La République française face à ses crimes coloniaux
**Vingt partis de l’opposition veulent amener la France à reconnaître ses crimes coloniaux en Algérie
Ils reprochent au pouvoir « son incapacité à protéger les acquis de la Nation et à défendre les intérêts des Algériens
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*CRIMINALISATION DU COLONIALISME FRANÇAIS
Le projet d’indemnisation prend une dimension régionale
La question d’indemnisation des ex-colonies françaises revient à la charge notamment avec le projet de loi initié par un groupe de parlementaires algériens. Cette question qui a fait couler beaucoup d’encre sans pour autant voir les algériens qui ont subi des sévices pendant 132 ans de colonialisme, indemnisés, semble prendre une dimension régionale notamment au niveau du continent africain. «Il y a des mouvements similaires au niveau magrébin. Les pays colonisés par la France notamment la Tunisie ont soutenu cette initiative. On retrouve la même attitude au Maroc et les autres ex-colonies françaises en Afrique tel que le Mali», a affirmé Ahmed Chenâa, président de l’Académie de la société civile algérienne (ASCA). «Nous sommes en contact avec ces parties en vu d’avoir une vision commune permettant de créer une certaines influence à l’échelle régionale et même sur le plan international sur le pouvoir français afin de s’excuser auprès de ses anciennes colonies et de les indemniser», a-t-il ajouté. Le projet de loi incriminant le colonialisme est selon ce représentant de la société civile, loin d’être une réaction à la loi française du 23 février 2005, qui pour rappel visait à glorifier le colonialisme et à reconnaître des bienfaits à la colonisation. Ce projet de loi portant sur la criminalisation du colonialisme, a précisé Ahmed Chenâa est particulier dans la mesure où cette action est à la fois politique et sociale. «C’est une action qui prend en considération les sacrifices du peuple algérien pendant 132 ans du colonialisme» a-t-il souligné. « Et ce pour arriver à instaurer de bonnes relations entre le peuple algérien et le peuple français, loin de la haine et de la rancune», a-t-il précisé. Questionné au sujets qui demeurent jusque-là sans avancée réelle sur le terrain, notamment, le dossier des essais nucléaires et celui des archives qui pèsent lourdement sur les relations bilatérales franco-algérienne, notre interlocuteur a expliqué que « le projet de loi a pour but de cerner les crimes commis par le colonialisme français d’une manière générale. Dans le futur, on va détailler ces crimes en touchant aux essais nucléaires. «Le dossier des essais nucléaires est un dossier très lourd qui demande beaucoup d’efforts à commencer par la détermination des personnes touchées». Comme il a insisté, également, sur le dossier des archives qui va être inclus dans ce projet. «Nous allons continuer à réclamer ces archives dans le cadre des conventions internationales. Le gouvernement algérien a joué un rôle important dans ce cadre. On ne peut, en aucun cas, se taire sur le dossier des archives», a-t-il déclaré. Concernant le choix de ce moment précisément et le retard accusé dans le traitement du dossier d’indemnisation du peuple algérien docteur Chenaâ a répliqué que « les bonnes choses tardent toujours à venir ». Concernant la tournure que va prendre cette initiative sur le plan pratique, notre interlocuteur a précisé que «cette action est le résultat des nombreuses luttes de la société civile depuis longtemps. Un groupe de parlementaire a eu enfin, l’idée de la lancer. Ce projet va être présenter prochainement au parlement ». Sur le terrain, ces représentants de la société civile, vont accompagner cette action. «La loi à elle seule ne suffit pas. Il faut qu’elle soit accompagnée des actions de la société civile et des rencontres nationales à savoir des conférences et des colloques pour sensibiliser l’opinion internationale et les institutions judiciaires internationales », a précisé le président de l’ASCA. Dans le cas où la France maintient son attitude, ce dernier a déclaré que «cette question n’est pas un projet d’une année ou de deux ans. C’est une demande légitime. Nous avons des expériences notamment l’indemnisation des Juifs et des Arméniens. Et surtout l’indemnisation de la Libye par l’Italie. Donc, nous aussi, nous allons maintenir notre attitude ». (Le Courrier d’Algérie-08.02.2010.)
**** L’ombre de la repentance….
Jamais les relations algéro-françaises n’ont connu autant de turbulences que depuis l’adoption par le parlement français de la loi n°2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui suscite débats, indignation et réprobation en Algérie mais aussi en France même, parmi notamment le dense mouvement associatif. Et les demandes de repentance sont sans cesse formulées par notre pays au gré de la commémoration presque quasi quotidienne des dates phares ayant jalonné le long et laborieux combat libérateur, et Dieu seul sait qu’elles sont nombreuses. Et la célébration aujourd’hui, du 52ème anniversaire des tragiques événements de Sakiet Sidi Youcef (8 février 1958), cette petite localité située de l’autre côté de nos frontières, sur le territoire tunisien, ravive un peu plus la tension et constitue une autre occasion pour rappeler à la France «de la liberté, de la fraternité et de l’égalité», ses abominables crimes commis ce jour-là sur de paisibles citoyens algériens mais aussi tunisiens accusés de «connivence» avec leurs frères algériens. Un génocide comme elle en a déjà commis auparavant, contrastant mal avec le «rôle positif de la présence française en Afrique du Nord» et donc en Algérie, que stipule l’article 4 de cette scélérate loi. Quoique cette dernière ait été amendée, ceci n’a pas été pour adoucir la position algérienne qui maintient son exigence purement et simplement d’une repentance de la France qui passe inéluctablement par la reconnaissance par l’ancien colonisateur de ses innombrables crimes commis en Algérie. Faute de quoi, l’Hexagone perdrait le statut de partenaire privilégié qu’il avait jusque-là avec le pays. Ce qui, d’ailleurs, se vérifie chaque jour un peu plus. Et cette loi est loin de faire même l’unanimité au sein même de la société française. Philosophes, historiens et autres segments représentatifs du tissu hexagonal se sont impliqués dans les débats. L’historien Benjamin Stora est allé jusqu’à dire que «le colonialisme, «une idée plutôt de gauche que de droite», a été le fait non pas d’une majorité de la population mais d’un «parti colonial» apparu après 1870 pour laver l’affront de la défaite contre l’Allemagne et permettre à la France de tenir son rôle de grande puissance». Et d’argumenter son avis en affirmant que les accords d’Évian ont fait relativement vite le deuil de l’Empire. Ceci dit, l’ombre de la repentance continuera à planer sur les relations entre l’Algérie et la France, condamnée plus que jamais à assumer son statut de colonisateur avec tout ce que cela suppose comme corollaires en termes de génocides et de destructions, et se délester ainsi de son rôle de «civilisateur». (Le Courrier d’Algérie-08.02.2010.)
**A quoi bon tenter de réhabiliter un intellectuel français qui refusa l’indépendance de l’Algérie !
D’un biographe, on n’attend pas qu’il se serve de son objet d’étude pour illustrer ou justifier ses propres thèses, mais quelle que soit sa sympathie pour celui dont il retrace le cheminement, qu’il conserve assez de distance pour s’interroger sur certaines de ses thèses, éventuellement en montrer la fausseté, sinon l’aberration et, pour le moins, en expliciter les raisons.
