Le «roman», fruit de septembre
Il en est des livres comme des fruits et légumes. Il convient de respecter les saisons, de consommer frais et de manger local. Le céleri-rave en janvier, la morille en avril, le pourpier en mai, le brugnon en juillet et, en septembre, le roman.Proliférant dès la mi-août, de taille et de poids variables, il a un goût lointain de résineux et de pâte à papier. (Parfois, il sent fort le navet. Mais cela ne décourage pas les acheteurs, au contraire.) On peut le déguster seul, ou en famille. Se conserve à température ambiante. Tout ce qui, en France, pousse à cette époque s’appelle roman.
Les marchands l’assurent : en septembre, le chaland veut du roman, rien que du roman. Pas de l’essai, trop indigeste ; pas de l’autobiographie, trop calorique; pas du récit, trop allégé. Afin de répondre à la demande, les producteurs ont donc décidé de mettre fin à cette règle anachronique en vertu de laquelle la fiction appartenait à une famille et la non-fiction à une autre. Désormais, en septembre, tout est roman.
Frédéric Beigbeder raconte son arrestation pour consommation de stupéfiants : roman ! Anne Wiazemsky portraiture sa mère, dont elle cite abondamment le journal intime ; Gwenaëlle Aubry fait la même chose avec son père ; Lydie Salvayre rend justice à son compagnon, l’éditeur Bernard Wallet : romans ! Georges-Noël Jeandrieu se souvient, sur 764 pages, des vingt-cinq premières années de sa vie : roman ! Yannick Haenel consacre un ouvrage à Jan Karski : roman !
Si les Mémoires de Claude Lanzmann avaient paru en septembre, les aurait-on affublés du sous-titre «roman»? Saluons la résistance de quelques livres de la rentrée à cette tendance lourde: sur les couvertures du «Journal» d’Henry Bauchau, des souvenirs d’Albert Memmi, des lectures d’Alain Finkielkraut ou du pamphlet de François Nourissier, pas trace de ce que, pour définir le roman, les vieux dictionnaires persistent à appeler «une œuvre d’imagination». (Nouvel Observateur-03.09.09.)
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«L’Ombre du vent» s’est vendu à 10 millions d’exemplaires. «Le Jeu de l’ange» devrait faire aussi bien. Rencontre avec l’auteur de thrillers gothiques qui dynamite la littérature espagnole
Il est revenu vivre à Barcelone. Dure épreuve pour lui. Il avait tant craché sur la «ville des Prodiges», sur ses salons littéraires, «ghetto de médiocrité, de prétention et d’ennui», sur l’Espagne rabougrie et provinciale, sur ses écrivains narcissiques. De Los Angeles, où il s’était exilé en 1993, après le succès planétaire de, «l’Ombre du vent» (10 millions d’exemplaires vendus dans 55 pays), Carlos Ruiz Zafon tirait à boulets rouges sur le snobisme de la vieille Europe, sur son incapacité à I produire de grands récits.
Personne ne trouvait grâce à ses yeux, à l’exception des écrivains du XIXe siècle, tels Leroux, Balzac, Dickens et une poignée d’autres adeptes du roman réaliste. Il répétait avec la légèreté d’un docker du port de Barceloneta : «Désormais, les grandes œuvres littéraires sont fabriquées, à 99%, dans les séries télé américaines. Ceux qui savent vraiment construire des personnages se sont tournés vers les studios des majors. Les gens qui ont de l’ambition, de la technique et du talent ne travaillent pratiquement plus aujourd’hui dans les milieux littéraires…» Le genre d’amabilité qui vous fabrique une armée d’ennemis en un rien de temps.
