Les massacres du 8 mai 1945 en Algérie
Le 8 Mai 1945, un peuple célébrait la victoire sur le nazisme, un autre payait dans le sang le courage de son engagement.
**Les Algériens s’en souviennent.
Mai 1945, la Seconde Guerre mondiale vit ses derniers soubresauts. Au moment où le monde occidental fêtait sa victoire sur le fascisme et le nazisme, en Algérie, l’armée française, au lieu de tenir sa promesse faite aux Algériens de leur accorder leur indépendance, redouble de férocité. L’ Histoire en témoigne. Ces massacres perpétrés dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata et dans d’autres régions du pays furent le signal du déclenchement de la Révolution nationale et le début de la fin de l’occupation française en Algérie et un tournant décisif pour le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 54. Ces pratiques inhumaines utilisées par la France pour faire avorter les tentatives de lutte, n’ont fait que renforcer l’attachement des Algériens au droit d’autodétermination dans le cadre de l’unification des rangs du mouvement national. 65 années sont déjà passées et les Algériens s’en souviennent. En effet, à travers des journées d’études et de rencontres, le 8 Mai 1945 est commémoré dans la douleur. À titre d’exemple, une journée d’étude sur «L’histoire de la mémoire et témoignages» dont les travaux ont été clôturés jeudi soir à Tlemcen était une opportunité de revenir sur les crimes contre l’Humanité commis par la France coloniale. Les participants à cette rencontre, ont recommandé le recueil et l’écriture de tous les témoignages sur l’atrocité des évènements sanglants du 8 Mai 1945. Ils ont également appelé, à cette occasion qui s’inscrit dans le cadre de la commémoration de ces événements, organisée par le département d’histoire de l’Université de Tlemcen en collaboration avec la direction des moudjahidine, à l’orientation des chercheurs et des étudiants dans leurs mémoires de fin d’études sur le Mouvement national, à la coordination entre l’université et les associations versées dans l’histoire du Mouvement national et l’impression des travaux de cette rencontre pour en constituer un document pour les élèves. Le docteur Mabkhout Boudouaya, chef du département d’histoire de l’Université de Tlemcen a fait, lors de cette rencontre à laquelle ont participé des professeurs des Universités de Tlemcen et de Sidi Bel-Abbés et des moudjahidine, une communication où il a abordé certains écrits d’historiens qui ont traité de la question des massacres en s’étalant longuement sur les travaux du regretté historien Yahia Bouaziz. Le conférencier a affirmé que « cet historien a relaté la série de massacres sanglants commis durant ce mois, mais aussi écrit sur bien d’autres massacres commis depuis le début de l’occupation de l’Algérie par le colonialisme français». Après avoir mentionné les titres de certaines oeuvres écrites par l’historien comme «Moudjez fi tarikh El Djazair» (Synopsis dans l’histoire de l’Algérie) en 1965, «Thaouarate el Djazair fi qarn 19 oua 20» (Révolutions en Algérie aux 19e et 20e siècles) en 1980, l’intervenant a souligné ensuite à propos du livre «La politique de l’occupation coloniale et le Mouvement algérien de 1830 à 1954, les massacres sanglants du 8 mai 1945». Il a mis en exergue les conséquences désastreuses citées par l’historien dans son livre notamment le génocide et la torture contre les manifestants, le bombardement des villes par des avions ou à partir de la mer avec l’implication de légions étrangères. Le docteur Mekkioui Mohamed a relaté, dans son intervention sur «le parcours estudiantin du Mouvement national algérien 1930- 1945», les événements historiques qui ont abouti à l’explosion de la rue algérienne, notamment le centenaire de la colonisation française de l’année 1930, la circulaire Michel appelant au contrôle de l’activité de l’Association des ulémas musulmans algériens, les manifestations de Constantine pour dénoncer cette circulaire, en plus de la maturité politique chez les chefs du Mouvement national. Selon l’intervenant, ces facteurs ont poussé les Algériens à revendiquer leur droit à la victoire promise. Des témoignages de moudjahidine sur les massacres du 8 Mai 1945 ont mis à nu les atrocités perpétrées à l’encontre du peuple algérien (tortures, arrestations et autres) par le colonisateur français.
**L’un des derniers témoins raconte….
Nichée au pied du mont de Sidi Mimoun qui culmine à 1 646 m, à la naissance de la chaîne des Babors, Beni Aziz, charmante cité de 20 000 habitants, subjugue immédiatement le visiteur lorsqu’au détour d’un virage, elle apparaît toute riante dans un écrin de verdure, offert entre les lacis de l’oued Bourdin, étonnamment limpide, et l’éclat éblouissant de l’azur. I l est difficile de réaliser aujourd’hui qu’il y a 66 ans ce petit paradis qu’est Beni Aziz au printemps a été le théâtre, du 8 mai jusqu’au mois de juillet 1945, d’un massacre à grande échelle, prenant les proportions d’un génocide. Un enfer avec sa cohorte de tueries, de viols, d’enfumades et d’exactions hystériques, commises par la soldatesque coloniale, ses corps auxiliaires et les milices déchaînées. Des témoins des massacres du 8 mai 1945, il n’en reste guère dans ce chef-lieu de daïra situé à une soixantaine de km au nord de Sétif. Une commune que l’administration française avait affublée du nom de Chevreul et où l’on avait dénombré 379 victimes, parmi eux beaucoup de femmes et d’enfants. Mohamed-Bachir Azzouz avait treize ans à l’époque de ces évènements sanglants qui avaient non seulement définitivement marqué ces jeunes presque tous futurs combattants de l’Armée de Libération nationale (1954-1962) mais aussi les générations suivantes qui conservent jalousement, à Beni Aziz, les récits des aînés sur le martyre du 8 mai 1945. « J’étais élève à la zaouia Hamlaouia de Teleghma à cette époque », raconte El Hadj Azzouz qui souligne qu’après la mort de Saâl Bouzid (première victime de ces massacres, abattu par le commissaire Olivieri) qui conduisait le cortège de manifestants à Sétif, la population de Beni Aziz apprenait que l’administrateur de Aïn El Kebira avait été tué à Amoucha. Pour tout un chacun, « cela signifiait que c’était le Djihad contre l’occupation coloniale, car la misère et le désespoir étaient tels que la révolte pouvait se généraliser au moindre incident », explique Hadj Mohamed. Le chauffeur de l’administrateur tué s’appelait Amar Bougdoura. Il est rentré au volant d’une « traction » à Aïn El Kebira. « Le lendemain, mercredi 9 mai, à Beni Aziz, le neveu de Bougdoura, Amar Boukharouada avait participé à l’attaque contre des gendarmes de Chevreul, armé d’un mousqueton, il y aura un gendarme et un colon tués parmi les européens », se rappelle dans un mélange de souvenirs le moudjahid Mohamed- Bachir Azzouz, pris de frissons à l’évocation de cette sombre époque. Le surlendemain du 8 mai 1945, jeudi, à Beni Aziz et dans les mechtas de la région, la répression allait s’abattre impitoyablement. À Beni Medjelet, Larbaâ, Arbaoua, Aïn Sebt, les tirailleurs sénégalais et les tabors marocains, aidés par des milices formées de colons, sévissaient, brûlant, tuant et violant sans retenue, raconte ce témoin, se souvenant que 12 maisons avaient été entièrement incendiées. Le couple Hadda et Mabrouk Azzouz ont été froidement abattus chez eux, de même qu’à Beni Aziz, un homme et son fils ont été tués de sang-froid, l’un après l’autre. L’horreur fut telle que de nombreux témoins ont longtemps été tourmentés par l’odeur de la chair calcinée de familles entières. Certaines victimes ont été obligées de creuser ellesmêmes leurs tombes, raconte encore Hadj Azzouz. Ce dernier, considéré à Beni Aziz comme « la mémoire » du 8-Mai 1945 et de la Guerre d’indépendance, cite également quelques personnes arrêtées à Beni Aziz durant le mois de mai 1945 et qui ne furent libérées qu’en 1962 : Larbi Azzouz, Boudjemaâ Boukhrissa, Lakhdar Benyahia, Mohamed Tolba, Ahmed Haridi. Des centaines d’orphelins ont été dénombrés, la plupart ont été adoptés par des militants nationalistes ou des compatriotes dans toute l’Algérie, notamment dans l’Oranie. L’un de ces orphelins, Messaoud Gridi, est revenu, après l’Indépendance, à Beni Aziz où il avait vécu ses derniers jours, il y a peu de temps, relève Hadj Azzouz. « J’avais 13 ans, au mois de juillet 1945 à Tachouda, à quelques kilomètres de Beni Aziz, j’étais avec mon père et ma mère parmi des centaines d’habitants des dechras, regroupés de force pour nous obliger à participer à une cérémonie grotesque de reddition. Les soldats nous obligeaient à insulter les dirigeants nationalistes des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML), puis tout le monde a été contraint de se prosterner en tournant le dos à la Qibla », se souvient encore ce moudjahid, avant d’affirmer que « si les hommes passent, Beni Aziz n’oubliera jamais ».(Le Courrier d’Algérie-08.05.2011.)
** Les archives des massacres du 8 mai 1945 ont été déjà restitués par la Grande-Bretagne à l’Algérie »
Lors d’une visite effectuée hier dans la wilaya de Sétif, l’ambassadeur du Royaume-Uni en Algérie, M. Martyn Roper, a réitéré l’engagement de son pays pour redynamiser les échanges commerciaux entre l’Alger et Londres. « Je connais bien l’histoire héroïque de cette région, notamment les massacres du 8 mai 1945. Sétif représente également un pôle économique et commercial considérable en Algérie », a-t-il déclaré aux journalistes.
Dans ce sens, le même interlocuteur a révélé que le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, lui a incité de renforcer la présence de la Grande-Bretagne dans tous les secteurs économiques en Algérie, dans le cadre des projets de coopération bilatérale, relevant que le taux des échanges commerciaux entre les deux pays a enregistré une hausse de 117% en 2010, soit l’équivalent d’un milliard de livre sterling. M. Robert s’est rendu dans le cadre de sa visite dans la wilaya de Sétif à l’université Ferhat Abbes, où il s’est entretenu avec quelques professeurs et étudiants, tout en les mettent au courant du programme Erasmus Mendus duquel les étudiants des pays du Maghreb peuvent en bénéficier. Ce programme encourage l’enseignement supérieur selon le système LMD. Répondant à une question sur les archives de l’Algérie au Royaume –Uni, tout particulièrement celui lié aux massacres du 8 mai 1945, son excellence l’ambassadeur britannique a indiqué que « la loi britannique exige la restitution de l’archive 30 années après les évènements. L’archive de l’Algérie en Grande-Bretagne a été restitué ». (El Khabar-27.10.2011.)