Rien de tel dans L’Ordre libertaire, ce gros ouvrage — 516 pages ! — que Michel Onfray consacre à «La vie philosophique d’Albert Camus». Loin de s’interroger, par exemple, sur la nature des liens qui attachent Camus à l’Algérie, ni sur son attitude pendant la guerre de libération et son opposition totale à l’indépendance, il se contente de citer longuement sa position, mais ne s’interroge nullement sur les raisons qui la déterminent, comme si cette prise de parti allait de soi, comme si elle était juste et vraie, quand l’histoire en a montré et démontré l’insanité. Il est quand même stupéfiant qu’un philosophe ne se demande pas pourquoi un intellectuel de la taille de Camus a pu se tromper aussi lourdement sur une situation qu’il vivait et dont il entrevoyait bien l’injustice absolue.
Algérois de naissance, Camus aimait l’Algérie — la couleur de son ciel, sa luminosité, la mer, le sable chaud des plages, les senteurs des eucalyptus — mais s’il «aimait» aussi ses habitants, qu’il appelle pourtant, dans l’un de ses textes «les masses arabes», c’était, malgré tout, malgré ce reportage sur la misère en Kabylie, d’un amour lointain, très littéraire et, pour l’essentiel, d’un amour faux. «Camus, écrit Onfray, aime la terre et le peuple, les paysages et les parfums de ce pays… Il ne pense pas en terme topique de nation, mais en terme dynamique de géographie affective, de poétique des éléments.»
Oubliant qu’il n’est pas chez lui, que lui et ses compatriotes occupent l’Algérie comme les Allemands ont occupé la France, que l’Algérie, dont il célèbre les beautés, a été conquise à la suite de massacres génocidaires (razzias, enfumades) qui ont duré près de cinquante ans, que les terres des colons sont des terres volées, que ce peuple, dont il apprécie la spontanéité, a été dépossédé de sa langue et de sa culture, qu’il est à ce point méprisé par la plupart des pieds-noirs qu’il n’est plus, pour eux, qu’une masse de «Fatmas» et de «Mohamed» indiscernables et interchangeables, Camus avait beau se déclarer anticolonialiste, il n’a rien vu — rien pu ou rien voulu voir — de l’insupportable réalité que vivaient les Algériens.
Ou plutôt, s’il l’a pressentie — puisqu’il souhaitait, par exemple, davantage de «justice» envers les «musulmans», comme s’il y en avait déjà un peu, des salaires moins disparates entre ouvriers européens et algériens — il n’est pas allé jusqu’au terme de ce qu’il pressentait et qu’il refusait : l’indépendance. Renvoyant dos à dos les tortionnaires de Massu et les «terroristes du FLN», il a cru garder les mains propres, quand, par ses prises de position, il se ralliait objectivement à ceux qui les avaient couvertes du sang des moudjahidine.
On attendait de son dernier biographe qu’il s’interroge sur cet aveuglement, sur ces divagations — Camus préconisait pour l’Algérie une fédération de douars-communes sur le modèle proudhonien (sic !) — qu’il montre à quelle profondeur l’amour d’un homme pour à sa mère peut être un obstacle à une libre réflexion, avec quelle force sa situation objective — pied-noir célèbre et nobélisé —, son enracinement dans un groupe social et la position même de ce groupe par rapport à d’autres, ont pu déterminer le cours de sa pensée et parfois le dévier et le bloquer. L’ouvrage de Michel Onfray n’aborde aucun de ces problèmes et l’on se demande, en l’achevant, quelle est sa finalité dernière. Evoquer son itinéraire intellectuel, ses lectures, les auteurs, tel Nietzsche, qui l’ont marqué ? Cela a déjà été fait. Exposer sa philosophie ? Mais Camus a plusieurs fois déclaré, et Onfray le rappelle, qu’il n’était pas philosophe : «Je ne sais parler que de ce que j’ai vécu».
Il convenait donc d’expliquer pourquoi il a parlé si mal, ou si faux, de ce qu’il a vécu. Ce qu’Onfray ne fait pas, et pour cause, puisque pour lui Camus a dit vrai et pensé juste. Alors, pourquoi ce livre qui n’apporte rien ? Pour agresser Sartre, qu’Onfray écorche et caricature presque à chaque page ? Pour illustrer ce que peut être une vie «libertaire» ? Il y a sans doute bien d’autres vies, plus cohérentes, plus libres, plus exemplaires à proposer à l’admiration des lecteurs. Je n’ose suggérer à Michel Onfray celle du sergent Maillot, qui déserta et rejoignit les maquisards avec un camion chargé d’armes. Mais le général Paris de Bolardière, qui démissionna de l’armée pour ne pas cautionner les tortionnaires de Massu, pourquoi pas ? A la question qui intéressait Camus : «savoir comment il faut se conduire», le général ne donne peut-être pas une réponse «libertaire», mais celle d’un homme libre, assurément. (El Watan-23.01.2012.)
Tarik Maschino : Auteur de Le Refus, (éd. Maspero, 1960) Michel Onfray, L’Ordre libertaire, La vie philosophique d’Albert Camus (éd. Flammarion, 22,50 euros)
**Essais nucléaires: La nonchalance de la France à assainir les sites exaspère l’Algérie.
Des sources diplomatiques françaises ont révélé que le dossier d’assainissement des zones du Sahara algérien polluées par la radioactivité générée par les essais nucléaires français, il y a 50 ans, s’est mué en demande pressante suite à la promulgation, en fin décembre, de la loi sur les indemnités. Ce dossier est une des causes du refus de l’Algérie d’accueillir, il y a quelques semaines, le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, car la France n’avait présenté aucun résultat tangible.
L’AFP a rapporté, hier, de sources diplomatiques françaises, que la commission mixte algéro-française, constituée après la visite de Nicolas Sarkozy en Algérie en 2007, pour l’étude des conséquences des essais nucléaires dans le sud algérien, œuvre dans le plus grand secret. Cette commission a été chargée de l’expertise civile sur les sites pollués et de rassembler toutes les indications et les études afin de diagnostiquer la radioactivité de ces sites et déterminer ses risques sur les habitants et l’environnement. Mais apparemment, la commission a tardé à présenter ses rapports ce qui a aggravé la tension entre les deux pays.
Le ministre des affaires étrangères, Mourad Medelci, a exprimé le souhait de l’Algérie, de constater des résultats concrets de la part de la commission avant la visite de Bernard Kouchner, prévue pour le mois de janvier passé. « Le problème n’est pas l’indemnisation, mais l’assainissement des sites pollués », a souligné le ministre. Il avait auparavant déclaré lors d’une conférence de presse en 2009, à l’occasion de la journée africaine, que le but des deux parties, algérienne et française, est d’arriver à une évaluation globale de la situation et œuvrer à l’unisson afin de gérer les problèmes qui ne se limitent pas à l’indemnisation, mais à la dépollution des sites soumis à la radioactivité.
L’Algérie ne cache pas sa déception quant à la loi sur les indemnisations votée par le parlement français le 22 décembre 2009, qui limite l’indemnisation pour les essais effectués au Sahara et en Polynésie française entre 1960 et 1996, à 150 mille victimes. Cette loi a suscité la colère des associations de victimes en Algérie qui dénoncent les conditions d’indemnisation des victimes malades, militaires et civiles présent sur les sites lors des évènements et de leurs ayant-droit, surtout qu’elle néglige les effets néfastes de la radioactivité sur l’être humain et la nature.