Et pourtant, malgré les manières un peu rudes du bonhomme, la critique espagnole, l’an dernier, l’a littéralement encensé pour «le Jeu de l’ange», qui sort aujourd’hui en France. Devant cent cinquante journalistes ibériques en lévitation, gagnés définitivement à la «zafonmania», ce fils d’un agent d’assurances catalan, ancien directeur de création d’une agence de pub reconverti dans la littérature pour enfants avant de partir chercher fortune comme scénariste à Hollywood, a tenté d’expliquer le succès extravagant dont il est la «victime». Sa réponse : «Just do it», fais ce que tu dois, lâche-t-il sur le ton d’un rappeur du Bronx. Lui a choisi son destin au début des années 1990, quand il vivait comme un nabab dans la publicité. Il a tout plaqué pour réaliser son rêve d’enfant, avant de devenir un hijo de puta de fils de pub et de ne plus pouvoir se regarder dans une glace.
Depuis l’âge de 4 ans, il rêvait d’écrire des histoires, à l’ombre de la Sagrada Familia de Gaudi, qui était à deux pas du domicile familial.
«La cathédrale de Gaudi me fascinait, précise Carlos Ruiz Zafon. C’était comme une camarade que je croisais le matin en partant à l’école et le soir en rentrant chez moi. A cette époque, elle était quasiment en état d’abandon. J’allais régulièrement l’explorer dans tous ses recoins. Pour moi, c’était un lieu magique, plein de mystères.» Tout comme le collège jésuite San Ignacio de Sarria, où il a étudié durant onze ans :
«C’est un curieux édifice, un château gothique construit à la fin du XIXe siècle sur les flancs de la montagne, poursuit-il. Un monde fascinant, avec des cloîtres, des passages secrets, des chapelles, des escaliers sans fin. Ces lieux qui ont accompagné ma petite enfance ont un impact spécial sur mon travail. Ce ne sont pas seulement des constructions de briques et de pierres, mais la partie la plus intime de ma mémoire.»
Conséquence : à l’âge de 14 ans, il écrit son premier conte pour enfants, «las Luces de septiembre» («les Lumières de septembre»). Le héros est un mystérieux fabricant de jouets qui vit dans un gigantesque manoir peuplé de marionnettes mécaniques et d’ombres lugubres. Depuis, le monde de Zafon porte la marque indélébile du gothique gaudien. «Je suis passionné par la structure d’un roman, son architecture, parce que j’appelle «l’ingénierie littéraire», dit-il. Ce qui ne veut pas dire que je ne m’intéresse pas au style, contrairement à ce que certains critiques ont raconté. Le travail que j’ai effectué pour le cinéma aux Etats-Unis m’a terriblement servi pour construire mes histoires. Au départ, je travaille exactement avec l’humilité d’un scénariste de Hollywood. Dans cette première phase, je suis au service de la structure, du story-board. Je n’ai aucune coquetterie d’auteur.»
De son éducation chez les jésuites, Zafon a gardé l’essentiel : son compagnonnage avec le diable que l’on retrouve dans tous ses ouvrages. Dans «le Jeu de l’ange», le héros, David Martin, jeune écrivain fauché et dépressif dans le Barcelone des années 1920, est contacté par un mystérieux éditeur parisien, Andréas Corelli. L’homme, froid comme l’Arctique, lui commande un livre impossible, le roman des romans, l’oeuvre définitive qui résumerait l’histoire de l’humanité et de ses croyances. La contrepartie ? 150 000 pesetas et une vague promesse d’immortalité. Le jeune David, de maison hantée en château de la Belle au Bois dormant, va jouer une étrange partie de colin-maillard avec ce Méphistophélès des belles-lettres. Faust chez Harry Potter? «C’est certain qu’il y a une dimension gothique dans mon travail et que les personnages diaboliques sont omniprésents, ajoute Carlos Ruiz Zafon. J’ai toujours cru que le diable est le meilleur personnage littéraire qu’on ait inventé, car il permet d’aller très loin dans l’exploration de la nature humaine en littérature. Pour paraphraser un vieux dicton, Dieu est dans les détails et le diable est partout…»
«Barcelone, mon univers littéraire»
