Le métier de chercheur
**Publications académiques : le règne de l’absurde
**Tribune** Un modèle dépassé
Il y a deux années de cela, Le Monde a publié une tribune (« Les Chercheurs sont prisonniers d’une course à la publication », 21 janvier 2011) qui évoquait la situation dans la recherche, en particulier en sciences humaines et sociales.
Le constat que nous faisions à l’époque était désabusé. Nous pointions le fait que les chercheurs, pris dans l’engrenage d’une course effrénée aux publications, étaient soumis à une pression énorme qui les amenait à négliger d’autres obligations comme l’enseignement, le travail coopératif ou encore la contribution à la société.
Deux ans après, le constat demeure. Il tend même à se confirmer, tant la réduction des sources de financement a accentué la compétition. Mais, au fur et à mesure de nos recherches, nous nous sommes rendus compte que la
situation était, de loin, encore plus absurde que ce que nous imaginions au premier abord.
Parasitisme sur la recherche
En nous penchant sur le modèle économique en vigueur dans la recherche académique, nous avons découvert une situation d’exploitation caractérisée. Plus précisément, la compétition universitaire est structurée aujourd’hui dans le but de profiter à une minorité de maisons d’édition spécialisées dans le contenu académique, qui pratiquent, et les mots sont pesés, le parasitisme sur la recherche et, au final, sur les finances des bailleurs de fonds de la recherche – au premier rang desquels figurent les Etats.
Le cas des droits d’auteur dans l’édition est une situation connue en France. Hormis de rares exceptions, les auteurs de livres académiques ou de fiction sont rémunérés à un niveau très bas. Il existe même des maisons d’édition qui imposent la cession gracieuse des droits d’auteur sur les premières centaines d’exemplaires vendus.
Concernant la publication universitaire, où il est rare qu’un ouvrage dépasse les quelques centaines de copies (la barre haute se situe autour de trois cents copies), cela équivaut à une cession complète de droits.
Notre attention a toutefois été attirée par une autre caractéristique de la publication universitaire, tout aussi préoccupante, mais moins perceptible. Pour la saisir, il convient de se représenter le fonctionnement de la publication d’articles dans les revues académiques.
Evaluateurs anonymes
Tout d’abord, il faut savoir que la réussite d’un chercheur dépend de sa capacité à publier dans des revues qui ont une excellente réputation (on parle de « revues A », les plus prestigieuses, et de « revues B » ou de « revues C », moins huppées).
En philosophie et théorie politique (notre champ de spécialisation), l’accès à la quasi-totalité des meilleures revues (A) est payant. La pratique est donc, pour les institutions (universités, bibliothèques, etc.), de payer un abonnement aux versions électronique, papier, ou aux deux.
La carrière d’un chercheur dépend donc de sa capacité à publier dans des revues dont le prestige dépend de plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure la qualité de ses « évaluateurs anonymes ».
Ces évaluateurs sont d’autres chercheurs (en fait les mêmes que celles et ceux qui proposent leurs articles aux revues concernées) qui jugent de la qualité des articles soumis. Ce sont des spécialistes reconnus dans le domaine (même si l’auteur de l’article n’a jamais connaissance de l’identité des évaluateurs de son article), qui émettent un avis quant à la pertinence de publier l’article ou non.
Un modèle dépassé
Il y a une vingtaine d’années, ce modèle, basé sur la gracieuseté du travail d’évaluation et de production scientifique, se justifiait lorsque les principales maisons d’édition académiques dans le monde anglo-saxon étaient des émanations d’universités et ne pouvaient donc pas survivre sans ces contributions en nature des chercheurs.
De plus, il était toujours possible de considérer que, comme les universités payaient les chercheurs, il était normal de demander à ces derniers de contribuer à la diffusion de la recherche par des éditeurs issus de ces mêmes universités (Oxford University Press, Cambrige Univerity Press, etc.).
Mais le marché a depuis évolué, l’offre s’est concentrée. Pour les publications en langue anglaise, quelques entreprises privées (comme Wiley-Blackwell, Elsevier, Springer et d’autres) dominent désormais le marché des articles scientifiques et exploitent sans vergogne ce modèle économique.
