La question de l’autodétermination et Accords d’Evian
*****La question de l’autodétermination
* Il y a 50 ans, la France reconnaissait le droit à l’autodétermination du peuple algérien
photo: La délégation algérienne arrive à l’Hôtel du Parc pour la signature des Accords d’Evian sur le Cessez-Le-Feu, le 17 mars 1962…Les négociations débouchent le 18 mars 1962 sur la signature à Evian, sur les bords du Lac Léman (est de la France), des fameux accords.
**Le 8 janvier 1962, 78% des Français votent par référendum le droit de l’Algérie à l’autodétermination.
**Les Accords d’Evian seront approuvés le 8 avril 1962 par 90,7% des Français. Le 1er juillet 1962, par 99,7% des Algériens…ces Accords entérinent l’indépendance de l’Algérie.
**Aux sources de l’accord du 19 mars 1962
Il y a cinquante ans était signée à Evian-les-Bains (Haute-Savoie, France) la «Déclaration générale sur l’Algérie» connue sous le nom d’«Accord d’Evian»
photo: Le président tunisien Habib Bourguiba félicite le président du GPRA, Ferhat Abbas et la délégation algérienne qui a participé aux négociations d’Evian.
Le processus de pourparlers a été en fait très long et tortueux avec plusieurs va-et-vient entre les deux parties avant que s’enclenchent réellement les négociations proprement dites qui aboutiront à la fin des combats en Algérie. Mais avant de suivre les différentes étapes de ce processus, rappelons brièvement la situation à la veille du 1er Novembre 1954 et le jour d’après.
En fait, l’insurrection générale du peuple algérien, le 1er Novembre 1954, avait pris au dépourvu le gouvernement français qui n’estimait pas cette chose possible. Pourtant, des officiers des services de renseignements français, qui semblaient détenir des informations en ce sens, suspectant qu’il se «préparait quelque chose», ont averti les autorités de Paris qui ont été sceptiques à l’instar du président du Conseil du gouvernement, Pierre Mendès France, ou le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand.
Ainsi, le 29 octobre 1954, le directeur de la Sûreté française, Jean Vaujour, convoque à Constantine les responsables civils et militaires des «trois départements» d’Algérie pour les informer et les mettre en garde contre ce qui, selon lui, se préparerait. Si Paris a été perplexe quant aux informations sur des «troubles» qui s’organiseraient en Algérie, le gouverneur d’Algérie, Roger Léonard, a néanmoins obtenu que soit mise en alerte la 25e division Diap qui pourrait gagner l’Algérie en quelques heures, et nomma Paul Cherrière au commandement en chef des troupes en Algérie. 58.000 hommes sont mis à la disposition de Cherrière. Comparativement, les moyens, qui étaient ceux des premiers djounoud formant l’embryon de l’Armée de libération nationale (ALN), étaient très limités: 800 hommes, 400 armes individuelles, des bombes artisanales. Donc, la nuit du dimanche 31 Octobre, commence ce que les historiens qualifieront plus tard la «Toussaint Rouge». La Guerre d’Algérie, que la France mettra 45 ans à reconnaître comme telle (discours du président Jacques Chirac de 1999, lors de son premier mandat), venait de commencer. Elle durera près de huit ans avant que l’Algérie ne recouvre sa souveraineté.
Un long processus de pourparlers
La Guerre d’Algérie, que la France persiste à qualifier «d’événements» d’Algérie, entrait dans sa deuxième année lorsqu’un premier contact est établi entre le Front de libération nationale (FLN) et le gouvernement français. C’est ainsi qu’auront lieu des discussions secrètes à Belgrade (Yougoslavie), lesquelles s’achèvent le 22 septembre 1956, sans résultat probant. Ce sera la seule fois où des représentants de la France et du FLN vont prendre langue. De fait, le fossé est trop large et que sans doute, il était encore trop tôt pour parler sérieusement de la fin de la guerre quand la France entendait surtout «pacifier» le pays en faisant quelques concessions de forme. On se quitta donc à Belgrade sans que ne soient prévus d’autres rendez-vous. Pendant ce temps, la guerre gagnait en intensité et faisait rage en Algérie où la répression des forces françaises est terrible, occasionnant des centaines de victimes parmi la population civile. Il faut cependant attendre le retour du général de Gaulle au pouvoir pour qu’il y ait une certaine ouverture de la part du gouvernement français. En effet, à partir de 1960 plusieurs rencontres auront lieu (Melun, juin 1960; Lucerne, février 1961; Neuchâtel, mars; Les Rousses, décembre 1961 et février 1962) qui oscillent entre discussions et pourparlers avant d’évoluer vers de véritables négociations en mars 1962.
Il fallut donc attendre le retour de De Gaulle au pouvoir pour que les choses commencent à bouger et qu’une porte s’entrouvre vers une paix négociée. De fait, le rappel de De Gaulle avait pour seul objectif de garder l’Algérie. C’est dans ce sens que, début mai 1958, alors que la guerre prenait racine, la France devenant elle-même un terrain de bataille, fut organisé le «complot» pour le retour du général, tant par des gaullistes de France conduits par Jacques Chaban-Delmas, que par les ultras de «l’Algérie française» en Algérie. A Alger c’est la grande confusion, le 10 mai, le ministre-résident, Robert Lacoste, quitte l’Algérie: le pouvoir civil n’a plus de représentant à Alger. Après le bombardement meurtrier par l’aviation française du village tunisien de Sakiet Sidi Youcef, Robert Lacoste avait alors publiquement mis en garde contre le danger d’un «Diên Biên Phû diplomatique». Ce départ d’Alger semblait alors, un rappel du ministre-résident qui s’inquiétait de la tournure que prenaient les événements. Il n’en reste pas moins que le 13 mai 1958, Charles de Gaulle est rappelé aux «affaires» pour sauver «l’Algérie française». Les Français d’Algérie lui font fête à Alger. A Alger, il prononcera son fameux «Je vous ai compris». Qui, De Gaulle, avait-il compris? Les Algériens qui revendiquent l’indépendance? Ou les colons qui veulent conserver leur domination sur le pays? De Gaulle niera toujours avoir donné son aval à une telle entreprise (son retour au pouvoir qu’il accepta néanmoins). Il n’en reste pas moins que le général de Gaulle se trouve très à l’aise dans son nouveau costume de chef d’Etat. D’ailleurs, parallèlement à ses efforts pour trouver une solution à la guerre en Algérie, De Gaulle va donner à la France une nouvelle Constitution fondatrice de la Ve République. Dès lors, il aura les coudées franches, pour agir à sa guise et mener les choses dans «l’intérêt bien compris» de la France. En effet, dès le 27 mai 1958, quelques jours après son rappel, le général de Gaulle se démarque des nombreuses velléités putschistes de certains militaires français et publie un communiqué qui jette de l’huile sur le feu: «J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain», qualifiant de «braillards d’Alger» les putschistes du 13 mai. Par petites touches (3 octobre: proposition du plan de Constantine; offre de la «la paix des braves»; séparation des pouvoirs civil et militaire… tout en nommant un délégué général en la personne de Paul Delouvrier et remplaçant le général Salan par le général Challe). De Gaulle veut aller de l’avant et propose de nouveaux pourparlers au FLN. Le 20 novembre 1959, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra, qui a été constitué en septembre 1958) désigne Ahmed Ben Bella et ses compagnons de prison comme négociateurs. Refus de De Gaulle. On en restera là pour un moment. Toutefois, le mouvement semble enclenché puisque le 29 février 1960, le président Ferhat Abbas propose dans une déclaration l’ouverture de négociations. Mais cette offre ne sera pas suivie d’effet. Entre-temps, en 1960, l’Assemblée générale de l’ONU vote à une majorité écrasante (63 oui, 8 abstentions et 27 contre) le droit à l’autodétermination pour le peuple algérien. Selon toute évidence, le nouveau chef de l’Etat français en prend compte qui finira par évoquer «l’Algérie algérienne» et parlera, enfin, d’autodétermination et d’Etat algérien. Aussi, De Gaulle fait-il un nouveau pas en avant en déclarant publiquement qu’il existait désormais d’autres voies que la victoire militaire pour mettre un terme à la guerre en Algérie, évoquant la sécession (indépendance), la francisation ou l’association. C’est la douche froide pour les partisans de «l’Algérie française».
De Gaulle passe aux actes
Le général de Gaulle voulant l’appui du peuple français dans sa démarche pour mettre un terme à la Guerre d’Algérie, organise le 8 janvier 1961 un référendum lors duquel les Français se prononcent à 75% pour l’autodétermination du peuple algérien. Un deuxième référendum est organisé un mois plus tard, le 8 février, intitulé «Pour la paix en Algérie, le «oui» obtient 56% en France et est rejeté en Algérie par les Français d’Algérie. Fort du soutien du peuple français, De Gaulle a désormais les mains libres pour organiser à sa convenance les négociations avec les Algériens.
Le général de Gaulle passe aux actes et convie les Algériens à une conférence à Evian, non sans faire une dernière tentative de brouiller les cartes en invitant également le MNA de Messali Hadj aux discussions. Le FLN refuse sèchement de s’associer à cette mascarade. Le président français se le tient pour dit et revient à de plus justes proportions. C’est avec le FLN que la paix se fera ou ne se fera pas. Ainsi, le 20 mai 1961 s’ouvrent officiellement à Evian: les pourparlers avec le GPRA. Parallèlement, la France décrète une trêve des combats durant un mois. Toutefois, les négociations qui ont bien débuté, buteront rapidement sur le statut des Français d’Algérie et sur le Sahara (De Gaulle voulait séparer le Sahara – du pétrole venait d’être découvert – de l’Algérie).
Néanmoins, malgré ces accrocs, des discussions se sont poursuivies de façon informelle. Le 24 juin 1961, les deux délégations se retrouvent de nouveau, cette fois, à Melun (dans la région parisienne). La délégation algérienne est conduite par Ahmed Boumendjel. Les négociations feront chou blanc, la France voulant des négociations qui soient progressives: cessez-le-feu; référendum d’autodétermination avant que ne soient abordés les autres volets (politique, militaire, économique…). Les représentants du FLN-GPRA ne l’entendaient pas ainsi, exigeant des négociations globales prenant en compte l’ensemble du dossier sans en excepter aucun point.