Pour réussir un film, disait Orson Welles, réussis le méchant. Zafon suit la règle du maître. Il fait défiler les salopards, les traîtres, les assassins dans une Barcelone sombre et mortifère, ville fantôme de la révolution industrielle du début du XXe siècle, qu’il enlaidit avec une forme de rage. «Non, pas du tout, rétorque Zafon. Je n’éprouve aucune forme de ressentiment à l’égard de ma ville natale. En fait, ma Barcelone, celle de mes livres, est un monde stylisé qui explore l’aspect le plus sombre de son histoire et de sa personnalité, tout simplement parce que c’est mon univers littéraire. Barcelone est une ville sublime, complexe. Comme Paris, c’est une ville ancienne, embrumée de mémoires, qui a son revers obscur, plein d’histoires et de secrets…»
Parmi les villes qui trouvent grâce aux yeux du Catalan : Berlin. La capitale allemande lui voue un véritable culte. Il est resté ces derniers mois en tête des meilleures ventes de romans. Il y a vécu quelques mois pour assister à une féroce bataille d’éditeurs pour obtenir les droits du «Jeu de l’ange». Finalement, les Editions Fischer l’ont emporté en lâchant 3 millions d’euros de droits d’auteur à l’insatiable Zafôn. En France, plus discrète, une mise aux enchères du roman a eu lieu entre Grasset, éditeur de «l’Ombre du vent», et Robert Laffont. Ce dernier a arraché le morceau pour 1,5 million d’euros : pour rentrer dans ses frais, la maison d’édition devra en vendre 300 000 exemplaires grand format et 600 000 en poche. Zafon entre dans la catégorie des auteurs les mieux payés de la planète : à Madrid, on prétend même qu’il est le romancier espagnol le plus lu dans le monde après Cervantes. Fou?
«J’étais un fou de Spielberg»
Avec Zafon, le livre entre aussi dans une autre dimension. Pas seulement à cause des contrats astronomiques qu’il signe. Sur son site web, on découvre une autre facette du personnage. Fou de jazz, il a composé lui-même vingt-quatre pièces de piano, dans une inspiration très Keith Jarrett, comme des musiques de film écrites pour les héros de ses deux romans. Ses lecteurs les plus fanatiques peuvent donc désormais lire «le Jeu de l’ange» en écoutant des mélopées écrites par le maître. Qui osera affronter les thrillers fantastiques de Zafon pour les porter sur grand écran? Avec l’appétit du bonhomme, il faudra peser lourd. «Quand j’étais adolescent, j’étais un fou de Spielberg et de Coppola, prévient-il. J’adorais aussi le film «Retour vers le futur» de Zemeckis…» Petit clin d’œil du romancier à son réalisateur fétiche, «le Jeu de l’ange» n’est pas la suite chronologique de «l’Ombre du vent», mais un retour en arrière. Le nouveau héros est un aïeul de l’ancien. «Pourquoi devrais-je suivre une suite chronologique alors que mes intrigues sont fondées sur la dissolution du temps?», lâche-t-il, goguenard.
Devenu écrivain «planétaire», Zafon le Barcelonais a-t-il une opinion sur le nationalisme catalan? «C’est une partie de ma culture, mais pas en tant qu’écrivain. Les livres n’ont pas de passeport. Pour moi, les gens qui aiment le langage, la littérature, qu’elle soit populaire ou non, sont une nation en soi Peu importe d’où ils viennent, peu importe les frontières, les ethnies.» Dans la tribu de ses influences littéraires, Zafon revendique le roman noir américain, avec un faible pour Michael Connelly père du flic de Los Angeles, Harry Bosch, grand damné devant l’Eternel. Dans le dédale du «Jeu de l’ange», Zafon ne cache pas ses affinités avec ce type de héros, un homme désespéré, entouré de cadavres et de trahisons, qui cherche, sans vraiment y croire, le chemin de la rédemption. A l’ombre de la Sagrada Familia et de ses dragons hurlants, un petit garçon terrifié croit encore aux miracles. Au moins un: l’écriture. (Nouvel Obs.03.09.09.)
« Le Jeu de l’ange », par Carlos Ruiz Zafon, traduit de l’espagnol par François Maspero, Robert Laffont, 544 p., 22 euros.
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