Enfants turbulents
**L‘enfant peut être encouragé dans un retour en soi.
Nourrir la vie intérieure de son enfant, contre l’hyperstimulation ambiante
De nombreuses initiatives parentales tentent aujourd’hui de faire contrepoids à l’«hybris technologique» qui semble prendre nos petits dès leurs premiers dix ans (smartphone, Facebook, télévision, jeux vidéo, etc.) Ainsi, l’Expérience – la majuscule montre l’ampleur du projet – que Susan Maushart, journaliste new-yorkaise, vient de mener avec ses trois enfants: six mois sans le moindre média électronique! Elle raconte dans son livre Pause(Éd. NIL) les difficultés de chacun (y compris les siennes) pour accepter une vie «unplugged» (déconnectée), mais elle livre un bilan positif: au terme de cette abstinence forcée, «j’ai vu mes enfants émerger peu à peu de l’état de Cognitus interruptus si je puis dire qui avait caractérisé tant et tant de leurs heures de veille, pour devenir des penseurs plus logiques et plus concentrés».
Une autre option est de convertir les enfants à la méditation: ainsi une association britannique partenaire de l’Université d’Oxford conçoit des formations de huit semaines de Pleine Conscience pour les écoliers. Aujourd’hui, leur mot d’ordre «. b» (prononcer dot-be) («arrête-toi, respire et sois!») est suivi par les enfants de 12 pays, y compris la France.
Se retenir d’anticiper les réponses
Faut-il donc en arriver à la mise en place de tels «dispositifs» pour que les enfants d’aujourd’hui aient du plaisir à revenir à leur vie intérieure? Pas si sûr, affirment les psychologues spécialistes de l’enfance. «La méditation, la contemplation, le retour à soi… L’enfant les a spontanément, rappelle Etty Buzyn, psychanalyste et auteur de L’autonomie, mode d’emploi(Éd. Albin Michel). Le problème, c’est qu’on a endommagé ce trésor inné avec nos tentations d’hyperstimulation.»
Après les années 1960, il s’est agi «d’éveiller» l’enfant par tous les moyens. Apprendre à lire aux bébés, une langue étrangère aux deux-trois ans, la danse rythmique pour qu’ils soient à l’aise dans leur corps… Mais aujourd’hui, revenus des bienfaits de ces «activités d’éveil», les parents souhaitent surtout des enfants calmes. «C’est l’effet de balancier d’un excès à l’autre, commente Etty Buzyn. Il faut revenir à la juste mesure: l’enfant est naturellement équipé d’une capacité à rêver, nourrir sa vie intérieure, se poser des questions de fond… Les parents, pour l’accompagner, ont juste à se retenir d’anticiper les réponses en lui mâchant tout le travail introspectif!»
Cette capacité de réflexion profonde, Nicole Prieur, psychothérapeute qui vient d’écrire Nos enfants, ces petits philosophes (Éd. Albin Michel), la constate tous les jours dans son cabinet. «Dès qu’ils ont six-sept ans, mes petits patients me posent des questions existentielles: d’où je viens? Pourquoi on meurt? Ils ont ce sens du questionnement sur l’origine, notre finitude, qui est inné et commun à tous les enfants, et qui marque notre intériorité», observe la spécialiste tout en remarquant «que, contrairement à il y a une quinzaine d’années, ils n’ont plus de lieux – catéchisme ou colonies de vacances, etc. -, où explorer ces questions avec d’autres».
«Ne pas avoir peur de toucher une transcendance»
Dès lors, comment les aider à prendre goût à l’intériorisation? «En leur laissant du temps pour cela», estime Etty Buzyn, qui a aussi écrit sur l’importance du rêve et de l’imaginaire dans le développement des enfants. Et de se rappeler avec émotion ce petit garçon qui, se promenant avec elle au jardin du Luxembourg, passa de longs moments à lui décrire les lettres qu’il «voyait» dans les branches des arbres. «Lorsqu’un enfant s’émerveille, l’important est de faire silence auprès de lui et de lui montrer qu’on est conscient de la profondeur qu’il perçoit.»
