Des idées reçues sur l’école
« Les collèges sont de plus en plus violents »
« L’école profite d’abord aux enfants des enseignants »
« On choisit son établissement comme on veut »
« Aujourd’hui, les élèves ne savent plus lire à l’entrée en 6e »
« Les parents peuvent refuser un redoublement »
« Les Français sont mauvais en anglais »
« La voie professionnelle, c’est pour les nuls »
« Hors les maths, point de salut »
« Le privé, c’est pour les riches »
« Les profs sont toujours absents »
« L’ascenseur social de l’école est en panne »
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* » Les collèges sont de plus en plus violents »
*Objet de débats d’envergure nationale en France, l’éducation est sujette à toutes les rumeurs et approximations. Sélections des plus répandues.Vos travaux de sociologue font de vous un spécialiste de la violence scolaire. Est-elle en hausse dans les collèges ?*Eric Debarbieux, directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école. La réponse ne peut être que nuancée… En résumé, la violence augmente un peu ces dernières années si l’on prend en compte la moyenne des collèges, et beaucoup, si l’on considère les seuls établissements situés dans les zones difficiles. Citer les chiffres illustrant cette évolution contrastée est devenu difficile, car le ministère de l’éducation a récemment changé son instrument de mesure. Jusqu’en 2005-2006, le logiciel Signa recensait les faits de violence déclarés par les établissements, mais il a été abandonné après la publication par un magazine d’un « palmarès » qui a dissuadé les équipes éducatives d’alimenter ce système. Celui-ci a été remplacé, à partir de l’année 2007-2008, par l’enquête Sivis (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire), réalisée auprès d’un échantillon d’établissements et dont les réponses sont rendues anonymes. Selon la première enquête Sivis – qui ne permet pas de comparaison avec les années précédentes -, les lycées professionnels et les collèges sont les plus exposés à la violence, avec respectivement 15,1 et 13,1 incidents graves pour 1 000 élèves. Mais ces faits sont concentrés sur un petit nombre d’établissements, relevant des zones d’éducation prioritaire (ZEP) ou de l’enseignement adapté (Segpa) : ces structures scolarisent 6 % des collégiens, mais rassemblent 14 % des actes graves. La dernière enquête Signa avait déjà montré cette concentration. Ainsi, les collèges situés en ZEP ont déclaré en 2005-2006 en moyenne 2,2 fois plus d’incidents que les collèges ordinaires. Les histoires d’enseignants poignardés sont bien réelles… Elles sont dramatiques, révoltantes, et heureusement exceptionnelles. En mai, après l’agression au couteau d’une professeure dans un collège de Toulouse, le ministère de l’éducation avait indiqué que les données Sivis les plus récentes ne montraient « pas de montée significative » de ce type de violence. Quant aux derniers résultats Signa, ils indiquaient que la hausse du nombre moyen d’incidents dans l’ensemble des établissements du second degré était de 0,5 % en 2005-2006 par rapport à l’année précédente, et de 1,4 % pour les seuls collèges. Même s’il ne s’agit pas de la flambée que suggèrent certains faits graves et médiatisés, il n’y a pas de quoi pavoiser. Sur une durée de trois ans, entre les années scolaires 2002-2003 et 2005-2006, le nombre moyen d’incidents dont ont été victimes les personnels de surveillance, les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les enseignants a augmenté de 25 %, selon Signa. (Le Monde-01.09.09.)
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* » L’école profite d’abord aux enfants des enseignants »
En 2008-2009, à l’Ecole normale supérieure – l’un des temples du savoir scolaire français -, un élève sur quatre était un enfant de professeur ou d’instituteur (238 sur 992 élèves). Dans le même temps, 42 % des lauréats du concours 2007 de Polytechnique avaient au moins un parent enseignant… « Coachés » par des parents qui connaissent tous les rouages de la machine éducation nationale et les établissements à éviter, les enfants d’enseignants fréquentent le plus souvent les meilleures écoles où ils caracolent en tête de classe. Leurs résultats au baccalauréat sont là pour le confirmer : en 2008, les taux de réussite des enfants de professeurs et d’instituteurs étaient respectivement de 91,92 % et 91,22 %, quand le taux global de réussite était de 83,7 %. De plus, 83 % de ces jeunes passent un bac général… où ils sont 93,5 % à rafler des mentions (dont 11,7 % de mentions « très bien »). Seuls les fils d’ingénieur les dépassent d’une courte longueur avec 93,8 %. « Les enfants de professeurs réussissent mieux que les autres, d’abord parce qu’ils ont des parents instruits, qu’ils voient travailler à la maison et, ensuite, parce que leurs parents sont des initiés du système scolaire et savent en tirer parti », estime Marie Duru-Bellat, professeure à Sciences Po. Mais, pour cette sociologue de l’éducation, « tous les groupes sociaux qui en ont l’occasion – cheminots, médecins… – font bénéficier leurs proches d’avantages liés à leurs fonctions. Les professeurs ne font pas exception. Mais cela choque, car le modèle égalitaire véhiculé par l’école républicaine reste vivace ». Finalement, l’école est plutôt pensée pour les enfants de personnes instruites – profs ou non – en mesure de suivre activement leur scolarité.
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« On choisit son établissement comme on veut »
Oui et non. Si, théoriquement, la carte scolaire a été abolie au lendemain de l’arrivée de Xavier Darcos au ministère de l’éducation nationale, en juin 2007, on n’étudie pas partout dans l’établissement de son choix. A cette rentrée, ce sont 65 600 familles qui ont demandé à envoyer leur enfant en 6e dans un collège autre que celui où il aurait dû être affecté et 38 500 qui ont fait la demande d’une classe de 2de dans un autre lycée. Selon le ministère, 72 % de ces demandes ont abouti en collège et 65 % en lycée.Choisir son établissement reste pourtant un luxe d’urbains. Dans les zones rurales, le problème ne se pose même pas, puisqu’il existe souvent un seul collège et un seul lycée facilement accessible. En revanche, à Paris, où la chasse aux établissements d’excellence est de mise, 83 % des 13 028 sortants de collège ont été affectés à cette rentrée sur le premier choix qu’ils avaient fait.C’est un logiciel qui classe les demandes à l’issue d’un savant comptage. Les notes obtenues par l’élève durant son année de 3e entrent pour 45 % dans ce score, la proximité avec le domicile pour 26 %, le fait d’être boursier pour 13 %. En fait, chaque académie pondère ces critères comme elle l’entend et elles sont nombreuses à en avoir désormais exclu les notes, pour que bons et moins bons élèves puissent se côtoyer dans les établissements.Lorsque trop de demandes se portent sur un collège ou un lycée, sept catégories d’élèves sont prioritaires : les handicapés, les malades, les boursiers, les jeunes qui suivent un parcours scolaire particulier, ceux qui ont déjà des frères et soeurs dans l’établissement et ceux qui habitent le plus près de l’établissement. Cette liste a été établie par le ministère.
