que nous sommes dans un pays où il n’y a pas de riches alors qu’on parle de plus de 5000 milliardaires, des milliers de millionnaires. Dans les classements des acquéreurs immobiliers en Espagne ou en France, ils sont au top 10.
L’Etat régulateur, il est où ? Rappelez-vous que les députés ont refusé d’instaurer (en 2013) un impôt sur la fortune. Prenez le marché de l’automobile, par exemple, c’est un secteur qui engrange un chiffre d’affaires annuel de 700 milliards de dinars, mais seuls 3% à 6% des résultats de l’exercice sont versés au Trésor public.
Optimiser les ressources et le budget, les rationaliser, c’est aussi l’impôt non recouvré par l’Etat. Des montants considérables. Mais décidément, on se précipite plus vers des mesures qui touchent à des équilibres précaires que vers des mesures essentielles d’ordre qualitatif.
*Noureddine Bouterfa, PDG de Sonelgaz, a récemment déclaré que pour ce qui est des créances impayées, soit près de 50 milliards de dinars, 50% concernent les institutions, 20% des créances des entreprises privées et les 30% restants concernent les simples citoyens. Pourquoi s’acharner à faire payer le simple citoyen ?
—Nous avons une consommation énergétique qui évolue d’une manière trop forte par rapport à nos ressources. Pour la rationaliser, la discipliner, il y a des leviers à actionner dont celui des tarifs. On considère que Sonelgaz, parce que c’est une entreprise en difficulté et qui doit agir pour rentrer dans ses équilibres de gestion, doit revoir les prix de ses prestations même si, attention, ce levier ne doit pas servir à occulter les erreurs de gestion. On ne doit pas faire payer plus pour masquer des contre-performances gestionnaires. Les mesures tarifaires ne doivent pas être une prime à la contre- performance gestionnaire. Pour être pertinentes, il faut qu’elles soient justes.
La stabilité sociale ne relève pas que de l’économie, c’est une dimension indissociable de celle-ci. Autrement, l’Etat aura à payer plus en mobilisant les forces de l’ordre pour maintenir la stabilité sociale menacée. Une telle perspective a un coût et ses seules incidences financières seront sans doute plus importantes. Le mieux serait donc de ne pas en arriver là et de s’y prendre avec une approche globale.
*Justement, en matière d’approche globale, le levier tarifaire ne risque-t-il pas d’escamoter cet avantage comparatif qui est le prix de l’énergie ? Par ailleurs, ces augmentations ne répondent-elles pas aux exigences d’institutions internationales, l’OMC en tête, qui demandent d’aligner les prix de l’énergie sur ceux du marché international ?
—Non, pour l’instant nous sommes loin des niveaux critiques. Il faut dire que ces augmentations nous pendaient au nez depuis bien longtemps déjà, même si cela rejoint, comme vous dites, une des exigences de l’OMC.
Un service quel qu’il soit doit être rémunéré à sa juste valeur. Il s’agit en le cas d’espèce de prestations et d’une ressource rare et non renouvelable. Les mesures tarifaires doivent refléter ces réalités. Par ailleurs, il existe d’autres gisements d’économie d’énergie sans toucher aux tarifs. Nous devons transcender le strict plan des mesures tarifaires pour arriver à mettre en œuvre une véritable politique d’économie d’énergie. Nous avons un habitat gourmand en énergie. Des économies sont à faire au niveau de la construction.
Cela va sans doute coûter plus cher, mais nous aurons à gagner en développant une industrie des matériaux d’isolation. Il est aussi temps de s’orienter vers les modes de transports collectifs, d’autant plus que le gain en termes de temps, énergie, santé est énorme.
En une douzaine d’années, nous avons importé pour plus de 40 milliards de dollars en voitures sans parler des pièces de rechange. Nous sommes passés de 2,9 millions de véhicules en 2000 à 5,5 millions en 2013. Parallèlement, l’Algérie a importé un volume cumulé de 7, 2 millions tonnes de gasoil et de 3,3 millions de tonnes d’essence. A ce rythme, nous atteindrons bientôt un seuil de dysfonctionnement inimaginable en termes de coûts, de pollution, d’encombrement. La part de la production allouée à la consommation interne est passée de 22% en 2003 à 29% en 2013.
Des experts comme Attar disent que l’Algérie n’aura plus de gaz à exporter d’ici 2030 vu l’explosion de la consommation interne…
Oui, si on continue comme cela à aller au fil de l’eau, comme on dit, en augmentant le parc des centrales fonctionnant au gaz, en suivant le rythme de la consommation de l’électricité sans la réguler, sans la rationaliser, en continuant à importer des équipements énergétivores. La part de gaz naturel dans la consommation est passée de 15% en 2003 à 24 % en 2013. Ces volumes sont autant de mètres cubes de gaz en moins à l’exportation.
L’Algérie importe chaque année pour plusieurs milliards de dollars de carburant et produits raffinés. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement d’accroître ses capacités de raffinage ? Est-ce le souci de faire fonctionner les raffineries italiennes, espagnoles et autres ?
Il y a de nouvelles raffineries qui vont être mises en service. Mais le problème ne se situe pas à ce niveau. Si à chaque fois l’Algérie réagit par à-coup, d’une façon linéaire, elle ne va pas s’en tirer. Il faudrait que notre modèle de consommation énergétique corresponde réellement à nos choix. Je n’ai pas à subir la pression d’une couche parasitaire de la population qui va me conduire vers un modèle de consommation énergétique qui dilapide les ressources et compromet l’avenir des générations futures.
L’Etat et les pouvoirs publics sont censés être les dépositaires de cette vision d’avenir. Vous avez plusieurs 4×4 dans les garages de vos châteaux, ce n’est pas à l’Etat d’importer du diesel pour vous ! C’est le modèle de consommation de cette couche parasitaire qui est en vigueur en Algérie. Ce n’est certainement pas celui des 800 communes pauvres de l’Algérie et cette couche freine avec les quatre fers pour que les mesures appropriées ne soient pas prises.
On nous dit : nous n’avons pas d’argent pour construire une ligne de tram ou de métro, mais paradoxalement nous en avons assez pour importer encore des véhicules. Cela témoigne des forces qui sont à l’intérieur du système de décision et qui pèsent de telle manière que cela défie parfois le simple bon sens.
*Il y va de l’influence des puissances de l’argent, mais quid de l’influence du capital mondial dans le choix des orientations économiques ?
—L’Algérie est un espace périphérique économiquement surdéterminé et politiquement instrumentalisé. Nos espaces périphériques se présentent ainsi. La surdétermination de l’Algérie sur le plan économique ne fait aucun doute. Il suffit de voir les cotations du dollar, de l’euro et le prix du baril pour se rendre compte qu’ils sont manipulés. La chute des prix des hydrocarbures a été provoquée. Plus personne ne croit aux inepties du genre : le marché est régi par l’offre et la demande. L’empreinte des grands cartels, bancaires notamment, est visible.
*Pourtant, on fait état de plus de 2 millions de barils de pétrole en excédent par jour sur le marché du brut…
—C’est justement au niveau des millions de barils en excédent que se situe la manœuvre. En 2015, la consommation a augmenté de 300 000 barils/jour. On prétexte que l’économie chinoise a ralenti la consommation mondiale, mais on ne dit pas qu’elle a fait 6,9% de taux de croissance. L’Inde, 7,3%. Ce rôle de la manipulation a été joué par l’Arabie Saoudite qui, avec les Etats-Unis, ont fait chuter les prix. C’est aussi cela la logique du capital mondial. Il y a la FED et l’Arabie Saoudite, qui fait office de FED pétrolière, qui servent de leviers pour les Etats-Unis. Ces derniers disposent de deux leviers : l’un à Wall Street l’autre à Riyad.
*On épilogue énormément sur les puissances de l’argent et sur le capital privé. Qui sont-ils au juste ? Et comment interagissent-ils avec le capital mondial ?
—Concernant le capital privé algérien, celui-ci a connu un certain nombre de phases. A l’indépendance, il était très embryonnaire. C’est grâce au développement du secteur d’Etat, du secteur public que le capital privé s’est développé. Je parle de ce capital privé avec une consistance industrielle, productive. Dans le textile et la confection, dans le bois et l’ameublement, dans la métallurgie et la transformation métallique, dans la mécanique. Pourquoi ? Parce qu’il y avait des commandes, des plan de charge, un marché stimulés par les plans nationaux de développement et surtout une protection de l’Etat dès lors que le débouché était assuré. Ce n’était pas rien.
*Même si ce capital était considéré à cette époque comme un paria dans un système où seul le capitalisme d’Etat avait clairement droit de cité…
—Le capitalisme d’Etat implique justement l’existence d’un secteur privé. Même si sur le plan politique, il était confiné. Nonobstant le caractère juridique qui n’était pas très net, ce capital avait une existence réelle sur le plan économique. Mais à partir de la deuxième moitié de la décennie 1980 et surtout à partir de la libéralisation, sur injonctions du FMI, du commerce extérieur, on s’est retrouvés dans une autre configuration. Tout ce beau monde s’est rué vers l’activité du commerce et de l’importation.
Les dispositifs réglementaires et législatifs aidant, ce capital s’est orienté vers les sociétés d’importation, parce qu’il ne pouvait plus soutenir la concurrence dès lors que l’importation était plus lucrative, plus rentable que le détour de la valorisation productive. Le capital, et c’est valable en tous lieux, n’opère pas ce détour parce qu’il a envie de le faire, il le fait malgré lui.
*C’est donc ce capital privé national versé entre autres dans l’industrie qui s’est converti à l’importation ?
—Oui, mais pas seulement. C’est la mort dans l’âme que ce capital privé productif s’est réorienté dans l’importation. Certains producteurs ont abandonné leurs affaires parce qu’ils avaient été mis en situation de concurrence déloyale, tout comme le secteur public, d’ailleurs, face à l’importation. Pour le médicament par exemple, on avait dit : laissons les gens importer, ils installeront au fur à mesure leurs unités de production, mais nous ne les avons jamais vues.
Le fameux commerce industrialisant des «réformateurs» n’a jamais fonctionné en fait. C’était une fiction. Par la suite, le plan d’ajustement structurel est venu aggraver cette situation et aujourd’hui, on se retrouve avec une industrie qui participe à 4% au PIB alors qu’il était de plus de 20%, et un secteur public qui est passé de 80% à 20 %.
En contrepartie, la valeur ajoutée du secteur privé a augmenté sa part des crédits mais sans aucune retombée pratiquement sur le plan investissement productif. C’est dans l’ordre des choses : l’inclination naturelle du capital, c’est le profit. Il n’a pas d’autres raisons que celle-ci.
Quelles branches ? Quel contenu technologique ? Ce sont des questions auxquelles le primat de la rentabilité financière donne une seule et unique réponse : ceux que justifie le profit. Rebrab, quand il a voulu reprendre l’usine de pneumatiques de Michelin c’était pour reconvertir l’activité dans le commerce pas pour développer l’industrie du pneumatique.
Chez nos industriels, la part de la valeur ajoutée créée ne dépasse pas les 20%, le reste est importé. On est à peine dans l’activité de transformation, mais à la marge. Voilà la réalité de notre tissu productif. On a transformé la structure juridique, on l’a privatisée, on a tertiairisé l’économie mais il ne s’agit pas d’un secteur tertiaire qui vient en prolongement de l’activité productive nationale. C’est un secteur d’import-revente, pour l’essentiel.
Notre secteur tertiaire n’est pas fait de start-up, on n’en fait pas de la haute technologie, c’est pour l’essentiel des petits commerces de détail, des personnes physiques. L’économie s’est tertiarisée mais aussi informalisée. Nous avons donc une économie sans consistance productive et dans ces conditions justement ceux qui en tirent profit sont les forces qui ont accumulé des fortunes dans l’import-import et l’immobilier de rente. C’est un secteur mouvant, opaque où il est difficile d’identifier qui fait quoi. On est face à une nébuleuse avec une porosité élevée entre le monde politique, des affaires, etc. Difficile donc de les identifier.
Mais là n’est pas l’essentiel. On peut, cependant, en constater les impacts ou leur influence désormais assez palpables. On parle de dizaines de milliers d’importateurs mais en réalité, on est en présence d’un noyau qui pèse lourd. Et pour ce noyau, la situation de statu quo arrange bien ses affaires !! Un statu quo modulé selon la conjoncture, passant du défensif à l’offensif comme c’est présentement le cas. Maintenant, pour ce qui est du lien avec le capital mondial, ma foi, il est clair.
C’est au niveau de ce lien qu’il faut chercher les mécanismes qui bloquent la diversification sectorielle productive du PIB et de nos échanges internationaux. Ces gens importent à partir d’où ? Qui verrouille notre liste de fournisseurs. Nous avons, depuis 40 ans, presque les même structures d’échange avec des fournisseurs comme la France, l’Italie, l’Espagne, les Etats-Unis. Le monde a pourtant changé depuis avec l’émergence de nouvelles puissances, mais la structure de nos échanges est restée presque la même.
Le seul changement notable est l’arrivée de la Chine comme fournisseur. On est visiblement coincés avec ce vis-à-vis qui est l’UE et c’est lui décidément qui a balisé ce qu’on doit être définitivement, à savoir : l’Algérie, fournisseur d’énergie, pôle de consommation, autrement dit déversoir de ses produits. Il y a comme un «parlement» invisible qui vote contre nous dès que des mesures sont prises et qui risquent de remettre en cause le statu quo.
Dès qu’il vote, ce parlement invisible nous le fait savoir à travers notre presse ou la sienne. Et pour eux, il est hors de question que l’Algérie soit à la fois une puissance énergétique et une puissance industrielle. C’est leur cauchemar. Notre marge de manœuvre est limitée. Sous-estimer les mécanismes du capital global, c’est vraiment faire preuve de naïveté. On ne fait que constater sa puissance de feu. En actionnant le levier pétrole, de juin 2014 à aujourd’hui, ils ont fait baisser son prix de 70%. Sans aucune raison de marché.
C’est Goldman Sachs et Rockefeller qui en sont responsables. Pour ceux qui se gargarisent de théorie du complot, les chiffres parlent : 147 firmes, dont les trois quarts appartiennent au secteur financier, contrôlent l’économie mondiale. Le marché global est très concentré. 80% du commerce mondial est aux mains des transnationales qui sont dirigées par des états-majors qui planifient sur la base de prix artificiels, de cession interne. L’oligarchie contrôle les flux d’informations. C’est la même famille, avec ses think tanks, ses aréopages de penseurs, d’experts…
Ce n’est pas une fiction. Alors, que sommes-nous devant eux ? Et de là à nous amuser nous-mêmes à dribbler dans nos 18 m, c’est de la folie. Nous sommes dans une situation où il est impérieux de revenir aux écrans de protection. La situation exige des réponses centralisées.
Plus d’Etat, oui, pas au sens d’un retour mécanique aux années 1960-70, mais avec un Etat instruit par l’expérience, armé de ressources humaines qualifiées, instruites, abondantes, capables de mettre en œuvre les acquis des sciences et des techniques au service du développement, un Etat garant des priorités productives, sociales du développement, de protection de l’environnement, des priorités scientifiques et technologiques.
