L’Algérie à la croisée des chemins
6072020*Opinions – débats – point de vue
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*Comment va l’Algérie ?
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*Libérée par le peuple, trahie par le système, ressuscitée par le Hirak, l’Algérie à la croisée des chemins
Par : Dr MOHAMED MAIZ
PRÉSIDENT DE LA FONDATION KRIM-BELKACEM
Ce qui a été fait à ce pays et à ce peuple, aucune dictature, aucun système ne l’ont fait. À tant vouloir asservir et humilier un peuple, il arrive un jour à franchir le mur de la peur et retrouver son honneur et sa dignité.
Le Hirak est le début de 00cette révolution pour la dignité. Je ne vais pas parler dans cette contribution du coronavirus mais bien de cette corona humaine qui a fait plus de dégâts, de morts, d’exilés et de laissés-pour-compte depuis l’indépendance et qui continue de sévir jusqu’à aujourd’hui. Mais je voudrais en premier lancer un message à tous ces nageurs en eau trouble, à tous ceux qui sont en train d’appeler à la révolte au lieu de la révolution, à la désobéissance au lieu de la mobilisation, à la rébellion au lieu de la discipline.
Sachez que le peuple algérien ne suivra plus les sirènes et les discours enchanteurs et enflammés de personnes quel que soit leur engagement et qui se la coulent douce ici ou ailleurs. Nous sommes engagés pour le changement, un changement radical, mais avec des moyens pacifiques avec le souci de préserver notre peuple et notre pays. On ne veut plus de drames, de disparus, de terrorisés, de massacrés, d’assassinés ! Nous voulons et nous œuvrons pour une révolution tranquille et pacifique !
Cela a besoin de temps, le temps de l’union des forces du changement, le temps de la prise de conscience collective pour le changement, le temps du rassemblement et de la mobilisation ; nous sommes loin de ceux qui veulent tout et maintenant. Non et non ! Nous militons pour le changement mais pas pour n’importe quel changement. Nous militons pour le changement de système, de ses hommes et de ses pratiques, pour un idéal démocratique.
Nous militons pour l’instauration d’une Algérie démocratique, celle du mérite, de la liberté sous toutes ses formes, une Algérie de l’espoir et de la justice, de l’honneur et du respect ainsi que de la dignité. Elle se fera mais elle se fera dans l’ordre et dans la paix. Le Hirak c’est cela ! Pourquoi le Hirak a réussi ce que les autres tentatives de mobilisation du passé ont échoué ?
Depuis le 22 février 2019, le pays est entré dans une phase de crise politique jamais égalée. Le rejet de la cinquième mandature de Bouteflika et de la prolongation du quatrième a été une expression massive de cette mobilisation. Seulement une chose est certaine, la réussite de ce mouvement n’a été possible que par l’adhésion et l’implication en grand nombre de la classe moyenne, hommes et femmes.
C’est là toute la différence avec les multiples tentatives de mobilisation et de mouvements de révolte de par le passé qui n’ont concerné que les couches populaires (ouvriers, chômeurs, laissés-pour-compte…). Le pouvoir avant le 22 février avait sous-estimé cette classe moyenne qu’il pensait avoir domestiquée, matée, corrompue et donc sans possibilité de réaction et d’engagement.
Cette classe moyenne, à qui on faisait le chantage de la carte de vote et qui allait voter juste pour ne pas subir les foudres de la hiérarchie (première couronne du système), a trouvé en ce Hirak une opportunité et un moyen d’exprimer son mécontentement et de s’exprimer ouvertement et sans peur contre ce régime qui l’a murée dans le silence et l’immobilisme. Il est connu que les révoltes éclatent lorsque les classes moyennes se mettent à affronter les classes dirigeantes et c’est en grande partie cela le Hirak. Le 22 février a été le prélude de la fin du peuple “soumis”. Le mur de la peur est tombé.
Changer d’approche
C’est un système qui a son chef d’état-major, son président, son gouvernement, ses ministres, ses élus (désignés), son armée, sa justice, sa police politique, ses walis, ses chefs de daïra, ses maires, ses partis, ses syndicats, ses associations, ses diplomates, ses islamistes, ses intégristes, ses démocrates, son club des pins, ses résidences d’État, sa Sonatrach, sa Sonelgaz, ses banquiers, ses conseillers, ses baltagias, ses menteurs, ses thuriféraires, ses prisonniers, ses cadres, ses intellectuels, et avec tout ça certains veulent changer le système en quelques semaines !