Dans ces conditions, il était impossible de continuer. C’est le clash. Chacun reprend ses dossiers et regagne ses pénates. Tirant de premières conclusions de l’échec des négociations de Melun, De Gaulle se prononce alors pour le partage de l’Algérie et précise le 12 juillet son point de vue: un Etat algérien, un territoire pour y regrouper les Français d’Algérie, et conservation de la France du Sahara. La chose semblait donc entendue: la guerre va continuer, car il n’était pas question pour les Algériens que leur pays soit dépecé, c’est tout ou rien, et ce rien ce sera une guerre indéfinie d’autant plus que les combats touchaient désormais de plein fouet le territoire français lui-même. De Gaulle a-t-il fait le mauvais choix, sachant que ni le FLN ni le peuple algérien n’accepteront son plan de «paix»?
Les deux parties qui ne se sont plus rencontrées depuis la fin en queue de poisson le 29 juin 1961 de la rencontre de Melun, se retrouvent de nouveau à Evian le 4 mars 1962. Cette fois, la bonne formule a été trouvée, puisque la négociation entre sans fioriture dans le vif du sujet en abordant tous les volets inhérents à la paix en Algérie, y compris le cas des Français d’Algérie, la question du Sud algérien (Sahara) n’étant pas négociable. C’est toute l’Algérie qui sera indépendante ou ne le sera pas. Les choses ainsi clarifiées, les discussions font rapidement des progrès laissant entrevoir l’espoir d’un aboutissement rapide. En Algérie, les attentats terroristes de l’OAS (Organisation armée secrète fondée par les généraux félons et les ultra de l’ «Algérie française») font de nombreuses victimes parmi la population algérienne. Le 15 mars, un attentat est commis par cette organisation extrémiste contre plusieurs responsables de Centres sociaux à Alger, dont l’écrivain algérien Mouloud Feraoun. Mais cette recrudescence de la violence par les tenants de la colonisation n’arrêtera pas la marche de l’Histoire. Et l’Histoire allait en effet rapidement se prononcer par la conclusion d’un accord sur tous les points en négociation entre la France et le FLN-GPRA. La finalisation des négociations dites «Accord d’Evian» est officiellement annoncée le 18 mars 1962, par un discours radiotélévisé du général de Gaulle qui annonce dans le même temps le cessez-le-feu – qui entrera immédiatement en application dès la signature par les deux parties du document – et l’organisation d’un référendum en France concernant l’autodétermination de l’Algérie, suivie d’une seconde consultation au collège unique, en Algérie même.
Le 19 mars 1962 à midi (12h00) le cessez-le-feu entre en vigueur, les opérations militaires et les actions armées sont stoppées sur l’ensemble du territoire algérien… De fait, la mise en oeuvre des accords de la veille entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement provisoire de la République algérienne prenait effet le 19 mars. La Guerre d’Algérie, qui venait de prendre fin, avait duré près de huit années. Pour la petite histoire, notons que le chef de la délégation algérienne, Krim Belkacem, a signé les 93 feuillets de la «Déclaration d’Evian» alors que son homologue français, Louis Joxe, n’a apposé sa signature que sur la dernière et 93e page. (L’Expression-19.03.2012.)
Délégationdu FLN-GPRA
· Krim Belkacem
· Saâd Dahlab
· Benmostefa Benaouda dit Si Amar
· Lakhdar Bentobal
· Taïeb Boulahrouf
· Mohammed Seddik Benyahia
· Seghir Mostefaï
· Redha Malek
· M’hamed Yazid
· Ahmed Boumendjel
· Ahmed Francis
Délégation française
· Louis Joxe
· Bernard Tricot
· Roland Cadet
· Yves Roland-Billecart
· Claude Chayet
· Bruno de Leusse
· Vincent Labouret
· Jean Simon (général)
· Hubert de Seguins Pazzis (lieutenant-colonel)
· Robert Buron
· Jean de Broglie
*********Août 1959, « le bled » ne connaît aucune trêve estivale. Le pays tout entier est ravagé par des opérations d’envergure jamais égalées jusque-là. Le brasier qui consume l’Algérie porte le nom de Maurice Challe. Le général président Charles de Gaulle, revenu aux affaires en mai 1958 par un coup d’Etat militaire, savamment relooké par la presse et le Parlement, en retour messianique, l’avait désigné le 12 décembre 1958 comme commandant en chef des forces armées, avec pour mission de dynamiser les opérations militaires pour « parvenir à une maîtrise certaine du terrain ». Parce que, pensait-il, « rien n’eut été pire que quelque incident fâcheux où nous aurions eu le dessous ».
Tous les moyens financiers et matériels qui avaient été refusés à ses devanciers par les gouvernements précédents seront mis à la disposition de ce général issu de l’aviation qui, grognonnaient ses détracteurs, n’entendait rien aux problèmes de la guerre de guérilla que même Raoul Salan son prédécesseur débarqué, présenté comme génial par les laudateurs de la grande muette, n’avait pas résolus. Les politiques qui avaient sanglé aux guêtres des militaires, tous leurs espoirs de maintenir française l’Algérie, vont lui mettre la pression pour l’obtention de succès immédiats. Michel Debré, alors Premier ministre, en visite dans la colonie, au début de l’année 1959, exigeait même du nouveau patron du corps expéditionnaire lequel dépassait désormais et de loin le demi-million d’hommes, qu’il annonce les premiers résultats au début du printemps et la publication d’un « bulletin de victoire au mois de juillet », car, estimait-il « la guerre commençait à excéder les Français ». Le 7 février 1957, Challe lançait son plan avec l’opération « Couronne » à l’ouest d’Alger dans les régions allant de Saïda à l’ouest de l’Ouarsenis (Wilayas V et IV), la première d’une série qui déroulera la dévastation d’Ouest en Est comme un rouleau compresseur.
Les unités combattantes de l’ALN seront poussées dans des conditions extrêmes.Un des lieutenants du colonel Mohand Ouel Hadj de la Wilaya III, laquelle en juillet subissait l’opération « Jumelles » raconte : « On ne pouvait plus bouger… On ne mangeait plus. J’étais si faible que je ne pouvais même pas porter ma mitraillette. L’installation des postes militaires, la multiplication des agents de renseignement et des villages d’autodéfense rendaient la vie, voire la survie impossible… » Les groupes d’autodéfense étaient nés de la systématisation de la responsabilité collective, chère aux colonisateurs qui l’avaient appliquée tout au long de la conquête au XIXe siècle. Une pression asphyxiante s’exerçait en permanence sur ce qui restait des villages, après la politique d’extension des camps de concentration qui regroupaient plus de 2 millions et demi d’âmes. Mais avec un remarquable sens de l’adaptation, les katibas de l’ALN, quoique durement affectées par les conditions épouvantables créées par l’extraordinaire débauche d’hommes et de moyens engagés dans ce que la presse coloniale s’obstinait à appeler, et ce, depuis 1955, « le dernier quart d’heure », vont résister avec une rare résilience.
Juillet passe. Au grand dam du Premier ministre, Michel Debré, le chef des forces armées qui avait résolu « de ne laisser au FLN ni le djebel ni la nuit », malgré des succès militaires certains sur le terrain, sera dans l’incapacité de présenter « le bulletin de victoire » attendu, espéré et ambitionné. C’est la période que choisit le président de Gaulle pour aller en tournée « des popotes » et prendre le pouls des soldats qui, malgré des succès avérés, n’ont pas réduit la farouche détermination d’une armée de libération à poursuivre sa lutte jusqu’à la satisfaction de son objectif.L’armée coloniale persistait à chercher l’adhésion des populations dont elle détruisait quotidiennement les villages, brûlait les forêts, empêchait les labours, interdisait semailles et récoltes. Des populations pilonnées, jour et nuit, par l’artillerie et l’aviation, soumises aux brimades, à la loi de la jungle, à la faim, à la soif, aux conditions d’hygiène incroyables, des populations qui refusaient d’être ravalées jusqu’à l’indignité animale. Aussi incroyable que cela puisse paraître c’est ça le colonialisme. C’est faire de l’homme privé de tout, une bête rampante !
D’un autre côté, « la paix des braves » grotesque hameçon, lancée pompeusement à la télévision par de Gaulle en personne, le 23 octobre 1958, en direction des maquis de l’ALN pour les couper de leur direction à l’extérieur, n’avait donné aucun résultat, pas plus du reste que la politique dite des « contacts locaux » avancée, comme un énième appât, pour favoriser une paix séparée ou éventuellement l’émergence d’une troisième force indépendante du FLN et du GPRA. De Gaulle en visite en Algérie se trouve le 30 août 1959 dans le QG du général Challe qui conduit l’opération « Jumelles ». Rien ne transparaît de ses sentiments ou de ses impressions du moins rien qui ne soit rapporté par les journalistes ou relevé par les historiens. On notera néanmoins ce témoignage d’un certain Mahdi Belhadad, décrit et cité par l’historien anglais Alistair Horn, dans son Histoire de la Guerre d’Algérie comme un « ancien combattant qui avait perdu un bras au mont Cassino et… sous-préfet d’une petite ville de la lisière des Aurès » qui rapporte que de Gaulle lui a demandé son opinion sur un exposé qui a été présenté par un militaire.
Le fonctionnaire en question, le seul d’origine indigène à l’époque, rapporte que le général président, lui aurait confié : « Oui il faut arrêter les combats. Il faut la paix, cela est indispensable. Les populations sont trop malheureuses, il faut ramener la paix. Après, les Algériens décideront de leur sort. » Le même auteur rapporte, en outre, qu’au général Faure qui lui avait suggéré de se déclarer ouvertement en faveur de l’Algérie française afin de « faciliter gravement » les opérations militaires, de Gaulle se serait exclamé : « Ah, écoutez Faure j’en ai assez ! » Les historiens s’accordent pour dire que « ce prince de l’équivoque », comme on le désigne souvent, va développer devant tout le gotha militaire en Algérie un discours ou l’ambiguïté le disputait aux ambages, l’évasif au nébuleux. Un « oui mais » qui en fait préparait à ce qu’il allait annoncer le 16 septembre soit un peu plus de deux semaines après sa tournée des popotes qui s’avérera pleine d’enseignements. Le mérite du général, par rapport à tous les responsables français qui, avant lui, ont abordé la question de la décolonisation de l’Algérie, n’est pas d’avoir aimé les Algériens jusqu’à leur épargner davantage les affres d’une des guerres parmi les plus terribles du XXe siècle. Ce démiurge, ainsi présenté par ses compatriotes puisqu’il est à l’origine du sauvetage de son pays face au péril nazi, l’homme qui a rendu à la France son honneur foulé au pied par les armées allemandes en 1940, ne s’est pas réveillé un matin, comme on veut le faire croire aujourd’hui, avec pour B.A. de scout à accomplir : rendre l’Algérie aux Algériens, comme une donation généreuse.
