Qui se souvient de Fernand Iveton

Qui se souvient de Fernand Iveton et d’autres?

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Assassinat de Maurice Audin : La vérité… en Marche !

*14 SEPTEMBRE 2018 / el watan / SAMIR GHEZLAOUI

La France reconnaît enfin sa responsabilité dans l’assassinat de Maurice Audin, mathématicien et militant indépendantiste algérien. Le président français, Emmanuel Macron, a rendu, hier, une déclaration publique où il affirme «au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté, ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile». C’était le 11 juin 1957.

Le locataire de l’Elysée, qui a tenu à faire lui-même ladite déclaration à la veuve et aux enfants Audin en se rendant personnellement à leur domicile familial dans la banlieue francilienne, admet dans le même document que la disparition et la mort du jeune membre du Parti communiste algérien (PCA) ont été l’œuvre d’«un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement : le système appelé ‘‘arrestation-détention’’ à l’époque même, qui autorise les forces de l’ordre à arrêter, détenir et interroger tout ‘‘suspect’’ dans l’objectif d’une lutte plus efficace contre l’adversaire.

Ce système s’est institué sur un fondement légal : les pouvoirs spéciaux». C’est cela qui définit en somme la responsabilité de la République française dans ce «crime d’Etat». Le texte dénonce un système qui «a favorisé les disparitions et permis la torture à des fins politiques».

Afin de faire éclater toute la vérité en ce qui concerne la mort de Maurice Audin – devenu, tout au long de ces soixante ans, le symbole de la lutte pour la justice et la vérité au profit des victimes de la torture et des disparitions forcées qui incombent à l’armée coloniale française –, le président Macron s’adresse directement aux témoins encore vivants, civils ou militaires, qui ont pu connaître les circonstances exactes de la mort d’Audin, en les appelant «à s’exprimer librement afin d’apporter leur témoignage et conforter ainsi la vérité».

Conscient et avouant que le cas Maurice Audin n’est pas un acte isolé, avec des «milliers» de disparitions pendant le conflit, Macron a exprimé le souhait que «toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la Guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens».

En plus de la pratique des disparitions forcées, qui est en soi un crime atroce, l’affaire Audin a surtout mis en lumière l’usage de la torture par l’armée coloniale contre les indépendantistes algériens, de l’aveu même du président français : «Certes, la torture n’a pas cessé d’être un crime au regard de la loi, mais elle s’est alors développée parce qu’elle restait impunie.

Et elle restait impunie parce qu’elle était conçue comme une arme contre le FLN, qui avait lancé l’insurrection en 1954, mais aussi contre ceux qui étaient vus comme ses alliés, militants et partisans de l’indépendance ; une arme considérée comme légitime dans cette guerre-là, en dépit de son illégalité.»

Reconnaître ces crimes d’Etat et œuvrer davantage pour dire toute la vérité sur le passé colonial de la France en Algérie en vont, d’après l’auteur, du «devoir de vérité qui incombe à la République française, laquelle, dans ce domaine comme dans d’autres, doit montrer la voie, car c’est par la vérité seule que la réconciliation est possible et il n’est pas de liberté, d’égalité et de fraternité sans exercice de vérité». Selon lui, «il importe que cette histoire soit connue, qu’elle soit regardée avec courage et lucidité.

Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtris, dont elle a bouleversé les destins, tant en Algérie qu’en France. Une reconnaissance ne guérira pas leurs maux. Il restera sans doute de l’irréparable en chacun, mais une reconnaissance doit pouvoir, symboliquement, délester ceux qui ploient encore sous le poids de ce passé».

C’est pourquoi, cette déclaration sert à relancer et à redynamiser le travail de mémoire et de vérité plutôt qu’à l’achever. «L’approfondissement de ce travail de vérité doit ouvrir la voie à une meilleure compréhension de notre passé, à une plus grande lucidité sur les blessures de notre histoire et à une volonté nouvelle de réconciliation des mémoires et des peuples français et algériens», conclut Emmanuel Macron.