Le chemin est encore long, il faut juste maintenir la mobilisation et s’organiser. Malheureusement, ils sont nombreux ces intellectuels, ouvriers du régime, qui ont noyé leur conscience pour répondre à l’appel du mensonge. Ouvriers du régime, ils embellissent les mensonges les plus absurdes, se taisent sur les violations les plus flagrantes des lois et de la Constitution. Cette catégorie de personnes est encore plus nuisible et responsable du pourrissement dans lequel est arrivé le pays.
L’élite, les intellectuels doivent changer leur approche et leur rapport avec le système et ses représentants, se défaire du souci d’eux-mêmes et ne se considérer plus comme l’avant-garde d’un pouvoir mais bien d’un peuple en quête de liberté et de dignité avec pour objectif : la démocratie est l’avenir du pays. La démocratie est un projet qui doit prendre corps dans cette nation qui a payé le sacrifice du sang pour se libérer de la servitude coloniale.
Le Hirak est venu briser la fiction d’une rassurante harmonie systémique entretenue par plus d’un demi-siècle de mensonge institutionnalisé et d’injustices. Soudain mis à nu, le système est devenu une plaie et l’objectif est de s’en débarrasser sans s’y affronter. Silmiya, silmiya en est l’arme fatale. Je serais partial si je feignais d’éluder le rôle des partis politiques dans cette conjoncture cruciale pour l’avenir du pays.
Les partis politiques, en participant à la feuille de route imposée par le système, ont choisi d’être les instruments du pouvoir, plutôt que d’être des machines à fabriquer l’espoir du changement, condamnant ainsi à la stérilité toute forme d’action politique autre que la forme partidaire. Il faut le dire, les partis qui se revendiquent de l’opposition et qui participent aux institutions du pouvoir sont parties prenantes de ce système qui les utilise comme façade démocratique.
Rien n’a changé dans le fond
En conséquence, nous assistons à la mise en place d’une nouvelle couche dirigeante dans l’orbite du système qui lui est liée et soumise, avec la caution des partis d’opposition ; cette nouvelle couche ou couronne dirigeante que l’on nous dit du changement succède en quelque sorte à la îssaba par la forme mais qui lui ressemble dans le fond. Seul l’exercice collectif de la liberté rend la fin du système possible.
Cet exercice collectif, induit par le Hirak, le système l’a compris et le considère comme le vrai danger pour sa pérennité. Alors, pour les uns, le Hirak est béni, pour les autres, il les a libérés; ce ne sont là que des ruses et des subterfuges pour endormir le Hirak ! En même temps, les tentatives de division, les arrestations, les intimidations, la répression procèdent de cette volonté de casser cette dynamique collective et unitaire du Hirak pour mieux le maîtriser.
Les incarcérations des citoyens, Bouregâa, Tabou, Boumala, Belarbi, Bouraoui, Hamitouche et autres ne sont qu’un procédé machiavélique pour essayer de détourner le Hirak de son vrai objectif. Le Hirak l’a dit et l’a répété à chacune de ses manifestations, il ne milite pas pour une représentation, mais pour la fin du système. Le 22 février a surgi alors comme l’apparition subite d’une possibilité de changement d’un ordre que les gens croyaient inaltérable et immuable.
Un ordre qui a su se préserver et se maintenir par des procédés divers, allant de la répression, de la corruption à l’achat des consciences. À la fin des années 1990, encore une fois pour se préserver, le système rappellera l’homme qui devait prolonger sa vie avec le simple critère ; tenir la maison, la Casa d’El-Mouradia. Première grande erreur du système.
Bouteflika n’était justement pas “un président stagiaire” mais un président rusé, machiavélique, dictateur et narcissique qui connaissait très bien les rouages et le fonctionnement du système, étant donné qu’il était parmi ceux qui ont pensé, conçu et organisé la mise en place de ce système derrière les lignes Challe et Morice, quand les combattants de la libération se faisaient bombarder, emprisonner, torturer et assassiner par la machine de guerre coloniale.
Bouteflika a su, mandat après mandat, mettre en place un véritable pouvoir, régentant ses amis comme ses ennemis, les désignés comme les élus, procédant à des alliances conjoncturelles, militaires surtout, jouant la division des uns contre les autres, piégeant par la corruption civils et militaires, renforçant son pouvoir de l’extérieur par l’octroi de marchés mirobolants, usant du chantage de la décennie rouge ; tout cela a abouti à son renforcement et à l’affaiblissement du système.
