Faut-il simplifier l’orthographe?
L’orthographe grammaticale, qui traduit les liens entre les mots, ferait défaut à une part croissante des élèves.
En cette rentrée, l’essayiste François de Closets part en guerre contre une langue «figée» et des règles arbitraires. Au risque de jouer les apprentis sorciers alors que le niveau des élèves s’effondre et que le français finit par perdre son sens.
L’orthographe serait une passion française. Et voilà qu’en cette rentrée 2009, le livre de François de Closets, Zéro Faute, relance la polémique. Le journaliste et essayiste s’y proclame «nul» en orthographe et rescapé miraculeux d’une sélection injuste. Il plaide à grand renfort médiatique pour une «simplification» de cette orthographe française, selon lui à la fois arbitraire et figée.
Partisans d’une sacralisation de la langue contre pragmatiques conscients des difficultés de la jeunesse : l’opposition est si simple qu’elle passe largement à côté de l’essentiel. «On en est encore là ! s’exclame Françoise Candelier, institutrice. Le problème est toujours posé à l’envers.» Car pour ces professeurs qui sont confrontés chaque jour à des jeunes largement fâchés avec la langue, une réforme de l’orthographe semble une marotte d’intellectuel cabotin. «L’argument de François de Closets sur les treize graphies du son “o” est aberrant, explique par exemple Agnès Joste, professeur de lettres. L’écrit sert à préciser l’oral. Si l’on écrivait “o” partout, on ne comprendrait plus rien, les textes ressembleraient à un sketch de Raymond Devos.» Et de citer l’Allemagne, qui a renoncé ces dernières années à sa réforme de l’orthographe : les Allemands ne comprenaient plus leurs journaux. En revanche, la tentative de l’Académie française en 1990 – qui portait notamment sur la ponctuation et sur les accents circonflexes – a suscité un tollé qu’elle ne méritait pas.
«C’est un poncif de dire que l’orthographe serait arbitraire», plaide Rachel Boutonnet, institutrice et auteur de Pourquoi et comment j’enseigne le b.a.-ba. «Elle l’est beaucoup moins qu’on ne l’imagine. Nombre de règles, si elles ne sont jamais explicitées, n’en existent pas moins. Il faut le prendre comme un jeu dont on apprend peu à peu les subtilités.» Mais cela n’amuse pas tout le monde. L’association Sauver les lettres soumet tous les ans 1 348 élèves à la même dictée du brevet de 1988 : entre 2000 et 2008, le niveau s’est effondré : ils ne sont plus que 14 % à obtenir la moyenne, et deux sur trois à récolter un zéro pointé. Mais rassurons François de Closets, plus aucun élève n’est pénalisé pour cela, et les consignes adressées aux correcteurs du baccalauréat interdisent de retirer plus de deux points pour l’orthographe.
«Ils transcrivent du son et pas du sens»
Marie-Pierre Logelin enseigne le français en lycée professionnel. «Pour 99,9 % d’entre eux, explique-t-elle, mes élèves n’ont pas la moindre orthographe. Pas de syntaxe, pas de ponctuation. Quand ils écrivent sous la dictée, ils transcrivent du son et pas du sens. Ils n’identifient pas les familles de mots, ni leur nature. Le problème relève de l’apprentissage de l’écriture. Ils peuvent par exemple écrire le même mot de deux façons différentes à une ligne d’intervalle, ce qui dénote une indifférence totale vis-à-vis de la norme.» En fait, cette orthographe arbitraire que dénonce François de Closets est celle que l’on dit «usuelle», qui consiste à savoir si «rationnel» prend un «n» ou deux, par opposition à l’orthographe grammaticale, qui désigne les accords de genre et de nombre, les conjugaisons… Or c’est bien cette dernière qui fait défaut à une part croissante de la population.
«Ce débat sur la complexité de la langue tombe à point nommé pour nous rassurer, ironise Françoise Candelier, pour nous persuader que le défaut de maîtrise de la langue qui frappe nos jeunes n’est dû qu’à la complexité du français. Mais comment expliquer, alors, que cela s’aggrave depuis quelques années ?» Si discrimination il y a, elle n’est pas le fait de la langue, plaident les professeurs, mais des programmes qui, jusqu’en 2007, demandaient d’«observer les variations des verbes selon la personne», mais pas d’apprendre les conjugaisons. Un élève de lycée a bénéficié en moyenne de 2 000 heures de cours de français dans sa scolarité, contre 2 800 il y a quinze ans. Réformer l’orthographe n’y changera rien. (le Figaro-03.09.09.)
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*Les CV truffés de fautes éliminés
Plus les postes sont élevés dans la hiérarchie, plus le niveau d’exigence augmente.