Sa déclaration, qualifiée par certains observateurs médiatiques et universitaires d’historique, a été saluée par la famille Audin. Dans une réaction, publiée par le site Mediapart, celle-ci a souligné «l’immense portée politique et historique» d’une telle démarche. Josette Audin et ses enfants espèrent également que le corps de leur époux et père «sera recherché et pourra enfin recevoir une sépulture».

Quant à l’association Maurice Audin, elle a célébré dans un communiqué un «acte essentiel», tout en s’engageant à poursuivre son combat pour que tous ceux, français et algériens, qui furent comme Audin «torturés et assassinés, soient identifiés et reconnus et que leurs corps puissent être retrouvés».

Par ailleurs, elle a appelé l’ensemble des collectivités locales françaises à attribuer le nom de Maurice Audin aux rues, places et édifices publics afin de contribuer à ce que le «système de la terreur ne soit jamais reproduit».* el watan / SAMIR GHEZLAOUI /  14 SEPTEMBRE 2018 

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*Qui se souvient de Fernand Iveton ?

Fernand Iveton. Ce nom évoque-til quelque chose pour les Algériens ? Savent-ils qu’il fut le seul Européen condamné à mort puis exécuté comme membre du FLN algérien ? Et qu’on le guillotina, un certain matin de février, alors qu’il n’avait ni tué ni même blessé qui que ce soit. Faudra-t-il attendre l’an 2057 pour que le dossier Iveton soit accessible au public! L’affaire Fernand Iveton fait pourtant partie de notre histoire. Mais elle en est un des moments enfouis, dissimulés, oubliés. Dérangeants. C’est l’histoire d’un pied-noir qui déposa une bombe en novembre 1956 dans une usine à Alger, et qui fut arrêté le jour même, torturé, et exécuté trois mois plus tard. Son crime? Etre resté fidèle à ses frères algériens. Lorsqu’on est venu le chercher pour le conduire à la guillotine, la voix de Fernand a retenti par ces cris «Tahia El Djazaïr!» et ensuite il a déclaré «La vie d’un homme, la mienne, compte peu. Ce qui compte, c’est l’Algérie, son avenir. Et l’Algérie sera libre demain.» «L’Algérie libre vivra» sont les dernières paroles qu’il a prononcées avant que le couperet ne s’abatte sur son cou martyrisé juste après Mohamed Ounouri et Ahmed Lakhnache, le 11 février 1957 à 4 h 30 du matin. Fernand Iveton avait trente et un ans, ses deux codétenus, un peu plus de vingt ans. « Ils ont voulu sa mort et ils l’ont obtenue sans défaillance», écrivait ce jour-là Jean-Paul Sartre. «Les 300 condamnés à mort d’Algérie sont, pour la plupart, des otages que l’on veut fusiller », dénonçait l’écrivain et journaliste communiste Pierre Courtade. Exécuté pour l’exemple, Fernand Iveton était accusé d’avoir tenté, selon l’expression du ministre résident en Algérie, le socialiste Robert Lacoste, d’avoir voulu « faire sauter Alger ». Or, s’il a, certes, déposé une bombe dans les vestiaires de l’usine de gaz d’Alger, elle ne devait exploser qu’une fois les employés partis. Selon Jacqueline Guerroudj, qui lui a remis la bombe, Iveton avait exigé qu’elle ne fasse aucune victime civile. Il voulait des « explosions témoignages » pour faire avancer la cause de l’indépendance sans faire de victimes civiles. De ce fait, la bombe, de faible puissance, avait été réglée pour exploser le 14 novembre 1956 à 19 h 30. À cette heure, il n’y avait plus personne sur les lieux de travail, rapporte l’enquête. D’ailleurs, les artificiers l’avaient désamorcée vers 18 heures. Arrêté sur dénonciation, le 14 novembre 1956, Iveton est présenté devant le tribunal permanent des forces armées d’Alger dix jours après, le 24 novembre, rasé, sans moustache, le visage marqué par les coups. Le procès se déroula dans une atmosphère de haine. La presse coloniale titre « Iveton le dynamiteur ». Quand il fait son entrée dans le tribunal, des insultes fusent à son endroit, le public exige sa mort et ses avocats sont menacés. Le procès est expéditif : il est condamné à mort le jour même pour terrorisme. En vérité, son sort avait été réglé en France. Sur proposition du garde des Sceaux, François Mitterrand, le gouvernement socialiste de Guy Mollet avait décidé que l’examen des recours des militants du FLN serait accéléré et que ceux dont la grâce était refusée par le chef de l’État seraient exécutés au plus vite. Le 10 février 1957, son recours en grâce est rejeté par le président René Coty. Le lendemain matin, vers les quatre heures, des bruits de serrures et des vrombissements de moteurs, enveloppèrent la prison de Serkadji. Puis la rumeur dévala de la Casbah jusqu’au Front de Mer, à Belcourt, au Hamma. Les femmes ouvrirent les fenêtres sur la nuit inondée d’une lune cruelle. Les you-you de protestation, de haine, de douleur, n’avaient plus rien de gueulements humains : les rues désertes bruissaient de glapissements de hyènes. Certains des communistes qui se trouvaient à Alger cette nuit là risquèrent un timide signe de croix ; d’autres levèrent le poing en silence en direction du Gouvernement Général. À l’occasion du 52ème anniversaire de son exécution, une cérémonie de recueillement à la mémoire du militant de la cause nationale a eu lieu jeudi au cimetière chrétien de Bologhine. Cet événement a été organisé par plusieurs associations dont : l’Association des amis d’Alger républicain et l’Association Henri Maillot-Fernand Iveton, ainsi que le Mouvement démocrate et social (MDS).