Ainsi, le pays devenait l’otage d’un couple : le couple système-pouvoir. Dire maintenant que le pouvoir de Bouteflika est tombé en ruine par l’incarcération de politiques, de militaires et d’hommes d’affaires qui lui étaient serviles et reconnaissants serait méconnaître la nature même de ce couple.
Certes, le système s’est lézardé, s’est affaibli, sa première couronne paralysée, mais le noyau central, son ADN, reste toujours le maître des céans. Ainsi, durant deux décennies, l’argent du pétrole qui coulait à flots a permis à Bouteflika de corrompre et d’acheter des consciences à des fins de pouvoir absolu, de ce fait le pouvoir tenait à un seul homme avec la complicité du système qui laissait faire.
Mais, ne nous détrompons pas, rien n’a changé dans le fond, le système se refait petit à petit, le rappel de son armée de conseillers du quatrième âge à la présidence et aux différents ministères en est un indice qui ne trompe pas et qui est la parfaite illustration de cette Algérie nouvelle pour le renouveau du système.
Cette Algérie nouvelle, qui continue d’instrumentaliser la justice pour user du mandat de dépôt et du mandat d’arrêt contre des citoyens innocents pour des chefs d’accusation farfelus, comme porter atteinte au moral de l’armée!
Ces juges aux méninges mal irriguées se font aujourd’hui le bras armé de ce régime en mal de légitimité. Atteinte au moral de l’armée, parlons-en ! Comment analyser et comprendre que pratiquement tous les chefs de sécurité de ce pays, sans les citer, se retrouvent en prison, ainsi que d’autres tous corps confondus et ils sont nombreux ? Est-ce porter atteinte au moral de l’armée que de dire que cette armée a été trahie par certains de ses chefs ?
Non ! Bien au contraire, ce qui porte atteinte au moral de l’armée, c’est quand ces milliers de djounoud, de sous-officiers, qui servent leur patrie avec dévouement et abnégation, souvent au péril de leur vie, apprennent et voient comment certains de leurs chefs se sont comportés durant toutes ces années, les richesses qu’ils ont amassées, le pouvoir dont ils ont abusé et qui en fait n’étaient que de vulgaires affairistes et comploteurs. Combien de ces chefs se retrouvent en prison, d’autres en fuite et qui ont terni l’image de cette armée dont on dit héritière de l’ALN ? C’est cela qui porte atteinte au moral de l’armée, messieurs les juges !
Le mot de la fin, je le consacre à mes chers concitoyens pour leur dire que l’humanité à laquelle nous appartenons vit un moment crucial dans sa santé par cette pandémie de Covid-19. Soyons responsables, préservons notre santé et celle de nos proches et concitoyens. Nous reprendrons notre mobilisation sur le terrain sains et en bonne santé, car le chemin est long et sera parsemé d’embûches. Notre slogan “Yetnahaw gaâ” ne doit pas se transformer en “Netnahaw gaâ”.
*Par : Dr MOHAMED MAIZ - publié dans Liberté- 06 juillet 2020
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**ROMPRE AVEC LE CONFORMISME UNIVERSITAIRE
*Par le Professeur Mebtoul Mohamed – sociologue
Une université sans projet scientifique et pédagogique collectif conçu par des enseignants reconnus et élus par leurs pairs ne pouvait que fonctionner par et dans le politique.”
Si la recherche en sciences sociales et santé en Algérie a pu émerger, se renforcer pour accéder à une objectivation de ses résultats pendant plus de 30 ans, elle le doit notamment à trois éléments centraux : la rupture avec le conformisme universitaire, l’immersion du chercheur dans les différents terrains pour comprendre du dedans les pratiques sociosanitaires profanes et professionnelles au quotidien dans les structures de soins et dans les domiciles des patients et la pluridisciplinarité impérative pour croiser nos regards scientifiques respectifs face à une réalité sociosanitaire complexe (médecins, enseignants des instituts paramédicaux, anthropologues, démographes, sociologues, psychologues, etc.).
Avouons que nous étions très à l’étroit dans une université qui se limitait à reproduire administrativement et mécaniquement un enseignement très conventionnel dans des disciplines qui concernent l’Homme et la Société. Il nous semblait difficile d’évoquer par exemple la sociologie du travail, sans référence réelle à l’entreprise. Nous avons de notre propre initiative personnelle conduit les étudiants à “se salir le pantalon” pour être confrontés à ses différents agents sociaux, pour tenter de comprendre de l’intérieur leur logique sociale, leurs multiples interactions, leurs contraintes, leurs attentes, etc.