MARSEILLE COMMÉMORE LES ÉVÉNEMENTS
Dans le même sillage,l’Espace francoalgérien de la région Provence-Alpes- Côte d’Azur (PACA) a organisé, dans le quartier du Vieux Port de Marseille un rassemblement et diverses activités pour commémorer le 65e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma, Kherrata et dans d’autres régions du pays. Cet espace, qui regroupe des Algériens et des binationaux de diverses catégories socioprofessionnelles et ambitionne de créer des passerelles entre le pays d’origine et le pays d’accueil, propose pour marquer cet autre 8 Mai 45, un rassemblement symbolique au Vieux Port de Marseille pour rendre hommage aux milliers de victimes de ces massacres. Dans l’après-midi, il est prévu la projection d’un documentaire de l’Algérienne Mariem Hamidat «Mémoires du 8 Mai 1945», suivi d’un débat avec le sociologue Vincent Geisser. Le photographe Abed Abidat présentera, quant à lui, son ouvrage photographique aux Marseillais. Pour le forum, qui commémore pour la seconde fois consécutive cette date charnière de l’histoire nationale, le devoir de mémoire est nécessaire car “il est des commémorations qui sont inscrites comme une évidence dans les calendriers et les agendas, il en est d’autres qui ne sont même pas connues des citoyens. La date du 8 Mai 1945 en est un parfait exemple. « Le 8 Mai 1945 est l’une de ces dates commémoratives qui a la mémoire sélective pour se souvenir uniquement de La libération de la France occupée par l’Allemagne nazie mais qui occulte délibérément les violentes répressions conduites par l’armée française contre les Algériens de Sétif, Guelma et Kherrata qui revendiquaient alors leur volonté d’indépendance ». Le forum a estimé qu’ «aujourd’hui, il est temps que la France reconnaisse sa propre histoire. Car la cohésion nationale et la construction d’un avenir solidaire et respectueux des uns et des autres passent notamment par le partage et la reconnaissance de cette mémoire collective» et «l’histoire de France et celle coloniale ne sont pas à occulter. Quelles soient belles ou pas, elles doivent être relatées». Un collectif d’associations et de syndicats s’est associé au forum pour marquer cette date et s’inscrire dans la démarche afin que « toutes les mémoires soient traitées de façon équitable » et « pour qu’une page soit enfin tournée sur un avenir apaisé et réconcilié », précise encore le forum franco-algérien. Des crimes commis dans l’impunité Pour sa part la Fondation du 8 Mai 1945 a plaidé mercredi de Tizi Ouzou pour «l’adaptation du droit pénal algérien à la jurisprudence criminelle internationale, dans le but de permettre à l’Algérie d’ester en justice des auteurs de crimes contre l’humanité commis durant la colonisation française du pays ». « Par devoir de mémoire envers toutes les victimes du colonialisme français en Algérie, et afin de pouvoir juger les tortionnaires, il est impératif que L’Algérie mette à niveau sa législation, notamment pénale, avec les textes de loi qu’elle a ratifiés », a estimé le président de la Fondation du 8 Mai 1945, Kheireddine Boukherissa, dans une conférence intitulée « Les relations algéro-françaises et la question mémorielle ». Il a relevé que “la volonté politique existe pour la prise en charge du devoir de mémoire lié intrinsèquement à la souveraineté nationale, mais sa matérialisation nécessite que soient posés les mécanismes et dispositions légaux exigés par la punition des crimes contre l’humanité commis par le colonialisme en Algérie ». À cet effet, et dans l’immédiat, il a notamment prôné « l’introduction, dans le code pénal national, des dispositions incriminant le colonialisme et qualifiant les crimes contre l’humanité ». Cet amendement, selon lui, « permettra à la justice algérienne d’engager des procédures judiciaires à l’encontre de coupables de crimes contre l’humanité perpétrés durant la période coloniale, en application du principe de réciprocité ». Explicitant sa pensée, le conférencier trouve « paradoxal que la justice française interpelle sur son sol des Algériens pour des affaires internes, alors que le droit algérien ne permet pas, dans ses dispositions actuelles, d’appréhender un tortionnaire de la période coloniale sur le territoire national ». Pour étayer son plaidoyer pour l’adaptation de la législation nationale avec la jurisprudence internationale, notamment en matière criminelle, le conférencier a mis en avant l’exemple du « non-aboutissement » du procès intenté par la Fondation qu’il préside contre Maurice Papon, ex-préfet de Paris, pour crimes contre l’humanité commis lors des manifestations du 17 octobre 1961 à Paris ». « La plainte déposée contre ce tortionnaire au niveau de la justice française, du TPI (Tribunal pénal international) et de la Cour internationale de justice a été rejetée, au motif d’une clause d’impunité couvrant les crimes de guerre et contenue dans les accords d’Évian », a-t-il déploré avant de souligner la nécessité de « revoir cette clause en question ». Pour d’amples détails sur ce sujet, le président de la Fondation du 8 Mai 1945 a fait savoir qu’un ouvrage, réalisé par lui et intitulé « Procès Papon », paraîtra en octobre prochain, à l’occasion de la commémoration du 49e anniversaire des manifestations du 17 octobre 1961 à Paris. « Cet ouvrage relate les méandres de la procédure judiciaire engagée contre ce tortionnaire », a-t-il ajouté. (Le Courrier d’Algérie-08.05.2010.)
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Un diplomate britannique témoigne
Un diplomate anglais qui voit monter la guerre. Des témoins de villages oubliés qui racontent l’horreur. Des chiffres encore sujets à polémique. Tout n’a pas été dit sur le 8 mai 1945…
Soixante-six ans après, les douloureux événements du mardi 8 mai 1945 ont encore des secrets à livrer. L’hebdomadaire français le Point a publié en septembre 2010 de larges extraits, en exclusivité, de nombreux rapports adressés avant, pendant et après la manifestation pacifique transformée par l’armée coloniale en un océan de sang. Les révélations de John Eric Maclean Carvell, consul général britannique à Alger, ont permis de découvrir des vérités restées enfouies des décennies durant et dévoilent certains plans de la France qui a tout mis en œuvre pour perpétrer un génocide à huis clos. Le 9 février 1945, soit presque trois mois avant le déclenchement des hostilités, le consul prédit des troubles.
Les conditions de vie des populations se sont dégradées, notamment à l’est, où les gens souffrent du manque de vêtements durant l’hiver et doivent affronter la famine. Les habitants de certaines localités qui n’ont pas eu de céréales durant plus de deux mois réussissent à survivre grâce à des racines. Dans la missive du 11 mai (n°157), le consul parle de l’implication des forces navales depuis les rivages de Béjaïa et de Jijel. Le même document fait aussi état des mouvements de l’aviation française. Laquelle a effectué 300 sorties en six jours. La note du 23 mai est plus explicite. Elle indique clairement que «les Français ne savent pas gérer les troubles». Des troupes, comportant un bataillon de Sénégalais renforcé par des voitures blindées, sont envoyées d’Alger, Sidi Bel Abbès, Biskra, Béjaïa et Constantine.
Plus de 6000 tués
Le même papier indique que «sur demande des autorités françaises, 75 soldats de la Légion étrangère ont été acheminés de Sidi Bel Abbès à bord de la Royal Air Force». Selon le télégramme du 11 mai, l’armée britannique a, à l’instar de l’armée américaine, refusé de fournir des bombes antipersonnel à l’armée française. Laquelle a, en quelques jours, bénéficié du renfort de 1200 hommes du 13e régiment d’infanterie entièrement composé d’anciens membres des Forces françaises de l’intérieur (FFI) de la Creuse et de la Dordogne. Ce contingent a été, souligne-t-il, transporté à bord de B26 et P38, entre les 8 et 14 mai 1945. Concernant l’ampleur des pertes parmi la population, le rapport est sans équivoque : «Il ne sera jamais connu avec précision.
Sachant qu’aucun rapport n’a été établi.» En se référant aux chiffres avancés par les Français, le consul mentionne : «Le gouverneur général estime le nombre de morts entre 900 et 1000 personnes. Alors que les autorités médicales françaises situent les pertes à 6000 tués et 14 000 blessés. D’autres estimations sont beaucoup plus élevées.» Le diplomate avertit le 12 juin 1945 : «La destruction impitoyable de villages et le massacre sans discernement de femmes et d’enfants ne seront jamais oubliés.». Avec une telle prédiction, le général Duval n’a pas été seul à prédire la chute de l’empire colonial…(El Watan-06.05.2011.)
***La torture
*Les hurlements de certains détenus m’empêchent parfois de dormir
Pour le commun des mortels, les événements du 8 Mai se résument à Guelma, Kherrata et Sétif alors que des hameaux et des bourgs du pays profond ont subi, loin de toute médiatisation, les pires sévices et mutilations.
De retour du souk aux environs de 14h30, les paysans de Beni Fouda (ex-Sillègue) diffusent l’information qui se répand telle une traînée de poudre. La furie des Algériens qui ne répondent à aucun mot d’ordre politique fait trois victimes françaises (le cantonnier, le garde-champêtre et son épouse). La réaction de l’armée coloniale, qui a confié la besogne aux Sénégalais, fut sanglante. Mechta Boutouil a reçu, selon les témoignages de nombreux survivants, une bonne quantité d’obus. A Mechta El Hassbia, les familles des frères Ouada Lamnaouar et Lakhdar, ainsi que leur bétail et leurs biens furent brûlés sur ordre du colon Barral. Alors que Nemir Abdelkader, Chachour Amar et Bouachra ont été condamnés par le tribunal de Constantine à la peine capitale. Rassemblée, la population de Ouled Safsaf est sauvée de la potence par l’épouse du maire qui n’a pas admis et accepté la boucherie collective. Informée par un chauffeur de taxi qui se déplacera par la suite à Ain El Kebira (ex-Périgoville) pour les mêmes motifs, la population des différentes mechtas et hameaux d’Amouchas réagissent instinctivement.
Torturé pendants 20 jours
La Poste est la première cible. Le postier qui se réfugie avec sa petite famille dans la cave, échappe de justesse au lynchage. Pour ce geste, l’armée exécutera Tichi Larbi et quarante-sept autres citoyens d’Amoucha. Ayant participé aux événements de Sétif, des paysans d’Ain Abassa, localité située à 19 km du lieu de l’«explosion», propagent la nouvelle. En début d’après-midi, l’effervescence est à son comble. Des centaines d’habitants du village et des douars environnants se regroupent au centre du hameau. Criant vengeance, la foule assiège la caserne de la gendarmerie où se réfugient les colons qui alertent l’état-major à Sétif. Appuyées par un half-track, deux sections d’infanterie sénégalaise, se rendent sur les lieux. L’assassinat de Charles Fabre est impitoyablement vengé. En plus des centaines de personnes torturées à l’intérieur même du siège de la gendarmerie, transférées par la suite vers la caserne Napoléon de Sétif, où périssent d’autres prisonniers, 84 personnes sont exécutées sur place. «Je ne pardonnerai jamais à ceux qui m’ont fait perdre dix-sept ans de ma vie et torturé à mort mon vieux père pris en otage par l’armée française. Avant d’être transféré au tribunal militaire de Constantine qui me condamne avec sept autres citoyens d’Aït Tizi à la peine de mort, on m’a torturé pendant vingt jours.
Isolement total
N’ayant pu obtenir des aveux à propos de la mort de cinq colons tués entre Aokas et Tichy, mes geôliers qui m’ont fait subir des interrogatoires musclés et des brimades propres aux nazis, m’envoient à Constantine, nous confie Aïssa Hamani, natif de Thanarine (village à plus de 70 kms au nord de Sétif), seul rescapé des huit condamn és à mort de Aït Tizi, où les forces coloniales ont arrêté cent personnes dont bon nombre est à jamais porté disparu. Je suis par la suite transféré vers la prison d’El Harrach où je dois croupir dans l’isolement total pendant dix-sept longues et pénibles années. En plus des blessures physiques, les mutilations morales me hantent encore. Il m’est impossible d’oublier la torture morale du commissariat de police de Sétif où des compagnons de cellule ont été tués sans aucune forme de procès. Les hurlements de certains détenus ne supportant ni l’électricité ni la baignoire m’empêchent de dormir de temps à autre». Lamri Boukhalfa, un autre rescapé de la tragédie, raconte : «Sans raison aucune, onze nomades sont sauvagement tués à Bellaa, un douar situé à quelques encablures d’El Eulma. Avant de repartir, les bourreaux qui n’ont jamais été inquiétés, n’ont pas oublié de piller les tentes de leurs victimes…» (El Watan-06.05.2011.)