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18 Juillet 2017

Le docteur Jean-Marie Larribère, un combattant à part entière pour l’indépendance

La société civile oranaise a appris avec beaucoup de satisfaction et de soulagement l’annulation de la débaptisation de la clinique Jean-Marie Larribère, rendant ainsi justice à la mémoire d’un combattant à part entière pour l’indépendance, et non un simple ami de la révolution, comme l’a qualifié un quotidien national, le 12 juillet 2017.

Ce qualificatif d’ « ami » est de plus en plus usité pour désigner les combattants et les martyrs algériens d’origine européenne. Le martyr Henri Maillot, n’a-t-il pas été qualifié «d’ami de l’Algérie» par l’APS lors du soixantième anniversaire de sa mort ? Ce déserteur de l’armée française, avec un camion chargé d’armes et de munitions, a écrit, après son acte de bravoure, à la presse française : «Je ne suis pas musulman, je considère l’Algérie comme ma patrie et avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils». 60 ans après son martyre, aucune rue ne porte son nom dans son propre pays. La tentative de débaptisation de la clinique J.M. Larribère suit de peu celle avortée, grâce à la mobilisation de la société civile, de la rue Fernand Yveton.

La question que l’on peut se poser devant ces actes est : y a-t-il d’un côté les combattants et martyrs algériens d’origine musulmane et de l’autre celles et ceux d’origine européenne ? Pourtant la répression des forces coloniales ne faisait pas une telle différence. Ces combattants, comme leurs frères et sœurs «musulmans» ont connu la guillotine (Fernand Yveton), les disparitions forcées (Maurice Audin), la condamnation à la peine capitale (Jacqueline Guerroudj).

Comme leurs sœurs et frères «musulmans» ils s’engageaient dans la lutte avec les mêmes risques, allant jusqu’au sacrifice suprême. Ils tomberont au champ d’honneur comme Henri Maillot, Maurice Laban, ou encore Raymonde Pechard. Ils rempliront, comme leurs sœurs et frères «musulmans», des actes héroïques à grands risques, comme Danielle Minne, en commettant l’attentat du 06 janvier 1957 à l’OTOMATIC d’Alger, alors qu’elle n’avait que 17 ans, ou encore Daniel Timsit, l’une des chevilles ouvrières du réseau des bombes lors de la bataille d’Alger.

Alors pourquoi l’on tente de les effacer de l’histoire de la révolution algérienne ? La cause remonte à bien avant le début de la guerre de libération, selon l’historien Mohammed Harbi, quand on a «légitimé le nationalisme par l’Islam». «L’identité algérienne a pris forme autour de la religion et de la langue arabe. Les critères d’appartenance nationale ne sont pas politiques, mais ethniques et religieux» (L’Algérie en perspective).