Mais nous agissions à la marge du fonctionnement au quotidien de l’Université. Celle-ci reste centralement un espace fermé sur elle-même, qui n’avait aucune prétention de produire de façon autonome et plurielle ses identités pédagogiques et scientifiques en lien avec la société et ses préoccupations, mais plutôt de “consommer” activement différentes injonctions administratives produites centralement, dans une logique de domestication à l’égard des différents pouvoirs. Le conformisme universitaire n’est pas une abstraction.
Il se révèle clairement dans l’impossibilité pour l’université de constituer une mémoire digne de ce nom, celle qui aurait permis d’accéder à une accumulation scientifique et pédagogique, en mettant en valeur de façon visible et offensive la production des enseignants-chercheurs.
L’accumulation scientifique a été, faut-il le rappeler, décisive dans l’histoire des sciences sociales produites dans les pays développés, qui ont pu grâce à la reconnaissance sociale des recherches antérieures remettre en question, affiner ou enrichir les problématiques de leurs prédécesseurs. Or, rien de tel dans l’Université algérienne orpheline d’une mémoire scientifique et pédagogique. L’université fonctionne à l’amnésie.
Elle a réussi le pari de privilégier le flou socio-organisationnel qui permet de brouiller les cartes en l’absence de toute reconnaissance du travail accompli durant des décennies par certains chercheurs qui ont laissé des traces scientifiques et pédagogiques importantes depuis les années 1970, qu’il semble important de mettre au jour, de valoriser et de les faire connaître aux étudiants.
Une université sans projet scientifique et pédagogique collectif conçu par des enseignants reconnus et élus par leurs pairs ne pouvait que fonctionner par et dans le politique. Elle a donc “logiquement” privilégié la cooptation et le clientélisme.
La production sociale dominante du silence, de l’indifférence, du retrait, du copinage et du faire-semblant est aussi une pratique sociale qui a contaminé l’Université algérienne. Elle s’est substituée à la rigueur, au débat scientifique contradictoire, à l’innovation et à l’autonomie scientifique. Même si certains îlots émergent, ils sont de l’ordre de l’exception dans une université prise dans le piège de l’utilitarisme, de l’urgence, de l’immédiateté et des décisions irréalistes, comme celle de la rédaction de thèses de doctorat en anglais, étant plus de l’ordre de la diversion politique.
Ce type de fonctionnement administré de l’université laisse ainsi dans l’ombre les enjeux sociaux et politiques majeurs, seuls à même de rendre intelligibles les implicites et les invisibilités de la société et du politique.
Le travail à la marge consistant à aller à la rencontre approfondie et fine avec des agents de la société, et cela pendant des années, a sans doute été décisif pour “fuir” symboliquement les pesanteurs administratives de l’université, se remettre en question face aux acteurs sociaux qui sont, on l’oublie souvent, au cœur de la production scientifique.
Engagement et distanciation sont, pour reprendre le sociologue allemand Norbert Elias, les postures du chercheur qui tente de comprendre du dedans les sens attribués par l’Autre. Il représente, on l’oublie souvent, l’acteur central, considérant que la recherche est une pratique sociale (inscription dans les réseaux scientifiques, appropriation des données, entretiens avec des informateurs privilégiés, etc.). Force est pourtant de relever que l’université se limite à gérer le flux important d’étudiants.
Les connaissances livresques consommées par les étudiants, si elles sont utiles, sont insuffisantes pour comprendre précisément le fonctionnement de la société et du politique. Les techniques d’enquête sont enseignées comme des recettes de cuisine, des certitudes à appliquer mécaniquement. Elles sont impuissantes à mettre en exergue la complexité des pans de la réalité sociale. L’altérité est souvent ignorée au profit de l’opinion ou du seul regard de l’apprenti-chercheur, en oubliant ses interlocuteurs.
L’université apprend rarement aux étudiants l’apprentissage difficile et parfois douloureux du “terrain” qui impose humilité et remise en cause d’une théorie qu’il s’agit mécaniquement de greffer à une réalité sous-analysée. Maurice Godelier (2012), anthropologue français de terrain, nous le rappelle : “Il faut être hyperpragmatique en matière de théorie : ne jamais s’accrocher et savoir abandonner quand cela ne marche pas.”
Ces ficelles de terrain sont indispensables pour affronter les agents de la société qui peuvent être dans une logique de théâtralisation à l’égard du chercheur. Il est faux de les considérer comme de simples jouets des évÉnements.Ils sont identifiés de façon très réductrice à de simples enquêtés passifs au service du chercheur, alors qu’ils sont des interlocuteurs importants dans la construction de son savoir. La longue immersion dans les différents terrains est centrale.