Les différentes associations non gouvernementales concernées par le dossier et la société civile en Algérie, ont exprimé leur désillusion sur la loi sur l’indemnisation qui se fait attendre depuis mai 2009. Toutes insistent, cependant, sur la nécessité d’assainir les sites dénonçant les tentatives des experts français de voiler beaucoup de séquelles afin de minimiser la gravité de la situation et limiter le nombre de bénéficiaires. Laqsassi Abderrahmane, président de l’association du 13 février 1960 rejette les indemnisations contenues dans la loi du 22 décembre pour leur insuffisance, « Ce n’est pas avec quelques sous que résoudrons un problème qui touche plusieurs générations d’affilée », a-t-il déclaré.
Au matin du 13 février 1960, à 7 heures 4 minutes, la France a fait exploser une bombe atomique près de Reggan dans le Sahara algérien dans le cadre de ce qu’elle a nommé « opération gerboise bleue », suivie de trois essais avant de transposer son champ d’action à Tamanrasset, où elle a procédé à 14 autres essais souterrains.
La partie algérienne pense qu’il est impossible de dénombrer les personnes touchées par la radioactivité dont les effets persistent jusqu’à aujourd’hui, ce qui fait de l’assainissement, une condition sine qua non, refroidissant quelque peu les relations actuelles entre l’Algérie et France. (Echorouk-07.02.2010.)
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** La République française face à ses crimes coloniaux
« L’enquête sur les crimes de guerre aurait dû s’étendre à tous les pays belligérants et on aurait vu prendre place dans le box des accusés Truman pour Hiroshima, Staline pour Katyn, Churchill pour Dresde et de Gaulle pour les massacres du Constantinois. » Michel Tournier (Verdict de Nuremberg, Le Monde 1er octobre 1971)Le 8 Mai 1945 en Algérie, dans le nouveau contexte international né des conflits d’hégémonisme entre les Etats occidentaux, sonne le glas « des intérêts de la France sur ce territoire ». Le 1er Novembre 1954, sa suite logique donne le la de l’agonie de l’Algérie française. D’ailleurs, cette appellation est tardive dans le vocabulaire coutumier colonial qui lui préférait colonie française. Quand on balaie le panoramique de la succession des faits ayant abouti aux accords du 18 mars 1962, la continuité du duel résistance/répression, surmonté de phases cycliques aiguës, n’a pas connu de répit depuis 1830. Les théoriciens des armées et administrations d’occupation, qui n’étaient tout de même pas de débiles profonds, parlaient de guerre ininterrompue qui dura donc plus de cent ans.
Il semble opportun aujourd’hui d’explorer des axes de recherche dans le but précis de qualifier et judiciariser des faits que des auteurs politiques, universitaires, cinéastes, associatifs, romanciers s’entêtent à évoquer, par lacunes ou calculs, en termes réducteurs de massacres ou événements. Quelques traits rapides vont utilement rappeler la vocation belliciste du régime républicain français, issu de la chute du Second Empire en 1870, qui institutionnalise l’occupation militaire de l’Algérie, ayant généré le 8 Mai, avant de dénoncer la persistante dénaturation des faits par l’ex-belligérant, y compris par les voix des réputés solidaires des Algériens. Entreprendre la qualification exacte des faits induit inévitablement la recherche en responsabilité d’auteurs désignés et leur incrimination : on ne peut continuer à se contenter d’incantations et de complaintes contre x. On ne peut davantage occulter la complicité des organes institutionnels avec les exécutifs successifs. Le Parlement investissait l’armée, la justice s’exécutait au pas, l’université zélée cautionnait, d’où la nécessité, aujourd’hui, de disqualifier sa transmission minimaliste, voire sa transcription faussaire de l’histoire. La poignée d’universitaires contestataires ne peut servir d’alibi.
En Algérie, sous occupation française, il n’y eut jamais ni administration ni justice civiles
Le gouvernement de défense nationale, constitué après la défaite sur le front de Sedan, place l’Algérie sous état de siège en 1871/72, qui sera prorogé et étendu en 1875 à l’initiative du gouverneur général. Une loi de juillet 1873 va affecter un corps d’armée, le 19e, à l’Algérie, qui deviendra commun à la Tunisie. La IIIe République, satisfaisant sa mystique du « Salut de la France par l’empire », va dépêcher des corps expéditionnaires sur plusieurs continents au nom de la mission civilisatrice et de sa fallacieuse devise qui a été rappelée lors d’une visite d’Etat escortée de péripéties peu diplomatiques : le 1er Empire avait tenté de franciser l’Europe, il va se contenter de franciser l’Algérie. De 1834 à 1879, tous les gouverneurs étaient des généraux, voire maréchaux ou amiraux du 1er Empire. Le régime républicain va y placer quelques civils radicaux. Un secrétariat permanent de la défense nationale est créé pour assister le gouverneur général. Le cabinet civil n’a qu’une compétence résiduelle, se limitant aux dossiers auxquels le cabinet militaire ne trouve pas d’intérêt. En août 1898, un décret investit le gouverneur général des attributions militaires, lui donne autorité sur les commandants en chef du 19e corps et de la marine. En temps de paix comme en temps de guerre, il est le seul responsable des mesures pour la défense et la sécurité de la colonie. Suivirent les lois de 1906, 1922, puis de 1934 qui lui adjugent le commandement aérien « couvrant l’Afrique du Nord, concernant la participation des forces aériennes aux opérations de police, de sécurité intérieure, de pacification et de pénétration saharienne entreprise sur le territoire de l’Algérie ». (Décret JO 18 avril 1934).
Côté institutions judiciaires, l’armée exerce un contrôle sur les tribunaux indigènes, et les conseils de guerre constituent le régime pénal de droit commun ; autrement dit, ils sont les ancêtres des tribunaux permanents des forces armées (TPFA). En 1928, le code de justice militaire dresse le tableau des officiers des circonscriptions siégeant au tribunal militaire qui avait la direction de la police judiciaire et était chargé de l’exécution des jugements. Les fonctions de commissaire du gouvernement et de juge d’instruction étaient remplies par des officiers constituant un corps autonome, à hiérarchie propre, relavant du ministre de la Guerre. Les cours criminelles séparées demeurent en vigueur jusqu’en 1940, elles sont justifiées par « les nécessités de l’occupation et la sécurité de l’occupant ». Si les festivités du centenaire présumaient déjà de la qualité française de l’Algérie, dix ans plus tard, le président du conseil P. Reynaud, en larmes sur les ondes, rassurait ses compatriotes fuyant devant l’avancée des troupes allemandes en leur rappelant que « les Allemands ne sont tout de même pas des Sarrasins ». Lesquels Sarrasins, de tout le Maghreb, seront envoyés en première ligne dans les Abrusses et ont fait sauter le verrou de Monte Cassino, avec pertes équivalentes aux effectifs engagés. Le 19e corps d’armée va collaborer avec Vichy. Alger va devenir alors le théâtre de furieux règlements de comptes et de troubles enjeux. Se succédèrent quelques assassinats inattendus (Darlan, J. Moulin, J. Zay, G. Mendel), ce qui laissera place nette à de Gaulle, à la tête du gouvernement provisoire, constitué à Alger, en juin 1944, après qu’il ait marqué un point supplémentaire en exécutant P. Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain, pourtant rallié à Alger. D’autres collaborateurs notoires auront plus de chance, comme R. Léonard, par exemple, futur gouverneur général, qui n’a quitté l’administration de Vichy qu’en juin 1944.