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« Aujourd’hui, les élèves ne savent plus lire à l’entrée en 6e »
L‘échec scolaire « lourd » existe, mais de là à ne vraiment pas savoir lire… Il y a un siècle et demi, pouvoir signer de son nom un registre d’état civil suffisait à ne pas être considéré comme analphabète. Lorsqu’un professeur exaspéré dit aujourd’hui que des élèves « ne savent pas lire » à l’entrée en 6e, il ne vise pas, ou très rarement, leur capacité à déchiffrer l’alphabet mais à comprendre le sens de ce qu’ils lisent.Un rapport du Haut Conseil de l’éducation (HCE), publié à la rentrée 2007, estimait à 15 % la proportion d’écoliers éprouvant des « difficultés sévères ou très sévères ». Les évaluations des élèves de CM2, publiées en avril 2009 par le ministère de l’éducation, montrent que 7 % d’entre eux n’avaient pas des « acquis suffisants » en français. D’autres travaux attestent d’une réelle baisse de niveau en orthographe. Selon une enquête approfondie publiée en février 2007 par les linguistes Danièle Manesse et Danièle Cogis, le niveau d’une classe de 5e de 2005 était celui d’une classe de CM2 de 1987. Les résultats à Pirls 2006 (évaluation internationale quinquennale des capacités de lecture des élèves de 10 ans), plaçaient la France au 23e rang sur 40 pays, soit en recul de quelques places mais avec des résultats en stagnation par rapport à 2001. Et la dernière enquête internationale PISA sur les acquis des élèves de 15 ans plaçait en 2006 la France dans la moyenne des pays de l’OCDE, malgré une légère érosion de ses performances.Enfin, les dernières évaluations en lecture dans le cadre de la Journée d’appel et de préparation à la défense (JAPD), effectuées chaque année auprès d’environ 800 000 jeunes ayant atteint 17 ans, faisaient état en 2008 de 8,7 % de jeunes « en difficulté de lecture » dont 3,7 % « en grave difficulté », une catégorie proche de l’analphabétisme.
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« Les parents peuvent refuser un redoublement »
De toute façon, je passerai. Mes parents s’opposeront au redoublement. » Une phrase que les collégiens adorent, mais qui n’est pas toujours vraie. Une famille ne peut s’opposer à un redoublement qu’en cours de cycle. En primaire, entre le CP et le CE1, entre le CE2 et le CM1, ou entre le CM1 et le CM2. Au collège, c’est seulement le cas entre la 5e et la 4e, et au lycée entre la première et la terminale.Dans les autres cas, la décision des enseignants n’est pas discutable. Il ne reste alors que le recours à la commission d’appel pour le seul secondaire, sans être assuré d’avoir gain de cause. Les enquêtes PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) montrent, qu’à 15 ans, 40 % des élèves français ont au moins un an de retard. Le Japon ou la Finlande sont à moins de 5 %, le Royaume-Uni entre 10 % et 20 %. La France détient parmi les pays de l’OCDE le record des redoublements.
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« Les Français sont mauvais en anglais »
Seuls 28 % des lycéens sont au niveau attendu par les programmes de terminale en anglais. Ce constat a été établi par l’Observatoire français des niveaux d’anglais, mis en place par ETS Global, l’entreprise de certification qui vend dans le monde entier les tests de niveau de langue Toeic et Toefl. Selon les statistiques établies par ce nouvel observatoire, à partir des Toeic passés par 118 000 candidats français, le niveau moyen des locuteurs hexagonaux correspond à « une maîtrise minimum de la langue ne permettant pas d’envisager sereinement d’aller vivre à l’étranger, ou tout simplement de travailler sereinement avec des collègues anglo-saxons ». Jusqu’en classe de seconde, les élèves progressent. C’est après que s’opère un décrochage qu’ils ne récupèrent jamais. Pas même durant leurs études supérieures. C’est donc un anglais assez rudimentaire qui s’échange dans l’enseignement supérieur. Depuis les formations courtes (BTS ou DUT) jusqu’au doctorat. « Parmi les doctorants, 45 % n’arriveront jamais à rattraper leur retard« , précise-t-on chez ETS France. A deux exceptions près : les jeunes qui étudient en école de commerce et en école d’ingénieurs. Là, une majorité atteignent un niveau d’« utilisateur avancé indépendant ».Des observateurs et des enseignants du supérieur estiment en effet que la maîtrise de la grammaire offerte par le système éducatif français offre un socle assez solide pour combler les lacunes. C’est sans doute ce que veulent faire les étudiants qui décident de partir en séjour linguistique dans un pays anglo-saxon, et qui passent pour cela le Toefl. Ce « Test of english as a foreign language », où la France se classe 69e sur 109 pays ou 25e dans la liste des 43 Etats européens, permet en effet de postuler dans des universités américaines. La marge de progression des étudiants qui font cette démarche est en général assez large !