Ces «instants d’éternité» captés devant un tableau au musée ou un coucher de soleil sur la mer sont aussi amenés naturellement par la réflexion philosophique. «Lorsqu’ils s’interrogent, il faut vraiment les laisser dérouler leur questionnement, relancer par d’autres questions», suggère Nicole Prieur, invitant même les adultes à «ne pas avoir peur de toucher une transcendance, car cette démarche va contre le “tout, tout de suite” et le zapping ambiants».
L’important, pourtant, reste d’encourager leurs différences, leurs goûts uniques. «Peu à peu, l’enfant sélectionne de façon autonome certains éléments de son environnement qu’il fait siens, explique Etty Buzyn. La musique ou des couleurs, un personnage ou une histoire, etc. Les parents n’ont qu’à lui ouvrir le plus de portes afin qu’il exerce au mieux son extraordinaire faculté d’observation, et qui est à respecter chez chaque enfant. Ce qui lui permettra de faire le tri pour construire sa personnalité.» Et la psychanalyste d’évoquer l’influence exemplaire du père de Léonard de Vinci. À son fils qui n’allait pas à l’école, il répétait aussi souvent que possible: «regarde – bien!». Un sésame qui donna de nombreux fruits comme chacun sait.*Figaro.Santé-12.04.2013.
**L’hyperactivité chez l’enfant trop souvent ignorée
Nombre de médecins passent à côté de ce syndrome synonyme de souffrance.
En France, un enfant hyperactif est diagnostiqué trente mois en moyenne après l’apparition de ses premières difficultés. Dans ce laps de temps, sa souffrance scolaire et familiale aura empiré. Il aura sans doute redoublé ou été exclu d’une école impuissante à le canaliser. Il aura rencontré les mouvements de rejet de ses instituteurs et de ses camarades. Ses parents, eux, auront frappé à bien des portes de psychologues ou de pédopsychiatres, sans que son mal n’ait été nommé.
Alors que les études scientifiques montrent que certaines thérapies peuvent soulager l’enfant et son entourage au moment crucial des premiers apprentissages, le système de soins français semble incapable de poser un diagnostic à temps. «Les professionnels de santé sont peu ou pas formés à ce syndrome. Ils ont souvent des difficultés à répondre aux questions des familles et à leur proposer une orientation adaptée», constate la Haute Autorité de santé dans une note publiée la semaine dernière.
Débordé par les stimulations
Le trouble du déficit de l’attention-hyperactivité (TDAH) touche entre 3 et 5 % des enfants scolarisés, soit un à deux par classe. Décrit depuis la fin du XIXe siècle, il a longtemps été très controversé. Malgré une médiatisation récente, il reste aujourd’hui mal connu du grand public car il se présente sous des formes diverses.
«Le symptôme principal est un déficit d’attention, qui peut être associé ou non à une hyperactivité variable en intensité et à une impulsivité», détaille le Dr François Bange, pédopsychiatre à l’hôpital Robert-Debré, à Paris. Les difficultés de l’enfant deviennent flagrantes sur les bancs de l’école. Il a du mal à résister aux distractions, à finir ce qu’il a commencé. Il ne peut pas attendre, lever la main avant de s’exprimer ou lire une consigne. Il est souvent agité. En collectivité, il est vite débordé par l’excès de stimulations. Cela le mène à des brusqueries, des colères et des désobéissances.
«Les filles ont une présentation moins voyante avec plus de troubles de l’attention, note le Pr Diane Purper-Ouakil, pédopsychiatre à l’hôpital Saint-Éloi, à Montpellier. Elles sont souvent autoritaires et impulsives, mais elles font plus d’efforts pour être acceptées socialement, ce qui complique le repérage.»