***Un journaliste américain a vêcu les événements
C’était par cette sentence verdict, qu’un journaliste américain présent en Algérie, narrait le 8 mai 1945, quand tous les peuples de la terre fêtaient la victoire sur le nazisme, et la mise à mort de la bête immonde.Il annonçait ébranlé, que : ‘’la chasse était ouverte ». Réflexe typiquement américain quand l’on connaît, ce que représente la chasse dans la vie des américains de ces années là. Ce peuple pionnier, avait inscrit la possession d’une arme à feu dans sa constitution du 17 septembre 1787. Le deuxième amendement de la constitution des Etats-Unis, dispose que :
‘’ Une milice bien ordonnée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas violé ‘’.
La chasse est un moment marquant dans la vie de ce peuple, et son ouverture, un évènement saillant. Ces hommes et ces femmes dans leurs usages cynégétiques, chassent tous les gibiers, à plumes, à poils, et même les alligators. La chasse fait partie du cadre de références de ce peuple, comme de celui de certaines autres populations.
En Algérie aussi, nous sommes chasseurs, mais chez nous, aucune chasse n’est permise, ni autorisée, au printemps. Nous savons et depuis des millénaires, que durant cette saison, tous les animaux s’accouplent, font des petits, que nous chassons, au début de l’automne. Nous laissons la nature faire son œuvre, nous donnons une chance aux gibiers, et nous permettons à ceux qui viendront après nous, d’avoir une occasion de profiter de ce plaisir qu’est la chasse.
Mais de quoi parlait donc cet américain ? Il décrivait l’ambiance sulfureuse, de l’hallali sonné, par la police, les milices et les militaires pour l’ouverture de la chasse aux algériens, dans l’Est du pays particulièrement, et à travers toute l’Algérie également. Et pourquoi ? Tout simplement, parce que légitimement, les algériens, entendaient s’affranchir du colonialisme français. Ils avaient été des milliers à être mobilisés, pour faire une guerre qui ne les concernait pas, en France et ailleurs. Et ils furent pour certains, enrôlés dans des unités qui les premières avaient libéré un territoire français. L’Ile de Corse avait été libérée par des tirailleurs algériens. Avec les 172 patriotes corses, 87 algériens venus d’Algérie, périrent durant les opérations. Ils étaient 3500 maghrébins à mourir pour la France, de novembre 1942 au mois de mai 1943.
Parmi ces braves, des centaines de soldats du 7e Régiment de tirailleurs algériens, cantonné à Sétif, avaient combattu entre 39 et 45, selon l’expression de Henri Alleg, de l’Italie au Rhin l’armée allemande du Reich nazi et l’avaient farouchement battue dans 100 combats, inscrivant à leur palmarès faits d’armes glorieux et citations. Le 17 mai 1945, ils défilaient après leur retour au pays sous les ovations de la ville d’Alger avant de rejoindre leurs foyers dans la région de Sétif dont plusieurs étaient originaires. Ils ne trouvèrent alors que deuil, désolation, ruines, morts sans sépultures et femmes humiliées, errantes et de chagrin ayant perdu la raison. Les habitants de Kherrata dans le Sétifois avaient été interdits par les légionnaires français d’enterrer leurs morts des mois durant. Tout cela parce que les Sétifiens, autorisés, défilaient le mardi 8 mai 1945 pacifiquement, c’était un jour de marché, ils avaient déposé leurs cannes et leurs bâtons sur invitation des organisateurs à la nouvelle mosquée, pour célébrer, comme tous les hommes et les femmes libres du monde, la victoire sur la bête ignoble et infâme, ils furent accueillis par les balles des policiers. Ils avaient osé ce jour-là déployer le drapeau algérien. En conséquence et ce n’est pas de la fiction, cela s’est réellement passé. Des dépouilles avaient été abandonnées dans le lit d’un oued des semaines, durant lesquelles leurs ossements avaient été blanchis par la pluie, les vents et les chacals.
Pourquoi tout cela ? Parce que des algériens à Sétif, avaient paisiblement défilés, en scandant : vive l’Algérie libre et indépendante, sur la rue de Constantine. Ils avaient cru en l’espoir suscité par la Charte de l’Atlantique, sanctionnant la rencontre, entre le président américain Franklin Delanoë Roosevelt et premier ministre britannique, Winston Churchill au large de Terre Neuve, du 26 Août 1941. Ce texte en son troisième point, mentionnait que : »les deux pays, respectent le droit qu’a chaque peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle il doit vivre ; ils souhaitent voir le droit de souveraineté et l’autodétermination restauré à ceux qui en ont été privés par la force ».
En réponse à cette forme paisible de revendication, les fous de la police coloniale, qui cherchaient un prétexte, le trouvèrent dans le déploiement de l’emblème national, vert, blanc et rouge, en plein cœur de la ville, par des jeunes exaltés, par le triomphe de la liberté. Cette ville haute et altière, que ces forcenés, imaginaient pour l’éternité et à jamais, bleu, blanc et rouge. L’un de ces enragés, le commissaire de police de Sétif, Laffont, tira à bout portant, et tua, le chahid, Saal Bouzid, porte drapeau de la manifestation pacifique. Bouzid avait 21 ans, l’âge de tous les espoirs et de tous les rêves. Toujours selon Henri Alleg, le préfet du département de Constantine, dont Sétif dépendait alors, Lestrade – Carbonnel, avait la veille de la manifestation, donné aux autorités locales un ordre impératif : ‘’faites tirer sur ceux qui arboreraient le drapeau algérien ». Ses sbires, le lendemain s’exécutèrent et réussirent leur coup. Dès lors, le massacre des algériens, sans armes dura deux mois et à travers toutes les régions du pays. Le 8 mai, relate l’historien Mohamed Harbi, dans un article publié par le monde diplomatique, du mois de mai 2005, » le Nord constantinois, délimité par les villes de Bougie, Sétif, Bône et Souk-Ahras et quadrillé par l’armée, s’apprête, à l’appel des AML et du PPA, à célébrer la victoire des alliés. Les consignes sont claires : rappeler à la France et à ses alliés les revendications nationalistes, et ce par des manifestations pacifiques. Aucun ordre n’avait été donné en vue d’une insurrection. On ne comprendrait pas sans cela la limitation des événements aux régions de Sétif et de Guelma. Dès lors, pourquoi les émeutes et pourquoi les massacres ? »
A Guelma, Lavie grand colon, maire et minotier à Héliopolis, influent sur toute la région. Son avis fut décisif, pour qu’en dehors de Annaba, le premier lycée colonial se construise à Guelma, considérant le fort taux de la colonisation dans cette partie du pays, qu’il prétendait. Fort de cette position, il lui revenait de droit, croyait-il, de venir au secours de la panique des Européens de la région, puisque la colère de Sétif, fut en arrivant aux algériens de Guelma plus violente. Il raconte : « Dès la fin du méchoui du 8 mai, je décide de transformer le moulin neuf pour abriter la population d’Héliopolis, et tous les colons des environs que j’ai pu joindre. Au cours de l’après-midi, je fais construire un réseau de barbelés, long de 300 mètres, électrifié sous 3 000 volts et alimenté par le groupe électrogène de la minoterie. Meurtrières percées dans les murs d’entrée, portes obstruées par des herses renversées sur six mètres de profondeur et défendues par des feux croisés. La population protégée a vécu dans ces conditions pendant un mois jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli ».
Le lendemain, le 9 mai le sous-préfet, André Achiary, qui avait été dit-on, un résistant, fera donner de la milice coloniale, qu’il prendra le soin de fortement armer sur les stocks de l’armée française, pour l’ouverture de la chasse. S’adressant aux colons, il leur lança : »Messieurs les colons ! Vengez-vous ». Des dizaines d’algériens furent sommairement abattus, par des apprentis barbouzes, fiers d’avoir été armés par le sous-préfet, dont ils ne devaient surtout pas décevoir les desseins. Ils tuèrent brutalement en ville et assassinèrent, au bord de l’oued Seybouse, et les corps des suppliciés, furent brûlés dans les fours à chaux de Kef-El-Boumba, à Héliopolis, pour tranquilliser monsieur Lavie, grand pourvoyeur de bienfaits, aux gendarmes, aux policiers, à toute la plèbe, et à toute la racaille de la colonisation. A Guelma et alentours il y eut par la grâce d’Achiary entre 2000 et 3000 morts. Les massacres durèrent tout le mois de mai 1945. Quarante six ans après ces massacres, en 1991, je fis la connaissance, du directeur du moulin, du sieur Lavie, nationalisé, depuis 1962, lors d’une de mes missions de serviteur de l’Etat. Un brave garçon, qui n’est plus de ce monde. Il me racontait, qu’il avait commencé à y travaille, dès l’age de 14 ans, et qu’il vieillissait avec le moulin. Il me racontait presque en se confiant, qu’il connaissait tellement le ronronnement des machines, que la moindre fausse note et que le moindre grincement dans l’engrenage de la mécanique, l’interpellaient. Il se réveillait la nuit affolé, pour éventuellement attirer l’attention, et réparer avec les travailleurs du service de nuit. Mais, me disait-il, ‘’ j’avais peur de rencontrer, dans les sombres escaliers en bois de la minoterie, les esprits chouhada, que Lavie et les colons de Guelma avaient, froidement passé par les armes et ensuite, pour ne pas, pensaient-ils, laisser de traces, incinérés. Elles étaient là les traces de mon épouvante horreur, insistait-il, c’était le moulin d’Héliopolis, les bruits des machines, qui la nuit, s’affolent, pour témoigner des atrocités. Smaïn, c’était son prénom, ne s’en était pas sorti, il est demeuré hanté, un gibier toujours traqué.
La contagion se propagea à Kharrata, où, à Chaabat Lakhra, des hommes menottés avec du fil barbelé sont jetés par des légionnaires du haut de la falaise.
Kharrata et toute sa région furent également bombardées, par des navires de la marine française à partir de la mer.
A Sidi Belabès, plus de 4000, personnes dont au moins 600 femmes, bravèrent l’interdit et défilèrent.
Le carnage se soldat par la mort 45000 algériens, selon les sources nationalistes, que la France coloniale, osa mettre en cause. Elle créa une commission d’enquête sur les violences, qu’elle fera présider par le généra Tubert. Mais elle aura vite fait d’y mettre un terme, pour accorder l’impunité aux massacreurs du peuple sans défense. Ce chiffre de 45000 victimes, est corroboré par les sources des services américains, qui eux avaient comptabilisés 35000 morts. Feu Mahfoud Kaddache, dans son ouvrage, l’Algérie des Algériens, rapporte que : » sur les 5560 Algériens arrêtés,les tribunaux militaires en jugèrent 1319 : 99 furent condamnés à mort, 64 aux travaux forcés à perpétuité, 329 aux travaux forcés à temps, 250 furent acquittés, et 577 bénéficièrent de non-lieu ‘’.