Les revues diffusent donc du matériel produit par des chercheurs qui sont payés par des institutions de recherche, souvent financées par les Etats. Pour ce faire, elles se basent sur le travail d’évaluation d’autres chercheurs (les « évaluateurs anonymes »), qu’elles ne rémunèrent pas et qui prennent donc sur leur temps de travail, payé par les institutions de recherche, donc les Etats, pour s’acquitter de leur tâche (soit dit en passant, être régulièrement sollicité par des revues est une autre condition à une carrière réussie).
Par conséquent, les revues vendent un produit dont les coûts de production sont assumés par d’autres (dans la majorité des cas l’Etat, c’est-à-dire les contribuables).
Le savoir n’est pas libre d’accès
Si vous jugez que la pilule est dure à avaler, attendez la suite : ces éditeurs vendent l’accès aux articles. En tant que lecteur non affilié à une institution de recherche, vous ne pouvez pas accéder au savoir produit sans vous acquitter d’un tarif à l’article (autour de 20, 30 euros) ou d’un abonnement annuel (quelques centaines d’euros). Autant dire que le savoir n’est pas libre d’accès. Mais c’est un autre problème…
Quoi qu’il en soit, la plupart des clients des journaux académiques sont les universités et bibliothèques, qui paient un abonnement annuel allant de plusieurs centaines à quelques milliers d’euros afin d’avoir accès au contenu d’une revue. Pour prendre la mesure des enjeux financiers, il fautréaliser que chaque maison d’édition possède de quelques dizaines à plusieurs centaines de revues dont elle facture l’accès.
En bref, les universités (très souvent les Etats) financent des chercheurs pour que ces derniers produisent des articles qui seront évalués par leurs pairs (rémunérés par ces mêmes institutions), puis compilés dans des publications dont l’accès sera revendu à ces mêmes institutions ! Les institutions de recherche paient donc deux fois le savoir : tout d’abord les salaires des chercheurs qui le produisent ou l’évaluent, puis l’accès au résultat final.
Imposer les revues comme incontournables
Les éditeurs majeurs ont réussi le tour de force d’imposer leurs revues comme incontournables dans le champ concerné. Ce qui signifie qu’un chercheur doit publier dans de telles revues et n’a pas le choix s’ilveut réussir professionnellement.
Ce faisant, la dynamique s’auto-entretient et les éditeurs académiques se garantissent une rente de situation (en économie, cela désigne une situation dans laquelle un agent manipule le marché afin d’en tirer un bénéfice) : il y aura toujours des chercheurs pour leur soumettre des manuscrits et les évaluer, comme il y aura toujours des institutions, notamment publiques, qui payeront pour de tels contenus.
La situation n’est pas seulement absurde :
- d’une part, elle est inefficiente, car les institutions de recherche sont surfacturées au vu du résultat produit. Il est peut-être temps de s’interroger sur ce modèle économique, en particulier dans un contexte de crise économique ;
- d’autre part, la situation est moralement inacceptable, car certains agents en exploitent d’autres, tout en limitant l’accès au savoir du plus grand nombre.
*Rue89-02.01.2013.**Par Xavier Landes – Martin Marchman – Morten Nielsen | chercheurs
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Le CNRS, « pignouf » qui pille les chercheurs ?
Les pratiques d’un département du CNRS suscitent la colère d’auteurs qui bataillent pour « que les résultats de la recherche scientifique soient librement consultables ».
Depuis le 1er octobre 2012, une polémique enfle chez les chercheurs. Elle connaît une ampleur inédite depuis la gueulante poussée par l’enseignant-chercheur Olivier Ertzscheid, relayée par Rue89.
L’« immense scandale » dénoncé concerne les pratiques d’un département du CNRS : l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist), dont la mission est de « faciliter l’accès » aux résultats de la recherche.
Les grandes lignes de la polémique
Si l’accès est facilité, il n’est pas gratuit. L’Inist commercialise « un catalogue enrichi de 52 millions de notices » : articles de recherche, rapports, thèses, comptes-rendus de colloques, actes de congrès dans toutes les disciplines de la recherche. Il a répondu en 2011 à près de 200 000 commandes, pour des documents tirés de 4 500 revues.