Elle questionne de façon très critique la technicisation simpliste, rapide et schématique des modes d’appréhension de la réalité sociale. Cette façon de faire est intériorisée par les étudiants. La critique et “l’imagination sociologique”, pour reprendre le titre du livre du sociologue américain Wright Mills, s’effacent pour laisser place à un savoir limité, simpliste et appauvri. La raison est à rechercher dans la dévalorisation forte des sciences sociales où la société n’a pas été intégrée comme une préoccupation majeure par l’université.
Elle est aujourd’hui dans l’impossibilité politique de la comprendre et de la décrypter. C’est plutôt une optique inverse qui a été retenue : la société reste appropriée par les experts-courtiers du pouvoir. Ce sont leurs vérités qui sont sacralisées, même s’ils n’ont aucune connaissance scientifique de ses pratiques sociales, de ses multiples invisibilités et de ses transgressions à l’égard des normes sociales dominantes.
Ce n’est pas parce qu’on vit dans une société, qu’il est possible de produire des savoirs sur celle-ci, telle qu’elle est, et non pas selon les désidératas des responsables politiques. Il n’est pas étonnant que le normatif soit en permanence privilégié dans les discours sociaux dominants : “Il faut…” ; “Ils doivent” ; “C’est comme cela…” ; “Nous avons décidé…”. Il est alors aisé du haut de son perchoir d’administrer des leçons de morale à une société “objet” interdite de toute reconnaissance de sa citoyenneté (Mebtoul, 2018), lui donnant la possibilité de décider de façon autonome de son destin et de son avenir.
Relier nos disciplines
Nous avions dès le départ considéré que la santé, la maladie et la médecine ne pouvaient être appréhendées qu’à partir de regards pluriels, pour rompre avec l’égocentrisme disciplinaire. Celui-ci ne permet pas d’appréhender dans toute sa richesse et sa complexité un fait sociosanitaire donné. Les équipes de recherche étaient constituées de médecins, de démographes, de sociologues et de psychologues. Par exemple, la maladie chronique ne se réduit pas à un état organique. Autrement dit, la pathologie n’est pas uniquement le monopole des professionnels de santé.
Elle représente aussi un événement social et psychique qui concerne tout le corps social agissant, objet d’interprétions sociales, d’influences multiples, de recours thérapeutiques diversifiés. La maladie chronique ou grave a pour effet de désorganiser le fonctionnement familial antérieur, obligeant la famille à être productrice de soins. La mère d’un enfant malade chronique sera contrainte de suspendre ses activités socioprofessionnelles (Mebtoul, Salemi, 2017), pour s’investir dans les soins de celui-ci. Ces derniers ne sont pas uniquement techniques, mais mobilisent des compétences sociales et relationnelles, qui sont de l’ordre de “prendre soin de la personne”, et pas uniquement du mal organique.
Le lien à opérer entre les différentes disciplines est essentiel face à la complexité de la réalité sociale. Or, force est d’observer que l’Université n’a pas encore intégré l’habitus pluridisciplinaire qui est fondamental pour relier les savoirs entre eux. En travaillant sur la question de l’alimentation de l’enfant (Mebtoul et al. 2020), le sociologue a collaboré avec des pédiatres, des nutritionnistes et des biologistes. Cela permet une ouverture riche de sens, de malentendus productifs, nous obligeant à une distance autocritique à l’égard de certitudes scientifiques considérées antérieurement comme une finalité, un absolu irréfutable.
Le doute et le questionnement structurent la posture du chercheur, ce qui n’apparaît pas toujours dans les enseignements dispensés à l’université privilégiant la compétence de droit (le diplôme) sur la compétence de fait (acquisition progressive d’une pratique de recherche). Le travail collectif entre chercheurs de différentes disciplines ouvre des perspectives pertinentes. Il redonne du sens à la confrontation scientifique plurielle. Celle-ci déconstruit la dichotomie très idéologique entre les sciences “dures” et les sciences “molles” qui mobilisent toutes les deux le bricolage et les incertitudes, comme l’a bien montré le sociologue des sciences, Bruno Latour (2007).
Le cloisonnement disciplinaire intègre un ordre institutionnel qui opère des frontières souvent poreuses entre les différents territoires disciplinaires hiérarchisés socialement, certains sont considérés de façon réductrice plus “prestigieux” et plus “nobles” que d’autres ; ce qui montre bien que l’ordre social et politique fabrique aussi un ordre scientifique éclaté en différentes disciplines classées par ordre d’importance sociale. La dislocation ou la division entre elles est très fictive quand on observe qu’elles sont en réalité transversales et intimement liées, étant difficile d’effacer l’une d’entre elles, pour expliquer de façon synthétique le fonctionnement de la nature et de la société intimement liées.