Ce fut pour l’histoire contemporaine de l’Algérie, un tournant décisif. La solution au problème, pour cette génération du 8 mai 1945, résidait désormais dans l’insurrection par les armes, contre la France colonialiste, et seulement cette solution. Les traumatismes occasionnés par ces évènements, accélérèrent le déclenchement de la révolution du premier novembre 1954. Kateb Yacine lycéen en évoquant ces massacres, disait : ‘’Je serais resté un poète obscur, s’il n’y avait pas eu les manifestations du 8 mai 1945 ». Lycéen à Sétif, il fut emprisonné, avec d’autres, tel Abdelhamid Benzine, pour avoir participé à la manifestation. A quelque chose malheur est bon, diront certains. Malgré la perte de toutes ces vies humaines, les massacres, les tueries, l’extermination et les destructions. Ce 8 mai 1945, apporta un avant goût de libération, même s’il était ce printemps là amer et mordant. Ce fut le prélude d’une ère nouvelle. L’historien Harbi, termine son article, par cette affirmation : »La guerre d’Algérie a bel et bien commencé à Sétif le 8 mai 1945 ».
La conviction des hommes et de femmes, et leur foi en la cause d’indépendance de l’Algérie, fut tellement forte et sincère, qu’ils y parviennent, le 5 juillet 1962.
Est-ce à dire qu’il faille dès lors oublier ?
La réponse est non, pour que nul ne dise, je ne savais pas, et pour que cela ne se reproduise plus ici en Algérie ou bien ailleurs. Nous devons au nom de la mémoire collective entretenir le souvenir, contre l’autisme et l’amnésie, qu’entretiennent certains. Et ce n’est pas ici, l’expression d’un émotionnel non encore stabilisé. Cela fait 66 ans, qu’il nous a été fait outrageusement violence, mais nous voulons vivre sereinement avec notre histoire, fut-elle un jour, contre nous brutale. La France doit-elle s’excuser et demander pardon ? Oui. Mais, si elle s’obstine à ne pas le faire, doit-on se focaliser et faire une fixation, sur cette négative attitude ? La repentance, signifie l’expression publique du repentir d’une faute, pour laquelle on demande pardon, disent les spécialistes. Cependant, dans ce cas, il doit être fait obligation à la France d’assumer son histoire et toute son histoire coloniale. Et pas seulement, de se faire plaisir, en promulguant une loi «portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés, du 23 février 2005 », qui dans son article quatrième, énonce : «Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ».
Effectivement la France et ses colonialistes ont naturellement le droit de rêver et c’est tout. Mais à chaque réveil, la réalité les rattrape et les interpelle à tout moment, pour qu’ils acceptent et endossent, la responsabilité des actes sauvages et inhumains, qu’ils ont publiquement et en flagrant délit commis. Et qui dit responsabilité, engage son auteur au devoir de répondre de ses actes et à supporter les réparations qui en résultent. Nous autres convaincus et forts de notre morale et de notre éthique envers nos chouhada, et du respect que nous leur témoignant, il nous suffit en reconnaissance à leur martyre, de vivre aujourd’hui en notre terre d’Algérie libre et indépendante. Cette Algérie telle que légitimement revendiquée aux prix du sacrifice suprême par les algériens qui avaient le 8 mai 1945, affronté les mains nus, les armes de la police et des milices coloniales. Cependant la France doit moralement faire amende honorable. Le pays des droits de l’homme et du citoyen, n’à plus le pouvoir du déni de droit à notre égard .Il ne peut éternellement se désavouer.
Alors et attendant, sans haine, et sans freiner des quatre fers, pour voir, ce qu’entreprendra la France. Je convie les Sétifiens et éminemment, le premier d’entre eux, monsieur le Président de l’Assemblée Populaire de Sétif, d’engager la réalisation intelligente, comme je suis sûr, ils sauront esthétiquement le faire, du mémorial du 8 mai 45. Où ils inscriront, l’Algérie reconnaissante à tous ses chouhada, offre cet espace à tous ses jeunes. (Le Quotidien d’Oran-05.05.2011.)
**Un crime d’Etat
Soixante-dix ans après les massacres du 8 mai 1945, la mémoire est toujours vive, les familles et autres descendants des victimes s’en souviennent avec affliction et amertume comme si cela datait d’hier.
Vrai, les horreurs ne s’oublient pas, on porte toujours leurs séquelles avec soi ; de quelque manière que ce soit, mais on les porte. Rompu aux affaires du prétoire, notamment celles liées au colonialisme et à l’injustice, le défunt Me Jacques Vergès avait dit l’essentiel à propos de ces massacres, et il ne serait pas inintéressant d’y revenir.
Lors d’un colloque organisé en mai 2005 à Guelma et traitant de ce sujet, le célèbre avocat avait relevé la définition, selon le code pénal français, des crimes contre l’humanité, en citant l’article 211-1 parlant du génocide et l’article 212-1 des autres crimes contre l’humanité, déportation, réduction en esclavage, pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes, etc.
«Ce fut pourtant la pratique constante de l’Occident à l’égard du reste du monde au cours des deux derniers siècles», avait-il ajouté. «Les événements de Sétif s’inscrivent parfaitement dans cette tradition, avec ce piment qu’en Europe on se prépare à poursuivre les dirigeants nazis pour crime contre l’humanité», avait-il déclaré. Evoquant les massacres ayant eu lieu à Guelma, il avait dit ceci : «Tout est entre les mains du sous-préfet Achiary.
Avec lui, pas de demi-mesures. Il ordonne l’arrestation de centaines d’Algériens ; les colons, armés, lui prêtent main-forte. Les prisonniers sont transportés par camions en dehors de la ville, à Kef El Boumba, où on les abat à la chaîne. Le sous-préfet invite les Européens à participer aux massacres ainsi : ‘‘Messieurs les colons, vengez-vous !’’ Une sauvagerie comme aux premiers temps de la conquête. Blindés, artillerie, aviation…».
Et, par contre, sur un autre plan, il avait donné des statistiques révélatrices et édifiantes : «Il y a eu plus de morts algériens pour la France au cours de la Seconde Guerre mondiale que de résistants français recensés au cours de la même période.» Lors d’une interview qu’il nous avait accordée en 2006 en marge d’un colloque organisé à cet effet à l’université de Guelma, Me Jacques Vergès, décortiquant le crime perpétré en ce temps-là, en arrive à des conclusions sans appel : «Un crime que les Allemands ont commis en France, cela s’appelle Ouradour.
Ouradour a fait vingt fois moins de morts que Guelma et Sétif, mais en plus, ce qu’il y a de plus grave à Guelma et à Sétif, si Ouradour a été fait par des SS, les massacres de Guelma et Sétif ont été en grande partie accomplis par des civils, par des colons, c’est-à-dire la population y a participé. Mais qui a donné les armes à la population ?
C’est l’Etat, c’est un crime d’Etat.» A la question de savoir si cela était justiciable, il avait répondu : «En théorie, cela relève de la justice parce que vous avez les crimes qui ont été commis pendant la révolution, les accords d’Evian ont fait l’amnistie des deux côtés, si bien que M. Aussaresses peut avouer aujourd’hui avoir liquidé des centaines de prisonniers algériens, et on ne peut pas le poursuivre pour cela, mais les crimes de 1945 n’ont pas été amnistiés par Evian. Or, les crimes de 1945, d’après la définition française même des crimes contre l’humanité, sont imprescriptibles. Si cela n’est pas justiciable, l’important, c’est surtout le fait que la France les reconnaisse.
Toute société a deux visages, un visage d’épouvante et un visage humain. Que la France rejette ce visage d’épouvante, cela ne peut servir que son visage humain, ce n’est pas pour cela que la France se renie, c’est au contraire à son honneur. Je ne vois pas pourquoi on ne le fait pas, c’est une maladie française, c’est une maladie des Européens et surtout de l’Occident. Ils sont supérieurs à tout le monde, ils sont là pour dicter leur loi aux Irakiens, aux Iraniens, aux Peaux-Rouges, etc. Tout ce qui n’est pas européen n’est pas humain.
Vous n’avez qu’à voir l’exemple d’Alexis Tocqueville, il a écrit des œuvres subtiles sur la société américaine blanche, sur la fin de l’ancien régime en France, mais quand il s’agit de l’Algérie, il dit qu’on a le droit d’incendier les récoltes, de razzier les richesses, de prendre comme captifs les femmes et les enfants et de tuer les hommes, c’est-à-dire que le colonialisme est fondé sur le mépris de l’autre (…) les autres n’existent pas.»
Concernant l’attitude de la France face à ces crimes, il avait été on ne peut plus clair : «La France, non pas celle qui ordonne de glorifier la colonisation dans les livres scolaires, mais celle du discours de Pnom Penh, celle qui a reconnu sa responsabilité envers les juifs livrés aux nazis, fût-ce par un gouvernement illégitime, celle qui s’est opposée à la guerre contre l’Irak, cette France-là s’honorerait en reconnaissant sa responsabilité dans les massacres du 8 Mai et sa dette envers le peuple algérien.» *Abdelwahab Boumaza–-El Watan-07.05.2015
****************Retour sur les massacres du 8 mai 1945
**analyse historique
Ces terribles massacres mirent un coup d’arrêt à l’élan unitaire du mouvement national algérien dont les différentes composantes s’étaient rassemblées au sein des Amis du Manifeste et de la Liberté [AML].
En effet, durant la seconde guerre mondiale la situation politique fut profondément bouleversée. L’échec définitif du mouvement assimilationniste[1], la défaite de juin 1940 qui avait montré la vulnérabilité de la puissance coloniale, avaient redéfini les « champs du possible » pour les acteurs du mouvement national algérien. Avec le débarquement Alliées en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, la vie politique connut une nouvelle dynamique. Les acteurs du mouvement national reprenaient à leur compte l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes mis en avant par les Américains dans la Charte Atlantique datée 12 août 1942.
C’est dans cette atmosphère que le 10 février 1943, Ferhat Abbas, avec le soutien du Parti du Peuple Algérien [PPA], clandestin, et de l’association des Ouléma, rendit publique le Manifeste du Peuple Algérien. Rompant avec l’idéologie assimilationniste, le Manifeste affirmait : « le temps est passé où un Musulman algérien demandera autre chose que d’être un Algérien musulman »[2].
Le Manifeste eut rapidement un écho important au sein de la population algérienne. Par la suite, afin de faire valoir les idées développées dans le Manifeste, les différentes tendances du mouvement national décidèrent de s’unir dans une organisation politique commune. Ainsi, le 14 mars 1944, les trois principales composantes du mouvement national algérien, les nationalistes révolutionnaires du PPA, les islahistes de l’Association des Ouléma et les « autonomistes » proches de Ferhat Abbas, décidèrent de s’unir au sein des Amis du Manifeste et de la Liberté pour lutter contre le colonialisme et promouvoir l’idée de nation algérienne.