*Comment ce capital privé évoluera-t-il dans les prochaines années ? Aurons-nous des oligarques du genre produit par la Russie d’Eltsine ?
—Dans l’Algérie de 2016, la montée d’un capitalisme national est impossible. C’est une impossibilité structurelle dans le contexte de la mondialisation capitaliste. Le capital global n’a pas besoin d’un capitalisme national, c’est-à-dire autonome, qui serait un facteur de remise en cause de ses intérêts. Si la colonisation n’a pas permis le développement d’un capitalisme national, le capitalisme mondial encore moins. Il n’y a pas de sujet pour le capitalisme en Algérie
C’est un sujet historique inexistant en Algérie. En réalité, et l’exemple de notre pays le montre, l’impasse actuelle est de nature structurelle et traduit l’impossibilité radicale d’apporter les réponses qu’exige le développement économique et social de notre pays dans le cadre de la dépendance de la mondialisation capitaliste.
La seule voie de lucidité, qui s’offre à notre pays, c’est un développement national qui préserve l’autonomie de décision, celle que procure la souveraineté sur nos ressources en hydrocarbures, notamment. Il ne faudrait jamais revenir sur ce principe. Je dis qu’il y a encore des possibilités de renégocier un certain de nombre de recompositions dans la division internationale implacable du travail. Il faut œuvrer à s’émanciper des rapports de puissance porteurs de logiques systémiques de dépendance et de sous-développement.
En vérité, en Algérie, l’Etat n’a pas encore épuisé sa mission historique dans la construction d’une économie nationale pérenne. Lorsque l’économie n’existe pas, on ne peut faire l’économie de l’Etat, écrit pertinemment l’auteur d’un article au titre fort à propos : «L’entrepreneur schumpétérien a-t-il jamais existé ?» L’Etat doit jouer le rôle de preneur d’initiative et de risque.
Dès lors qu’il est admis que «l’Etat doit être fondamentalement développementaliste», la question est comment le faire rentrer dans ces nouveaux habits ? Quelles sont les transformations à opérer et les conditions à réunir pour que l’Etat puisse, d’abord, repousser les limites actuelles de ses marges de manœuvre, puis se donner les capacités d’agir en tant que moteur et acteur majeur incontournable de la sortie du sous-développement et renforcer ses fonctions de garant de l’équité et de réducteur des inégalités et des injustices, du respect des priorités productives et environnementales ? Les questionnements que soulèvent les défis de l’adaptation à un monde en phase de recomposition agressive qui cible l’Etat national renvoient, quant au fond, à la nécessité de l’élaboration d’une stratégie de construction des institutions et des structures d’accueil d’une économie mixte productive et diversifiée.*Mohand Aziri / el watan / jeudi 31 mars 2016
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Les enseignants brisent le silence :
L’école livrée aux petits gangs
*La violence dans les établissements scolaires prend des formes de plus en plus agressives et dangereuses. Les enseignants avouent leur désarroi et leur impuissance devant le phénomène et en appellent à une réaction appropriée des parents d’élèves et des autorités.
Des petits truands sèment la panique dans nos écoles, s’alarme la communauté scolaire qui a du mal à assumer ce constat. Tabou ou indifférence, la violence déstabilise la scolarité de nos enfants. Les élèves et les enseignants qui subissent le diktat d’élèves violents et indisciplinés crient au secours. Les chefs des établissements scolaires ont du mal à relayer cet appel. Ce malaise vécu dans l’enceinte scolaire sera-t-il considéré encore longtemps comme étant des «cas isolés».
Il y a quelques jours, un lycéen a été assassiné par un camarade de classe à Bousfer (Oran) pour une tenue de sport. Des établissements scolaires sont également saccagés par des jeunes qui sont censés former l’élite de demain ! Dans le moyen et le secondaire, les actes de violence sont souvent dénoncés. Les enseignants ne mâchent pas leurs mots. «Nous avons de plus en plus d’élèves difficiles à maîtriser.
La situation est telle que même leurs parents n’y peuvent rien.» Comme Mme Zineb Belhamel, enseignante dans le secondaire, ils sont nombreux les enseignants qui ne savent plus comment s’y prendre avec des adolescents et des jeunes hommes (il y a même des élèves de 20 ans !) en constante «rébellion». La journée de l’enseignant se résume ainsi à essayer de faire cohabiter des enfants «sans aucun objectif», avec d’autres qui essayent de faire des efforts pour suivre les cours et obtenir de bons résultats.
Parmi les «misères» faites aux enseignants, Mme Belhamel raconte le cas d’un groupe d’élèves qui «viennent tous les jours en classe complètement bourrés (drogués) après avoir passé les trois quarts de leurs nuits dehors. Ils arrivent en classe et exigent de ne pas être dérangés dans leur sommeil». Cette enseignante a essayé toutes les méthodes de dialogue, en vain, et les démarches auprès de l’administration n’aboutissent pas à grand-chose. «Les élèves haussent la voix, menacent et n’hésitent pas à passer à tabac leurs camarades ou casser du matériel en cas de résistance des élèves ou de leurs enseignants», expliquent d’autres enseignants ayant eu à subir ce genre de comportement.
Si un enseignent tente de réagir en saisissant les responsables de l’administration, l’élève est, au mieux, traduit devant le conseil de discipline. A la fin de l’année, les élèves indisciplinés sont généralement exclus des établissements et repris par d’autres sur un simple coup de téléphone, et là, un enseignant est soulagé d’un fardeau et le martyre commence pour un autre dans un autre établissement. Les professeurs dénoncent à ce propos l’inertie des responsables des établissements scolaires «qui évitent à tout prix que la réputation de leur lycée soit entachée par un rapport accablant la discipline des élèves», dénoncent les éducateurs.
Selon une enseignante de littérature arabe au lycée Abdallah Ibn Abbès a Alger, «un élève ayant failli rendre aveugle sa camarade de classe et ayant brisé une fenêtre risque, au pire, d’être traîné devant le conseil de discipline. Les responsables du lycée estiment qu’il vaut mieux patienter. C’est presque la fin de l’année et de toutes les façons cet élève n’ira pas loin après la délivrance des résultats du dernier trimestre». A en croire les enseignants, la pression que font peser ces élèves violents est vécue exclusivement par les professeurs et les autres élèves qui veulent travailler. Certains se transforment en «petits monstres», formant ainsi de véritables gangs à l’intérieur des lycées. Les membres de ces gangs sont très solidaires et le montrent dès que l’un des leurs est inquiété par l’administration.
Les élèves assidus qui ne veulent pas entrer dans cette organisation deviennent ainsi les souffre-douleur de ces camarades violents. Certains résistent, mais d’autres craquent et abandonnent, nous explique-t-on également. «Un élève qui courtisait une camarade du lycée n’a pas hésité à faire appel à ses copains tous armés de couteaux pour effrayer la jeune fille. Cela s’est déroulé dans un établissement de la capitale», assure une enseignant qui relate également les déboires d’une jeune judokate qui a brisé le bras à plusieurs de ses camarades… par plaisanterie.
1000 cas d’agressions
Après le décès du jeune lycéen à Oran et les cas de lycées saccagés, le Conseil des lycées d’Algérie (CLA) a rendu publique une étude sur le phénomène. «55% des cas de violences physiques ou verbales sont enregistrés au sein-même des établissements, contre 45% dans l’espace immédiat des écoles», estiment les auteurs de cette étude.
74% des cas ont été enregistrés en milieu urbain, contre 26% en milieu rural. «Une tendance qui serait notamment liée à l’environnement social, à la situation démographique, ainsi qu’aux contextes économique et culturel dans lesquels évoluent ces élèves et professionnels de l’enseignement. Face à un tel constat, nul ne sera surpris d’apprendre qu’Alger et Oran détiennent le pourcentage le plus important de violences scolaires, avec 20% des cas enregistrés», note l’analyse du CLA, qui révèle qu’au total 1000 cas d’agressions verbales ou physiques ayant entraîné des blessures, voire même la mort, ont été enregistrés entre septembre 2014 et mai 2015.
Selon cette étude, l’école publique se présente comme étant «dépréciée par les parents, contestée par les élèves, critiquée même par les enseignants, dénigrée par la société, mise sur la sellette par les médias». L’environnement immédiat du lycée est investi par les dealers, s’alarme le CLA, qui dénonce l’attitude des parents démissionnaires de leur rôle réclamant uniquement de bons résultats. Le syndicat note également que c’est en période d’examen que la violence bat son plein.
La fraude est ainsi devenue le chemin le plus court vers la réussite. «Avec un programme chargé et face à des modes d’examen qui favorisent plutôt la mémorisation, et ce, dans une société qui ne récompense pas le mérite et les méritants, les élèves recourent à la triche.» Les enseignants et les surveillants sont souvent victimes de leurs «prises».
A la fin des épreuves, ils se font agresser à la sortie des établissements par les élèves qu’ils ont dénoncés. L’école publique cesse alors non seulement d’exercer ses effets éducatifs, cognitifs, psychopédagogiques et civiques, mais elle renonce aussi à son rôle. Adieu l’égalité des chances : «La production, ou plutôt la reproduction de l’élite se fait en tout cas ailleurs», préviennent les auteurs de cette étude.*Fatima Arab/ El Watan/ dimanche 17 mai 2015
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** constat implacable des 16 années de règne de Bouteflika.
*l’Histoire retiendra que la corruption et l’impunité ont marqué cette période
Ancien ministre de la Culture et de la Communication et porte-parole du gouvernement (1998-1999), ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi nous livre dans cet entretien son constat implacable des 16 années de règne de Bouteflika.
Une année après la réélection de A. Bouteflika pour un 4e mandat, quel est l’état de l’économie nationale selon vous ? Certains estiment que son règne à «immunisé» le pays, alors que d’autres parlent d’immobilisme et de paralysie totale…
***Il est illusoire d’envisager un quelconque développement économique sans un triptyque incontournable : démocratie, Etat de droit et justice sociale. Le mode de gouvernance de Bouteflika ne pouvait pas garantir un décollage économique, à l’image de celui de la Malaisie de Mahathir Mohamad, du Brésil post-dictature militaire, ou de l’Espagne post-franquiste. Il est plutôt dans les modèles de gouvernement arabes qui ont dirigé leurs pays dans les conditions que tout le monde connaît.
Il faut reconnaître toutefois que nous n’avons pas de culture économique historique, car nous sommes passés d’une société rurale à une économie socialiste planifiée et centralisée, pour aboutir à une économie de bazar fortement dépendante de l’extérieur. En fait, l’économie est souvent conçue chez nous comme un outil de régulation des approvisionnements de la population, sans autre objectif que de garantir la paix sociale et par conséquence d’assurer la longévité du pouvoir politique en exercice. Cela ne changera qu’avec l’instauration d’un système démocratique et l’avènement de nouvelles élites économiques.
Les multiples procès – Sonatrach, autoroute Est-ouest, Khalifa – sont-ils programmés pour faire le procès du règne Bouteflika, ou bien pour clore définitivement ces affaires qui ternissent sa présidence ?
***Il y a une surprenante simultanéité de tous ces procès auxquels est venu se greffer le projet de révision de la constitution, alors que certains dossiers sont en instruction depuis plus dix ans, et celui de la Constitution en gestation depuis 2011. Cette démarche participe, à mon sens, d’une opération de marketing politique destinée à occuper les Algériens et à gagner du temps. Elle renseigne également sur la volonté du gouvernement de classer ces dossiers de corruption en les vidant de leur caractère éminemment politique, car il s’agit avant tout de décisions d’autorités publiques et de commandes publiques.
La corruption dans les marchés publics n’est possible que parce que les conditions de transparence ne sont pas réunies et l’impunité garantie pour les corrompus.
C’est pourquoi, pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante, la corruption a atteint des niveaux de responsabilité politique de rang gouvernemental, qui plus est dans des secteurs stratégiques et sensibles.
Ces scandales ont fini par altérer la confiance du citoyen en son gouvernement, donnent une image d’un pays corrompu et ne favorisent pas l’investissement, donc le développement. Bouteflika a beau commander ces procès à la fin de son règne, l’histoire retiendra que la corruption et l’impunité ont marqué sa présidence. Il les a même élevés au rang d’outils de pouvoir.
Enième stratégie industrielle, assises sur le commerce extérieur, nouvelle loi de finances complémentaire… le gouvernement est-il sur la bonne voie pour faire face à la baisse des ressources (chute des cours du pétrole) ? Si c’est non, que préconisez-vous pour y remédier ?
***ll faut avant tout se délier de l’illusion d’une rente perpétuelle qui garantirait la pérennité du modèle économique actuel, car dans l’hypothèse où le prix du pétrole se maintient à ce niveau, nous serons amenés à puiser tous les ans 20 à 30 milliards de dollars dans le Fonds de régulation des recettes (FRR).
Alors nous n’avons plus d’autre choix si nous voulons éviter le FMI que de rationaliser nos choix budgétaires, de ne plus subventionner de la même manière le riche et le pauvre, de réformer le système bancaire, de lutter sérieusement contre la corruption, et de contrôler sérieusement l’usage qui est fait de la richesse publique. Notre économie étant insuffisamment protégée, il est urgent d’envisager une baisse ciblée des importations par le jeu des contingentements, de la TVA ou d’autres mesures de protection auxquelles tous les pays, y compris les plus avancés, ont recours dans des situations de crise.
Il s’agit aussi de revoir notre modèle de consommation énergétique et agir sur les prix des produits énergétiques qui sont subventionnés à concurrence de plus 500% et qui ont encouragé le gaspillage et transformé notre pays en importateur de ces mêmes produits pour près de 6 milliards de dollars l’année dernière.
Enfin, il faudrait appliquer les principes d’austérité et d’efficacité dans l’usage des ressources publiques, notamment dans les budgets de fonctionnement de l’Etat. Le train de vie de l’Etat, de ses démembrements et des représentants est au-dessus des moyens du pays. Mahmoud Mamart—El Watan-lundi 13/04/2015 |
** constat implacable des 16 années de règne de Bouteflika.
*Aucune réforme économique sérieuse n’a été accomplie
Hormis les résultats quantitatifs rendus possibles par les recettes exceptionnelles des hydrocarbures, le bilan des trois mandats du président Abdelaziz Bouteflika, auxquels s’ajoute la première année du quinquennat en cours ne brille par aucune action originale à même d’ouvrir à l’Algérie une nouvelle manière de prendre son destin économique en main autrement que par les dépenses publiques.
On a, tout au long de ces seize années de règne, continué à réaliser des infrastructures de base, des logements et autres initiatives à caractère social sur le même mode que celui qui avait prévalu au temps de l’Algérie socialiste.
Tout comme à cette période qui s’acheva par les troubles d’Octobre 1988, en grande partie dus à un subit déclin des prix des hydrocarbures, les années Bouteflika ressemblent à s’y méprendre à cette époque, exception faite des réserves de change qui se sont maintenues à un niveau qui permet à l’Etat de dépenser sans compter.