Problèmes :
- l’Inist commercialise des copies d’articles sans l’autorisation de leurs auteurs et sans même les avertir ;
- aucun droit d’auteur ne leur est reversé ;
- beaucoup d’articles vendus sont déjà disponibles gratuitement sur Internet, sur des plateformes en « open access ».
Or, comme de nombreux chercheurs, Olivier Ertzscheid milite pour que ses productions soient disponibles gratuitement sur son blog ou sur des plateformes d’archives ouvertes. Il insiste pour que ses contrats d’édition comportent « une clause permettant de déposer une version numérique dans des sites d’archives ouvertes, sans aucun délai d’embargo ».
L’archiviste paléographe et conservateur des bibliothèques Rémi Mathis rappelle sur son blog à quel point, dans le contexte de crise actuelle de l’édition scientifique, il est important « que les résultats de la recherche scientifique soient librement consultables par tous ».
D’autant que les prix des copies d’articles vendues par l’Inist (via son service de documentation Refdoc) sont exorbitants : Olivier Ertzscheid donne l’exemple de trois de ses articles, vendus chacun à 47,64 euros (avec dix jours d’attente) alors que ces mêmes articles sont disponibles gratuitement sur la Toile…
Comble du paradoxe, le CNRS promeut l’open access sur au moins deux de ses autres plateformes : Revues.org et HAL. Elles donnent accès, gratuitement, à des articles vendus sur Refdoc.
Le CNRS face à la justice
Les pratiques de l’Inist-CNRS ont déjà été condamnées. En 2010, un docteur en sciences politiques et juriste attaque l’Inist pour contrefaçon du droit d’auteur et a obtenu gain de cause. Le CNRS est condamné en première instance, puis en appel l’année suivante.
Avec le CNRS, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) est aussi condamné. Agréée par le ministère de la Culture, cette société gère les droits de copie des textes vendus sur Refdoc.
« L’Inist ment délibérément aux chercheurs »
Sur son blog, Rémi Mathis raconte son dernier échange avec l’Inist, lorsqu’il découvre deux de ses articles, « vendus entre 31 et 124,38 euros » selon la durée d’attente :
« Bien évidemment, je n’ai pas été payé pour ces articles. J’adresse alors un courrier à l’Inist pointant cette anormalité et demandant quelle était la base légale de cette vente, étant donnée la condamnation de 2011. On m’envoie l’argumentation pré-procès. Je réponds que je connais cette argumentation mais que nous savons tous deux qu’elle n’est pas juridiquement valide. Pas de réponse.
C’est-à-dire que l’Inist, pour protéger un fonctionnement illégal, s’est mis à délibérément mentir aux chercheurs qui se renseignent auprès d’eux. Quand la tromperie et le mensonge s’ajoutent à la contrefaçon, cela devient très grave. »
Le CFC et le CNRS se renvoient la balle
Sur le fait que le CNRS commercialise les articles sans le consentement de leurs auteurs, « on est dans les clous », répond un porte-parole de Cyrille Macquart, directeur général de l’Inist-CNRS, contacté par Rue89 :
« Nous avons signé un contrat avec le CFC, une agence de l’Etat et qui nous donne les autorisations nécessaires. Et c’est au CFC de vérifier auprès des éditeurs qu’ils ont bien les autorisations. Mais nous, nous sommes en contrat, nous sommes couverts. »
Il ajoute :
« Les documents vendus et publiés dans des revues et les documents déposés dans des archives ouvertes sont rarement les mêmes versions : nos utilisateurs et nos clients veulent des publications “in fine”, validées et révisées par les pairs. Ça n’est pas le même document. Nous aussi, nous prônons l’open access. »
C’est pas moi, c’est l’autre
Sur la forme, il rappelle que le procès mettant en cause la politique de l’Inist et du CFC a été renvoyé en cassation : « Attendons le jugement. » Qui s’est pourvu en cassation ? Le CFC, affirme l’Inist-CNRS.
« Désolé de contredire l’Inist-CNRS », rétorque le CFC. « Le CNRS fait bien partie du pourvoi. »
Après vérification auprès de la Cour de cassation, c’est bien l’Inist-CNRS, rejoint par le CFC qui a déclenché la procédure de pourvoi.