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« La voie professionnelle, c’est pour les nuls »
L‘enseignement professionnel, c’est très bien… pour les enfants des autres ! « On n’a jamais pu casser le mécanisme infernal de la pensée française, qui veut que la dignité scolaire s’acquière dans la voie générale, donc royale », déplore Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice communiste chargée des questions d’éducation. Un vrai problème culturel que les multiples revalorisations de la voie professionnelle et les campagnes de sensibilisation engagées par les ministres successifs ne changent pas vraiment.A l’issue du collège, 57 % des jeunes s’orientent vers l’enseignement général et technologique et 27 % vers un deuxième cycle professionnel. La création du bac pro, en 1985, a tout de même dynamisé la voie professionnelle. Faut-il en attendre autant de l’alignement du bac pro sur les autres bacs, avec son passage de quatre à trois ans par le précédent ministre de l’éducation, Xavier Darcos ? L’avenir le dira.Mais « il n’est pas sûr que cela suffise à faire évoluer les mentalités », estime François Dubet, qui se demande « pourquoi, en dépit de toutes les déclarations de principe, l’école française ne parvient pas à se défaire de son image de filière de relégation, de son statut inférieur dans l’échelle des prestiges scolaires ». Un mystère que le sociologue, directeur d’études à l’EHESS, ne s’explique pas, alors même que « les diplômes professionnels débouchent bien souvent sur des emplois plus solides et mieux rémunérés que les diplômes généraux ». Le mépris pour la voie professionnelle est d’autant moins compréhensible qu’elle a fait peau neuve depuis une vingtaine d’années : rénovation des parcours de formation, professeurs requalifiés, bonne articulation avec les milieux professionnels et le monde du travail.Peut-être faudrait-il en revanche que l’orientation vers cette voie ne se fasse plus par défaut, en fonction des incompétences de l’élève, mais de ses aspirations. Aujourd’hui, trop d’élèves vivent comme une humiliation leur orientation vers une formation qu’on leur a imposée.
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« Hors les maths, point de salut »
C‘est entendu, la série S, celle des lycéens scientifiques, constitue la voie royale pour accéder et réussir dans l’enseignement supérieur quand la série L, celle des littéraires, serait « une série sympathique, où l’on a du temps devant soi, peuplée pour l’essentiel de jeunes filles généralement fâchées avec les mathématiques, et qui ne mènerait à rien hormis, pour les meilleurs, au métier d’enseignant », relève pour mieux s’en détacher un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale en 2006.Les chiffres sont sans appel : les effectifs de la série littéraire ont baissé de 20 % en quinze ans jusqu’à approcher aujourd’hui, à l’entrée en 1re générale ou technologique, le seuil des 10 % des effectifs de la série générale, en deçà duquel on considère que la série serait menacée d’extinction. Au baccalauréat 2009, 17 % des candidats étaient inscrits en série littéraire, pour 51 % en série scientifique. Cette chute libre des effectifs ne garantit même pas une concentration d’étudiants brillants dans les matières littéraires. Jugée plus généraliste et ouverte aux carrières socialement les plus prestigieuses, la série S accueille les meilleurs scientifiques mais aussi les meilleurs littéraires : plus de 50 % des jeunes ayant choisi l’option latin-grec vont en S ! Les conséquences sont accablantes ! Les bacheliers S trustent les places des grandes écoles quand les L se rendent en rangs serrés sur les bancs de l’université.
La conférence des grandes écoles relève que, dans ses écoles de management les plus prestigieuses (HEC, Essec…), autour de 60 % des étudiants sont titulaires du bac S et seulement 15 % du L. Dans certaines écoles supérieures de commerce, 40 % de bacheliers viennent de S pour 5 % de bacheliers L. Xavier Darcos avait marqué sa volonté de réhabiliter la filière littéraire. Luc Chatel devra reprendre le chantier.
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« Le privé, c’est pour les riches »
L‘enseignement privé sous contrat compte toujours davantage d’enfants de cadres supérieurs, professions libérales et chefs d’entreprise que l’enseignement public : 30,7 % contre 19,3 %. A l’inverse, les enfants d’ouvriers et de chômeurs y sont moins présents (22,3 %), que dans le public (38,7 %).Des chiffres qui corroborent l’idée d’un « privé pour riches », même si le gros des effectifs, issus des catégories intermédiaires (instituteurs, techniciens, agents de maîtrise…), réduit l’écart entre les revenus des familles des enfants inscrits dans le public et dans le privé. Mais l’implantation des établissements privés dans les centres-villes ou à proximité conforte encore l’idée d’un privé « pour riches ». « Quand les villes se sont développées et que la sociologie urbaine a changé, remarque Gilles du Retail, directeur de la communication au Secrétariat général de l’enseignement catholique, nous n’avons pas suffisamment redéployé nos établissements. »La participation financière annuelle moyenne des familles est de 336 euros en primaire, 427 euros au collège et 667 euros au lycée, soit autour de 40 euros par mois. Mais il existe de grandes inégalités d’un établissement à l’autre. Dans Paris ou le Grand Paris, les familles peuvent débourser jusqu’à 1 600 euros par an. A contrario, le privé assure 37 % de l’enseignement agricole, secteur qui n’attire pas la partie la plus fortunée de la population.
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« Les profs sont toujours absents »
En matière d’absentéisme des enseignants, le ministère de l’éducation nationale reste on ne peut plus discret. Rien n’est disponible sur le second degré, par exemple. La situation est différente pour le premier degré, mais guère plus claire. Fin juin, une enquête confidentielle commandée par le cabinet de Xavier Darcos lorsqu’il était encore ministre de l’éducation nationale a partiellement fuité dans la presse avant que M. Darcos change de portefeuille. Elle indiquerait que 45 % des instituteurs ont posé au moins un congé maladie en 2007-2008, soit le double du taux observé dans le privé (22 %). La durée d’absence est en moyenne de onze jours, contre neuf dans le privé. Ces chiffres, restés officiellement confidentiels, seraient à relativiser, car la moitié de ces absences serait due à des congés maternité. De fait, 85 % des professeurs des écoles sont des femmes. Par ailleurs, un rapport du ministère de l’éducation nationale sur la carte scolaire 2009, établit laconiquement que leur taux d’absence est passé de 5,98 % des jours rémunérés en 1998-1999 à 7,23 % en 2006-2007. Avec des données aussi lacunaires et mystérieuses, difficile d’y voir clair et de savoir si les professeurs sont si absents que cela. Ce qui est sûr, c’est que l’absence de communication officielle laisse libre cours à tous les fantasmes… et un bel avenir aux idées reçues.
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« L’ascenseur social de l’école est en panne »
Réponse de Roger Establet, sociologue de l’éducation, co-auteur de « L’Elitisme républicain ».Avec Christian Baudelot, vous observez depuis longtemps le système scolaire français. On entend souvent dire que l’école ne fonctionne plus comme ascenseur social. Qu’en pensez-vous ?