«Un trouble très envahissant»
Le TDAH a aussi de fortes répercussions sur la vie de famille. «C’est un trouble très envahissant: les parents s’épuisent, le couple tangue, les frères et sœurs souffrent», témoigne Sylvie Vigo, une mère de deux garçons hyperactifs, qui a raconté leur histoire dans un livre *. L’enfant est anxieux, démoralisé et se dévalorise.
D’où l’importance d’une prise en charge spécialisée, qui combine différentes stratégies. Un traitement médicamenteux (le méthylphénidate, plus connu sous le nom de Ritaline, une de ses formes commerciales) peut ainsi être proposé à partir de 6 ans. Mais seuls 5 % des enfants hyperactifs prennent, en France, ce psychotrope dont l’efficacité à court et moyen terme est démontrée.
«Parallèlement, des programmes thérapeutiques limitent les répercussions négatives du syndrome», indique le Pr Purper-Ouakil. Sont proposés des conseils aux parents, du soutien psychologique et un aménagement du temps scolaire. En classe, des mesures simples contribuent à apaiser les tensions: installer l’enfant au premier rang, le faire marcher régulièrement, raccourcir les exercices.
Diagnostic à l’hôpital
Âgé de 10 ans aujourd’hui, le fils aîné de Sylvie Vigo est encore sous Ritaline, mais seulement les jours d’école. Cette mère dont les colères devenaient excessives dit avoir tenu bon grâce aux thérapies comportementales.«On m’a aidée à comprendre que mes fils ne le faisaient pas exprès et je suis devenue plus tolérante, témoigne-t-elle. J’ai arrêté de culpabiliser. Nous avons aussi changé de stratégie éducative: nous essayons de les féliciter pour ce qu’ils font bien, au lieu de les punir à tout bout de champ.»
Aujourd’hui, le diagnostic d’hyperactivité se fait principalement à l’hôpital, seul autorisé à prescrire le méthylphénidate pour la première fois. À ce stade, les familles doivent encore prendre leur mal en patience: deux ans d’attente pour un premier rendez-vous à Robert-Debré, plusieurs mois à Montpellier, etc.
Selon Mario Speranza, pédopsychiatre à Versailles, «quand on suit la trajectoire de ces enfants, on voit que ceux qui n’ont pas été pris en charge ont des parcours plus compliqués», même si le trouble disparaît spontanément à la puberté dans la moitié des cas. À la demande de la Direction générale de la santé, la HAS doit maintenant définir une série de recommandations pour améliorer le repérage de ces enfants par les médecins généralistes, les pédiatres et les enseignants. Et faire évoluer l’image d’enfants mal élevés et insupportables qui leur colle encore à la peau.*Figaro.Santé- le 28/02/2013
* «Mon enfant est hyperactif», coécrit avec une pédopsychiatre, Éditions de Boeck.
Des causes multiples
Selon la Haute Autorité de santé, le TDAH s’apparente à un trouble neuro-développemental multifactoriel. «Pour la très grande majorité des enfants, il ne s’agit pas d’une cause psychologique», assure le Dr François Bange, de l’hôpital Robert-Debré, à Paris. Certains facteurs de risque pourraient contribuer à l’apparition du syndrome. Il en est ainsi des antécédents familiaux ou d’événements périnataux comme la prématurité, le faible poids de naissance et l’exposition au tabac in utero. Aux États-Unis, les diagnostics de TDAH ont augmenté de manière spectaculaire depuis dix ans. Ils concernent aujourd’hui plus d’un enfant sur dix.
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«Les vrais hyperactifs, ce sont les parents!»
Interview – Dominique Mazin est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle publie, avec Dominique François, journaliste, Élever un enfant, c’est pas si compliqué! (Albin Michel).
LE FIGARO. – Dans quel état sont les parents qui viennent vous consulter pour un «enfant agité»?