Le seul mérite de cet homme est d’avoir fini par comprendre, parce que contraint par la réalité, la vérité sur le terrain, que la solution militaire ne pouvait pas être une réponse à l’histoire. Nous ne pouvons pas oublier que l’homme qui nous « a compris à Alger » le 4 juin 1958 est le même qui, deux jours après, a proclamé le 6 juin « Vive l’Algérie française » à Mostaganem. Certains veulent faire admettre qu’il ne pensait pas un mot de cette profession de foi, si chère aux ultras du comité de salut public qui l’ont porté au pouvoir lors de la kermesse du 13 mai 1958, et qu’il avait été, tout benoîtement, « emporté par l’élan d’enthousiasme qui s’était manifesté sur son passage dans cette ville ». C’est curieusement à quelques détails près, la même nigauderie qui sera servie par ses proches au gouvernement canadien furieux après son tonitruant « Vive le Québec libre » le 24 juillet 1967 à Montréal. « Vive l’Algérie française » n’était pas un propos d’estrade, mais un manifeste auquel il croyait fermement. Un credo qu’il partageait avec la majorité des populations européennes d’Algérie jusqu’à ce que la réalité du fait national algérien le rattrape. Le 16 septembre, la presse se fait l’écho d’une intervention du chef de l’Etat au journal télévisé de 20 heures. Comme bien entendu, tout le monde attend la performance de ce showman qui transformait le JT en spectacle. Ses prestations étaient courues même par ceux que la chose politique ne concernait pas forcément. En orateur avisé, il fait habilement monter son intervention comme une mayonnaise. Le discours est parfaitement structuré.
Il l’entame par vue panoramique de la France dont il relève l’évolution du redressement. « L’unité nationale est ressoudée. La République dispose d’institutions solides et stables. L’équilibre des finances, des échanges, de la monnaie, est fortement établi. » Seul point noir : l’Algérie qui, dit-il, est « un problème difficile et sanglant qui reste posé… Il nous faut le résoudre », s’exclame-t-il. Suit une couche de pommade aux institutions et à l’armée en Algérie qui, souligne-t-il complaisamment, accomplissent un travail remarquable. Il place le décor, s’y installe comme metteur en scène et acteur principal, puis avec toute la solennité requise, juste, congrue, il énonce : « Grâce au progrès de la pacification, au progrès démocratique, au progrès social, on peut maintenant envisager le jour où les hommes et les femmes qui habitent l’Algérie seront en mesure de décider de leur destin, une fois pour toutes, librement, en connaissance de cause. Compte tenu de toutes les données, algériennes, nationales et internationales, je considère comme nécessaire que ce recours à l’autodétermination soit, dès aujourd’hui, proclamé. Naturellement, la question sera posée aux Algériens en tant qu’individus. Au nom de la France et de la République, en vertu du pouvoir que m’attribue la Constitution de consulter les citoyens, pourvu que Dieu me prête vie et que le peuple m’écoute, je m’engage à demander, d’une part aux Algériens, dans leurs douze départements, ce qu’ils veulent être en définitive et, d’autre part, à tous les Français d’entériner ce que sera ce choix. »
Le maître mot est lâché : autodétermination ! Le mot que l’opinion tant algérienne qu’internationale attendait depuis des lustres pour les premiers et le début du drame en 1954 pour les autres. Côté tenants de l’ordre colonial, c’est bien entendu la stupeur. « Trahison ! », hurle-t-on, avant même que l’orateur dans son tube cathodique en noir et blanc n’ait finit son discours. Il ajoutera, cependant, en guise de coup de pied de l’âne : « Naturellement, la question sera posée aux Algériens en tant qu’individus. Car, depuis que le monde est le monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni à plus forte raison de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays, sans qu’il y ait eu à aucun moment, sous aucune forme, un Etat algérien. » Méconnaissance de l’histoire de ce pays ? Culture de soldat ? Pas si sûr. Mais volonté délibérée d’aller à la recherche d’une troisième force pour l’opposer au FLN qui lui a tenu tête tant sur le plan politique que militaire. La guerre durera avec autant d’intensité et carte blanche à l’armée, trois longues années après l’annonce du 16 septembre 1959. Le 28 septembre, le FLN, par la voix de Ferhat Abbas, Premier président du Gouvernement provisoire de la République Algérienne (GPRA), prenait acte de la proposition française « comme un pas dans la bonne direction » et annonçait que « sous certaines conditions, il était prêt à entreprendre des conversations préliminaires ». (El Watan-16.09.09.) Par
Sources : Alistair Horn. Histoire de la guerre d’Algérie. Albin Michel. Paris 1980.
Hartmut Elsenhans. La guerre d’Algérie 1954-1952. Publisud. 1999
Rédha Malek. L’Algérie à Evian. Ed. Dahlab. Alger 1995.
Yves Courrière. La Guerre d’Algérie. L’heure des colonels. Casbah Ed. 2005.
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*Une » mémoire apaisée » entre la France et l’Algérie, prône le président français, François Hollande
*La France n’a pas soldé son compte avec son propre passé colonial».
**La participation du président français, François Hollande, à la cérémonie de commémoration en France de l’anniversaire du Cessez-le-feu en Algérie (le 19 mars 1962) est «positive», ont soutenu des historiens algériens, qui ont toutefois estimé que cette présence ne sera pas un prélude pour la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux en Algérie.
La présence du président Hollande aux commémorations du 19 mars «brise un tabou et invite les Français à considérer objectivement leur histoire, et plus particulièrement les liens qu’elle entretenait avec sa colonie de peuplement», a estimé, dans une déclaration à l’APS, l’historien Mohamed El-Korso. Il a souligné, dans le même cadre, que cette présence est également une invitation pour connaître «les raisons profondes à l’origine d’une guerre atroce qui a remis au goût du jour la torture, le viol, les massacres collectifs, l’emploi d’armes chimiques et autres pratiques» du colonialisme français. Pour l’historien algérien, la date du 19 mars 1962, consacrée par l’Algérie comme «Fête de la victoire», «a toujours et continue encore à poser un problème de conscience à la France officielle et aux Français, en particulier à ceux qui ont vécu ou participé à la guerre d’Algérie». À ce titre, il a considéré que la polémique, suscitée par cette commémoration en France, prouve encore une fois, que ce pays «n’a pas soldé son compte avec son propre passé colonial». «Le passé colonial de la France se politise de jour en jour jusqu’à devenir au mieux, un moyen de pression, au pire, une carte électorale», a encore estimé El- Korso. Il a tenu, dans ce contexte, à rappeler que l’ancien président, François Mitterrand, s’était «vigoureusement» opposé à la commémoration par la France du 19 mars 1962, alors que son successeur, Jacques Chirac, avait usé d’un «subterfuge» pour faire l’impasse sur cette date, en décrétant en 2003, le 5 décembre «Journée en hommage aux morts».
«Il ne faut pas omettre que le président Hollande fait parti d’un système, qu’il a des limites que ni sa formation intellectuelle et politique ni son attachement à l’esprit de la Cinquième République ne lui permettront de franchir», a-t-il cependant noté. Il a cité, pour appuyer son propos, la thèse de la «mémoire apaisée» entre la France et l’Algérie, avancée, le 15 mars passé, par son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, laquelle met «encore une fois», sur un pied d’égalité, a-t-il estimé, la victime et son bourreau.
**De son côté, le chercheur en histoire, Amar Mohand-Amer, a souligné la symbolique «politique et diplomatique» du geste de M. Hollande, affirmant toutefois que ce geste est «une simple affaire franco-française».
Le chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) a rappelé, en outre, que la reconnaissance par la France d’avoir véritablement été confrontée à une guerre de Libération en Algérie a mis du temps pour être acceptée officiellement. Il a considéré, en revanche, que le plus important, pour l’Algérie et la France, est de «travailler afin que cette histoire soit mieux prise en charge dans les deux pays». Quant à l’exigence de la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux en Algérie, le chercheur Mohand-Amer pense que ce pas «pourrait inscrire cette histoire commune dans un nouveau climat, plus apaisé», mais, a-t-il opiné, l’Algérie n’en a pas besoin pour autant, dans la mesure où l’histoire est là pour montrer et démontrer que «le système colonial est par nature abject». Au-delà de la quête de repentance, le chercheur est d’avis que l’histoire «joue un rôle primordial d’alerte et de mobilisation», et dans le contexte actuel, marqué par de «sérieux défis» pour les Algériens, il a affirmé que c’est l’histoire qui «consolide l’esprit d’appartenance à la Nation». La participation du président français Hollande à la commémoration du 19 mars 1962 st un geste «positif» pour l’avenir des relations algéro-françaises, et revêt une «forte symbolique», a estimé, pour sa part, le chercheur en histoire du mouvement national et de la Révolution du 1er novembre, Amar Rekhila.
Il a ajouté, à ce sujet, qu’à travers sa participation, le chef de l’État français va «à contre-courant» des thèses de la droite et de l’extrême droite françaises. Pour lui, cette participation du président Hollande illustre sa volonté de «libérer» la société française de la vision «sarkozyste», s’agissant du passif colonial de la France en Algérie. Il a souligné, cependant, qu’«on ne peut dissocier la décision de M. Hollande de prendre part aux festivités du 19 mars du prochain rendez-vous électoral en France».*El Moudjahid/ dimanche 20 mars 2016
**Un geste positif» et «un acte courageux». La décision du président français de rendre hommage aux victimes de la Guerre d’Algérie à l’occasion du 19 Mars, qui correspond à la Fête de la victoire, est fortement saluée en Algérie.
«Le fait que François Hollande tienne à marquer cette date importante pour les deux pays est un geste positif», commente l’un des derniers négociateurs d’Evian du côté algérien, Redha Malek. Selon lui, cette décision constitue même «une victoire de la France sur elle-même, d’autant plus qu’il y a toujours une résistance et des polémiques concernant cette date dans ce pays». «La génération de la Guerre d’Algérie en France, notamment les nostalgiques de l’Algérie française considèrent que Hollande a commis une faute politique.
Pour nous, c’est une bonne chose. Nous, nous avons gagné la guerre et nous avons atteint notre objectif, l’indépendance de l’Algérie», explique-t-il en rappelant l’attitude des négociateurs français à l’occasion de la signature des Accords d’Evian. «A la signature de la convention du cessez-le-feu, nous avons eu une pensée pour ceux qui se sont sacrifiés et ceux qui sont tombés au champ d’honneur juste avant la conclusion des Accords. Du côté français, on a refusé de fêter cette date.