Ainsi, on inculque au peuple, dès le début de la révolution, la notion de «Djihad fi sabil Allah» (le combat pour Dieu). La scène relatée par madame Zohra Drif dans son livre «Une combattante de l’ALN dans la zone autonome d’Alger» illustre à elle seule cet état d’esprit. «Danielle Minne rejoint Djamila Bouhired, Hassiba Benbouali et Zohra Drif dans leur cache à la Casbah. C’est alors que la grand-mère de Djamila aura cette réflexion à haute voix : la pauvre Danielle est une moudjahida comme vous, mais n’ira pas au Paradis !».

Et pourtant, cela va à l’encontre des textes fondateurs de la révolution : «Cette guerre est une guerre d’indépendance et non une guerre de religions», ou encore «Constituante algérienne souveraine, sans distinction de race ou de religion». Le combattant de la bataille d’Alger, Daniel Timsit, écrira bien après l’indépendance : «Comme notre révolution est grande, nous y avons communié ensemble pour les mêmes aspirations…. Malheureusement, l’on a tourné le dos aux valeurs que proclamait le congrès de la Soummam».

L’historien René Gallissot écrit «Comme le colonialisme l’a voulu, le communautarisme est demeur黅«Les limites de la colonisation se situent au Maghreb dans la définition de la nationalité -citoyenneté sur le statut musulman. C’est là que la colonisation a fait son œuvre non défaite». (La colonisation au Maghreb).

Les combattants et les martyrs d’origine européenne de la guerre d’indépendance, comme beaucoup de sœurs et frères «musulmans», ont rêvé d’une Algérie algérienne plurielle.
Pour honorer leur mémoire, il faudrait qu’à chaque date anniversaire, qu’à chaque événement, on se remémore leur parcours combattant et le relater aux jeunes générations. C’est pourquoi, dans cette contribution, je retrace le parcours du docteur Jean-Marie Larribère.

La première fois que j’entendais son nom, c’est lorsque j’ai rejoint dans les années soixante le CHUO comme étudiant en médecine. La maternité d’Oran gardait encore les traces de sa présence, matérialisées par l’hygiène et la discipline et ce, trois ans après son départ définitif. Madame Bouziane (sage-femme), madame Boudinar (surveillante) et madame Messissi (anesthésiste) évoquaient son passage et le relataient avec beaucoup de déférence. A chacun de nos gestes de stagiaires, son exemple était cité. Dans un hôpital sans moyens humains et matériels, le docteur J.M. Larribère se dépensait sans compter par une présence quasi-permanente. Il s’ingéniait à trouver des solutions pour parer dans l’urgence à ce manque. On louait sa rigueur dans le travail et son souci de la perfection. Chaque consultation, chaque accouchement, étaient pour lui autant d’occasions de faire des recommandations aux patientes quant à la surveillance de la grossesse ou l’espacement des naissances, actions qu’il menait depuis trente ans selon les témoins sus-citées.

Madame Mehtar-Boudraa, qui a rejoint le CHUO en 1959 comme infirmière puis anesthésiste, avait fait de nombreuses gardes avec lui. Elle évoque à ce jour un homme affable, toujours volontaire, prenant très peu de repos pendant les gardes, passionné par son travail et l’avenir de l’Algérie. C’est par son frère, le professeur Boudraa, responsable de l’antenne médico-chirurgicale du FLN ALN, Tombouctou (Ville Nouvelle) qu’elle apprendra la participation aux soins du docteur Larribère pendant cette période.

C’est ainsi que j’ai commencé à tenter de reconstituer son parcours de militant

Le docteur Jean-Marie Larribère est né en 1892, de parents tous les deux instituteurs, dans un milieu très marqué à gauche et par les luttes sociales. C’est tout naturellement que, tout jeune, il s’engagea dans ces luttes. En 1949, il passa une année comme instituteur. Cette année, il prendra encore plus conscience des discriminations dont est victime la population algérienne. Il abandonne la carrière d’instituteur pour s’inscrire à la faculté de médecine d’Alger où il soutient sa thèse de doctorat pour la spécialité de gynéco-obstétrique en 1927.