Y C’est une idée doublement préconçue, car il n’y a pas d’ »ascenseur social », et au moment où l’on a commencé à entendre cela, on projetait sur le passé quelque chose qui n’existait pas. A la fin des « trente glorieuses », quand Bourdieu et Passeron ont commencé à travailler, c’était une époque où jamais l’inégalité sociale n’avait été aussi forte. Le premier tableau qu’ils ont reproduit dans Les Héritiers (éd. de Minuit, 1964) montre que le pourcentage d’enfants d’ouvriers qui accédait à des études supérieures était de 1 % à l’époque. Aujourd’hui, il est de 38 %. On ne peut donc pas dire que l’ascenseur social est cassé. Mais on ne peut pas dire non plus qu’il fonctionne.Tout de même, de 1 % à 38 %, c’est un progrès ! La massification a engendré une certaine démocratisation de l’enseignement, c’est sûr. Mais l’idée d’ascenseur social ne se résume pas au fait de passer d’une classe sociale à une autre. Ce que nous avons montré, avec Baudelot, dans Avoir trente ans en 1968 et en 1998 (Seuil, 2000), c’est qu’avant la crise de 1973, les jeunes démarraient toujours plus haut que leurs parents – en termes de salaire, de logement, etc. -, quelle que soit la classe sociale à laquelle ils appartenaient. En 1971, une enquête de l’Institut d’études démographiques, l’INED, a montré qu’à l’époque, toutes classes confondues, parents et grands-parents sont convaincus que leurs enfants connaîtraient une meilleure existence qu’eux-mêmes. On ne peut donc pas parler d’ascenseur social, qui permettrait à certains de progresser, car un ascenseur, c’est pour peu de personnes. Il vaudrait mieux parler de « tapis roulant », et après la crise de 1973, on peut dire que le tapis roulant social est en panne. C’est toute la société qui est en panne, et plus spécialement les jeunes, mais pas seulement les enfants d’ouvriers.Cela a-t-il influé sur la vision de l’école par les classes populaires ?
Bien sûr. Pour que leurs enfants résistent à la crise, ces familles se sont lancées dans la course aux diplômes. On assiste donc désormais à une motivation à l’égard de la scolarisation extrêmement forte, même dans les classes populaires.
Mais plus pour lutter contre le chômage que pour profiter de l’école comme ascenseur social.
Oui. L’aspiration des familles d’aujourd’hui, ce n’est pas que leurs enfants profitent d’un soi-disant ascenseur social, c’est qu’ils échappent au chômage.(Le Monde-01.09.09.)
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Pour qu’un enfant réussisse, laissez-le tranquille
Paul Tough est l’auteur de « How Children Succeed », un livre qui apporte une autre approche de l’éducation et qui fait beaucoup parler de lui outre-Atlantique.
Ainsi, l’homme prône la « slow education », soit le mode de vie selon lequel les parents laissent à leurs rejetons le temps de découvrir eux-mêmes ce qui les intéresse, sans les pousser à apprendre et à évoluer trop vite.
« Les qualités telles que la persévérance, la curiosité, l’optimisme, la conscience et la maîtrise de soi assurent plus de succès dans la vie de l’enfant que les apprentissages cognitifs », écrit Paul Tough. Selon lui, c’est en évitant de mettre la pression à leurs enfants que les parents leurs permettront de développer ces différentes qualités.
Mais voilà: un tel mode éducatif est-il possible dans notre société? C’est la grande question que se posent les lecteurs de cet ouvrage. En effet, le système scolaire impose un rythme aux enfants, qu’ils sont bien obligés de suivre.* 7s7–08.01.2013.
**Pourquoi c’est plus compliqué d’élever une fille ?
Après son best-seller « Raising Boys » sorti en 1998, Steve Biddulph publie ce mois-ci « Raising Girls », un constat alarmant sur la pression qui entoure les jeunes filles d’aujourd’hui et leurs parents. Selon l’auteur australien, la situation est « catastrophique » à cause des « influences toxiques de la publicité, de la célébrité et de la pornographie qui obligent les filles à grandir trop vite. »
L’écrivain souligne les défis immenses auxquels les parents d’une petite fille doivent faire face de nos jours. « Jamais la féminité n’a été victime d’une attaque aussi soutenue, que ce soit par les publicités de régime, le marketing autour de l’alcool, les diktats de la mode, et l’invasion de la pornographie dans les chambres d’adolescentes ». Depuis cinq ans, estime Biddulph, on assiste à une hausse des troubles mentaux chez les jeunes filles. « Des problèmes tels que l’auto-mutilation et l’anorexie, assez rares auparavant, se produisent à présent dans toutes les classes à l’école. Mais pire que ça, une fille moyenne est plus stressée et plus dépressive que jamais. »
« Pour comprendre nos filles, il faut se rendre compte que leur enfance diffère de la nôtre. Franchement, nos 18 ans sont leurs 14 ans, nos 14 ans correspondent à leurs 10 ans. » Les adolescentes ont particulièrement besoin de modèles féminins dans leur vie, assure Steve Biddulph, d’autres femmes que leur mère à qui elles peuvent se confier..* 7s7–08.01.2013.
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Les filles ont toujours de meilleurs résultats en lecture et les garçons en mathématiques
ÉDUCATION – Les filles naissent dans les romans, les garçons dans les calculettes. Selon une étude publiée dans la revue PLOS One, les différences entre garçons et filles concernant les mathématiques et la lecture s’observent dans tous les pays, quel que soit le niveau d’éducation des élèves.
C’est en analysant les performances d’élèves en mathématiques et en lecture dans 75 pays que des chercheurs de l’Université du Missouri aux Etats-Unis, et de l’Université de Leeds, en Grande-Bretagne, se sont rendus compte que même dans les pays où l’égalité sexuelle est importante, cette différence persiste: les filles ont toujours de meilleurs résultats en lecture et les garçons en mathématiques.
Les garçons calculent mieux que les filles ne lisent
« Les systèmes éducatifs pourraient être améliorés en prenant en compte que garçons et filles sont différents, » en conclut David Geary, professeur de psychologie à l’Université du Missouri.
« Nous nous sommes par exemple rendus compte qu’il y avait trois fois plus d’écart entre garçons et filles en lecture qu’en mathématiques. » Il faudrait donc accentuer les efforts d’apprentissage des garçons sur la lecture.
Mais là où l’égalité sexuelle était la plus forte et l’éducation la meilleure les chercheurs se sont rendu compte que l’écart en mathématiques entre garçons et filles augmente et que la différence de performance en lecture diminue.