Un des négociateurs nous a dit : ‘‘On ne fête pas Waterloo.’’ C’était pour eux synonyme de reconnaissance et d’excuses.» Redha Malek refuse également de s’engager dans le débat sur la repentance : «Pour nous, la véritable repentance est la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie et de son intégrité territoriale.»
Selon l’historien Mohamed El Korso, ce geste du président français s’inscrit dans son programme depuis 2012. «Il avait déjà rendu hommage aux victimes du 17 Octobre 1961. La date du 19 Mars a toujours fait l’objet de réticences chez ses prédécesseurs. François Mitterrand avait carrément refusé de la reconnaître. Jacques Chirac a choisi un subterfuge en décrétant la date du 5 décembre Journée en hommage aux morts, alors que Nicolas Sarkozy a refusé complètement de parler de cette date», indique-t-il. «C’est un acte courageux que vient de faire François Hollande», déclare-t-il.
«La page est tournée»
Pour Mohamed El Korso, la polémique suscitée par la décision du chef d’Etat français relève plutôt du débat franco-français : «La Guerre d’Algérie a divisé et divisera encore en France. Cette division ne sera, peut-être, dépassée ou oubliée qu’après la présidentielle de 2017. Actuellement, la chasse aux voix des harkis et des pieds-noirs, qui constituent un important réservoir d’électeurs, continuera d’accentuer cette division. La droite française chassera encore sur ce terrain.»
Dans une déclaration à l’APS, le chercheur en histoire au Crasc d’Oran, Amar Mohand-Amer, relève, pour sa part, la symbolique «politique et diplomatique» du geste de François Hollande, affirmant toutefois que ce geste est «une simple affaire franco-française». Interrogé sur cette difficulté à tourner cette page douloureuse de l’histoire entre les deux pays, Redha Malek estime «qu’en principe, cela est déjà fait». «En principe, on a tourné la page par les faits.
De notre côté, on parle des sacrifices aux jeunes générations pour faire de l’Algérie un pays sérieux, démocratique et prospère. Quant à la polémique en France, je pense que c’est leur affaire. En tout cas, les Français ont intérêt à avoir de bons rapports avec l’Algérie et c’est ce que tente de faire François Hollande», précise-t-il.
Pour rappel, l’annonce de la décision de François Hollande de célébrer officiellement cette date a suscité une levée de boucliers en France, où les associations de pieds-noirs et de harkis ainsi que la droite et l’extrême droite ont crié au scandale. L’ancien président français et actuel chef des Républicains (ex-UMP), Nicolas Sarkozy, pense que «c’est en quelque sorte adopter le point de vue des uns contre les autres». «C’est considérer qu’il y a désormais un bon et un mauvais côté de l’histoire et la France était du mauvais côté», soutient-il.
Pour sa part, la présidente du Front national, Marine Le Pen, accuse François Hollande «de violer la mémoire des anciens combattants». «Le 19 Mars (1962) signe la fin d’un projet politique, celui de tous ceux qui croyaient à l’Algérie française. Le 8 janvier 1961, par référendum, les Français se prononcent à 75% pour le droit à l’autodétermination de l’Algérie. C’est aussi cela, le sens du 19 Mars, la mort d’un projet politique né 132 ans avant», leur rétorque Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens combattants et de la Mémoire. *Madjid Makedhi / el watan/ dimanche 20 mars 2016
** la Révolution algérienne a eu un grand écho chez les Africains
«Le 19 mars n’est pas seulement le jour de la victoire des Agériens, mais la victoire de toute l’Afrique, d’autant plus que la Révolution algérienne a eu un grand écho chez les Africains pour les inciter et les encourager afin d’aller vers la libération de leur pays et la défense de leur droit à l’indépendance et à l’autodétermination.»
L’ancien porte-parole du Gouvernement provisoire (GPRA), dans une allocution prononcée à l’occasion d’une rencontre sur la «Citoyenneté pour la décolonisation de l’Afrique : le Sahara occidental comme modèle», organisée par l’Assemblée populaire communale d’Alger-Centre, à l’occasion de la fête de la Victoire, célébrée le 19 mars de chaque année, a estimé qu’il n’était plus possible de transgresser le droit international et travailler en dehors du cadre des Nations unies, rappelant que «l’ancien président français Charles de Gaulles voulait faire face à l’Organisation des Nations unies lorsque la question algérienne a eu un large écho au niveau international, mais il n’a pas réussi à le faire, en dépit de la place dominante que la France coloniale occupait sur la scène internationale».
Réda Malek a estimé également que «la situation actuelle de la cause sahraouie est similaire à celle vécue par l’Algérie durant la période coloniale, où la France coloniale refusait l’idée de l’indépendance et considérait notre pays une partie intégrante de son territoire».
Le militant et révolutionnaire algérien a souligné que la volonté du peuple et sa juste cause lui ont permis de renverser les rapports de force en sa faveur, ce qui est «possible aujourd’hui pour nos frères sahraouis», dit-il. Il a salué la sagesse du gouvernement sahraoui qui a favorisé le règlement pacifique et a signé l’accord du cessez-le-feu en 1991. En effet, selon lui, bien que les conditions soient en leur faveur, «les Sahraouis ont présenté leur cause aux Nations unies de manière civilisée».
«La visite de M. Ban Ki-moon dans la région, et la médiatisation de la juste cause sahraouie sont le résultat de cette sagesse des Sahraouis durant leur lutte qui continue depuis quatre décennies. La direction sahraouie a fait en sorte que les Nations unies et le Conseil de sécurité assument leur responsabilité entière envers la réalité imposée par le l’occupant marocain qui viole toutes les exigences de la légitimité internationale», a affirmé le conférencier, en spécifiant toutefois que «le peuple sahraoui ne restera pas les bras croisés face à cette situation injuste et injustifiée à son encontre». Abordant le cadre historique du 54e anniversaire de la fête de la Victoire, Rédha Malek a estimé que «le 19 mars n’est pas seulement le jour de la victoire des Algériens, mais la victoire de toute l’Afrique, d’autant plus que la Révolution algérienne a eu un grand écho chez les Africains pour les inciter et les encourager afin d’aller vers la libération de leur pays et la défense de leur droit à l’indépendance et à l’autodétermination. L’indépendance de l’Algérie a ouvert les portes vers la libération de tous les peuples africains qui ont accentué leurs efforts pour décrocher leur indépendance des forces colonisatrices», a-t-il clamé, sous les applaudissements de l’assistance.
Il y a lieu de souligner que la rencontre, qui s’est déroulée à l’hôtel Safir, a vu la présence du nouvel ambassadeur sahraoui, Becheraya Hamoud Bayoune, de parlementaires, des élus locaux, des représentants de la société civile et d’une importante délégation d’étudiants africains résidents en Algérie.
Salima Ettouahria / El Moudjahid/ dimanche 20 mars 2016
**La fin de l’Algérie française
Le journaliste et l’ancien dirigeant de l’audiovisuel français, Hervé Bourges, a dénoncé, hier sur les ondes d’Europe 1, la récupération politique autour de la commémoration en France par le président François Hollande du 19 mars 1962, soulignant qu’«il est important que cette date soit marquée». L’ancien président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA, 1995-2001) a jugé «scandaleux que certains utilisent [cette polémique] à des fins politiques», faisant allusion à la tribune de l’ancien chef d’État français, Nicolas Sarkozy, publiée samedi par le Figaro, dans laquelle il fustigeait le choix de François Hollande de commémorer cet événement qui avait mené à l’indépendance de l’Algérie. Cette commémoration en France par le chef d’État, une première, a suscité une levée de boucliers au sein des associations de harkis, pieds-noirs et de politiques de droite.
«Que cela puisse choquer des consciences, je veux bien le croire», a-t-il dit, soulignant qu’«il est tout à fait normal que ce soit ce jour-là qui soit commémoré». Pour lui, «il est important que cette date soit marquée», relevant que les prédécesseurs de Hollande, notamment dans le camp socialiste, «ont eu peur des lobbys». Il y a 54 ans, le 19 mars 1962, le cessez-le-feu était entré en vigueur, à la faveur des Accords d’Evian signés par le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne qui mettent fin à 132 ans de colonisation et à plus de 7 ans de guerre de Libération (Novembre 1954 à juillet 1962). Dans une tribune publiée par le journal le Monde, le secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, a souligné que le 19 mars 1962 «signe la fin d’un projet politique, celui de tous ceux qui croyaient à l’Algérie française. Le 8 janvier 1961, par référendum, les Français se prononcent à 75% pour le droit à l’autodétermination de l’Algérie.
C’est aussi cela le sens du 19 mars : la mort d’un projet politique né 132 ans plus tôt sous la Monarchie de Juillet et devenu incompatible avec les valeurs de notre République». Pour Todeschini, ce jour «marque la volonté commune de la République française et du Gouvernement provisoire de la République algérienne de cesser les hostilités et d’engager les deux pays dans une nouvelle voie, celle de la coopération dont nous sommes aujourd’hui encore les acteurs». * El Moudjahid/ dimanche 20 mars 2016
****La wilaya d’El-Tarf a abrité hier les cérémonies officielles de célébration du 54e anniversaire de la fête de la Victoire, en présence du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni. À l’ouverture d’un colloque national organisé à cette occasion sur le thème «Les accords d’Evian, couronnement diplomatique de la victoire militaire de la Révolution», Houda Imène Faraoun, ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, a donné lecture d’un message du Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Le Président Bouteflika a rappelé dans son message que le peuple algérien «célèbre aujourd’hui le 54e anniversaire de la fête de la Victoire, une victoire qui a concrétisé son rêve le plus cher, celui du recouvrement de sa liberté usurpée et de sa terre spoliée après un combat héroïque et une guerre rude et pénible».
«Si la wilaya d’El-Tarf a été choisie cette année pour marquer la célébration de cette journée mémorable, poursuit le chef de l’État, c’est surtout pour rappeler les batailles héroïques qu’a vécues cette région, mais aussi l’image des caravanes de moudjahidine chargés d’armes pour approvisionner l’Armée de libération nationale, et de milliers de fils et de filles de notre peuple qui ont fui leur propre terre et ont trouvé refuge auprès de nos frères en Tunisie et au Maroc, bases arrières de notre combat libérateur, une solidarité qui a marqué notre mémoire et scellé notre engagement pour le Maghreb arabe.»