La restriction d’accès aux documents essentiels établit la présomption que les assassinats de masse dans le Constantinois ont été planifiés par lui avec le 19 e corps et Chataigneaux, rappelé de Kaboul pour occuper le poste de gouverneur général avant de retourner chez lui, en août 1944. C’était en sorte le premier plan de Constantine. Ignoré lors des conférences de l’Atlantique et de Téhéran entre Roosvelt et Staline, de Gaulle prétend prouver que la France, humiliée par sa défaite éclair dans un conflit régulier peut se prévaloir d’une position prépondérante en Méditerranée et ainsi se pousser du col sur un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies… fort de l’exploit d’avoir noyé une population désarmée dans son sang. On se grandit comme on peut !
Le 8 Mai 1945 n’est pas un épiphénomène, au bout d’un siècle d’occupation, il s’inscrit dans la pratique récurrente de la pression par l’effusion de sang pour obtenir une rémission du mouvement de libération.
« Nous visions l’Algérie à sa jeunesse pour couper les chances au conflit de redémarrer dans les dix ans » (Pierre Nora). L’ampleur de son retentissement tient à l’avènement de la nouvelle donne internationale. Auparavant, le corps expéditionnaire avait perpétré des faits similaires, dits par dérision génocides à la bonne franquette, sans autant de résonance, les moyens de communications étant autres. De Gaulle annonçait ainsi sans équivoque le traitement réservé à toute velléité de revendications. Il est vrai qu’il nourrissait alors le délire d’une Afrique française du Nord comme théâtre de repli stratégique si un conflit venait à éclater en Europe, venant de l’Est. Il préparait donc la France à s’installer dans une guerre contre l’URSS… et les Algériens. Si les faits du 8 Mai ont été l’objet d’innombrables études et exégèses, la question de leur qualification reste entière : curieusement, les auteurs français, voire quelques Algériens, se limitent aux termes massacres, événements et ainsi collaborent à la dénaturation des faits.
Il convient de les interroger sur leurs motivations en faveur de cette altération. Le premier objectif consiste à rectifier ces appellations minimalistes, vecteurs de falsifications entérinant la version officielle française. Le sujet connaît un regain d’intérêt depuis 1995, parce qu’il est générateur de publicité… et de dividendes, mais pas dans le sens de l’établissement de la vérité et encore moins de la recherche en responsabilité. Les chercheurs privilégiés, pour accéder aux cotes non librement communicables s’en tiennent aux restrictions édictées par les autorisations dérogatoires. La simple relation détaillée des opérations, devenue banale, est d’importance secondaire. Non assortie de la désignation nominative des maîtres d’œuvre, elle s’apparente à une spéculation sur le sang des Algériens. Nul n’a acté pour consulter les cotes contenant les pièces qui donnent lieu aux vagues formules, lourdes de sens des historiens militaires : dépassements, nettoyage des gorges de Kherrata, mouvements inexpliqués d’écrous…
Le 8 Mai remplit les critères retenus par les conventions internationales et textes subséquents, dont le code pénal français, qualifiant le crime de génocide
Au lendemain de la défaite allemande, en août 1945, les alliés ont édicté le statut du tribunal militaire international de Nuremberg, annexé à l’accord de Londres, pour connaître des crimes commis pendant la guerre par les vaincus. La cour de cassation française va l’inclure dans l’ordre juridique interne et s’y référer pour juger les crimes commis dans la France sous occupation, en visant son article 6 qui définit la notion de plan concerté. Elle vise également la convention des Nations unies de 1948, pour la prévention et la répression du génocide qui en son article 2 le définit. Elle va élaborer une jurisprudence dans une cinquantaine d’arrêts, rendus de 1948 à 1998 environ, sur des faits qui se sont déroulés sous le régime de Vichy, dit l’Etat français, soit pendant 4 ans et donc antérieurement au 8 mai 1945. L’Assemblée nationale française adoptera le nouveau code pénal, en vigueur depuis 1993, qui inclut cette construction jurisprudentielle et qualifie le génocide et les autres crimes contre l’humanité. De l’examen de quelques arrêts, il ressort que la chambre criminelle qualifie de crime les actes perpétrés au nom d’une « politique d’hégémonie idéologique », y compris lorsqu’ils sont commis « contre les adversaires de cette politique, quelle que soit la forme de leur opposition ». Elle consacre donc le droit de combattre le système ou l’Etat qui pratique une telle politique.
Questions subséquentes : la doctrine coloniale, imposée et maintenue en Algérie à l’aide de faits et d’actes notoires et surabondants et pour des mobiles évidents jusqu’à 1962, remplissait-elle les critères retenus par les magistrats pour qualifier « la politique d’hégémonie idéologique ». Ceux qui s’en tiennent aux euphémismes « massacres ou événements » devraient nous dire quel serait, selon eux, le critère manquant aux éléments constitutifs des crimes de génocide et contre l’humanité dans le cas d’espèce du 8 mai 1945 dans le Constantinois. A moins que ce critère manquant ne soit induit par la qualité ou plutôt le défaut rédhibitoire des victimes, d’être seulement indigènes, et circonstances aggravantes, de race arabe et de religion musulmane. Défaut qui les déposséderait de toute qualité à agir, voire de l’exercice de leur droit à la mémoire. Y aurait-il également un seuil requis du nombre de victimes pour qu’un massacre d’indigènes mérite la qualification de génocide ? Y aurait-il, selon eux, des victimes de meilleur teint que d’autres ? Signalons que le statut de Rome de juillet 1998, créant la CPI (Cour pénale internationale) a consacré le principe de non rétroactivité. Normal. Elle est une création des 5 membres permanents du Conseil dit de sécurité dont la France qui ne l’a ratifié qu’en s’assurant qu’il ne pourrait recevoir d’application rétroactive, cette crainte ayant été débattue à l’Assemblée nationale. Sur ce point, il serait facile de lui rafraîchir la mémoire et répliquer justement qu’elle avait abrogé ce principe par sa législation d’exception applicable aux Algériens.
Enfin, le Conseil d’Etat dans sa séance du 5 avril 2002, statuant au contentieux, engage la « responsabilité de l’Etat » dans ce qu’il qualifie de faute de service d’un fonctionnaire agissant sous l’administration de Vichy. Ce qui traduit un véritable revirement de jurisprudence. Décision qui fut suivie par un jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juin 2002, qui énonce : « Qu’en raison du principe de la continuité de l’Etat, la nature de son régime institutionnel et de ses fluctuations au cours de l’histoire ne saurait interrompre sa permanence ou sa pérennité, que l’Etat républicain instauré par la Constitution du 4 octobre 1958 doit assumer la totalité de l’héritage de ses prédécesseurs. » Par analogie, les Algériens ne peuvent légitimement moins attendre qu’une reconnaissance par la Ve république de sa responsabilité d’Etat et assumer la totalité de l’héritage de la longue succession des régimes antérieurs.
Personnellement, j’ai débattu à maintes occasions du 8 Mai et ai entendu, entre autres, que ce n’était pas un génocide, puisque « c’était seulement pour faire peur aux Algériens ». Et également que l’extermination n’était pas le but poursuivi par la France. Certains Algériens devraient penser à réparer leur ingratitude et présenter des excuses… d’en avoir réchappé. Dans l’intérêt de la progression de l’instruction du dossier de la présence française en Algérie, il est impératif de mettre un terme aux évasives déclarations incantatoires et aux complaintes contre x. Le séquestre maintenu par la Ve République sur les archives du 8 Mai a pour mobile la soustraction des pièces afin d’entraver l’administration de la vérité contenue dans les cotes du corps d’armée de Constantine de 1941 à 1950 répertoriées au SHD (Vincennes), qui administrent la preuve de l’exécution d’un plan concerté. Un faisceau de présomptions concordantes engage la responsabilité du président du gouvernement provisoire. Seul l’accès sans restrictions à ces actes permettrait, hypothèse hautement improbable, de dégager la responsabilité de de Gaulle. D’ailleurs, le débat sur l’amnistie ne vint au rôle de l’Assemblée consultative qu’après sa démission en 1946.