En d’autres termes, les garçons sont vraiment plus forts en mathématiques que les filles ne le sont en lecture. Et selon les résultats de l’étude, ce serait vrai autant entre les différents pays étudiés qu’au sein même d’un pays.
« Le fait que cette logique fonctionne aussi au sein d’un même pays suggère que ces différences ne sont pas uniquement déterminées par des facteurs socio-économiques, » explique Geary. « Mais le fait que les garçons ait systématiquement de meilleurs résultats que les filles est peut-être dû à une différence d’ordre biologique ou qu’ils sont sensibles à certaines conditions. »
Les garçons plus sensibles aux conditions extérieures?
Cette hypothèse est en tout cas corroborée par le fait que dans les pays pauvres ou en guerre, les performances des garçons avaient tendance à chuter plus rapidement que celles des filles.
À l’inverse, les conditions semblent avoir bénéficié aux garçons dans les pays les plus riches et les plus stables. Là, les garçons ont réduit l’écart de performance avec les filles en lecture et l’ont augmenté en mathématiques.
« Cette découverte a des implications importante dans la manière d’appréhender l’écart en mathématiques dans différents pays, » en déduit Geary.
« On prend souvent la Suède en exemple pour sa politique éducative qui vise à réduire les différences entre les deux sexes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, mais ce dont on ne se rend pas compte, c’est que l’écart entre garçons et filles se creuse alors plus que dans les autres pays développés, » conclut-il. *Le HuffPost | 15/03/2013
** Du plaisir en mathématiques
Par Frédéric Morlot -Mathématicien-27/06/2012- Le HuffPost
Tout derniérement, nos chères têtes (plus ou moins) blondes de la série S ont eu le plaisir de plancher sur l’épreuve de mathématiques au baccalauréat… Je ne sais pas si « plaisir » est le premier mot qui leur viendrait à l’esprit, et pourtant je rêverais qu’il en fût ainsi! Car oui, je provoque en écrivant cela, mais les mathématiques peuvent être vues comme une activité ludique -certes exigeante- pour peu qu’on ait la chance de ne pas en avoir peur.
Mais revenons à notre épreuve du crû 2012. Avant toute chose, tordons le cou à une rumeur selon laquelle le niveau baisserait d’année en année; ou du moins soyons précis, et dissocions les grilles de notation du niveau des énoncés. Je suis donc allé exhumer l’épreuve à laquelle j’avais eu droit moi-même il y a une douzaine d’années, et sa difficulté ne m’a pas semblé supérieure à celle de cette année. Tout au plus peut-on remarquer que l’élève est plus accompagné qu’autrefois, dans la mesure où on lui suggère davantage de réponses. Ainsi, on ne lui demandera pas de « trouver la probabilité d’être recruté dans telle entreprise », mais plutôt de « prouver que cette probabilité est de 93% ». On juge toujours de sa capacité à raisonner, mais plus tellement de son habileté au calcul, hélas démodée! Or c’est une condition de dignité, ne nous laissons pas infantiliser par les machines à calculer !
De tous les exercices, c’est décidément le troisième qui a le plus retenu mon attention, car il ouvre de nombreuses perspectives sur de belles mathématiques de haut niveau, aux confins de la philosophie…
Connaissez-vous les paradoxes de Zénon ? L’un d’eux met en scène une course à pied digne de Tex Avery entre Achille et une tortue. Magnanime, le premier, qui court dix fois plus vite que le reptile, accorde à sa concurrente une avance de dix mètres. Plaçons-nous au départ de cette course homérique et observons ce qui se passe. Au moment où Achille atteint le point de départ de la tortue, il a donc parcouru dix mètres, mais il ne l’a pas rejointe car celle-ci a parcouru un mètre entre-temps. Notre valeureux guerrier se met en devoir de parcourir ce mètre restant, mais pendant ce temps la tortue a parcouru dix nouveaux centimètres. Au moment où Achille les a parcourus à son tour, la tortue le coiffe encore d’un centimètre… Et ainsi de suite: toutes les fois qu’Achille atteindra un point où se trouvait la tortue auparavant, celle-ci possèdera toujours une avance supplémentaire (certes infime). Achille ne rattrape donc jamais la tortue, alors qu’il court dix fois plus vite qu’elle ! Erreur de raisonnement ? Arnaque fallacieuse ? Comme toutes les fois que nous sommes face à un paradoxe, la contradiction n’est qu’apparente, mais cette fois elle est assez subtile. Saurez-vous la trouver ? Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’en additionnant une infinité de durées de plus en plus petites, on peut très bien obtenir une durée totale… finie.
Au contraire, dans notre exercice, nous avions sans doute un des premiers exemples historiques de « série » dont la somme est infinie, bien que les termes que l’on somme tendent vers zéro. Il s’agit de la série dite harmonique :
1/1 + 1/2 + 1/3 + 1/4 + 1/5 + 1/6 + …
On dit que la série « diverge ». Comment s’en convaincre ? Prenez le premier terme, 1/1. Il est évidemment supérieur à 1/2. Puis le deuxième, qui est exactement égal à 1/2. Ensuite, regroupons les termes par paquets de plus en plus grands: les deux termes suivants sont égaux à 1/3 et 1/4, et leur somme est donc supérieure à 1/4+1/4 = 1/2. Les quatre termes suivants ont une somme supérieure à 1/8+1/8+1/8+1/8 = 1/2. Les huit termes suivants ont une somme supérieure à 1/16+1/16+1/16+1/16+1/16+1/16+1/16+1/16 = 1/2. Et ainsi de suite… Nos paquets de plus en plus grands possèdent toujours une somme supérieure à 1/2, et en les sommant à leur tour, on atteint une limite aussi grande que l’on veut!
Une fois que l’on sait cela, on peut se demander à quelle vitesse la somme croît…Le but de cet exercice était de montrer qu’on obtenait une bonne approximation de la somme des n premiers termes en calculant le logarithme de n. Célèbre problème qui trouve ses origines chez Euler, incontournable mathématicien du XVIIIè siècle qui prouva que l’erreur entre les deux nombres tendait vers une constante qui porte maintenant son nom :
gamma = 0.5772156649015328606…
Dans la question B) 3., il était d’ailleurs précisé « qu’on ne demandait pas de calculer cette limite »…heureusement pour les pauvres candidats, car pour obtenir 4 chiffres après la virgule, il faut déjà calculer plus de 10.000 termes!