Les autorités et les moudjahidine de la wilaya d’El-Tarf ont remis à Mme Feraoun, à l’occasion de cette célébration, un présent symbolique destiné au Chef de l’État, en l’occurrence le Livre d’Or des martyrs de la wilaya d’El-Tarf. Le programme de la célébration de cette date anniversaire, qui a également donné lieu à un hommage à la veuve d’Amara Laskri, dit Bouglez, fondateur de la base de l’Est, ainsi qu’à deux moudjahidine, Lakhdar Souda et Laïd Belaïd, devait se poursuivre dans la commune de Bougous, où le ministre des Moudjahidine a inauguré plusieurs réalisations socioéconomiques.* El Moudjahid/ dimanche 20 mars 2016
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**Mattew Connelly :
«Le FLN a lancé la Bataille d’Alger pour gagner la bataille de New York»
L’indépendance a été arrachée non pas tant dans les maquis de l’ALN que dans les coulisses des chancelleries étrangères grâce à l’habileté des diplomates du FLN et leur remarquable travail de lobbying.
Ainsi pourrait-on résumer la thèse qui sous-tend l’excellent exposé de l’historien américain Matthew Connelly dont l’intervention a fait sensation au point de lui valoir des applaudissements nourris. Matthew Connelly est professeur à Columbia University. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage de référence : L’arme secrète du FLN. Comment De Gaulle a perdu la Guerre d’Algérie (Payot, 2011). Et c’est précisément l’intitulé de sa communication. On comprendra que l’arme dont il est ici question n’a rien d’un arsenal de guerre et que la métaphore renvoie plutôt à son impact décisif dans la gestion politique du conflit. «Je vous demande pardon de poser cette question : comment l’Algérie a gagné son indépendance ? Les enfants ici apprennent, dès leur jeune âge, que le peuple algérien a chassé les Français par la force des armes. Mais est-ce vraiment sur le champ de bataille [que cette victoire a été arrachée] ?», s’interroge le conférencier en titillant quelques certitudes bien ancrées dans nos manuels scolaires.
L’historien américain s’attachera tout au long de son exposé à déconstruire un récit fortement enraciné dans la mémoire collective, et faisant la part belle aux prouesses militaires de nos valeureux maquisards. D’après lui, les leaders du FLN avaient, dès le début de la lutte armée, intégré dans leur stratégie la dimension politico-diplomatique pour donner plus d’impact au combat libérateur. «Lorsque j’ai commencé à travailler sur les archives du FLN, j’ai découvert que ce n’est pas de cette façon (en privilégiant l’action armée, ndlr) que les dirigeants pensaient la lutte. Même avant 1954, ils prônaient déjà une campagne internationale. En 1948, Hocine Aït Ahmed a rédigé un rapport sur les aspects tactiques et stratégiques. (…) Aït Ahmed insistait sur la nécessité d’obtenir le soutien d’autres pays et d’isoler la France de ses alliés. Il soutenait que la politique étrangère devrait être indépendante et éminemment flexible.»
Matthew Connelly nous sort rapidement du huis clos franco-algérien en faisant entrer dans l’arène un troisième acteur, et plutôt de taille : les Etats-Unis. «La France comptait sur le soutien militaire et économique des Etats-Unis dans son effort de guerre et aussi pour empêcher que la question algérienne fasse l’objet d’un débat à l’ONU. Mais quand la Révolution a commencé, les relations franco-américaines étaient déjà tendues».
«Un Dien Bien Phû diplomatique»
L’historien indique à ce propos que le secrétaire d’Etat américain John Foster Dulles s’inquiétait vivement de la situation en Algérie : «En public, Dulles a déclaré qu’il soutenait la France, mais en privé, il a dit très clairement qu’il y avait une limite à ce soutien. Il disait que c’est peut-être le problème le plus grave auquel nous soyons confrontés, et que cela pouvait même faire éclater l’OTAN.» Pour Matthew Connelly, il y avait une influence réciproque entre le front militaire et le front diplomatique dans l’action globale du FLN. «C’est un phénomène de résonance et de réciprocité», dit-il. Graphiques à l’appui, il établit une corrélation entre le travail de lobbying dans les coulisses de l’ONU en 1955 pour inscrire la question algérienne à l’Assemblée générale des Nations unies et les offensives de l’ALN du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois.
«Même quand il était au sommet de sa puissance militaire en Algérie, le FLN a décidé de donner la priorité à la campagne internationale. Le FLN a lancé la Bataille d’Alger non pas parce qu’il espérait prendre le contrôle d’Alger, mais pour gagner la bataille de New York, c’est-à-dire le combat à l’Assemblée générale de l’ONU», souligne le professeur de Columbia. Il citera au passage cette directive de Abane Ramdane : «Les frères savent que notre infériorité vis-à-vis de l’armée coloniale en hommes et en matériel ne nous permet pas de remporter de grandes et décisives victoires militaires. Vaut-il mieux pour notre cause tuer dix ennemis dans un lit de rivière de Telaghma dont personne ne parlera ou un seul, à Alger, dont la presse américaine parlera le lendemain ?»
De fait, pour Matthew Connelly, «la caméra était l’arme secrète du FLN. Elle était plus puissante que le couteau ou le pistolet». «D’autres armes comprenaient les rapports sur les droits de l’homme, les conférences de presse, les congrès de la jeunesse. Il y a aussi la bataille sur le front de l’opinion mondiale et du droit international», appuie l’orateur. Autant d’instruments qui faisaient du FLN une organisation révolutionnaire moderne qui maîtrisait déjà l’art de la com’ et les arcanes du marketing politique.
L’offensive tous azimuts du FLN a le don d’agacer sérieusement la diplomatie française : «Le ministre résident Robert Lacoste a averti en 1958 que la France fait face à un Dien Bien Phû diplomatique», rapporte l’historien, avant d’ajouter : «De Gaulle a accepté l’idée que l’Algérie dispose d’une certaine forme d’autonomie mais pas l’indépendance. Le FLN a répondu par la création du GPRA (19 septembre 1958, ndlr). C’était quelque chose d’entièrement nouveau dans l’histoire du monde. Le GPRA a réussi à obtenir sa reconnaissance sans avoir libéré le territoire national, pas même une partie.» «Le GPRA avait rallié une majorité contre la France à l’ONU. Il était accueilli par 21 coups de canon dans beaucoup de capitales du monde.»
Matthew Connelly le dit clairement : «La victoire du FLN a été gagnée sur la scène internationale. A travers ce prisme plus large, nous pouvons commencer à comprendre comment, libérée de ses fardeaux coloniaux, la France n’avait plus besoin de l’aide américaine pour les préserver. Elle n’avait même plus besoin de son alliance avec l’OTAN.» Et de marteler : «Ce n’est pas la France qui a donné son indépendance à l’Algérie, c’est l’Algérie qui a donné son indépendance à la France.» Salve d’applaudissements.(El Watan-07.07.2012.)
Matthew CONNELLY Historien est Professeur à Columbia University. Il est l’auteur de A Diplomatic Revolution: Algeria’s Fight for Independence and the Origins of the Post-Cold War Era, Oxford, Oxford University Press, 2002 (traduit en français L’arme secrète du FLN. Comment De Gaulle a perd la guerre d’Algérie, Paris, Payot, 2011) et de Fatal Misconception. The Struggle To Control World Politics, Harvard, Harvard University Press, 2008.
***** message du président Boutéflika au peuple algérien
Dans un message adressé hier au peuple algérien à l’occasion du 50e anniversaire de la Fête de la victoire, le Président Bouteflika, a estimé que cette occasion est propice pour une auto-évaluation. «Il est également de notre devoir, en ce cinquantième anniversaire de la Fête de la victoire, de procéder à une auto évaluation pour juger si par nos actes nous oeuvrons à la préservation de l’esprit de ce Jour et si nous pouvons réussir à le perpétuer dans le temps.» Replaçant cet anniversaire dans son contexte pré électoral, M.Bouteflika a encore une fois souhaité que le peuple algérien se rende massivement aux élections législatives du 10 mai prochain. «J’ai tout espoir que les prochaines élections verront une participation massive des enfants de la nation avec autant d’engouement et d’enthousiasme qui avait poussé ces derniers un certain jour de 1962 à exprimer leur voix lors du référendum sur l’autodétermination», a écrit M.Bouteflika dans son message soulignant que contrairement aux précédentes élections, celles de mai prochain seront supervisées et contrôlées par des magistrats. «Les prochaines élections législatives pour la supervision desquelles des magistrats compétents ont été choisis constituent la grande épreuve de cette démarche, ce qui amène à appréhender avec une mentalité nouvelle et de façon plus mûre le sens de la députation, de la représentation parlementaire et du rôle national et local du député». Pour le chef de l’Etat l’intervention des magistrats dans ces élections n’est qu’une étape dans le long processus de la réforme de la justice. «Je peux m’exprimer aisément à ce propos maintenant que le projet de réforme de la justice qui figurait parmi les priorités nationales a bien avancé aux plans structurel, juridique et humain. Le pouvoir judiciaire sera dans les prochains jours face à une responsabilité nationale qui mérite que l’on s’y arrête car pour la première fois il incarnera le rôle de surveillant impassible des prochaines élections législatives, première phase du processus de réforme globale.» Les instruments juridiques nécessaires à cette démarche ont été mis en place et les résultats seront palpables à partir des élections législatives. Dans son message, le président de la République s’est également adressé à la femme. «Tout comme j’ai grand espoir que la femme algérienne qui était à l’avant-garde des événements, les jours de victoire et durant la lutte pour la victoire, fera montre de son mérite et de sa position lors de ces élections aussi bien en tant qu’électrice qu’élue.» (L’Expression-19.03.2012.)
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*Les Accords d’Evian, marquant la fin de la guerre d’Algérie, ont été signés il y a tout juste cinquante ans.
Il y a 50 ans, le gouvernement français et le Front de libération national algérien (FLN) signaient les Accords d’Evian, marquant la fin de la guerre d’Algérie et le prélude à l’indépendance après 132 ans de colonisation française.
Un passé douloureux mal digéré par les deux pays, pour qui cet anniversaire coïncide avec deux élections majeures.
Les 22 avril et 6 mai 2012, la France élit son président. Vue d’Alger la campagne électorale témoigne d’une certaine radicalisation anti-islamique et les journaux dénoncent des déclarations à droite touchant les communautés nord-africaine et musulmane installées dans l’hexagone, que ce soit sur l’abattage halal dénoncé par l’extrême droite ou la limitation de l’immigration.
Les électeurs algériens, dont 800.000 (bi-nationaux ou non) répertoriés en France, choisiront quatre jours plus tard, le 10 mai 2012 en Algérie, leur 462 députés.