C’est ainsi que 1200 milliards de dollars environ (dépenses de l’armée et des corps constitués non comprises) ont été injectés ces seize dernières années dans les divers rouages de l’économie, sans jamais parvenir à satisfaire les demandes sociales prioritaires (emploi, logement, éducation, formation, eau potable, transport, nouvelles technologies de la communication etc.). Là où sous d’autres cieux des dépenses publiques aussi faramineuses auraient généré des taux de croissance à deux chiffres, en Algérie l’évolution annuelle du PIB a rarement dépassé les 3%. Les dépenses de l’Etat semblent plutôt arranger les économies étrangères si on se réfère à l’explosion de nos importations qui n’ont pas cessé d’augmenter tout au long des trois mandats du président Bouteflika pour atteindre le chiffre record de 62 milliards de dollars à la fin de l’année 2014 et sans doute davantage cette année.
Un boom des importations qui a, à l’évidence, laminé notre industrie et notre agriculture qui auront bien des difficultés à se redresser tant le mal est profond. Rassuré par l’aisance financière qui s’est installée dans la durée, le pouvoir en place seize années durant n’a pas jugé utile de conduire le développement économique du pays autrement qu’au moyen du budget de l’Etat.
On se souvient que durant la campagne pour un quatrième mandat, le Premier ministre avait parcouru toutes les wilayas du pays pour distribuer de nouveaux budgets à des localités souvent séduites par ce mode d’affectation de ressources financières qui, sauf rares exceptions, ne leur parviendront pas, tant les procédures d’octroi sont longues et compliquées.
Le plus grave est que dans bon nombre de ces localités existent des opérateurs privés en mesure d’investir et d’impulser une dynamique de développement multisectorielle dans la région, mais que l’administration empêche par toutes sortes d’entraves à prendre part à l’essor économique que l’Etat s’entête à vouloir entreprendre seul. Tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays avaient agi selon ce mode de développement dévolu exclusivement à l’Etat, mais il était attendu de l’installation d’Abdelaziz Bouteflika aux commandes du pays que les choses changent en allant, comme il l’avait clairement affirmé dès 1999, plus résolument vers une économie de marché impliquant davantage le privé algérien et les investisseurs étrangers.
Ce n’est malheureusement pas ce qui sera appliqué sur le terrain, où l’on continuera à voir l’Etat promouvoir le développement économique et social au moyen exclusif de la dépense publique que capteront de surcroît en grande partie des firmes internationales qui réaliseront les projets les plus juteux, ne laissant aux opérateurs algériens que les programmes de moindre importance.
Ces derniers trouveront leur compte dans les importations qu’ils investiront en masse au détriment de leurs unités de production, qu’ils seront bien souvent contraints d’abandonner.
Aucun ajustement structurel notable n’ayant été effectué dans le sens d’une prise en charge mutuelle (public-privé) du développement, l’Algérie se retrouve, après seize années de régime Bouteflika, dans la même situation que celle qui avait prévalu dans les années 1980. Pis encore, aux dysfonctionnements encore vivaces hérités du système socialiste, sont venus s’ajouter ceux générés par une pléthore de textes législatifs aussi complexes que contradictoires, promulgués par les sept Premiers ministres et très nombreux ministres qui se sont succédé à la tête de l’Etat tout au long de ces seize années.
L’action économique est aujourd’hui très difficile à entreprendre de manière claire et efficiente, tant le pays manque à bien des égards de visibilité et de perspectives, la politique économique du pays fluctuant au gré des conjonctures et des lois de finances annuelles et complémentaires.
Il est vrai que depuis la récente chute des prix des hydrocarbures, on assiste à un nouveau discours sur la manière d’entreprendre le développement en favorisant l’industrie et le privé algériens, mais l’espoir de voir cette nouvelle vision s’appliquer est vite battue en brèche par les incertitudes politiques que suscite une nouvelle révision de la Constitution, dont on ignore le contenu, la concentration du pouvoir entre les mains d’un Président gravement malade, l’incohérence idéologique de l’équipe gouvernementale, l’intrusion possible de pouvoirs parallèles et, bien entendu, les effets souvent déterminants de la géopolitique.
L’Algérien, tout comme l’étranger craignent de ce fait d’investir en Algérie, tant le climat des affaires couplé à une absence totale de visibilité s’est assombri. L’investisseur étranger est, de surcroît, totalement dérouté, notamment depuis qu’il lui est fait obligation de partager la propriété de son investissement avec des partenaires algériens. Des partenaires souvent choisis non pas en fonction de leurs capacités, mais de leurs accointances avec le cercle présidentiel qu’ils ont soutenu financièrement à l’occasion des campagnes électorales.
Ceux qui attendaient des changements systémiques en matière d’orientation économique ont également été désagréablement surpris par la toute récente reconfiguration du secteur public économique mise en application par le ministre de l’Industrie, avec très certainement le consentement de Bouteflika, consistant à remettre les entreprises publiques économiques sous la tutelle des ministères, comme au temps de l’Algérie socialiste.
On est même revenu aux ruineux et inutiles assainissements financiers qu’on croyait à jamais révolus. Les entreprises publiques économiques vont de nouveau engloutir environ 400 milliards de dinars pour effacer leurs dettes et disposer de l’argent frais qui leur faisait défaut. Il est évident qu’avec autant de capitaux il aurait été possible de créer des milliers d’entreprises nouvelles et un nombre incalculable d’emplois qui viendraient renforcer le développement du pays, et non pas prendre le risque de tirer notre économie vers le bas par des entreprises publiques irrémédiablement déstructurées.
Ce n’est vraiment pas ainsi que l’Algérie pourra construire dans un délai raisonnable une économie de marché véritable dans la laquelle pourront activer d’authentiques firmes qui trouveront sur place les outils essentiels du système de marché (marché boursier, marché des changes, marché foncier, moyens de paiement modernes, etc.). L’immobilisme, voire même la régression qui affectent la gouvernance de pratiquement tous les secteurs d’activités économiques sont tels qu’on n’ose même pas espérer des changements systémiques, du moins dans le court terme porteur de graves incertitudes.
Au vu de ce constat, il n’est donc pas étonnant que les sociétés présentes en Algérie aient du mal à vivre de leurs propres ressources, à prendre en charge leurs destins d’entreprises qui, par définition, doivent créer de la richesse et non pas appauvrir le pays par des déficits chroniques. Il n’est également pas étonnant que les investisseurs étrangers ne se bousculent pas au portillon, même si nos réserves de change restent confortables en dépit de la forte baisse des recettes des hydrocarbures.
Pour choisir de venir en Algérie plutôt que dans un des très nombreux pays qui les sollicitent, il faudrait que ces investisseurs puissent trouver non seulement les facilités classiques (téléphone, locaux, terrains, services bancaires, des écoles pour les enfants d’expatriés, des possibilités de loisirs etc.) que bon nombre de pays peuvent aisément leur offrir, mais également un marché financier qui leur permette de se financer dans les meilleures conditions de délais et de taux d’intérêt, des banques d’investissement fortement capitalisées pour accompagner les gros projets, un marché des changes où ils trouveraient en quantités suffisantes les devises nécessaires à l’exploitation de leurs entreprises, un marché immobilier où ils trouveraient les terrains et locaux nécessaires à des prix acceptables.
Après seize années de pouvoir, Bouteflika et ses équipes gouvernementales n’ont mis aucun de ces mécanismes en place, amenant l’Algérie à avoir, en dépit de ses ressources colossales, l’économie la plus archaïque du bassin méditerranéen.
En sus de la question centrale de la démocratisation du pays, c’est sur la résolution des problèmes économiques que les Algériens devaient juger le président Bouteflika. Au bout de seize années de pouvoir, il n’aura réussi à régler ni l’une ni l’autre.*Nordine Grim- El Watan-lundi 13/04/2015 |
**Rachid Boudjemaâ, docteur d’Etat es science économique
*L’Algérie a échoué devant les exigences de la rationalité productive
Rachid Boudjemaâ est docteur d’Etat es science économique. Cumulant une longue et riche expérience dans l’enseignement universitaire et supérieur (maître de conférences à l’INPS d’Alger) et consultant auprès de plusieurs institutions, il est aussi auteur de plusieurs publication, dont le livre «Economie du développement de l’Algérie 1962-2010» qui a été édité en 3 volumes aux éditions El Khaldounia en octobre 2011. Dans cet entretien, et en fin connaisseur, il dissèque les politiques économiques suivies sous l’ère Bouteflika.
Une année après la réélection de A. Bouteflika pour un 4e mandat, quel est l’état de l’économie nationale selon vous ? Certains estiment que son règne à immunisé le pays, alors que d’autres parlent d’immobilisme et de paralysie totale…
***L’année 2014 a été difficile pour la plupart des pays du monde, notamment ceux dont le «sort» est suspendu au prix du pétrole, cet or noir malmené par l’économie mondiale, qui rappelle épisodiquement à ses détenteurs la fragilité de leur puissance et le caractère superflu de ce qu’ils nomment injustement «leur richesse». La crise est partout aujourd’hui : en Europe, dans les pays émergents et à un degré moindre aux Etats-Unis. L’Algérie a évidemment son lot de ce désarroi quasi-planétaire, même s’il faut admettre que la gestion assez prudente de ses devises a joué et continue de jouer, à son actif, un rôle d’amortisseur de l’austérité économique et sociale qui devait, en toute logique, suivre la contraction de ses ressources financières.
Ce qui explique que, globalement, l’Etat n’a pas opéré de rupture remarquable d’avec son élan dépensier habituel. Et tant mieux d’ailleurs que la parcimonie, chère au décideur politique en contexte de crise, n’ait pas été activée en raison aussi bien de l’opportunité des projets programmés que de la nécessité de prendre en charge les besoins fondamentaux des citoyens, comme gage de consolidation de cette petite lueur (ô combien fragile) de paix sociale qui se dessine dans le ciel algérien. Mais il ne faudrait pas comprendre par là que le gouvernement a, dans les circonstances internes et externes actuelles, un visa politique de repos sur ses lauriers.
Loin s’en faut ! Et il le sait très bien. Le stress qui le traverse ces derniers mois et qui est à la fois visible et lisible dans les attitudes et discours officiels est, à n’en pas douter, une preuve de sa prise de conscience du caractère non aisément reproductible de ses prouesses d’aujourd’hui et de la nature faiblement salvatrice de la vieille option nationale du développement sociétal par l’Etat et le pétrole.
D’aucuns savent qu’il est impossible d’édifier une stabilité économique et sociale et donc politique sur des revenus erratiques. En général, lorsque ces derniers commencent à se contracter, les choix économiques finissent pas s’imposer avec, souvent, une facture sociale douloureuse et à faible «soutenabilité» politique.
C’est dire la limite du pouvoir «développementiste» de l’argent et l’impératif national de reconsidérer, à l’avenir, les facteurs réels de la croissance économique. Au regard du rythme de diminution de ses recettes, l’Algérie n’est pas, toutes choses égales par ailleurs, loin de l’immersion dans la froideur du calcul économique ou des choix d’allocation des ressources rares qui remettront en cause bien des acquis, des problématiques et pourquoi pas des positions ! En vérité, l’affaiblissement de la santé financière de l’Algérie y convoque instamment l’objet de la science économique que de longues années de «vaches grasses» ont rendu quasiment superflu, sous la volonté subjective de l’Etat qui ne veut pas avoir avec l’économie et la société d’autres liens que ceux de dilution ou de subordination.
L’Algérie est-elle pour autant, en reprenant les termes de votre question, immunisée, immobilisée ou totalement paralysée ? Si vous entendez par immobilisme ou paralysie totale de l’Algérie le fait qu’elle peine, malgré les sommes colossales qui y sont investies, à faire de la croissance, à créer des emplois réels, à améliorer sa valeur ajoutée manufacturière, à diversifier ses exportations, à adhérer à l’OMC, à être économiquement attractive et à susciter le respect des organisations internationales qui évaluent le développement à l’échelle mondiale, je vous répondrais, sans aucune nuance, par l’affirmative.
Et sur ce plan, beaucoup d’années s’écoulent en Algérie dans la ressemblance. Et 2014 n’a pas, en dehors du bas niveau du prix de pétrole, de singularité notable.
Les multiples procès Sonatrach, Autoroute. est-ouest, Khalifa sont-ils programmés pour faire le procès du règne Bouteflika ou bien pour clore définitivement ces affaires qui ternissent sa gouvernance?
***Comme tous les citoyens lettrés de ce pays, j’ai pris connaissance des «affaires» dont vous parlez dans la presse nationale et parfois étrangère. Mais je n’en suis pas plus informé que mes compatriotes qui suivent de loin l’actualité nationale. Les procès Sonatrach, autoroute Est-Ouest, Khalifa programmés visent-ils à assener un coup au chef de l’Etat ou à clore les affaires qui ternissent sa gouvernance ?
Soulignons de prime abord que c’est la non-programmation de ces procès qui aurait été anormale et suspecte.
Puisque la justice s’en charge, il faut peut-être lui laisser toute l’indépendance pour instruire, juger, inculper ou innocenter. Il n’est pas de mon intention d’expliquer ici les causes d’un phénomène qui, par essence, est condamnable. Mais ces affaires qui déterminent, parmi tant d’autres, la notation souvent humiliante de l’Algérie par Transparency International ne valent pas seulement par les sommes détournées, «vraies ou fantaisistes» rapportées par les journaux. Elles doivent être étudiées également en rapport :
- d’abord, avec le coup porté à la foi et à la mobilisation citoyennes face aux efforts et sacrifices qu’impose l’édification nationale. En général, lorsque le chef de famille est considéré comme «suspect», les autres membres ne se sentent plus concernés par la «chose commune ou familiale».
Aussi, peut-il exister un lien positif entre la corruption active qui alimente les «Unes» de la presse et la corruption discrète qui peut être l’œuvre de simples citoyens qui, ayant perdu leur ardeur de croire et de servir, prennent de la distance à l’égard de la chose publique et de leurs obligations professionnelles ? Et comme aujourd’hui, science et technique aidant, «l’électricité a cessé d’être une fée, même pour les enfants» (R. Aron), les Algériens, adolescents et adultes, tous niveaux d’instruction, sexes et professions confondus ont individuellement et collectivement une «idée» de ce qui se trame «chez eux». Et chacun y va de sa formule, son verbe et son humeur du jour. La corruption n’ayant pas de «visage», ils l’expriment, à l’instar de cette douleur intense qu’ils ne voient pas, mais qu’ils ressentent de «tous leurs nerfs» de mille et une manières ;
- ensuite, avec la gouvernance qu’elles affectent dans toutes ses dimensions politique, économique, sociale et d’entreprise. Appréhendée sous l’angle des fréquents «paiements additionnels pour obtenir qu’une chose soit faite» ou de son impact négatif sur l’environnement des affaires ou encore de la tendance des élites à la prédation d’Etat, la corruption ne peut rien traduire d’autre que la manifestation d’un manque de respect du corrupteur et du corrompu pour les règles qui gouvernent leurs relations. Aussi traduit-elle un échec de gouvernance, selon la définition de la Banque mondiale ;
- enfin, avec les ressources qui sont siphonnées et donc soustraites aux actions du développement (santé, éducation, infrastructure, etc.). Vues sous ce triple angle, ces affaires, qu’elles soient jugées à temps ou de manière tardive ternissent forcément la gouvernance politique.
Enième stratégie industrielle, assises sur le commerce extérieur, nouvelle loi de finances complémentaire…, le gouvernement est-il sur la bonne voie pour faire face à la baisse des ressources (chute des cours du pétrole) ? Si c’est non, que préconisez-vous pour y remédier ?