Devant la baisse du niveau en français des salariés, recruteurs et employeurs hésitent entre fatalisme et exaspération. Les fautes envahissent bon nombre de lettres de motivation. Pour autant, certains semblent désormais partisans d’une dose de tolérance. L’orthographe deviendrait-t-elle moins discriminante ? « Si je traquais toutes les fautes, je ne recruterais plus grand monde», s’amuse Stéphane Morano, le patron d’une petite société d’informatique lyonnaise, Zipinfo, tout en précisant qu’il écarte d’office les lettres de motivation parsemées de «nombreuses» erreurs. «Tout est dans la mesure. Si la candidature proposée me semble sérieuse, je ne vais pas la rejeter parce que j’ai relevé trois fautes.Le fond prime sur la forme.»L’un des recruteurs d’Intérim médical service, une agence de placement parisienne, explique qu’il examine les candidatures des infirmières ou des aides-soignantes même si elles comportent quelques fautes, car ces dernières «ne seront pas appelées à beaucoup rédiger».
Une partie de l’attention portée aux fautes d’orthographe dépend en réalité du métier exercé : «L’employé va-t-il être amené à beaucoup écrire ? Sera-t-il en contact avec des clients ? On n’attend pas le même niveau d’orthographe d’un carrossier et d’une secrétaire», explique-t-on, dans une agence Manpower. Pour autant chez Latac-Solerim, à Paris, une entreprise du bâtiment, la responsable laisse de côté les candidatures «avec trop de fautes» même pour des postes de terrassiers ou de manœuvres. «Une ou deux, ça passe, mais pas plus», dit-elle.
Les fautes d’orthographes restent par ailleurs rédhibitoires dans les branches professionnelles qui recrutent des cadres de haut niveau. Anne-Laure Misslin, responsable de recrutement pour D.L Developpement, une société d’audit et de conseil opérationnel aux entreprises se dit «assez effarée» par le niveau d’orthographe de certaines candidatures. «Un bon CV avec les compétences attendues mais qui a une lettre avec des fautes, je ne le retiens pas», explique-t-elle. Responsable d’une agence d’intérim spécialisée dans le domaine juridique, Steeve Clerget scrute aussi les fautes, «car une secrétaire juridique passe beaucoup de temps à rédiger».
D’un recruteur à l’autre, le niveau d’exigence et la sensibilité au sujet varient. Si, responsable du contrôle des risques dans une société de Bourse, Philippe se dit «intransigeant» et n’hésite pas à «mettre un CV à la poubelle» à la moindre faute détectée parce que «c’est une question de respect», d’autres s’interrogent davantage, comme ce chef d’une entreprise de design : «Pour moi, il y a faute et faute. Entre mettre un ou deux n à un mot et faire des barbarismes, il y a une nuance.» Seule certitude, si les recruteurs sont parfois tolérants, un texte «bourré» de fautes passe toujours très mal. «Face à une multitude de candidatures pour un même poste, ceux qui envoient un CV impeccableont évidemment plus de chance de franchir la première étape», commente un responsable du cabinet de recrutement Michael Page. Les coachs en orthographe ont donc encore de beaux jours devant eux.(le Figaro-02.10.09.)
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«Le papier est un support à l’ancienne qui évoque l’école et les règles strictes, rappelle le sociologue Serge Guérin. Tandis que, sur un média moderne, les gens se montrent plus souples et s’accordent le droit d’inventer d’autres normes.»
SMS et abréviations utilisées sur Internet sont volontiers accusés de faire baisser le niveau.
«Si l’orthographe était libre – libre d’être simplifiée ou non, suivant l’envie du sujet -, elle pourrait constituer une pratique très positive d’expression», plaidait Roland Barthes en 1976 dans une tribune intitulée «Accordons la liberté de tracer». Un plaidoyer que les internautes et les amateurs de SMS se sont approprié sans complexe. C’est ainsi que «cadeau» s’est transformé en «kdo» et «demain» en «2m1», qu’«avant» a perdu son «t»…
L’abandon de la dictée
«Le papier est un support à l’ancienne qui évoque l’école et les règles strictes, rappelle le sociologue Serge Guérin. Tandis que, sur un média moderne, les gens se montrent plus souples et s’accordent le droit d’inventer d’autres normes.» Bien évidemment, la rapidité des messages échangés sur le logiciel de dialogue MSN pousse à la faute. Quant au langage «Texto» ou «SMS», il a aussi été créé pour réduire le nombre de caractères envoyés afin d’alléger ses factures téléphoniques. Mais cette nouvelle manière de rédiger phonétique marque également pour ses jeunes utilisateurs une appartenance à un groupe et une distanciation avec les règles.
«C’est aussi une protection, une manière d’empêcher les autres de mesurer son niveau d’orthographe. Ce langage libère la parole, alors que, quand on écrit une lettre, on a l’impression d’avoir sa maîtresse d’école derrière son épaule», note Serge Guérin. Mais, alors que le langage SMS est désormais utilisé en entreprise et qu’il inonde la Toile, certains vont jusqu’à craindre un abandon de l’orthographe traditionnelle. Les linguistes dénoncent plutôt l’abandon progressif de la dictée ou la manière d’enseigner le français. «En fait, les élèves savent qu’ils utilisent un code», rassure Danièle Manesse, professeur de sciences du langage.(le Figaro-03.09.09.)
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