Le cafouillage peut faire sourire mais il résume assez bien l’habile jeu de ping-pong auquel se livrent à présent CNRS et CFC, face à la colère des chercheurs.
En termes très choisis, le CNRS « conseille de s’adresser au CFC » pour tout ce qui concerne les autorisations des auteurs et le reversement des droits d’auteur dont le CFC a la charge. Côté CFC, le directeur général adjoint, Philippe Masseron, réagit aux prix de ventes exorbitants des articles, dénoncés par les chercheurs :
« La politique commerciale mise en œuvre par l’Inist-CNRS est le problème du CNRS. Il ne s’agit pas de leur renvoyer la balle, mais en l’occurrence, c’est d’abord leur problème »
Une mobilisation des chercheurs inédites
Ces temps-ci, la colère des chercheurs prend une dimension inédite. Sur Twitter, elle se décline sous le hashtag (mot-clé) #inistgate.
Le député UMP Lionel Tardy, par ailleurs grand utilisateur de Twitter, vient de formuler une question à l’Assemblée nationale à paraître au Bulletin officiel, dans laquelle il interpelle la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sur le sujet.
Une pétition est ouverte depuis le 15 octobre par le collectif SavoirCom1, et recueille environ 300 signataires – profs, maîtres de conférence, bibliothécaires, conservateurs – autour de la défense d’« une science ouverte au-delà du cercle académique » et de l’open acces.
Les signataires qui rejoignent « le collectif des auteurs en colère » demandent le retrait de leurs documents du site Refdoc.
L’Association des bibliothécaires de France et ses 3 000 adhérents viennent aussi de demander à l’Inist de cesser la commercialisation de Bibliothèque(s) et Bulletin d’informations, des revues normalement gratuites… mais vendues sur Refdoc.
« A chaque fois qu’on nous demande de déréférencer, on déréférence. Il n’y a aucun souci », rassure l’Inist.
Que dit le CNRS ?
Le service com’ du CNRS a répondu tardivement aux critiques, via un lapidaire tweet de sa directrice de la communication, Brigitte Perucca. Faux! L’Inist CNRS ne fait pas aucun bénéfice l’argent va a des opérateurs ex CFC et couvre une partie des frais de gestion #inistgate
L’Inist-CNRS annonce la publication imminente d’un « document » en réponse à la colère des chercheurs.
La perte de son procès aurait de lourdes conséquences pour l’Inist-CNRS. Son image serait sévèrement amochée et le Redfoc n’y survivrait pas.
« Le CNRS est un pignouf »
En attendant, hors champ universitaire, des auteurs se réveillent et s’aperçoivent qu’ils sont concernés par l’affaire, tel François Bon, qui réagit sur son blog :
« Enorme surprise donc à découvrir que le CNRS commercialisait sans nulle autorisation deux textes miens au moins, même sous la forme caricaturale (50 euros pour vous faire délivrer ces cinq pages par porteur !) d’un article en hommage à Bernard Noël paru il y a dix ans au moins dans la revue Europe. »
Le même article étant disponible sur le site Remue.net. Il s’associe à la protestation lancée par Olivier Ertzscheid et conclut :
« Je déclare donc que le CNRS est un pignouf. »
*Par: Aurélie Champagne | Journaliste .*Rue89-Mercredi 17 octobre 2012.
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Le CNRS continue de vendre cher nos articles gratuits
**Tribune** Par Olivier Ertzscheid | Enseignant chercheur
Je suis enseignant-chercheur et je publie donc un certain nombre d’articles dans différentes revues professionnelles et scientifiques.
Avec d’autres, je milite pour que les résultats de la recherche publique (c’est-à-dire mes articles) soient immédiatement disponibles pour tout le monde. Et pour ce faire je dépose mes articles – tous mes articles –, dans des bases de données que l’on appelle des archives ouvertes et qui permettent à tout un chacun de consulter gratuitement le texte intégral de tous mes articles.