Ce scrutin est organisé dans la foulée de réformes -vivement critiquées par l’opposition- voulues par le président Abdelaziz Bouteflika, qui est soucieux d’éviter à son pays les dérapages du soit-disant « Printemps arabe » .
Dans cette période délicate, Paris et Alger se sont entendus, notamment lors d’une visite éclair début décembre 2011 du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, pour tenir leurs «extrêmes» et éviter de rallumer une blessure non encore cicatrisée. Les rapports franco-algériens, «en dents de scie durant 50 ans», ont du reste connu ces derniers mois une «embellie», selon certain.
La France marque en tout cas dans la discrétion le cinquantenaire des Accords d’Evian, qui scellaient sa défaite. Elle «ne peut se repentir d’avoir conduit cette guerre», relevait ces jours-ci Nicolas Sarkozy.
Quant à l’Algérie, elle annonce d’importantes festivités pour le 5 juillet prochain…
Sept ans et demi de guerre
L’indépendance algérienne a été acquise par les armes durant sept ans et demi de guerre. C’est la seule ex-colonie française d’Afrique dans les années 60 à avoir dû s’affranchir avec violence de la tutelle de Paris.
Dès le 1er novembre 1954, les attentats du FLN ciblent les symboles français en Algérie …. Les Français mènent, eux, une guerre de propagande et de destruction en cherchant à écraser les «fellaghas» à coup de renforts militaires et de torture.
Les conséquences de cette «guerre», que la France ne reconnaîtra comme telle qu’en 1999, se font rapidement ressentir: la IVe République tombe, le général de Gaulle est appelé pour sauver l’Algérie française. Mais ce «très pragmatique» dirigeant, selon Redha Malek, ancien porte-parole algérien aux négociations d’Evian, se rend vite compte, au grand dam des colons, que la seule issue est l’indépendance.
Le 8 janvier 1962, 78% des Français votent par référendum le droit de l’Algérie à l’autodétermination.
Après les négociations, le sang continue de couler
Entre temps, d’âpres négociations sont menées sous l’égide de de Gaulle pour une «sécession», puis une «autodétermination» avant l’acceptation du terme «indépendance» algérienne.
Elles capotent et reprennent en pleines tensions inter-françaises sur cette décolonisation, avant de déboucher le 18 mars 1962 sur la signature à Evian, sur les bords du Lac Léman (est de la France), des fameux accords.
Un mois plus tôt, des généraux français avaient tenté un putsch pour ne pas perdre «leur» Algérie.
Aussi l’ordre de cessez-le-feu pour le 19 mars 1962 reste lettre morte. C’était pourtant l’un des points des accords signés par le ministre d’Etat français chargé des affaires algériennes Louis Joxe et le chef de la délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), le colonel de l’Armée de libération nationale Belkacem Krim.
Avec l’entrée dans la clandestinité des radicaux de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) pour garder «l’Algérie française», les attentats se multiplient en Algérie et en métropole.
Les Français «pieds-noirs» – alors un million soit 10% de la population totale de l’Algérie – fuient en masse laissant derrière eux, selon un spécialiste, Pierre Daum, 200.000 compatriotes.
En vertu des Accords d’Evian, ces derniers avaient le choix de décider dans les trois ans de rester français ou devenir algérien. Il n’en reste aujourd’hui que quelques centaines, selon Daum.
Quant aux «harkis» « traitres à leur pays aux yeux des Algériens », supplétifs collaborateurs de l’armée française, beaucoup d’entre eux ont été abandonnés sur place par la France…
Les archives françaises sur la Guerre ne sont pas toutes publiées
Depuis, les historiens des deux pays continuent de travailler, d’autant que les archives françaises sur la Guerre ne sont pas toutes publiées.
Ainsi, on continue d’apprendre à l’école algérienne que 1,5 million d’Algériens ont péri durant cette Guerre de Libération nationale. Les historiens en France avancent un total de quelque 400.000 morts, majoritairement algériens.
Les écoliers français apprennent, quant à eux, la «Guerre d’Algérie» depuis 1983 seulement alors qu’elle était occultée auparavant.
Les Accords d’Evian seront approuvés le 8 avril 1962 par 90,7% des Français. Le 1er juillet 1962, par 99,7% des Algériens…ces Accords entérinent l’indépendance de l’Algérie.
Reconnue le 3 juillet 1962 par le général de Gaulle, la République démocratique et populaire d’Algérie a été proclamée à Alger deux jours plus tard.(source:AFP et plus-18.03.2012.)
**50e anniversaire des Accords d’évian
«Une repentance jamais formulée» –Par François Hollande
Le 19 mars 1962, le cessez-le-feu était proclamé en Algérie au lendemain de la signature des accords d’Evian. Cet acte ne marquait pas la fin définitive des violences – loin s’en faut – mais elles ouvraient la voie au processus qui allait conduire à la fin d’une guerre cruelle.
La guerre d’Algérie a été un moment décisif de l’histoire contemporaine. Elle a, en France, entraîné la chute d’une République et donné naissance à la Ve République ; envoyé de l’autre côté de la Méditerranée un million et demi de jeunes soldats et provoqué la mort de trente mille d’entre eux ; arraché à leur terre natale un million de pieds-noirs ; suscité l’abandon et le massacre de milliers de harkis restés fidèle à la France. Cette guerre, en Algérie, a entraîné la destruction de centaines de villages et le déplacement de deux millions de paysans ; elle a provoqué la mort de centaine de milliers d’Algériens et la destruction durable des paysages urbains et ruraux.
Après sept ans d’un combat cruel livré entre 1954 et 1962, l’Algérie a obtenu son indépendance et la France a achevé son processus de décolonisation. La séparation de l’Algérie et de la France a produit des volontés de connaissances et des oublis. C’est en 1999, avec le gouvernement dirigé par Lionel Jospin, que la guerre d’Algérie a enfin été reconnue et nommée sur la scène culturelle et politique. Aujourd’hui, entre une repentance jamais formulée et un oubli forcément coupable, il y a place pour un regard lucide, responsable sur notre passé colonial et un élan confiant vers l’avenir.
Nous le devons à nos aînés pour que leurs mémoires soient enfin apaisées. Nous le devons à notre jeunesse, car le travail de la mémoire ne vaut que s’il est aussi une promesse d’avenir. Cela vaut pour la gauche française dans le regard qu’elle porte sur sa propre histoire. Cela vaut aussi pour la France et pour l’Algérie.
Aucune avancée en la matière ne pourra être unilatérale. Tous les ans, en tant qu’élu de Corrèze, j’assiste aux commémorations du 19 Mars devant le Monument aux morts en présence des anciens combattants. Dans leurs regards, le soulagement de l’arrêt des combats et du retour au foyer se lit encore, avec l’indélébile souvenir des camarades qui ne sont pas revenus. Je connais leur attachement à la commémoration de cet événement historique. Je le respecte.
Je pense également aux harkis, condamnés par l’Algérie et rejetés par la France, qui ont enduré un interminable calvaire et ont été abandonnés dans des camps qui devaient être provisoires. La France leur doit le respect et la reconnaissance de son abandon.
Je pense aux familles rapatriées d’Algérie, déracinées, qui ont emporté avec elles une partie de leur vie et une mémoire douloureuse, encore vive aujourd’hui. Elles ont transmis à leurs enfants le souvenir de leur terre natale, où ils ne sont pour beaucoup jamais retournés. Elles ont droit au respect de la nation. Je pense aux immigrés algériens qui vivent dans notre pays, qui partagent son histoire et qui ont vécu la tragédie du conflit jusque sur le sol français. En me rendant, il y a quelques mois sur le pont de Clichy pour le 50e anniversaire du 17 Octobre 1961, j’ai voulu rappeler ce jour où des Algériens, qui manifestaient pacifiquement, ont été tués. Aux enfants de ces immigrés, qui se sont sentis exclus de la communauté nationale du fait des déchirures du passé, je dis qu’ils ont toute leur place dans l’histoire de notre pays.
Je pense enfin aux stigmates laissés par la violence de la guerre, à la souffrance des familles des Français et des Algériens qui ont laissé leur vie, y compris après le cessez-le-feu. Mais pour que cette histoire entre de manière apaisée dans notre passé, un travail de mémoire est nécessaire. La guerre d’Algérie, sombre période de la conscience nationa1e, sort ainsi des turbulences passionnelles et du traumatisme collectif pour s’offrir, enfin, à l’examen de l’historien. Les jeunes générations font déjà la France et l’Algérie de demain, et n’ont aucune responsabilité dans l’affrontement d’hier, peuvent ainsi lire cette page avec méthode, loin du bruit et de la fureur longtemps entretenus par leurs aînés, acteurs de cette histoire. La France et l’Algérie ont un travail commun à mener sur le passé pour en finir avec la «guerre des mémoires». Pour passer à une autre étape afin d’affronter les défis communs en Méditerranée. Pour que l’avenir se construise ensemble. Nous avons tant de choses utiles et belles à faire dans une même perspective. Celle du respect mais aussi du dépassement. Par François Hollande-paru dans El Watan-19.13.2012.
**Jaques Floch. ancien député socialiste:
«Des relents de colonialisme inquiétants.
En juin 1999, le député socialiste Jacques Floch défendait devant l’Assemblée nationale française une proposition de loi présentée en 1998, visant à parler officiellement de guerre d’Algérie pour qualifier les opérations militaires en Algérie entre 1954 et 1962. «Deux ans plus tard, entre 2001 et 2002, il fut nommé secrétaire d’Etat aux Anciens combattants. Militaire en Algérie entre 1958 et 1960, il a publié en 2009 un livre intitulé Réflexion sur la guerre d’Algérie, avant et après, qui a trompé qui ? (éditions Coiffard, Nantes). Entretien.
- Que pensez-vous de la manière avec laquelle le cinquantenaire du 19 Mars a été traité par les autorités françaises ?
Il y a des relents de colonialisme qui m’inquiètent. C’est tout à fait anormal que le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants actuel exécute des ordres du gouvernement et du président de la République pour zapper l’événement, pour des raisons électoralistes internes à la France, pensant qu’il faut récupérer les voix des pieds-noirs. Mais aujourd’hui les pieds-noirs sont totalement intégrés à la nation, ils votent comme la nation, hormis quelques régions comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur, où ils sont cependant une minorité. Il y a le problème des harkis, il y a longtemps que les réticences auraient dû être levées entre la France et l’Algérie. Un jour ou l’autre il faudra que chacun fasse l’effort nécessaire pour que ce problème soit réglé.