Quoi qu’il en soit, cette série harmonique est directement reliée à un des plus beaux joyaux de l’arithmétique, je veux parler des nombres premiers. Un nombre premier est un nombre qui n’est « divisible par rien », à part 1 et lui-même bien sûr. Les premiers nombres premiers sont 2, 3, 5, 7, 11, 13… On sait depuis Euclide qu’il y en a une infinité, et depuis la fin du XIXè siècle qu’ils se font de plus en plus rares. On pourrait donc se demander si la somme
1/2 + 1/3 + 1/5 + 1/7 + 1/11 + 1/13
converge. Eh bien il n’en est rien, comme un élève de classe préparatoire astucieux pourrait vous le montrer à partir de la série harmonique. En revanche, il existe un célèbre problème qui est de savoir s’il existe une infinité de nombres premiers « jumeaux », c’est-à-dire « collés » lorsqu’on énumère les nombres impairs (à part 2, un nombre premier est toujours impair): 3 et 5, 5 et 7, 11 et 13, 17 et 19, ou…1997 et 1999. À l’heure actuelle on n’en sait rien, mais un dénommé Viggo Brun a prouvé en 1919 que la série associée aux nombres premiers jumeaux, elle, convergeait…Mais souvenez-vous d’Achille et de la tortue, cela ne prouve pas forcément qu’il y en a un nombre fini!
Je termine ici mon petit tour d’horizon avec un grand sentiment de joie, celui d’être né à une époque où on peut demander à toute une génération d’adolescents de travailler sur des problèmes que les meilleurs mathématiciens de la planète au Moyen-Âge auraient été incapables de résoudre…
Frédéric Morlot a publié Les Illuminations d’Albert Einstein dans la collection Les petits Platons, une conte un peu délirant sur la physique d’Einstein pour les adolescents.27/06/2012- Le HuffPost
**Comment devenir un boss des maths
Apprendre et réussir en mathématiques ne dépend pas de l’intelligence mais du travail et de la discipline
EDUCATION – « Hugo est un crack aux échecs, pourtant son manque de confiance le met en échec en maths. » Cette accroche publicitaire d’une entreprise de soutien scolaire très connue met le doigt là où ça fait mal. C’est pourtant un fait, il y a bien certains élèves pour lesquels progresser en maths relève de la gageure.
Dans les salles de classe ou de retour à la maison, qui n’a jamais entendu un élève, un camarade, son fils ou sa fille dire que « les maths c’est trop dur, je ne suis pas intelligent pour réussir »? Mais selon le chercheur en psychologie Kou Murayama, on aurait tort de croire que la fameuse bosse des maths est une réalité immuable.
Les résultats de sa dernière étude, parue dans la revue Child Development, sont d’ailleurs sans équivoque: la réussite en mathématiques ne dépend pas d’une quelconque forme d’intelligence, mais avant tout de la discipline et du travail de l’élève. De quoi laisser un peu d’espoir à tous ceux qui s’arrachent les cheveux à chaque exercice.
Stratégies d’apprentissage
Pour le comprendre, Kou Murayama a recueilli et analysé les résultats en mathématiques de 3500 élèves Allemands. Ces élèves, Kou les a suivis pendant cinq ans, de la 5ème (10 ans) à la 10ème (15 ans), ce qui correspondrait à peu près, en France, à une période quelque peu élargie du collège.
La mauvaise nouvelle, c’est que certains élèves sont bien plus intelligents que d’autres, et que les plus malins apprennent les mathématiques avec bien plus de facilité que les autres. Mais seulement pendant les premiers stages de l’apprentissage. Car la bonne nouvelle c’est que sur le long terme (ici, cinq années), cela ne fait aucune différence. Seuls le travail, la motivation et la discipline permettent de progresser.
Pour Kou Murayama, contacté par Le HuffPost, « les élèves ont tendance à penser qu’ils ne sont pas assez intelligents, mais je pense qu’il est important et plus productif de réfléchir aux stratégies d’apprentissage. »
Ces stratégies d’apprentissage, ne sont évidemment pas uniquement l’apanage des élèves, mais bien des enseignants, et des parents. Et pour que les élèves se mettent au travail, encore faut-il les motiver.
Motivation intrinsèque
« Ce qui me paraît important », explique Kou, « c’est de développer la motivaton intrinsèque des élèves. » Ce que Kou appelle la motivation intrinsèque, c’est l’envie de s’engager dans une tâche difficile par intérêt pour celle-ci mais aussi pour le plaisir et la satisfaction qui en découleront une fois qu’elle sera accomplie.
Cette forme de motivation s’oppose à la motivation extrinsèque. « La motivation extrinsèque », explique Kou, « est la plus simple à mettre en oeuvre. » Par exemple, on peut motiver les élèves en exposant leur rang par rapport aux autres ou les gronder quand ils ne travaillent pas bien. Pour lui ce ne sont évidemment pas les bonnes solutions.
« Notre étude a montré que les élèves doivent être intrinsèquement motivée, alors évidemment c’est difficile parce que les mathématiques sont une matière abstraite, » rappelle Kou. Mais ce n’est certainement pas mission impossible. « Enseignants et parents pourraient, par exemple, davantage expliquer et faire ressentir aux élèves en quoi les mathématiques jouent un rôle important dans leur quotidien. L’idée est que les élèves fassent le lien entre ce qu’ils apprennent, leur avenir et la réalité de leur vie », explique Kou.
Avoir confiance
« De la même manière, on s’est rendu compte qu’avoir confiance en ses compétences est un facteur important de réussite en mathématiques ». D’où, d’après le chercheur, la nécessité de procéder étape par étape. Mais aussi, lorsque cela se passe bien, de féliciter les élèves, même si leur réussite est minime. « On s’est rendu compte que le sentiment de réussite est un facteur très important de motivation intrinsèque », explique Kou.
L’intéressé sait d’ailleurs de quoi il parle. « En tant que psychologue ayant travaillé sur la motivation, je m’attendais évidemment à ce type de découverte, » raconte-t-il. « Et quand j’étais plus jeune, j’étais vraiment nul en maths, jusqu’à ce qu’au bout d’un moment les difficultés se tassent, sans doute parce que j’ai appris à apprendre les mathématiques », conclut-il.