Je fais partie de ceux qui se battent bec et ongles pour parvenir à faire ajouter à leur(s) contrat(s) d’édition une clause permettant de déposer une version numérique dans des sites d’archives ouvertes, sans aucun délai d’embargo.
Donc, cher responsable de service Refdoc de l’Institut de l’information scientifique et technique du CNRS (Inist), et toi aussi, cher grand chef de l’Inist, je te signale que TOUS mes articles sont TOUS disponibles gratuitement et en texte intégral à divers endroits du Web (sur des sites d’archives ouvertes mais aussi sur mon blog, dans des revues scientifiques ou professionnelles qui ont de leur côté fait le choix de l’open access, etc.).
Comme la diffusion du savoir et des connaissances issues de la recherche publique me tient particulièrement à cœur, je pousse même le vice jusqu’à ajouter dans certains de mes articles, une licence « creative commons » qui indique que l’article peut être rediffusé, réutilisé, republié – à condition qu’il le soit gratuitement.
Pathétique scientifiquement
Si je te raconte tout ça, c’est parce qu’au vu de ce qui précède, il ne viendrait à l’idée de personne qu’un organisme comme l’Inist, fleuron de l’Information scientifique et technique (IST) dans l’Hexagone et au-delà, mette en place un outil (Refdoc) qui au mépris de toutes les règles en vigueur et à rebours de la volonté des auteurs (et d’un nombre de plus en plus important d’éditeurs).
Il ne viendrait à l’idée de personne disais-je, que l’Inist vende, oui je dis bien VENDE à des prix exorbitants des copies (ou des photocopies) de documents scientifiques par ailleurs – et ailleurs – totalement libres et gratuits.
C’est pourtant ce que fait depuis déjà très très très très longtemps (2009) le service Refdoc de l’Inist. Et franchement c’est juste insupportable moralement, pathétique scientifiquement, et révoltant juridiquement.
47 euros les trois copies articles gratuits
Cher responsable de service Refdoc de l’Inist, et toi aussi, cher grand chef de l’Inist, voici une copie d’écran issue de ton service Refdoc. Tous les documents qui y figurent sont de moi, et tous sont disponibles gratuitement sur ArchiveSic (et aussi sur mon blog, et aussi ailleurs, je te l’ai déjà expliqué).
Là, par exemple, j’ai choisi trois articles :
- un « vrai » article scientifique publié dans une vraie revue scientifique (Hermès) ;
- un court texte en forme d’éditorial scientifico-humoristique publié dans une revue professionnelle (documentaliste – sciences de l’information) ;
- une plus ancienne communication dans un colloque publiée uniquement sous forme d’actes distribués aux participants au colloque.
Pour chacun de ces trois articles, j’ai pris soin de choisir ta prestation la moins onéreuse. Et au final, j’en ai donc pour 47,64 euros pour dix jours ( ! !) d’attente.
47,64 euros et dix jours d’attente alors que ces trois mêmes articles (et une vingtaine d’autres) sont notoirement disponibles ici (le premier, le second, le troisième) et ailleurs et tout de suite.
Et tu sais ce qui me fait le plus mal dans mon petit cœur de chercheur qui cherche et qui défend l’accès ouvert aux connaissances ? Hein ? Dis tu le sais, cher responsable du service Refdoc et cher directeur de l’Inist ? C’est qu’à aucun moment, à AUCUN moment tu ne cherches à te vêtir de la plus élémentaire décence (à ce stade je renonce à parler même d’honnêteté), à aucun moment tu ne cherches à te vêtir de la plus élémentaire décence en signalant que ces trois articles sont AUSSI disponibles gratuitement, dans la version que l’on veut (pdf, htm, doc, rtf …).
Conformément, cette fois, à ce petit grain de sable dans ta chaussure de responsable du service Refdoc et dans ton soulier de directeur de l’Inist, ce petit grain de sable que l’on appelle la volonté de l’auteur et le respect du droit.
Ça va finir par se savoir (ou pas)
Si. Lorsque tu m’avais invité il y a de cela quelques années pour une conférence sur le thème des réseaux sociaux et de l’identité numérique des chercheurs, je t’avais déjà signalé courtoisement ce problème.