Dominique MAZIN. – Il y a une vingtaine d’années, ils arrivaient en nous disant que leur enfant était «dur», ou «nerveux». Aujourd’hui, ils préfèrent employer le terme d’«hyperactif», qui sonne plus médical et laisse penser que ce n’est de la faute de personne. Il faut dire que ces parents sont à la fois angoissés -ils disent «si je ne fais rien, il va devenir délinquant»- et culpabilisés parce que tout simplement, «ils n’y arrivent pas».
Manquent-ils tous d’autorité?
Ils ont souvent de l’autorité, mais une autorité inadéquate. Ils demandent beaucoup à l’enfant, et même trop. Parfois dix consignes à la minute! Une partie de mon travail est d’ailleurs de leur apprendre à hiérarchiser toutes ces consignes: obliger l’enfant à lacer ses chaussures ou à respecter le feu avant de traverser ne sont pas du même ordre ni de même valeur. Et les consignes à adresser à un enfant de 3 ans ne sont pas les mêmes que pour un enfant de 10 ans! Trop souvent les parents ne tiennent pas compte des possibilités liées à l’âge de leur petit. D’autre part, ils ont une vision de l’autorité qui est une prise de pouvoir. Ils disent à l’enfant: «Tu vas m’obéir parce que c’est moi qui l’ai dit.» Mais ce n’est pas un motif valable! L’enfant doit comprendre que le parent commande pour le protéger, pas juste pour lui apprendre à obéir.
Vous ajoutez donc des motifs de culpabiliser, sur les épaules de ces pauvres parents!
Je leur accorde le fait que nous sortons d’une période trop laxiste, et qu’ils ne peuvent donc savoir comment poser les lois, puisqu’on ne le leur a pas appris. À cause d’une lecture mal comprise de Françoise Dolto, ces parents ont eu en tête une priorité: éveiller l’enfant. Résultat, leurs enfants sont suroccupés, surstimulés. Ils ont des agendas de ministres, la maman quand elle rentre le soir veut jouer avec eux… Surtout, ces parents ne cessent de parler à leur enfant, de leur expliquer ce qu’ils font, de leur poser des questions… Ce sont eux les vrais hyperactifs! Eh bien oui, en conséquence, et comment s’en étonner, les enfants sont agités, pour ne pas dire surexcités!
Quelles seraient les solutions?
Ne pas chercher à «rentabiliser» sans cesse le temps passé avec l’enfant, notamment du côté des mères qui culpabilisent de travailler et donc n’ont de cesse de vouloir rattraper d’hypothétiques moments perdus. Bien sûr, il est important de se montrer disponible, mais inutile de chercher à remplir le temps des petits ou de vouloir sans arrêt penser à leur place.
Les thérapies familiales permettent-elles de changer ces habitudes?
Nous avons de moins en moins de réelles thérapies, mais plus des sessions de guidance éducative. Il faut comprendre que les parents d’aujourd’hui, bien souvent, ne savent pas ce qu’est un enfant: ils ont eu peu de frères et sœurs, ont rarement été mélangés avec des plus petits ou des plus grands, l’école comme les centres de vacances fonctionnant par tranches d’âge dans notre pays… Une de mes actions est d’expliquer aux parents que le samedi soir, à minuit, un enfant de 3 ans n’a pas à dîner avec eux et leurs amis! Ce temps-là est celui des adultes, pas des petits.*Figaro.Santé- le 09/05/2010
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Comprendre les enfants insupportables
Certains sont mis sous Ritaline, d’autres suivent une psychothérapie avec leurs parents
Il y en a probablement dans votre entourage. Ou vous les voyez parfois, dans des restaurants ou des lieux publics, courir au milieu des tables, faire l’hélicoptère en poussant des cris ou interrompre sans cesse les conversations de leurs parents visiblement épuisés mais fascinés par tant d’énergie. Eux, ce sont des enfants «agités», «turbulents» ou «difficiles». Depuis quelques années, et suivant le tableau clinique DSM IV de la psychiatrie américaine, certains d’entre eux sont qualifiés d’hyperactifs ou même «d’hyperkinétiques». Ces enfants THADA (c’est-à-dire atteints de Trouble de l’Hyperactivité Avec Déficit de l’Attention) seraient actuellement entre 3% et 11% de la population enfantine.