A ce jour, les timides avancées diplomatiques n’ont pas été suivies de gestes probants. L’Algérie devrait-elle admettre comme tort que des bataillons de jeunes, à peine sortis de l’adolescence, se soient résolus à offrir leur vie pour arracher la libération de leur patrie ?
La prétention exprimée par la voix d’un chef de mission en poste à Alger, de voir l’Algérie faire une partie du chemin dans un geste de conciliation relève de l’indécence. Attraire la question sur le registre sentimental est inapproprié, voir douteux. Comme chacun sait, les Français se réclament du cartésianisme. Cela sonne comme le thème favori de l’ancien gouverneur M. Violette qui se disait assuré de « l’amour des non-citoyens pour la mère patrie », lors du débat sur l’amnistie de 1946, avec Papon officiant à titre de conseiller du ministre de l’Intérieur. Il y était d’ailleurs interdit aux députés non citoyens de traiter Archiary de criminel. Logique, il était l’exécuteur des ordres de Chataigneau, l’homme de main de de Gaulle. La remarque concerne aussi les responsables des partis se disant amis de l’Algérie. Aucun d’eux n’a assorti ses déclarations affectives de gestes concrets dans l’exercice de leur législature, par exemple initier un projet de loi de restitution des archives. Seule une confrontation d’opinions réellement contradictoires, qui n’a jamais eu lieu à ce jour, ni à l’université, ni dans les instances politiques, ni au Parlement, peut mettre un terme salutaire à la version unilatérale et aux discours pro domo.
On reste saisi par les réminiscences chez les historiens, pléthoriques, réputés spécialistes, des postulats énoncés jadis par les services d’action psychologique. La première et dernière victime des 5e bureaux reste l’université. Lacheroy avait tenu sa conférence le 2 juillet 1957, non pas à l’Ecole militaire, mais dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. L’université a été le 3e godillot de l’armée, après le Parlement et la justice. Si deux organes de presse algériens ont diffusé la nouvelle d’un colloque sur les massacres (!!!)…, se tenant à l’auditorium de l’hôtel de Ville, force est de constater qu’il n’est annoncé par aucun circuit, ni organe d’information en France, pas même sur le site de la Mairie de Paris. Qui est à l’origine de cette rétention ? Et pour quels motifs ? Le procédé est coutumier : invitations limitées à un réseau d’acquis pour éviter tout débat réellement contradictoire et surtout pas d’Algériens qui ne s’en tiennent pas au rôle traditionnel de faire-valoir. Il est vrai que la lune a besoin de la nuit pour briller. La dépêche reproduite par l’aps, datée du 25 avril 2009, a le mérite d’offrir un échantillon significatif des falsifications charriées par la version unilatérale française : dater les origines de la guerre en 1945, c’est retarder de plus d’un siècle ; il est également archifaux, au moins chronologiquement, d’affubler la guerre de libération de l’habillage pseudo légal de l’autodétermination, dans le but d’éviter à de Gaulle/Debré de reconnaître la déroute infligée par une armée de l’ombre.
L’innovation de l’agrégé Peyroulou vaut son pesant d’aplomb d’abus de crédulité : le 8 mai 1945 préfigurant l’oas, c’est Degueldre qui doit rugir de plaisir dans sa tombe ! Le subterfuge, à l’évidence, tente d’occulter les pratiques criminelles inhérentes au régime républicain. En réalité, Achiary qui n’était pas seul, tout comme Degueldre, héritiers du raciste J. Ferry, sont bel et bien représentatifs des créatures qui pullulaient dans les administrations des républiques à soldats. Et ils seraient seulement coupables de violences. La délicatesse du terme mérite d’être saluée.
L’interprétation de faussaires aussi
Il est vrai, logique immanente, qu’ils se retrouveront en janvier 1960, Bd Laferrière pour tirer, cette fois-ci, sur les gendarmes qui eux avaient bien mérité du crime de guerre, en août 1955, à Collo/Skikda/El Alia : 12 000 femmes, enfants, adolescents, vieillards assassinés sur incitation du maire Benquet-Crevaux et instructions de J. Soustelle, documents toujours inaccessibles. Le chiffre est reconnu dans une récente publication du service historique de la Gendarmerie nationale. A lui rappeler tout de même cette vérité banale puisée aux jorf, que les votes des lois d’exception sous les exécutifs successifs étaient bien antérieurs à la création des commandos Delta. Ce serait donc le sous-préfet Achiary qui dictait les lois aux Mendès-France et Edgar Faure. Mille parlementaires, censés représenter cinquante millions de Français s’adonnaient, comme des maquignons, dans des milliers de pages de débats, au tri sélectif des Algériens. A cette différence près que les maquignons n’ont jamais envoyé à l’abattoir que du bétail. De Gaulle, l’homme du 8 mai 1945, de la pollinisation au plutonium du massif du Hoggar, de l’atomisation de l’écosystème et des populations du Tassili, du 17 octobre 1961 et qui coupait les Algériens en deux, derrière les murailles des forts, au fait connaît-il ?
Après le 8 Mai 1945, les exécutifs successifs de la IVe République, croyaient-ils à un iota de chance de maintenir l’Algérie sous occupation ? Il était, pourtant bel et bien annonciateur de la nature déterminée du duel final.
Les Algériens, le deuil amorti, commencent le tissage des réseaux de la clandestinité en revisitant les classiques de la guérilla ancestrale, avec l’innovation de la guerre subversive. Le 8 mai 1945 eut pour corollaire de structurer la personnalité, de forger la détermination de la génération d’élite qui va s’assigner une obligation de résultat et combattre jusqu’à la libération : « Les rebelles, acculés au combat, font très souvent preuve d’un acharnement qui conduit à leur extermination » (note de service signée R. Salan). Dans la décennie, il procréa le légendaire groupe « des 22 » visités par le génie de la révolution. Désormais, les Algériens ne feront plus seulement ce qu’ils peuvent mais feront ce qu’ils veulent. Le peuple algérien entame sa courageuse et douloureuse marche irrépressible pour sa libération. Parmi ces jeunes, Mohamed Ben Sadok, 26 ans, lors de sa comparution devant le tribunal permanent des forces armées à Paris, en décembre 1957, va impressionner en maîtrisant de bout en bout les débats. Il avait tiré une seule balle de pistolet à travers la poche de sa veste sur A. Chekkal, vice-président de l’Assemblée algérienne, entouré de son service d’ordre, à la sortie d’un match de football. Il se laissa arrêter. Il posait un regard calme et distant sur les anciens gouverneurs généraux défilant à la barre pour tresser des couronnes au fidèle serviteur de l’Algérie française.