Les AML se structurèrent en section sur l’ensemble du territoire algérien et devinrent rapidement une organisation de masse réunissant plusieurs dizaines de milliers d’adhérents. En politisant la population algérienne, les AML permettaient de changer les rapports entre colonisateurs et colonisés. Selon Ahmed Mahsas, « encouragés par l’extension des AML, les Algériens longtemps réduits au silence et à la sujétion par le système colonial, changeaient de comportement et levaient la tête. Ils n’acceptèrent plus les brimades dont ils étaient l’objet quotidiennement de la part de l’administration et de la majorité des Européens
Le nouveau comportement des Algériens se manifestait par le rejet de toute mesure d’humiliation et par la défense de leur dignité. Il suscita la crainte dans les milieux colonialistes et exacerba la haine de « l’arabe », naguère traité par le mépris. La tension entre le peuple algérien d’un côté, l’administration et les Européens de l’autre, régna sur l’étendue de tout le territoire algérien »[3].
Au sein des AML, Ahmed Mahsas expliquait que le PPA s’efforçait « de populariser ses mots d’ordre (indépendance, panarabisme, solidarités avec les pays arabo-musulmans et les pays colonisés). Son radicalisme, son caractère populaire, son organisation et son action efficace plaçaient le PPA à l’avant-garde du combat »[4].
A cette période, selon Benyoucef Ben Khedda, « une vague de nationalisme déferlait sur tout le pays. C’en était trop pour les colons qui, voyant leurs privilèges menacés, commençaient à paniquer »[5]. De plus, les AML, sous l’influence du PPA, radicalisaient leur revendication ce qui inquiétaient les autorités coloniales.
En mars 1945, le Congrès des AML demanda : « la reconnaissance de la nationalité algérienne » ; « l’établissement d’une constitution algérienne démocratique et républicaine » ; « le remplacement des Assemblées algériennes par un Parlement élu » ; « le remplacement du gouvernement général par un gouvernement algérien » ; « la reconnaissance des couleurs algériennes »[6]. De Plus,une motion reconnaissant Messali Hadj comme « leader incontestable du peuple Algérien » fut votée.
Face à cette radicalisation, l’administration coloniale chercha à réagir. Le 18 avril à l’occasion d’un rassemblement dans la commune de Chellala, dans le Sud du département d’Alger, l’administration en profita pour procéder à l’arrestation de plusieurs militants des AML. Ces arrestations provoquèrent des heurts entre la police et la population locale. Le 25 avril, Messali Hadj, qui était assigné à résidence dans la région, fut déporté au Congo. Ainsi, commençait la répression contre le mouvement national.
Les militants du PPA voulurent réagir contre la politique répressive de l’administration coloniale et montrer leur capacité de mobilisation. Depuis le débarquement, le parti nationaliste révolutionnaire s’était organisé clandestinement sur l’ensemble du territoire algérien et représentait une réelle force politique capable de remettre en cause l’ordre colonial. Le PPA était essentiellement composé de jeunes militants prêts à en découdre avec les autorités coloniales.
Le 1er mai 1945, à l’occasion de la fête du travail, des manifestions furent organisées dans toute l’Algérie. Afin de montrer leur capacité de mobilisation et pour protester contre la déportation de Messali Hadj, les militants du PPA décidèrent d’y participer en organisant des cortèges distincts de leurs adversaires du Parti Communiste Algérien [PCA] et de la CGT. Les slogans du PPA était : « Parlements Algérien », « Libérer Messali », « Libération de tous les détenus politiques », « indépendance » ». Face à cette démonstration de force des nationalistes algériens, les autorités réprimèrent durement les manifestions. A Alger la police ouvrit le feu sur les manifestants faisant 4 morts. Dans le même temps, il y eu respectivement 1 mort à Oran et à Blida.
Au lendemain de ces manifestations, la CGT et le PCA accusèrent le PPA d’avoir fomenté « une provocation ». En réponse, l’organe clandestin du PPA, L’Action algérienne, lança un appel répondant aux allégations du PCA : « Communistes Algériens ! Vous n’avez de communistes que le nom ! Votre parti a jeté le masque. Il glorifie l’assassinat. Il se fait le complice de l’administration. Messali serait hitlérien ! Il oublie que le PPA et le PCA ont été dissous par le même décret en Septembre 1939, que Messali et ses amis ont été condamnés au bagne par Vichy, alors que Djenienbou-Rezag, Taïeb, Boualiz, Ouzegane, etc… étaient relativement favorisés par Vichy. Il oublie qu’au moment où Hitler semblait vaincre, Messali n’a jamais répondu aux offres du nazisme qu’il condamne depuis 1937 »[7].
A la suite de ces manifestations du 1er mai, l’administration lança une vague d’arrestations parmi les militants nationalistes révolutionnaires. Face à cette répression, le PPA donna des consignes précises à ses militants pour l’organisation des manifestations célébrant la fin de la guerre 1939-1945. Selon Chawki Mostefaï, cadre nationaliste révolutionnaire, la direction du PPA ordonna que :
« 1) Les manifestations doivent être absolument pacifiques ; les mots d’ordre de prudence et de sang-froid largement diffusés parmi les manifestants ; le contrôle de ceux-ci pour récupérer toutes espèces d’armes éventuelles tels que armes à feu, couteaux, même les bâtons etc.
2) Les villes d’Alger, d’0ran et Blida s’abstiendront de manifester ; de crainte que les récentes fusillades du 1ier Mai, n’aient créé chez les militants et les manifestants, un esprit de revanche, contre les forces de l’ordre, propice aux provocations de celles-ci, toujours possibles.
3) Déployer en milieu de parcours, le drapeau algérien, qui venait d’être adopté par la Direction, quelques semaines auparavant. »[8]
Malgré la violente répression des manifestations du 1ier mai, les nationalistes révolutionnaires du PPA voulaient absolument participer aux manifestations célébrant la victoire contre le nazisme. A ce propos, Chawki Mostefaï expliquait :« Il fallait frapper un grand coup et démontrer, au moment de la célébration prochaine de la victoire définitive du camp de la Démocratie sur l’Hitlérisme, que le peuple algérien, partisan de la Démocratie et de la Liberté des peuples, entendait célébrer dans la joie et l’enthousiasme la fin du cauchemar né de l’Hitlérisme et son équivalent le Colonialisme, contre lesquels le peuple Algérien a consenti les plus grands sacrifices sur tous les fronts de la guerre »[9].
Les nationalistes révolutionnaires Algériens voulaient utiliser ces manifestations pour s’affirmer sur la scène internationale afin de revendiquer l’indépendance de l’Algérie. Chawki Mostefaï affirmait que« pour profiter au maximum du retentissement médiatique, à l’échelle mondiale de la victoire des pays de la Charte de l’Atlantique, l’Algérie devait fêter sa victoire en tant que peuple, en tant que nation opprimée, indépendamment de la France et de ses institutions, en arborant tout haut l’Emblème de sa propre souveraineté. C’est ainsi que nous décidâmes, au sein du Comité Directeur, de défiler le jour des manifestations de la victoire, en arborant le drapeau de l’Etoile Nord Africaine et P.P.A en tête des cortèges »[10].
Ainsi, pour célébrer la victoire des Alliés, le 8 mai au matin, les nationalistes Algériens organisèrent des manifestations dans de nombreuses villes du pays : à Blida, Berrouaghia, Sidi Bel Abbès, Saïda, Annaba ou Jijel. Dans ces deux dernière villes, les Algériens sortirent des drapeaux et des banderoles sur lesquels il était inscrit : « Vive l’Algérie indépendante », « A bas le colonialisme », « Libérer Messali ». Face à cette manifestation de nationalisme algérien, la police intervint et des coups de feu furent tirés. A Guelma, la police voulut disperser les manifestants du cortège musulman, ce qui provoqua des échauffourées faisant 1 mort côté algérien.
A Sétif, il y avait environ 10 000 personnes présentes, dont environ 200 membres des Scouts Musulmans Algériens [SMA] qui ouvraient la marche. Les manifestants déployèrent des pancartes, proclamant notamment « Vive l’Algérie libre et indépendante » ou « A bas le fascisme et le colonialisme ». Au cours de la manifestation, un drapeau aux couleurs algériennes fut déployé. Voyant ce drapeau et ces banderoles, la police chercha à s’en saisir. Les manifestants refusèrent. En réponse, des rafales de mitraillette furent tirées par un policier français. La manifestation tourna à l’émeute. A 13 heures le couvre feu était instauré et à 20 heures l’état de siège était décrété. L’armée, la police et la gendarmerie sillonnèrent les quartiers arabes et les douars de la région.
Des armes étaient distribuées aux colons européens qui se constituèrent en milices. Selon Mahfoud Kaddache, « tous les Européens, quelle que soit leur tendance politique, se regroupaient face au danger arabe […] elle [la milice] se livra à des représailles contre la population musulmane et à des exécutions sommaires de suspects, de militants des AML, du PPA, des Oulémas et des scouts musulmans algériens »[11].
La violence de l’armée française et des milices Européennes fut impitoyable. Exécutions sommaires, massacres de civils, prises d’otages au sein de la population algérienne, viols, bombardements de villages… A Sétif où la loi martiale fut proclamée, tout Algérien ne portant pas le brassard réglementaire était abattu.
Le 12 mai 1945, le Général De Gaulle ordonna au gouvernement général « d’afficher publiquement la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française en Algérie » et de « prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer tous agissements antifrançais d’une minorité d’agitateurs »[12].
Pour mettre en œuvre cette répression, l’armée fut mobilisée. Outre les 9 000 hommes de la division de Constantine, des unités d’Alger et de Tunis furent dirigées dans le Nord Constantinois. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirèrent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L’aviation bombarda et rasa plus ou moins complètement plusieurs agglomérations. Une cinquantaine de « mechtas » furent incendiées. Les automitrailleuses firent leur apparition dans les villages. Les soldats tirèrent à distance sur la population. Les blindés furent relayés par les militaires arrivés en convoi sur les lieux. A l’approche des troupes, les villages étaient désertés par une population qui se réfugiait sur les crêtes ou dans les ravins.
Pour sauver leur vie, des hommes, des femmes et des enfants furent obligés de s’agenouiller devant les militaires français. L’armée célébrait sa victoire. Le 25 mai 1945, 5 000 fellahs des Babors furent contraints de se mettre à genoux, de demander pardon et de crier « Vive la France ». Puis, le colonel de légion les obligea à se prosterner le front à terre devant le drapeau français et à dire : « nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien »[13]. Parmi eux, 400 furent identifiés comme troubles faits et furent conduits vers une destination inconnue dont ils ne revinrent jamais.
Les corps des cadavres étant trop nombreux, tous ne purent être enterrés. Ils furent alors jetés dans les puits et dans les gorges de Kherrata. Les miliciens Européens décidèrent de réemployer les « techniques » que leurs « camarades » Allemands avaient utilisées dans les camps de la mort. Ils brûlèrent les corps dans des fours à chaux, selon la logique voulant que « s’il n’y a pas de corps il n’y a pas de victimes ». Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d’Héliopolis, décrivait « l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre ». Le même homme racontait, à Kef-El-Boumba, « j’ai vu des Français faire descendre d’un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d’essence avant de les brûler vivants »[14].
Le nombre des victimes ne fut jamais clairement établi ; les chiffres oscillent entre 1 500 morts selon le gouvernement français et 45 000 selon les nationalistes Algériens qui reprirent les chiffres du consul général des Etats-Unis à Alger.