***Manifestement, le gouvernement semble engagé dans la recherche des voies et moyens aptes à contrer les effets indésirables de la chute des recettes des hydrocarbures sur l’économie et la société. Dans ce cadre, il tente logiquement d’opposer à une situation exceptionnelle des mesures exceptionnelles. Ne dit-on pas souvent «aux grands maux, les grands remèdes».
Cependant, contrairement à bon nombre de pays où les grands maux ne trouvent généralement que de petits remèdes souvent superflus et inefficaces, l’Algérie a une marge de manœuvre financière importante, voire exceptionnelle, au regard des difficultés structurelles de l’économie mondiale d’aujourd’hui. Cette marge de manœuvre que lui procurent son Fonds de régulation des recettes et ses réserves de change lui permet de prendre en charge, sans trop de peine, au moins les besoins incompressibles de l’économie et de la société.
Ceci met déjà le gouvernement à l’abri de la panique et des conséquences des actions dans l’urgence souvent préjudiciables à la stabilité politique. En sus, en l’absence de solutions d’augmentation des ressources de l’Etat à court terme, le gouvernement veut s’essayer à apprendre à mieux dépenser, histoire de faire de petites économies de dinars et de devises, par un toilettage de la structure de ses dépenses et des importations du pays.
Sous la pression des faits historiques et des organisations financières internationales, il pourrait être amené, par exemple, à revoir quelques dispositifs d’aide, notamment les plus lourds financièrement et les moins justes socialement. Mais il faut espérer que son souci d’équilibrer les comptes publics ne le conduise, de fil en aiguille, à la mise en œuvre des programmes d’austérité, ces équilibres de misère qu’affectionnent les arithméticiens politiques et qui, sous d’autres cieux, ont appauvri, sans relance économique aucune, de larges couches de populations.
Les exemples de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne et à un degré moindre de la France sont, en la matière, édifiants. En Algérie, la nouvelle stratégie industrielle, les assises du commerce extérieur, la loi de finances complémentaire, le gaz de schiste prouvent, s’il en est besoin, que le gouvernement est au moins réactif à la dégradation, même lente, des équilibres budgétaires et externes du pays. Bien qu’il faille le faire, au vu des contraintes de l’heure, il est regrettable de voir ce qui devait être la mission naturelle, régulière et permanente du gouvernement se mouvoir en opérations de sauvetage épisodiques, actionnées seulement lorsque le «feu est en la demeure».
La chute des prix des hydrocarbures s’apparente alors à ce «coup de massue» sur la tête qui rend lucide. Après un demi-siècle de transformation économique et sociale, une longue période d’ajustement structurel, sous la houlette des institutions de Bretton Woods, le décideur politique découvre ou redécouvre, en ces temps de «vaches maigres», ce qu’il a occulté en période de «vaches grasses», à savoir les impératifs d’industrialiser le pays, de diversifier sa production, de promouvoir ses exportations hors hydrocarbures, de préserver l’environnement, d’asseoir une compétitivité de ses entreprises, etc.
En réalité, les actions actuelles du gouvernement témoignent du fait que le passé de l’Algérie n’a pas beaucoup servi à la construction structurelle de son présent. Si l’on excepte la prouesse de la gestion prudente de ses avoirs de change qu’il serait injuste d’occulter, surtout maintenant que le pétrole n’inonde plus généreusement les caisses de l’Etat, l’Algérie a globalement échoué devant les exigences de la rationalité productive. Engagée des années durant dans un processus de développement sociétal par l’Etat et le pétrole (ou par le Tout-Etat, devrais-je dire,) qui fait confiance plus à l’argent qu’à l’Homme, elle est insuffisamment innovante et donc insuffisamment productive et compétitive.
Avec un Etat qui use toujours de son vieux style d’ingérence économique, un secteur privé peu performant, des comportements de recherche de rentes des acteurs, des facteurs de la croissance dispersés, etc., elle est carrément aux antipodes des canons de la croissance mondialisée d’aujourd’hui.
Et son aisance financière quasi-régulière qui lui donne l’illusion de pouvoir acheter le développement, au lieu de le promouvoir, aggrave plus qu’elle ne soigne son aveuglement «développementiste». Mais à quelque chose malheur est bon ! Les bas prix du pétrole peuvent être une occasion d’en remodeler l’acte de développer national par la rénovation synergique des rôles de ses divers acteurs (Etat, collectivités locales, entreprises, banques, établissements financiers, universités, centres de recherches, etc.) et la mobilisation de ses divers facteurs (ressources humaines, ressources financières, management, organisation, logistique, etc.).
Cette nouvelle dynamique de développement doit permettre de libérer réellement les initiatives et de mettre en son centre l’entreprise, et au cœur de celle-ci le capital humain.
La construction d’une base productive et compétitive apte à soustraire définitivement le pays de sa dépendance aux hydrocarbures n’est pas une option, mais une condition de survie nationale. Aussi, est-il recommandé de ne pas lésiner sur les moyens, même dans un contexte de malaise financier.*Mahmoud Mamart–El Watan-lundi 13/04/2015 |
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*Ces ministres dépassés qui ne servent à rien…selon l’opinion publique, tout comme les hommes politiques
Ils sont censés prendre des décisions, faire des propositions, mais surtout donner leur point de vue et s’exprimer soit en leur nom ou celui de leur famille politique sur les sujets d’actualité.
Paradoxalement, c’est le silence qui caractérise ceux qui ont pour mission de veiller au grain, à l’intérêt suprême de la nation et au bien-être des citoyens. Il y a de quoi rester perplexe. Ce n’est pourtant pas les sujets qui manquent. Alors que la situation économique du pays est loin d’être reluisante malgré les 200 milliards de dollars de réserves de change et que le quotidien des Algériens, livrés pieds et poings liés au diktat des barons de l’informel et les effets pervers de la spéculation, devient de plus en plus insupportable, la classe politique reste étrangement silencieuse sur des questions cruciales de société, qui sont en voie de compromettre l’avenir du pays. Ce qui est frappant chez la classe politique algérienne et les relais (responsables chaperonnés) dont elle dispose au sein des institutions de l’Etat, c’est cette frontière qu’elle a tracée comme pour marquer son territoire. Forts des privilèges qu’ils se sont octroyés, ses animateurs ne semblent plus préoccupés que par les séismes qui secouent leurs formations politiques. Un cocon, une sorte de nid douillet loin des petits soucis qui consument à petit feu l’Algérien moyen d’où la classe politique n’émerge que lorsque ses intérêts sont menacés. Faut-il qu’il y ait une «révolution» pour la faire sortir de cette hibernation permanente qui la caractérise? En effet, des sujets brûlants ont tout récemment entretenu et alimenté la scène médiatique à l’instar de la dégringolade des cours de l’or noir qui ont perdu environ 30 dollars en l’espace de trois mois allant jusqu’à lancer le débat sur la remise en cause des investissements consentis dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014. Excepté Karim Djoudi, le ministre des Finances, qui a commenté la déclaration du directeur conseiller de la Banque d’Algérie, Djamel Benbelkacem, qui avait prévenu le 1er juillet que «désormais, l’équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril…» aucune voix pratiquement, en provenance du sérail, ne s’est élevée. L’élite politique ne pouvait pourtant ignorer que la bonne santé de l’économie nationale et son actuelle embellie en dépendent. Il suffit que les prix du pétrole chutent brutalement pour que le bel édifice qui a pris forme depuis quelques années s’écroule. L’Algérie peut perdre 20 milliards de dollars par an. «Nous avons perdu 30 dollars depuis le niveau qu’avait atteint (le baril de pétrole) depuis quelques mois, 30 dollars, c’est une chute drastique et sur une année, ça représente pour nous entre 18 et 20 milliards de dollars de revenus en moins et d’exportation. En moins, ceci est inquiétant», avait souligné le 4 juillet Youcef Yousfi, le ministre de l’Energie et des Mines sur les ondes de la Radio nationale, Chaîne III. Cela n’a pas ému outre mesure nos responsables politiques. La rente pétrolière, intarissable pour certains, fait-elle leur affaire? Ils ne le diront pas, occupés sans doute à fourbir leurs armes dans le cadre des prochaines joutes électorales (locales et présidentielle) tout en tentant de recoller les morceaux au sein de leurs partis. Leur existence en dépend. Une espèce d’attitude qui consiste à se regarder le nombril jusqu’à occulter, par exemple, cette enquête de l’ONS, (Office national des statistiques) de 2010 livrée mardi dernier (dans quel intérêt? Ndlr), dont les chiffres qui n’ont pas été réactualisés (pourquoi? Ndlr) indiquaient que «la population inactive âgée de 15 ans et plus était estimée en 2010 à 15,1 millions, dont 11 millions de femmes». Une information qui aurait fait l’effet d’une bombe… ailleurs. Que dire de la flambée des prix des produits de consommation de base, de celle des fruits et légumes, des viandes rouge et blanche… qui ont laminé le pouvoir d’achat des Algériens jusqu’à ce qu’environ 1,5 million d’entre eux aient recours au couffin du Ramadhan pour qu’ils puissent se nourrir.
La aussi c’est «silence radio» du côté des quartiers généraux de pratiquement l’ensemble des partis. Un constat qui donne une idée du chemin qui reste à parcourir en matière de culture politique et de répartition équitable des richesses pour faire pencher la balance du bon côté. Un effort qu’une certaine catégorie de privilégiés (politiques, hauts fonctionnaires, directeurs centraux…) n’est pas prête à consentir…(L’Expression-28.07.2012.)
**peu de choses ont changé
** Industrie et Agriculture *électronique et pharmacie
Improvisation et importations massives tous azimuts et sans expertise
Renoncement à la production nationale et la facture des importations est devenue de plus en plus lourde
avec pour seuls bénéficiaires des petits groupes qui se sont incrustés dans des créneaux juteux très porteurs, sans plus-value ni perspective de développement pour le pays.
Des tentatives sont faites pour rattraper ce qui a été perdu au cours des dernières décennies quand la facilité et l’improvisation ont fait fonction de politique de développement national. Ainsi, les deux pivots qui auraient dû déterminer le décollage de l’économie nationale,
l’industrie et l’agriculture, ont été délaissés au profit de l’importation tous azimuts. Les fleurons de l’industrie algérienne ont été, soit abandonnés, soit privatisés, dont le must reste le complexe sidérurgique d’El Hadjar cédé à ArcelorMittal et dont l’Algérie va en reprendre prochainement le contrôle. Certes, l’industrie algérienne avait pris un coup de vieux, surtout à l’aune de l’ouverture du pays à l’économie de marché, mais il y avait sans doute une autre manière de la mettre à niveau que celle de l’abandon dont elle a été victime. Par ailleurs, les branches plus ou moins saines, sinon compétitives de l’industrie telles que l’électronique et la pharmacie (Enie et Saidal) ont été livrées à une concurrence déloyale par l’autorisation de l’importation – sans contrôle – de produits finis ou semi-finis mettant à mal la production de ces deux entreprises nationales. En fait, l’importation tous azimuts et sans expertise, outre d’avoir déstabilisé la production nationale, a ouvert la voie à la dépendance de l’Algérie de la production étrangère dès lors que le pays n’arrive plus à subvenir aux besoins exprimés par la population. Ce qui est vrai pour l’industrie, l’est également pour l’agriculture dont les produits sont importés par l’Algérie. On peut toujours se demander le pourquoi de cette déviance – c’en est une – qui fait que l’Algérie soit mise en situation de ne pouvoir compter sur sa seule production pour satisfaire les demandes de la population. En d’autres termes, le pays n’a plus les moyens d’assurer son autosuffisance. Attention, quand nous disons moyens, il ne s’agit pas de moyens financiers, mais de production de biens de consommation. De fait, ce sont les moyens financiers dont dispose l’Algérie qui ont entraîné le renoncement à une production nationale qui demandait de la volonté, de la patience et surtout une vision globale pour réévaluer une production agricole en deçà des besoins du pays. Dépendre de l’étranger pour sa nourriture est contre-productif dès lors que cela met en équation la souveraineté et l’indépendance du pays. En effet, la situation est devenue à tout le moins intolérable à partir du moment où l’Algérie n’a plus les capacités productives à même de lui assurer son indépendance alimentaire. Les autorités s’en sont-elles seulement rendues compte? Or, nombre d’économistes et de politiciens n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. Or, jusqu’à une date récente sans effet, peu de choses ont changé et l’importation demeurait le substitut le plus adéquat. En fait, la manne pétrolière – qui a garanti ces dernières années nos importations dans des secteurs-clés de l’alimentation, du médicament et de l’industrie (importations massives de voitures) – a fait perdre de vue que celle-ci est volatile et viendra le jour où elle commencera par s’amenuiser. D’autre part, outre la baisse de la production nationale d’hydrocarbures, des énergies de substitution voient le jour, qui font qu’un jour ou l’autre, la manne pétrolière pourrait devenir inefficace. D’où l’interrogation: «Pourquoi l’Algérie s’est-elle mutée en importatrice nette de tout ce qu’elle consomme?», en particulier dans l’agroalimentaire? L’importation, outre de coûter cher au Trésor public, ne crée pas d’emplois, donc ne crée pas la richesse, avec pour seuls bénéficiaires des petits groupes qui se sont incrustés dans des créneaux juteux très porteurs, sans plus-value ni perspective de développement pour le pays. De fait, par ses importations massives, l’Algérie soutient surtout la production des pays européens, notamment d’où provient l’essentiel de nos importations, au détriment, bien sûr, de notre propre production agricole et industrielle laissée en jachère pour l’une, étouffée et livrée aux surenchères de l’import-import pour l’autre. Ce qu’il faut aussi relever est que la facture des importations est devenue de plus en plus lourde. Peut-on aujourd’hui rationaliser de nouvelles stratégies pour redonner à la production nationale tout son sens et sa raison d’être? En est-il seulement temps, quand durant des années on a joué à la cigale laissant les fourmis grignoter notre agriculture et notre industrie?*Par N. KRIM -L’Expression-Samedi 21 Septembre 2013
Un vent de liberté souffle sur l’Algérie
Les deux tiers de la population mondiale n’ont pas obtenu la libération politique au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, mais seulement l’indépendance nationale, la libération du territoire, mais non la liberté. C’est là tout le problème. La confusion est entretenue entre les droits de l’Etat et les droits humains qui sont une politique fondamentale qui conditionne toutes les autres.
L’indépendance du pays ne peut avoir de sens que si elle instaure la souveraineté populaire, la citoyenneté, la liberté, la justice, le pluralisme politique, syndical et culturel, l’égalité de la femme avec l’homme, la justice sociale. Le système politique instauré en Algérie en 1962 emprunte beaucoup au système colonial. L’Algérie n’est plus une colonie, le pouvoir ne doit pas l’oublier. Le terme Révolution est détourné de son sens et de sa substance.
Les Algériens subissent un niveau très élevé d’aliénation politique. Elle est la vérité qu’il faut proclamer. Le climat politique très tendu risque de s’aggraver. Cela est gravissime. La situation que vit le pays est trop grave pour ne pas l’exprimer à haute et intelligible voix. Certaines vérités doivent être dites, car il faut voir la réalité en face sans tabou ni œillères. «La vérité seule et sans force», a dit Pierre Bourdieu, il faut lui donner un peu de force sociale.