Aux questions du colonel commissaire du gouvernement et du président du tribunal, Mohamed Ben Sadok précisa sobrement, sans aucune émotion dans le regard ou la voix, devant un auditoire de personnalités dont J. P. Sartre cité comme témoin par la défense, que pour lui, tout a été arrêté en 1945, à Annaba où il est né. Il avait quatorze ans. Le combattant emblématique, salué par un éditorial d’El Moudjahid, qui a subjugué le prétoire, témoins, journalistes et magistrats compris. En conclusion, l’organe institutionnel qui doit être interpellé, en priorité, comme maître d’œuvre de la législation d’exception et du transfert des compétences à l’armée, est le Parlement. Il n’a passé qu’un demi-aveu, dans sa loi de 1999, en se prévalant de ses faux alibis sur la négation de l’état de guerre en Algérie. Il a obligation de répondre de son acharnement à affranchir la France du respect des conventions de Genève de 1949, pourtant ratifiées par elle, avec les conséquences que l’on sait sur le nombre des exécutions extra judiciaires des djounoud et des civils. La solution logique consiste à voter une loi pour la levée de l’interdiction d’accès en vigueur, frappant les cotes essentielles des archives présidentielles et ministérielles (exécutif, cabinet, Justice, Intérieur, Défense), afin de mettre un terme à la procédure de communication dérogatoire, violant le principe d’égalité. La majorité actuelle, qui légifère activement, peut la faire voter en moins d’un semestre. Les parlementaires des partis d’opposition, amis de l’Algérie, y joindraient leurs voix.
Pour progresser sur le chemin de la vérité, il devient indispensable de se démarquer du langage des us diplomatiques, incompatible avec la rigueur scientifique. Alors que la loi du 15 juillet 2008 entrait en vigueur, le Premier ministre de la République, F. Fillon, dans son allocution à Alger en juin 2008, déclarait que les archives sur le 8 Mai 1945 sont en quasi-totalité accessibles. Je lui ai adressé, par voie recommandée, un extrait du répertoire du Service historique de la Défense, énumérant les cotes du corps d’armée de Constantine : en marge de la totalité figure le signe « non communicable ». J’ai sollicité, en opportunité, son avis favorable autorisé pour leur mise en accès libre afin que nul n’en ignore. L’administration de la vérité est également due au peuple français. Pourquoi de Gaulle/Debré s’entêtaient-ils à envoyer de jeunes Français à la mort, alors savaient la cause entendue ? Enfin, il demeure surprenant que soient interprétées comme déclarations d’hostilités la moindre légitime revendication sur leur patrimoine et l’exercice du droit à la mémoire des Algériens. (Paru dans El Watan du 09.07.09.)**Par
Notes et sources :
L’ordre de bataille du 8 mai 1945 est répertorié au shd sous la cote 1 H 4533-1, non communicable. Le commandement était assuré par le général de corps d’armée Henry Martin, le général de brigade Pierre André, le général de division Charles Magrin-Verneray dit Monclar. Ils se retrouveront à la tête de la 10e Région militaire qui entre en fonction en 1946 et vont s’adonner au maillage militaro-administratif tentaculaire de toute l’Algérie, forts des leçons du 8 mai. Les cotes du corps d’armée de Constantine sont répertoriées sous le n°2810 à 2871, non communicables (demande de consultation dérogatoire en cours de traitement).
Code pénal français/Livre II- 1er : Des crimes contre l’humanité Chap. 1er, Du génocide, art. 211-1 « Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial, religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre des membres de ce groupe, l’un des actes suivants :
• atteinte volontaire à la vie ;
• atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ;
• soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ;
• mesures visant à entraver les naissances ;
• transfert forcé d’enfants. Chap. II – Des autres crimes contre l’humanité, art. 212-1 « La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile sont punies… »
•Loi n°99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l’expression « guerre d’Algérie ».
• Les débats parlementaires sur microfiches, d’accès et de reproduction libre et immédiate au siège du JO. et l’Espace documentation/Librairie Sénat.
• Conseil d’Etat n°238-689 – Séances du 5 avril, contentieux, Papon.
•Tribunal administratif de Paris – Audience du 27 juin 2002, Fédération nationale des déportés et internés.
• La guerre psychologique d’après l’abondante littérature du général P. Ely, devait enlever aux Algériens l’envie de résister et « faire des femmes des agents de pacification ». Shat 1 H 2461 D 1 : Action sur les milieux féminins en Algérie, non communicable.
• Note de service signée Salan, 19 mars 1958, 10e Région militaire, état-major – 6e bureau (interdiction de reproduction).
• Article procès Ben Sadok : tpfa Paris décembre 1957 (Le Monde, L’Humanité)
• La loi du 15 juillet 2008, incorporée à la loi sur le Patrimoine, allonge les délais de prescription et crée une nouvelle catégorie d’archives incommunicables. (Le tribunal administratif de Paris est saisi, à mon initiative, d’un recours contentieux sur l’interprétation et l’application d’un de ses articles, invoqué dans un avis négatif de consultation dérogatoire de la Cada, en date du 25 juillet 2008).
L’auteure est chercheuse, indépendant de tout lien de type hiérarchique, spécialiste en législation pénale coloniale .
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Gérard Longuet, ministre au passé sulfureux et au présent scabreux, un intermittent du pénal
Si Gérard Longuet avait été un «Français d’Algérie», il aurait intégré sans l’ombre d’un doute l’OAS et ses commandos de tueurs-plastiqueurs, la «Main rouge», ou les escadrons de la mort de l’armée coloniale. Il s’y prêtera volontiers, se portera volontaire pour exécuter et la corvée de bois et le supplice de la baignoire à la villa Sésini ou ailleurs. Mais Longuet avait tout juste huit ans et autant de témérité en moins lorsque la guerre de Libération éclatera. N’empêche, l’homme politique français, au passé et aux pratiques sulfureuses, va-t-en-guerre permanent (Libye), aigri et frustré (Algérie), ne désespère pas de faire et de refaire indéfiniment les guerres et les croisades.
Homérique, la haine tenace, structurée, qu’éprouve le sénateur de la Meuse envers tout ce qui symbolise l’Algérie, l’Algérien et autre l’Arabe de Camus, est le secret le plus éventé de la Ve République française. Et il en fait grand usage, toujours sur fond de surenchères électoralistes et politiciennes. Les dérapages contrôlés et incontrôlés sont en effet légion auprès de ce personnage qui a tété jusqu’à l’étourdissement la mamelle de l’extrême droite. Une extrême droite, son unique et exclusive famille politique, dans les bras de laquelle il est né, a grandi, gravi les échelons jusqu’à devenir ministre de la Défense. «Pied-noir» par procuration ou par inoculation de revanche, mais authentique «bras déshonneur», Longuet est né en France, le 24 février 1946 à Neuilly-sur-Seine.
L’ancien chef des armées françaises (il a été le ministre de la Défense et des Anciens combattants de février 2011 jusqu’au 10 mai 2012, en plein guerre contre la Libye) est un partisan, ultra et décomplexé de «l’Algérie française», un pur produit du grand collège des «nostalgiques» de l’empire colonial français. La mamelle de l’extrême droite, Longuet la tètera avidement et goulûment, et de sa littérature fasciste et raciste, il s’en abreuvera tout le long de sa carrière. Accessoirement à droite (UMP), à la tête des «réformateurs», le sénateur dit assumer pleinement son appartenance à un groupuscule d’extrême droite.