Au-delà des chiffres, les massacres laissèrent des souvenirs effroyables à ceux qui les avaient vécus. Un bachagha travaillant pour l’administration française expliqua au journal colonialiste Le Courrier Algérien : « jamais, tant que je vivrai, je n’oublierai le souvenir de ces viols, des incendies, de ces canons, des ces mitrailleuses, de ces troupes, l’arme au pied, amassées aux abords du village et dans le village, de ces arrestations, de ces exécutions massives, de ces délations de fellahs terrorisés mentant à longueur de journée pour se disculper »[15].
Parallèlement, une vague de répression toucha les trois tendances du mouvement national algérien qui s’étaient unies au sein des AML. Ceux-ci furent dissous, par les autorités françaises, le 15 mai 1945. Les militants nationalistes qui avaient exercé des responsabilités publiques, furent envoyés en prison. En novembre 1945, le nombre des arrestations s’élevait à 4 560 pour toute l’Algérie. Selon Charles-André Julien, « la plupart des arrestations avaient été faites sans preuves »[16]. Les tribunaux militaires avaient prononcé 557 non-lieux, 1307 condamnations, dont 99 à mort, 64 aux travaux forcés à perpétuité, 329 aux travaux forcés à temps et 250 acquittements. Messali Hadj fut déporté à Brazzaville, Ferhat Abbas alors dirigeant des AML fut envoyé en prison ainsi que le président de l’Association des Ouléma, le Cheikh Bachir El Ibrahimi.
Ces terribles massacres ne furent pas l’œuvre du gouvernement de Vichy mais celui du gouvernement de la France Libre qui s’était opposé au nazisme. Tous les grands mouvements politiques issus de la résistance y étaient présents, des gaullistes aux communistes en passant par les socialistes et les démocrates chrétiens. Tous furent agents actifs et complices des massacres du Nord-Constantinois. Le ministre de l’air qui fit bombarder le Nord-Constantinois, était le communiste Charles Tillon qui avait dirigé les Francs-Tireurs et Partisans [FTP].
Dans les colonnes de Fraternité du 17 mai 1945, les socialistes blâmèrent ceux qui « avaient sali la grande heure de la Victoire des démocraties » et estimèrent que « la grande masse des populations musulmanes n’avait pas encore atteint le degré d’évolution minimum nécessaire pour justifier les revendications du Manifeste ; le fait que les élites dirigeantes aient organisé et déclenché ce mouvement n’indique pas non plus que celles-ci ont une maturité politique »[17]. Le PCF dénonçait l’action « d’agents secrets hitlériens et d’autres agents camouflés dans des organisations qui se prétendent démocratiques au service de l’impérialisme fasciste »[18].
Dans son édition du 12 mai, L’Humanité appela à « châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de mains qui ont dirigé l’émeute ». Le 31 mai, le journal communiste recommandait de « punir comme ils le mérite les tueurs hitlériens ayant participé aux évènements de mai 1945, et les chefs pseudo-nationalistes »[19].Le PCF pour qui l’aspiration à l’indépendance était étrangère à la population algérienne,se félicita des sanctions prises contre Messali Hadj, Ferhat Abbas et le Cheikh Bachir El Ibrahimi, ainsi que de la dissolution des AML.
Suivant la ligne politique du PCF, le 31 mai 1945, Amar Ouzegane, le premier secrétaire du PCA, dénonça « la collusion criminelle des faux nationalistes du PPA avec la Haute Administration non épurée et les soutiens du fascisme »[20]. Liberté, l’organe du PCA, parlait de « complot fasciste » dont les militants du PPA étaient les principaux agents. Le PCA qui était formellement indépendant et qui, dans les faits, s’alignait totalement sur la politique du PCF, refusait de prendre en compte les aspirations nationales du peuple algérien.
Malgré la répression, les militants clandestins du PPA continuaient de mener leur action politique. Dans un tract distribué au alentour du 25 juin 1945 dans la région d’Alger, le PPA affirmait : « le peuple algérien vient de vivre l’épisode le plus dramatique et le plus sanglant de sa lutte plus que séculaire contre l’Impérialisme le plus rapace, le plus tyrannique, le plus aberré. […] Les journées du 1er et du 8 mai sont désormais inscrites en lettres de sang dans l’histoire de notre grand combat pour la libération de la Patrie Algérienne. 500 000 de nos frères, calmes, dignes, mais farouchement résolus, ont parcouru les rues de nos villes au mépris des mitrailles, galvanisés par une foi indomptable en l’idéal de Libération Nationale ». Dénonçant l’unanimisme de la presse et des partis politiques français, le tract ajoutait :« l’union sacrée est réalisée quand il s’agit d’accuser l’Arabe. Même nos socialistes, même nos impérialo-communistes »[21].
Analysant la signification historique de ces massacres, le tract du PPA expliquait : « les massacres sont l’unique moyen de sauver les privilèges hideux du colonialisme, si ce n’est en exterminant les Arabes. Ils en ont tué 35 000. Il en reste 9 965 000, qui sont prêts à mourir et qui sont prêts… à se DEFENDRE. Car les évènements ont scellé d’un lien d’acier l’unité du peuple algérien ». Le tract se concluait en affirmant : « Tout cela c’est la déconfiture du régime colonial français »[22].
Ces massacres marquèrent profondément toute une génération de jeunes militants nationalistes révolutionnaires Algériens qui furent à l’origine de l’insurrection du 1ier novembre 1954. Cela fit dire à certains historiens, tels que Mohammed Harbi, que la révolution algérienne avait véritablement commencé le 8 mai 1945 à Sétif. Pour l’un des hommes qui organisa l’insurrection du 1ier novembre, Mohammed Boudiaf, le 8 mai 1945 fut le point de départ de son engagement dans les rangs nationalistes : « Le 8 mai 1945, expliquait-il, fut le point de départ d’une prise de conscience »[23].**source: oumma.com- par Youssef Girard – 8 mai 2020
[1] Mouvement qui réclamait le rattachement complet de l’Algérie à la France et la citoyenneté française pour les Algériens.
[2] Charles-André Julien, L’Afrique du Nord en marche, Paris, Omnibus, 2002, page. 247
[3] Mahsas Ahmed, Le mouvement révolutionnaire en Algérie de la Première Guerre Mondiale à 1954, Essai sur la formation du mouvement national, Paris, L’Harmattan, 1979, page 180
[4] Ibid., page 178
[5] Ben Khedda Benyoucef, Les origines du premier novembre 1954, Alger, CNERMNR, 2004, page 87
[6] Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, Paris, Ed. Paris-méditerranée, 2003, page 633
[7] Stora Benjmin, Messali Hadj, 1898-1974, Paris, Ed. Hachette, 2004, page 192
[8] Mostefaï Chawki, « Afin que nul n’oublie », op. cit., cf. Ben Khedda Benyoucef, Les origines du premier novembre 1954, op. cit., page 309-310
[9] Ibid., page 304
[10] Ibid.
[11] Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, op. cit., page 661
[12] Ibid., page 662
[13] Ibid., page 664
[14] Mekhaled Boucif, Chronique d’un massacre : 8 mai 1945, Sétif- Guelma- Kherrata, Paris, Ed. Syros, page 187
[15] Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, op. cit., page 664
[16] Julien Charles-André, L’Afrique du Nord en marche, op. cit., page 263
[17] Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, op. cit., page 667-668
[18] Ageron Charle-Robert, Histoire de l’Algérie contemporaine, Tome II, Paris, PUF, 1979, page 597
[19] Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, op. cit., page 668
[20] Ageron Charle-Robert, Histoire de l’Algérie contemporaine, Tome II, op. cit., page 597
[21] CAOM 11H 58
[22] Ibid.
[23] Boudiaf Mohammed, La préparation du 1ier novembre, Ed. Etoile, 1976, page 10
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*Un ministre français se rendra à Sétif pour le 70e anniversaire du massacre de milliers d’Algériens sous la colonisation française, le 08 mai 1945
C’est un geste à très forte valeur symbolique : le secrétaire d’Etat français chargé des Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, se rendra à Sétif en Algérie pour le 70e anniversaire du massacre de milliers d’Algériens sous la colonisation française a-t-on annoncé mardi dans son entourage. C’est une première à ce niveau de représentation, souligne l’AFP.
M. Todeschini effectuera un « voyage mémoriel » du 19 au 21 avril à Sétif (nord-est) puis Mers El-Kébir (ouest) et Alger, a indiqué son cabinet à l’AFP. « Le message du gouvernement sera : +aucune mémoire n’est oubliée, on est dans une mémoire apaisée+ », a-t-on ajouté de même source.*.algerie1.com/ 07/04/2015 |
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Abdelhamid Salakdji. Président de la fondation du 8 Mai 1945
Impossible de refermer un dossier qui n’a pas divulgué tous ses secrets
- Pour une catégorie d’historiens français, les événements du 8 mai 1945 se résument à un mouvement insurrectionnel. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ? *C’est de l’intox. En transformant la marche pacifique du 8 mai 1945 en mouvement insurrectionnel, la France, qui ne veut pas, soixante-six ans après, abandonner sa casquette «coloniale», essaie de justifier les massacres perpétrés par son armée. Le moment est venu pour les historiens des deux rives d’utiliser le vocable approprié. Car il est inconcevable de qualifier une marche d’indigènes, désirant partager la joie des Alliés, de mouvement de révolte, d’action armée ou d’insurrection souhaitant renverser la puissance coloniale. C’est grotesque, absurde et insensé à la fois. Les porteurs de gerbes de fleurs ayant placé à la tête du cortège de petits scouts… Or, pouvaient-ils faire la guerre avec des roses ? Non. En apercevant l’emblème national, au milieu des drapeaux des Alliés, les policiers – qui de plus, n’ont pas admis des slogans nationalistes tels que «Vive l’Algérie libre», «Libérez Messali Hadj» – ont dégainé.
- Pourquoi après tant d’années, le sujet reste-t-il ouvert et continue d’envenimer les relations franco-algériennes ? *La peur de l’histoire qui ne pardonne pas effraie la France, qui n’est toujours pas disposée à faire son mea-culpa. Ces événements représentent effectivement un épineux contentieux, car la France ne veut pas assumer les crimes commis par son administration, sa police et gendarmerie, qui ont actionné la machine de guerre au nom de l’Etat français. On ne peut tourner aussi facilement les pages relatives aux crimes, exactions et répressions perpétrés contre des citoyens désarmés et le plus souvent, à l’intérieur de leur gourbi. Il n’est pas possible de refermer un dossier qui n’a pas divulgué tous ses secrets. Sachant que la répression qui s’est déroulée à huis clos a duré plus de cinq mois. Pis encore, des centaines d’exécutions sommaires ont été commises durant cette période. Pour illustration, en septembre 1945, le général Duval a, dans un de ses rapports, révélé que plus de 280 condamnés à morts ont été exécutés d’une manière expéditive. Quant aux arrestations, elles n’ont pris fin qu’au mois d’octobre. Soit six mois après le début des événements…
- Le nombre des victimes continue lui aussi à faire polémique…*Pour «rétablir l’ordre», la France coloniale qui avait mobilisé à l’époque plus de 40 000 soldats, a, de plus, utilisé les gros moyens aériens et navals pour laminer une population exténuée auparavant par la misère et la famine. Un véritable carnage a été commis loin des regards des médias français, n’étant pas à ce propos, exempts de tout reproche. Placée dans le box des accusés, la France veut, par l’intermédiaire de certains nostalgiques de l’Algérie française, faire, à travers ce volet, diversion. Alors que des historiens algériens avancent le chiffre de 45 000 victimes, des Anglais et Américains parlent de plus de 70 000 morts et de sérieux historiens français situent le nombre des martyrs entre 20 et 30 000. Après avoir «nettoyé» les archives civiles et «verrouillé» celles de l’armée, on peut, à chaque fois, revoir à la baisse le nombre des victimes. Les stratèges de l’arithmétique oublient de comptabiliser les milliers de victimes enterrées dans les fosses communes à Sétif, Aïn El Kébira, Amoucha, Beni Aziz, Aïn Roua, etc. Il est facile d’avancer un chiffre, d’autant plus que Oued Afitis de Bouandas, où on a englouti des centaines de corps, reste muet.