Apprendre à apprendre les mathématiques serait une condition sine qua non de la réussite en mathématiques. C’est aussi sûr que 2 et 2 font 4. *Le HuffPost | 07/01/2013
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*Qu’est-ce qui se passe dans les cours de récréation
A chaque rentrée, les réputations s’y cristallisent : rois du pétrole ou ringards rejetés par l’agora prépubère. La cour de récré, ses codes, ses lois, son langage, reste un des lieux favoris des élèves. Même si ces dernières années, elle s’est faite théâtre de faits divers et aimant à fantasmes pour les parents. Enquête de Marianne ne France.
Le swag : en avoir ou pas. La question surgit dès les premiers jours de la rentrée, quand se forgent les réputations à la récré. Le swag, c’est cette aura, ce triptyque fringues/physique/attitude qui fait de ses alchimistes des « populaires » – ces adolescents vénérés pour leur style -, et de ses dépourvus des « boloss », ces ringards rejetés par l’agora prépubère. C’est la dure loi des cours de récré, ce monde sans pitié peuplé de 5 millions de collégiens et lycéens, où se perpétuent durant ces quinze minutes d’entracte des amours naissantes, des trahisons et des rois du pétrole.
On s’y bat, on s’y ébat. On y flirte, on y fume. Les profs ne la surveillent pas, ça ne fait pas partie de leur job : « C’est un lieu à embrouilles, résume Daniel Arnaud, professeur d’histoire-géo au collège, qui publie un Manuel de survie en milieu scolaire (éd. Max Milo). Les élèves peuvent s’y raconter leur soirée, commenter leur contrôle de maths, mais c’est aussi le lieu de tous les dangers. Imaginez 400 à 800 élèves, parfois 1 000, avec seulement une poignée de surveillants. Les risques de débordements sont multipliés. »
En primaire aussi les récrés, où s’ébrouent au total 6 millions de gamins, s’avèrent sportives. Bleus, insultes – « Sale fille ! », « Alcoolique ! » -, coupures, font partie du quotidien. Pas une journée sans que Mila* en CE2, et Bastien, en CP, ne racontent à leur mère, Isabelle, community manager de 37 ans, cette jungle urbaine où ça griffe, ça mord… « Maman, on m’a donné un coup de poing dans le ventre. Tu sais, Machin, il a été à l’hôpital, l’autre, il l’a poussé contre le mur de la cour. » L’apanage de la ZEP ? Pas du tout. L’école se niche dans le XVe à Paris – plutôt chic. « Je suis choquée par la violence verbale, ma fille rapporte des gros mots. Un garçon semble « parler sexe » à longueur de journée, poursuit Isabelle. On le sait, depuis toujours, les enfants sont mauvais entre eux. Mais là, il faut parfois quinze minutes à ma fille, en sortant de l’école, pour se calmer, parler « normalement », retrouver un ton aimable et sans vulgarité.»
Trafics de choco BN
Une jungle, la récré ? Cette parcelle de bitume ancrée dans notre mémoire collective – ses marronniers, ses trafics de Choco BN, sa sonnerie – est devenue, en quelques années, le théâtre de faits divers sidérants, un aimant à fantasmes qui effraie les parents parqués de l’autre côté de la grille : en 2011, une prof de maths s’est immolée dans la cour du lycée Jean-Moulin de Béziers pendant que certains élèves filmaient la scène sur leurs smartphones. En avril 2013, trois élèves se piquent avec des seringues usagées dans la cour d’une école à Sevran, en Seine-Saint-Denis. Trois mois plus tôt, le jeune Matteo, 13 ans, collégien de Bourg-Saint-Maurice et souffre-douleur d’une bande, est retrouvé pendu dans sa chambre. Ses parents avaient déjà porté plainte contre deux jeunes qui l’avaient agressé dans la cour. Un élève sur 10 serait victime de harcèlement. « Le phénomène prolifère là où il n’y a pas de surveillance, comme dans les cours de récré au collège, où les profs étant en salle des profs, et les surveillants en sous-effectif, elle se réduit au minimum, regrette Jean-Pierre Bellon, prof de philo et cofondateur de l’association Aphee qui aide les équipes pédagogiques à affronter le harcèlement entre élèves. C’est le lieu de l’insulte par excellence, on estime que 25 % des actes de harcèlement entre élèves se passent dans la cour. »
Sales macaques !
Peut-on être heureux sous les préaux ? La récré n’est-elle plus qu’une zone de guérilla reléguant la Guerre des boutons à des bisbilles de Bisounours ? Première surprise, réconfortante, les jeunes aiment la récré : près de 75 % des 8-12 ans l’« adorent », selon l’enquête publiée en 2011 par le chercheur Eric Debarbieux pour l’Observatoire international de la violence à l’école, plus que la cantine (58 %). « C’est le moment où on se détend, à part quelques bastons, ça se passe bien, résume Noémie, 12 ans, collégienne dans un établissement tranquille des Deux-Sèvres. Les filles parlent avec les filles, les garçons avec les garçons, on ne se mélange pas.»
Dans son collège pour bobos du XIe à Paris, Paul, 15 ans, qui entre cette année au lycée, a passé des récrés entières à discuter avec ses potes de séries télé (« Skins », « Game Of Thrones »), de dessin ou des profs. La rumeur qui a longtemps mis la cour en ébullition : le principal adjoint est-il gay ? « A la récré, on retrouve les copains, dit-il. Je ne me suis jamais fait vraiment emmerder, mais je traîne plutôt avec des populaires. »
Dans ce territoire ultrahiérarchisé où il faut en découdre pour s’imposer, l’apprentissage de la vraie vie (le sexisme, le racisme…) se rode chez les 8-12 ans qui, à l’abri du regard parental, ne se font pas de cadeaux : « On se moque souvent de 20 % des élèves, près de 7 % disent être souvent ou très souvent insultés de manière raciste, près de 17 % déclarent être fréquemment frappés par leurs pairs et 14 % avoir été l’objet d’un déshabillage forcé », précise le chercheur Eric Debarbieux.
Des « sales macaques ! » répétés au quotidien ont gâché les récrés des deux petits garçons qu’a adoptés Sylvie, infirmière, habitant un quartier privilégié de Paris. Son cadet entre en CE1, l’aîné en 5e. Elle soupire : « Tout le monde se « traite » tout le temps. » De « pauvre » – « T’as acheté ton blouson chez Tati ? » – ou, insulte suprême, de « fille ». Une bande en CM1 (familles plutôt friquées, parents divorcés) a même entrepris de soulever les jupes et de toucher les microseins de leurs camarades.