«Pour des raisons personnelles, j’étais Algérie française et anticommuniste. (…) J’assume avoir été d’extrême droite. On s’est simplement trompés sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer», déclarait-il au Monde, en 2005. La presse française décrit en lui un «animal politique complexe» : diplômé de Sciences-Po Paris, il fonde, en 1964, avec des étudiants et lycéens «nationalistes» l’organisation Occident, à l’idéologie et pratique fascistes, jusqu’à la dissolution et le remplacement de ce mouvement par Ordre nouveau, mouvements qui célèbrent les vertus du «sang», exalte l’«ethnie française», et déclare «pervers et nuisible», le libéralisme, la démocratie, les élections, etc.
Un temps barbouze, Longuet participera le 12 janvier 1967 à l’attaque des comités Viêt Nam sur le campus de l’université de Rouen. Longuet est condamné avec 12 autres militants (dont Alain Madelin et Patrick Devedjian entre autres) pour «violence et voies de fait avec armes et préméditation». En 1965, il soutiendra à l’élection présidentielle Jean-Louis Tixier Vignancour, réputé avocat de l’OAS et dont le directeur de campagne est Jean-Marie Le Pen. En 1973, sorti de l’ENA, Gérard Longuet rallie l’UDF, feint de changer de fréquentation politique. Il est élu député UDF-Parti républicain de la Meuse en 1978.
Un intermittent du pénal
G. Longuet, plusieurs fois ministre, des Télécommunications notamment, de l’Industrie, de la Défense, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée (2007-2009), fut également président de la région Lorraine de 1992 à 2004. Mais les affaires scabreuses le poursuivent. Il est surnommé «l’intermittent du pénal». En 1994, il démissionnera à cause de l’affaire dite de la «villa de Saint-Tropez». L’ancien haut commissaire à la jeunesse, Martin Hirsch, a accusé dans son essai Pour en finir avec les conflits d’intérêt Longuet d’avoir financé l’achat de cette maison avec une collection de timbres rares, reçue lorsqu’il était ministre des Postes.
Trésorier (1982-1986), puis président du Parti républicain de 1990 à 1995, Longuet collectionne les procès, les mises en examen, et est plusieurs fois renvoyé en correctionnelle, pour recel et corruption, abus de biens sociaux, conflits d’intérêt, etc.*El Watan-03.11.2012.
**Jean-François Gavoury : «Longuet n’a pas fini de nuire»
Pour Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo) que nous avons contacté hier après-midi, «l’actualité de Gérard Longuet est en accord avec son passé.
Il s’agit de quelqu’un de fondamentalement violent, dans le discours comme dans le geste. Ayant démarré à Rouen (Seine-Maritime) ma carrière de fonctionnaire, je peux témoigner que l’université de Mont-Saint-Aignan a été, comme l’institution policière elle-même, longtemps marquée par l’expédition punitive qu’il y a menée, en janvier 1967, à la tête d’activistes du mouvement Occident : le mode opératoire évoquait celui utilisé quelques années plus tôt, en Algérie comme en métropole, par les commandos de la mort de l’OAS, un militant d’extrême gauche ayant été très grièvement blessé lors de cette agression.
Comment imaginer, à l’époque, que Gérard Longuet se verrait un jour confier la responsabilité de la mise en œuvre des stratégies de défense et de mémoire, sans jamais avoir eu à renier ses engagements à l’extrême droite. Inamendable il est et restera. Et il n’a malheureusement pas fini de nuire : à l’image de la classe politique et, surtout, à l’image de la France dans le monde, en particulier de l’autre côté de la Méditerranée. J’observe en tout cas, au-delà d’une certaine forme de progression dans l’obscénité gestuelle, une régression dans la réflexion politique puisqu’il a pu dire un jour, en 2005, qu’il «s’était trompé sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer».».*El Watan-03.11.2012.
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pour les crimes de la Colonisation: la France « doit des excuses à l’Algérie »
« La colonisation algérienne ne ressemble à aucune autre colonisation. Nous devons des excuses (à l’Algérie) », a souligné M. Aphathie qui intervenait sur une chaîne TV française lors d’un débat sur la colonisation française.
« Nous ne savons pas pourquoi la France a conquis Alger (le 5 juillet) 1830. C’est un acte politique impensé », a-t-il dit, expliquant qu’à l’époque Charles-Philippe de France, connu sous le nom de Charles X, « était basculé par les Libéraux en France, lequel mène une opération militaire pour sa gloire personnelle ».
Vingt-cinq jours plus tard, Charles X « perd le pouvoir le 30 juillet 1830 et Louis Philippe lui succède », a ajouté M. Aphatie, un éditorialiste qui cumule une grande expérience pour avoir exercé dans plusieurs médias français, relevant que ‘ »personne ne savait quoi faire en Algérie et l’armée (française) était livrée à elle-même sur le terrain ».
Il a expliqué que c’est « à partir de là que va commencer la conquête de l’Algérie (qui) était tellement violente, qu’en 1845 il y a eu une campagne de presse européenne pour la dénoncer », a-t-il déploré, qualifiant de « scandale » qu’une avenue soit baptisée du nom du maréchal Thomas Bugeaud qui « s’est comporté comme un boucher ».
« Aujourd’hui, le maréchal Thomas Bugeaud est honoré par une avenue à Paris. C’est un scandale », a asséné M. Aphatie qui a, à son actif, plusieurs publications dont notamment un ouvrage intitulé « Liberté, égalité, réalité ».
Condamnant la colonisation française, il a aussi regretté que des générations d’Algériens soient privées de leurs droits et spoliées de leurs terres.
« On a volé les terres aux Algériens, on a empêché la scolarisation de cinq générations d’Algériens, condamnés à l’ignorance et à l’analphabétisme. On a lancé du napalm sur des villages algériens », s’est encore offusqué M. Aphatie, connu pour ses positions politiques jugées justes et courageuses.*APS- Samedi, 23 Janvier 2021
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Refus de la France de reconnaitre ses crimes : « une dérobade historiquement indigne »
Le politologue et universitaire français, Olivier Le Cour Grandmaison, a affirmé que la responsabilité de l’historien Benjamin Stora était « complète » par rapport à la « dérobade historiquement et politiquement indigne » de la France officielle qui exclut toute reconnaissance des crimes de guerre et contre l’humanité » commis en Algérie durant la colonisation (1830-1962).
« Si la France et l’actuel président de la République (Emmanuel Macron) excluent toute reconnaissance des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis au cours des 130 ans de colonisation de l’Algérie, c’est aussi parce que le rapport rendu par le conseiller-historien Benjamin Stora, tranche en ce sens », a indiqué M. Le Cour Grandmaison dans un entretien accordé mardi à l’APS.
Il réagit à l’attitude de la France officielle qui a exclu toute forme de repentance ou d’excuses suite au rapport sur la colonisation, remis mercredi dernier par Benjamin Stora au président français.
Pour M. Le Cour Grandmaison, « de ce point de vue, la responsabilité de Stora est complète puisqu’il fournit ainsi à Emmanuel Macron, comme à tous ceux qui refusent de s’engager dans cette voie indispensable à la manifestation de la justice, de l’égalité et de la vérité, de nombreux arguments pour justifier une fois encore cette dérobade historiquement et politiquement indigne ».
« Elle s’inscrit dans la continuité de la politique française en cette matière et le programme +commémoriel+ élaboré par Benjamin Stora ne change rien à l’affaire », a-t-il ajouté, relevant « quelques modestes avancées bien faites pour tenter d’occulter la persistance de ce refus et donner du grain à moudre au président français qui sera bientôt en campagne électorale ».