Ce qui t’avait – m’avait-on rapporté, mais ma mère m’a appris qu’il ne fallait jamais écouter les rapporteurs, ni rapporter d’ailleurs, pardon maman – ce qui t’avait mis dans une rage folle et t’avait accessoirement permis de me traiter de noms d’oiseaux que la morale autant que l’IST réprouvent.
Depuis ce temps, d’autres se sont également émus – hélas rarement en place publique – de cet immense scandale tout en haut de la pyramide supposée de l’exemplarité documentaire française. Un exemple parmi tant d’autres, le célèbre Bulletin des bibliothèques de France (BBF), entièrement gratuit et en libre accès sur le Web fut longtemps référencé dans ta base et vendu, oui, vendu à prix d’or par ton service.
Suite à une intervention de son rédacteur en chef de l’époque, tu as dû te résoudre à le déréférencer et à le faire disparaître de ton service. Du coup l’une des plus importantes revues professionnelles du monde de l’information et des bibliothèques est juste totalement absente de ce qui est supposé être « LA » base bibliographique de référence sur le territoire national. Tu parles d’une cohérence… Et pendant ce temps, tu continues ton petit business (un autre exemple).
Heureusement, il y a la loi
Alors ce qui devait arriver arriva, un auteur te fit un procès et le gagna. L’Inist fut condamné en première instance (c’était en 2010) et en appel (en 2011). La justice est passée. La pratique de l’INIST est jugée illégale. Cela t’aura coûté 7 000 euros. Une paille au vu de ce que te rapporte la vente illégale d’articles que… tu continues de pratiquer en toute impunité.
Mais l’Inist doit être au-dessus de la loi (ou alors un truc m’échappe).
Et oui, cher responsable de service Refdoc de l’Inist, et toi aussi, cher grand chef de l’Inist, visiblement tu n’en as cure de la loi. Tu continues au mépris de la volonté des auteurs et donc depuis 2011 au mépris du respect du droit. Tu continues ces pratiques ahurissantes de malhonnêteté avec (je te laisse choisir dans la liste qui suit) un aplomb, une mauvaise foi et une constance qui savent pouvoir se reposer sur le panurgisme mollement indolent des auteurs, indifférents à la tonte de leur laine et à son prix de vente.
Cela atteste de ton aplomb, ta mauvaise foi et ta constance tout autant de ton opportunisme malsain à continuer de collecter ainsi de l’argent sur le dos de ce qu’il faut bien appeler de l’ignorance (car si nombre d’auteurs ignorent les pratiques de Refdoc, plus encore ignorent que l’Inist fut, pour lesdites pratiques, par deux fois condamné), sur le dos de l’ignorance disais-je, ce qui, tu en conviendras est un comble pour un service de documentation scientifique et technique.
Voilà ce que je voulais te dire cher directeur de l’Inist, à toi et à ton responsable du service Refdoc.
Tu t’en doutes, je ne t’embrasse pas, parce que là maintenant, avec mes copains auteurs/chercheurs qui sont aussi énervés que moi et depuis aussi longtemps, devant tant de cynisme, on est bien décidés à te faire un procès. Un vrai. Un bon gros procès. Pas pour te piquer 7 000 euros ni d’ailleurs 70 000. Mais parce qu’on en a un peu marre d’être pris pour des gogos.
*Rue89-04.10.2012.
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*Réactions:
*Karmalene répond à Force Phasme-
Parce que pour un chercheur, diffuser ses travaux gratuitement c’est adhérer à une certaine vision de la science et de la diffusion des résultats de la recherche. Cherchez sur Internet la déclaration de Budapest ou de Berlin, et vous verrez que cela dépasse le simple cadre économique. Il ne s’agit pas juste de mettre gratuitement du contenu à disposition, il s’agit de militer pour un libre-accès aux résultats de la recherche.
Donc, ils « couinent », comme vous le dites si bien, parce qu’en faisant ça l’INIST trahit leur engagement, engagement que le CNRS lui-même est censé suivre…
*Geko.Animal -
Je dois avouer que je suis plutôt sceptique quant à cette « polémique ». Je suis DR au CNRS, je n’ai jamais entendu parler de cette plateforme et je ne sais pas ce qu’est cet que cet « Inist » (et il en est de même pour mes collègues). Je n’ai jamais déposé quoi que ce soit sur une plateforme du CNRS.