-Caratini S, 2O12, Les non-dits de l’anthropologie, suivi du dialogue avec Maurice Godelier, Paris, éditions Thierry Marchaisse.
-Latour B., Petites leçons de sociologie des sciences, Paris, La découverte.
-Mebtoul M., Salemi O., 2017, La relation fusionnelle mère-enfant diabétique, Naqd, 99-116.
-Mebtoul M., 2018, Algérie. La citoyenneté impossible ? Alger, éditions Koukou.
-Mebtoul et al., 2020, Tensions autour de l’alimentation de l’enfant dans la ville d’Oran, in : Soula A., Yount-André C., Lepeller O., Bricas N., (sous la direction) Manger en ville. Regards socio-anthropologiques d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, Paris, éditions Quae, 18-29.
Déclassée socialement et mal classée sur l’échiquier international, l’Université algérienne est plongée dans un profond malaise jusqu’à perdre sa vocation. Des universitaires, chacun dans sa discipline, décryptent l’état des lieux et ouvrent des pistes pouvant lui redonner sa place de choix.
**Par le Professeur Mebtoul Mohamed – sociologue- publié dans Liberté- 08 juin 2020
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*Résolution d’urgence sur « la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, adoptée par Parlement européen
Le Parlement européen (PE) vient d’adopter à la majorité absolue (669 voix pour, 2 contre, 22 abstentions) une résolution d’urgence sur l’Algérie. Il s’agit de 20 points sur « la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni ».
Les eurodéputés ont examiné ce jeudi 26 novembre 2020, lors d’une séance plénière, la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni condamné, rappelons-le, à deux ans de prison ferme par la Cour d’Alger.
Ce n’est pas la première fois que le parlement de Strasbourg adopte une résolution concernant les libertés en Algérie. Celle votée le 29 novembre 2019 a fait jurisprudence. Elle condamne la répression politique en Algérie en demandant l’arrêt de toutes les atteintes aux libertés et les violations des droits de l’homme.
Cette fois encore Strasbourg adopte 20 nouvelles résolutions que Radio M rapporte dans le détail :
1. condamne fermement l’escalade des arrestations et détentions illégales et arbitraires et du harcèlement juridique dont sont victimes les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les syndicalistes, les avocats, les membres de la société civile et les militants pacifiques en Algérie, qui ferme toute possibilité de dialogue politique sur la révision constitutionnelle non démocratique et entrave l’exercice des libertés d’expression, de réunion et d’association; dénonce le recours à l’introduction de mesures d’urgence dans le contexte de la pandémie de COVID-19 comme prétexte pour restreindre les droits fondamentaux du peuple algérien;
2. invite les autorités algériennes à remettre immédiatement en liberté, sans conditions, Mohamed Khaled Drareni et tous ceux qui ont été détenus et inculpés pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, que ce soit en ligne ou hors ligne, et à la liberté de réunion et d’association, y compris Yacine Mebarki, Abdellah Benaoum, Mohamed Tadjadit, Abeldhamid Amine, Abdelkrim Zeghileche, Walid Kechida, Brahim Laalami, Aissa Chouha, Zoheir Kaddam, Walid Nekkiche, Nourredine Khimoud et Hakim Addad; appuie la demande de Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, en vue de la libération urgente, compte tenu de la pandémie de COVID-19, de tous les prisonniers politiques et de toute personne détenue pour avoir exprimé une opinion dissidente; invite les autorités algériennes à déverrouiller les médias et à mettre fin à toute arrestation ou détention de militants politiques, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme ou de personnes qui expriment une opinion dissidente ou critique à l’égard du gouvernement;
3. réaffirme que la liberté d’expression, qui comprend la liberté des journalistes, qu’ils soient professionnels ou citoyens, d’informer et de proposer une analyse et des commentaires sur les manifestations et sur toute autre forme d’expression de mécontentement à l’égard du gouvernement ou de personnes physiques ou morales liées au gouvernement, est indispensable pour une transition politique pleinement démocratique;
4. témoigne sa solidarité à tous les citoyens et citoyennes algériens, quels que soient leur origine géographique ou ethnique et leur statut socioéconomique, qui manifestent pacifiquement depuis février 2019 pour demander que l’État ne soit plus aux mains des militaires et exiger la souveraineté populaire, le respect de l’état de droit, la justice sociale et l’égalité des sexes; invite les autorités algériennes à prendre les mesures qui s’imposent pour lutter contre la corruption;