- Qu’est-ce qu’il aurait fallu faire pour célébrer ce cinquantième anniversaire ?
Des rencontres à la fois au niveau des gouvernements, mais aussi des populations qui ont noué des relations qui doivent être relancées, régénérées. Hélas, des raisons politiciennes, en France comme en Algérie, l’empêchent. Mais je suis persuadé que des grandes nations comme la France et l’Algérie sont obligées de vivre ensemble, de coopérer. Un jour ou l’autre, cela se fera. C’est cela qui permettra que la Méditerranée soit une mer de paix.
- Que regrettez-vous de ne pas avoir pu réaliser lorsque vous étiez au secrétariat d’Etat aux Anciens combattants ?
J’aurais aimé pouvoir rencontrer les responsables algériens des anciens combattants. C’est avec eux qu’on doit commencer par établir la paix. J’avais soumis cette proposition, mais je n’ai pas eu le temps. Il n’y a jamais eu des rencontres officielles entre les anciens combattants via le secrétaire d’Etat en France et le ministère des Moudjahidine en Algérie. Les combattants, parce qu’ils ont connu les souffrances de la guerre, sont capables de parler de la paix. Si un jour on me demande mon avis, c’est cette proposition que je reprendrai. Moi, j’espère qu’il y aura un jour un traité de paix entre la nation algérienne et la nation française, sans que l’on efface le passé. Il faut que nos enfants et nos petits-enfants connaissent l’histoire. Je suis partisan d’une écriture commune entre les historiens français et algériens sur la colonisation française et la guerre d’Algérie.
- Entre la France et l’Allemagne, il n’y a eu que quatre ans d’occupation tout au plus. Entre la France et l’Algérie, il y en a eu 132…
Oui, cela fait partie du contentieux, effectivement il y a un lourd passé et terrible à la fois qui fait que c’est difficile de mettre autour d’une table des gens qui essaieraient de parler le même langage. On sent bien les difficultés, en dépit des bonnes volontés de beaucoup. Il y a urgence car les témoins disparaissent jour après jour.
- Quelles étaient vos intentions dans la rédaction de votre livre ?
Je parle de ce qu’on me cachait lorsqu’on m’a envoyé en Algérie. Les jeunes n’étaient jamais sortis de chez eux et on leur dit que l’Algérie c’est la France, que l’Algérie n’existait pas avant la France, ce qui est faux. Perdre l’Algérie, c’était perdre les avantages qu’ils avaient parce ce qu’ils étaient Européens. Il y avait un véritable apartheid en Algérie à l’époque ; il y avait deux nations qui vivaient côte à côte et il n’y en avait qu’une constituée de citoyens, les autres étaient des sujets. Les Européens étaient des Français à part entière, les Algériens étaient des sujets français. Voilà ce que j’ai appris de mon séjour en Algérie, nourri par ma réflexion après. Aujourd’hui, il faut dire tout cela. En juillet 1962, lorsque les Algériens votent, ils mettent un terme au régime colonial. (El Watan-19.03.2012.)
**Algérie-France…Des associations se mobilisent pour faire renaître le traité d’amitié
A l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre de Libération, le réseau Paix et développement algérien et le Mouvement de la paix français espèrent déterrer le projet du traité d’amitié entre l’Algérie et la France.
Une pétition a été lancée à cet effet, proposant aux citoyens des deux pays d’asseoir des projets communs. «Si l’anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie doit donner lieu bien évidemment à un retour sur l’histoire ainsi qu’à une condamnation sans équivoque du colonialisme, il doit aussi être orienté vers l’avenir», est-il noté dans un communiqué parvenu à notre rédaction.
«Face aux initiatives de l’OTAN pour dominer et militariser encore plus l’espace euro-méditerranéen, la France et l’Algérie devraient s’inspirer de ce type d’actions mises en œuvre par leurs citoyens pour mettre en œuvre des politiques de nature à construire un espace euro-méditerranéen de paix et de fraternité», soulignent-ils dans un communiqué parvenu à notre rédaction. Les deux associations mettent en exergue les actions communes initiées ces dix dernières années. Elles citent notamment la participation de cinq enseignantes algériennes au colloque mondial des éducateurs de la paix à l’Unesco à l’invitation du Mouvement de la paix, l’accueil en France de la caravane des associations algériennes, le stage de formation au montage de projets à Rennes pour dix femmes algériennes ayant des responsabilités associatives en Algérie ainsi que la création d’une coopérative d’apicultrices près de Boumerdès.
«Grâce à l’aide de militants syndicaux, de militantes féministes et de journalistes en Algérie, nous avons rencontré pendant 10 jours un peuple debout, luttant contre le terrorisme islamiste pour garder les acquis de la révolution de 1988», témoignent les membres du Mouvement pour la paix.
Il est à rappeler que le projet d’un traité d’amitié entre l’Algérie et la France avait été lancé à la suite de la «Déclaration d’Alger» cosignée le 2 mars 2003 par le président Abdelaziz Bouteflika et son homologue Jacques Chirac. Dans l’euphorie d’une visite triomphale du chef de l’Etat français et au lendemain de la réélection de son pair algérien, il s’agissait d’engager les deux Etats et les deux peuples dans un «partenariat d’exception», sur le modèle de celui qui a rapproché la France et l’Allemagne en 1963. Puis vint le temps des reproches et des crispations : d’un côté Alger conditionne la signature de ce traité par la reconnaissance officielle des crimes coloniaux, de l’autre, Paris introduit dans sa législation un article de loi (dit du 23 février 2005) glorifiant le colonialisme. Après maintes tergiversations, les responsables des deux pays se sont entendus sur le fait qu’ils n’étaient pas encore prêts pour la construction d’un avenir partagé.(El Watan-19.03.2012.)
**La guerre d’indépendance portée à la connaissance de la jeunesse parisienne
La mémoire de la guerre d’indépendance nationale a été portée lundi à la connaissance de collégiens et lycéens parisiens à travers une sortie en métro organisée par la Maire de Montreuil en partenariat avec le Forum France Algérie, à l’occasion du cinquantenaire des Accords d’Evian et de la proclamation du cessez-le-feu, le 19 mars 1962.
Baptisée «Un métro pour la mémoire », cette visite guidée de la Porte de Montreuil au Pont de Sèvres et retour sur la Mairie de Montreuil, vise à traverser toute l’histoire de la guerre d’Algérie à travers la vision parisienne des principales étapes qui ont jalonné le combat dans l’Hexagone pour l’indépendance de l’Algérie.
De la station Charonne où une répression policière avait fait le 8 février 1962 neuf morts lors dune marche appelant à l’arrêt des exactions de l’OAS en Algérie et pour l’indépendance du pays, à celle de l’Opéra où des centaines d’Algériens venus manifester contre le couvre-feu discriminatoire imposée par le préfet Maurice Papon ont été massacrés le 17 octobre 1967, des éclairages ont été apportés par des historiens et des professeurs d’histoire aux jeunes adolescents. Selon l’historien Tramor Quemeneur, l’histoire de la guerre d’Algérie est «succinctement » traitée dans l’école française. « L’enseignement de l’Histoire en Terminale s’est devenu optionnel, donc un nombre d’heures limité, avec deux heures seulement consacrées à la décolonisation, ce qui est très courtvet la guerre d’Algérie n’en récolte, au mieux, qu’une séance », a-t-il indiqué.
Pour l’historien Gilles Manceron, la guerre d’Algérie a eu des conséquences dans la région parisienne elle-même et cette sortie avec des lycéens de la banlieue Est à Montreuil permet d’évoquer et d’expliquer en quoi l’immigration algérienne a été impliquée dans cette guerre, et victime d’une répression qui a culminé en octobre 1961. «Il s’agissait aussi d’expliquer comment, à la fin de la guerre, l’opinion parisienne a basculé dans le sens de la demande de la fin du conflit et de la conclusion d’une paix pour l’indépendance de l’Algérie », a-t-il ajouté. Lors dune cérémonie organisée en l’honneur des initiateurs de cette sortie pédagogique, la Maire de Montreuil, Dominique Voynet, s’est félicitée de cet « évènement exceptionnel » tant pour la RATP que pour sa collectivité. «Le propos aujourd’hui est de revenir sur des évènements historiques avec l’exigence intellectuelle et la bonne foi nécessaire pour admettre qu’il y a eu des choses inacceptables (à.) et qu’on y arriverait pas en les occultant », a-t-elle ajouté. La maire d’écologie Les Verts a, à cette occasion, fait part de sa suggestion d’organiser, en 2013, une délégation au sein des anciens combattants et de jeunes de Montreuil pour aller en Algérie et y rencontrer des personnes ayant vécu ces évènements dans l’autre camp. « Il s’agit d’initier des gestes permettant de construire ensemble un dialogue démocratique et humain nourri entre les deux rives de la Méditerranée », a-t-elle conclu. (L’Expression-19.03.2012.)
**Les accords qui ont libéré l’Algérie
La journée du 19 mars n’est pas fériée. Elle n’est même pas une fête nationale. C’est à peine si elle est consacrée Journée de la victoire.
Il y a cinquante ans, jour pour jour, naissait l’Algérie. Le 18 mars 1962, l’Algérie combattante et la France coloniale signaient à Evian la fin de la Guerre d’Algérie. La signature de ces accords a conduit à l’indépendance du pays, le 5 juillet 1962. Pour les historiens, ces accords ont été un compromis historique entre deux peuples. Ils avaient scellé définitivement le sort de plus de sept années de guerre, mettant également fin à 132 ans de colonisation, à la faveur d’un référendum d’autodétermination consacrant l’intégrité territoriale, l’unité du peuple algérien et l’indépendance totale du pays. 50 ans plus tard, c’est tout juste si cette date est évoquée dans les manuels scolaires algériens. La journée du 19 mars n’est pas fériée, elle n’est pas une fête nationale. C’est à peine si elle est consacrée timidement Journée de la victoire. Pourtant, le peuple algérien venait d’accomplir ce qu’aucun autre peuple au monde n’avait pu réaliser. L’Algérie venait d’arracher une victoire ayant consacré les principes énoncés dans la Déclaration du 1er Novembre 1954. C’est ainsi que l’on a considéré que ces Accords n’étaient pas seulement un moyen de mettre un terme à une guerre extrêmement dure de plus de 7 ans, mais aussi, il s’agissait d’une occasion pour montrer d’une façon éclatante que l’Algérie était devenue adulte en traitant d’égal à égal avec la cinquième puissance coloniale dans le monde. «Les fellagas, quand ils verront un tapis vert, on leur fera signer tout ce que l’on voudra», promettait le diplomate suisse, Olivier Long, chargé par son gouvernement de gérer les approches entre Français et Algériens. La France s’est appuyée sur cette erreur d’appréciation, montrant une totale méconnaissance des Algériens et de leur psychologie. C’était l’ultime erreur d’appréciation de la France car dans ce chapitre, elle en commit depuis le projet d’assimilation défendu bec et ongles par Ferhat Abbas. Mais 50 ans plus tard, il convient de faire une halte, un bilan des acquis et des ratages de cette marche qui a débuté depuis 1962. Libérés du joug colonial, les Algériens ne partaient pas seulement à la recherche d’une prospérité mais d’une identité anéantie par les différents colonisateurs qui se sont succédé en Algérie depuis des millénaires. Le développement de l’Algérie se voulait alors renaissance, se voulait rédemption et rectification puisque le passé tout aussi glorieux a montré qu’il recelait des ferments d’échec.