Pendant la guerre d’indépendance du Rif dirigée par Abdelkrim (1924-1925) il est mobilisé comme médecin-lieutenant. Il refusera de faire cette guerre et c’est certainement de cette époque que dure son engagement pour «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes».

Son adhésion est d’abord sociale. Il fera de son appartement, dans un quartier populaire d’Oran, un cabinet d’accouchement où sa clientèle sera essentiellement une clientèle des couches sociales les plus défavorisées, tant pieds-noires qu’algériennes. C’est au début des années 40 qu’il édifie la clinique portant aujourd’hui son nom, au boulevard Front de Mer.

Cette clinique, avant le déclenchement de la révolution, jouera un rôle social important. Son activité sociale, le milieu dans lequel il évolue, le porteront tout naturellement à adhérer au communisme. En 1945, il est élu pour une brève période au conseil municipal d’Oran. Son activité militante débordante fera de lui, en 1953, le seul médecin à participer aux manifestations des dockers d’Oran qui avaient refusé de charger les bateaux à destination de l’Indochine.

Dès le déclenchement de la révolution, il y adhérera corps et âme. En 1956, il organise les secours aux prisonniers politiques et leurs familles, les abris clandestins, la collecte de médicaments. Quelques blessés sont soignés clandestinement dans sa clinique, mais surtout lors de ses prétendues visites à domicile pour le contrôle des grossesses, dans les quartiers populaires.

En 1957 il part à Alger pour se mettre à la disposition des maquis de l’ALN, en pleine bataille d’Alger. La cache qu’il devait rejoindre est investie par les parachutistes du général Massu. Il se replie à Oran pour continuer inlassablement son travail de militant.

Dès le début 1961, il est dans le collimateur de l’OAS. Les Ultras d’Oran l’appellent alors «le médecin du FLN». Le 24 avril 1962, il échappe miraculeusement à la mort, lors de la destruction de sa clinique par une charge de plastique. Peu de temps avant, il échappera aussi miraculeusement à un attentat de l’OAS, le pistolet du tireur s’étant enrayé. Après cet attentat au plastic, il se rendra pour un court séjour à Paris, avant de rejoindre Oran, mise à cette période à feu et à sang par l’OAS. Les blessés par l’OAS et les malades algériens ne peuvent plus se soigner au CHU, contrôlé par l’OAS, sans risque de se faire assassiner, comme cela a été le cas, en mars 1962, pour des infirmiers et des malades algériens. La zone autonome ALN/ FLN d’Oran, pour pallier cette situation sanitaire, ouvre dans les quartiers algériens des antennes médico-chirurgicales. Dans l’organigramme de ces services de santé ALN/FLN de la zone autonome d’Oran, donné par M. Mohammed Fréha dans le tome 2 de son livre «Du mouvement national à la guerre de libération à Oran», l’on note que le docteur Jean-Marie Larribère est responsable du secteur Victor Hugo – Petit Lac.

Monsieur Boudjorf, ancien anesthésiste au pavillon 10 du CHU d’Oran, a été infirmier au côté du docteur Larribère à cette époque. Il le décrit comme un homme avec un sens aigu de l’organisation, volontaire et qui avait beaucoup d’autorité pour se faire respecter pendant cette période trouble, par des hommes souvent armés.
Au début du mois de juin 1962, le responsable du service sanitaire de la zone autonome d’Oran, le docteur Nait Belkacem, réunit les médecins responsables de secteurs pour faire un point de la situation. Le professeur B. Boudraa, présent à cette réunion, m’a décrit la fougue avec laquelle le docteur Larribère voulait que l’on discute aussi de la future reprise en main du fonctionnement du CHUO dès le 1er juillet 1962, se projetant déjà dans l’avenir d’une Algérie indépendante.