- Que dire de la situation des victimes et de leurs ayants droit qui, en dépit des sacrifices consentis, ne sont toujours reconnus comme martyrs ?
*Le général Duval, un des artisans de la boucherie, a dans un des rapports adressés à son supérieur, le général Henri Martin, patron de l’armée en Afrique du Nord, mentionné : «Je vous ai donné la paix pour dix ans. Si la France ne fait rien, tout recommencera en pire.» L’aveu du militaire démontre que le 8 Mai a été le prélude de la révolution de Novembre. Le moment est venu de reconnaître les victimes de ces événements comme martyrs de la révolution. Car des veuves, des ayants droit et quelques rescapés, qui ont pour certains d’entre eux participé à la guerre de Libération, vivotent dans de pitoyables conditions.
- Que pensez-vous du projet de loi pour la criminalisation de la colonisation rejeté par les autorités algériennes ?
*Il est vrai que la repentance est un signe de rapprochement entre les deux rives, mais il n’est pas l’objectif numéro un. Pour son indépendance, le peuple algérien a payé un lourd tribut –les martyrs mais aussi plus de 8000 villages et des centaines de tribus exterminées. Il est grand temps que la France reconnaisse officiellement les crimes commis en son nom. D’autant plus qu’elle est non seulement signataire mais rédactrice, en 1948, de la Charte des droits de l’homme. Tant que tout cela n’est pas fait, l’Algérie et la France ne peuvent devenir des partenaires à part entière. (El Watan-06.05.2011.)
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*Benjamin Stora à Constantine:
«Il ne faut pas lâcher le fil de la vérité histographique»
J’ai toujours été frappé par la méconnaissance du nationalisme algérien en France, ce qui ne facilite nullement une prise de conscience concernant les massacres commis», a relevé, hier à Constantine, Benjamin Stora, historien, professeur des universités et président du conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration.
Depuis la salle de conférences de l’université des sciences islamiques Emir Abdelkader, où il a participé à la troisième et dernière journée du colloque international sur les massacres coloniaux, l’éminent historien, natif de Constantine, a axé son intervention sur les mécanismes de fabrication de l’oubli des massacres commis, entre mai et juin 1945, dans l’Est algérien par les autorités françaises.
D’emblée, il a précisé que les «gaullistes et les communistes, les deux principales formations politiques qui exerçaient un pouvoir politique en France, imputaient certaines exactions au PPA, évacuant l’origine et la cause de la guerre, mettant davantage l’accent sur les violences des colonisés lesquels ne faisaient en fait que se défendre et défendre leur pays». Pour le conférencier, il y avait une constance en France à l’époque : «La méconnaissance profonde du nationalisme algérien», affirmant, à cet effet, que les travaux de recherche et d’exploration au sujet des événements du 8 Mai 1945 en Algérie sont vite frappés de suspicion et les accusations deviennent légion.
«Le travail est difficile en France, il l’est même davantage ces dernières années. On soupçonne vite le chercheur et l’historien de vouloir chercher la repentance ou carrément faire dans la propagande», a-t-il soutenu. L’historien a relevé, toutefois, le rôle émérite de la jeune génération, à savoir les enfants et les petits-enfants des Algériens issus de l’immigration pour arracher une reconnaissance par la France des massacres du 8 Mai 1945. «C’est par la reconnaissance du 17 Octobre 1961 qu’interviendra celle du 8 Mai», a précisé Benjamin Stora.
Il a estimé, enfin, que même s’il est beaucoup plus difficile aujourd’hui en France de rétablir la vérité sur les massacres commis par l’armée française, «il ne faut surtout pas lâcher le fil de la vérité histographique entre historiens algériens et français». Gilles Manceron, historien et vice-président de la Ligue française des droits de l’homme, a abondé dans le même sens dans son intervention, à travers laquelle il a appelé à «faire un travail de vérité et d’histoire» au sujet des crimes et des exactions perpétrés par les troupes de l’armée française contre les civils algériens.
Pour lui, il s’agit de rétablir la vérité, toute la vérité, déplorant qu’il ait fallu attendre 2005 pour qu’un début de reconnaissance des massacres du 8 Mai intervienne du côté des autorités françaises, bien que celle-ci «laisse à désirer». «De sérieux obstacles persistent en France quant à une réelle reconnaissance des massacres du 8 Mai 1945 dans le Constantinois et de ses suites», a-t-il relevé. Il est regrettable que ces interventions d’envergure se soient déroulées devant une assistance peu nombreuse. *Lydia Rahmani –El Watan-09.05.2015
** colloque international sur les massacres coloniaux, à Constantine
Les génocides et les crimes coloniaux sont condamnables en toute circonstance et méritent une appréciation standardisée. Tel est la quintessence du message qu’ont tenté de faire passer des historiens et anthropologues lors de la première journée d’un colloque international de trois jours consacré aux massacres coloniaux, qui s’est ouvert le 06 mai 2015 à l’université des sciences islamiques Emir Abdelkader de Constantine.
A ce titre, des intervenants ont mis en exergue la nécessaire reconnaissance des massacres du 8 mai 1945 commis par l’armée française en Algérie comme étant un génocide, voire un crime contre l’humanité. «Les massacres du 8 Mai 1945 ne doivent pas être qualifiés de simples manifestations, il est impératif de leur accorder plus d’importance, parce que c’est un véritable génocide qui a été perpétré par l’armée française contre des civils algériens dont le seul tort a été de vouloir fêter la fin de la seconde guerre mondiale, d’autant qu’ils y ont participé», a martelé avec force et conviction l’universitaire Mabrouk Ghodbane, de l’université de Batna.
Dans une communication à travers laquelle il a voulu faire le rapprochement entre crime contre l’humanité et génocide, il a appelé les Algériens à «continuer la lutte pour que les massacres du 8 Mai 1945 soient reconnus par la communauté internationale comme étant un génocide», citant en exemple le cas des juifs qui ont réussi à imposer au monde l’holocauste, ainsi que les Arméniens dont le poids du lobbying et le concours de certains pays, dont la France, ont conduit à la reconnaissance de leur «holocauste». Dans cette optique, ce conférencier a lancé un appel aux Nations unies pour reconnaître enfin que les massacres des civils algériens sont aussi un «génocide». «Après ses exactions d’hier, la France se présente aujourd’hui comme un pays civilisé.
Or, un pays civilisé doit s’excuser pour ses crimes», a-t-il déclaré avec ardeur et dénonce le silence de la France qui refuse de reconnaître avoir commis un génocide en Algérie. C’est là justement l’un des principaux points autour desquels s’articule ce colloque de trois jours, notamment celui relatif au «recours à la violence et aux massacres collectifs des différentes entreprises coloniales qu’elles que soient leurs justifications commerciales, économiques ou géopolitiques», ainsi que la difficulté pour les Etats colonisateurs d’assumer les atrocités commises.
Pour l’éditeur, scénariste et chercheur indépendant en histoire de la colonisation, Hosni Kitouni, il s’agit également de donner un sens et un nom aux souffrances des victimes des massacres, d’autant que «la narration officielle entreprend d’éliminer les détails qui singularisent ces brutalités et les déchargent de leur poids d’horreurs, tout en s’efforçant de faire disparaître du récit la victime et sa souffrance».
Souffrance inquantifiable
Or, de la souffrance, il y en a eu beaucoup en Algérie. Une souffrance inquantifiable qui ne se résume pas seulement aux massacres du 8 mai 1945. «Les Algériens ont connu la barbarie sanglante et extrême dès l’occupation des villes au tout début de la colonisation», dixit le conférencier, rappelant au passage que le tout premier massacre a ciblé la ville de Blida où, durant six heures, les troupes françaises ont commis un véritable carnage. Comme ceux commis en 1956 dans la région d’El Ancer (wilaya de Jijel), se souvient Abdenour Naji, un enseignant à la retraite.
Il a voulu partager avec les participants au colloque le douloureux souvenir d’une série de six massacres inouïs ayant ciblé, entre mai et juin 1956, la population faisant entre 250 et 300 victimes. Il a évoqué plusieurs exécutions de civils, dont 11 victimes de plus de 60 ans en une seule journée, ainsi que l’extermination dans la mechta de Beni Meslem de 52 personnes parmi elles — comble de l’horreur — deux personnes avaient été enfermées et brûlées vives dans un vieux gourbi.
Cela dit, bien que ce colloque s’inscrive dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, les organisateurs ont voulu l’élargir à d’autres massacres commis en Afrique et en Asie et qui ont été «marqués par des faits similaires». Pour les deux prochaines journées, il est attendu la participation de plusieurs intervenants et historiens étrangers de renom, comme Benjamin Stora, Benjamin C. Brower et Todd Shepard, professeur d’histoire américain.*Lydia Rahmani –El Watan-07.05.2015
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D’autres articles sur le sujet:
cliquer ici: 8 mai 1945 en Algérie
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Ailleurs qu’à Sétif, Guelma et Kherrata : La face cachée des massacres
Les crimes coloniaux contre les civils n’ont pas été perpétrés qu’à Sétif, Guelma et Kherrata. La région sétifoise et ses petits hameaux ont subi l’innommable, mais une partie de l’histoire de ces massacres reste méconnue 70 ans après.
Longtemps rattachée uniquement à Sétif, Guelma et Kherrata, l’horreur a aussi atteint son paroxysme à Amouchas, Bouandas, Aït Tizi, Ouricia, Beni Aziz, Aïn El Kebira, Yachir, Aïn Taghrout, Ras El Oued, El Eulma, Tachouda, Beni Foudda, Beni Bezez, Serdj El Ghoul, Babor, Bordj Bou Arréridj, Aïn Abassa, Aïn Roua, Bougaâ, Tiz’n Bechar, Guenzet, Aïn Sebt, Maaouiya, Maouane et beaucoup d’autres localités des Hauts-Plateaux sétifiens.
Ainsi, 70 ans après, l’horreur perpétrée dans beaucoup de localités du pays profond demeure méconnue du grand public. El Watan Week-end livre pour la première fois une partie de l’innommable subi par les populations d’Amoucha, Aïn Roua et Beni-Bezez, de la wilaya de Sétif où la tuerie n’a pas encore divulgué tous ses secrets. Occupant une position stratégique sur la RN9 reliant Sétif à Béjaïa, le centre rural d’Amoucha n’a pas connu de drame, le 8 Mai 1945.
Hormis l’attaque du bureau de poste et d’une maison n’ayant pas fait de perte humaine, aucun autre fait saillant n’a ébranlé, ce jour-là, le village qui connaîtra des moments tragiques les jours et les semaines d’après. L’implication d’Amoucha dans la vie politique sera fortement réprimée à l’éclatement des hostilités. Mutilé par d’impitoyables tortures, Amar Kerouani est «offert à un chien affamé» ; la bête féroce termine ainsi la besogne de ses maîtres, lesquels ne manquent pas d’idées sordides.