Il a fait observer que « contrairement à de nombreux pays qui ont reconnu les crimes commis au cours de leur histoire coloniale, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, notamment, sans oublier les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Canada qui ont, eux aussi, reconnu les torts insignes infligés aux populations autochtones, la France se signale donc par cette pusillanimité inacceptable pour les victimes comme pour leurs descendants, qu’ils soient Algériens ou Français ».
Et de poursuivre : « Inacceptable, elle l’est également pour toutes celles et tous ceux qui, en France, se mobilisent depuis des décennies parfois pour faire connaître et reconnaître ces crimes longtemps niés », d’où, a-t-il ajouté, « la permanence de nombreuses discriminations mémorielles et commémorielles qui frappent les héritiers de l’immigration coloniale et post-coloniale, dont l’histoire singulière n’est pas ou peu prise en compte ».
Pour cet universitaire, titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un DEA en sciences politiques et de philosophie, « cela vaut pour les manuels scolaires, pour l’enseignement comme pour les initiatives publiques nationales. A preuve, enfin, l’absence de musée consacré à l’histoire coloniale de l’Hexagone ».
Archives classées secret-défense ou « duplicité » de la France S’agissant du volet relatif aux archives classées secret-défense, le politologue français a estimé que sur « ce point capital, puisqu’il y va de la liberté de la recherche et de droits démocratiques majeurs, le président Macron fait preuve d’une duplicité remarquable ».
« D’un côté, il prétend favoriser l’ouverture des archives au plus grand nombre, de l’autre, pour satisfaire la hiérarchie militaire et son électorat le plus conservateur, Macron défend des mesures contraires à la loi du 15 juillet 2008, relative à l’accès aux archives et aux délais permettant leur communication », a encore déploré M. Le Cour Grandmaison.En ce sens, il a estimé que « ces mesures rendent impossible, très difficile en tout cas, la communication de certains documents classés +secret défense+ », ce qui explique, a-t-il dit « le recours, devant le Conseil d’Etat, en date du 15 janvier 2021, de plusieurs associations importantes de chercheurs et d’enseignants sans oublier l’Association Josette et Maurice Audin ». – APS- Mardi, 26 Janvier 2021
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Le refus de repentance et d’excuses de la France envers l’Algérie est « inquiétant »
La réaction de la France officielle qui refuse toute forme de repentance et d’excuses envers l’Algérie, suite au rapport de l’historien Benjamin Stora sur la colonisation, a été qualifiée d’ »inquiétante » par le chercheur en Histoire, Gilles Manceron, qui appelle ainsi la « France à formuler des excuses ».
M. Manceron fait référence au tweet de la présidence de la République française, juste après la remise du rapport de Stora, dans lequel, a-t-il précisé, il est mentionné que « des actes symboliques sont prévus, mais ni repentance, ni excuses », qualifiant ainsi ce tweet « d’inquiétant ».
Dans un entretien accordé lundi à l’APS, l’historien spécialiste du colonialisme français soutient que ce tweet « laisse présager une reprise très partielle du rapport, accompagnée de propos qui donneraient des gages aux nostalgiques de la colonisation », estimant que « cela est à suivre de près, car l’important, ce n’est pas le rapport, mais les conclusions que le Président (Macron) va en tirer ».
Il a rappelé que le thème du « refus de la repentance a été utilisé en France, notamment par Nicolas Sarkozy et ceux qui soutenaient sa présidence, comme un moyen de refuser la reconnaissance des crimes de la colonisation et de dire la vérité à leur sujet ».
M.Manceron a, en outre, fait observer que « la presque totalité des historiens, en France comme en Algérie, demandent une reconnaissance et un discours de vérité », relevant que ces derniers « écartent le terme de repentance, qui est une arme dans les mains des ennemis de la reconnaissance et de la vérité, un épouvantail qu’ils agitent pour les écarter ».
« En ce qui concerne l’idée d’excuses au nom des institutions de la France pour ce qu’elles ont commis dans le passé, cela me semble différent. Il faudra, à mon avis, que la France officielle vienne à un moment à formuler des excuses, mais l’important aujourd’hui est de faire avancer dans l’opinion l’idée qu’il faut une reconnaissance et un travail de vérité ».
Au sujet de la torture pratiquée durant la colonisation en Algérie, l’historien a rappelé qu’Emmanuel Macron a fait une « déclaration importante en septembre 2018 quand il avait rendu visite à la veuve du chahid Maurice Audin, torturé et assassiné par des militaires français, en lui demandant pardon au nom de la France et en disant que cette pratique de la torture suivie d’exécutions sommaires était alors systématique ».
Et d’ajouter : « Mais il s’est arrêté là. Il aurait dû présenter les mêmes excuses au nom de la France à Malika Boumendjel, la veuve d’Ali Boumendjel, malheureusement décédée il y a peu sans les avoir reçues, comme le dit aujourd’hui sa nièce, Fadhila Chitour-Boumendjel », notant ainsi qu’ »il reste beaucoup à faire de la part de la France officielle, pour les victimes connues comme pour les milliers d’autres que le site 1000autres.org essaie de sortir du silence et de l’oubli ».
M. Manceron a également expliqué que « ce qui peut justifier qu’en France, on commence par évoquer le cas de Boumendjel, c’est que c’était un avocat et un brillant juriste, élève d’un professeur de droit très connu, René Capitant, qui avait été ministre du Général de Gaulle et quitté son enseignement pour protester contre l’assassinat d’Ali Boumendjel ».
Toutefois, l’historien a rappelé que « d’autres personnalités algériennes ont été torturées et assassinées au même moment, lors de la Bataille d’Alger », citant entre autres le président de l’Association des Oulémas algériens, Larbi Tebessi, « qui suscitait, dès les années 1930, l’enthousiasme des Algériens par ses déclarations en faveur d’une Algérie libre du joug colonial où tous ses habitants auraient leur place, quelles que soient leur origine et leur religion ».
Rappelant que « des parachutistes français avaient enlevé Larbi Tébessi à son domicile à Alger, le 4 avril 1957 et qu’il n’y eut plus jamais de nouvelles de lui », M. Manceron a estimé que « la famille de cette personnalité musulmane doit recevoir, elle aussi, les excuses de la France ».
Des forces au sein de l’armée française derrière le blocage des archives
Enchaînant sur la question relative à la levée du secret-défense sur les archives, M. Manceron a relevé que des forces au sein de l’armée française sont derrière le « blocage », signalant qu’il y a aujourd’hui une bataille menée par de nombreux historiens, archivistes et juristes pour s’ériger contre ceux qui « veulent empêcher la libre communication des archives, prévue par la loi, au prétexte d’un processus complexe de ‘déclassification’, document par document, par les institutions qui les ont émis, c’est-à-dire le plus souvent l’armée »
« Encore aujourd’hui, il y a dans l’armée française des forces qui s’opposent à la reconnaissance et à la vérité sur cette page de notre passé. C’est de là que vient le blocage », a-t-il relevé.
Toutefois, a-t-il ajouté, « il y a d’autres forces dans la société française qui demandent la reconnaissance et la vérité sur cette page de notre histoire », soulignant que ces « forces l’emporteront tôt ou tard. J’espère bientôt ».
« La demande de connaissance et de vérité sur la lutte d’indépendance nationale qui se manifeste actuellement dans la société algérienne, va dans le même sens que ce combat d’une partie de la société française », a-t-il conclu.*APS- Lundi, 25 Janvier 2021
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