Les choses doivent être dites en termes élégants, mais vu l’urgence, les mots s’expriment sans détour, dans une langue simple qui va droit au but. Nous sommes dans l’impasse, il faut une sortie. Un proverbe chinois dit : «Le seigneur est le bateau, les gens ordinaires l’eau. L’eau porte le bateau ou le fait chavirer.» Le peuple algérien ne peut sortir de l’impasse où il se trouve que s’il guide le Président vers la sortie.
La crise, par son ampleur et son étendue, est politique et morale, économique et sociale, culturelle et identitaire. Elle fait suite à un échec global du pouvoir, affecte toute la société qui n’a pas mesuré sa durée, ses enjeux, pour réagir par une pensée réfléchie. Les Algériens dans leur grande majorité manifestent leur opposition à la dictature avec son arrogance, sa suffisance, son mépris du peuple, et aspirent à la liberté et à la justice. Ce n’est plus la conjugaison des pouvoirs qui est recherchée au somment de l’Etat mais leur équilibre, malgré les divergences et les contradictions. Les institutions politiques issues d’élections truquées sont illégitimes. La politique n’est pas un métier mais une vocation.
La presse se caractérise par le souci d’informer régulièrement par la rapidité et l’exactitude de l’information, ce qui se passe dans le pays et dans le monde. Au sommet de l’Etat, les manœuvres et les rivalités sont inséparables des fins de règne. La lutte pour la succession est ouverte. L’éternel débat est : faut-il moderniser l’islam comme le préconisent de nombreux spécialistes et philosophes (relayés par Noureddine Boukrouh à travers ses nombreux articles publiés par Le Soir d’Algérie) ou islamiser la modernité ?
Le président Bouteflika détient des pouvoirs qu’il ne peut exercer et qu’il délègue
Les trois qualités du Président sont : prendre le pouvoir par un coup d’Etat par les armes ou par les urnes, l’exercer et étendre ses attributions par le viol de la Constitution pour régner et gouverner à la fois sans partage et sans contrepouvoir, le garder par le refus de l’alternance. Le besoin d’un tyran, d’un dictateur, est à rapprocher d’une sentence de Gengis Khan : «Il ne faut pas craindre d’être dictateur quand c’est pour le besoin de tous.» Un pouvoir politique dictatorial qui déploie volonté et énergie, favorise mieux le développement économique que la démocratie. Pour les partisans de la dictature, la démocratie n’est pas une vertu, mais le vice même.
L’homme providentiel, vénéré, se sublime, se donne du talent, du génie même s’il arrive au pouvoir avec un projet de société et n’a besoin que d’exécution. L’illusion du progrès entretenu par le pouvoir illusionniste, sans illusions, qui s’illusionne lui-même en se berçant d’illusions n’est que désillusion.
Bouteflika n’est pas le président de tous les Algériens, mais seulement du clan qui le soutient, les puissants et les riches toujours plus riches, généreux donateurs de ses campagnes présidentielles. Mais le temps de l’explication est venu par l’irruption dans le réel. Abdelaziz Bouteflika, âgé de 78 ans, 16 ans de règne à la magistrature suprême, atteint d’une maladie grave et durable qui relève de l’article 88 de la Constitution qui, appliqué, doit le déclarer hors-jeu, s’est déchargé de ses pouvoirs qu’il ne peut plus assurer.
Un président sans légitimité issu de la fraude électorale dirige le pays
La mainmise sur les institutions politiques de l’Etat s’est faite à partir du coup d’Etat constitutionnel de 2008 qui a abrogé les mandats présidentiels, limités à deux, ce qui est la logique de par le monde. Les députés et sénateurs, issus pour la plupart d’élections truquées, ne sont pas les représentants du peuple qui confère seul la légitimité par des élections propres et transparentes, mais du pouvoir.
Ils sont rémunérés près de 400 000 DA par mois avec les privilèges et avantages, mais réclament avec insistance une augmentation. On se demande à quoi sert le Parlement dont le Président a pris les commandes. L’APN, composée de 462 députés, devrait être réduite à 300.
Les élections ont toujours été massivement truquées
Il faut rafraîchir la mémoire des Algériens sur la fraude électorale, vieille tradition coloniale, amplifiée depuis l’indépendance du pays, qui est au rendez-vous de toutes les élections. La fraude déforme et pervertit le suffrage universel, fausse la voie des urnes et la vérité électorale. Les élections, qui ne maintiennent que la forme extérieure de la démocratie, mais ne garantissent pas la liberté et la sincérité du scrutin, conviennent à l’Occident dont l’intérêt politique, stratégique et économique, est de maintenir les dictateurs au pouvoir.
Les fraudes électorales ont explosé durant le règne du président Bouteflika, pour le 4e mandat, un mandat de trop, dont le rejet par le peuple était profond et massif, il voulait non seulement des élections sans surprise dont les résultats sont connus d’avance, mais un plébiscite en sa faveur. Il fixe lui-même le score qu’il désire obtenir.
La mise en œuvre relève du DRS et du ministre de l’Intérieur avec le concours de l’administration, walis en tête. La fraude électorale a atteint un niveau record à la présidentielle du 17 avril 2014, qui a maintenu le Président sur le devant de la scène politique pour garder son pouvoir et prolonger son règne. Le vainqueur du scrutin du 17 avril 2014 est l’électorat qui a déserté les urnes, expression et sanction du désaveu populaire.
Le temps de ce pouvoir est révolu, il doit quitter la scène politique
L’accélération de l’histoire fait du départ du Président un préalable, un impératif même. Le message du 19 mars 2015, qui appelle à la haine et à la violence, n’émane pas du Président mais des clans qui veulent prendre les rênes du pouvoir. La violence des mots annonce la répression de toute critique de l’opposition nationale et de la presse, qui n’ont pas le droit de contester et de manifester. Il dit «être dans l’obligation d’user de fermeté et de rigueur». C’est une voie sans issue. Il ne faut pas écouter ce que disent les dirigeants du pays mais ce qu’ils font, ils surestiment leurs propres forces.
Les événements s’accélèrent, la solution est politique, il faut éliminer la violence, avoir le courage et la volonté de résister à l’envie de se battre. Qui possède vraiment le pouvoir et prend les décisions importantes au plus haut niveau de l’Etat ? L’armée, le DRS, un clan présidentiel ? Le président Bouteflika, depuis 16 ans au pouvoir, n’a pas fait émerger une nouvelle génération politique. La vieille génération s’accroche au pouvoir, gère le statu quo et l’immobilisme. L’Algérie a un pouvoir de vieux, du corps et de la tête. Le mode dynastique de transmission du pouvoir est une dérive dictatoriale.
La femme algérienne contrôle et maîtrise son corps, planifie les naissances, s’indigne mais ne se résigne pas pour construire sa vie au lieu de la subir. Pilier du foyer, sa cause avance, exprime une forte demande de liberté pour son émancipation qui passe par l’égalité des droits avec l’homme, pour l’application de ces droits et la révision du code de la famille qui fait d’elle une manœuvre à vie. La célèbre formule de Jean-Jacques Rousseau dans Emile est toujours d’actualité : «En tout ce qui n’est pas le sexe, la femme est homme.»
La politique néolibérale est porteuse d’injustices sociales et d’inefficacité économique
L’économie est paralysée, l’esprit de rente l’emporte sur l’esprit d’entreprise. Le bilan de l’état du pays soumis au clientélisme, à l’affairisme et à la corruption à tous les niveaux et dans tous les domaines est accablant. Le pays est rongé par la corruption, mais il est impossible de faire la lumière sur une série de scandales portant sur des malversations et le favoritisme dans les contrats publics. Corrompus et corrupteurs se trouvent dans les clans du pouvoir. Les profiteurs ont remplacé les serviteurs de la République. Les dirigeants du pays sont nombreux à avoir un intérêt financier personnel ou familial, direct ou indirect, dans une entreprise ou dans l’économie informelle.
La finance est intimement liée au pouvoir politique. C’est le pillage des biens de la nation par ses gestionnaires qui agissent en toute impunité, même s’ils sont impliqués dans la corruption active ou passive, le trafic d’influence, le faux et usage de faux. Le pouvoir se pare de toutes les vertus alors qu’il ne fait que cultiver la culture de l’échec. Une économie qui exporte ses ressources naturelles et mange ce capital par l’importation de 65% de ses produits de consommation alimentaire est livrée au néolibéralisme aux conséquences désastreuses.
Avec plus de 700 milliards de dollars dépensés, le pouvoir n’a pas fait de l’Algérie un pays émergent, encore moins un pays développé.
Les Algériens, qui luttent pour obtenir de meilleures conditions de vie et de travail, opposent une résistance à l’arbitraire qu’ils subissent dans leur vie quotidienne de la part d’un pouvoir néolibéral qui applique une politique économique et sociale catastrophique. Le chômage de masse est le barème de la pauvreté. Le coût de la vie est en hausse continue. Les couches moyennes de la société ne vont plus au restaurant car elles n’ont plus les moyens de payer l’addition.
Les grands indicateurs économiques sont au rouge : explosion des inégalités, dinar faible, pouvoir d’achat en chute libre. Il faut avoir l’énergie des syndicalistes autonomes un jour de grève pour faire face à la brutalité policière. La santé des puissants et des riches, dont les patrimoines explosent, serait-elle en danger s’ils se soumettaient aux structures médicales du pays ?
L’école, qui est le miroir de la société, ne cesse de se dégrader. Il faut favoriser le primaire dont la trilogie est : savoir lire, écrire et compter, car c’est là que se joue l’avenir de l’enfant. Comment préparer des élèves motivés, ayant un bon niveau d’instruction et de formation, à être les cerveaux de demain ? L’éducation nationale est investie de plusieurs missions : instruire, transmettre le savoir, réveiller les esprits, former les consciences, apporter des réponses aux problèmes de la société. L’Algérie a besoin d’une réforme moderne de son système éducatif, qui éliminerait l’idéologie du pouvoir.
—– L’ambition, la stratégie et la responsabilité de la CLTD sont d’établir une transition démocratique qui est un combat politique fondamental
La transition démocratique est la locomotive du changement du système politique et non un changement dans le système, qui se réalisera par l’alternance, qui est le droit souverain du peuple algérien à choisir ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l’Etat, par des élections libres et transparentes, ce qui ne s’est pas réalisé depuis l’indépendance du pays.
La réunion de Zéralda du 10 juin 2014, organisée par la CLTD, a eu un grand succès. Pour la première fois dans l’histoire du pays, une opposition nationale réunissant différents courants politiques et représentants de la société civile, a pris forme. Auparavant, le pouvoir avait déstabilisé les partis politiques de l’opposition, les syndicats autonomes, les associations de la société civile pour préserver sa stabilité.
Le 4e mandat du Président, ressenti par le peuple algérien comme une atteinte à sa dignité, a ouvert la perspective à des responsables algériens de tous bords de fédérer l’opposition.
L’enjeu est l’existence de l’Algérie, laissée en jachère, qu’il faut cultiver pour la sortir de la dictature et en faire un espace de démocratie, de liberté et de justice. La CLTD veut rendre au peuple le pouvoir qui lui a été confisqué par la fraude électorale, afin qu’il se relève, se redresse, prenne son destin en main. La réflexion est son exigence principale, suivie de l’action pour faire partager ses idées, ses analyses, afin de renforcer la cohésion sociale et consolider la solidarité nationale.
La CLTD est consciente de la situation critique du pays, a la capacité de mobiliser les Algériens pour mener de manière pacifique le changement à sa fin. Il est temps de sortir de la pensée unique, de sa férule prédatrice, de rendre au peuple algérien sa souveraineté et à l’Algérien sa citoyenneté. Le courage en politique consiste à avoir de fortes convictions qui protègent de l’opportunisme, de combattre avec détermination et constance, sans esprit hégémonique, un pouvoir illégitime.
La CNLTD est diverse et unie ; elle structure et unifie l’opposition nationale, représente l’Algérie dans sa réalité et sa diversité. Le pouvoir refuse de dialoguer avec l’opposition nationale, tire sur elle à boulets rouges par l’intermédiaire de ses alliés et ralliés, tente de bloquer toutes ses initiatives. Il faut saluer le sens politique et l’esprit d’initiative qui ont animé l’ISCO, qui ont éclairé la route suivie par des Algériennes et des Algériens qui partagent les mêmes valeurs, soucieux de défendre l’Etat de droit, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, la limitation à deux des mandats présidentiels. Plusieurs leaders de l’ISCI ont des ambitions présidentielles. C’est normal, le suffrage universel tranchera par des élections libres et transparentes. (A suivre).*Ali Yahia Abdenour/ Paru dans El Watan-lundi 13 avril 2015
**la sonnette d’alarme a été tirée des milliers de fois
Lutte contre la contrebande: où était l’Etat pendant toutes ces années ?
Le carburant demeure la monnaie forte. Les «hallaba» à l’Ouest et les «contria» à l’Est prennent le quart de notre carburant, réduisant l’Algérie à importer du combustible pour répondre aux besoins de ses citoyens, et ces derniers à subir des pénuries qui frappent le centre du pays à son tour, après avoir défrayé la chronique à l’Est et à l’Ouest.
**Les instructions du Premier ministre concernant le renforcement des moyens de lutte contre la contrebande, a priori salutaires, ne peuvent empêcher les Algériens de s’interroger : où était l’Etat pendant toutes ces années ?
Et pourquoi se réveille-t-il aujourd’hui, à huit mois de l’élection présidentielle ? Car le trafic a dépassé les limites «tolérables» bien avant que Daho Ould Kablia ne s’en rende compte et la sonnette d’alarme a été tirée des milliers de fois avant qu’Abdelmalek Sellal ne l’entende.
Les observateurs estiment que le face-à-face avec la contrebande ne sera pas une partie de plaisir ; beaucoup d’ailleurs ne miseront pas sur les capacités de l’Etat à venir à bout du monstre. Pendant que l’Etat avait le dos tourné, la contrebande a profité, en effet, pour structurer une véritable organisation criminelle qui, aujourd’hui, s’est offert ses représentants et ses défenseurs au sein de l’establishment grâce à la promotion par la «chkara» de députés et de hauts fonctionnaires.
Aucun Algérien n’ignore aujourd’hui la réalité du phénomène. Olives, poudre à canon, produits agroalimentaires, armes à feu, cigarettes, cheptel, rond à béton, drogue… Tout peut faire l’objet de négoce. Le carburant est cependant la monnaie forte. Les «hallaba» à l’Ouest et les «contria» à l’Est prennent le quart de notre carburant, réduisant l’Algérie à importer du combustible pour répondre aux besoins de ses citoyens, et ces derniers à subir des pénuries qui frappent désormais le centre du pays après avoir défrayé la chronique à l’Est et à l’Ouest.
Les précédentes stratégies de lutte accompagnant les discours politiques se sont avérées pour le moins inefficaces. Qu’on en juge. En 2008, les trois inspections des Douanes de Tébessa, Bir El Ater et Oum El Bouaghi ont saisi 16 000 litres de carburants. Ce chiffre accroché fièrement au tableau de chasse des douaniers ne représente en vérité que trois livraisons d’une camionnette. Les saisies n’ont jamais été conséquentes.