Mais où finit l’extrême besoin de dépense physique, le côté «éveillé et épanoui» qu’adorent les parents d’aujourd’hui et où commence le trouble chez ces petits garçons (l’hyperactivité est très rare chez les petites filles)? C’est toute la question qui se pose aux psychiatres et psychanalystes qui reçoivent ces trublions. «Comment évaluer ces comportements quand on observe que jamais l’enfant lui-même ne s’en plaint, ou ne fait de demande de traitement, mais seulement l’école -et cela est variable selon les enseignants- ou les parents?», s’interroge Marika Bergès-Bounes. Psychologue-psychanalyste à l’hôpital Saint-Anne de Paris, elle vient de diriger un impressionnant ouvrage collectif sur le thème de L’enfant insupportable (Ed ERES).
«Ne m’oubliez pas!»
«Ce sont des patients qui arrivent déjà diagnostiqués chez nous! Et insensiblement, avec les années, concernant ce dont ils sont atteints, nous sommes passés d’une simple agitation motrice à “une maladie”, et aujourd’hui à un “trouble du comportement”! Pour nous, il y a nécessité surtout de comprendre ce qui est d’abord un symptôme», martèle-t-elle. Un avis partagé par Mazy Varraud, orthophoniste dans un centre médico-psycho-pédagogique à Évreux. «II n’y a pas d’enfants insupportables, il n’y a que des enfants insupportés. Et surtout, poursuit-elle, des enfants en réaction. La preuve, ils sont le plus souvent calmes avec nous. Mais il suffit qu’un de leurs parents leur dise “dis au revoir à la dame” pour qu’ils se mettent à s’agiter, courir partout ou même se jeter sous les tables.»
Lui vient alors à l’esprit l’histoire de Kyran, 10 ans. À la moindre remarque d’un enseignant, il se mettait à ruer dans les brancards. «Notre équipe pluridisciplinaire s’est penchée sur son histoire et a vu que Kyran avait été placé en foyer parce que ses parents l’avaient maltraité psychologiquement. Mais il souhaitait toujours les revoir, tout en étant en colère contre eux. C’est cette colère de fond qui refaisait surface à la moindre occasion.»
L’hypertonicité motrice est donc à regarder comme un signal. «Elle veut toujours dire quelque chose dans l’économie d’une famille ou d’une classe», observe Marika Bergès-Bounes. Un problème de place, notamment. Un petit frère est né il y a peu, ou la tension monte entre les parents… D’ailleurs ces agités ont cette manie de sans cesse faire parler d’eux, de ramener l’attention des parents à leur existence, comme une façon de dire «Ne m’oubliez pas! Je suis là». Ces enfants n’ont pas encore trouvé une place d’où ils peuvent parler. Alors, à défaut de pouvoir mettre en mots, ils remuent. «Chez certains, il y a aussi la volonté inconsciente de prouver qu’ils sont vivants, poursuit la psychanalyste: une mère dépressive, ou un frère mort avant eux… Ils n’ont de cesse de lutter contre cette angoisse de mort en occupant le terrain.»
Certains parents, désireux que ces symptômes cessent vite, vont dans les services qui prescrivent de la Ritaline, le fameux psychotrope qui «rend les enfants sages». Les psychanalystes y sont pour la plupart opposés et travaillent donc dans un tout autre esprit que leurs collègues psychiatres. «Si l’agitation motrice était une pathologie, cela se saurait, affirme Marika Bourgès-Bounes. Le grand neuro-psychiatre Henri Wallon lui-même ne la considérait pas comme une maladie dans la mesure où elle s’arrête avec l’adolescence.»