Pour moi, et toutes les personnes que je connais dans mon domaine dans le monde entier, les choses sont très simples : j’écris un article, je le publie dans une revue et j’en mets une version sur ma page web (légèrement différente de celle publiée pour éviter d’éventuels problèmes de copyright). J’en mets également éventuellement une version sur les Arxiv, même si j’ai arrêté de la faire récemment (ça ne sert à rien, c’est trop le bordel, il y a trop d’articles qui apparaissent tous les jours). Ensuite lorsque je suis à une conférence je commence toujours mon exposé par « vous trouverez une version de mon article sur ma page web » et c’est tout. Lorsque je cherche un article sur internet je vais généralement directement sur la page web de la personne ou alors je vais dans un lieu magique appelé « bibliothèque » (quelle soit physique ou numérique, toutes les revues ont des sites web avec leurs anciens numéros numérisés auxquels les bibliothèques sont abonnées) ou je vais voire sur des sites du type Jstor auxquels mon labo est abonné.
Bref, je m’en tape complètement des plateformes du CNRS et idem pour mes collègues, ça n’a aucun intérêt, tout le monde met ses articles sur sa page web bien avant que l’article ne soit publié, sous forme de prépublication. La diffusion de la connaissance scientifique se fait via les conférences : quand on voit un exposé qui nous intéresse on va sur la page du type et on télécharge l’article (d’ailleurs en général je suis en « live » l’exposé en suivant la prépublication sur mon portable en même temps que je regarde ce qui se passe au tableau).
*chp64-
Cet article me laisse bien songeur sur certains points. Je suis maitre de conférences, et je publie, comme tous mes collègues, dans des revues à comité de lecture. Certaines de ces revues sont en accès-libres, d’autres pas. Et, dans ce dernier cas (au moins), les éditeurs (elsevier, wiley, etc.) demandent une cession des droits d’auteur (c’est une pratique généralisée) : une fois l’article acceptée pour publication, il faut céder les droits d’auteur à l’éditeur de la revue. A partir de ce moment, que peut demander le ou les auteur(s) de l’article ? Dans toutes les revues où j’ai publié des articles, ce fut le cas. Certes, les pratiques peuvent différer d’une discipline à une autre.
Dès lors, l’INIST ne fait que proposer un service de reproduction d’articles. J’utilise leur service assez souvent pour obtenir certains articles. Evidemment, avant de faire une demande de commande, je vérifie d’abord si l’article dont j’ai besoin est disponible en ligne : en libre-accès ou dans des bases de données d’articles pour lesquels mon établissement s’est abonné. Si ce n’est pas le cas, je commande l’article à l’INIST. Parfois, je ne m’en aperçois pas, mais la bibliothécaire de mon institut regarde cela aussi.
Bref, pour moi, ceux qui se font de l’argent, ce n’est pas l’INIST mais les éditeurs comme Elsevier, Springer, Wiley, etc. Car les abonnements à ces revues sont hors de prix.
Par ailleurs, tous les enseignants-chercheurs et chercheurs ont accès a priori à BiblioSciences, un service… de l’INIST : « 15 500 publications négociées et financées par le CNRS et mises à disposition de ses unités ». Gratuit pour les unités du CNRS.
JSTOR ? Une superbe base de données… qui coute une fortune. Mon établissement a un abonnement partiel à JSTOR et qui ne recouvre pas tous les revues qui m’intéressent. Pour une personne intéressée, va-t-on s’abonner à un bouquet plus complet de revues ?
HAL et ArXiV sont de supers outils pour être informé des nouvelles pré-publications. Mais on ne publie pas dans HAL, ni dans ArXiV. Ce sont des serveurs de pré-publications en libre-accès. Mais, pas de validation par les pairs, donc pas compté comme publications. Il n’en reste pas moins qu’on peut avoir au moins une idée de la version de l’article publié dans une revue payante.
Bref, il faut voir tous ses outils comme complémentaires. Et réclamer auprès des éditeurs que les abonnements aux revues soient considérablement revus à la baisse.
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