Avant de déclarer (encore une fois) la guerre au fléau, il est judicieux de faire un bilan des politiques précédentes. La création en 2009 de nouveaux postes de surveillances des frontières afin de resserrer les mailles a fini par produire l’effet contraire, c’est-à-dire l’intensification de la contrebande. La presse a maintes fois souligné les incohérences de l’administration : la douane remet les marchandises saisies à ses propriétaires via des simulacres de vente aux enchères et les APC délivrent des permis de construire d’habitats ruraux à la lisière frontalière.
Les plus pernicieuses des conditions favorables au trafic demeurent cependant «el gossa» et l’impunité dont jouissent les trafiquants. Dans le riche vocabulaire contrebandier, «el gossa» renvoie au bakchich touché par les représentants de l’Etat pour fermer les yeux sur le trafic. Tout a un prix. Des agents, voire des services indélicats, ont changé de camp pour prendre place dans le système des trafiquants. Un système bâti comme un empire riche et puissant, une pieuvre aux tentacules funestes.
Et depuis quelques années, une autre facette du phénomène a pris place dans l’actualité : à plusieurs reprises, à Tébessa, Khenchela et Oum El Bouaghi, des administrations douanières et des casernes de la gendarmerie sont attaquées par les trafiquants et leurs familles pour récupérer des marchandises saisies ou libérer des passeurs arrêtés. Ces agissements démontrent, d’un côté, la hardiesse des trafiquants et, de l’autre, la faiblesse, voire la compromission de l’Etat. Ces épisodes ayant choqué l’opinion publique ont été suivies de l’impunité déconcertante accordée aux fauteurs de troubles, ajoutant à la démobilisation nationale et élargissant le réservoir des candidats potentiels au trafic.
Des Etats tampon sont nés dans les interstices de la compromission à l’image des territoires occupés par les cartels de la drogue sud-américains. En outre, la solidarité tribale est solidement engagée dans ce jeu, au profit du trafic et contre le droit et l’intérêt national. Au point où l’on en est, Sellal peut-il sérieusement aller au bout de son idée ? *Nouri Nesrouche- El Watan-21.07.2013.
**Pourquoi l’Algérien ne décolère pas et recourt à la rue à chaque fois
Laisser-aller des autorités, absence de vision des gouvernants ou échec des politiques des pouvoirs publics?
Après un Ramadhan relativement calme, la rue algérienne entame le mois de septembre avec les prémices d’un bouillonnement sans précédent. Plusieurs émeutes à Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Skikda, Djelfa ont éclaté depuis le début de ce mois. Ces protestations ont toutes un dénominateur commun. Elles sont, pour le moment, limitées au seul volet social, sans revendication politique apparente. Les citoyens revendiquent des logements, de l’eau potable, le revêtement des routes et ils dénoncent les récurrentes coupures d’électricité. Comment expliquer toutes ces manifestations sur le terrain? Pourquoi l’Algérien ne décolère pas et recourt à la rue à chaque fois qu’il est confronté à un problème? Cela ne signifie-t-il pas que les élus locaux ne représentent aucunement leurs concitoyens, cela ne traduit-il pas un grave déficit de représentation?
Les villageois parlent de laisser-aller des autorités, les politiques évoquent l’absence de vision des gouvernants alors que les sociologues expliquent cette situation par l’échec des politiques publiques en matière de prise en charge des besoins sociaux des populations.
Le politologue Mohamed Hadef explique cette situation par l’absence de nouvelles voies pacifiques pour s’exprimer et demoyens pour mesurer le climat de défiance qui prévaut chez la population.
«Les grands problèmes socio-économiques n’ont jamais été résolus d’une manière radicale et efficace», a-t-il déclaré, soulignant que la société algérienne est actuellement en position de défi à cause du bricolage érigé en politique de gestion.«Pour l’instant, nous n’avons pas encore jeté les bases solides d’un nouvel ordre social juste et équitable. Il est à construire avec des lois, des règles, sur des nouvelles bases, solides, crédibles et efficaces», a précisé notre interlocuteur.
Le sociologue Abdelmadjid Merdaci explique pour sa part, ces mouvements de protestation répétitifs par «l’échec global du pouvoir politique à projeter un avenir» meilleur pour la société. «La situation globale procède d’un échec des politiques adoptées par les pouvoirs publics», a-t-il estimé. M. Merdaci évoque également le manque de légitimité des institutions électives au niveau local et le caractère arbitraire de l’administration qui «monopolise la décision».
Sur le dossier du logement, source de cette exaspération sociale, notre interlocuteur se réfère à la donnée irréversible de l’urbanisation. Ce processus a, a-t-il estimé, fait que la pression de la demande est supérieure à la capacité de l’offre des pouvoirs publics. A Alger, cette donne a embrasé plusieurs quartiers ces derniers jours.
Pour Ziad Lefgoum un activiste du mouvement associatif, président de l’association culturelle Tussna, cette situation peut être expliquée par le nombre par trop important de problèmes sur le front social.
Notre interlocuteur, qui a voulu préserver l’anonymat, cite parmi ces problèmes l’injustice, le verrouillage des espaces d’expression, les promesses non tenues des responsables et l’exclusion totale des citoyens sur les sujets les concernant.
«Cela en plus de la corruption qui a gangréné tous les niveaux du pouvoir, provoquant la décomposition totale des institutions de la République», a-t-il ajouté.
Pour un membre d’un comité de village, cette situation est due au laisser-aller des autorités.
Les habitants de son village ont organisé quatre mouvements de protestation en l’espace seulement d’une année. Les revendications sont sociales, tournant autour de l’alimentation en eau potable, en gaz de ville et la construction des routes. «On a protesté en une année quatre fois. On a fermé le siège de l’APC, de la daïra, de l’ADE, on a rencontré les responsables locaux, on a signé des PV, mais presque rien de concret n’est venu alléger notre quotidien. Si la situation perdure, et si on va protester encore une fois, c’est qu’il y a négligence. Les promesses des pouvoirs publics ne sont que de la poudre aux yeux. Ils ne se soucient pas des préoccupations citoyennes», a-t-il expliqué. «Comment demander à l’Algérien donc de ne pas protester quand le secrétaire général d’une daïra dit à ses interlocuteurs d’un comité de village que nous sommes gérés par la rue? N’est-ce pas là une invitation en bonne et due forme à la protestation?», explique notre interlocuteur. (L’Expression-06.09.2011.)
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Face à des situations qui leur échappent en réalité
«Les autorités rusent pour nous faire croire qu’elles maîtrisent la situation»
*Mehdi Souiah est Sociologue et enseignant, membre du laboratoire Philosophie, sciences et développement en Algérie (PHSCDA), université d’Oran. Entretien
- Le ministère de l’Intérieur peine à trouver une solution pour interdire les parkings sauvages, un phénomène qui se généralise, il a donc décidé de les régulariser à travers une circulaire où il est demandé à toutes les APC d’approcher les jeunes qui s’autoproclament parkingueurs dans leur quartier pour leur donner un statut, des gilets et une autorisation, contre quoi, chaque «coopérative de parkingueurs» verse 10% de ses recettes à l’APC en fin d’année. Que pensez-vous de cette initiative ? Assiste-t-on à une privatisation de l’espace public ?
Privatisation de l’espace public… Je ne crois pas que nous devons l’interpréter ainsi. C’est juste, à mon avis, que c’est une tentative de la part des politiques de donner l’illusion de la maîtrise d’une situation qui leur échappe en réalité. Le fait est, qu’on a toujours beaucoup de peine à contenir, à maîtriser pour ne pas dire résorber l’activité informelle. On est dans l’impossibilité de la résorber parce que justement elle est informelle, émane d’une logique de contournement des règles et des lois, des stratégies sont mises en place pour échapper à tout contrôle, étatique ou autre. Sommer ces jeunes qui s’improvisent gardiens de parking à verser 10% de la recette annuelle, je dirai que c’est un projet ambitieux, mais malheureusement irréalisable. La raison est que ces jeunes, comme c’est le cas pour la plupart des autres jeunes qui activent dans le secteur informel, sont dans une démarche de bricolage, d’ailleurs ils définissent souvent leur activité par ce mot, «rani n’bricoli, n’teftef» et autres expressions qui reviennent souvent dans leur discours, comme pour signifier la précarité de leur situation socio-économique, mais aussi et surtout pour souligner le trait provisoire d’une telle situation. On est continuellement dans l’attente d’un avenir meilleur, d’être recruté comme veilleur de nuit ou de quitter le pays. Leur réclamer de tenir une comptabilité dans le but de verser une partie de leur gain serait un peu trop leur demander, à mon avis. Donc, juste pour finir avec cette histoire des 10% de la recette, les pouvoirs publics savent pertinemment qu’ils ne vont pas les avoir, c’est juste une ruse, une stratégie que je qualifierai de «marketing», censée rassurer la population, une manière de dire : «Pas de panique, la situation est sous contrôle… S’ils sont toujours présents sur la voie publique, c’est parce que nous avons jugé utile de les maintenir sur place, nous tolérons leur présence.»
- Ce phénomène relance le débat sur ces jeunes désœuvrés et le chômage qui les pousse à alimenter le commerce informel. Quel commentaire pouvez-vous en faire ?
D’une manière générale, le jeune Algérien a un rapport un peu particulier au «travail». Le chômage, la précarité même s’ils restent des conditions objectives à l’origine de la dynamisation de ce secteur (commerce/économie informel(le)), ils n’en sont toutefois pas les seuls, il y a d’autres éléments qui entrent en jeu, et qu’il faudrait prendre en considération. Et je crois que pour comprendre ce rapport (au travail), il faudrait peut- être l’appréhender dans sa totalité. Ce jeune est le produit d’une société, c’est elle qui a fait de lui un être qui peut à tout moment se diriger vers le secteur informel sans honte et sans difficulté quand le secteur «formel» lui ferme ses portes ou qu’il ne suffit pas à subvenir à ses besoins. C’est ce même environnement dans lequel il a été socialisé qui lui a fourni les outils et les réflexes nécessaires lui permettant d’évoluer dans le secteur informel. Il ne fait qu’agir selon une logique de reproduction de pratiques préexistantes en réalité, je me rappelle dans les années quatre-vingt quelques-uns de mes camarades de classe (dans le cycle primaire) n’hésitaient pas, de temps à autre, à prendre place dans la file d’attente du Souk el fellah pour acheter un quelconque produit pour le revendre par la suite à un copain, un voisin ou autre personne qui était dans l’impossibilité, faute de temps, de faire la queue pour acheter le bidon d’huile ou le paquet de lessive, et ce, dans le seul but de gagner quelques dinars, je vous conseille à ce propos de lire l’excellent essai d’Ahmed Henni sur l’économie parallèle où il explique justement qu’outre le fait que le secteur informel soit une résurgence de pratiques sociales traditionnelles, permet la subsistance de sociétés à l’économie formelle en crise. Mais j’ajouterai aussi qu’actuellement, ce n’est pas que l’économie qui est en crise (et là je ne fais que dire ce que tout le monde pense), mais la société elle-même est en pleine crise.
- Pour information, la police a arrêté plus de 400 parkingueurs depuis le début de l’année, alors que des centaines d’autres sont ou tolérés ou régularisés. Les pouvoirs publics semblent hésiter entre répression et régularisation. Pensez-vous que ces jeunes constituent une menace à l’ordre public ?
Les informations me manquent pour prendre une quelconque position, seulement je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils représentent une menace réelle à l’ordre public, mais plutôt une «présence gênante» pour l’usager de la voie publique. D’ailleurs, cet usager a appris à faire avec, il a fini par accepter les termes du contrat qui le lie à eux, un accord tacite qui fait de l’espace public un objet de négociations, non pas mercantile, mais social dans le mesure où l’espace public est autant un théâtre où chacun, l’automobiliste, le gardien de parking, le marchand ambulant, etc., a son rôle à jouer et un espace à occuper sur la scène sociale.*El Watan-14.01.2014
**Les incendies se multiplient en touchant des postes stratégiques
Encore un autre incident. La tour de contrôle au niveau de l’aéroport international d’Alger a failli être endommagée par les feux lundi 29 juillet 2013.
Un incendie s’est déclenché vers 18h29 au niveau de la tour provoqué par un court-circuit dans l’un des climatiseurs avant que le feu n’atteigne un second climatiseur.
Fort heureusement, les éléments de la Protection civile étaient sur place pour combattre ce début d’incendie avant qu’il ne se propage.
«L’incendie a provoqué quelques dégâts matériels, mais les techniciens ont réussi à rétablir le fonctionnement de la tour de contrôle pour permettre la reprise des vols», explique notre source. L’aéroport international a connu une situation de paralysie.
Le trafic aérien a été complètement bloqué pendant un bon moment. Les passagers ont passé des heures à attendre pour embarquer avant de rebrousser le chemin.
La direction de l’aéroport a décidé de suspendre tous les vols en les orientant vers d’autres wilayas. Plusieurs vols ont été transférés vers les aéroports d’Oran, Constantine et Annaba.
«Les vols vers l’aéroport Houari Boumediene ont été déroutés vers d’autres aéroports du pays», a indiqué un responsable de la direction générale de l’aéroport d’Alger. Cet incident remet sur le tapis la question de la sécurité des infrastructures stratégiques qui reste, faut-il le reconnaître, défaillante. L’absence d’entretien des réseaux électriques au niveau des infrastructures pose un sérieux problème. D’autant plus que ces incidents deviennent récurrents.
Depuis le début de l’année en cours, plusieurs incidents ont été signalés à travers de nombreuses structures du pays. Le dernier en date, est celui de la raffinerie de Skikda.
Les structures de stockage de divers matériels et matériaux destinés aux chantiers de rénovation et d’extension de capacités de la raffinerie de Skikda ont été ravagés par un incendie. Selon des sources proches, les dégâts causés approcheraient le milliard de centimes. Ce qui a fait couler beaucoup d’encre sur l’absence d’un système de sécurité efficient. Surtout que ce n’est pas le premier du genre.
Certains spécialistes du domaine estiment que la succession d’incidents qui a pour théâtre la raffinerie est due à une incompétence avérée des uns et des faiblesses chez le constructeur.
A cause de cet incendie, la raffinerie est toujours à l’arrêt.
Les conséquences sont énormes sur le plan financier et même sur le plan productif. Le secteur de la justice n’a pas échappé au feu.
Quelque mois auparavant, la cour d’Oran a été ravagée par un incendie qui s’est déclaré dans une salle dans laquelle étaient entreposés des documents de diverses natures. Grâce à l’intervention rapide des éléments de la Protection civile, l’incendie a été maîtrisé.
Le bâtiment en lui-même n’a subi aucun dégât.
Sur les circonstances de ce sinistre, le procureur de la République près le tribunal d’Oran a tenu à préciser dans une intervention à la Radio nationale qu’il s’agit d’un incendie qui s’est déclaré au niveau de la salle des archives réservées aux affaires civiles. Selon ce dernier, les pertes sont sans aucune incidence du fait qu’il s’agit d’anciennes affaires déjà classées dans une vingtaine de boîtes d’archives. Les causes sont, selon lui, liées à un néon qui a fondu.