Aujourd’hui, cette psychanalyste et son équipe de Saint-Anne déplorent que des enfants en échec scolaire ou déprimés soient rapidement catalogués «enfants THADA». «Le terme est devenu un vaste fourre-tout à l’intérieur duquel on ignore si l’agitation motrice vient avant la perte de concentration ou après.» Elle observe aussi que de nombreux parents arrivent en consultation avec le souci paradoxal que leur enfant soit bien «hyperactif» ou «surdoué». «Dans les deux cas, ces enfants sont dans le “Plus”», note la psychanalyste. Une démesure qui selon elle serait un produit inattendu de notre société d’hyperconsommation toute occupée à «gaver les enfants» sur tous les plans.*Figaro.Santé-le 10/05/2010
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« Rien n’est joué à 3 ou 6 ans »
La France est-elle en train d’importer les méthodes américaines de dépistage précoce des troubleschez les petits ? La psychanalyste Sylviane Giampino dénonce cette dérive.
Quelles sont ces méthodesde dépistage ? Où les utilise-t-on en France ?
Sous couvert de prévention, il s’agit de repérer des troubles du comportement chez le jeune enfant à l’aide de tests, de questionnaires et de techniques de dépistages. Cela se pratique beaucoup aux États-Unis et au Canada où l’on classe des pathologies : « Hyperactivité et déficit d’attention », « Opposition avec provocation », « Trouble des conduites ». On étudie les aptitudes à la « socialité ». Cette classification est très discutée et très discutable. En France, ces méthodes sont loin d’être généralisées, mais elles se mettent en place, à titre expérimental, alors même qu’aux États-Unis, on doute de leur efficacité.
Détecter tôt un problème, c’est plutôt une bonne chose, non ?
Bien entendu, mais certains pensent que ces problèmes relèvent de la pathologie. Qu’il y a, derrière, des dysfonctionnements biologiques, génétiques, que l’on peut éventuellement corriger avec un calmant ou des techniques de contrôle de soi. Ces dysfonctionnements fabriqueraient des adultes antisociaux, des délinquants, des violents. Toute notre politique de prévention et de protection de la petite enfance va à l’encontre de cette pensée déterministe qui était celle du XIXe siècle.
Ces troubles peuvent être passagers, sans lendemain ?
Je récuse le terme de « troubles ». Je préfère parler d’enfants qui ont des « difficultés ». Derrière un mal-être, il faut comprendre ce que l’enfant cherche à faire entendre : un problème familial, un problème de crèche, un conflit psychologique…
L’enfance, c’est l’âge des transformations. Il est absolument faux de dire que tout est joué avant 3 ou 6 ans. Un enfant n’est pas un adulte miniature. Le cerveau évolue tout au long de la vie. Et pourquoi voulez-vous que, chez 12 % des petits Américains, soit posé le diagnostic de l’hyperactivité avec trouble de l’attention, quand il l’est très peu en Europe et en France ? Leur cerveau serait différent de celui des petits Français ?
Vous appartenez au collectif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans ». Il s’est opposé, en 2005, au dépistage systématique et précoce des enfants perturbateurs. Le débat n’est donc pas clos ?
Nous avons des services de protection maternelle et infantile, des lieux d’accueil parents-enfants, des « maisons vertes », des secteurs de pédo-psychiatrie infantile, des Rased… Ces outils, que de nombreux pays nous envient, sont attaqués.
Se développe tout un discours d’invalidation de cette politique née avec les ordonnances de 1945 de protection de la jeunesse. Les services sociaux, la protection judiciaire de la jeunesse : tous sont critiqués. Je ne dis pas qu’ils ne doivent pas évoluer, ils sont parfois trop cloisonnés. Mais on veut nous faire croire qu’il suffit de cibler, le plus tôt possible, certaines pathologies, certaines populations, certains quartiers, et l’on éradiquera ainsi la violence, la délinquance. C’est absurde.(Ouest-France.12.11.09.)
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*Pourquoi pas le yoga?