Pilonnage
Après son arrestation, Youcef Kerouani est transféré dans un sale état au camp de concentration de Sétif. N’ayant pu résister à une terrible flagellation, il rend l’âme le lendemain. Imprégnés des méthodes nazies, les tortionnaires qui achèvent Tichi Larbi dépassent leurs collègues allemands : ils vont jusqu’à crucifier leur victime, qu’ils clouent à un arbre ; le corps inanimé est ensuite criblé de balles.
Arrêtés sur dénonciation d’un collaborateur, Kabbour Embarek, Abacha Saïd et Bouyoucef Embarek sont fusillés dans une ferme (actuelle exploitation agricole Tandja), de même que Boutalbi Amor et Guergour Salah, liquidés dans l’exploitation agricole Hamdi. Afin de brouiller les pistes, les bourreaux changent à chaque exécution. Ainsi, Saoula Amar, Khantout Abdallah, Sayah Saïd, Mefouad Ahmed, Chetibi Abdallah, Gherib Saïd, Khalfa El Hachemi, Benallègue Rabie (frère de Abdelkader) sont fusillés à Malha (Ouled Djaber).
Dans les mêmes conditions, les mêmes balles ôtent la vie aux frères Akkouche Ahmed et Kaci, ainsi qu’à Kharfallah Fatima. Ennemis jurés du système colonial qu’ils combattent pacifiquement, les responsables locaux du mouvement national, en l’occurrence Abdelkader Benallègue et Seghir Belounis ont droit à un «régime spécial». Ils sont conduits à la caserne de Sétif où ils subissent les pires sévices.
Les deux activistes sont torturés trois jours durant. Jugés et condamnés par les «forces de l’ombre», Benallègue et Belounis n’échappent pas au peloton d’exécution. Ils sont fusillés à Aïn Abassa, une localité située à plus de 20 km au sud de Amoucha. Le massacre ne s’arrête pas là. Laouchar Saïd, Kerouani Khoutir, Kerouani Belkacem et son frère Lakhdar, Issaoun Ali, Bouamama Amar, Laouchar Messaoud, Guenani Saïd quittent ce bas monde dans les prisons d’El Harrach, de Constantine et de Lambèse (Batna).
Ne se contentant pas de multiplier les massacres pour faire taire les voix osant réclamer le droit à une vie décente, la France des lumières fait pilonner et raser leurs taudis. Ainsi, 30 gîtes ont été incendiés à Ouled Fayed et 10 autres à Ouled Djaber. A Serfada, le pilonnage a soufflé 8 demeures. Le feu a calciné 15 maisons à Sidi Moussa et à Amoucha-Centre. De nombreuses familles doivent dès lors vivoter sans toit au-dessus de leurs têtes.
Nourrissons
Implanté entre les deux majestueuses montagnes de Babor et Tababort, le paisible hameau de Beni Bezez (daïra de Babor) situé plus de 50 km au nord de l’épicentre du massacre, n’échappe pas à une répression épouvantable, effectuée en «cachette». Smara Hocine, qui avait à l’époque 11 ans, survivant d’une tuerie qui a coûté la vie à toute sa famille, n’a rien oublié. Privé de l’amour d’une mère et de la douceur d’une sœur mutilées, il a transmis son témoignage à son fils, Amar, qui nous rapporte les paroles de cheikh Hocine : «Le 12 mai 1945, vers midi, deux convois militaires investissent Babor, le chef-lieu de commune.
Le premier s’installe au lieudit Bouaf. Sans perdre de temps, les blindés commencent à pilonner le village. Arrivant de Oued El Bared, le deuxième assiège notre hameau qui n’a fait de mal à personne. Accompagnés de trois collaborateurs, les militaires sont venus pour une mission bien précise, car avant d’envahir notre bourg, ils s’arrêtent à Lajouada (une mechta située à 5 km de Beni Bezez) où ils parquent tous ses habitants.
N’étant pas les cibles recherchées, les personnes appréhendées sont relâchées peu après. Venus pour terminer la besogne entamée à Aïn El Kebira où ils ont liquidé des membres de notre grande famille, les militaires, très bien informés, se dirigent directement chez Kaci Smara, qu’ils brûlent vif à l’intérieur de son taudis ; très malade, il n’avait pu suivre sa famille qui s’était réfugiée dans la montagne. La même sentence est appliquée à Smara Ahmed, mon oncle paternel, marié sans enfant.
Ayant vraisemblablement reçu des consignes strictes pour en finir définitivement avec les Smara, les militaires et leurs accompagnateurs, collaborateurs et miliciens, châtient atrocement Smara Lakhdar (frère d’Ahmed), son épouse Harad Rabia, leur fils Brahim et leur deuxième enfant, un nourrisson d’un jour qui n’a même pas été inscrit à l’état civil. Après avoir éliminé les deux enfants, les bourreaux se mettent aux trousses des parents. Déçus de n’avoir pas pu mettre la main sur mon père Smara Tahar qui s’est enfui vers la forêt, les tueurs brûlent vivante ma mère Bensayd Yamina et ma sœur Khadidja.
Profitant de l’épaisse fumée se dégageant du gourbi en flammes, mon petit frère Ahmed, qui avait à peine 5 ans, arrive à s’échapper. Choqué par le décès tragique et épouvantable de ma mère et de Khadidja, mon jeune frère, traumatisé, meurt une année après. Moi, qui avait à peine 11 ans, j’ai été touché d’une balle au bras gauche. Me croyant mort, nos bourreaux me laissent gisant dans une mare de sang. Avant de rejoindre mon père et les autres villageois, j’ai dû attendre une éternité dans un funeste décor.
L’odeur de la mort se répandait à travers les coins et recoins de la forêt et des montagnes de Babor. Se trouvant au mauvais endroit et au mauvais moment, deux enfants du bled, des Bouyahioui, ont subi le même sort. Par crainte de représailles, les gens du douar chargés de l’enterrement des victimes ont été contraints de le faire de nuit. La barbarie ne s’est pas arrêtée là, elle s’est étendue à notre poulailler, complètement décimé.»
Charniers
Les nouvelles se rapportant à la tragique émeute se répandent vite, mais la paisible bourgade d’Aïn Roua située entre Bougaâ et Sétif garde son calme et n’enregistre aucune action de sabotage ou d’homicide volontaire. La folie meurtrière s’empare pourtant des colons, qui infligent aux Algériens de nombreuses souffrances. Des faits gravissimes qui marquèrent profondément les consciences n’ont, hélas, jamais été portés à la connaissance du grand public.
L’agression d’un Italien à l’arme blanche est sévèrement réprimée, et à cause de cet acte isolé s’apparentant à un banal fait divers 33 personnes innocentes sont tuées, puis enterrées dans des fosses communes : «Avant d’entamer son épouvantable besogne, l’armée coloniale a rassemblé toute la population à Aïn Roua, le jeudi 10 mai. Les habitants qui n’avaient jamais vu de troupes sénégalaises étaient terrifiés. Les villageois qui allaient être exécutés n’envisageaient pas du tout un tel scénario, raconte cheikh Smaïl Ratteb. Des légionnaires avaient fait irruption dans notre taudis, fusils à la main, balle au canon. Ils nous ont poussés dehors, ma petite famille et moi, sans ménagement. Au bout d’une petite heure, la placette du village était bondée de monde. Ils ont arrêté tous les habitants, grands et petits, jeunes et vieux.
La rafle n’a épargné ni les malades, ni les femmes, elle s’est étendue jusqu’aux habitants des maisons isolées situées à quelques encablures du village. La perquisition des gourbis s’était avérée infructueuse. Aucune arme à feu n’est trouvée dans un douar où aucun crime n’a d’ailleurs été commis. Ils n’ont d’ailleurs mis la main sur aucun papier attestant que les suppliciés étaient des sympathisants ou militants du PPA ou des AML. Déçus, les légionnaires se livrèrent alors au pillage, emportant nos maigres vivres, des céréales et des bijoux en argent.
L’interrogatoire musclé d’hommes qui n’avaient rien fait durait des heures. Vexées et touchées dans leur dignité, nos femmes n’ont pas été épargnées par les tirailleurs sénégalais qui ont semé l’horreur dans un village paisible.» Cheikh Smaïl Ratteb poursuit : «Dans le but de terroriser davantage la population et la dissuader de tout acte de révolte, les détonations se mettaient à résonner.
Tebib et son épouse furent massacrés chez eux. Le même sort a été réservé à Ahmed Tayaâ et quatre autres personnes exécutés en cours de route : leurs bourreaux qui les conduisaient pour un prétendu jugement à Sétif les ont massacrés à Takouka, en contrebas du mont Megres. Les cinq fusillés reposent dans une autre fosse jouxtant la mosquée du hameau.
Mohamed Benimer et quatre autres citoyens de la localité ont été, quant à eux, liquidés à quelques encablures de notre village. L’horreur fut telle que j’ai été longtemps troublé. Je frissonne à la simple évocation de ce douloureux et sombre épisode. Je ne peux oublier le sacrifice de Cherif Guessoum, de Tebib Ali et Rabah, de Touati Derradji et Amar et bien d’autres victimes de l’injustice et de la cruauté.»
Mutilation
De son côté, Abdelkader Bourahla témoigne : «Saci Boughaba a été tué à l’intérieur de son magasin vers 14 heures, huit jours après le début de la répression. Il a été enterré au cimetière Sidi H’cen, à 8 km de Aïn Roua où les crimes avaient été accomplis par des colons encagoulés. Les frères Khebaba, Rabah et Embarek, qui allaient être exécutés, ont été sauvés par leur patron, un colon qui ne s’est pas joint à la milice. Mon oncle Rabah, dit Kouider, n’a pas eu cette chance, il a été affreusement mutilé. Les tortionnaires n’ont rien trouvé de mieux pour exprimer leur haine et leur mépris que d’enterrer un renard avec leurs victimes.
Un groupe de nos martyrs repose à huit mètres de profondeur, dans la fosse commune du douar Lahmar, à l’entrée est de Aïn Roua, qui a enregistré les pires exactions.» Saâd Benali-Lasladj prend le relais : «J’ai failli mourir à cause de mon déplacement au souk hebdomadaire. Pour le pouvoir colonial, les fellahs qui étaient présents ce jour-là à Sétif n’étaient ni plus ni moins que des sympathisants et des militants du PPA et des AML et il fallait à tout prix éliminer ces nationalistes, ces témoins encombrants.
La chasse était dès lors lancée. Je suis un miraculé. Je l’ai échappé belle face au plan des miliciens conduits par Fages, Arnold, Bunoz, Fiatta-Guimet et André Chaplon, les bourreaux de 28 Algériens exécutés à Kef Erand. Sans l’intervention de Dillot, le directeur de la mine, ces tortionnaires auraient commis un carnage. Le colon qui a sauvé la vie à deux gardiens de la mine, Saâd et Benzaoui Salah, un handicapé, a eu le courage de leur tenir tête, leur disant que ce n’était pas parce qu’ils étaient ‘‘indigènes’’ qu’il fallait les exécuter froidement.» *Kamel Beniaiche–El Watan-08.05.2015
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