Echec oui, le mot revient avec instance à l’occasion de ce cinquantenaire des Accords d’Evian et de l’Indépendance. Doit-on aujourd’hui penser l’Algérie avec ou contre la France? 50 ans après notre indépendance on se retrouve face à ce dilemme. Un terrible paradoxe auquel la classe dirigeante algérienne n’a pu apporter de réponse.
Les Accords d’Evian transmettaient à l’État algérien un héritage de guerre, un butin culturel. Il a été broyé par les rouages du clanisme en éliminant les partisans d’une authentique République algérienne. Plus que jamais, amorçant ce cinquantenaire chargé de symbolique, si plein de fractures tragiques et d’espoirs parfois trahis, on a l’impression que la rhétorique de nos gouvernants est une sorte de chansonnette lointaine. Une rengaine qui reflète un système de pensée périmé, d’un disque rayé et d’un logiciel dépassé.
La génération de la guerre, celle qui a libéré le pays, celle qui a détruit le colonialisme et qui lui a survécu, n’a cédé que très peu de place à la génération de l’après-Indépendance. Erreur fatale qui a coûté cher au pays qui, 50 ans plus tard, voit sa jeunesse se jeter à la mer, s’immoler par le feu et fuir le pays vers d’autres horizons. Mais pour transposer une phrase célèbre: il semble que la construction d’un pays soit devenue une chose très sérieuse pour qu’elle soit confiée à une génération dont la tâche était de détruire… le colonialisme. (L’Expression-19.03.2012.)
**Lire par ailleurs : L’OAS et ses nombreux crimes
*Dans la même page: Les crimes de l’OAS ont fait 1.100 victimes parmi les civils algériens à Oran entre 1961 et 1962
*Dès leur arrivée en Algérie, les pieds noirs se sont opposés à tout dialogue ou réformes sérieuses avec les Algériens
*Gilles Manceron. Historien: «L’OAS empêchait le processus de transition»
*Ils étaient responsables de l’OAS à Oran..Les crimes de « Tassou » le grec et « Benichou » l’Israélien aux derniers instants de la colonisation..
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«Le jour où la France jeta l’éponge»
Abbane le surnommait Djaâfar. On ne présente pas Yacef Saâdi, le héros de la Bataille d’Alger, celui qui aura révolutionné le concept de la guerre urbaine pour lequel il a été consulté par le Pentagone. En cette belle journée de mars, il nous accueille dans sa villa sur les hauteurs d’Alger. Casquette sur la tête et baskets blanches, du haut de ses 84 ans, Yacef Saâdi garde de beaux restes de sa dextérité d’antan. Quant à sa mémoire, elle est toujours intacte. Il raconte dans le menu détail des souvenirs de guerre truffés d’anecdotes croustillantes… la guerre a aussi son humour… Dans cet entretien, Yacef Saâdi a bien voulu nous livrer quelques souvenirs. Comment il avait vécu l’annonce du cessez-le feu alors qu’il se trouvait en prison à Fresnes en France. Suivons-le…
L’Expression: L’Algérie fête le cinquantième anniversaire des Accords d’Evian. En tant qu’acteur de cette Révolution, comment avez-vous appris et ressenti la nouvelle du cessez-le feu?
Yacef Saâdi: On a lutté et Dieu merci, on est arrivé au but recherché qui est l’indépendance. On a atteint l’objectif et notre cause a triomphé. Ce n’était pas seulement une victoire mais un triomphe. La France, qui se targait d’avoir gagné la guerre, on a dit qu’elle mentait car si elle avait gagné la guerre elle ne serait jamais sortie d’Algérie. J’ai appris cette nouvelle en prison, à Fresnes, j’étais avec Mohamed Boudiaf, Mustapha Lachref et Hocine Aït Ahmed
Vous l’avez appris comment?
On avait le régime de détenu politique en prison et donc on avait accès aux médias, aux journaux et la radio Sawt El Arab. On était au courant de tout ce qui se passait. On apprit cette nouvelle avec une grande joie, je ne peux pas décrire ces instants-là. Dès qu’on a appris que c’est cessez-le-feu, on a compris qu’il n’y aurait plus d’armes, plus de torture, de douleurs, de bombes, et plus de morts. C’est la Paix pour ainsi dire. Quel est le combattant, le prisonnier qui attend son tour à la guillotine et qui apprend qu’il y a un cessez-le-feu et qui ne serait pas content? Il faut essayer de se replacer dans ce contexte et de mesurer l’ampleur de cette joie qu’il m’est impossible d’avoir maintenant. Le fait que la France accepte de discuter avec nous c’est qu’elle a jeté l’éponge, après avoir tout fait, si bien que De Gaulle avait doublé l’effort de guerre et avec le lot d’atrocités et de mal pour l’Algérie. Le 17 mars, il y avait un coup d’arrêt, les plumes se sont arrêtées d’écrire car De Gaulle avait exigé de garder une partie du Sahara algérien. Cette situation nous avait déçus. On attendait et on se demandait ce qui allait se passer. Deux jours après, les pourparlers ont repris et ils ont décidé de la date du cessez-le-feu et de la date du référendum. Quand ils ont signé les accords, on s’est dit donc c’est sérieux.
Et il fallait donc quitter la prison de Fresnes pour aller où?
C’était la joie, la grande joie, chacun faisait son paquetage et des projets. Beaucoup ont été libérés et nous, les anciens condamnés à mort, on a été libérés les derniers. Ils nous ont donné un avion qui nous a conduits à Genève et ensuite vers Tunis où se trouvaient la plupart des responsables du FLN. A Tunis c’était la bagarre pour prendre le pouvoir. Chaque soir on était approchés par un responsable qui nous invitait à un dîner pour rejoindre son camp.
Etes-vous satisfait de la manière avec laquelle est fêtée cette date?
Je dois d’abord faire une remarque à propos de la date du 5 juillet. Cette date représente à la fois une joie et une douleur. La joie c’est que la France est partie, et je tiens rancune à la France car elle a débarqué le 5 juillet. En fait, la vraie date du référendum était le 3 juillet. Pour revenir au 19 Mars, je suis rentré de Tunis par le Maroc avec un passeport comme étant natif d’Azrou, une région du Maroc. Arrivé à Alger, on a trouvé une incroyable liesse populaire. Et c’est là que sont intervenus les marsiens. Le Gpra avait appuyé ces derniers pour prendre Alger et donc le pouvoir.
Etes-vous d’accord pour que cette date soit celle d’une fête nationale chômée et payée?
Non, c’est une journée tout à fait normale. C’était un ouf de soulagement car les armes avaient cessé.
50 ans plus tard, des personnalités politiques et historiques exigent des excuses officielles pour ce que la France coloniale avait commis en Algérie. Vous adhérez à cette démarche ou avez-vous un autre point de vue?
Je vais vous dire en toute sincérité ce que je pense. La France est venue en Algérie par la force. Nous l’avons sortie par la force. Je vous réponds à cette question comme suit: imaginez que quelqu’un vienne dans ma maison de force éventrer ma femme, la tuer, enlever le bébé de son ventre et l’égorger devant moi. La personne revient quelque temps au domicile où elle a commis le forfait et vous demande pardon. Allez-vous pardonner à cette personne? Moi non, elle a égorgé mon fils devant moi. Je ne pardonne pas! Je ne participe pas avec ces personnes qui demandent à la France de reconnaître son forfait en Algérie. Ils violent, ils torturent et ils égorgent et ils viennent demander pardon? Accepter est une manière de blanchir la France. Je connais la description totale de leur mode opératoire de torture, je connais tous les lieux de torture à Alger. Aussaresses a pendu Ben M’hidi alors qu’il était mort! En revanche, je suis d’accord et je participe à l’action selon laquelle la France nous restitue notre argent et nos richesses. La France a occupé l’Algérie pendant 132 ans, elle a pillé les richesses, qu’elle paie ses dettes. Il y a donc deux choses: pas de pardon car le mal est fait et je ne quémande rien. Personne n’a invité la France à venir en Algérie. Je demande la restitution de nos biens.
Il y a eu dernièrement un documentaire suivi d’un débat sur France 2. Une dame française en a voulu aux poseurs de bombes pour avoir été blessée lors du fameux attentat du Milk Bar à Alger. Que répondez-vous à cette dame?
Elle n’avait pas à se trouver sur le lieu de l’explosion. C’était la guerre! Mais je précise qu’il y avait eu 35 bombes posées auparavant par les ultras et qui avaient explosé, y compris celle de la rue de Thèbes avant la première bombe signée FLN. J’ai les dates et les lieux de l’explosion. Il fallait donc répondre à l’ennemi par les mêmes armes. Ces personnes n’étaient pas des terroristes. Elles luttaient pour l’indépendance de leur pays. Après l’attentat de la rue de Thèbes à la Casbah, le peuple voulait se venger. On l’a empêché en lui expliquant que «nous combattons pour libérer notre pays et que si l’ennemi possède des bombes, on va en fabriquer nous aussi».
M.Yacef, si c’était à refaire, vous auriez changé quoi 50 ans plus tard…
Le point qui me gêne le plus c’est que j’ai envoyé des gens à la mort, ils sont restés sur le pavé des rues pleines de sang. 30 ans plus tard (il parle des années 1990, du terrorisme, Ndlr), on se retrouve dans une situation où l’Algérien tue un autre Algérien. Je me dis alors que j’ai trompé ces gens-là. C’est la chose qui m’a le plus blessé. Je n’ai jamais imaginé survivre et voir que des Algériens tuent d’autres Algériens. Ça m’a fait mal, très très mal. (L’Expression-19.03.2012.)
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