Un foyer s’est alors déclaré en dessous pour progresser vers le haut.
L’hôtel de la Monnaie d’Alger était également le théâtre d’un incendie qui a causé des dégâts importants dont la destruction d’un important lot de billets de banque et de pièces de monnaie.*L’Expression-31.07.2013.
*Gouverner l’incompétence
*Sommes-nous sûrs de savoir, en Algérie, ce qu’est un Etat et de quoi parlons-nous lorsqu’est abordée la gouvernance ? La société humaine se construit des territoires… à l’instar des animaux qui marquent leur territoire, les hommes bâtissent les leurs : nations et empires, citadelles et palaces, territoires urbains et ruraux, cités interdites et bunkers, s’enfermant et réduisant l’ouverture sur les pays qu’ils gouvernent. L’action de gouverner est un exercice ardu, et rares sont les pouvoirs qui ont pérennisé une gouvernance réussie. Personne n’est jamais incompétent, chacun possède à des degrés divers et dans différents domaines des capacités. La compétence des hommes a souvent pour corollaire l’incompétence des structures, et gouverner c’est aussi gérer l’incompétence des hommes et/ou des structures. Les structures élaborées par les hommes conduisent parfois ceux-ci à développer de l’incompétence en les figeant dans des cadres bannissant initiative et faculté d’adaptation.Cependant, des instruments de gouvernance ont réussi à faire que rationalité et stabilité permettent d’éviter les comportements erratiques d’un pouvoir qui se personnalise. C’est pourquoi les institutions sont érigées pour évaluer la gouvernance. Mais dans un régime qui privilégie médiocrité et incompétence comme mode de gouvernance, pourvu qu’elles soient dociles, il ne résulte que servilité et clientélisme. Un système qui accroît les disparités sociales et aggrave la précarité, débouche sur l’échec de sa gestion. Des gouvernants qui refusent le partage du pouvoir produisent laxisme et impunité, corruption, compromission et incivisme. Qui contrôle un gouvernement et comment s’évalue son action ? Qui remet en cause les bilans présentés ? D’autant qu’il n’est pas dit que ceux qui gèrent ont étudié les règles de la gouvernance… ou lu Machiavel. Comment gouverner alors l’incompétence ? Ceci est une question que se pose tout chef d’Etat à gouvernance problématique. Lorsque le général de Gaulle revient aux affaires en 1958, il fait face à trois défis majeurs : nécessité de changer de système politique, évidence de la dégradation de l’Etat et menace d’une guerre civile imminente.La lecture des mémoires d’un grand homme d’Etat a ceci de particulier qu’elle nous situe au cœur de ce que fut, en son temps, l’exercice d’un pouvoir certain. « Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », écrivait-il. Cette réalité se décline en Algérie, depuis 47 ans, en un processus d’ancrage de l’incompétence comme fondement d’un Etat devenu autiste à la gouvernance. Alors qu’une partie de la jeunesse algérienne combat des hordes obscurantistes, et qu’une autre s’en va nourrir les poissons de la Méditerranée, une frange s’installe dans la franco-algérianité, ce qui est son droit, et le reste se laisse aller à la fatalité d’une non-gouvernance. Ce n’est pas de gouvernance politique qu’il sera question ici. A ce niveau, le pouvoir a su probablement tenir la mesure de ses manœuvres, et il a fort à faire pour sortir le pays d’une sanglante tragédie. De ce point de vue, il serait indécent de ne pas reconnaître les efforts consentis dans la recherche d’une remise en marche équilibrée du pays, malgré l’existence de partis « faits pour le verbe, non pour l’action », de « gouvernements formés à force de compromis… et l’appétit impatient de candidats aux portefeuilles ».On peut lire, par exemple, la politique des couffins comme une reprise en main d’une chasse gardée que manipulait un courant politique extrémiste pour asseoir son influence. Il est donc plausible que des actions paraissant irrecevables puissent trouver leur justification dans une telle démarche. Ce n’est pas le cas de la gouvernance pour le projet de société. Il est fondamental qu’une fois mis en œuvre un ensemble de réformes, apparaissent rapidement des signes de redressement. Ce n’est pas le cas pour l’instant, empêtré qu’est le pouvoir dans la gestion de ses clientèles pour le partage de la rente, et de cet appétit impatient d’un lot d’incompétents candidats aux portefeuilles. C’est la gouvernance au sens de gestion et d’administration qui est abordée ici. De la même façon que depuis l’indépendance, faux moudjahidine et faux révolutionnaires ont pu infiltrer l’État, investissant une « famille révolutionnaire » surréaliste ; c’est une cohorte d’incompétents et d’incapables qui sévit au cœur de ce qui est censé mouvoir la promotion d’une société, c’est-à-dire l’Etat. Cette incompétence est manipulée de façon à multiplier les routines d’une administration férocement bureaucratique, les archaïsmes d’une économie rentière et les miasmes d’une culture rétrograde de la supercherie. Pour l’administration, l’incompétence c’est l’impossibilité où se trouve un fonctionnaire de faire tel ou tel acte qui n’est pas de son ressort.
Dans le quotidien, c’est le manque de connaissances pour juger une chose, pour en parler et pour agir. On comprendra que l’incompétence, c’est tout à la fois l’incapacité pour un fonctionnaire de prendre une décision, que l’ignorance qui caractérise l’exercice d’une fonction. Ne sachant pas ce que représente sa fonction, souvent usurpée, il s’érige en mode d’une gouvernance sans normalisation au sens de « normer » des comportements. C’est à dire leur attribuer des règles afin qu’un ordre, ici la bureaucratie comme système d’organisation du travail, soit régi par la règle (M. Weber). Comment cela se produit-il alors ? La dilution des responsabilités, la non-représentativité des institutions concourent à un sentiment de vide institutionnel et une fragilisation de la société. Lorsque de hauts responsables avancent une décision, puis affirment le contraire, il se produit un effet de décrédibilisation des institutions. Et si ce n’était quelques journalistes courageux prompts à dénoncer les méfaits de cette incurie ; les faiseurs de paroles, élus désignés au service de la « chita », sont rarement à leurs côtés, sauf rares exceptions connues. Tachons de voir quels sont les sept péchés capitaux de l’incompétence lorsqu’elle est érigée en mode de gouvernance.
1. Les routines administratives
Si l’ordre est régi par la règle, il ne peut sombrer dans la dictature des routines administratives qui constituent le virus d’inertie de la bureaucratie. Qu’est-ce qu’une routine administrative ? Lorsqu’on regarde les pratiques de l’administration, on est frappé par les routines incongrues qu’elle s’ingénie à mettre en place pour reproduire l’inertie. L’impéritie érigée en règle ! Ayant perdu sa principale vertu, respect de la norme et de la procédure, ou l’ayant pervertie, a contrario, par l’anarchie, elle entame sa régression vers l’incohérence et bloque le fonctionnement institutionnel, freinant toute stratégie de développement (il suffit de voir le mal que fait la bureaucratie aux projets d’investissement). Deux courts exemples pour illustrer ces routines administratives : l’accident meurtrier de Ghazaouet en août dernier a montré comment l’absence d’écoute et de communication, apanage d’une société structurée où les contre-pouvoirs fonctionnent, peut être fatale bien que des pétitions de citoyens avaient alerté les responsables. Mais le comportement routinier qui ne distingue pas entre les impératifs d’une gestion ad hoc des urgences et la planification pour améliorer les situations qui peuvent attendre, a fonctionné dans l’aberration autiste, avec des citoyens se révoltant, de façon aberrante aussi, en saccageant les symboles de ce pouvoir autiste. Sur un registre différent, un autre exemple de ces routines destructrices c’est l’inamovibilité de personnels, aux échecs patentés, à leurs postes de fonction publique.
Le système éducatif a à sa tête le même ministre depuis seize ans ; pourtant, il continue de faire l’objet de critiques et réprimandes de la part de l’Unesco. Qui passe son temps à s’autoréformer ne peut avoir la capacité de s’évaluer et donc de s’améliorer. Comment réformer un secteur qu’on est seul à gérer depuis si longtemps, sans admettre d’autres visions ? Une réforme exige de la rénovation, celle des esprits d’abord, donc des personnes ! Il est contreproductif qu’une personne demeure dans une fonction ad vitam aeternam, de surcroît après la preuve de son incompétence. La hiérarchie militaire, organisation régie par la règle, s’évertue à maintenir la mobilité de ses cadres, garantie d’une efficacité continue de ses effectifs. Sinon l’armée se sclérose. Ailleurs, dans l’enseignement supérieur par exemple, qui exige du mouvement pour l’innovation et la recherche, pour s’adapter au changement ; des recteurs et des directeurs de centres de recherche demeurent en poste des décennies durant alors que la jeunesse des établissements, du corps enseignant, et de la pratique de la recherche exigent une accélération des processus de capitalisation et non une fossilisation d’incompétences « naturelles » de personnels statufiés à leur poste. Il est insensé qu’un centre de recherche soit piloté des décennies durant par la même personne (qui n’a rien d’un Von Braun), comme il est irrationnel de garder à la tête d’une université un enseignant transformé en fossile administratif dans son rectorat momifié ! C’est la paralysie qu’on introduit dans un corps qui doit évoluer pour s’épanouir. On assiste alors à une overdose de routines administratives avec prolifération de textes et de règles sclérosantes ! On peut multiplier à l’envi ces exemples qui bannissent toute volonté de réforme. Cette forme de dégradation institutionnelle ouvre la voie à l’absence de créativité et de dynamisation d’une administration sans génie, pourvoyeuse d’immobilisme et nourricière de clientèles.
2. La gestion des clientèles
Nous vivons dans un système politique qui pratique l’exercice du pouvoir par la rente et qui fonctionne à l’allégeance plus qu’à la compétence. Une gouvernance par allégeance va diriger une administration dans un océan d’incompétence. Un pouvoir qui ne veut (ou ne peut) jouer son rôle de réflexion et de conception, marionnettiste d’une administration impotente, coupé de ses élites (même s’il fait du tam-tam pour mobiliser des élites exilées, oubliant qu’il les a formées, tout en précarisant et marginalisant ses élites locales), n’a d’autre alternative pour actionner ses routines administratives que de fabriquer des clientèles. Cette fabrique de clientèles l’illusionne du sentiment d’agir sur la société, alors qu’elles sont le paravent d’une société méprisée qui lui tourne le dos et se suicide, qui s’exile légalement ou s’enfuie par harga, ou qui barre les routes et saccage ses symboles. Le clientélisme, ajouté au clanisme inséparable du pouvoir autoritaire, va consumer l’énergie d’un pouvoir acharné à maintenir des équilibres entre factions rivales, épuisant son potentiel pour concevoir des stratégies, les planifier et les évaluer, privilégiant improvisation et volte-face. Un pouvoir scotché à la conjoncture, pilotant à vue et gérant des clientèles. Au lieu de penser stratégie de bâtisseur, on concocte des stratégies de prédateur et des tactiques de bunker ! Selon les clientèles, vont s’élaborer lois et règlements au gré des circonstances, mais surtout à la faveur des variations du prix du pétrole.
Le seul opportunisme de la gouvernance sera tributaire non pas de la promotion de la valeur travail créatrice de richesses ; mais de l’allocation d’une rente à des clientèles nuisibles qu’un euphémisme trompeur qualifie de « mafia politico-financière », alors que c’est une oligarchie prédatrice, corruptrice autant que corrompue. Les mafias politico-financières sévissent partout dans le monde, la Suisse en est le meilleur exemple (voir les faillites liées à la crise financière et les scandales des grandes banques), mais elles assurent, volens nolens, de la gouvernance ! Tandis que la bureaucratie clientéliste se mord la queue pour reproduire son parasitisme au lieu de jeter les fondements d’un Etat moderne assurant une gouvernance institutionnelle (voir les pitoyables tentatives des régimes arabes et africains pour se doter d’héritiers). Les seuls héritiers dans les pays gouvernés, même par des mafias politico-financières, ce sont des institutions … pas des clientèles ravageuses !
3. L’incohérence,certificat d’incompétence
L’organisation fait la force d’une société. Une politique qui manque de cohérence, programmant une chose et son contraire, contribue à dégrader l’architecture et le comportement de l’administration. L’absence de visibilité, l’insuffisance de prévisibilité et la versatilité des règles de gouvernance, dans l’exclusion des compétences, ne sauraient assurer un fonctionnement cohérent des institutions avec la fâcheuse impression que tout est décidé par un seul homme. Il est crucial d’assurer la crédibilité des institutions par une structuration qui ne soit pas remise en cause entre lever et coucher du soleil, assurant une discipline administrative et un respect des règles. Il est important d’assurer l’intégrité dans le corps institutionnel et diminuer l’iniquité dans l’appareil administratif. A titre d’exemple d’incohérence, les rémunérations des députés, apparues astronomiques et qui ont pu faire scandale, ne le sont qu’au regard de celles qui sont servies aux directeurs d’entreprises publiques ou aux hauts fonctionnaires de l’Etat. C’est dans cette forme d’iniquité que se joue la crédibilité de l’administration, sachant par ailleurs le peu de vraisemblance du « travail » des députés et autres sénateurs. Ces écarts s’avèrent dangereux pour la pérennité d’une règle socialement admise : la fixation d’une ligne spécifique de partage de la valeur. La limite du niveau des rémunérations doit poser une borne aux avantages associés, qui, faut-il le rappeler, sont financés par des salariés, bien loin de gagner des sommes analogues, et qui sont lésés par ces pratiques cyniques et indécentes. La gouvernance exige la rémunération équilibrée et négociée de chaque partie responsable afin de maintenir son adhésion au système. Cette pratique incohérente de la rémunération, dans une économie rentière, constitue le principal facteur du génome de la corruption. Et ce ne sont ni les appels à la morale ni la création d’observatoires de la corruption qui stériliseront cette fécondation engendrée par un système qui refuse la question « qui doit gagner quoi ? ».
4. La gabegie, propédeutique à la promotion
Avec l’embellie financière des dernières années, des dépenses publiques sont gaspillées dans le luxe du train de vie officiel de l’Etat et dans les privilèges inutiles des hautes fonctions. L’inconséquence, ajoutée au laxisme du contrôle des crédits alloués, l’incompétence du suivi des opérations bancaires et le nombre d’intermédiaires ont favorisé la prédation et conforté une justice aux ordres, érigeant l’impunité des crimes économiques comme règle de gouvernance. De facto, la corruption de l’administration, voire de la société, devient systémique. Un pouvoir prédateur engendre des fonctionnaires véreux et une administration frauduleuse avec corruption des cadres et exclusion des élites. La promotion se fera sur le mode du donnant-donnant, dès lors que des sommes colossales inondent les caisses de l’Etat. Les scandales financiers touchant banques, ministères, entreprises publiques, et tant d’autres, ne sont pas dus à de simples dysfonctionnements, mais sont révélateurs d’une culture qui sévit au cœur de l’Etat et constituent la marque de fabrique du système. Aujourd’hui, il est instauré une réduction des dépenses pour rationner la distribution de la rente. Du moins en réduire la part qui revient à la masse. Mais il serait équitable de commencer à réduire le train de vie et les privilèges de ceux qui dépensent sans compter, en toute impunité et sans contrepartie quant à la valeur ajoutée. Le salaire minimum, quant à lui, n’a pas suivi l’embellie et son niveau autorise tous les avilissements. Est-il normal que la rémunération du travail soit mise au placard en faveur d’une consommation improductive d’autant que, selon une enquête de la Banque mondiale rendue publique le mois dernier, la gabegie qui règne en Algérie en a fait l’un des pays au monde les plus gaspilleurs d’argent.