Effectivement, ce 1er juillet 1962, une poignée de médecins algériens venant de l’ALN, relance l’activité du CHU. Il s’agit d’abord des docteur Boudraa, Taleb, Lazreg, Kandil, Mansouri, Benaï. Evidemment, le docteur Larribère les accompagne. Il sera désigné chef de service de gynéco-obstétrique à la Maternité. Toutes et tous ceux qui l’on connu à cette période témoignent de son activité débordante, faite d’une modernisation des soins, en introduisant la notion d’accouchement sans douleur, la lutte pour l’application d’un planning familial sans attendre, et la formation. Une sage-femme en formation en ces premières années de l’indépendance se souvient encore de ses accès de colère devant leurs fautes en leur assénant : «Nous, vos aînés, avons libéré le pays, à vous de vous battre pour son développement et ce, en étant performants dans vos secteurs d’activité».

Au début de l’année 1965, il est mis fin brutalement et arbitrairement à sa fonction de chef de service par le ministre de la Santé de l’époque. Pour certains, ce serait suite à un rapport sur la Maternité qu’il avait adressé, remettant en cause la compétence de gynécologues des pays de l’Est. Mais plus probablement, selon un anesthésiste qui a vécu cette époque, ce fut sur injonction de l’épouse d’un ministre qui voulait régner sur la Maternité et le planning familial sans partage.

A la suite de cette ingratitude, celui qui a tant donné à l’Algérie, son pays (il a fait don de sa clinique à la santé publique bien avant la nationalisation des cliniques privées), partira en France. En cette année 1965, il trouvera la mort en chutant d’une fenêtre. Deux pistes sont avancées : la chute accidentelle ou le suicide. Cependant, certains de ceux qui l’avaient connu pendant les années de feu, connaissant sa force de caractère, ne pouvaient accréditer la thèse du suicide. Ils évoquent l’hypothèse, peut-être, d’un assassinat par les réseaux de l’OAS en France, maquillé en accident.

En 2012, lors de journées scientifiques au CHUO, je donnais une conférence à la séance inaugurale sur l’histoire du CHUO depuis 1883 et, lors de la période post-indépendance. J’avais évoqué le docteur Jean-Marie Larribère. A la fin de la séance, je suis abordé par un groupe d’étudiants en médecine stagiaires au service d’endocrinologie, à la clinique qui porte son nom. C’était la première fois qu’ils apprenaient qui était le docteur Larribère ! A qui la faute ?

Source : Le Quotidien d’Oran / 18 Juillet 2017

*Publié par Saoudi Abdelaziz

Professeur de chirurgie et cancérologie CHU Oran

Oran. La clinique Larribère retrouve son nom. Photo DR

**Oran. La clinique Larribère 

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Un hommage rendu à la famille Larribère,  pour leur militantisme à la cause algérienne et l’indépendance nationale

Les membres du Civic  veulent exprimer leur total soutien à toute initiative qui réhabilite la mémoire des militants et militantes de la guerre de Libération nationale à travers l’hommage rendu par l’Afepec à Lucette Safia Larribère Hadj Ali, la militante algérienne de l’indépendance nationale, de la justice sociale, de la liberté, de la démocratie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’occasion du 3e anniversaire de son décès.

Ce moment crucial doit être l’occasion pour se remémorer les combats et le militantisme de la famille Larribère aux côtés de leurs frères et sœurs algériens pour l’indépendance du pays.

Pendant que ses filles Aline, Pauline, Suzanne et Lucette étaient traquées ou emprisonnées par le pouvoir colonial pour leur engagement en faveur de l’indépendance, le docteur Jean-Marie Larribère, gynécologue et propriétaire de la clinique dont il a fait don aux services de santé algériens, était connu par tous les Oranais en tant que militant progressiste qui soignait les Algériens les plus démunis. Après avoir été arrêté par les parachutistes français pour avoir essayé de rejoindre l’ALN en tant que médecin, il ne cessait d’organiser des réseaux clandestins où beaucoup de jeunes Oranais activaient, malgré les menaces de mort proférées à son encontre et la destruction de sa clinique par les ultras de l’OAS. Dans les moments les plus difficiles que les Oranais, privés des soins les plus élémentaires, avaient connus, il n’hésitait pas un seul instant à rejoindre le dispensaire Bendaoud érigé en hôpital par le FLN et se mettre au service de la population à laquelle il appartenait. A l’indépendance du pays, après avoir rejoint le GPRA à Rocher noir, il revient à Oran, où il dirigeât le service de la maternité du CHUO.