Résultat : les gamines allaient en récré en manteau et pantalon. « Nous avons eu toutes les peines du monde à obtenir que ces garçons soient punis : exclus de la cantine pendant une semaine, raconte Sylvie. Sans doute l’école pense-t-elle que nos enfants doivent apprendre au plus tôt que la vie, c’est la guerre, et que, si on n’est pas le plus fort, on se fait piétiner. »
Au collège, où les grands testent leur testostérone sur les plus faibles, ça se corse. A chaque récré, une vacherie : « Toi, tu fais 1,30 m les bras levés ! » ou encore : « La primaire, c’est pas ici ! » Dans sa cité scolaire de la Vienne, Sarah a subi des moqueries sur sa taille dès la 6e. La 5e fut la pire année de sa vie, la 4e aussi. Des garçons plus âgés la traitaient de « moche », Sarah évitait la cour, regard flanqué par terre, se réfugiait aux toilettes. La direction n’a rien fait pour l’aider, même quand elle s’est fait attraper par sa capuche, à moitié étranglée. Sarah a changé de collège : « Depuis, ça va mieux. » Pour le spécialiste du harcèlement Jean-Pierre Bellon, « un grand nombre de victimes osent enfin dire ce qu’elles subissent. La limite vient du côté des établissements, où les personnels ne sont toujours pas formés pour appréhender le problème. Entre les attentes des familles et l’école, il y a un gouffre. »
Dans les collèges ou les lycées des quartiers sensibles, la pause du midi ressemble à un volcan en éruption, c’est le thermomètre de la dégradation du climat scolaire. Circuler, arpenter les recoins, ne jamais répéter le même parcours, c’est la mission de Wilfried, surveillant dans un collège classé en ZEP. Etudiant en master d’histoire, Wilfried fait partie des « AED », ces assistants d’éducation précaires, payés au Smic pour jouer les pions.
Il leur arrive de tourner à seulement quatre ou cinq surveillants pour encadrer 470 élèves. « La récré, c’est une caisse de résonance, ça concentre tous les problèmes de notre société, dit-il. Au moment du mariage pour tous, plus le débat politique se pourrissait, plus ça se radicalisait ici. Il fallait montrer sa virilité, les danseurs qui faisaient du hip-hop se sont fait traiter de pédés. » Wilfried raconte que, à la pause, le smartphone dernier cri s’exhibe, les filles ne parlent que de leur idole, Nabilla, l’icône en toc de la téléréalité, quand les garçons obsédés par le foot rêvent de fric facile : « Avocat ou vétérinaire, ça ne les fait plus rêver, note-t-il. Leur obsession, c’est de gagner un maximum d’argent. »
Entre foot et drague
Professeur de français dans le 92, Daphnée passe les récrés dans la salle des profs qui surplombe la cour, aux premières loges. Dans ce collège des Hauts-de-Seine, où les communautés s’interpellent (« Ça, c’est les Tunisiens », « Ça, c’est les Algériens »), où les excellents élèves sont surnommés les « suceurs », un mot, un regard, suffit à déclencher la bagarre : « Les surveillants, les conseillers principaux d’éducation sentent quand la cour frémit, s’il y a eu une embrouille la veille, ils sont en alerte. Quand éclate une bagarre, une force centrifuge se produit, les élèves convergent comme un essaim vers le conflit, certains filment avec leur portable. »
Un « jeu » qui peut finir sur Facebook, la cour de récré mondiale. L’usage du mobile, souvent interdit mais toléré en pratique, a tout bouleversé. Si les pratiques immuables, comme la marelle ou les billes, résistent en primaire à l’invasion du marketing (Pokémon ou toupie Beyblade), les collèges voient apparaître des ados réfugiés dans leur bulle numérique : « Cela donne des jeunes rivés à leur écran, les écouteurs vissés aux oreilles, qui ne se parlent plus », regrette Anne, surveillante dans un collège parisien favorisé où tout le monde arbore la parka Canada Goose (825 €) en guise d’uniforme.
Les vrais jeux, comme le ballon de foot ou le panneau de basket, sont menacés, bannis de certaines cours. « On assiste à une sécurisation à l’extrême, regrette l’anthropologue Yan Bour, spécialiste des jeux (vraiment) dangereux. Cette obsession du risque zéro produit l’effet inverse : l’apparition d’une forme ludique radicale, comme le jeu du foulard, ou le jeu du petit pont massacreur : une pomme de pin remplace le ballon, celui qui la prend entre les jambes est roué de coups. » Mais le chercheur, qui milite pour la réintroduction du ballon à la récré – « c’est le jeu qui permet de devenir un être sociable » -, tient à rassurer les parents : « Il n’y a pas péril en la demeure, toutes les cours de récré ne sont pas terrassées par le jeu du foulard, loin de là. » Le foot improvisé entre deux blousons et la drague à l’intercours restent les deux sports préférés des ados… *marianne.net-Vendredi 20 Septembre 2013
* Les prénoms ont été modifiés.
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L’ÉCOLE EN CHIFFRES en France
12 213 300 élèves ont fait leur rentrée 2013 dans les écoles (6,7 millions), les collèges (3,3 millions) et les lycées (2,13 millions) du public et du privé. C’est 35 700 élèves de plus qu’il y a trois ans.
842 000 enseignants dispenseront les cours.
30 par classe, c’est le nombre d’élèves attendus au collège et au lycée, général et professionnel.
75 % des 8-12 ans «adorent» la récréation.
1. Des fringues stylées tu porteras.
2. Les populaires tu fréquenteras (dès qu’ils te font la bise, tu deviens l’un des leurs).
3. Les «boloss» tu éviteras (les ringards ruinent ta réputation).
4. Une fête tu prépareras.
5. Ton mec/ta copine tu afficheras (inutile de préciser que ta moitié doit être belle).
6. Ton carnet d’adresses tu cultiveras (le populaire possède la moitié des mails des élèves du collège et collectionne les «J’aime» sur Facebook).
7. Ta réplique culte tu sortiras (le populaire a le sens de la repartie).
8. Tes exploits (sport ou shopping) tu vanteras.
9. Ta mèche tu travailleras.
10. Au moindre faux pas tu dégageras (le populaire est remplacé par un autre)
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