5. L’impunité, critère d’excellence de la responsabilité
Les nombreuses affaires de détournement et les procès annoncés (certains n’auront probablement jamais lieu), peuvent-ils se justifier par l’impéritie managériale avancée, comme le manque de prévoyance (les fameuses règles prudentielles) pour les scandales bancaires et ou ne sont-ils que la traduction d’une justice aux ordres dédiée aux soldes de compte entre rente et corruption, révélant les connexions classiques entre pouvoir et milieux d’affaires ? Mais qui sont les responsables de ces « affaires » ? Dans un Etat de droit, la justice s’efforce de ne pas être au service du pouvoir, et les institutions concourent à cela. « L’échec est orphelin mais le succès a beaucoup de parents » : pas de responsabilité, pas de risque, pas de sanction, pas de relation stable entre l’Etat et le commis. Quand le débat politique est absent, le gouvernement n’entend personne et des auditions de ministres ne rendront jamais compte de la mauvaise gestion. De surcroît, comme ce sont les mêmes qui gèrent depuis des décennies, sauraient-ils remettre en cause leur gouvernance et reconnaître des erreurs. Quand on n’a pas comptes à rendre sur sa gestion, il devient naturel de n’agir que pour son propre compte, et de ne faire que ce que bon nous semble. L’irresponsabilité crée ainsi la fiction d’un espace public mal géré et bute sur le fatalisme décliné par ces gouvernants sur l’incantation de l’ingérable « Allah Ghaleb ! ». Si l’on veut se prémunir des dérives du pouvoir autocratique, il y a nécessité de mettre en œuvre des procédures où l’exécutif doit rendre compte de sa gestion. Il n’existe pas d’homme omniscient. Un système d’évaluation fonctionne pour éviter de se tromper, ou du moins se corriger. Les élus du peuple, quand ils existent, font le travail qu’exige leur mandat et ne se contentent pas de bénéficier des privilèges pour flatter le prince du moment. Il est donc nécessaire de promouvoir l’alternance aux responsabilités. Réhabiliter la fonction de gouvernance dans un pays où, malgré leur échec, rares sont les responsables qui démissionnent, n’est pas chose aisée. Ils ne sont en réalité jamais responsables de leur incurie. On dira : « C’est le système ! ». Slogan qui bannit l’individuation.
6. L’incurie, vecteur des haggara et harraga
L’exercice du pouvoir par la rente produit la corruption du pouvoir. De la même façon que l’avidité des Conquistadors a fait disparaître l’empire aztèque, l’incompétence des incapables fait disparaître les règles de l’administration. Cette impéritie structurelle, provoquant inaptitude des uns et des autres à résorber la crise de confiance, contrecarre la marche des affaires publiques. Face à une autorité qui a la prétention de vouloir tout contrôler, c’est l’improvisation et l’absence de rigueur gui caractérisent l’action des gouvernants. Si c’est le rôle du Parlement de contrôler l’action du gouvernement, le sentiment prévaut que l’Etat ignore le peuple et celui-ci pense qu’il n’y a plus d’Etat. Et malgré la pléthore de fonctionnaires, dénoncée à longueur de colonnes de journaux, on apprend, selon un sondage réalisé par la société irlandaise International living, qu’au classement sur l’Indice de développement humain, l’Algérie vient à la 100e place, l’amenant ainsi à la l57e place sur un nombre de 192 pays où il fait bon vivre en 2008. A cela s’ajoutent l’inefficacité et l’absence de transparence dans la réalisation des services, des entreprises publiques ou privées, des procédures floues et des interventions au coup par coup. Dès lors, chacun, surtout les jeunes, se sent rejeté par les gouvernants, dans cette société désespérée de subir une bureaucratie hagarra et une administration exigeant des passe-droits pour la moindre démarche. La mal vie et l’exclusion conduisent ainsi à la fuite, au délit de harga, suicide déguisé. L’accentuation des inégalités traduit le décalage énorme entre les dépenses sociales et leur impact sur le terrain. Un tel gaspillage, conjugué à la régression des conditions sociales et la généralisation des passe-droits va conforter l’arbitraire. La vision administrative, qui ne respecte pas la règle de droit, est contre-productive en termes d’efficacité économique, de crédibilité des institutions et d’opportunités d’attraction étrangère. On comprend alors pourquoi, entre autres raisons, l’Algérie a été classée dernière destination touristique satisfaisante dans le Top Country du Wanderlust Travel Awards 2009.
7. Le mépris, stade suprême de l’irresponsabilité
La « règle » des fonctionnaires qui renvoient la responsabilité d’un manquement sur une autre structure administrative entraîne un affaiblissement de la puissance régalienne et conduit à sa déliquescence. Ceci est symptomatique de la routine administrative et du défaussement qui entraîne l’irresponsabilité. Personne n’est jamais responsable, c’est toujours à l’autre qu’incombe telle ou telle fonction de contrôle ! Dans une société devenue matériellement avide et moralement brouillée dans ses attentes, ne sachant plus distinguer le fondé de l’insensé, le règne de la médiocrité s’instaure naturellement. Lorsque le citoyen se retrouve malmené par une administration qui ne pratique ni le bon accueil, ni la transparence, ni la simplicité, ni la rapidité, il lui reste une seule voie à pratiquer : les connaissances pour les plus influents, et la tchipa pour les laissés-pour-compte. Le mépris affiché par cette administration produit le sentiment de hogra qui pousse à la désaffection dans un premier temps, et à la révolte par la suite ; mais une révolte individuelle, spontanée et erratique. Il est difficile d’établir un processus de gouvernance avec un pouvoir rentier, populiste et paternaliste, car cela exige une conception de l’Etat, du citoyen, et des institutions qui s’accommode avec une démarche démocratique participative, politique et économique, et une coopération effective du citoyen dans la gestion de la chose publique, la res publica. Là où la politique est organisée pour cultiver les simulacres institutionnels et les apparences du jeu démocratique, dans un contexte économique verrouillé par de puissants intérêts occultes, il s’instaure le règne du chacun pour soi ; et s’érigent en comportements sociaux « normaux » la débrouille et le tbezniss.
Chacun assumant sa gestion sans respect pour la chose publique. C’est l’esprit « ,beyleck » qui prévaut. Cela conduit à la minorisation des classes moyennes, la paupérisation de pans entiers de la population et l’urbanisation anarchique abandonnée à la mal-vie. L’obsession de l’Etat de tout contrôler se traduit par une impuissance à réguler, produisant une anarchie continue. Le parcours du combattant et le temps perdu pour établir un dossier administratif ajouté à la désorganisation du travail et la cacophonie des textes, montre combien la bureaucratie malveillante constitue un déni de gouvernance. Regardons le temps qu’il faut pour lancer une entreprise, si l’on devait évaluer la piètre performance de l’administration, en termes de gâchis en temps et contraintes, c’est bien le signe d’une méthode de gouvernement rédhibitoire. Les stratégies de bunkers qu’érigent des responsables usant et abusant de leur refus d’écoute de Monsieur Tout-le-monde pour privilégier les personnes recommandées renforcent le sentiment de mépris à l’égard du citoyen lambda. Alors que faire ? Le reproche adressé aux pays sous-développés d’être si mal organisés, aux économies non complémentaires, aux rivalités permanentes pour le pouvoir et aux élites qui refusent de céder ce pouvoir, trouve sa justification, en partie, dans l’absence d’anticipation. L’anticipation est au cœur de la gouvernance. Dans un pays à bâtir, une économie à structurer, une société marquée par l’absence d’équilibre, il est aberrant d’agir sans planification, sans une vision qui embrasse l’ensemble avec ordre parce qu’elle fixe des objectifs et établit une hiérarchie des urgences, bref un plan qui évite la confusion en matière de stratégie économique et d’évolution politique. L’administration qui s’est affranchie du plan dans un pays déséquilibré est inconsciente des enjeux stratégiques d’un avenir incertain et porteur de dangers.
Une gouvernance ne peut agir avec légèreté dans un climat d’incertitude, forcée et contrainte par des évènements et une gestion conjoncturels. Doter l’Etat d’institutions appropriées aux temps modernes et qui lui assurent stabilité et continuité, tel est l’enjeu de la gouvernance. Les règles de la gouvernance ont fait l’objet d’étude par les institutions internationales ; pour l’Union européenne, c’est l’obligation de rendre des comptes, la transparence, l’efficacité, la réceptivité et la prospectivité. Pour la Banque mondiale, la bonne gouvernance recouvre aussi bien la capacité du gouvernement à gérer efficacement ses ressources, à mettre en œuvre des politiques pertinentes, que le respect des citoyens et de l’État pour les institutions, ainsi que l’existence d’un contrôle démocratique sur les agents chargés de l’autorité. Il s’agit de réhabiliter les privilèges de l’Etat régalien, autrement dit permettre à l’administration d’exercer ses prérogatives de puissance publique. On citera ici sept points qui feront l’objet de développements dans un prochain article. Restaurer la fonction publique laminée par l’inertie, mère des routines administratives et de la corruption endémique en réduisant le lot d’incapables activant uniquement dans les actes routiniers de la gestion communale au détriment de ce qui structure la cité : ponts et chaussées, urbanisme harmonieux, amélioration du cadre de vie, AEP, éclairage public de villes et villages devenus lugubres, équipements socioculturels, éducatifs et sportifs pour la jeunesse, infrastructures sanitaires, etc. Réintroduire la règle des seuils d’incompétence, rétablir les concours promotionnels et bannir l’inamovibilité source de clientélisme, faciliter la promotion sociale par la formation professionnelle continue Ouvrir des canaux de communication contournant les paravents des clientèles parasitaires : chantiers culturels vers la jeunesse, valorisation du Grand Sud, socialisation des loisirs pour l’enfance, socle du pater familia algérien, socialisation de l’Etat par l’action sociale permanente et pas l’aumône ou la charité intermittente (couffin du Ramadhan), mais une politique sociale d’insertion, d’écoute, de proximité et non pas, encore une fois, des routines administratives chargées d’administrer la charité (Ansej, ADS, etc.)
Fonder une véritable école d’éveil pour une jeunesse prompte à l’éclosion plutôt qu’à la claustration. La ressource humaine et l’université sont au cœur de la performance et de la gouvernance par le développement des compétences et leur mise à niveau aux standards internationaux. Réhabiliter l’ encadrement sanitaire des populations en restaurant les métiers de la santé et le renforcement des structures hospitalières. Fonder une justice donnant sa liberté au juge et lui accordant une dignité sociale, afin qu’il jouisse de la capacité de réduire les injustices sociales et protéger l’Etat. Mettre un terme au caractère archaïque et désuet de l’administration (documents multiples pour une seule finalité, redondance des procédures, multiplication des formulaires dont certains datent de plus d’un siècle, insuffisance de moyens) dont la mission devient complexe, mais moins contraignante eu égard aux nouvelles technologies, favoriser l’émergence d’une gouvernance qui cesse de distribuer à la bureaucratie parasitaire prébendes et privilèges. Dernier point enfin : aimer son peuple et son génie, mais aimer surtout sa jeunesse, l’ éduquer sérieusement sans penser seulement à la punir ! Considérée comme priorité nationale, la jeunesse sera l’alpha et l’oméga de la gouvernance. Il est temps d’intégrer cette puissante composante de la société dans les rouages politiques car elle est l’avenir et la vraie richesse du pays. C’est elle la véritable famille révolutionnaire ! Pour éviter la prolifération de simulacres d’institutions, coquilles vides et sans lien social, il y a lieu de mettre en œuvre une gouvernance qui implique accessibilité, contrôle et transparence. La gouvernance n’est pas uniquement affaire de règles, elle s’instaure avec un contrôle évoluant dans la transparence.
Elle est avant tout déterminée par la confiance, la concertation, la limitation des responsabilités et la réduction du pouvoir d’une poignée de « décideurs », en lieu et place d’institutions habilitées. Lorsque la confiance déserte l’esprit d’une société se sentant « marginalisée et méprisée », le pouvoir doit s’attendre à toutes les formes de révolte possibles. Elle peut être passive par l’inertie, le désengagement et la démobilisation. Mais elle peut prendre aussi des formes violentes, pour l’instant localisées. Tout peut arriver si n’est pas prise en compte la désaffection des populations à l’égard d’un Etat qui n’écoute pas, ne va pas à leur rencontre et surtout ne partage pas avec eux les grandes décisions, ne les consulte pas, ne se concerte qu’avec lui-même … l’omniscient n’est pas humain ! Il y a lieu d’aller vers une mobilisation accrue des compétences qui existent, contrairement à un certain discours gratifiant l’expertise étrangère, mais demeurent marginalisées et jamais écoutées par les gouvernants. Il est aussi impératif d’assurer un retour vers l’impartialité de l’administration par une gestion nouvelle et renouvelée de ses cadres afin de combattre l’inamovibilité d’aficionados plus au fait du prince qu’à la res publica. Enfin, il est temps de rendre son indépendance à la justice. Tandis que les systèmes des pays modernes et leurs institutions sont stables et se perfectionnent en permanence, l’Algérie continue à subir les changements dans les changements, la gestion de l’urgent et de l’immédiat sans une vision de l’horizon.
Face aux crises profondes, ce sont des remèdes conjoncturels qui sont proposés. En matière de technologies de l’information, le Forum économique mondial a placé notre pays parmi les derniers de la liste, à la l08e place. La gouvernance en Algérie devra commencer par une rupture dans l’organisation du travail de l’administration et la méthode de nomination des hommes afin d’être un pays qui ne saurait survivre à la gestion du coup par coup et de l’à-peu-près et qu’on évite une gestion de la pauvreté au détriment d’une gestion des compétences. Ce mode de gouvernance sera capable de situer les responsabilités de chacun et l’évaluation institutionnelle de l’action gouvernementale. Serions-nous condamnés à être « un pays à la traîne, oscillant perpétuellement entre le drame et la médiocrité »(2) ? Un changement de système de gouvemance est possible si sont mis en œuvre des mécanismes de contrôle pour mesurer les résultats atteints, identifier les écarts et cibler les obstacles pour corriger les finalités. Les institutions de contrôle doivent se renforcer et la transparence s’ériger en principe constitutionnel. Savoir écouter et être accessible constituent les fondements d’un pouvoir populaire. Mais pour y arriver, il faudra extraire les gouvernants de leur bulle démagogique, populiste et autiste… et surtout les sortir du Club des Pins, lieu incongru d’une gouvernance en villégiature ! (El Watan-13.09.09.)
Par : Expert à l’Institut de développement durable des ressources. OranNotes de renvoi :
(1), (2) Charles de Gaulle : Mémoires d’espoir. Le renouveau. Ed. Plon, 1970
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*voir d’autres articles analogues ici: Gouverner l’incompétence.2
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