Les disciplines énergétiques permettent de mieux maîtriser l’énergie. Surtout chez les enfants qui souffrent de troubles de l’attention.
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* À côté du judo, du violon, de l’athlétisme… d’autres disciplines fleurissent, beaucoup plus « zen ». On les appelle les arts énergétiques.
POUR L’ATTENTION : Le QI QONG
Pourquoi ? Le qi (= souffle) gong (= travail) est un ensemble de pratiques et de gestes qui visent au bien-être et à la santé, et surtout à l’harmonie entre corps et esprit. « Aujourd’hui, dans notre société de zapping et d’apparence, constate Dominique Casaÿs, président de la fédération française de qi gong, on est trop porté vers l’extérieur et pas assez sur son bien-être intérieur. » Les disciplines énergétiques permettent de mieux maîtriser l’énergie. Surtout chez les enfants qui souffrent de troubles de l’attention.À quel âge ? On peut pratiquer de 6 à 12 ans environ (plus difficile à l’adolescence où l’on s’oriente plutôt vers un enchaînement de gestes plus rapides, type kung-fu). « Les enfants pratiquent le qi gong des animaux : ils imitent le tigre (on rassemble son énergie pour bondir), l’ours (notion de pesanteur, les deux pieds bien plantés dans la terre), et on cultivera l’équilibre grâce à la posture du flamant rose ou de la cigogne. Il explorera les potentialités de son corps. » La séance s’achève sur une relaxation.
Où pratiquer ? Quelques ateliers de groupe sur Paris, Lyon et Marseille, mais surtout beaucoup de cours individuels (www.federationqigong.com).
***Pour les hyperactifs : le yoga
Yogamini propose, à Paris, des cours destinés aux enfants, aux adolescents et aux parents en français et/ou en anglais.
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Pourquoi ? C’est la discipline idéale pour les petits bulldozers. Et aussi pour ceux qui ne sont pas sûrs d’eux.
À quel âge ? À partir de 3 ans. Ulrika Deze, Suédoise, a monté il y a quelques mois un atelier de « yogamini », sur un concept venu des États-Unis en 1991. Chaque séance est consacrée à un thème ludique : voyage dans la savane, balade sous l’eau… Au fil
de l’histoire, les enfants sont amenés à effectuer des postures dynamiques, tout en mémorisant des connaissances.
Où pratiquer ? Yogamini donne des cours dans les IIIe, IVe, VIIe et XIVe arrondissements de Paris(www.yogamini.fr, 50 € cours particulier, 500 € cours collectif pour l’année). Et pour pratiquer derrière son écran, rendez-vous sur TF1 le matin, dans l’émission « TFou », une minute trente de yoga à 7 heures, pour les 4-7 ans.
POUR LES ANXIEUX : LA SOPHROLOGIE
Pourquoi ? Des expériences faites dans les écoles maternelles prouvent qu’elle augmente le calme et la bonne perception du schéma corporel.
À quel âge ? à partir de 4-5 ans. On pratique debout ou assis. Tout est basé sur la respiration et la visualisation. Les enfants sont très doués en « visualisation créative ». À partir du CM1-CM2 on peut aussi dompter le stress des contrôles et des évaluations.
Comment pratiquer ? En séance individuelle (choisir dans l’annuaire les sophrologues spécialisés « enfants ou ados » www.sophrologiefrancaise.com). Et, pour pratiquer à la maison, deux excellents livres : Relaxations créatives pour les enfants et Taï chi pour enfants (tous deux publiés aux éditions Le Souffle d’or). (Madame.Figaro-21.08.2010.)
*****Des parents aux abois face à leur progéniture
Les parents reconaissent être trop stressés et souvent désemparés par rapport aux réactions de leur progéniture.
Constat d’échec ou examen de conscience, 75% des parents se jugent eux-mêmes trop peu autoritaires avec leurs enfants. C’est ce que révèle une enquête Ipsos pour Femme Actuelle et Enfant Magazine.