Le moudjahid Jean-Marie Larribère mérite toute l’attention et l’affection des Oranais et des Oranaises. Jean-Marie Larribère, au parcours exceptionnel, ne peut nous laisser indifférents, et afin de perpétuer son souvenir et celui de sa famille, le Civic d’Oran demande aux services en charge de la débaptisation des sites que soit apposée une plaque officielle commémorative au niveau de sa clinique, actuellement «clinique de diabétologie et d’endocrinologie», plus connue par les Oranais comme la clinique Larribère. Cette reconnaissance permettra de perpétuer la mémoire et le souvenir de ce grand militant et ainsi lui rendre un hommage à sa mesure.*algeriepatriotique./ 6 juin 2017

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Oran : Hommage aux Larribère, une famille anticolonialiste

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le 28.09.17 | 

Une très belle rencontre a eu lieu, mercredi 27 septembre 2017, au siège du journal El Joumhouria sur la famille Larribère, dont le père, Jean-Marie, et ses filles sont connus pour avoir pris fait et cause pour l’indépendance de l’Algérie.

Né en 1882, Jean-Marie Larribère, médecin, était à la tête d’une maternité à Oran. En sa qualité de militant communiste, il était celui qui a introduit en Algérie la méthode d’accouchement sans douleurs importée de l’Union soviétique. Son engagement sans faille pour l’indépendance de l’Algérie et sa solidarité avec les réseaux clandestins du Parti communiste algérien et du FLN lui ont valu des représailles de la part de l’OAS, qui a détruit, le 24 avril 1962, sa clinique.

«A travers Jean-Marie Larribère, c’est un hommage à tous les Algériens d’origine européenne qui ont combattu pour que vive l’Algérie indépendante», explique Bouziane Benachour, directeur du journal El Joumhouria. Benkhedda Sadek, chercheur associé au Crasc et ancien P/APC d’Oran, reviendra longuement sur le parcours de Jean-Marie Larribère et de ses 5 filles, toutes des militantes progressistes et anticolonialistes, qui ont été torturées et emprisonnées durant la Guerre de Libération.

«Il s’agit, dit-il, d’une famille entière au service de l’Algérie algérienne». Benkhedda Sadek parlera aussi d’un «microcosme» oranais «qui n’était pas du tout en retard avec la Révolution», pour ne pas dire à l’avant-garde. Jamila Hamitou, membre du collectif Larribère, initié par l’Afepec suite à la débaptisation de la clinique Larribère (voir nos précédentes éditions), parlera notamment de Lucette, l’une des filles de Jean-Marie, qui, en plus de son engagement pour la cause algérienne, militait aussi pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Elle faisait d’ailleurs partie de l’association Afepec et était mariée à Bachir Hadj Ali, poète et militant communiste algérien. Hamitou parlera également de l’affaire de la débaptisation de la clinique Larribère, qui a défrayé la chronique le mois de mai dernier. «Il fallait rendre justice à Larribère par devoir de mémoire. Suite à la débaptisation de la clinique, on a initié un mouvement.

Une pétition en ligne a récolté pas moins de 2000 signataires et, au final, nous avons obtenu gain de cause. Je suis heureuse aujourd’hui de vous annoncer que le 1er Novembre prochain, la clinique retrouvera la plaque de Larribère». Pour Dr Ahmed Abid, Larribère fait partie d’une communauté d’Européens qui ont sacrifié leur vie pour que vive l’Algérie indépendante. Enfin, pour Benamar Médiène, «on possède un potentiel historique extraordinaire, mais il faut prendre garde de ne pas le rendre fantôme».

Pour lui, la famille Larribère mérite qu’un roman historique lui soit dédié, tant la vie de chacun de ses membres s’apparentait à une saga. «Ils ont eu au cœur et au corps l’Algérie, dit-il, aussi, je voudrais que la ville soit reconnaissante envers ces héros. Voilà des personnes qui ont fait que notre histoire soit belle».     
**El Kébir Akram / jeudi 28 septembre 2017

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*5 juillet 1962

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310 réponses à “Qui se souvient de Fernand Iveton”

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