5. invite une nouvelle fois les autorités algériennes à mettre fin à toutes les formes d’intimidation, de harcèlement judiciaire, de criminalisation et d’arrestation ou de détention arbitraires à l’encontre des journalistes qui critiquent le gouvernement, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’homme, des avocats et des militants; les invite une nouvelle fois à prendre les mesures qui s’imposent pour assurer et garantir à tous le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, la liberté des médias, la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyances, libertés qui sont inscrites dans la Constitution algérienne et consacrées par le PIDCP, que l’Algérie a signé et ratifié; condamne toute forme de recours excessif à la force par les membres des forces de l’ordre lorsqu’ils dispersent des manifestations pacifiques; invite une nouvelle fois les autorités algériennes à procéder à des enquêtes indépendantes sur tous les cas de recours excessif à la force par des membres des forces de l’ordre et à traduire en justice tous les auteurs; invite les autorités algériennes à honorer les engagements internationaux de l’Algérie au titre de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
6. prend acte de la remise en liberté provisoire, depuis l’adoption par le Parlement européen de sa résolution du 28 novembre 2019, de certains militants politiques, tels que Karim Tabbou, figure de l’opposition, ou encore Mustapha Bendjema et Khaled Tazaghart;
7. invite instamment les autorités algériennes à garantir l’existence d’un espace de liberté dévolu à la société civile qui permette la tenue d’un authentique dialogue politique et ne criminalise pas les libertés fondamentales, en adoptant une nouvelle législation pleinement conforme aux normes internationales qui ne prévoie aucune exception illégale au regard du droit international, en particulier au regard des conventions ratifiées par l’Algérie, y compris les conventions de l’Organisation internationale du travail; souligne que cet espace de liberté dévolu à la société civile est indispensable à l’émergence d’une Algérie démocratique dirigée par des civils; déplore que les journalistes étrangers demeurent confrontés à des obstacles et manœuvres d’obstruction administratifs pour obtenir des visas de presse leur permettant de travailler dans le pays;
8. rappelle que le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux consacrés par la déclaration universelle des droits de l’homme est l’une des clauses relatives aux droits de l’homme figurant dans l’accord d’association UE-Algérie de 2005; souligne que la transition politique en cours doit garantir le droit de tous les Algériens, quels que soient leur sexe, leur origine géographique ou ethnique et leur statut socioéconomique, y compris des Berbères, à participer pleinement au processus démocratique et à exercer leur droit de prendre part à la direction des affaires publiques, y compris en renversant la tendance au rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile indépendante, au journalisme et au militantisme politique;
9. se dit préoccupé par de nouvelles lois qui présentent un caractère restrictif, telles que la loi nº 20-06, qui criminalise de manière arbitraire la diffusion d’«informations fallacieuses» souillant l’honneur de fonctionnaires publics et le financement d’associations; souligne que cette loi comporte plusieurs dispositions qui enfreignent les normes internationales en matière de liberté d’expression et d’association, notamment les articles 19 et 22 du PIDCP;
10. invite instamment les autorités algériennes à réviser deux lois à caractère restrictif, à savoir la loi nº 12-06 de 2012 relative aux associations et la loi nº 91-19 de 1991 relative aux réunions et manifestations publiques, qui instaure un régime d’autorisation préalable, et à veiller à ce que l’autorité administrative compétente délivre sans délai un certificat d’enregistrement à plusieurs organisations caritatives, religieuses, non gouvernementales et de la société civile qui ont demandé leur réenregistrement;
11. déplore la modification apportée au code pénal algérien en avril 2020 qui restreint la liberté de la presse, la liberté d’expression et la liberté d’association; invite instamment les autorités algériennes à réviser le code pénal, et en particulier ses articles 75, 79, 95 bis, 98, 100, 144, 144 bis, 144 bis 2, 146 et 196 bis, pour les mettre en conformité avec le PIDCP et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, en vue de mettre fin à la criminalisation de la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association;
12. salue le fait que les articles 4 et 223 de la Constitution telle que révisée renforcent le statut du tamazight en tant que langue nationale et officielle; souligne que de telles déclarations ne doivent pas être instrumentalisées pour faire fi des problèmes structurels auxquels est confronté le tamazight ni pour semer la discorde au sein du mouvement Hirak; invite les autorités algériennes à préserver l’égalité de traitement devant la loi en ce qui concerne l’utilisation de l’arabe et du tamazight; invite instamment le gouvernement algérien à abroger l’interdiction de faire flotter le drapeau amazigh et à remettre immédiatement en liberté toute personne emprisonnée pour avoir arboré des symboles amazighs;