Articulée sur une approche croisée «parents» et «non parents», cette étude peu optimiste montre une nette tendance à la dévalorisation et la culpabilisation : 46 % ont une mauvaise image d’eux-mêmes.
Ils avouent se trouver trop stressés, pour 70 % d’entre eux, complètement désemparés par rapport à certaines réactions de leur progéniture (58 %) et ont le sentiment de passer à côté de l’enfance/adolescence de leur enfant. Enfin, 75 % estiment qu’il est plus difficile d’élever un enfant aujourd’hui qu’autrefois.
Des chiffres étonnants qui, à tous les étages, font apparaître des parents véritablement aux abois. A en croire l’étude, la perception générale des Français sur l’éducation n’est pas meilleure. Le manque d’autorité arrive en première place du podium des critiques (71 %). Une large majorité juge aussi que les parents entretiennent une relation trop «axée copain» (66 %), qu’ils sont trop tolérants (61 %) et donc pas assez sévères (81 %).
Paradoxalement, si la discipline n’est pas leur fort, 70 % des parents estiment avoir eu parfois des réactions trop dures par rapport à ce qu’exigeait la situation. «Ces réactions inadéquates ne font que montrer le désarroi des parents qui, au terme d’une carence installée ou d’un laisser-aller, réagissent à l’excès par l’excès, seulement quand il survient», analyse Christine Perrault, psychologue spécialiste des relations familiales. Pour autant, 81 % des parents interrogés s’opposent à l’interdiction de la fessée.
Bertrand et Marie, parents d’adolescents, le confessent : «Lutter chaque soir après notre journée de boulot pour interdire à l’un et calmer l’autre, il faut avouer qu’on n’a pas toujours le courage, disent-ils. Et comme d’un point de vue pédagogique on veut éviter les punitions, l’équilibre n’est pas facileà trouver».
Dépassés par cette tâche complexe, les parents auraient ainsi tendance à s’en remettre aux institutions pour les suppléer. Vieux réflexe pointé du doigt par les profs «qui ne sont pas là pour faire le travail des parents mais apprendre le leur aux enfants», peste Nathalie, professeur de Français dans un collège lillois. Pour elle, «il est grand temps de laisser l’instruction au corps enseignant et de restituer l’éducation aux familles».
Savoir dire non à son enfant
Mais les parents n’ont pas l’air de l’entendre de cette oreille puisque l’enquête Ipsos révèle que, face à leurs difficultés, ils demandent l’aide des pouvoirs publics, prioritairement en faveur de l’école. Au point de faire de celle-ci une thématique cruciale pour la prochaine élection présidentielle.
Ainsi, 58 % estiment que le programme des candidats à l’élection concernant les moyens alloués à l’école aura une influence primordiale sur leur vote. Ils sont aussi 72 % à considérer comme essentiel que les candidats prennent position sur la gestion de la violence à l’école.
Enfin, l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale est citée comme un facteur favorisant la main sur l’éducation des enfants. 45 % des ménages considèrent comme essentiel que les candidats à l’élection présidentielle prennent position sur des aides permettant une meilleure conciliation entre ces deux sphères.
Et 96 % aimeraient voir les pouvoirs publics inciter les entreprises à prendre des mesures pour faciliter leur vie quotidienne (allongement de la durée du congé maternité, augmentation de la rémunération du congé parental, etc.).
«Les pouvoirs publics pourront prendre toutes les mesures qu’on veut, rien n’y fera si les parents ne revisitent pas leur relation avec leurs enfants, en reprenant leur rôle et en restaurant leur autorité, souligne Christine Perrault. La frustration n’est pas un sévice mais un apprentissage à respecter les règles. Dire non à un enfant, décider à sa place sans son avis, ce n’est pas risquer son désamour, comme le craignent tant de parents, c’est au contraire l’aider à apprendre à vivre dans un monde normé, avec ses contraintes sociales». (Le Figaro-04.10.2011.)
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