13. assure de son soutien les avocats et juristes algériens qui continuent à faire leur possible pour que soient respectées les normes les plus élevées en matière de justice en dépit du contexte et des risques qu’ils encourent; invite les autorités algériennes à garantir pleinement l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’impartialité du système judiciaire, ainsi qu’à cesser et interdire toute restriction, influence indue, menace ou ingérence en ce qui concerne les décisions de justice ou d’autres questions judiciaires;
14. invite les autorités algériennes à garantir à la fois une pleine reddition de comptes et un contrôle démocratique et civil des forces armées, ainsi que la subordination effective de ces dernières à une autorité civile légalement constituée, et à faire en sorte que le rôle de l’armée soit correctement défini dans la Constitution et explicitement limité aux questions touchant à la défense nationale;
15. invite instamment les autorités algériennes à autoriser l’entrée dans le pays des organisations internationales des droits de l’homme et des titulaires de mandat au titre de procédures spéciales des Nations unies;
16. se dit préoccupé par les tracasseries administratives que connaissent les minorités religieuses en Algérie, notamment eu égard à l’ordonnance nº 06-03; engage le gouvernement algérien à réviser l’ordonnance nº 06-03 afin qu’elle soit conforme à la Constitution et aux obligations internationales de l’Algérie en matière de droits de l’homme, notamment à l’article 18 du PIDCP; demande le respect de la liberté de culte de toutes les minorités religieuses;
17. attend de l’Union européenne qu’elle place la situation en matière de droits de l’homme au cœur de son dialogue avec les autorités algériennes, tout particulièrement lors de la prochaine session du Conseil d’association UE-Algérie; demande au Service européen pour l’action extérieure (SEAE) d’élaborer et de dresser une liste de cas particuliers singulièrement préoccupants, où figurent notamment ceux mentionnés dans la présente résolution, et de rendre régulièrement compte au Parlement des progrès accomplis en vue d’y apporter une solution;
18. demande au SEAE, à la Commission et aux États membres, en coopération avec le représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme, d’apporter leur soutien aux groupes de la société civile, aux défenseurs des droits de l’homme, aux journalistes et aux manifestants, y compris en se montrant publiquement plus fermes au sujet du respect des droits de l’homme et de l’état de droit en Algérie, en condamnant, sans ambiguïtés et de manière publique, les atteintes aux droits de l’homme, en invitant instamment les autorités à remettre en liberté les victimes de détentions arbitraires et à cesser de recourir de manière excessive à la détention provisoire, en demandant à avoir accès aux détenus et en observant les procès de militants, de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, ainsi qu’en suivant de près la situation en matière de droits de l’homme en Algérie par tous les moyens disponibles;
19. souligne l’importance que l’Union européenne attache à ses relations avec l’Algérie en tant que voisin et partenaire majeur; rappelle l’importance d’entretenir des liens étroits et renforcés avec l’Algérie et réaffirme son engagement en faveur du resserrement de ces liens, sur la base d’un respect plein et entier des valeurs communes que sont notamment les droits de l’homme, la démocratie, l’état de droit et la liberté des médias;
20. charge son Président de transmettre la présente résolution au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à la délégation de l’Union européenne à Alger, au gouvernement algérien, au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l’homme des Nations unies et au Conseil de l’Europe.*Radio.M- *Lynda Abbou – 26 novembre 2020
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Fête de l’indépendance :
**vidéo: Grandiose manifestation des algériens à Paris, 05 juillet 2020
La diaspora a marché dimanche à Paris
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Google célèbre la fête de l’indépendance de l’Algérie
Le moteur de recherche Google a partagé ce dimanche 05 juillet 2020, avec les Algériens la célébration de la fête de l’indépendance, à sa manière.
Il a programmé un slogan spécial pour l’Algérie à l’occasion de sa célébration de la 58e Journée de l’indépendance et de la jeunesse, qui coïncide avec le 5 juillet de chaque année.
Google a montré une image spéciale surmontée du drapeau national algérien, et une fois que vous appuyez dessus, il vous renvoie à divers sujets connus comme le jour de l’indépendance de l’Algérie, la révolution éditoriale et les nouvelles coïncidentes de cette célébration nationale.* algerie-eco/ 5 juillet 2020
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